1. La fonction de référence essai de définition

1A l’heure où les réseaux d’information prennent une dimension planétaire, il est utile de se poser une première question : qu’est-ce que la référence ?

2Tous les essais de définition de cette notion gravitent toujours autour d’une notion plus complexe : la fonction de référence. La définition française du mot référence souligne cette ambiguïté puisqu’elle est à la fois action, fonction et objet. Un essai de distinction de l’action / fonction d’une part, et de l’objet, d’autre part, lève beaucoup de ces ambiguïtés .

1.1. Fonction de référence dans un cadre de recherche d’information

3« Fonction de se situer par rapport à cette information dans le but d’accéder à celle-ci ». Cette action est associée à une notion d’immédiateté (cf. référence rapide anglo-saxonne), à une notion de renvoi ou de réorientation, à une notion de pratique et de pragmatique.

1.2. Objet / référence

« Tout outil qui permet d’assurer cette activité. »

4Si l’on pousse plus loin l’analyse de la fonction ainsi décrite au sein d’une bibliothèque, on s’aperçoit qu’elle est présente à tous les niveaux de mise à disposition de l’information et qu’elle peut être plus ou moins médiatisée. C’est la notion de médiation et de médiateur qui permet de distinguer vraiment la fonction, de l’outil de référence. Il est tout de même symptomatique que des professionnels de l’information trouvent nécessaire de réfléchir sur ce sujet maintenant. Est-ce justement parce que l’on découvre peu à peu que n’importe quel circuit d’information, même automatisé, ne peut pas fonctionner longtemps sans une certaine dose de médiation, bien pensée et bien adaptée ? La difficulté réside sans doute dans l’analyse de ce dosage. Jusqu’où faut-il aller ? La réponse varie selon la nature des circuits d’information, leur utilisation et leurs utilisateurs.

2. Analyse du rôle du médiateur

5Qu’est-ce que la médiation dans le cadre d’une recherche de référence ? C’est une intervention humaine qui consiste à mettre en contact l’utilisateur avec les outils de référence, à assumer la fonction d’outil de référence, à fabriquer des outils de référence. C’est une fonction pédagogique et un travail à part entière.

2.1. Mise en contact de l’utilisateur avec les outils de référence

6La connaissance et l’utilisation de ceux-ci font partie de la formation d’un bibliothécaire et d’un documentaliste. Il peut la transmettre à l’utilisateur de manière pratique, dans un cas concret.

2.2. Assumer la fonction d’outil de référence

7L’expérience professionnelle montre qu’une bonne analyse des demandes de référence des utilisateurs est un élément essentiel dans la médiation. Elle consiste souvent à tirer profit de ses connaissances personnelles et professionnelles pour renvoyer celui-ci vers la source documentaire appropriée. Il ne faut pas surestimer le volume de connaissances nécessaires pour assurer correctement cette fonction. La qualité de la relation réside plutôt dans la capacité d’analyse de la question par le médiateur.

2.3. Fabriquer des outils de référence

8C’est un objectif important, car il permet à un professionnel d’imaginer et de concevoir des objets originaux exactement adaptés à des demandes. Point n’est besoin de moyens considérables pour réaliser de vrais outils de référence. Un bon fichier d’adresses sur un domaine, une bibliographie sélective bien pensée sur un thème, une revue de presse succincte sur un dossier d’actualité, peuvent rendre des services réels à l’échelle d’un établissement ou d’une région.

9Cette activité s’inscrit d’ailleurs dans la continuité d’une réflexion sur la mise à disposition du principal outil de référence d’un organisme documentaire : son catalogue. L’objectif de toutes ces activités étant bien entendu, de faciliter l’accès aux informations pour les utilisateurs, non de le compliquer, et par voie de conséquence, d’accepter un certain effacement du médiateur. Ce n’est pas le moindre des paradoxes, et il n’est pas toujours bien perçu par les professionnels, qui craignent sans doute de se voir dépossédés d’une partie de leur rôle, mais être un bon médiateur de référence consiste aussi à créer des outils doués d’autonomie.

10C’est particulièrement nécessaire dans un contexte de masse. Plus les utilisateurs sont nombreux, plus les outils doivent être autonomes, et le rôle du professionnel qui les crée est d’autant plus important. Favoriser l’autonomie de l’utilisateur, c’est favoriser son activité et sa dynamique de travail, c’est favoriser l’interactivité et non pas la passivité. Les bons outils automatisés, par exemple certains CD-ROM, certains réseaux bien conçus, se passent de médiation en apparence, mais il ne faut pas se fier aux apparences..., et penser plutôt à l’invisible travail d’analyse et de mise au point qui a présidé à cette réalisation, et c’est là qu’une médiation bien pensée trouve tout son sens.

