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Chapitre 2. Marqueurs architecturaux
p. 39-146
Texte intégral
1Dans cette première partie de la typologie, il sera question des monuments funéraires à propos desquels il est possible de parler d’architecture ; ils constituent les marqueurs les plus imposants. En Italie du Sud, et particulièrement à Tarente, cette architecture se caractérise par sa variété. La tradition architecturale est soumise à deux courants distincts, voire opposés. D’un côté, des codifications sociales et culturelles fortes limitent la fantaisie des artisans ; elles permettent aux marqueurs de faire sens aussi bien pour les proches que pour les étrangers de passage auprès de la tombe : modèles architecturaux, répertoire limité d’objets symboliques et iconographie codifiée. De l’autre côté, financer ce type de monument, c’est vouloir marquer les esprits, on pourrait même dire dans certains cas que l’édifice a des composantes héroïsantes1 : cela passe par le type de marqueur, ses dimensions, son originalité et son coût. L’architecture funéraire n’est pas soumise à des contraintes rationnelles ou techniques fortes, notamment dans le cas des tombes rupestres ou hypogéiques, les possibilités sont donc plus grandes que pour des édifices se devant d’être fonctionnels.
2Durant la période qui nous intéresse, le goût du spectaculaire semble s’épanouir davantage hors de Grèce continentale – qui pourtant sert souvent de référent dans de nombreuses études –, où des textes législatifs ont pu le limiter, à Athènes par exemple2. Les lois évoquant la question des marqueurs sont rares dans l’Occident grec. Il est en outre envisagé par certains que les lois de Démétrios de Phalère à Athènes en 317 av. n. è. aient limité le marché athénien et provoqué le départ de certains artisans, notamment pour Tarente, amenant les modèles attiques avec eux3. Ce double constat amène peut-être la Grande Grèce, notamment Tarente, à se distinguer des autres régions grecques par la variété et les moyens mis en œuvre dans le domaine funéraire : les naiskoi du corpus l’illustrent bien, par leur richesse ornementale proche parfois du programme architectural d’un temple (plafonds à caissons, acrotères, statues, métopes figurées…).
3Suivant la classification adoptée par M.-C. Hellmann4, légèrement réformée pour mieux correspondre au corpus, cette section dédiée aux monuments funéraires architecturaux se divise en cinq catégories principales : tumuli, naiskoi, hypogées à façade avec accès depuis le sol, tombes rupestres de Naples, colonnes et piliers. D’autres types plus rares, tels que les epitymbia, sont également abordés. Les monuments funéraires architecturaux nous sont la plupart du temps parvenus détruits et incomplets. Leurs vestiges sont souvent amalgamés à d’autres, phénomène survenu lors de leur destruction, leur remploi ou leur ensevelissement, par superposition dès l’Antiquité, lors des fouilles ou encore en raison de l’histoire mouvementée des collections. Dans ces conditions, comment savoir, lorsque l’on trouve une colonne ou un chapiteau, s’il s’agit d’un fragment de naiskos ou d’un marqueur à part entière ? Il n’est que rarement possible de répondre à cette question, comme le montre notamment le développement consacré aux colonnes funéraires. Il faut de plus prendre en compte le fait qu’à Tarente l’architecture souterraine est très développée et que de nombreux fragments en sont issus, comme cela est supposé dès 1940 pour expliquer la forme d’une partie de ceux découverts via Vaccarella5. Les statues étant pour la plupart intégrées dans la section des naiskoi du catalogue, il est impossible de savoir dans quels cas elles étaient partie intégrante d’un édifice, hypothèse que le contexte de découverte permet généralement de retenir. La documentation iconographique montre néanmoins que si des statues étaient disposées dans les naiskoi, d’autres pouvaient se dresser hors d’un édifice, sur une base.
Les tumuli
4La nature architectonique et les matériaux qui constituent les tumuli facilitent a priori leur repérage et ont pour conséquence leur découverte in situ. Les contraintes de leur étude archéologique favorisent leur connaissance puisque leur démontage a inévitablement été une étape importante de la fouille en termes de temps et de travail. L’analyse de leur structure est donc plus évidente que celle d’autres marqueurs, notamment les objets-marqueurs et les naiskoi. Leur repérage et leur recensement se heurtent néanmoins à des difficultés. En raison de leur sensibilité à l’érosion et aux destructions anthropiques – agriculture, utilisation des nécropoles comme carrières, pillage –, rares sont ceux qui nous sont parvenus en bon état de conservation. Il est particulièrement complexe de repérer les tumuli constitués de la seule terre extraite de la fosse funéraire puisqu’ils devaient généralement être peu volumineux et que seule une différence de consistance les distingue du terrain naturel6. C’est encore plus difficile lorsque le contenant des restes déposés (urne, cercueil…) s’est effondré sous le poids du tumulus, car la terre du tertre a alors envahi l’espace jusqu’ici clos et vide. Bien qu’il soit en théorie possible de détecter une interface entre la terre constituant le volume du tumulus et les couches ayant ultérieurement recouvert les nécropoles7, les attestations publiées sont rares (pensons notamment à Pithécusses et Crotone8). Ceci explique que la plupart du temps ce sont des tumuli plus complexes qui ont été mis en évidence, en particulier ceux auxquels des matériaux – terre, pierres, fragments de tuiles et de briques – ont été ajoutés afin d’en accroître le volume et la solidité ou ceux qui ont été consolidés ou rehaussés par des structures internes ou externes (cercle de pierres, murs, sarcophage). Ces paramètres rendent le dénombrement des tumuli incertain, les plus simples d’entre eux n’ont sans doute pas été identifiés, et font que les données sur les dimensions sont généralement lacunaires.
5C’est à la fin du xixe siècle que l’histoire de la recherche moderne sur les tumuli de l’Italie du Sud commence, et ce dans une certaine effervescence avec la publication, dans les Notizie degli scavi di Antichità de 1879, d’un article relatant les fouilles de F. S. Cavallari au Timpone Grande et d’une carte de la région de Thourioi dont la réalisation est commentée par ses auteurs9. Cette carte ne mentionne pas moins de quarante tumuli alignés avec les quatre que l’on connaît aujourd’hui, et qui furent explorés alors : le Timpone Grande, le Timpone Piccolo, le Timpone Palladino et un autre, en si mauvais état qu’aucune donnée archéologique n’en a été alors tirée. L’intérêt de la communauté scientifique se focalise sur cet ensemble en raison de la présence de lamelles orphiques dans le Timpone Grande, qui suscitèrent des passions dès leur découverte. Mais l’intérêt de la publication ne se limite pas à ces lamelles : loin d’éventrer les tombes pour en extraire le contenu, F. S. Cavallari relate avec précision la recherche de tumuli dans la région, porte une grande attention à la stratigraphie lors de la fouille du Timpone Grande, fournit de nombreuses données, des dessins et des plans10. Les investigations sont cependant limitées puisque, faute de temps et d’argent, seuls quatre tumuli font l’objet d’une fouille. Le Timpone Grande avait notamment attiré l’attention du fouilleur par sa forme régulière qui contrastait légèrement avec les buttes naturelles visibles dans la plaine de Sybaris.
6Il faut attendre avril 1932 pour que la recherche soit reprise : U. Zanotti Bianco se rend sur le site pour vérifier l’existence de la série de tumuli mentionnée en 1879, mais il se heurte à la surveillance de la police fasciste. Les aléas politiques, administratifs, puis la guerre le contraignent à mettre ses notes de côté jusqu’à la reprise des fouilles de Sybaris à la fin des années 1950. Ses résultats ne sont publiés qu’en 1960 dans les Atti e memorie della Società Magna Grecia11 et ils sont essentiels : les quarante tumuli de Thourioi ne sont que des amas de sables sculptés et régularisés par les hommes et les éléments naturels au point de passer pour des structures anthropiques. Par chance, les quatre véritables tumuli avaient été détectés et explorés avant que la zone n’ait eu le temps d’intéresser d’éventuels pillards. La fouille du Timpone Grande par F. S. Cavallari, la seule documentée encore aujourd’hui pour un tumulus monumental dans notre cadre, s’avère indispensable pour notre analyse de ce type de marqueurs.
7Bien qu’ils soient au moins en partie hors de notre cadre chronologique, deux ensembles tumulaires doivent ici être mentionnés en raison de l’importance de leur fouille dans l’histoire de la recherche. Il s’agit de la grande nécropole de Macchiabate à Francavilla Marittima, en fonction du viiie au vie siècle av. n. è.12, et de l’ensemble tumulaire de Pithécusses, bien connu grâce aux publications très complètes, notamment celle de V. Nizzo en 200713, qui n’aborde cependant que très peu les périodes postérieures au ve siècle. La connaissance des tumuli des ve-iiie siècles qui nous concernent est donc limitée.
Les données philologiques, archéologiques et iconographiques
8Les sources textuelles grecques et latines emploient respectivement les termes τύμβος et tumulus pour désigner la butte funéraire qui recouvre une tombe14. Les deux termes impliquent la présence d’un élément bien visible dans le paysage qui permet de repérer une tombe, l’idée de marqueur en est donc indissociable dès l’Antiquité15. Le sens plus restreint du latin tumulus correspond cependant mieux au concept de marqueur tel que nous l’utilisons. Au demeurant, c’est lui qui est employé dans les publications scientifiques internationales, en particulier dans les travaux français.
9Monticule artificiel engendré par un amas de terre, de pierres et de matériaux divers (fragments de briques, de céramiques), généralement de forme circulaire, un tumulus peut couvrir une ou plusieurs sépultures. Il est choisi par ses commanditaires indépendamment des pratiques funéraires qu’ils suivent : on le trouve dans des sociétés qui pratiquent l’inhumation aussi bien que l’incinération ; en Italie méridionale, du ve au iiie siècle av. n. è., on identifie parfois les deux pratiques sur un même site, comme à Thourioi.
10La définition philologique, architectonique et archéologique du tumulus le désigne comme le plus minimal des marqueurs funéraires : la simple action de combler la fosse dans laquelle le corps, le cercueil ou l’urne a été déposé avec la terre précédemment excavée crée inévitablement une butte16. Son élévation est d’autant plus importante que la structure souterraine est volumineuse : cercueil, tombe à caisson ou à chambre, etc.
11S’agissant de la documentation iconographique, elle présente des caractéristiques assez paradoxales : en Italie méridionale, les représentations de tumuli sont rares et se rencontrent presque exclusivement dans la peinture de vase de l’aire apulienne17, la zone dans laquelle les fouilles archéologiques en attestent le moins pour notre période, ce qui peut éventuellement être un indicateur des lacunes de l’archéologie de terrain. Elles sont schématiques et difficiles à identifier : sur le modèle attique, les peintres représentent en effet des tumuli aux formes régulières : la butte de terre est soit très arrondie, soit ovoïde (fig. 5, fig. 8 : remarquer le rappel visuel que constitue la frise à oves supérieure). Il est difficile d’établir un lien entre ces représentations idéalisées et les vestiges archéologiques. On peut émettre l’hypothèse que les peintres ne figurent que des tombes particulièrement soignées, récemment mises en place et qui n’ont pas subi les dommages du temps ; il est évident aussi qu’il s’agit là de la façon la plus élémentaire et prosaïque de représenter un monticule de terre étant donné les limites imposées par la technique de la peinture sur vase18.
Fig. 5. Amphore apulienne attribuée au peintre de l’Ilioupersis (2e quart du ive siècle av. n. è.).

Museo Archeologico Nazionale di Napoli, inv. 82138. Pagenstecher 1912, tav. XIIIa.
12La question du lien entre les représentations portées par le matériel découvert dans les tombes et leurs occupants reste sans réponse. Il est envisageable que les vases comportant des scènes se déroulant autour d’un tumulus aient été destinés à être déposés dans des tombes marquées d’un tumulus, mais l’état très lacunaire des données contextuelles empêche de développer ce point pourtant capital. Une autre hypothèse peut être avancée : la représentation peinte d’un marqueur de prestige – et dans le cas des tumuli, ce n’est jamais un simple tas de terre qui est mis en scène – pourrait venir en complément du marqueur mis en place sur la tombe, voire s’y substituer. Comme nous y reviendrons à leur propos, on sait par ailleurs que de nombreuses représentations de naiskoi ne sont pas issues de tombes signalées par ce type de marqueur.
Distribution chronologique et géographique
13Les tumuli paraissent avoir été moins prisés en Italie du Sud que dans d’autres régions de Méditerranée. Ils constituent néanmoins le type de marqueur le plus ancien qui y ait été inventorié. La majorité d’entre eux est antérieure au ve siècle av. n. è.19 : les plus anciens, à Lavello dans les Pouilles et à Francavilla Marittima en Calabre20, ont ainsi été datés du ixe siècle av. n. è. Celui qui couvrait l’héroon de Poseidonia, nous y reviendrons, est quant à lui édifié à la fin de la période archaïque, vers 520-510 av. n. è. Durant la période qui nous concerne, entre le ve et le iiie siècle av. n. è., vingt-cinq cas sont recensés en prenant en compte ceux de Pithécusses qui sont peut-être légèrement antérieurs (fig. 6)21.
Fig. 6. Répartition des tumuli en Italie méridionale du ve au iiie siècle av. n. è.

Carte de l’auteur (CC BY-SA 4.0).
14En Calabre, les deux tumuli de la nécropole de la Scala, utilisée du ve au iiie siècle av. n. è., côtoient d’autres systèmes de signalement des tombes (naiskoi, cercles de pierres)22. À Crotone quatre tumuli sont datés entre le ve et la fin du ive siècle av. n. è., mais leur définition architectonique pose un problème23. Il semble que les archéologues aient réussi à mettre en évidence la butte de terre couvrant logiquement toute tombe lorsque l’on rebouche la fosse après y avoir installé le corps et le matériel ; faut-il assimiler ces tertres de terre à des tumuli ou considérer qu’il s’agit d’un autre type ? Selon moi, le résultat étant identique, une butte couvrant une tombe et en marquant l’emplacement dans le paysage, il faut y voir une même volonté et une même typologie. À Thourioi, les deux timponi les plus célèbres sont éloignés de 260 m ; ils abritent quatre sépultures du ive siècle av. n. è. et sont entourés de nombreuses autres sépultures24. Il s’agit des deux plus grands exemplaires de notre corpus et probablement des plus riches connus. Ils sont célèbres pour les lamelles orphiques découvertes en 187925.
15La nécropole de Pithécusses, à Ischia, au large de Naples, compte quatorze exemples dont la chronologie est haute. Les tumuli les plus anciens sont constitués d’amas de pierres ; les plus récents, à partir du ve siècle avant n. è., se distinguent par la présence de terre dans la structure.
16Dans les Pouilles, le tumulus de Vaste est utilisé du début du ve siècle à la fin du iiie siècle av. n. è. ; il s’agit de la plus longue durée d’utilisation mise en évidence26. Celui de Gravina, élevé à la fin du iiie siècle av. n. è., est le plus récent du corpus27. Il recouvre une tombe qui présente une double originalité : un caractère hypogéique et un cippe placé au centre de la structure artificielle. Les deux tumuli les plus récents du corpus se retrouvent donc en contexte indigène (Messapie et Peucétie), et non grec, et présentent des particularités : la durée d’utilisation d’une part, le cippe et l’hypogée de l’autre.
Typologie des tumuli d’Italie méridionale du ve au iiie siècle av. n. è.
17Les dimensions et les formes des tumuli recensés présentent des variantes importantes. Certains sont de plan circulaire, le plus simple à mettre en place de manière pérenne. D’autres sont de forme ovale, ce qui peut évoquer le caractère allongé d’une fosse sépulcrale de laquelle a pu dériver cette configuration elliptique. Le choix de cette forme vise peut-être à limiter l’emprise au sol, elle est aussi la plus à même de s’intégrer dans un canevas de marqueurs préexistant. À Pithécusses, où l’on observe les tumuli non monumentaux les plus imposants, le diamètre des cercles de pierres ou des lentilles de terre peut atteindre 3,50 m pour un tumulus rond. Le tumulus elliptique le plus ample mesure de 1,30 m à 2,30 m de largeur. Dans un cas, le tumulus est entouré d’une enceinte de pierres dont la forme est quadrangulaire28.
18Dans la séquence chronologique de notre étude, hormis à Thourioi où les tombes sont exceptionnelles à plus d’un titre, il n’existe pas de tumuli véritablement monumentaux. Aucune structure interne pour maintenir la terre n’a été mise en évidence (nous reviendrons ci-dessous sur le cas de Poseidonia)29. Il s’agit plutôt de petits tertres élevés en utilisant probablement la terre décaissée pour la tombe ou provenant de zones proches, secondairement des fragments de briques, de tuiles ou de céramique. Le critère de sélection du matériau est plus sûrement la proximité de la source que sa qualité. Ces tumuli se distinguent donc nettement des tumuli étrusques taillés dans le sol ou construits avec des blocs de pierre taillée. Quant à leurs dimensions, elles semblent d’abord dépendre du temps et de la surface utilisés pour leur édification. Comme le souligne V. Nizzo pour la période archaïque, matériaux et dimensions ne peuvent être considérés comme des indicateurs suffisants pour identifier le statut du défunt30.
19Parce qu’ils sont les seuls que l’on puisse qualifier de monumentaux et que leur dossier est exceptionnellement riche, les tumuli de Thourioi appellent une présentation spécifique. Ils se distinguent des autres par leurs dimensions, leur volume, leur situation en périphérie d’une vaste nécropole éloignée de la cité, malheureusement non documentée, et le type des dépositions qu’ils couvrent. Environ quarante monticules sont identifiés, certains sont des tumuli, d’autres sont des formations naturelles, sur une bande de 8 km de longueur. Quatre tumuli ont été fouillés entre 1879 et 189931. Le premier, le timpone piccolo, est une tombe collective qui devait mesurer 5 m de haut et atteindre un diamètre de 16 m. Les strates supérieures abritaient quatre inhumations privées de matériel, orientées vers l’est, ainsi que les restes probables d’une ou plusieurs incinérations. Les fouilleurs ont ensuite dégagé une strate noire contenant deux inhumations. Ils ont mis en évidence que le tumulus en couvrait un autre, plus ancien, incorporant lui-même un petit tumulus. Chacun de ces tumuli antérieurs abritait une tombe à ciste en pierre contenant des squelettes partiellement brûlés (semi-crémation) et trois lamelles d’or orphiques. Une autre inhumation semble avoir été identifiée dans l’un des deux tumuli. Les données disponibles, notamment à propos des fragments de céramique mis en évidence dans la terre des tumuli, suggèrent que le Timpone Piccolo a fini d’être édifié au cours du ive siècle av. n. è.32. Nous ne disposons pas d’informations quant à la relation qu’entretenaient les individus des premiers tumuli et ceux inhumés, sans mobilier, dans celui qui les a recouverts : certains font l’hypothèse d’un lien familial ou clanique, d’autres religieux33.
20Pour le Timpone Grande (fig. 7), nous disposons, grâce à l’attention précoce que F. S. Cavallari porte à la stratigraphie, de toute la séquence stratigraphique : dix-huit couches ont été identifiées.
Fig. 7. Coupe stratigraphique du Timpone Grande réalisée par F. Cavallari.

