C. Quand la recherche plonge dans le numérique
p. 49-54
Texte intégral
1Plus encore que dans les bibliothèques publiques, le support papier a longtemps régné en maître dans les bibliothèques universitaires. Alors que bon nombre de bibliothèques publiques étaient depuis longtemps « médiathèques », la documentation audiovisuelle faisait une entrée timide dans les bibliothèques universitaires, principalement avec l’introduction de vidéocassettes dans les collections. La nouveauté du support a initié, en son temps, des réflexions nouvelles, tant dans les pratiques professionnelles que sur les services à rendre aux usagers.
2Mais ce sont les bibliographies informatisées dans les secteurs scientifiques, médicaux et juridiques qui ont opéré l’avancée la plus spectaculaire dans l’offre d’information pour la recherche universitaire.
1. Les cédéroms bibliographiques
3La recherche bibliographique en ligne (accès aux banques de données) fut la première des consultations électroniques. Elle passait, et passe toujours nécessairement par l’intermédiaire du bibliothécaire, pour une meilleure efficacité et un moindre coût de connexion. La relation du professionnel à l’usager se fait, le plus souvent, de la manière suivante : le lecteur prend rendez-vous avec le bibliothécaire qui, à l’issue d’une « interview », formule la question. Le bibliothécaire traduit la question en équation de recherche qui sert de base à la recherche en ligne. Les références bibliographiques repérées peuvent être obtenues en ligne ou en différé.
4Puis, l’introduction des cédéroms bibliographiques a véritablement transformé le fonctionnement des services de référence : la facilité d’utilisation de ces documents, leurs performances en matière de recherche (nombreux critères d’interrogation, réponses rapides) leur moindre coût comparativement à la recherche en ligne ; tout cela a amélioré l’offre documentaire et modifié les pratiques des professionnels.
5L’intégration de ces documents dans les bibliothèques a aussi rendu nécessaire des évaluations spécifiques, pour en permettre la gestion et la maîtrise : analyse des publics et de leurs besoins, estimation des coûts, évaluation des nombres de postes de consultation, aménagement de l’espace.
6Très rapidement, les cédéroms bibliographiques, d’abord installés en monoposte, eurent un énorme succès auprès des utilisateurs ; ce succès a révélé alors différents problèmes d’accès à l’information, propres à ce type de document : d’une part, les résultats obtenus étaient parfois médiocres à cause du manque d’expérience de l’utilisateur. D’autre part, on voyait se constituer de longues files d’attente devant les postes de recherche. On constatait aussi que le libre accès aux cédéroms bouleversait toutes les pratiques du bibliothécaire médiateur : s’agissant d’une recherche en ligne, il était facile de gérer le temps d’intervention – programmé – du bibliothécaire. Avec le libre accès aux cédéroms, une aide peut être sollicité à chaque instant.
7A part les étudiants de troisième cycle, qui sont motivés par la rédaction de leur thèse, les utilisateurs n’ont pas une pratique assez régulière de la recherche bibliographique pour être véritablement autonomes, et l’aide du bibliothécaire est constamment sollicitée. Pour favoriser une plus grande autonomie de l’utilisateur, certaines bibliothèques organisent, par petits groupes, des cours de bibliographie et de recherches documentaires à leur catalogue et aux principaux cédéroms mis à la disposition des étudiants.
8Il faut ajouter à cela que la connaissance des techniques d’interrogation et la connaissance du contenu de la base bibliographique sont deux choses différentes et que la maîtrise de l’une ne signifie pas la maîtrise de l’autre. Même si l’utilisateur a bien acquis les techniques d’interrogation de sa base, il a souvent besoin du bibliothécaire pour la maîtrise du contenu et du langage documentaire approprié à sa recherche. On rejoint ici le problème de la formulation de la demande, déjà évoqué à propos des recherches en ligne.
9Le bibliothécaire doit aussi fréquemment orienter l’utilisateur vers la base de recherche la mieux adaptée à ses besoins : en médecine, par exemple, l’utilisateur connaît essentiellement Medline, alors que cette base n’est pas forcément la plus performante pour sa recherche.
• Les cédéroms bibliographiques en réseau
10L’installation des cédéroms en réseau a beaucoup contribué à l’amélioration des services de recherche bibliographique. Tout d’abord, elle a apporté une solution aux problèmes de place, posés par l’accroissement des bases de données bibliographiques. En effet, les stations en monoposte ne pouvaient être multipliées dans un espace déjà restreint, où ils n’avaient pas été prévus.
11D’autre part, l’organisation des cédéroms en réseau favorise grandement leur utilisation, puisqu’il est alors possible de consulter simultanément, de plusieurs postes, un même cédérom, ou de consulter, à partir du même poste, plusieurs cédéroms. La possibilité d’implanter un réseau de cédéroms sur des sites distants facilite la gestion d’un service de recherche bibliographique lorsque la bibliothèque a des services éclatés – c’est le cas de la Bibliothèque de l’institut Pasteur dont les collections sont réparties dans plusieurs bâtiments.
