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Figures de bibliothécaires

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Isabelle Antonutti

Figures de bibliothécaires

RICHTER, Noë et RICHTER, Brigitte

RICHTER, Noë (Paris, 22 octobre 1922 – Saint-Aubin le Vertueux, 27 février 2017) et RICHTER, Brigitte (Charlieu, 11 janvier 1943 – Le Mans, 8 décembre 1991)

Jean-Yves Mollier

Full text

Directeur de la BM de Mulhouse, de l’ENSB puis de la BU du Mans de 1975 à 1987, il consacre la deuxième partie de sa vie à l’histoire des institutions de lecture et à celle des bibliothèques. Au Mans, il épouse Brigitte Letellier, directrice de la BCP de la Sarthe de 1968 à 1984 puis de la BM du Mans, mais aussi poète, romancière pour la jeunesse et conteuse.

© Collection particulière

1Les très bons résultats de Noë Richter en primaire à la communale de l'île Saint-Louis lui ouvrent les portes du Lycée Charlemagne. Il est aussi scout chez les Éclaireurs israélites. Lors de l’exode, il traverse la France à vélo avec son frère jusqu’à Marseille. Après son retour à Paris, il continue ses études de lettres classiques à la Sorbonne, qu'il interrompt pour se faire bûcheron dans les chantiers de la Jeunesse française. En 1942, il traverse clandestinement la ligne de démarcation pour gagner la Maison de Moissac qui accueille depuis 1939 des enfants juifs réfugiés et orphelins. Il y sera moniteur et, en 1943 il sera envoyé au maquis pour échapper au STO. Il participe aux combats contre la division Das Reich au moment de la libération d'Egletons (août 1944). Après la Libération, il regagne Paris où il ne lui reste qu'un frère et un grand-père. Il travaille à la bibliothèque de l'Alliance israélite universelle et réussit son DES de Lettres. Après l'obtention de son DTB en 1950, il est nommé bibliothécaire en chef de la ville de Mulhouse. Il améliore le service qui propose plusieurs bibliothèques enfantines, une section étude, une musicale, une autre consacrée aux estampes, ainsi qu’un service de lecture publique. En 1966, sept bibliothécaires, quatorze agents, six relieurs et un conservateur y travaillent. Il profite aussi de ce long séjour dans l’Est de la France (21 ans) pour rassembler de nombreux livres et documents en rapport avec l’histoire locale ; il s’intéresse aux précurseurs de la lecture publique, l’abbé Grégoire et le pasteur Jean-Frédéric Oberlin au XVIIIsiècle, les industriels mulhousiens Koechlin-Dollfuss ainsi que Jean Macé au XIXe, et il fouille les fonds d’archives pour retracer l’histoire méconnue des bibliothèques populaires. Ses recherches ne l’empêchent pas de militer pour la modernisation des bibliothèques. Il crée et anime le « Groupe des Sept », où : « quelques têtes pensantes sans autre ambition professionnelle que le travail bien fait ont décidé de se réunir en un colloque privé pour étudier les problèmes posés par la situation actuelle des bibliothèques » (lettre du 20 décembre 1965). Michel Bouvy, Louis Desgraves, René Fillet, Henri-Jean Martin, Albert Ronsin, Marguerite Untersteller et Pierre Vaillant travaillent de concert et ces réflexions sont utilisées par René Fillet dans le Comité interministériel, lancé par Georges Pompidou, et aussi aux Assises nationales des bibliothèques de juillet 1968. Noë Richter préside l’ABF de 1970 à 1972 ; il est élu sur un programme qui propose l’autonomie aux sections et groupes pour que l'association adopte une forme fédérative rassemblant d’autres organisations professionnelles et s’investisse plus au niveau national. Finalement, ce projet est rejeté. Face aux difficultés, Richter en arrive à écrire une lettre de démission en octobre 1970 mais il termine quand même son mandat.