Les strates sont numérotées de 1 à 18 ; on distingue au centre de la structure la forme du sarcophage en pierre, parfaitement centré (1. Terre végétale ; 2. Couche de charbon de 50 cm d’épaisseur, avec des fragments de vases figurés à figures rouges ; 3. Couche de terre ; 4. Couche de petits galets appelés « Bricci » ; 5. Couche de terre ; 6. Couche d’argile de 60 cm d’épaisseur ; 7. Charbon et fragments de vase figuré du ve siècle av. n. è. ; 8. Couche de terre ; 9. Couche d’argile ; 10. Couche de terre ; 11. Couche d’argile ; 12. Couche de terre ; 13. Couche d’argile et de charbon ; 14. Couche de terre avec tessons ; 15. Couche de terre et de charbon ; 16. Tombe ; 17. Couche de terre ; 18. Couche de graviers).
Fiorelli 1879, pl. VI. N° 10.
21Cette séquence est reportée en légende d’une coupe du tumulus permettant de situer chaque strate numérotée. Sa lecture n’est malheureusement pas évidente dans ses détails ; on peut supposer que la couche no 17 est la terre retrouvée à l’intérieur du sarcophage et que la couche de graviers no 18 est ce que Cavallari a considéré comme le substrat naturel. La construction du tumulus à proprement parler aurait donc été menée en au moins quinze étapes. On peut supposer que l’érosion a fait disparaître une ou plusieurs couches supérieures, voire une ornementation. La composition de ce tumulus en fait un unicum, les autres exemplaires de notre corpus ont visiblement tous été établis en une seule étape, il n’y a pas de stratigraphie interne. Malgré sa taille, 28 m de diamètre et 8 m de haut, le Timpone Grande semble ne contenir qu’une déposition (une semi-crémation recouverte d’un linceul de lin parfaitement conservé lors de la découverte), placée dans un cercueil de bois lui-même déposé dans un sarcophage de pierre. L’individu était accompagné de deux coffrets en bois, d’un stylet déposé sur son torse et de plaques d’or sur son crâne, peut-être les vestiges d’une couronne, ainsi que de deux lamelles d’or orphiques. Le matériel céramique, aujourd’hui perdu, semble dater le tumulus au ve siècle av. n. è.34. Le Timpone 4 était lui aussi une tombe collective. Déjà pillé lors des fouilles, le Timpone Paladino n’a pas été véritablement fouillé. On sait seulement qu’il contenait lui-aussi au moins un sarcophage de pierre en son centre et qu’il devait lui aussi être daté du ve siècle av. n. è. D’autres tombes sont mentionnées par les fouilleurs alentour, sans précisions35. Notons que malgré leur caractère indéniablement monumental, les tumuli de Thourioi ne sont pas comparables aux autres édifices du même type découverts par ailleurs dans le monde grec qui présentent généralement au moins une semelle en pierre et, dans les cas les plus élaborés, des structures externes et internes en blocs appareillés36.
22L’emplacement des tombes sous les tumuli dépend de leurs dimensions. Elles sont généralement placées au centre des tumuli, ce qui va de pair avec leurs dimensions relativement modestes, il s’agit la plupart du temps de tombes à fosse ou à caisson en pierre, même pour les cas antérieurs au ve siècle av. n. è. Dans les tumuli monumentaux antiques, les tombes n’étaient généralement pas centrées afin que le poids de la terre accumulée ne pèse pas dangereusement sur leur couverture37, mais comme on l’observe à Thourioi avec le Timpone Grande, cette règle n’est pas systématiquement appliquée, la tombe étant, selon la documentation de 1879, parfaitement centrée38. Les commanditaires et constructeurs n’avaient peut-être pas l’expérience et le recul nécessaires de ce point de vue. Concernant le Timpone Piccolo, comme nous l’avons vu, les fouilleurs proposent d’y voir un ensemble de tumuli ayant au fil du temps fusionné, malheureusement ils ne nous ont pas laissé de plan ou d’indications permettant de savoir si une tombe était plus centrale que les autres39.
23À Pithécusses, les tumuli se superposent, constituant un amoncellement complexe, certaines tombes venant de plus se loger dans le volume de tumuli plus anciens. À Vaste40 aussi, certaines tombes sont implantées dans le volume de tumuli existants et la question de leur signalisation reste en suspens : pouvait-on les repérer facilement ou se fondaient-elles dans la masse, le marqueur réunissant d’une certaine façon tous les morts signalés ? À Thourioi, les multiples dépositions retrouvées dans les tumuli posent question : chacune bénéficiait-elle d’un marqueur spécifique placé sur le tumulus ? La documentation archéologique ne permet malheureusement pas de répondre. À Roccagloriosa, un tumulus est a priori situé dans un enclos funéraire avec lequel il ne semble pas avoir de lien architectonique41. Ce type d’installation, qui n’a pas été observé ailleurs dans notre corpus, dénote une emprise au sol plus forte que dans les autres cas et fait penser à un espace bien marqué socialement dans lequel on pourrait voir une concession funéraire réservée avant même la mise en place du tumulus.
24Les tumuli de notre corpus couvrent aussi bien des inhumations que des crémations. Ces dernières sont plus nombreuses, mais, à l’exception de la semi-crémation de Thourioi, elles caractérisent le seul site de Pithécusses où elles sont nettement privilégiées42. La part des crémations semble être en légère hausse entre le ve et le ive siècle av. n. è. Il est délicat de tirer des conclusions générales des proportions étant donné le caractère lacunaire des données et le nombre réduit d’occurrences (tableau 1).
Tableau 1. Répartition des dépositions sous tumulus, du ve au iiie siècle av. n. è, par âge et sexe des individus.

Marqueurs complémentaires
25Le tumulus est un marqueur en soi. Son association avec d’autres marqueurs, que l’on pourrait qualifier de « complémentaires », est néanmoins attestée par l’archéologie, la littérature et l’iconographie. La présence d’un cercle de pierres autour du tertre de terre est ainsi attestée dans dix cas à Pithécusses43. L’état de conservation de ces cercles est variable : s’il en reste parfois l’intégralité, il est plus fréquent de n’en observer qu’une portion, voire de n’en détecter que quelques fragments. Il semble que ces cercles n’aient en moyenne qu’environ trente centimètres de hauteur. Sans fonction architecturale ni architectonique, ils ne contribuent pas à une monumentalisation significative de la structure, leur présence ne visant qu’à signaler le pourtour du tumulus. Ils confèrent pourtant à la sépulture un faste supplémentaire qui la distingue de celles qui l’entourent44. La limite qu’ils marquent assigne au défunt une portion de terrain et définit sa nouvelle résidence, participant peut-être d’un dispositif symbolique le renvoyant hors du monde des vivants, les rites funéraires ayant en partie pour office de séparer, une dimension des marqueurs de tombe qui sera plus largement abordée lors du développement consacré à leurs fonctions générales. Peut-être doit-on voir dans les blocs retrouvés au centre de certains tumuli45 des cippes rudimentaires sur le modèle de celui de Gravina di Puglia, en contexte peucétien, où un cippe couronne le tumulus d’une tombe à hypogée46. À Roccagloriosa, en Lucanie, nous l’avons vu, une enceinte de petits blocs de calcaire ouverte vers le sud encadre probablement un tumulus47.
26La peinture de vase apulienne révèle elle aussi l’existence d’autres marqueurs complémentaires dont la nature explique la disparition. Certains tumuli sont ainsi couronnés de vases (fig. 5) ou précédés d’une colonne les dépassant en hauteur (fig. 8), particulièrement dans l’iconographie du ive siècle av. n. è.48. Une stèle apparaît devant un monticule, qui doit lui aussi être un tumulus, sur une hydrie lucanienne49. Dans la mesure où elles sont fiables, les représentations figurées montrent que les tumuli pouvaient faire partie d’un système de signalement des tombes plus complexe que ce que l’archéologie permet de connaître, toute une série d’objets venant orner le tumulus : bandelettes votives, couronnes de laurier et vases pour les éléments les plus récurrents50. Ces éléments secondaires ont peut-être pour certains la fonction de signaler la présence de plusieurs tombes sous un même tumulus. Ces éléments éphémères ou pérennes montrent également le caractère sacré de l’édifice.
Fig. 8. Hydrie apulienne attribuée au Mound Painter (360-350 av. n. è.).