12Si la recherche bibliographique sur cédérom offre à l’utilisateur de nombreux avantages par rapport à la recherche en ligne, cette dernière reste performante en matière d’actualisation de l’information : bien souvent, la recherche en ligne intervient de manière complémentaire dans le travail bibliographique de l’étudiant.
13L’acquisition de cédéroms génère certains coûts qu’il convient de ne pas négliger lors de la mise en place d’un service de consultation : le coût des licences d’utilisation (qui dépendent du nombre d’utilisateurs, du nombre de sites), des consommables (encre et papier pour l’impression). Si la simple consultation des cédéroms est gratuite, la bibliothèque peut choisir de tarifer les impressions (à la page ou à la référence). Concernant les licences d’utilisation, leur choix sont déterminés, d’une part, par les besoins et les comportements des usagers et, d’autre part, par la taille de la bibliothèque et l’organisation de ses services. Il faut penser aux licences site, elles peuvent être plus avantageuses que les licences réseau. Des licences multisites peuvent aussi être négociées dans le cas des bibliothèques universitaires réparties géographiquement.
14A l’usage, il peut apparaître que la répartition des postes initialement prévue nuit à la bonne marche du service : par exemple, à la BIUM, nous avons dû soustraire CD-Thèses du réseau et le dédier à un poste, car il était évident que cette base, par sa grande fréquence d’utilisation, monopolisait les postes et le temps de recherche du réseau.
2. Les cédéroms multimédias
15Alors que dans le domaine médical, les cédéroms multimédias sont depuis plusieurs années largement introduits dans les bibliothèques américaines et anglaises, ils ont fait une entrée discrète dans nos bibliothèques universitaires tout récemment. Une production française de qualité commence à s’imposer et laisse présager un bel avenir à ce secteur. On sait d’ores et déjà que ces cédéroms remplaceront les vidéocassettes. Le DVD (Digital Versatile Disc) avec ses deux représentants, le DVD-ROM et le DVD-Vidéo, rendra probablement obsolète les autres supports audiovisuels.
3. Les périodiques sous forme électronique
16Depuis peu, le domaine de l’édition de périodiques a été complètement bouleversé par l’apparition de la presse électronique. Cela ouvre de nouvelles possibilités d’accès au document primaire – avec Internet – qui auront certainement des répercussions importantes sur les services actuels de prêt entre bibliothèques : on récupère de plus en plus les documents électroniques directement des serveurs Web des éditeurs.
17Certains périodiques paraissent à la fois sous forme imprimée et sous forme électronique, d’autres paraissent uniquement sous forme électronique diffusée sur cédéroms ou par Internet. Cette avancée de la presse électronique est particulièrement importante chez les éditeurs scientifiques – en médecine notamment – : en octobre 1996, Elsevier proposait 1100 revues électroniques, Blackwell 125 (sur une production éditoriale de 200 titres), Academic Press 174 et Springer 180.
18De plus, une nouvelle tendance va encore fragiliser le monde de l’édition : les bases de documents de prépublications. Il s’agit d’organismes professionnels scientifiques qui regroupent les articles et les résultats de recherches avant leur publication. Ces bases, accessibles par Internet, comportent donc des informations plus récentes que celles retrouvées dans les produits – cédéroms ou services en ligne – offerts par les éditeurs commerciaux. Si ce phénomène s’accentue, et tout porte à le croire, les pratiques des bibliothécaires changeront à nouveau.
4. Quelle sera la bibliothèque de demain ?
19Comment prévoir la gestion de ces nouveaux supports dans les bibliothèques de l’an 2000 ? Le problème de l’aménagement de l’espace reste à définir : la plupart des bibliothèques sont composées de salles de lecture, certaines en libre accès, mais ont très peu d’espace dévolus aux nouveaux supports de l’information. Il faut le penser et l’imaginer sérieusement pour les années à venir.
20Par ailleurs, le périodique sur cédérom n’est peut-être qu’une étape intermédiaire en attendant l’implantation d’une forme de paiement normalisée sur Internet. Déjà certaines bases de données sont accessibles sous les deux formes. La bibliothèque ne sera-t-elle plus que virtuelle ? L’accès aux documents primaires passera-t-il toujours par la bibliothèque fournisseur de documents ?
21Toutes ces réflexions ont débouché sur la bibliothèque éditeur électronique de certains de ses produits. Il existe actuellement dans de nombreuses bibliothèques universitaires des produits à valeur ajoutée dont l’avenir sans nul doute passe par une exploitation sous une forme numérique. A la BIUM, des dossiers d’actualités sont à la disposition du public sous forme électronique et seront sous peu accessibles par Internet. Nous avons aussi le projet de création d’une banque d’images sur l’histoire de la médecine réalisée à partir d’illustrations d’ouvrages tombés dans le domaine public.
22La diversité de tous les accès à l’information va entraîner une aide encore plus grande à l’utilisateur. L’accès à Internet va devoir être préparé pour l’utilisateur. Toutes ces possibilités papier, forme électronique, audiovisuel, Internet ne pourront être appréhendées dans une vision globale de la bibliothèque par le lecteur. Aussi, le bibliothécaire en service public devra avoir à la fois une connaissance de plus en plus précise et de plus en plus large de toutes ces possibilités.
Auteur
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Pierrette Casseyre
Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine
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