11Il faut se garder aussi d’être radical dans ses partis pris, dès que l’on touche à la question du médiateur et de la médiation, car l’outil automatisé ne remplace pas le contact direct avec un professionnel, ni l’inverse. Tout est affaire de dosage et d’analyse, une fois encore.

2.4. Une fonction pédagogique

12Il s’agit de mettre sur la voie, d’expliquer, de donner des pistes de travail, des fils conducteurs, de favoriser une assimilation, toutes attitudes qui consistent, sans se substituer à l’utilisateur, à le mettre en contact avec l’information. Il va sans dire que la relation humaine est un élément essentiel dans le contexte d’une médiation directe, quand le professionnel est face à l’utilisateur.

13C’est alors un travail à part entière que de traiter les unes après les autres ces demandes. Il requiert une disponibilité complète, sans possibilité de parasitage par d’autres activités. Un professionnel qui assure ce travail n’est pas une hôtesse d’accueil, il est beaucoup plus impliqué sur le plan relationnel et intellectuel. Le service de référence ne peut pas s’improviser. S’il veut être efficace, il doit reposer sur une équipe de professionnels formés à cette tâche et organisés pour l’assurer régulièrement.

2.5. L’immédiateté

14Plus large que l’idée de rapidité, la notion d’immédiateté implique une certaine dose de pragmatisme et exclut la performance. Il est vrai que l’utilisateur appréciera la célérité de la réponse dans tous les cas, mais une réponse bien adaptée est préférable à une réponse superficielle, parce que trop rapide.

15Une réponse bien adaptée est souvent le fruit d’une concertation. Assurer une bonne fonction de référence sur ces bases, c’est le travail d’une équipe, fut-elle restreinte. Deux personnes peuvent suffire. L’immédiateté impose aussi de bien mesurer les ratios de cette fonction. Où commence et où s’arrête-elle ?

3. La référence, jusqu’où ?

16C’est une question difficile à trancher. Elle relève du pragmatisme au quotidien.

173.1.11 faut avant tout resituer la bibliothèque ou le pôle documentaire au sein d’un environnement géographique et institutionnel, afin de bien cibler le service à rendre, sans empiéter sur les autres instances, et sans vouloir à tout prix combler les lacunes et les insuffisances des réseaux institutionnels ou associatifs.

183.2. Il est en effet nécessaire de maîtriser l’organisation d’un bon service de référence, sous peine d’être rapidement submergé par les demandes de tous ordres, sans pouvoir y répondre efficacement. Il faut impérativement définir un champ d’action et s’y tenir, pour préserver la qualité du service. La modestie des objectifs de départ n’est pas forcément bloquante pour l’avenir, au contraire, elle permet de bien cadrer cette activité et de la mettre en place sans heurt au sein d’une équipe de travail. Il sera toujours temps d’élargir un champ d’action, si les moyens sont donnés par la suite. Ces remarques sonnent comme des évidences. Elles sont pourtant toujours bonnes à formuler. C’est un domaine où la discrétion et l’efficacité, le service rendu en un mot, sont plus importants que l’étalage d’un service non rendu, faute d’une véritable prise en charge de la demande. Mieux vaut une fonction de référence effective dans un établissement, parce que réellement prise en charge par des professionnels dans des conditions clairement identifiables par l’utilisateur, qu’un service sensé assurer cette fonction, sans les moyens nécessaires pour le faire !

193.3. Maîtriser la fonction de référence, c’est aussi s’appuyer sur un bon système de réorientation. Ce point mérite qu’on s’y attarde quelque peu. La notion de renvoi ou de réorientation fait partie de la définition même de la référence. Encore faut-il réorienter à bon escient. Le premier objectif est d’acquérir les outils de réorientation : répertoires d’adresses divers, fiches techniques d’instances de formation ou d’orientation, etc. Là encore, mieux vaut cibler la réorientation sur un cadre géographique restreint, mais posséder des informations de première main, que de survoler imparfaitement le territoire national ou européen, puisqu’il existe des établissements dont c’est la vocation. Mieux vaut utiliser dans ce cas les paliers qu’ils représentent, dans la recherche de l’organisme ou de l’instance adéquate.