Londres, British Museum, inv. 1866,0415.67/F19 : https://www.britishmuseum.org/collection/object/G_1866-0415-67. Photographie de Jastow, domaine public : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Hydria_offerings_BM_F19.jpg
Les défunts : genre, culture, place sociale
27Le tumulus est, avec les façades des hypogées, le seul type de marqueur de notre corpus pour lequel l’archéologie a pu mettre en évidence le lien avec les tombes et les défunts de façon systématique (mis à part dans le cas des fouilles anciennes de Thourioi). Ce n’est pas pour autant que des informations précises ont été recueillies. Pour les vingt-sept dépositions recensées, l’âge de seulement cinq individus a été déterminé : il s’agit d’un jeune adulte, de trois adultes et d’un vieillard. Les données concernant le sexe sont tout aussi rares : sept sont des hommes, cinq des femmes.
28À Pithécusses, la typologie des marqueurs est clairement dominée par le type tumulaire, ici un critère traditionnel vient s’ajouter aux autres facteurs de choix qui seront détaillés ci-après. En effet, les tumuli y sont utilisés sans presque aucune discontinuité dès le viiie siècle. V. Nizzo recense ainsi cent dix-sept crémations, toutes sous tumulus, sur l’ensemble de la chronologie de la nécropole, certains des tumuli couvrant en plus d’une ou plusieurs crémations une ou des inhumations en fosse. Certains tumuli presque contemporains se superposent, manifestement intentionnellement51. Dans le cas de tumuli du ve siècle couvrant des tumuli bien antérieurs, il serait imprudent de vouloir identifier un geste délibéré et volontaire52. Alors que les tumuli concernent majoritairement des crémations, le rite de l’inhumation est par ailleurs largement prédominant, avec trois cent quarante-deux cas sur six cent dix-neuf. Les tombes à enchytrismos, attribuables à des enfants et à des individus immatures, sont au nombre de cent cinquante-sept.
29On peut parler pour cette nécropole très singulière d’un conservatisme très poussé. Le site n’est plus occupé pendant plusieurs années au début du corinthien moyen, la population émigrant totalement à la suite d’événements sismiques pour ne revenir qu’à la période tardo-archaïque53. L’organisation de l’espace montre un phénomène d’agrégation autour des tombes prestigieuses, marquées par les plus grands tumuli, traduction d’une société particulièrement hiérarchisée54. En effet, les tumuli se superposent, les tombes et leurs marqueurs venant s’agréger aux monuments funéraires antérieurs les plus visibles par leur taille et leur ornementation ou à ceux du nucleus familial. V. Nizzo envisage deux possibilités : soit un contact est recherché avec des tombes plus anciennes, soit, au contraire, on a souhaité n’en établir aucun avec les structures précédentes considérées comme étrangères55. Le résultat est un amoncellement à l’apparence anarchique de tumuli et d’autres marqueurs autour desquels la circulation devait être complexe. Pour V. Nizzo, les différences de dimensions entre les tumuli et leur répartition illustrent des rapports hiérarchiques, même s’il constate une amplification des lentilles de terre au fil du temps, alors que la place dans la nécropole est de plus en plus restreinte56. Il convient de rester prudent et de ne pas vouloir systématiquement identifier le statut des défunts au travers des matériaux et des dimensions des tumuli57. La fréquence des incinérations sous tumuli étant bien plus stable que celle des inhumations, cette situation plaide en faveur de l’identification des individus incinérés avec les membres de la classe dirigeante, le ceto egemone, dont le nombre reste logiquement constant malgré les variations de la population ; cependant, ce type de marqueur valorisé et valorisant a pu être adopté par d’autres strates de la société souhaitant un marqueur proche de ceux de l’élite locale. Étant donné le constat établi concernant la constance du nombre de tumuli, on peut toutefois penser que des règles existaient et que les tumuli étaient réservés à une partie de la population ou interdits à d’autres, et donc qu’il s’agirait d’un phénomène marginal. Les superpositions ne concernent pas seulement des incinérations. Le cas du tumulus 443 est très intéressant : au ve siècle il vient marquer une tombe à crémation (9158) superposée à une tombe à crémation plus ancienne (242), puis, au cours du même siècle, il est recouvert par une tombe à enchytrismos (86) et une tombe à incinération (87)59. Viennent ensuite trois autres tombes, deux du ve siècle (88 et 89) et une hellénistique (90). Les superpositions sont intentionnelles dans presque tous les cas (pour 91, 86-87, 88, 89 et 90). Il existe donc une attraction certaine dans ce cas : est-elle due à la personnalité enterrée (tombe à crémation 91) ou au prestige du marqueur ? Dans un cas, un phénomène de clientélisme, familial ou autre, a conduit les vivants à réunir les défunts dans un espace relativement réduit auprès de la tombe 91, dans l’autre il s’agit d’agréger, voire d’insérer, sa tombe au cœur d’un monument funéraire préexistant afin de bénéficier du marqueur et de s’en attribuer les significations, ce qui concerne plus probablement la tombe d’époque hellénistique.
30À Thourioi, nous avons également affaire à un ensemble cohérent de marqueurs, correspondant à une population partageant des conceptions eschatologiques communes. L’ancienneté de la découverte et l’absence de plans de la fouille empêchent aujourd’hui de reconstituer la séquence chronologique et de savoir quel tumulus fut édifié en premier. Si l’on suit un raisonnement basé sur la stratigraphie et les fragments de vases retrouvés dans les différents tumuli de la nécropole, l’ensemble aurait été édifié au cours d’une période relativement réduite dans le temps, entre la deuxième moitié du ive siècle et le ve siècle av. n. è. Comme l’a souligné A. Bottini, nous avons ici affaire à des tombes particulières, celles d’individus initiés à des cultes orphiques ou dionysiaques : les lamelles d’or de Thourioi contiennent des prières et des indications pour permettre à l’âme du défunt d’accéder au royaume de Perséphone60, et le chercheur relie par ailleurs la pratique de la semi-incinération à un rituel d’apothéose imitant une mort par la foudre61. Pour G. Zuchtriegel, les sépultures de la seconde moitié du ve siècle av. n. è. sont probablement celles de figures importantes de la phase de fondation de Thourioi62. W. Burkert a même envisagé d’identifier l’occupant du Timpone Grande comme étant l’oikiste Lampon, lié aux rites éleusiniens et au pythagorisme63. Cette théorie n’est plus aujourd’hui retenue, car Lampon est rentré à Athènes, où il propose notamment vers 422 un amendement au décret sur les prémices d’Éleusis, et son éventuel retour à Thourioi n’est pas documenté64 ; la possibilité d’un culte rendu à Lampon en tant qu’oikiste est par ailleurs remise en question65. Certains avancent, sur la base du texte des lamelles orphiques qui y ont été découvertes, que la tombe est celle d’une femme66, un aspect intéressant de la documentation, les données écrites étant rarement exploitables pour déterminer le genre des défunts dont la tombe a été marquée.
31S’agissant de l’unique nécropole connue pour Thourioi, il est donc également difficile d’affirmer qu’elle est particulière et que ses occupants ont été délibérément placés dans une nécropole éloignée, séparés du reste de la communauté de la cité en raison de leurs pratiques religieuses, comme A. Bottini en faisait l’hypothèse. Une première tombe monumentale ou la tombe d’un premier myste important a pu attirer à elle d’autres tombeaux, d’autres mystes tout d’abord, puis toute une population : la nécropole qui entoure les tumuli semble importante même si elle n’a pas été fouillée. La question se pose avant tout pour la première sépulture : cet isolement est-il précisément dû aux croyances de la communauté du défunt ou la tombe a-t-elle été placée sur ses terres, traduisant ainsi l’existence de grands propriétaires terriens de la fin du ve siècle av. n. è. à Thourioi comme l’imagine A. Bottini ? Dans la poésie épique, par exemple celle d’Apollonios de Rhodes, les tombes monumentales des héros constituent souvent des marqueurs paysagés situés en pleine nature, parfois en bord de mer, donc près d’un axe de circulation67. À Thourioi il pourrait s’agir du fleuve. Le fait de placer ainsi une tombe et son imposant marqueur dans un secteur isolé n’est donc pas surprenant68. Comme le montre S. Saïd, les tombes isolées sont fréquentes dans la littérature et servent de repères au même titre que des groupes de tombes plus ou moins importants69. La référence implicite aux héros de l’Iliade a dû jouer un rôle dans la décision des commanditaires de tumuli. Tout comme les colonnes funéraires sont élevées en écho aux cérémonies rendant hommage aux athlètes victorieux70, les tumuli renvoient à des modèles aristocratiques connus de tous par les récits.
32Un autre modèle pourrait avoir inspiré le commanditaire du Timpone Grande : il s’agit de celui qui couvrait à l’origine l’hérôon de Poseidonia, d’un diamètre approchant probablement 14 m71. Celui-ci est donc plus modeste – A. Bottini retient un diamètre minimum de 19 m pour 2,5 m de haut, sans pouvoir être catégorique – et couvre une construction relativement voisine du sarcophage de pierre de Thourioi72. Mis au jour en 1954 par P. C. Sestieri, le complexe monumental de Poseidonia est constitué d’un petit édifice rectangulaire couvert d’un toit à double pente en dalles de pierres et en tuile, entouré d’un mur de péribole rectangulaire à l’orientation légèrement différente. Le matériel découvert à l’intérieur, une banquette de pierre couverte d’une planche de bois ornée d’éléments en fer, en cuir, en laine et en tissu, sur le sol, huit vases en bronze scellés et une amphore attique à figures noires, a permis de dater l’édifice du dernier quart du vie s. av. n. è. (vers 520-510). Les fouilles suivantes (1977) ont permis d’établir que l’édifice n’avait rien d’hypogéique lors de sa construction, se situait sur l’agora de la cité et que le péribole est postérieur à l’édifice, daté d’entre la fin du ive et le iiie siècle av. n. è. Ce péribole couvre une structure plus ancienne, tardo-archaïque, située devant la façade de l’édifice et, quant à elle, bien alignée avec celui-ci.
33Si l’édifice est considéré comme hypogéique et dédié à une divinité chthonienne par son découvreur73, P. Zancani Montuoro souligne très tôt les caractéristiques funéraires de l’édifice, qu’elle envisage donc comme le cénotaphe d’un personnage important pour la cité74. Les données de 1977 corroborent son hypothèse et l’édifice est dès lors considéré comme un héroon. La présence de briques marquées d’un M conduit les spécialistes à identifier le personnage à Megu[los], dont le nom figure sur certaines frappes monétaires de la cité vers 470-460 av. n. è.75 Les nouvelles recherches permettent par ailleurs, d’identifier des blocs englobés dans le péribole d’époque romaine qui pourraient avoir appartenu au cercle de pierre qui délimitait originellement la base d’un tumulus en terre couvrant l’édifice, ce qui en explique l’aspect peu raffiné. Elles mettent également en évidence la trace de rituels et de pratiques cultuelles et commémoratives liées à la première phase d’utilisation du monument. Le type du tumulus a été choisi par la communauté de Poseidonia en dépit des contraintes importantes d’un tel choix architectural en plein cœur d’une cité : la structure, quelles qu’aient été ses finitions extérieures, devait s’imposer dans le paysage de la cité de manière claire et impressionnante. À notre connaissance, ce choix est unique à Poseidonia, il ne conduit pas les habitants de la cité à plébisciter ce type de marqueur pour signaler leurs sépultures. Comme le montre Laura Ficuciello, l’édification de cet ensemble monumental s’inscrit dans une phase d’affirmation de l’identité politique et culturelle de Poseidonia. Celle-ci passe notamment par la matérialisation monumentale d’un culte au héros fondateur, qui semble demeurer un symbole important après la conquête lucanienne : il s’agit donc bien d’un « marqueur » encore visible au cours de la période qui nous intéresse, mais son influence sur les commanditaires des tumuli de notre corpus ne peut être avancée. La zone fait en revanche l’objet d’importants changements après la déduction de la colonie latine, probablement pour en atténuer la portée identitaire : le tumulus est détruit, puis le sacello ipogeico, entouré d’une enceinte, est couvert d’un nouveau toit de tuiles, de terre et de pierres76.
34Il est pertinent de s’interroger sur les commanditaires de tumuli, ainsi que sur leur appartenance sociale et ethnique. L’usage du tumulus n’est pas lié à l’ethnicité, des cas étant recensés sur l’ensemble du territoire, aussi bien dans des nécropoles grecques, qu’en Lucanie, en Messapie, en Peucétie… Si les origines et le passé des cités ont pu jouer un rôle77, leur utilisation après le ve siècle av. n. è. ne peut néanmoins être directement liée aux métropoles des fondations. Plus de trois siècles après l’arrivée des Grecs, ce n’est plus la référence à la cité d’origine qui prévaut dans le choix du marqueur, mais plutôt des traditions locales, notamment à Pithécusses où les tumuli sont utilisés dès les débuts de l’occupation de la nécropole, en lien avec les pratiques eubéennes78 : il semble en effet peu probable que les aristocrates de Pithécusses du ive siècle av. n. è. aient eu comme repère les tumuli d’Érétrie79, leurs tumuli renvoyant à ceux de leurs ancêtres venus s’installer sur l’île, encore visibles dans la nécropole. En territoire cumain, dans l’immense zone de la nécropole pré-hellénique (dix hectares), on trouve sur certaines des fosses une couche de pierres volcaniques (« pomici ») d’origine allogène et de gros fragments de tuf – qui étaient, selon l’équipe du Centre Jean Bérard, bien visibles80 – que l’on peut rattacher aux vestiges de tumuli de Pithécusses ou tout du moins à un type de marqueur proche.
35Il est important de noter que le type tumulaire est le seul qui implique nécessairement la mise en place du marqueur après la déposition (qu’il s’agisse d’une urne ou d’un corps). Contrairement à une stèle ou un vase, l’établissement d’un tumulus ne peut être achevé avant la fin de la mise en terre, la structure venant se superposer à la tombe elle-même et la recouvrir ou l’englober. Le bénéficiaire du monument n’étant plus présent pour financer et gérer les opérations, les survivants ont donc à charge de veiller à la bonne exécution de la réalisation du tumulus. La stratigraphie du plus grand tumulus de Thourioi en est la parfaite illustration. En effet, s’il est possible que la couche inférieure ait été installée autour du sarcophage avant l’inhumation, la stratigraphie montre que toutes les couches suivantes sont venues couvrir l’ensemble, et ce en plusieurs étapes. La nature des couches (terre, argile, cendres, tessons) semble indiquer que celles-ci ont été ajoutées lors de rituels successifs, un banquet par exemple, au cours duquel des offrandes auraient été brûlées et des vases brisés – un cratère et des fragments de petits os ont d’ailleurs été retrouvés déposés sur la marche qui entoure le caisson à sa base –, et de façon réfléchie : les couches d’argile viennent systématiquement recouvrir les autres couches, l’ensemble scellant et protégeant la tombe centrale des eaux d’infiltration. Pour A. Bottini, l’analyse de la stratigraphie, l’emplacement et la nature des tessons (fragments de vases attiques du ve siècle av. n. è.) conduisent à conclure que l’édification du tumulus et les premières cérémonies commémoratives se sont déroulées au cours d’un laps de temps court. Pour lui, le défunt a été brûlé partiellement (semi-crémation permettant de conserver les liaisons anatomiques) avant d’être transféré dans le caisson en tuf auprès duquel a eu lieu la cérémonie avant que le tout ne soit couvert et scellé par les premières strates du tumulus. Son enquête montre que de telles pratiques ont existé dans l’Antiquité et persistent de nos jours, en parallèle de pratiques funéraires longues liées à l’élite81.
36Si l’on procède à une étude statistique (supra tableau 1) de l’ensemble du corpus rassemblé – nécessairement problématique étant donné le caractère lacunaire des informations –, il ne semble pas que l’on puisse associer les structures tumulaires à une catégorie biologique particulière de la population, femmes et hommes étant représentés dans des proportions similaires. En revanche, pour les ve-iiie siècles, aucun nouveau-né ou enfant n’ayant été identifié, il se pourrait que ce type soit réservé aux seuls individus matures. L’étude de la population des nécropoles de Pithécusses montre que les immatures et les enfants sont bien présents et dans des proportions importantes, mais aucune des tombes à enchytrismos ou identifiées comme étant celles d’un individu de moins de treize ans n’est signalée par un tumulus. Étant donné que l’étude anthropologique des crémations est fiable, il est possible d’affirmer qu’à Ischia, ce type de marqueur était réservé aux individus matures82 ; mais au vu des statistiques, on peut difficilement proposer d’identifier la même situation dans l’ensemble de l’Italie méridionale entre le ve et le iiie siècle.
37Comme cela a été mentionné, la mise en place d’un tumulus n’exclut pas l’utilisation d’autres marqueurs plus ou moins prestigieux et onéreux. La présence d’un marqueur complémentaire est attestée à Gravina où un cippe orne le tertre83. Il est plausible que la plupart des systèmes de signalement nous soient parvenus incomplets. L’ajout d’un vase est archéologiquement attesté avant le ve siècle av. n. è. et la documentation iconographique et les textes archaïques et classiques décrivent des tumuli coiffés de vases, voire de colonnettes. La surélévation provoquée par le tumulus les met en valeur et distingue ainsi encore plus la tombe marquée du reste de la nécropole. Si, à Pithécusses, les différences entre les tumuli paraissent illustrer des rapports hiérarchiques84, cette approche ne peut malheureusement être employée que dans le cas d’une nécropole tumulaire ; il semble en effet malvenu de comparer outre mesure les dimensions des tumuli de zones différentes, même si l’on peut proposer de voir dans les tumuli monumentaux la marque d’une tranche élevée de la hiérarchie sociale. Aucun élément ne permet d’affirmer que le statut social des morts de Pithécusses est moins élevé que celui de ceux de Thourioi.
38Les raisons motivant le choix d’un tumulus comme marqueur relèvent au moins en partie de considérations pratiques. Comme on l’a souligné, le tumulus est la forme de marqueur la plus basique et la mise en place d’un tumulus simple était peu onéreuse, même s’il était possible d’en rendre la construction plus monumentale via l’importation, sur des distances plus ou moins importantes, de matériaux supplémentaires et l’aménagement d’un cercle de pierres. Par ailleurs, la surface occupée par ces marqueurs a pu inciter les commanditaires à choisir des solutions moins volumineuses, car leur présence le long des voies de circulation était compromise par la densité croissante de l’occupation des nécropoles au fil du temps, ce que pourrait confirmer la raréfaction de ce type dans la région au cours de la période romaine85. Le choix d’un marqueur à faible emprise au sol est donc peut-être parfois le résultat d’une stratégie de positionnement, un marqueur volumineux ne pouvant pas s’insérer dans le canevas existant.
39Reste une question déjà évoquée. Les tumuli sont attestés dans tout le monde méditerranéen86 au cours des périodes archaïque et classique, notamment en Grèce et en Asie Mineure occidentale87, mais ils paraissent avoir été moins prisés en Italie du Sud et le nombre de ceux qui sont repérés aux ve-iiie siècles est nettement moins élevé que pour les périodes antérieures. Faut-il en conclure qu’il s’agit d’une forme funéraire en voie d’abandon progressif ? D’autres formes, comme le naiskos, ont pu la remplacer comme marqueurs de l’élite, mais on ne peut exclure que leur relative rareté soit due à la destruction de la plupart d’entre eux et aux lacunes de l’exploration archéologique.
Les tumuli d’Italie méridionale du ve au iiie siècle av. n. è. : bilan
40À l’époque archaïque, le modèle du tumulus est largement diffusé en Italie du Sud, notamment en Apulie, et son utilisation est différente selon la région et la période. Les tumuli de la période s’étendant du ve au iiie siècle av. n. è. présentent des caractéristiques propres liées à leur uniformisation et à leur raréfaction, comme nous venons de le voir88.
41Ils appartiennent à un répertoire typologique uniforme avec des variantes connues. Même si, du ve au iiie siècle av. n. è., il n’y a pas en Italie méridionale de trace de tumuli monumentaux, à l’exception de celui de Paestum et de ceux de Thourioi, comme on en connaît dans le reste du monde grec méditerranéen, les exemplaires répertoriés sont de véritables tumuli – avec le problème spécifique de ceux de Crotone. Leurs différences concernent la forme de la tombe plutôt que celles du marqueur. À l’exception notable de Gravina et de son hypogée – qui fait écho aux tumuli monumentaux du reste du monde grec, abritant parfois des tombes à chambre, et pas seulement des cistes, des cercueils ou des vases –, le rite favorisé est l’inhumation et non l’incinération comme on peut l’observer dans de nombreux cas ailleurs dans le monde grec, probablement en référence aux rites funéraires homériques tels qu’ils sont décrits dans l’Iliade (XXIII, v. 245 et suiv.)89. Les tumuli s’inscrivent dans des traditions locales vivaces sans révéler d’échanges inter-régionaux déterminants pour leurs formes. Le développement très diffus du type depuis l’Orient jusqu’en Étrurie, dès le xiiie siècle av. n. è. dans le Salento, rend difficile d’établir l’origine des modèles repris pour les exemplaires du ve siècle apr. n. è.90.
42Les tumuli sont moins nombreux que dans d’autres régions, géographiquement dispersés et inscrits dans des contextes funéraires divers. C’est dans la nécropole de Pithécusses que l’on constate la concentration la plus importante ; ailleurs, ils sont relativement isolés ou insérés dans des ensembles de marqueurs variés. Les tumuli monumentaux comme ceux de Thourioi sont attractifs : des tombes sont installées à proximité sans lien évident avec la structure. À Conversano, la nécropole qui entoure les deux tumuli archaïques (vie siècle av. n. è.) perdure jusqu’au ive siècle av. n. è., l’attractivité des deux tombes monumentales persiste donc bien après la mort de leurs propriétaires, une dynamique par ailleurs bien connue, notamment à Lefkandi91. Il n’est pas possible de savoir pour quelles raisons de nouvelles tombes sont installées à proximité : une fonction funéraire est-elle assignée au terrain alentour, permettant à d’autres de l’exploiter pour leurs tombes, les personnes enterrées à proximité sont-elles liées d’une manière ou d’une autre au(x) défunt(s) du tumulus, le prestige du tumulus joue-t-il un rôle, etc. ?
43Pithécusses montre un développement particulier, en marge des évolutions continentales ou en opposition avec elles, mais ses tumuli sont aux limites de la séquence historique que nous étudions. Ceux de la Scala et de Vaste sont utilisés du ve au ive, voire au iiie siècle, les autres sont du ive, celui de Gravina de la fin du iiie siècle. Il serait délicat de vouloir exploiter cette chronologie pour déceler des évolutions historiques sur le court terme.
44Il ne semble pas possible d’établir des différences récurrentes entre pratiques indigènes et pratiques grecques pour la période et l’aire étudiées, au contraire, nous observons plutôt une fusion relativement poussée. Une étude des tumuli antérieurs au ve siècle révélerait certainement des disparités régionales plus fortes et des pratiques plus diversifiées, ainsi que la carte de répartition des tumuli (fig. 6) le suggère, le type se trouvant dans des zones différentes avant et après le ve siècle disparaissant à l’intérieur des terres pour s’implanter dans des nécropoles grecques ou au contact des cités grecques. Ces caractéristiques paraissent témoigner de la lente fin d’un type pluriséculaire, qui est encore utilisé par conservatisme et en référence à un idéal aristocratique et héroïque. Elles révèlent une volonté de reprendre et maintenir une forme évocatrice, quoique figée. La pérennité ou la résurgence du modèle jusqu’à sa disparition vers 300 av. n. è. interroge donc.
Les naiskoi
45Les dictionnaires de grec et d’architecture définissent le terme naiskos, peu fréquent, comme « petit temple », « chapelle » en l’inscrivant dans le champ du religieux et du funéraire92. S. Montel souligne la rareté des termes désignant les structures de ce type et tente de montrer que les Grecs les ont conçues pour abriter les statues en les magnifiant, non l’inverse : le naiskos serait un « écrin architectural » propice à une mise en scène ostentatoire de la puissance de ses commanditaires93. Si une stèle monumentale (ou l’étape intermédiaire entre la stèle et l’édicule en Attique) semble répondre à ce concept, nous ne pensons pas que les édifices tarentins puissent être qualifiés d’écrins, ils sont bien plus, et sont chargés d’une sémantique forte, notamment par le biais de leur décor sculpté.
46Comme la céramique apulienne l’atteste et les vestiges archéologiques le laissent entrevoir, les naiskoi funéraires connurent un grand succès en Italie du Sud aux ive et iiie siècles av. n. è. Ils sont réputés être très nombreux : H. Klumbach avançait déjà le nombre de trois cents en 1937. Les carnets de fouille, les réserves de la surintendance et des musées contiennent la trace de bien d’autres, non publiés. Le problème est qu’une douzaine seulement est suffisamment conservée pour autoriser une étude directe et que Tarente fournit 96 % des fragments d’Italie méridionale. Les centaines de blocs du corpus sont délicates à exploiter. Il est difficile, voire impossible, de savoir si certains d’entre eux proviennent de plusieurs naiskoi ou d’un seul et de préciser le cas échéant leur emplacement dans l’édifice94. En outre, des structures, des fragments architectoniques et des éléments ornementaux peuvent avoir en réalité appartenu à d’autres types de monuments. Cette incertitude pèse particulièrement sur des frises, reliefs et chapiteaux dont on ne peut exclure qu’ils appartiennent à d’autres marqueurs : bases, colonnes et édifices funéraires95. La rareté des bases retrouvées in situ, quatorze seulement, limite la connaissance de leur place dans les paysages funéraires.
Historiographie et état de la question
47Les naiskoi ont attiré l’attention très tôt. Dès le xviie siècle, ils suscitent l’intérêt des antiquaires qui font commerce de leurs décors en pièces détachées, entraînant au fil des siècles la dispersion de la documentation dans toute l’Europe et au-delà96. L’intérêt se porte également en partie sur leurs représentations sur les vases, dont le commerce est important. L’étude des naiskoi d’Italie du Sud, et particulièrement de ceux de Tarente qui est au centre de ce réseau d’exportation de pièces archéologiques, passe donc par une enquête internationale qui a été lancée par H. Klumbach en 1937 avec Tarentiner Grabkunst97. Le savant allemand décrit et classe par sujet et par style les scènes sculptées et les fragments architectoniques de trois cent trente-trois pièces, pour la plupart inédites. Cependant, comme le note P. Wuilleumier dès 1938, il se focalise sur le décor et se concentre sur les fragments en calcaire, ignorant une partie de la documentation archéologique en marbre et en terre cuite98.
48L’historiographie consacrée au sujet est ensuite ponctuée de publications sur des pièces archéologiques particulières et de tentatives de courtes synthèses99. E. Lippolis privilégie d’abord la problématique du style et son intérêt pour les datations100, J. C. Carter porte son attention sur le contexte, par le biais du naiskos de via Umbria, sous les critiques d’E. Lippolis. Les grandes synthèses sur l’architecture funéraire grecque mentionnent les naiskoi sans en fournir de définition claire et ne leur consacrent pas de développement spécifique. J. Fedak101, D. C. Kurz et J. Boardman102 portent davantage leur attention sur les statues que sur les édifices103. Ainsi que le souligne E. Lippolis en 2007 dans son article « Tipologie e significati del monumento funerario nella città ellenistica. Lo sviluppo del naiskos », des publications scientifiques d’envergure sur l’architecture des naiskoi manque et il est difficile de trouver des articles même courts sur les très nombreux cas de Tarente. Son étude propose néanmoins une première synthèse importante sur la question. Dans sa monographie consacrée aux tombes à chambre de Tarente, en 2019, Birte Ruhardt consacre pages au sujet des marqueurs104.
Les données philologiques et iconographiques
49On l’a vu, les sources textuelles conduisent à voir dans le naiskos un écrin architectural destiné à abriter des statues (fig. 9)105. Ils sont nombreux dans la peinture des vases apuliens à remplir cette fonction106. Comme pour d’autres marqueurs, leurs représentations soulèvent des difficultés : elles ne concordent pas avec les vestiges archéologiques et leur fiabilité pour connaître les édifices réels est limitée. Ils sont ainsi curieusement presque absents sur les vases de Tarente où ils marquaient pourtant de nombreuses tombes107. Les vestiges tarentins sont en outre plus complexes et variés que ce que suggèrent les représentations même s’ils ont pu servir de modèles aux peintres108.
Fig. 9. Deux représentations de naiskoi abritant des figures « blanches », possiblement des statues, sur des vases apuliens.

