1La création et l’existence d’un service de référence dans une bibliothèque recouvrent des réalités et des conceptions totalement différentes. C’est pourquoi nous avons tenté de donner ici quelques pistes pouvant aider les bibliothécaires qui sont en charge d’un tel service, ou qui ont à créer un service de référence. Ces pistes, qui se veulent concrètes, ne nous autorisent pas à faire l’économie d’un certain nombre de définitions. En effet, qui dit « service de référence » entend, soit l’exploitation et la mise en valeur d’ouvrages de référence ou d’usuels au sens large, soit un service identifié de recherches bibliographiques, soit, enfin, un service de documentation spécialisée séparé du reste de la bibliothèque... Devant tant d’acceptions divergentes, mais qui ont bien entendu des points de convergence, nous avons choisi de réunir dans ce volume ce qui concerne la création et la gestion d’un service identifié, plutôt que de chercher à cerner tous les aspects de la fonction de référence, tout en gardant à l’esprit, toutefois, que celle-ci peut irriguer l’ensemble des fonctions d’une bibliothèque, quels que soient son statut, son niveau, son public.

2La mise en place d’un service de référence exige avant tout d’en définir l’objet, comme une fonction organisée de réponse personnalisée à une demande explicite d’information documentaire ou de documentation (la distinguant donc d’emblée d’une simple fonction d’accueil). Elle exige ensuite une méthodologie, qui peut concerner tout type de service de référence. Le but n’est pas, dans ce manuel, de faire une énumération détaillée de toutes les phases opératoires (le mémento en fin de volume en reprend les principales étapes), ni de faire uniquement un recueil d’expériences (des fiches synthétiques de quelques sites représentatifs permettront néanmoins de donner des illustrations concrètes et globales), mais de donner des éclairages sur les principales questions à se poser, sur les analyses à mener, sur le type d’organisation à trouver. Ces principes doivent pouvoir s’appliquer à tout type de bibliothèque (publique, universitaire ou spécialisée), même si en amont il est bon de réfléchir au type de public auquel on s’adresse, au type d’information délivrée qui en résulte et à l’usage qui est supposé en être fait. La notion des niveaux de la référence (référence bibliographique, renseignement direct, réorientation vers une autre source documentaire, etc.) reste donc sous-jacente.

3Ce panorama général, mais forcément partiel, éclaire quelques points forts de la méthodologie et de l’analyse. Le texte de Claire Stra situe la question dans une optique de définition. Service ou fonction de référence ? Elle essaie de montrer ce qui donnera corps à un service de référence, à savoir, pour l’essentiel, l’interaction entre l’usager et le prestataire, c’est-à-dire le rôle de médiateur que joue le bibliothécaire de référence. Cette démarche résolument « orientée-usager » doit s’appuyer sur une analyse préalable des moyens (financiers, humains, technologiques) et des différents types de service (service généraliste ou service spécialisé dans un domaine, par exemple).

4Une fois les définitions données, on rappellera que l’analyse des besoins des usagers est un préalable tout autant indispensable. Le chapitre de Pierrette Casseyre opère cette synthèse en montrant que, quel que soit le public ou le niveau de demande, il sera toujours nécessaire de s’appuyer sur un réseau de ressources, internes et externes : la bibliothèque bien sûr, mais aussi les réseaux -formels ou non- d’autres institutions, les réseaux documentaires constitués et les réseaux de compétences.

5Le service de référence, qu’il soit une unité à part entière de la bibliothèque ou une fonction transversale, qu’il s’appuie uniquement sur les ressources de la bibliothèque, ou qu’il s’ouvre aux ressources extérieures, doit bien être conçu comme une « valeur ajoutée » aux fonctions de base de la bibliothèque. Pour cela, sa mission doit s’appuyer sur des sources et des outils permettant de donner une réponse personnalisée à la demande. Le chapitre de Florence Muet montre comment la mission d’un service de référence consiste pour cela à utiliser un ensemble cohérent de sources documentaires internes (catalogues de la bibliothèque, collections, fonds d’ouvrages de référence, fonds propre du service de référence) et externes (références bibliographiques ou données factuelles issues de bases et banques de données, répertoires, annuaires, réseaux d’information, etc.). Mais l’exploitation de ces sources n’est pas toujours suffisante, et le rôle du service de référence est aussi de constituer des outils documentaires par un « retraitement » de l’information primaire. Les produits qui en sont issus pourront s’adresser à tous les publics (produits « standard ») ou bien constituer une offre adaptée à différentes catégories d’usagers (produits plus personnalisés). Le même chapitre montre comment constituer une panoplie de produits documentaires (fiches, dossiers documentaires, dossiers de presse, etc.), les tester et les rendre opérationnels.