20Il faut revenir sur la notion d’informations de première main. Un fichier d’adresses de réorientation efficace se crée d’abord par de véritables contacts avec les organismes que l’on souhaite signaler : appels téléphoniques, visites et échanges de tous ordres. C’est le seul moyen de suivre leur évolution, d’en recenser les richesses et les limites, afin de satisfaire la demande de l’utilisateur.

21C’est un travail à part entière, de longue haleine, et qui prend toute sa dimension sur la durée. Il faut donc réfléchir aux moyens nécessaires pour le mener à bien et ajuster ses ambitions .

4. Identification des éléments nécessaires à la création d’une fonction de référence dans un établissement

4.1. Les moyens humains

22Les paragraphes précédents mettent suffisamment en relief le facteur humain pour qu’il figure en première place dans la réflexion sur la mise en place de cette fonction dans un établissement. Elle est coûteuse en forces de travail, il ne faut pas se le dissimuler, car il s’agit de médiation directe (localement ou par l’intermédiaire d’un réseau), réalisable seulement en temps réel : temps réel des plages horaires passées au contact du public, temps réel du dialogue avec des utilisateurs sur un réseau. C’est une activité qui ne peut s’associer avec d’autres. Le responsable doit donc organiser le temps de travail autour de cette médiation humaine, et non la considérer comme « la cerise sur le gâteau » d’une offre de service.

23Elle est aussi coûteuse en forces de travail en amont de la réalisation d’outils de référence, puisqu’il s’agit dans tous les cas de rendre un service réel et efficace. Il faut donc, avant toute chose, ajuster ses objectifs à l’évaluation des forces disponibles : nombre de personnes, qualification des personnels, plages horaires utilisables dans l’organisation des tâches.

24Il faut aussi prendre conscience du fait qu’une fonction de référence bien pensée dans un établissement est une instance douée d’une réelle dynamique interne, non seulement dans le contact direct avec l’utilisateur, mais aussi dans le suivi et la fabrication des outils de référence, les contacts avec les instances similaires, la réflexion sur l’évolution du service à rendre et une évaluation permanente du service effectivement rendu.

4.2. Les coûts de fonctionnement

25Proportionnellement, ils apparaissent moins lourds que les coûts humains. Les bons outils de référence ne sont pas forcément les plus chers, et une sélection bien faite est efficace dans la plupart des cas. Il est utile d’avoir à sa disposition un petit fonds de base spécialement attaché à la fonction pour des raisons pratiques, mais l’on doit bien sûr s’appuyer sur l’ensemble du fonds de référence de rétablissement.

26Le chapitre le plus important sera celui des télécommunications : contacts téléphoniques, accès ou travaux sur différents réseaux d’information, et a fortiori, fonctionnement par l’intermédiaire d’un réseau de télécommunications. Il faudra impérativement ajuster ces besoins aux ressources financières disponibles, sans négliger les partenariats si nécessaire.

4.3. Les partenariats

27Aussi bien pour les personnels que pour le fonctionnement, ils peuvent se révéler fructueux, à condition d’avoir bien analysé et évalué les complémentarités entre les établissements ou les entreprises, afin de ne pas se tromper d’objectif et de laisser à chacun son rôle spécifique. Il faudra aussi veiller à les inscrire dans une réelle dynamique d’équipe, ce qui n’est pas forcément le plus facile (horaires, disponibilités des partenaires, travail collectif et synthèses régulières).

4.4. Localisation et intégration

28Qu’il s’agisse d’un bureau public, d’un service, d’une ligne téléphonique, d’une adresse sur un réseau, l’utilisateur doit pouvoir identifier clairement cette instance, au milieu d’autres offres adjacentes. Localement, une signalétique adaptée est indispensable. Elle n’est pas suffisante. L’implantation de cette instance exige une réfléxion approfondie.

29L’intégration de la fonction de référence est une nécessité. L’expérience montre qu’une demande de référence débouche dans la plupart des cas sur une autre recherche, que l’utilisateur va prendre lui-même en charge le plus souvent. Son objectif pratique est de pouvoir poursuivre ce travail sur place, si c’est possible, afin de bénéficier des autres richesses documentaires présentes dans rétablissement, et de gagner du temps. Il faut lui ouvrir largement cette possibilité, en intégrant bien la fonction de référence au coeur des espaces de travail, afin de ne pas transformer le circuit de l’utilisateur en parcours du combattant. Ce principe étant posé, il faut ensuite chercher à adapter la géographie propre du lieu à cet impératif.