À g. : cratère à volutes attribué au Groupe de Copenhague 4223, vers 340-330 av. n. è. À dr. : hydrie attribuée au Peintre de Varrese ou au Peintre de Gioia del Colle, vers 340-330 av. n. è.
Hambourg, Museum für Kunst und Gewerbe, inv. 1917.1093 et inv. 1984.447.b. Domaine public : https://sammlungonline.mkg-hamburg.de/en/object/Volutenkrater-A-Naiskos-Szene-%7C-B-Grabstele/1917.1093/dc00124646?s=1917.1093&h=0 et https://sammlungonline.mkg-hamburg.de/en/object/Hydria-Naiskos-Szene/1984.447.b/dc00126708
50A. Pontrandolfo, G. Prisco, E. Mugione et F. Lafage ont montré que l’interprétation des naiskoi figurés sur les vases doit être envisagée en prenant en compte toutes les faces du vase, en premier lieu celle qui est opposée à la représentation des naiskoi109. Sur celle-ci, se trouve quelques fois un mythe et plus fréquemment une scène funéraire (40 % des cas), la plupart du temps associée à une stèle, quelques fois à des monuments funéraires modestes, parfois à un second naiskos (7 % des cas). Selon les quatre chercheuses, les deux faces du vase s’inscrivent dans deux registres différents et complémentaires : la stèle et la scène funéraire font référence à des tombes réelles et au mort, un homme en général ; le naiskos de l’autre face illustre, lui, une conception métaphorique de la mort avec une représentation hiératique du défunt qui est comme statufié. Selon A. D. Trendall, souvent repris depuis, s’y ajoute une symbolique initiatique : les personnages évoluant près des naiskoi ne sont pas des membres de la famille, mais des initiés qui partagent les mêmes espoirs que le défunt vis-à-vis de l’au-delà110. Les naiskoi peints ne renverraient donc pas à des édicules réels et les exploiter pour connaître ceux-ci demande un minimum de prudence.
51Des différences existent entre les représentations figurées sur les vases apuliens et sur les lécythes blancs attiques ; en effet, dans le second cas, le mort est représenté au milieu des survivants, alors qu’en Italie l’effigie du mort occupe sa place au sein de l’édifice funéraire. Ce constat est simpliste, il est parfois difficile de savoir lequel des personnages est le défunt, mais force est de constater qu’une dichotomie existe entre les deux mondes iconographiques. Peut-être reflète-t-elle des réalités différentes : il est par exemple attesté que des statues sont figurées sur le fond d’édicules funéraires en Grèce, une situation qui n’a pas été identifiée en Italie méridionale111.
52En dépit de leurs limites, les sources iconographiques apportent des informations importantes. Tout d’abord, elles peuvent permettre de décrypter la signification religieuse ou eschatologique des marqueurs, ensuite elles fournissent des informations chronologiques. Les naiskoi apparaissent au cours du deuxième quart du ive siècle av. n. è. Leur première figuration serait visible sur les vases du cercle du Peintre de l’Ilioupersis vers 360112 : on y voit un monument à antes, avec des colonnes ioniques, un plafond plat et un toit à double pente avec acrotères, édifié sur une base décorée d’une frise dorique – qui disparaît progressivement par la suite113. Cette datation pose un problème si l’on suit J. C. Carter, qui date les premiers naiskoi de Tarente vers 340, soit vingt ans environ après leur apparition picturale114. Selon E. Lippolis, les premières représentations, par exemple chez le Peintre de l’Ilioupersis vers 360, sont en réalité celles de stèles à corniche, ancêtres des naiskoi, inspirées des modèles et de l’iconographie attiques115.
Les naiskoi : présentation d’exemples types
53Il a été impossible de prendre en considération les quelque trois cents naiskoi dont l’existence est supposée. Il faudrait pour cela étudier tous les fragments qui fondent ce dénombrement116. Au sein des exemplaires recensés, nous avons choisi de nous concentrer sur la dizaine suffisamment connue pour fonder une étude : nous commencerons par ceux de Tarente et de l’Apulie, puis traiterons des exemplaires identifiés en Calabre.
Fig. 10. Fragments de naiskoi de Tarente (contexte perdu).

Allard Pierson Museum, inv. APM01547, APM01555, APM01558, APM01565, APM01582, APM01148, APM14271, APM01575. Allard Pierson – The Collections of the University of Amsterdam (CC BY), https://uvaerfgoed.nl/beeldbank/en/xsearch?metadata=sculptuur+Tarente
54Tarente a livré un très grand nombre de fragments identifiés à des vestiges de naiskoi, conservés sur place et exportés à travers le monde (fig. 10-12)117. Ils représenteraient selon E. Lippolis, entre 61 et 90 % des marqueurs de la cité118. Leur publication est, nous l’avons souligné, très lacunaire et il n’est pas exclu que beaucoup de fragments proviennent d’édifices autres que les naiskoi ou appartiennent à un nombre réduit d’édicules119. La plus grande partie des blocs a été découverte dans les nécropoles urbaines, en particulier les nécropoles orientales120. Ils proviennent des zones qui bordent les axes sortant de la ville en direction de la chôra après les réaménagements liés à la construction de la muraille121.
Fig. 11. Métope figurant un chasseur avec son chien, près de sa monture. On repère de probables traces de peinture rouge.

The J. Paul Getty Museum, Villa Collection, Malibu, California, 74.AA.7. Domaine public : https://www.getty.edu/art/collection/object/103SZ8
Fig. 12. Fragment d’un monument funéraire tarentin.

Scilla est fréquemment représentée dans l’art funéraire tarentin : la forme de certains fragments comme celui-ci suggère que le monstre était placé au sommet de la façade des édicules funéraires et que ses longues queues se déployaient sur les pentes de la toiture.
Allard Pierson Museum, inv. APM01599. Allard Pierson – The Collections of the University of Amsterdam (CC BY), https://hdl.handle.net/11245/3.706
55Les archives de la surintendance archéologique de Tarente sont immensément riches, mais malheureusement il est souvent difficile de faire le lien entre les documents, notamment entre la documentation graphique et les journaux de fouilles. Ces archives montrent l’ampleur des lacunes dans les publications : les fragments de naiskoi inédits, les plans de nécropoles, et même les restitutions d’édifices sont innombrables. En l’absence de données plus précises, il est impossible de déterminer une chronologie, une partie de ces vestiges étant potentiellement d’époque romaine.
56Le naiskos de la via Umbria de Tarente est l’un des mieux connus de la cité. Il n’en subsiste rien en surface, l’hypogée à dromos (cinq marches) sur lequel il devait se dresser est conservé dans les caves d’un immeuble via Calabria : on y voit toujours deux klinai. L’hypogée mesure 4,7 m de large pour 3,25 m de profondeur. Entouré de tombes similaires, il devait se trouver au cœur de la nécropole hellénistique. Son intérêt a été souligné par J. C. Carter lors de sa découverte : « Until the discovery of Chamber Tomb I on Via Umbria, however, not enough evidence existed for a plausible reconstruction or certain dating122. » Comme la presque totalité des éléments architectoniques attribués à des naiskoi à Tarente, les blocs sont en calcaire local sauf les bases des colonnes. Six métopes rythment une frise dorique qui ornait soit la base soit l’entablement123. Y figurent des représentations de combats et de chasse fréquentes en contexte funéraire. La présence discrète d’un paysage dériverait de la peinture apulienne, le style des visages évoquerait les urnes étrusques. Rares hors de la zone d’influence de la cité grecque, ces reliefs seraient assez typiquement tarentins. Parmi les autres fragments, on trouve trois bases de demi-colonnes, un panneau du fronton avec des néréides chevauchant des monstres marins de part et d’autre d’une scène mythologique connue, la remise de ses armes à Achille, des fragments des acrotères figurant le monstre Scilla et une section de la toiture avec des antéfixes, à palmette ou à visage, indiquant que la toiture était relativement vaste et que le bâtiment était construit dans un calcaire plus fin que les reliefs.
57La restitution se heurte à la disparition d’un grand nombre de blocs – ce sont surtout des blocs décorés qui sont conservés – et à l’origine incertaine du matériel découvert dans l’hypogée et son dromos. Dans celle qu’il propose, J. C. Carter suppose que les colonnes engagées reposaient sur le sommet des parois. Selon lui, la disposition des reliefs implique qu’ils étaient faits pour être vus du dessous et qu’ils se trouvaient donc sur l’entablement. Dans une publication de 1972 (The figure in the naiskos-marble sculptures from the necropolis of Taranto124), il place dans le naiskos la statue d’un guerrier assis, mais la proposition reste hypothétique (fig. 13).
Fig. 13. Restitution du naiskos de la via Umbria à Tarente.

Dessin de l’auteur d’après Carter 1970, pl. 34.
Fig. 14. Restitution du naiskos de via Umbria à Tarente.

Dessin de l’auteur d’après Lippolis 1996, p. 500.
58Les propositions de J. C. Carter ne font pas consensus. E. Lippolis place la frise en partie basse en raison de parallèles iconographiques et au vu de certains blocs figurés de la nécropole, associés à des bases (fig. 14)125. Il propose de placer certains reliefs sur la base de la statue, qui aurait disparu car elle était en bronze.
59En se fondant sur des critères stylistiques et sur les fragments de vases retrouvés dans la partie basse126, ce naiskos a d’abord été daté du début du iiie siècle av. n. è., mais une hypothèse plus récente fait descendre la datation vers 200 av. n. è., ce qui indiquerait une continuité dans l’usage des édicules funéraires des nécropoles tarentines127. Ces débats montrent que les critères stylistiques sont bien insuffisants pour l’analyse de la chronologie. De nombreux paramètres ne sont pas encore suffisamment pris en compte : les artisans qui se forment ailleurs, le conservatisme de certains commanditaires, le remploi des édifices ou de blocs, la diversité des ateliers… Il est indispensable qu’une fouille stratigraphique précise soit menée et publiée sur un contexte similaire.
60Dans une autre zone des nécropoles de Tarente, entre 1915 et 1916, 477 tombes furent fouillées sur le site de Contrada Vaccarella à Tarente. Ce sont surtout des tombes à fosse, mais aussi à chambre, avec ou sans dromos. Des photographies et des maquettes d’époque permettent de constater que les sépultures sont alignées, parfois adossées les unes aux autres, sans suivre une orientation unique. On observe également la présence de canalisations creusées dans le banc rocheux et des trous circulaires ou quadrangulaires. L’organisation rationnelle de la nécropole (pas de superpositions, régularité dans la disposition, zones différentes selon la période…) incite à imaginer la présence de nombreux marqueurs. L’exploration des tombes a permis de voir qu’entre les sépultures riches se trouvaient des tombes peu fournies en matériel, voire vides : la trace d’individus moins fortunés ou d’un rituel différent ? Peu de détails sont connus à ce sujet, mais les archéologues notent l’existence de monuments funéraires au vu des vestiges de décoration sculptée et proposent même des restitutions des édifices128.
61Seule une tombe du ive siècle av. n. è., découverte en 1939, permet d’imaginer ce à quoi pouvait ressembler un édifice funéraire de cette zone129. La tombe à chambre, au plan complexe et dont le sol se trouve à 2,56 m sous le sol actuel est située via Leonida, 52. L’accès se faisait par le côté sud : la porte était encore fermée d’une dalle de 21 cm d’épaisseur lors de la fouille. Des marches devaient avoir pour fonction d’empêcher l’eau de pluie de ruisseler dans les caveaux. Deux tombes à chambre ont dû être réunies par le creusement d’une nouvelle fosse funéraire. Toute la partie inférieure est taillée dans le rocher. Seule l’une des sépultures contenait encore du matériel lors de la découverte : fragments de céramique, couronne d’argile dorée, fragments de bronze. La tombe était comblée de terre et de fragments architectoniques, parmi lesquels deux fragments de plafond en tuf légèrement différents, un bloc d’architrave en tuf de mur long de 1,45 m et large de 43 cm, des blocs de tuf de couverture de la tombe à chambre, un fragment de fronton en tuf, un fragment de geison en marbre peint, deux fragments de chapiteaux (un petit d’ordre dorique et un d’ordre taranto-corinthien), une base de petite colonne tarentine, des fragments de reliefs en pierre d’Ostuni avec des personnages féminins courants, un protomé léonin en pietra leccese, des antéfixes figurées en terre cuite, un fragment de tête de gorgone et une jambe d’homme nu en marbre (de l’aine au genou : 39 cm), une main deux fois plus grande que nature et deux fragments de sculpture humaine nue.
62Si tous ces fragments appartenaient à un édifice, et par chance à celui qui marquait l’hypogée, il s’agit ici de l’une des rares opportunités d’étudier ce type d’architecture à Tarente. Construit sur la couverture d’un hypogée abritant plusieurs dépositions (dont une avec du matériel précieux), l’édifice à colonnes de style taranto-corinthien abritait la statue d’un homme nu plus grande que nature, sa toiture était ornée d’antéfixes diverses aux fonctions apotropaïques, et une frise sculptée courrait soit sur la base de l’édifice soit dans sa partie haute. Comme cela est connu ailleurs, la construction fait appel à des matériaux divers afin d’en réduire le coût. La tombe a visiblement été modifiée, et l’on y craignait l’infiltration d’eau (présence de rigoles), ce qui suggère que le dromos n’était pas comblé.
63À Ceglie Messapica130, dans les Pouilles, les fragments d’un édifice funéraire ont fait l’objet d’une étude poussée d’E. Lippolis et ont bénéficié d’une restauration131. La base du naiskos devait mesurer 3 m de large, calcul fait sur la base des dimensions de la frise, qui mesure 55 cm de haut. De haut en bas, on trouve un larmier, des mutules, une frise dorique avec chapiteau du triglyphe et tænia inférieure avec regulae et guttae. Les six blocs portant la frise dorique ont été retrouvés séparés et il est aléatoire de leur assigner un ordre. Chacun comporte un triglyphe à gauche et une métope à droite avec la représentation de personnages (55 × 57 cm environ). Un fragment de colonne cannelée conduit à reconstituer un édifice à antes avec probablement des bases et des chapiteaux taranto-corinthiens. Cet édifice montre la volonté de l’élite locale d’utiliser des codes tarentins, en exploitant la pierre locale, ce qui suppose des rapports stables entre le centre messapien et la cité grecque.
64De la même manière, à Bellavista, dans la campagne tarentine, une riche tombe est creusée dans la roche sur la route qui relie la cité grecque au centre fortifié de Mottola. Elle comprend deux chambres séparées par un mur et ayant chacune leur dromos d’accès. L’intérieur est peint en bleu et conserve d’autres traces de peinture. Les fragments de calcaire et d’enduits, un fragment de chapiteau et un morceau de colonne cannelée en calcaire enduit de stuc, trouvés dans les escaliers, conduisent à envisager la présence d’un naiskos en surface132.
65À Muro Tenente, centre défensif messapien situé à l’intérieur des terres à la latitude de Brindisi, un naiskos a été identifié dans la continuité du mur de défense interne. Il n’en subsiste que les fondations, sur deux rangs, un seul au nord-est, marquées par des sillons de charrue. Orientée nord-sud, la base devait mesurer 505 cm par 295. L’assemblage très précis des pierres est réalisé sans mortier. Par ses techniques, ses matériaux et ses dimensions, l’édifice est unique à Muro Tenente. Un fragment de chapiteau en pierre et des anses de vase en bronze ont été retrouvés à proximité133. Comme ceux de Ceglie Messapica et Bellavista, il dénote l’adoption par l’élite locale du ive siècle av. n. è. de modèles grecs134.
66Élevé en bord de mer à proximité d’un chemin taillé dans le roc, le naiskos de Roca Vecchia est situé dans une vaste nécropole messapienne où il devait se distinguer des autres tombeaux par son emplacement et son architecture (fig. 15). C’est l’un des rares naiskoi dont la base a été clairement identifiée135. En partie taillée dans le banc calcaire, en partie construite (une carrière est identifiée à proximité), sa première assise (23 cm de haut) sert de dallage à l’intérieur de l’édifice136. Le pavement et les assises permettent d’en connaître le plan quasi rectangulaire (470 × 365 × 375 × 445 cm). L’édicule est orienté nord-est/sud-ouest, sa porte ouvre au sud-ouest, vers l’entrée de la nécropole. L’érosion marine et les pillages expliquent la disparition de tout élément de l’élévation et la pauvreté du matériel retrouvé. Il semble qu’un emplacement dans les dalles du fond était prévu pour une statue ou un groupe statuaire. La base recouvre une tombe du iiie siècle (no 2) dont la couverture sert pour ainsi dire de niveau de fondation au naiskos. Il est entouré de quatre tombes (1, 3, 4, 5) qui lui sont antérieures, et pour lesquelles il semble avoir servi de marqueur.
Fig. 15. Plan du naiskos de Roca Vecchia (ROC0001).