6Le service de référence ne fonctionne que si son organisation générale a fait l’objet d’une mise en place méthodique, sachant que les situations locales peuvent être aussi diverses qu’inégales. Le but sera néanmoins de montrer, comme le fait Alain Girard, la manière d’installer, organiser et gérer un service de référence, en insistant sur la définition des missions du service au sein d’une organisation donnée, sur la planification des moyens et sur la création ou l’utilisation des espaces (y compris l’équipement mobilier, informatique et technique). S’y ajoute l’analyse des coûts du service et de la tarification à appliquer aux différentes prestations. Les ressources humaines et la formation du personnel sont des éléments transversaux à prendre en compte et à objectiver : les niveaux de compétence du personnel sont toujours à mettre en relation avec une définition préalable de formation continue nécessaire ou possible, et avec le degré de motivation. Le bibliothécaire d’un service de référence ayant pour mission de guider, orienter, gérer et traiter l’information (information la plupart du temps spécialisée, alors que lui-même n’est pas spécialiste), peut, à tout niveau de compétence, « faire beaucoup avec peu », à condition qu’il ait une bonne connaissance des circuits, des ressources et de l’organisation de son propre service.

7Compte tenu des moyens mis en oeuvre, des résultats attendus ou effectifs, de la panoplie documentaire et technique mise en place, a-t-on des critères d’évaluation fiables pour mesurer la qualité, l’efficience d’un service de référence ? Jean-Philippe Lamy montre comment il est possible d’utiliser des outils pour évaluer le fonds de référence, le service rendu (du renseignement à la fourniture des documents), et le rôle du personnel, par rapport à un cadre institutionnel donné et à la formation proposée, initiale et continue.

8« La boîte à outils » s’adresse, rappelons-le, aux bibliothécaires disposant, dans un établissement de moyenne taille, d’un ou deux agents effectués au service de référence. Ceux-ci n’y sont pas nécessairement occupés à temps plein. On constate que dans la plupart des bibliothèques françaises, contrairement aux Etats-Unis (« reference librarian »), il est rare de trouver des postes exclusivement consacrés aux renseignements de l’usager ou à la recherche documentaire. Aussi ne s’agissait-il pas de prendre comme modèle les services de référence de grandes bibliothèques très structurées. De même, par souci de synthèse, les éléments fournis ici insistent surtout sur les principes méthodologiques, sans détailler les éléments qui peuvent devenir très vite obsolètes. C’est volontairement que nous n’avons donc pas donné d’éléments précis de titres, de documents, de coûts ou de systèmes. En revanche, nous avons tenu, dans l’ensemble des contributions, à guider le lecteur par les éléments prescriptifs suivants :

• distinguer les différents niveaux possibles de prestations ;
• s’appuyer sur un réseau de ressources externes et éviter l’isolement ;
• s’appuyer sur toutes les ressources de la bibliothèque (documentaires, techniques et humaines) ;
• prendre en considération le rôle de médiation du personnel plus que la richesse des collections ou des moyens ;
• évaluer de façon continue les besoins du public et l’usage qui sera fait de l’information délivrée.

9La fonction de référence doit être démythifiée auprès de ceux qui en ont la charge : le service de référence doit être conçu et vécu comme un « plus » de la bibliothèque, y compris dans une très petite unité. Tout acte de référence répondant rapidement à une demande précise ajoute une qualité essentielle au service et en fait sa spécificité.

10 Dans un ordre plus chronologique et opérationnel que conceptuel, le mémento en fin de volume reprend les étapes à suivre pour la création et la gestion d’un service de référence.