30Une véritable intégration est, on le voit, essentielle, dans un circuit local, mais aussi dans un réseau de télécommunications quel qu’il soit I Un service de référence à part entière doit bénéficier, s’il est téléphonique, d’une ligne dédiée au moins, d’une adresse et d’un nom repérable, en un mot d’une identité véritable. Il faut aussi prendre garde à bien choisir le réseau sur lequel on l’installera, s’il s’agit d’une messagerie par exemple. Un service « grand public » ne doit pas être abrité par un serveur plutôt orienté sur les services professionnels spécialisés. Ses coûts et ses modalités d’accès doivent aussi être définis dans cet esprit.

31Intégrer c’est aussi inscrire clairement cette prestation dans le temps : quelles plages horaires, combien de jours par semaine, quels délais d’accès, s’il s’agit de prestations à distance, etc.?

4.5. Publicité, promotion du service

32Faire connaître l’existence du service est ensuite un objectif à intégrer dans le cadre des prestations définies précédemment. Une fois encore, il faut ajuster ses ambitions aux moyens mis en oeuvre et trouver les relais qui seront vraiment utiles à la publicité de l’opération. Le bouche à oreille sur l’efficacité du service rendu est ensuite la meilleure des publicités.

5. Esquisse d’un panel des services de référence possibles

5.1. Le bureau de référence

33La difficulté n’est pas tant dans l’implantation de celui-ci que dans sa gestion réelle : constitution d’une équipe de travail, horaires d’ouverture, localisation pratique, et coordination effective de l’ensemble. Un bureau de ce type ne peut assurer référence directe et référence téléphonique simultanément s’il dispose d’un seul professionnel sur une plage horaire : il est impossible de gérer en même temps ces deux formules, à la satisfaction des deux types d’utilisateurs.

5.2. Le service de référence téléphonique

34Pour la quiétude des professionnels et des utilisateurs, il est préférable qu’il soit situé hors des espaces publics et accessible à partir d’une ligne dédiée, sur des horaires adaptés et publiés. C’est une prestation coûteuse en personnel et en télécommunications : il faut une équipe spécifique en relais, et c’est un travail à part entière, comme le sont le prêt des documents, l’accueil, et tous les travaux de contact avec le public. Il faut aussi définir au départ si la réponse sera transmise en direct, ou en différé à l’utilisateur (en le rappelant), et dans quels délais.

5.3. Le service de référence

35C’est une structure luxueuse que peu d’établissements peuvent mettre en place, faute de personnel suffisant, de disponibilités financières et d’espaces. Faut-il le déplorer ? Les chapitres précédents montrent que si la fonction est fondamentale dans une bibliothèque, elle peut exister sous bien des formes, dont certaines restent à inventer. C’est peut-être avec des partenariats bien pensés que de telles structures peuvent voir le jour localement, grâce à un partage des coûts humains et des coûts de fonctionnement.

5.4. Le service de référence par courrier

36Beaucoup de demandes arrivent par ce biais à une bibliothèque, et il serait utile de pouvoir les satisfaire. Les gérer par courrier ou par téléphone requiert du personnel disponible pour prendre en charge la réception du courrier, le traitement de la demande et le retour à l’utilisateur, quel que soit le support choisi.

5.5. Les messageries électroniques

37Un service question/réponse sur un réseau (minitel, Internet...) peut faire partie des offres possibles. C’est une prestation assez lourde, un service en temps réel, qui requiert au moins une personne par jour pour prendre en charge les questions, les traiter et les transmettre aux utilisateurs sur le réseau. En effet, il n’y a pas ou peu de réponses préétablies dans ce cas. C’est donc un investissement en personnel et en télécommunications, même si l’on peut limiter les coûts de gestion sur ce point, avec des lignes professionnelles ou des abonnements.

38Le grand intérêt de ces prestations réside dans leur champ d’action. Elles s’adressent particulièrement à des utilisateurs éloignés, et donnent à l’établissement un rayonnement accru, mais il faut savoir les maîtriser. Elles peuvent aussi être gérées en léger différé, ce qui est appréciable sur un plan d’organisation interne du travail.

39Ce ne sont pas des services « rentables », si l’on met en regard l’investissement en coûts de personnel, de télécommunications, et les recettes que représentent les connexions des utilisateurs, mais il est normal que des services publics les prennent en charge, s’ils le peuvent, afin que les réseaux ne deviennent pas le champ d’action exclusif des entreprises commerciales. Ce pourrait être l’objet d’une réflexion plus approfondie, au sein des bibliothèques, dans les prochaines années.