En gris foncé, les blocs en place, en gris clair le rocher nivelé, en orange les fosses.
Dessin de l’auteur d’après Lamboley 1988, pl. 55.
67Quittons à présent l’Apulie pour l’ouest de l’Italie. À Locres, un bloc découvert en 1914 par P. Orsi offre un témoignage exceptionnel sur les naiskoi d’Italie méridionale : il s’agit du monument de la Contrada Faraone. En raison de sa conservation exceptionnelle, celui-ci a fait l’objet d’une enquête particulière, d’une restitution (fig. 16) et d’une publication dans les Mélanges de l’École française de Rome en 2018, dont nous ne reprendrons ici que quelques éléments137. Cet édifice funéraire appartenait probablement à un ou une riche propriétaire de la chôra locrienne. Si l’on peut faire des hypothèses quant à sa configuration complète et à ses dimensions, notamment car des journaux de fouille mentionnent une base construite, nous ne disposons pas de données contextuelles précises. L’édifice s’inscrit au sein de la vaste typologie de marqueurs de tombe de Locres et témoigne des interrogations eschatologiques, peut-être éleusiniennes, des élites des années 300 av. n. è., ainsi que le révèle notamment son programme peint complexe.
Fig. 16. Restitution du bloc du naiskos de contrada Faraone à Locres (LOC0020) et vue d’artiste de l’édifice.

Bièvre-Perrin et Fincker 2018.
68Les naiskoi brettiens d’Hipponion et de Tiriolo sont eux aussi très intéressants pour notre étude. Le premier était probablement destiné à n’accueillir à l’origine qu’une seule déposition dans la chambre, sans ensevelissement. Sa réutilisation pendant une longue période alors que l’utilisation la nécropole est interrompue entre le début et la fin du iiie siècle av. n. è., assure qu’il devait être bien visible138. Une fosse renforcée de tuiles contient des vestiges brûlés : il semble qu’elle n’ait pas servi à entreposer le corps du premier inhumé, mais à déposer les vestiges brûlés des sacrifices rituels.
69À Tiriolo, le naiskos mis en évidence est situé dans une petite zone funéraire proche de l’habitat abritant quatre tombes a cappuccina et une a cassa139. Conservé sur une vingtaine de centimètres de hauteur, l’édifice est de plan rectangulaire (4 m par 2,7 m), orienté nord-sud. Deux files de blocs en calcaire sur le côté nord, une seule sur les autres, permettent d’avoir une bonne idée de son élévation. Le toit était soit à dalles plates soit à double pente. Sur la façade sud, les blocs angulaires portent deux demi-colonnes doriques cannelées. Dans une fosse profonde de 45 cm, consolidée avec des tuiles sous le centre de la chambre, ont été mis en évidence les os brûlés d’un adulte de sexe masculin, des os d’animaux et divers objets. Le reste du matériel céramique et des os sont par ailleurs étalés sur l’ensemble de la surface de la tombe, probablement à la suite de l’écroulement du toit et d’un dégât des eaux. Les analyses ostéologiques ont mis en évidence la présence de restes humains (probablement ceux de trois autres individus d’une même famille) et d’animaux (dont de cochons et de moutons, probablement sacrifiés). Comme à Hipponion, les vestiges brûlés devaient être ceux des sacrifices accomplis lors des rites. Mais à la différence de ce site, ici la tombe a accueilli un dépôt secondaire. La tombe est en fonction entre la fin du ive et le début du iiie siècle av. n. è., sur deux, voire trois générations140.
70Situé sur un axe de circulation reliant les deux côtes de la Calabre, le site de Tiriolo est probablement fréquenté de façon intensive par des commerçants, artisans et émigrants, transitant par la région brettienne depuis l’est de l’Italie et Tarente vers la côte tyrrhénienne. La richesse et la qualité du matériel et de la structure architectonique des deux tombes brettiennes matérialisent la volonté de l’élite d’exalter sa puissance. Le modèle tarentin – comme dans le cas de l’hypogée à façade de Gangemi141 – est adapté afin de conserver des traits locaux : fosse, absence de substructure. Les eschara des deux tombes sont peut-être l’indice que, lors des rituels funéraires, les participants pouvaient accéder à l’intérieur de l’édifice et au plus près du défunt, ce qui pose des questions sur la salubrité et la sécurité d’une telle installation. Les édifices devaient être fermés par des portes.
71Plus au nord, en Lucanie, la fouille de la nécropole de La Scala à Roccagloriosa dans les années 1977-1978 nous fournit des données rares et particulièrement intéressantes. Situé sur une crête surplombant les vallées du Bussento et du Mingardo à Roccagloriosa, le site comporte vingt-deux tombes, pour une zone explorée de 2000 m². L’espace de la nécropole est bien organisé, avec des terrasses et des murets. Pour l’équipe qui a travaillé sur la nécropole, elle est occupée sans aucun doute par l’élite locale et organisée en lots familiaux. Le développement de la nécropole a été contraint par une division de l’espace préexistante, à partir de 370-360 av. n. è.142.
72La publication Fourth century B.C. Magna Graecia: A case study de 1993 fournit des données précises et indique l’existence de marqueurs pour les tombes 6 (enceinte avec une entrée, « tumulus », homme de 35-45 ans), 9 (enceinte, femme de 25-25 ans), 12 (tombe à chambre avec dromos taillé dans la roche et enceinte en pierre ayant servi de base à un naiskos, sans squelette identifiable), 18 (encadrée par un mur ? homme d’environ 20 ans), 19 (tombe à chambre avec dromos taillé dans la roche, en partie rempli par les pierres qui ferment la porte ; probablement deux dépositions, pas d’analyse anthropologique), 24 (toiture protégée par un muret ou un « tumulus »). Le dromos de la tombe 12 a été bouché lors de la construction d’une enceinte encadrant l’ustrinum de la tombe 13 (homme de plus de 40 ans) et les tombes 14 (femme d’environ 20 ans) et 15 (probable édifice en bois disparu par-dessus, femme d’environ 18 ans143). Certaines tombes (7 et 18 par exemple) sont couvertes d’un toit en tuile avec des calyptères, dont il est difficile de savoir s’il était visible, ce qui semble être la théorie défendue dans la publication. De même que pour les tumuli évoqués entre guillemets dans la publication, en l’absence de données stratigraphiques plus précises, la prudence est de mise.
73Les enceintes des tombes 6 (6 × 5 m) et 9 (5 × 4 m), les toitures et les décors pertinents dans la dernière phase de la nécropole montrent qu’un soin tout particulier était dévolu à l’apparence externe de ces sépultures. Cela semble en accord avec la mise en scène très spectaculaire, autour d’une voie de circulation importante menant vers la côte, à quelques mètres d’un col. Les ustrina découverts montrent que même au cours de l’incinération, un décorum était en place, orienté vers la voie et certainement un public. Si les crémations semblent être toutes masculines, il n’y a en revanche pas d’association stricte entre le genre et le type de marqueur ou de tombe dans la nécropole. Ces dispositifs funéraires, contemporains de l’édification d’importantes murailles dans le centre habité voisin, montrent une consolidation des élites locales, avant un abandon progressif du site après 275144.
Distribution géographique
74Le plus grand nombre de naiskoi est concentré dans la région de Tarente, la cité rassemblant à elle seule 96 % du corpus (269) ; 272 proviennent d’une cité grecque (Tarente, Métaponte, Locres, Hipponion), 9 de nécropoles non grecques (fig. 17 ; tableau 2). Paradoxalement, ces derniers sont mieux connus car souvent mieux conservés et documentés.
Fig. 17. Répartition des naiskoi en Italie méridionale du ve au iiie siècle av. n. è.

Carte de l’auteur (CC BY-SA 4.0).
Tableau 2. Statistiques sur la répartition des naiskoi d’Italie méridionale du ve au iiie siècle av. n. è. Sans Tarente : Apulie = 41 % ; Lucanie = 33,3 %.