2Appelé à diriger l’ENSB en 1971, année à la fin de laquelle il est nommé chevalier de l’Ordre national du Mérite, il découvre les exigences d’une gestion administrative qui l’empêche de se consacrer à ce qu’il préfère, l’enseignement. Il travaille au transfert de l’ENSB à Villeurbanne, décidé pendant son mandat de directeur. Lui qui a participé activement aux projets de réformes des institutions de lecture pendant les événements de mai-juin 1968, il est enthousiaste à l’idée que l’on pourrait profiter du climat favorable au changement pour modifier en profondeur la vie des bibliothèques, mais va vite déchanter.

L'ENSB.

© Enssib

3En désaccord avec le projet de campus, qu'il juge surdimensionné, de La Doua à Villeurbanne, il quitte la direction de l’ENSB en 1974, et, après quelques semaines de réflexion, accepte la direction de la BU du Mans, une jeune université autonome où tout semble possible, où aucune tradition ne vient entraver les initiatives. Il va donner la mesure de son talent, publier ses premiers livres, des cours ronéotés au départ, l’édition professionnelle étant très limitée et les candidats aux CAFB manquant de manuels.

4Il rencontre la directrice de la BCP de la Sarthe, Brigitte Letellier, qui lui fait prendre la mesure de l’importance de l’apprentissage de la lecture chez les jeunes enfants. Il divorce de sa première femme et épouse Brigitte Letellier en 1974. Engagée comme conteuse, dans le sillage de ce qui se fait à la Joie par les livres et à l’Heure Joyeuse au même moment, romancière et poète, elle publie, en 1976, un Précis de bibliothéconomie plusieurs fois réédité, tandis que Noë Richter fait paraître la première version de son Histoire de la lecture publique en 1977. Entre 1976 et 1987, ils publient 34 titres. Peu après avoir été nommée chevalier de l’Ordre du Mérite, Brigitte Richter devient en 1984 directrice de la BM du Mans, où elle instaure la classification par centres d’intérêt. Désormais unis par une même foi dans la mission qui est celle du bibliothécaire, quels que soient son grade et sa place dans la structure où il travaille, Brigitte et Noë Richter partagent leur temps entre direction d’une grande institution de lecture publique et écriture d’articles, de livres, de romans, ou d’un journal pour Brigitte Richter.

5Profondément affecté par le décès de son épouse en 1991, quatre ans après le début de sa retraite, Noë Richter anime alors l’association des « Amis de Brigitte Richter » qui publie ses œuvres poétiques et son journal. Il se consacre à son œuvre d’historien de la lecture. De 1997 à 2009, il publie vingt-deux volumes de sa revue, Matériaux pour l’histoire de la lecture et de ses institutions, imprimés par son ami Edmond Thomas, le fondateur des Éditions Plein Chant à Bassac, en Charente, mais publiés sous les auspices de la Société d’histoire de la lecture qu’il a fondée à Bernay, où il s’est retiré. Doté d’un humour malicieux, il ne déteste pas les titres ambigus, tel celui du volume 14 consacré aux « réseaux échangistes », ou celui de la dernière édition de son Introduction à l’histoire de la lecture publique, publié comme aux meilleurs temps de l’Ancien Régime, « aux dépens de l’auteur, À l’enseigne de la Queue du chat », à Bernay dans l’Eure. Noë Richter est sans doute l’un des bibliothécaires les plus atypiques du XXsiècle. Dans son journal, quelques mois avant sa mort, Brigitte Richter évoque ainsi leur couple dans le milieu professionnel : « Toi et moi y sommes mal vus, nous sentons le soufre et cela fait plutôt plaisir. Cette capacité que nous avons apparemment d’inventer autre chose au milieu de la tradition la plus frileuse nous fait passer pour des provocateurs assoiffés d’ambition. Il y a bien là de quoi s’esclaffer : nos idées sont à nous ! » (Extrait du journal de Brigitte Richter, le 18 mai 1991).

ISNI Brigitte Richter-Letellier

0000 0001 0888 8567

ISNI Noë Richter

0000 0003 8554 8325

Sources primaires et bibliographie

List of illustrations

Credits © Collection particulière
URL http://books.openedition.org/pressesenssib/docannexe/image/13342/img-1.jpg
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Caption L'ENSB.
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