Typologie
75E. Lippolis replace la typologie des naiskoi dans le cadre plus général des monuments funéraires hellénistiques145. Son intérêt est notamment de confronter les naiskoi de notre corpus avec les naiskoi athéniens et asiatiques et d’en tirer des conclusions chronologiques. L’archéologue italien se focalise néanmoins sur Tarente sans reprendre tout le corpus italien. La douzaine de naiskoi suffisamment documentés permet d’établir une typologie, la question est de savoir si elle peut être généralisée aux nombreux exemplaires fragmentairement connus.
76Les naiskoi identifiés en Italie du Sud présentent des traits communs fondamentaux. Avec les tumuli, ce sont les seuls marqueurs couvrant l’intégralité de la déposition originelle (d’autres sépultures peuvent être placées auprès du marqueur) sur laquelle ils sont généralement immédiatement placés : le mort n’est pas à l’intérieur du naiskos comme dans une chapelle funéraire moderne, mais bien dessous, en pleine terre, dans une fosse ou dans une chambre. La pièce est, dans tous les cas conservés, de forme rectangulaire, plus profonde que large, au contraire de ce que l’on appelle les naiskoi à Athènes, qui n’ont pas vraiment de profondeur. Ils semblent être généralement construits sur une base pourvue de marches, peu élevée mais suffisante pour mettre l’édifice en valeur dans le paysage. Bien que la topographie soit le plus souvent inconnue (267 hors contexte, 14 seulement in situ), tout indique que les naiskoi marquaient fortement le paysage.
77Fronton, toiture à double pente et porte encadrée de demi-colonnes cannelées sont les caractéristiques principales ; les variantes selon les lieux et l’investissement financier des commanditaires sont néanmoins nombreuses. Les naiskoi les mieux connus s’inscrivent dans l’architecture dorique, mais les fragments retrouvés dans les nécropoles montrent qu’il existait des naiskoi d’ordre ionique. Les vestiges conservés sont en pierre, dont la qualité varie. La disproportion qui existe dans le corpus entre le nombre des blocs décorés et celui des simples « moellons » de construction a incité certains spécialistes à imaginer des structures en bois, éventuellement stuquées, telles que celles qui sont attestées à Roccagloriosa146. On peut aussi expliquer la relative rareté des simples blocs quadrangulaires par le recyclage auquel ils se prêtent, qui expliquerait la disparition systématique de ces bâtiments.
Approche chronologique
78En l’état de la recherche, une chronologie fine est impossible à établir. Les naiskoi sont datés entre 340 et 250 av. n. è. à Tarente selon J. C. Carter et entre le dernier quart du ive siècle et la fin du iiie siècle dans le reste de l’Italie du Sud147. Faut-il en conclure que le naiskos n’apparaît en Italie du Sud qu’au milieu du ive siècle et ne connaît de succès qu’à la fin du siècle et au iiie siècle ? Les peintres représentent des naiskoi dès 375-370, soit vingt à trente ans avant les premières attestations archéologiques. Pour rendre compte de ce hiatus, on peut avancer trois hypothèses : soit ce ne sont pas des naiskoi qui sont figurés, mais des stèles monumentales (qui font autant défaut archéologiquement parlant mais qui ont pu être inspirées par des représentations attiques)148, soit les peintres ont inspiré les architectes, soit la documentation archéologique est lacunaire.
79Cette chronologie correspond globalement à celle des naiskoi de Grèce et conduit à penser que les Italiens empruntent le modèle en Attique dans un laps de temps très court149. Le retour de l’incinération à Tarente à la même période indique un changement dans les pratiques funéraires, dont les naiskoi pourraient être l’une des conséquences, moins certainement le moteur150. Les insuffisances de notre connaissance de la chronologie empêchent de connaître plus précisément les processus de diffusion des naiskoi dans la région. Les données quantitatives et qualitatives, ainsi qu’un parallèle avec les tombes à façade et les tombes rupestres napolitaines auxquelles nous nous intéresserons ci-après conduisent à penser que le modèle est né et s’est d’abord développé à Tarente, avant de rencontrer le succès ailleurs en Apulie, puis de se diffuser vers l’ouest, par le biais des cités grecques, jusque dans les communautés avec lesquelles elles interagissent. Les naiskoi de Ceglie Messapica et de Muro Tenente sont néanmoins potentiellement antérieurs à 340, ce qui suggère que de tels édifices ont pu être élevés dès le deuxième quart du ive siècle : doit-on alors envisager plusieurs parcours du modèle attique, l’un passant par l’iconographie, reprise et réinterprétée en Italie, l’autre par Tarente et le développement de l’architecture funéraire même, éventuellement à la suite de l’arrivée d’artisans athéniens ?
Les naiskoi d’Italie méridionale du ve au iiie siècle av. n. è. : bilan
80À Tarente, le naiskos marque les tombes d’un à deux individus (la plupart des tombes à chambre découvertes contiennent deux lits funéraires, sans que des réductions ou des réutilisations successives aient été mises en évidence à notre connaissance), quand il semble avant tout collectif ailleurs. Si les données anthropologiques sont trop rares pour proposer une analyse détaillée des occupants de ces sépultures, on remarque néanmoins que les deux sexes sont représentés. Comme dans l’iconographie, où des attributs conventionnels renvoient à un genre (armes et cuirasses pour les hommes, miroir pour la femme mariée…), on peut supposer que certains thèmes iconographiques utilisés dans l’ornementation des édicules sont genrés : les scènes de batailles constitueraient ainsi le décor de tombes masculines, les scènes d’enlèvement celui de tombes féminines151.
81La noblesse de l’architecture, la qualité du matériau et du répertoire ornemental indiquent que les commanditaires des naiskoi appartiennent aux classes les plus aisées de la population, aussi bien en milieu grec que lorsqu’ils sont repris par d’autres communautés152. À la différence de marqueurs comme les stèles, moins coûteux, il semble que les classes moyennes n’avaient pas la capacité financière de les imiter. À Tarente, ce modèle de marqueur est adopté par une partie de l’élite seulement, d’autres types de sémata prestigieux existent en quantité dans la nécropole.
82Le modèle adopté à Tarente est typiquement grec. Copié sur la Grèce, résultat d’un commerce Grèce-Italie ou d’une production autonome, le type rencontre un succès simultané en Attique et en Italie du Sud. Sa genèse est-elle à replacer au sein d’une vaste koinè grecque153 ou véritablement en Italie, inspirée par les pratiques attiques ? M. Castoldi envisage que la pietra tenera utilisée pour les reliefs tarentins soit issue de carrières de Ceglie Messapica154, et que leur fabrication est due à des ateliers locaux plus ou moins spécialisés : nous n’aurions donc pas affaire, comme c’est parfois le cas pour les stèles, à une importation directe depuis l’Attique. Le rôle d’Athènes est cependant majeur, comme l’attestent les nombreuses sources155. Selon E. Lippolis, il s’agit de leur lieu de création, conséquence de l’évolution des stèles à fronton : les naiskoi de Tarente sont sans précédent dans la cité et seraient dus à l’adoption de ce modèle importé, avant que ne s’opèrent un développement important et une autonomisation du modèle, par le biais notamment du style taranto-corinthien156. Les artisans tarentins mêlent cependant les apports, combinant modèle architectural attique et emprunts macédoniens pour l’iconographie : thèmes guerriers, cuirasses militaires et armes. Au cours du ive siècle, l’affirmation croissante de l’individu conduit à des évolutions des monuments funéraires et à l’avènement du naiskos. Dans une société où les strates et les hiérarchies se font plus complexes, le mnéma célébrant le statut du mort se fait plus courant et imposant157. Conséquence de cette genèse complexe, il est difficile de savoir si les stèles les plus imposantes de Tarente évoquent un naiskos ou sont le résultat d’une évolution parallèle de la stèle à corniche monumentale attique.
83Dans la région de Tarente, on voit que les modèles et les codes diffusés par la cité grecque sont repris et adaptés, notamment dans les centres situés sur des axes de circulation importants reliant la cité à ses alentours. Les carrières, voire les ateliers de sculpture, ne se trouvent pas à Tarente, mais dans ses environs, ce qui contribue certainement à la diffusion des modèles158. Leur usage dans des zones plus éloignées révèle des échanges intenses : les naiskoi brettiens, comme les stèles, illustrent la circulation des modèles, des personnes et des biens. La dimension collective des naiskoi correspond à la pratique de la sépulture de groupe constatée chez de nombreuses communautés non grecques. Celles-ci, surtout en Apulie, ont donc pu préférer ce type à un autre, tout en l’adaptant à leurs pratiques. La référence à la culture grecque constitue par ailleurs peut-être pour les élites de ces communautés une façon de se distinguer. Si elle passe généralement par la pratique du banquet, l’architecture funéraire peut également servir cette démarche. Elle démontre la maîtrise des échanges, la richesse et la capacité d’adaptation des commanditaires. L’architecture funéraire antérieure n’étant que peu démonstrative, il leur est nécessaire d’avoir recours à une koinè plus large et de s’approprier des formes d’expression allogènes159. Dans d’autres zones, à Tiriolo ou Roccagloriosa, les naiskoi illustrent ce phénomène, mais l’appropriation du modèle par les élites locales montre également que le type s’autonomise et évolue différemment.
84Les naiskoi cumulent les éléments porteurs de symboliques : dimension collective, architecture pseudo-religieuse, statue ou groupe statuaire, répertoire ornemental… Autant de moyens pour les commanditaires de transmettre un message aux visiteurs de la tombe ou de l’ensemble de tombes, et aux passants. Plus qu’une stèle ou un vase, par sa forme de temple, le naiskos signifie un espace autre, sacré, partagé entre monde des vivants – la partie supérieure permet d’établir avec le défunt la relation qui est recherchée avec une divinité – et monde des morts – la partie hypogéique, inaccessible, isolée. Pour A.-M. Guimier-Sorbets, la représentation des naiskoi s’apparente à celle des dais funéraires, ce qui établit un lien avec les cultes à mystère et rapproche le défunt des dieux : les baldaquins seraient destinés aux dieux et aux héros, en écho aux rois perses ou même à Alexandre160. L’architecture pseudo-religieuse de ces édifices peut autant correspondre à l’idée d’héroïsation individuelle qu’à un culte des ancêtres, même s’ils sont récents, qui permet aux vivants de s’inscrire dans une lignée prestigieuse. En effet, comme nous y reviendrons à propos des hypogées, il existe une parenté entre l’architecture domestique et les tombes à façade : ces tombes-maisons permettent, lors de l’installation du cadavre sur le lit funéraire, une sorte de prothesis éternelle qui perpétue les honneurs qui lui sont rendus161. Les hommages rendus aux ancêtres et leur prestige rejaillissent sur les survivants et les occupants de la tombe lorsqu’elle est collective, le culte renforçant ainsi le sentiment d’appartenance à une lignée prestigieuse et unique. Cela entre en contradiction avec l’idée d’héroïsation individuelle, qui a pu intervenir dans un premier temps. Il nous semble que le concept de culte familial est plus proche de ce que l’on observe : dans le cas des tombes collectives c’est tout un groupe d’aïeux qui est valorisé et dans lequel se projettent les vivants, ils affirment leur appartenance au groupe et la continuité des générations. Un tel projet justifie un investissement massif dans l’architecture funéraire, à la fois économique, idéologique et temporel. La construction d’une tombe marquée d’un édicule s’inscrit dans une chronologie longue, de l’importation des matières premières à la fermeture des tombes, puis aux cérémonies sur la tombe, qui suggère que la sépulture est commanditée du vivant de son occupant, ou bien que les dépositions sont secondaires, ce que l’archéologie ne semble pas corroborer. Le marqueur servirait dans ce cas à la fois de viatique et de moyen de communication pour les vivants, et y compris pour l’occupant de la tombe qui, de son vivant, peut se vanter de la construction d’un édifice de prestige et affirmer son statut par ce biais.
85« L’articulation entre le passé héroïque, le passé proche et le présent […] suggère, comme l’a démontré Agnès Rouveret, la transcription figurée d’éloges162. » La représentation du défunt avec ses armes, dans une nudité héroïque ou en écho à la figuration de scènes mythologiques relève d’une sémantique funéraire connue. Elle assimile le défunt à une divinité ou à un héros, afin de le célébrer et de lui accorder des possibilités de cultes. Les monstres protègent la tombe, parfois depuis son pinacle quand ils sont représentés sur des acrotères ou sur les frontons. Les têtes de Gorgone s’intègrent notamment à un axe important des représentations grecques : la mort, la pierre et l’invisibilité163. Mourir c’est ne plus voir ceux qui nous voient, et donc ne plus être vu164. Les scènes mythologiques sont des allégories et invitent les spectateurs à comparer le défunt à des figures « sauvées » ou du moins élevées (scènes de rapt divin), les personnages figurés étant aussi parfois des guides vers l’au-delà. Une étude plus poussée permettrait peut-être de relier ceci au développement des cultes à initiation, comme l’illustrent le matériel placé à l’intérieur des tombes et l’iconographie. Ce répertoire symbolique accompagne la tombe et le défunt, ainsi que la figuration statuaire du mort. Il s’agit donc d’un ensemble qui prend à la fois une valeur cultuelle, héroïsante et religieuse, d’un signe apotropaïque et d’un marqueur social, le tout s’insérant au sein d’une dynamique eschatologique répondant à une forte inquiétude vis-à-vis de l’au-delà et à un fort souci de représentation, passant notamment par une inscription formelle et symbolique dans le paysage funéraire.
Les hypogées à façade à accès depuis le sol
86Les hypogées à façade à accès depuis le sol sont des sépultures taillées dans le substrat naturel, comportant une ou plusieurs chambres funéraires, précédées par une façade, un vestibule et un dromos165. Cette voie d’accès peut prendre la forme d’un escalier ou d’un plan incliné descendant du niveau du sol à celui du seuil des chambres. Les vestibules sont généralement plus larges que le dromos, ils permettent éventuellement de faire la distribution des chambres et sont à ciel ouvert, certains parlent alors d’atrium166. Les tombes retenues pour cette catégorie sont littéralement des hypogées, à la différence des tombes rupestres de Naples. Elles présentent des variantes selon les lieux167, mais on trouve partout la volonté de monumentaliser les façades, parfois au moyen d’un revêtement en blocs rapportés, et de les décorer168.
87La connaissance de ces hypogées de notre corpus repose sur les seules données archéologiques. À notre connaissance, aucun texte ne les mentionne et il semble impossible d’en identifier spécifiquement parmi les multiples façades d’édifices funéraires représentées sur les vases. Dans l’iconographie, rien ne distingue l’architecture de celle de bâtiments construits en surface : les peintres n’ont pas cherché à exprimer l’idée d’un espace souterrain, même lorsqu’ils dépeignent le palais du roi des Enfers169. Un éventuel critère non satisfaisant pour identifier un bâtiment souterrain serait la représentation d’un toit horizontal plutôt qu’à double pente : dans ces cas, le peintre a pu cependant faire un choix iconographique mieux adapté à la surface de son vase ; il est également possible qu’il ait représenté non pas la façade, mais un côté de la toiture.
88La documentation archéologique est ancienne et abondante, mais souvent difficilement utilisable170. Dans le cadre de notre problématique sur les marqueurs, les hypogées à accès depuis le sol soulèvent des difficultés spécifiques que la littérature scientifique n’a que rarement abordées, notamment concernant leur visibilité : étant donné leur position au-dessous du niveau du sol, est-il pertinent de vouloir identifier ces structures comme des marqueurs ? Comment ces tombes s’intègrent-elles dans le paysage funéraire ? Le dromos était-il comblé ou couvert171 ?
89Que les dromoi soient invisibles ou laissés vides, la question du rôle de marqueur des façades demeure posée : elles ne sont visibles que lorsque l’on s’en approche. Se pose donc une question connexe : ne faut-il pas supposer que des marqueurs complémentaires sont placés au-dessus de la tombe pour en signaler la présence et attirer l’attention sur la façade ? Dans certains cas, on peut même penser que la façade, ou plutôt l’acrotère central, dépassait, indiquant du même coup la présence d’une tombe et la nature du marqueur. En raison des lacunes de la documentation et de la spécificité de la problématique, nous avons choisi de n’intégrer au corpus que les tombes pour lesquelles une façade architecturale, ou du moins une ornementation externe, est clairement avérée, éliminant ainsi les nombreux cas dans lesquels seul un dromos d’accès a été mis en évidence et ceux dont les dromoi étaient couverts. Bien qu’elles aient pu servir de modèle, nous ne prenons pas en compte les tombes a grotticella qui sont souvent antérieures, couvertes et sans façade172. Le passage d’un type à l’autre est à situer vers la fin du ve siècle av. n. è. Par ailleurs, il ne faut pas s’étonner ici de l’absence des « hypogées de Naples », qui sont en réalité des tombes rupestres et seront traités à part.
90En dépit des nombreux critères de sélection, le corpus s’avère suffisamment important pour mener une étude satisfaisante : il compte une soixantaine de tombes, dont la majorité est située à Canosa di Puglia et dans ses environs.
Historiographie et état de la recherche
91Si des sites célèbres comme celui de la bataille des Cannes ont depuis longtemps suscité l’intérêt des érudits dans la région de Canosa, les nombreux vestiges ont aussi très tôt capté leur attention173. En raison de leur richesse et de leur variété, la recherche a privilégié les hypogées de la Daunie. Dès le xviiie siècle, ils attirent les antiquaires et constituent parfois une étape du Grand Tour174. Pour M. Corrente, on ne peut cependant parler d’« archeologia canosina » qu’à partir du siècle suivant, quand l’intérêt pour les « beaux vases » engendre de nouvelles découvertes.
92Emblématique est la mise au jour en 1813 de la fameuse tombe Monterisi et le sort réservé au matériel qu’elle livre, immédiatement dispersé, en plusieurs étapes. Caroline Murat finit en effet par emporter plusieurs des vases découverts dans la tombe lors de la fuite du gouvernement français en 1815. Cependant, une publication accompagnée de relevés paraît rapidement et, trois ans après la découverte, A.-L. Millin publie ses dessins, en relation avec la collection Bonaparte, afin de reconstruire la tombe à l’échelle 1 dans son musée. Suit une période de chasse au trésor dont les motivations peu scientifiques expliquent la rareté de données contextuelles conservées. Bien qu’elle soit « la missione più intrigante e confusa della storia ottocentesca degli scavi canosini175 », la découverte en 1843 des hypogées du fond Lagrasta et la publication de C. Bonucci changent la donne176. Cet architecte fait preuve d’une certaine désinvolture et propose une restitution aujourd’hui considérée comme fantaisiste – nous y reviendrons –, mais son souci de vulgarisation attire l’attention de la communauté scientifique. Les investigations archéologiques et l’intérêt pour les hypogées ne se renouvellent guère ensuite jusqu’à la période contemporaine. Comme le note M. Corrente, l’absence d’une élite intellectuelle locale capable de canaliser et documenter un minimum les découvertes pèse sur les progrès de la connaissance à Canosa, alors même que l’on constate le contraire non loin de là, à Ruvo177.
93L’archéologie est aujourd’hui bien plus active, notamment en raison des travaux de M. Mazzei qui en fut longtemps la protagoniste178. Dans son article consacré au dossier, J.-L. Lamboley proposa en 1981 une typologie des hypogées de la région montrant l’ampleur des travaux à réaliser et l’intérêt alors porté par la communauté scientifique179.
Distribution chronologique et géographique
94La distribution géographique des hypogées à façade est aisée à caractériser : la rive adriatique de l’Italie du Sud concentre la quasi-totalité des exemples (fig. 18 ; tableau 3). Les soixante-deux hypogées à façade répertoriés se répartissent dans quinze sites. Le plus grand nombre de cas se trouve en Daunie, en particulier dans les deux cités de Canosa et Arpi.
Fig. 18. Répartition des hypogées à façade en Italie méridionale du ve au iiie siècle av. n. è.

Carte de l’auteur (CC BY-SA 4.0).
Tableau 3. Répartition des hypogées à façade par région actuelle (61).

95Le modèle est attesté en Peucétie, et en Messapie où les exemples sont dispersés (Rudiae, Lecce, Vaste, Cavallino, Oria ; l’« Ipogeo Palmieri » de Lecce focalise l’attention en raison de son programme ornemental180). À Tarente, huit occurrences ont été relevées dans les publications, mais il semble évident au vu des archives et du matériel que d’autres existent ; il est cependant difficile de savoir si les dromoi étaient couverts ou non, les lacunes documentaires empêchant de les traiter actuellement de façon satisfaisante. Par ailleurs, on trouve deux cas en Calabre et neuf en Basilicate.
96Il est possible de proposer un tableau chronologique seulement très approximatif (tableau 4), la datation des hypogées posant des difficultés en raison des données archéologiques parfois inexistantes et des réutilisations des tombes sur plusieurs générations.
Tableau 4. Répartition chronologique des hypogées à façade (par siècle, av. n. è.).

La plupart des hypogées pour lesquels des données chronologiques sont disponibles ont été en usage au cours des iiie et iie siècles av. n. è. Il faut considérer ces données avec précaution et surtout retenir la date du début de l’occupation. La datation des réutilisations semble plus difficile à estimer et soumise à plus d’aléas.
97La plus grande partie des hypogées à façade de notre corpus date du iiie et du iie siècle av. n. è., leur utilisation se poursuit parfois jusqu’à la période impériale romaine. Il semble que le modèle se diffuse de la côte orientale vers les régions plus méridionales. Si le type local de tombe dit a grotticella portait les prémices du modèle plus élaboré qui le remplace au cours de la période classique, des éléments exogènes ont sans doute joué un rôle181. L’apparition puis le succès de ce type de tombe dans l’est de l’Italie méridionale, qui entretient des relations régulières avec les Balkans et la Méditerranée orientale, amènent à poser la question des éventuels modèles balkaniques, macédoniens, asiatiques et alexandrins.
98Contrairement à ce qui est d’usage dans le monde grec, en Apulie les populations ayant recours à des hypogées à façade les placent souvent au sein même de l’habitat : les nécropoles sont donc articulées avec l’habitat. Avec le temps, les tombes les plus prestigieuses sont néanmoins de plus en plus isolées du reste des tombes182. Comme J.-L. Lamboley le montre dans son article sur « les hypogées indigènes apuliens », cette facette de l’analyse rencontre deux problèmes : il est difficile de situer les hypogées par rapport aux zones d’habitat et aux nécropoles. Notre connaissance de l’étendue des habitats et de leur évolution est en effet limitée. On remarque en outre que les hypogées peuvent aussi bien être isolés géographiquement, insérés dans des ensembles de tombes similaires ou mêlés à d’autres types de marqueurs : à Ordona, une nécropole est comme « réservée » aux hypogées ; à Canosa, des zones plus denses sont identifiées, sans qu’il soit possible d’affirmer l’existence de nécropoles, pourtant situées la plupart du temps intra-muros, près de la demeure familiale ou de routes, ou extra-muros, près de fermes et d’axes routiers183.
99Les stratégies mises en place par les commanditaires pour être visibles peuvent donc être relativement différentes : une tombe souterraine située au sein d’une cité et de la circulation de ses habitants est bien visible, même sans marqueur en surface, ce qui peut expliquer un recours plus systématique aux naiskoi à Tarente, dans des zones nécropolaires plus denses et isolées des cheminements quotidiens, soit en complément, soit à la place de la façade hypogéique.
Les tombes à façade : présentation d’exemples types à Arpi, Canosa, Tarente, Egnazia, Lecce et Vaste
100À Arpi, trois hypogées à accès depuis le sol nous intéressent particulièrement, il s’agit des tombes dites de la Méduse, de Ganymède et des Amphores184. Ils permettent notamment de réfléchir à la question de la visibilité de la façade.
101Exceptionnel, l’hypogée de la Méduse a fait l’objet de recherches étendues et de plusieurs publications (fig. 19)185. Plusieurs fois pillé, il est « officiellement » découvert en 1980 et une documentation graphique est établie. Il subit un saccage en 1984 lorsque le fronton est démonté au moyen d’une pelle mécanique par des pilleurs ; la police italienne réussit à récupérer les fragments architectoniques aujourd’hui exposés au musée de Foggia ; des fouilles ont lieu en 1985 et 1989 dans des conditions difficiles en raison de la construction de l’autoroute. Selon M. Mazzei la construction de l’hypogée survient entre le iiie et le iie siècle av. n. è. et serait contemporaine des trous de poteau et des vasques enduites repérés à l’extérieur du dromos, que l’archéologue met en relation avec des réfections de la façade : il s’agirait de bassins de décantation pour la fabrication des enduits.
Fig. 19. Plan de la tombe de la Méduse (ARP0001).

Dessin de l’auteur d’après Mazzei 1998, fig. 1, p. 73.
102L’hypogée marque une rupture importante avec les traditions architecturales locales186. Taillée dans le sol et construite de blocs de tuf taillés, la tombe est précédée d’un dromos de 9,30 m dont les deux parois sont constituées de matériaux divers (tuiles, briques, blocs taillés et pierres irrégulières) sur lesquels ont été identifiés des fragments d’enduits sombres. Le sol du dromos a connu trois phases : d’abord taillé dans le sol, il est recouvert à deux reprises par des couches de calcaire et de terre. La couche intermédiaire contenait du matériel : des tessons et un peson.
103La façade tétrastyle mesure 3,58 m de large et 2,06 m de haut. Les colonnes sont surmontées de chapiteaux ioniques figurés soutenant une architrave qui devait être peinte, d’une frise dorique sculptée et peinte et d’un fronton au centre duquel se trouve le visage de Méduse, sur fond rouge. Lors des fouilles, bien postérieures au pillage comme nous l’avons vu, l’acrotère sommital a été découvert dans le comblement du dromos : celui-ci n’était donc pas entièrement rempli de terre lorsque le bloc est tombé de la toiture. Le vestibule entre les colonnes et le mur de la première chambre est relativement grand (1,16 × 3,58 m), ses parois sont construites et peintes. Outre des panneaux jaune et rouge, on identifie une frise stuquée et plusieurs scènes peintes, dont une figuration de Cerbère et un pinax figuré187. Celui-ci représente un jeune guerrier et son cheval devant un homme en toge sous une inscription en messapien, que C. De Simone a daté du iie-ier siècle av. n. è.188. L’inscription et la peinture du pinax, ajouts ultérieurs à la construction de la tombe, montrent qu’un accès était possible à une date bien postérieure à la première mise en fonction. Des résidus d’enduit jaune couvrent une partie du sol sur lequel est représenté un animal marin. La porte centrale était fermée par deux vantaux en pierre imitant la construction d’une porte en bois. Il n’y a pas lieu de décrire ici précisément l’intérieur de la tombe : une pièce centrale donne sur deux chambres funéraires à lits. Le décor et le matériel situent la première phase d’utilisation entre la première moitié du iiie siècle et le milieu du iie siècle av. n. è.
104Ce qui frappe le plus avec la tombe de la Méduse, c’est bien évidemment sa monumentalité, la taille du dromos, aussi large que la façade, devait permettre aux passants de la voir dans toute son ampleur lorsqu’ils empruntaient la voie de circulation de laquelle partait la pente, surtout si l’on imagine un quelconque moyen de signalement supplémentaire en surface et la présence de couleurs sur l’ensemble de la structure189. Revenons à l’acrotère central qui a été retrouvé dans le dromos : il n’a semble-t-il pas attiré l’attention des archéologues ayant travaillé sur la tombe ; il est néanmoins intéressant de faire plus que de le restituer à son emplacement originel. Il est probable que ce couronnement ait pu dépasser de la cavité au fond de laquelle est installée la tombe. Un parallèle peut être établi avec la façade de la tombe d’Aghios Athanasios en Macédoine, dont l’acrotère central émergeait clairement du sol. Outre son aspect pratique, repérer la tombe, ce système peut avoir des significations métaphoriques. En effet, l’acrotère émergeant du sol lie le sous-sol et les morts, au sol et aux vivants. Le motif floral de l’acrotère introduit en outre une symbolique végétale et eschatologique en matérialisant un cycle, une renaissance.
105La réfection répétée des sols ne semble pas explicable si le sol du dromos était couvert de terre hors des phases d’utilisation, à moins que des dégagements et enfouissements répétés aient suffisamment causé de dommages pour qu’aient lieu des restaurations. L’état des enduits muraux, ainsi que du sol entre les colonnes et la porte, incite à imaginer que l’espace se trouvait à l’air libre, et a donc subi les dommages du temps, notamment de la pluie et du passage d’êtres vivants, contrairement aux peintures protégées par la toiture qui ont mieux enduré les éléments naturels.
106La documentation archéologique de l’hypogée de la Méduse fournit donc un ensemble d’arguments allant à l’encontre de l’hypothèse selon laquelle le dromos aurait été volontairement comblé après la fermeture de la tombe.
107Situé à proximité de la tombe de la Méduse, l’hypogée de Ganymède est orienté de la même façon ; on peut penser que leurs dromoi débouchaient sur une même voie de circulation, malgré leurs longueurs différentes. Cet hypogée pourrait présenter un bon argument en faveur du comblement rapide et volontaire du dromos : une coupe exécutée à son débouché dans le vestibule montre que la terre de remplissage est homogène sur toute la hauteur du comblement. Cependant, l’histoire de l’édifice invite à la plus grande prudence dans l’exploitation de la stratigraphie : la structure n’a pas fait l’objet de véritables fouilles, mais on sait qu’il s’est affaissé, que la tombe a été pillée ou vidée et que sa façade a été retirée dans l’Antiquité. M. Mazzei envisage que la tombe de la Méduse ait servi à reloger son occupant à la suite de l’effondrement. Le passage d’une couverture à double pente à une voûte rendant la structure plus solide et plus apte à supporter une façade monumentale190. On peut donc imaginer qu’à la suite de son affaissement et de son abandon ou pillage, le dromos ait été comblé de façon uniforme et rapide.
108Enfin, l’hypogée des Amphores, relativement abîmé, présente des similarités intéressantes avec la tombe de la Méduse. Seule la partie inférieure de la façade est encore en place, elle devait être moins monumentale que celle de la tombe de la Méduse, mais présenter à l’origine une apparence similaire. L’organisation est également sensiblement la même, bien que le changement d’échelle induise quelques différences notables : on retrouve un dromos aussi large que la façade, des colonnes prostyles (deux au lieu de quatre) et un vestibule (séparé en deux). On note l’absence de chambres latérales. Le décor de cette tombe est moins bien conservé : nous ne disposons plus de l’architrave et du fronton sur lequel était peut-être placé un décor semblable au visage de la Méduse, les chapiteaux sont simples et non figurés, les montants de la porte ne sont pas sculptés mais peints. L’apparat décoratif est donc plus sobre, mais également principalement dirigé vers l’extérieur de la sépulture, vers les vivants, et non vers le défunt auquel l’espace dédié est sensiblement réduit eu égard aux dimensions de la structure.
109Les hypogées de Canosa sont creusés dans le banc de tuf sur lequel la cité est construite. Ils sont constitués de dromoi à plan incliné ou en escalier, de vestibules et d’une ou plusieurs chambres, dont certaines ne sont pas destinées à accueillir des corps. Des tombes a grotticella coexistent avec les hypogées plus travaillés, qui sont toujours plus grands et généralement plus récents. La plupart de ces tombes sont situées dans l’espace des vivants et non dans des nécropoles isolées ou dans la campagne (fig. 20). Les façades sont taillées dans le tuf, construites, enduites et peintes. Datées des ive et iiie siècles av. n. è., elles sont contemporaines de la période la plus florissante de Canosa. Pour le détail de treize des trousseaux funéraires, il est utile de se référer à l’article écrit en 1982 par E. De Juliis : « Nuovi ipogei canosini del iv e iii sec. a.C. »191.
Fig. 20. Répartition, par type, des tombes identifiées à Canosa.

Plan de l’auteur (Map data from OpenStreetMap).
110Avec ses neuf chambres creusées dans le tuf, Lagrasta I est l’un des plus grands complexes hypogéiques du corpus. Il est notamment décrit et analysé par R. Cassano192. L’accès au vestibule puis aux différentes pièces se fait via un dromos et cinq portes encadrées de demi-colonnes. Comme l’ensemble des tombes Lagrasta, il est surtout connu grâce à la documentation du xixe siècle. Lagrasta II ne comporte que trois chambres, dont deux seulement donnent sur le dromos ; les portes sont encadrées de colonnes appuyées contre les parois. Une statue féminine acéphale en marbre, retrouvée dans le vestibule de Lagrasta II, devait probablement prendre place dans le portique à son aplomb193. Le troisième hypogée du groupe est le plus simple : seule la porte de la chambre axiale est encadrée de colonnes, l’unique chambre latérale ne dispose pas de façade malgré son entrée via le vestibule au bas du dromos. On peut imaginer que cette pièce n’était pas destinée à accueillir un défunt, mais du mobilier.
Fig. 21. La découverte des hypogées de Lagrasta est reprise dans la presse anglaise à plusieurs reprises.

Dessin tiré de Illustrated London News, 7 janvier 1854, p. 5.
111L’ensemble des hypogées dits de Lagrasta est l’un des plus célèbres en raison d’une restitution fausse de la structure de Lagrasta II qui a fait couler beaucoup d’encre (fig. 21)194. En effet, différents éléments indiquent la présence d’un marqueur complémentaire important, ce qui a mené à la célèbre représentation de la tombe avec son impressionnante façade double, que l’on peut retrouver dans de nombreux livres d’architecture grecque (fig. 22)195. Cependant, les vestiges identifiés lors de la fouille au xixe siècle sont plus probablement ceux d’un portique placé à la verticale de la tombe196, comme cela est aussi proposé pour l’hypogée Varrese à Canosa197. Ce portique montre la volonté de signaler de manière plus monumentale encore la présence des trois tombes, et pas seulement Lagrasta II, même si elle se distingue apparemment clairement des autres.
Fig. 22. Propositions de restitution des façades, notamment de Lagrasta II (CAN0002).

D’après Bonucci 1854, dans Mazzei et Lippolis 1984, p. 195.
112L’édifice en surface devait apparaître clairement dans le paysage lorsque l’on empruntait la voie pénétrant dans la cité. Si l’on envisage que des statues des défunts ou de membres de la famille y prenaient place, il s’agit d’une mise en scène inédite de l’espace funéraire au sein de l’habitat. Une façon d’exploiter les possibilités de l’architecture grecque dont il est surprenant qu’elle n’ait pas suscité de commentaire de la part des auteurs antiques. Lagrasta II illustre l’intérêt des élites locales pour les modèles grecs, qui passe par une appropriation et une resémantisation des codes architecturaux. E. Lippolis propose de voir dans cette option architecturale une solution visant à remplacer un tumulus198.
113Redécouvert en 1979, l’hypogée Scocchera B prend alors le nom de Boccaforno199. De même que dans l’hypogée Monterisi200, du matériel a été découvert devant les dalles de fermeture : une broche placée au pied de la paroi gauche de l’entrée principale. Cet objet laissé après les rites funéraires et la fermeture de la tombe, permet de dater celle-ci entre 330 et 250 av. n. è. Il est intéressant de noter que la tombe a dû être pillée dès l’Antiquité et que les pilleurs, une fois entrés dans une pièce par la porte, ont circulé dans les autres pièces en faisant des trous dans les parois plutôt qu’en déplaçant les portes201.
114Pillé au cours du siècle précédent, l’hypogée Varrese a été étudié dans les années 1970202. La façade centrale, qui précède la chambre est constituée de blocs rapportés finement taillés. La structure connaît plusieurs phases : il semble tout d’abord qu’elle soit réservée à un individu masculin, placé dans ce qui constituera par la suite la chambre centrale, dans l’axe du dromos203. De nouvelles chambres sont ensuite aménagées, le sol du vestibule est abaissé, le dromos est allongé et sa pente adoucie. Enfin, le complexe est étendu vers l’est où une nouvelle pièce débouche sur le vestibule204. La porte de la pièce à l’est du vestibule reçoit un encadrement monumental. Dans le même temps, l’accès à la chambre axiale est scellé d’un enduit gris uniforme, puis un pilastre est encastré dans le sol du vestibule. Décentré, probablement afin de ne pas gêner l’accès au complexe oriental, celui-ci a pu remplir diverses fonctions, dont celle de porter une statue ou un vase, liant l’espace inférieur à un hypothétique portique situé en surface. Selon M. Corrente, ce système est en effet à rapprocher de la restitution de C. Bonucci pour l’hypogée Lagrasta II et montre une nouvelle fois l’intérêt des élites de Canosa pour les modèles grecs. La proximité de l’hypogée avec ceux de l’Hoplite et de S. Aloia, dans la nécropole située près du largo Costantinopoli, ainsi que l’existence d’autres groupes incitent à envisager une planification de l’espace funéraire par des groupes gentilices, détenteurs d’un pouvoir oligarchique en phase de consolidation205.
115Découvert en 1972 durant la construction d’une école à Canosa, l’hypogée dit de Cerbère tient son nom de la représentation peinte qui se trouve au-dessus de l’une des portes au bas du dromos. Malgré ses peintures, la tombe n’a pas attiré l’attention lors de sa découverte, ce qui en dit long sur l’intérêt porté alors à ce type de matériel archéologique dans les années 1970 et les suivantes. Cet hypogée se distingue du fait de la géologie locale, puisqu’au lieu d’être taillé dans du tuf il est intégralement creusé dans le banc argileux. On retrouve un plan en croix latine et un dromos sans marches. Une nouvelle fois, la structure a évolué avec le temps, avec l’ajout d’une seconde pièce au fond du vestibule.
116L’intégralité du décor, très abîmé par les travaux, se trouve sur la paroi externe de la première porte, enduite et délimitée d’une bande de peinture rouge ; il est daté entre la fin du ive siècle et le début du iiie siècle av. n. è.206 Seule la partie basse de la scène figurée est conservée ; on reconnaît néanmoins une deductio ad inferos mettant en scène Hermès, le défunt, un guerrier et son cheval à gauche de Cerbère, puis un autre cheval et deux figures féminines. Cerbère semble veiller sur la tombe : il la protège, mais interdit également aux morts de revenir parmi les vivants. Luxe supplémentaire, des femmes avec des offrandes sont associées à la tombe pour l’éternité. E. De Juliis estime que la façade peinte était visible au fond d’un dromos privé de couverture et qu’elle était, à l’instar d’un naiskos, conçue pour être vue des vivants207.
117À Tarente, huit hypogées ont été répertoriés dans le catalogue sous le type « hypogée à façade à accès depuis le sol ». La documentation ne permet malheureusement pas d’être catégorique, ces tombes possédant toutes des vestibules, la plupart du temps peints, et des portes ornées de peintures imitant une porte d’habitation à deux battants et portant parfois des scènes figurées208. La situation tarentine est une fois de plus difficile à appréhender. Il est impossible de quantifier le corpus et de déterminer si les façades étaient véritablement visibles ou non. Il semble que la pratique du dromos couvert y ait eu cours ; on trouve d’ailleurs nettement moins de décorations dans la partie inférieure des tombes que dans les hypogées de Canosa ou Arpi. De nombreux clous fichés dans les parois ont néanmoins été identifiés209, indiquant que l’on y pendait des éléments en matières périssables, qu’on peut imaginer avoir été remplacés régulièrement. Nous nous arrêtons ici sur un cas qui nous semble évocateur de l’ensemble du corpus. Découverte en mai 1934, la tombe à chambre de via Gorizia est à la fois construite et taillée dans la roche, elle est fermée par une porte monolithique enduite et peinte. Au bas de l’escalier d’accès se trouve un petit vestibule au centre duquel on observe une cavité circulaire. La porte conserve les traces de deux décors : du premier on conserve la figure souriante d’un jeune homme torse nu, assis et faisant un signe de la main, du second, la figuration d’une porte à deux battants dont les cadres supérieurs abritent des gorgones ou des masques de silènes210. L’évolution du décor et la possible existence d’un système pour l’évacuation des eaux incitent à envisager que l’espace était au moins accessible, si ce n’est visible.
118Passons à présent à Egnazia, sur la côte adriatique. La majorité des tombes des nécropoles de ce centre messapien important a été pillée ou détruite par le travail de la mer, l’occupation du site jusqu’à la période romaine tardive, puis au cours de la période médiévale quand certaines tombes ont été réemployées comme habitations ou réserves. Les sépultures qui nous intéressent se trouvent aussi bien intra-muros qu’extra-muros. La nécropole nord a été fouillée à la fin des années 1970, de même qu’une zone comprenant cinq hypogées au sud : plus de cent trente tombes ont alors été découvertes, dont soixante-trois messapiennes et soixante-dix-sept d’époque romaine. Le constat principal est une réutilisation continue des tombes ; les fouilleurs ont également noté l’utilisation de l’inhumation, remplacée par l’incinération à la période romaine, et la pratique massive, même pour les petites tombes, des sépultures polysomes et familiales211. La particularité des hypogées d’Egnazia réside principalement dans la mise en place de véritables portes en pierre, à deux battants parfaitement fonctionnels, ce qui est cohérent avec la tradition locale des tombes collectives et plurielles, qui nécessite une réouverture régulière. Il est une nouvelle fois difficile de savoir si les dromoi et les façades étaient visibles ou non. Certaines chambres étant couvertes par des dalles, le même moyen a pu être déployé pour couvrir les escaliers d’accès212. La situation est attestée au moins dans un cas, exceptionnel : un hypogée dont le dromos est un couloir entre deux tombes, sans accès depuis la surface, était signalé par un cippe placé à la verticale du corridor213. Ce système de couverture laisse généralement des traces, notamment des encoches destinées à placer des poutres de soutènement. En leur absence dans la plupart des vestibules, il est envisageable que ces espaces aient été à ciel ouvert. Pour J.-L. Lamboley, aucun édifice de surface n’a été mis en évidence en relation directe avec un hypogée messapien : le dromos, la façade, simple, et ses portes semblent constituer le marqueur de la tombe, avec parfois un cippe en surface.
119Plus au sud, à Lecce, l’hypogée Palmieri a attiré l’attention des chercheurs dès sa découverte en raison de son décor et de son isolement. Une synthèse complète a été proposée en 1992 par G. L’Arab ; la plupart des données exploitées ci-dessous en sont tirées214. L’hypogée présente un plan en croix avec dromos d’accès en escalier, unique en contexte messapien alors qu’il est fréquent en Daunie et en Étrurie. L’architrave de l’entrée est inscrite en messapien, mais l’authenticité de l’incision est mise en doute. La riche décoration sculptée en fait un cas unique. Dans le dromos et le vestibule, on peut en effet retrouver les éléments suivants : les trois portes qui mènent aux chambres sont ornées de six chapiteaux figurés à la mode tarentine (on repère, par exemple, un aigle et un buste féminin) et deux frises courent le long des parois du dromos. L’une représente une bataille entre des fantassins et des cavaliers, l’autre est plus ornementale, avec des rinceaux fleuris entourant un visage féminin. Placées face à face dans le dromos, elles ne semblent néanmoins pas se répondre, ce qui indique, entre autres arguments, qu’elles ne sont pas à leur emplacement originel. G. L’Arab avance l’hypothèse que les deux frises supportaient à l’origine les dalles de couverture du dromos, peut-être précédé d’un bref espace à ciel ouvert, à une hauteur minimum de 180 cm au niveau de la première, et 370 cm au niveau de la dernière. L. Bernabò Brea avance quant à lui l’idée d’un naiskos. Il nous semble envisageable, étant donné la structure de la tombe, la potentielle inscription et les chapiteaux figurés du vestibule, que la situation ait été proche de celle de Canosa. Selon G. L’Arab, la présence d’une telle tombe intra-muros atteste l’existence d’une puissante famille locale et fournit la preuve que Lupiae était autonome et non dépendante de la proche Rudiae.
120À Vaste, une tombe se distingue de l’ensemble de la typologie : l’hypogée dit des Caryatides, parfois aussi appelé hypogée de Vaste215. Ce monument en partie exposé au musée de Tarente a été étudié de manière approfondie par J.-L. Lamboley dans un article de 1981 et dans une synthèse de G. L’Arab en 1991216. Les données présentées ici en sont majoritairement issues217. L’histoire de ce monument est complexe : lors de sa découverte au xixe siècle, l’hypogée est fouillé et les caryatides ainsi que deux reliefs sont prélevés. L’emplacement précis de l’hypogée est ensuite perdu, puis peut-être retrouvé en 1869218, date du plan de De Simone et des notes de De Giorgi : il se trouvait a priori intra-muros, le long d’une voie de circulation dans une zone où se trouvent d’autres sépultures219. La structure est construite et non pas simplement taillée dans le sol ; même le sol est pavé. De plan rectangulaire, elle mesure environ 5 m de large sur 6,6 m de long et devait mesurer un peu plus de 2 m de haut. Sur le plan de De Simone, deux marches seulement sont représentées, ce qui ne suffit pas à descendre de 2 m ; elles étaient donc soit précédées d’autres marches, soit d’une pente, tradition plus locale. Ce dromos conduit sur un vestibule à ciel ouvert bien plus large, distribuant les deux chambres funéraires contiguës, dont les portes sont encadrées par des caryatides soutenant les blocs d’architrave.
121Les deux reliefs représentent, en symétrique, deux erotes sur des chars tirés par des lions. Les blocs présentent chacun à l’avant des chars une partie lisse en saillie qui encadre la scène figurée, l’autre face présentant quant à elle un joint d’anathyrose ; il paraît donc logique d’imaginer qu’il s’agisse des deux extrémités d’une frise. L’une des hypothèses de restitution les place dans l’architrave, l’autre le long du dromos, au sein d’une frise plus longue220. Selon l’analyse de G. L’Arab, les caryatides de Vaste sont des ménades, en rapport avec l’iconographie dionysiaque et artémisiaque des reliefs221. Parfois placées à l’intérieur des tombes (à Svestari, par exemple, ou dans la tombe monumentale d’Amphipolis découverte en 2014)222, ou sur le palais d’Hadès223, les caryatides sont ici à l’extérieur et font office de gardiennes du passage vers l’Hadès.
122Les imports grecs sont clairs en ce qui concerne certaines parties de la tombe (deux chambres funéraires contiguës et un escalier) et les thèmes iconographiques (caryatides et erotes sur des chars, thème plutôt gréco-oriental), mais ces éléments sont totalement réinterprétés : à Tarente ils ne sont a priori jamais présents dans la partie souterraine des tombes à hypogées et les frises d’architraves ne présentent que des motifs floraux. L’ensemble évoque plus une inspiration de l’architecture funéraire de Canosa que de Tarente. L’artisan est cependant peut-être le même que celui des caryatides de Tarente (fig. 23), il a aussi pu être formé dans le même atelier224. En outre, la tombe a pu servir à un seul individu – le mur central n’ayant pour fonction que de supporter la couverture ou d’isoler le corps d’une partie du matériel – ou à un couple d’individus. La coutume locale semble favoriser les sépultures monosomes, contrairement aux hypogées tarentins ou plusieurs lits sont parfois installés dans une seule chambre.
Fig. 23. Deux caryatides de Tarente (TAR0176).

Musée d’art et d’histoire de la Ville de Genève, inv. 19579 et 19580. D’après Klumbach 1937, no 158.
Typologie générale
123Creusés dans le banc rocheux, les hypogées apuliens reprennent peut-être le modèle archaïque de la tombe a grotticella apulienne, qui apparaît dès l’âge du bronze, combiné à des modèles grecs notamment identifiés à Tarente où des hypogées sont construits dès le vie siècle av. n. è. J.-L. Lamboley les classe en trois principales catégories225 : les hypogées monocellulaires sans vestibule (9 occurrences), avec vestibule (5 occurrences) et pluricellulaires avec vestibule (7 occurrences). Il semble que la présence d’un vestibule soit liée en partie à la présence de plusieurs chambres, ce qui induit généralement un plan en croix latine. Plus l’hypogée est grand, plus son couloir d’entrée est susceptible d’être en escalier, solution plus efficace pour descendre rapidement sur une distance courte (une solution peut-être inspirée des tombes grecques) ; parfois une pente peut se terminer par quelques marches. La question de la couverture de ces espaces est abordée ci-après.
124Lorsque la façade est élaborée, la forme et le style sont relativement uniformes : le type ionique domine la typologie, l’entrée des chambres donnant sur le vestibule peut être encadrée de demi-colonnes cannelées (hypogées Lagrasta), de pilastres (hypogée Palmieri) ou de caryatides (Vaste). Ces supports portent une architrave, surmontée d’un fronton triangulaire, le tout étant lié par une moulure. Le décor peut également être seulement peint (hypogée du Cerbère) ou gravé (Ipogeo Scocchera B). J.-L. Lamboley propose de voir dans la forme dorique des portes un éventuel conservatisme, cette configuration évoquant la forme pyramidale des tombes a grotticella plus que la forme rectangulaire du modèle grec tarentin : le modèle dorique hellénistique a pu parvenir jusque dans la région et être ainsi adopté. Peut-être faudrait-il aussi envisager des apports étrusques. Cette configuration est absente à Tarente, Lecce et Vaste.
Des marqueurs bien visibles ? La question du couloir d’accès
125Tous les hypogées étudiés ci-devant sont, comme leur nom l’indique, situés au-dessous du niveau du sol, et donc a priori invisibles dans le paysage. Il n’est fait l’hypothèse d’un marqueur complémentaire que dans trois cas : l’acrotère de la tombe de la Méduse, le portique de Lagrasta II et le pilastre de la tombe Varrese à Canosa. Sans prétendre trancher le débat, nous avançons ci-après plusieurs arguments indiquant que les dromoi de ces tombes n’étaient pas comblés, que l’on y procédait à des rites après les funérailles et que les façades étaient donc visibles. Outre les données archéologiques, le décryptage des intentions des commanditaires montre qu’elles sont peu compatibles avec l’idée d’un dromos comblé226.
126Le fait que certaines tombes très riches aient été retrouvées inviolées pourrait pousser à imaginer que les dromoi étaient comblés et les chambres funéraires ainsi protégées de toute incursion. Les archéologues, les antiquaires des siècles passés et les tombaroli, qui n’empruntent pas forcément la porte, montrent que cet argument n’est pas déterminant, mais plutôt que durant la phase d’utilisation de la tombe, celle-ci était respectée et ne courait que peu le risque d’être pillée.
127Quand il y en a, les marches des dromoi sont généralement usées. En raison des lacunes des publications anciennes, il est difficile de savoir si cette usure est récente ou ancienne, si elle est due au ruissellement des eaux ou à la circulation de visiteurs. Néanmoins, les dromoi de Canosa sont pour la plupart protégés des intempéries par des bâtiments depuis leur découverte (on peut arguer que l’usure pourrait être due à des visiteurs modernes). Les dimensions des rigoles et des déversoirs présents dans les dromoi supposent qu’ils sont conçus pour évacuer des quantités importantes d’eau, et pas seulement de l’eau infiltrée. On peut ainsi signaler, dans l’hypogée des Amphores, un sol enduit concave ayant pu servir à la récolte des eaux227 et un hypogée d’Ordona qui dispose en surface d’un système de rigoles qui devait empêcher l’eau de ruisseler vers le dromos228.
128Les portes d’accès présentent généralement un profil trapézoïdal évoquant l’architecture dorique229. Ces portes sont semblables à celles des demeures luxueuses des vivants, telle celle d’une habitation du iiie siècle découverte à Vaste, via E. Toti230. Il semble évident que l’architecture funéraire imite ici l’architecture domestique et prolonge l’espace des vivants dans celui des morts, sans nécessairement passer par une monumentalisation dans ce cas. Plusieurs possibilités existent quant au système de fermeture : il peut s’agir de dalles juxtaposées (avec un éventuel colmatage au moyen de petites pierres et d’argile), facilement démontables, ou d’une dalle monolithique calée dans des glissières, assurant alors un scellement presque définitif. Quel que soit le système, les portes ne sont pas à double battant comme celles de l’intérieur des tombes (sauf un cas à Egnazia231), ce qui met en évidence une différence fonctionnelle : la porte principale sépare deux mondes alors que les portes intérieures sont domestiques232. Les portes présentes en façade fonctionnent, selon E. Lippolis, comme de véritables propylées de l’Hadès : l’entrée et son encadrement matérialisent une limite, entre monde des morts et monde des vivants233. Ces différentes réflexions n’ont de sens que si la porte restait visible après les funérailles.
129Si la qualité et l’état de conservation de certains décors peints ou sculptés incitent à penser qu’ils n’ont pas été exposés aux intempéries sur une longue durée, ce n’est pas le cas de tous, notamment à Vaste ou à Lecce où la dégradation semble due à la pluie et au vent : il est difficile d’imaginer que ces reliefs aient été couverts de terre, dégagés, puis nettoyés à chaque réouverture des dromoi pour être ensuite laissée sans protection. À Canosa, où certaines peintures sont en très bon état, plusieurs indices laissent envisager la présence de structures, notamment des portiques, qui ont pu les protéger. Dans le cas de l’hypogée de Salapia234, il est possible qu’une superstructure ait été identifiée, peut-être en bois, comme cela est attesté ailleurs235. Enfin, le bon état relatif des peintures n’est pas décisif pour affirmer qu’elles étaient protégées, des traces de peinture ayant été identifiées sur des édifices exposés aux intempéries236. Pensons au naiskos de Locres, sur lequel nous reviendrons, ou à la fouille minutieuse du tumulo della Regina à Tarquinia : celle-ci a démontré que l’espace précédant la porte était un véritable vestibule à ciel ouvert, dans lequel de l’enduit et des peintures monumentales ont été retrouvés sur les parois à la fin de l’escalier monumental237.
130En outre, les programmes iconographiques complexes (scènes de bataille, motifs répétés…) ont une fonction narrative proche de celle des frises et métopes des édifices de surface. Ils incitent à penser qu’elles restaient lisibles et visibles en permanence. Les chapiteaux d’Arpi sont le signe que l’on privilégie l’aspect extérieur selon E. Lippolis238. J.-L. Lamboley va également en ce sens dans son bilan à propos des hypogées apuliens, soulignant qu’il est peu probable que le décor placé dans les vestibules soit rendu invisible par une couverture ou un remplissage du dromos239.
131Certaines des chambres funéraires précédées d’une façade ont été réutilisées240, dans d’autres cas de nouvelles chambres qui ont été ajoutées, en ouvrant de nouvelles portes sur le vestibule (hypogée de Cerbère). L’accès à la façade et aux chambres est donc possible au-delà de la première utilisation, et ce sur plusieurs générations même si cela n’a pas nécessairement été voulu ou souhaité par le premier commanditaire. La pratique de la réutilisation a néanmoins tendance à disparaître en milieu daunien au cours du ive siècle, conjointement à une augmentation de l’attention portée au corps des défunts241.
132Dans certains cas, du matériel a été découvert devant les façades, attestant de rites postérieurs à la fermeture de la porte, par exemple dans le dromos de l’hypogée Monterisi où des vases fragmentaires ont été mis en évidence242. Dans le cas de la tombe de la Méduse, c’est l’acrotère retrouvé dans le dromos qui montre que l’espace était encore vide lorsqu’il est tombé. Cela montre que la zone était accessible, et ce certainement dans le but de pouvoir y procéder à des cérémonies.
133Lors d’une table ronde sur la musique, S. Sarti a formulé l’hypothèse selon laquelle les dromoi des tombes étrusques servaient de gradins pour écouter de la musique, jouée dans le vestibule précédant l’entrée de la tombe243. Son hypothèse s’appuie sur les travaux de G. Colonna qui démontre dans son article « Strutture teatriformi in Etruria » que dromoi et vestibules sont en effet conçus pour accueillir du public244. Si la formulation d’une telle idée se défend particulièrement bien en contexte étrusque du fait d’une organisation parfois particulière et d’une iconographie funéraire très liée à la musique, elle est plus difficile à mettre en œuvre pour les tombes apuliennes en l’absence de telles représentations. Il nous semble néanmoins intéressant de retenir cette idée de gradins et d’espace scénique, les vestibules des tombes apuliennes n’ayant pas de fonction établie. Les espaces précédant les façades des tombes d’Italie du Sud, dromos et vestibule combinés, n’étaient certainement pas conçus comme les dromoi de la région de Tarquinia pour recevoir un public assis pour tout un spectacle. On peut en revanche admettre que depuis les bords du dromos ainsi que de ses marches, le vestibule était particulièrement visible et l’espace parfaitement adapté à la mise en scène de fastueuses cérémonies funéraires245. Comme nous l’avons déjà vu, c’est d’ailleurs là qu’est mobilisée la plus grande partie de l’appareil ornemental. Ce vestibule vers lequel convergeaient les regards devait donc être un lieu important : outre les sacrifices et libations traditionnels, on peut imaginer que s’y déroulaient d’autres étapes des rituels ou même des jeux funéraires, par exemple en musique. L’espace funéraire sert bel et bien de cadre à une « performance », terme choisi par B. d’Agostino pour qualifier la façon d’interagir du groupe du défunt, en direction de l’ensemble de la communauté comme du défunt lui-même246.
134L’hypothèse du comblement s’accompagne de celle selon laquelle le dromos est déblayé ou dégagé pour les cérémonies rituelles postérieures et pour les nouvelles inhumations. Pour M. Mazzei, les dromoi étaient en effet enterrés après les funérailles247. Elle suppose néanmoins que dans les cas les plus monumentaux une partie de la façade restait visible, par exemple à Lagrasta II, en raison de ses dimensions, et dans la tombe de la Méduse, en raison de la présence de l’acrotère248. Des cas de comblements sont attestés ailleurs en Italie, dans la nécropole de Populonia par exemple, où les dromoi étaient selon S. Steingräber rebouchés avec de la terre et des pierres après chaque déposition249, comme c’est le cas à Capoue et Pontecagnano250. L’ampleur des opérations de déblaiement (plusieurs tonnes de terre et de gravats) et de remblaiement semble envisageable pour l’ajout d’une déposition, mais inadaptée selon nous pour la conduite de rites funéraires. Cette possibilité remet en question la fonction de marqueur de ces façades. Est-elle pérenne ou épisodique ? Si elle est pérenne, ce sont bien des marqueurs au sens général où nous l’entendons. Si elle est épisodique, ce sont des marqueurs d’un genre spécifique, car associés au seul temps des cérémonies funéraires.
135L’hypothèse de dromoi couverts plutôt que comblés serait à notre sens plus satisfaisante. La couverture des couloirs d’accès ne suppose pas d’énormes travaux et est compatible avec toutes les situations observées. La couverture protège reliefs et peintures, mais n’empêche pas le ruissellement des eaux. Cette hypothèse permet de rendre compte des céramiques retrouvées devant les façades qui attestent de visites et de rites postérieurs à l’inhumation. Parmi les tombes que nous avons recensées, deux gardent les traces d’une possible couverture : il s’agit de l’hypogée de Salapia, dont le dromos a pu être protégé par une structure en bois, comme le laissent supposer les mortaises et piliers de pierre251, et l’hypogée d’Ordona. K. Maes-Van Wonterghem mentionne dans son article que « quelques trous de pieux et une rigole creusés dans la terre autour du départ de l’escalier du dromos sont probablement des indices que l’entrée de la tombe était protégée contre les intempéries par une petite construction rudimentaire. Celle-ci devait être élevée en matériel périssable puisqu’elle n’a pas laissé d’autres traces. » La tombe a été pillée et très endommagée, notamment par la construction d’une citerne médiévale, mais les fouilleurs ont pu établir que l’entrée de la chambre latérale, bouchée par un mur de briques crues était stuquée et peinte en rouge. Les chapiteaux de la tombe sont très bien conservés, l’enduit sur les colonnes est en bon état, de même que la peinture sur le mur qui ferme la porte, l’ensemble a donc visiblement été bien abrité des intempéries. La découverte d’autres tombes avec le même dispositif est signalée, mais n’est pas détaillée252.
136Pour la plupart des autres hypogées, l’hypothèse du dromos-vestibule à ciel ouvert nous semble le plus probable, l’ensemble des arguments développés ci-dessus va en effet dans ce sens. Il nous paraît plus difficile de prouver le comblement des dromoi que l’inverse, en l’attente d’une fouille permettant de répondre de façon satisfaisante à la question. La solution du couvrement des dromoi paraît l’une des alternatives les plus convaincantes, mais elle aurait laissé des traces qui font défaut dans les cas qui nous intéressent.
D’un modèle à l’autre : genèse du type
137Pour M. Corrente, c’est l’adoption d’une nouvelle articulation spatiale – un dromos mène au vestibule qui précède l’entrée de la chambre sépulcrale – qui conduit à Canosa à l’adoption d’un type spécifique (hypogées Monterisi Rossignoli, Casieri et Via Legnano)253. M. Giorgi et A. Russo, traitant des tomba a semicamera de la nécropole de Lavello, pensent que les tombes a grotticella se développent au cours du ive siècle en raison de leur caractère familial : elles sont plus faciles à rouvrir afin d’ajouter une déposition qu’une tombe à fosse couverte d’une lourde dalle de pierre254. Les tombes a grotticella sont donc probablement un embryon à l’origine des hypogées à façade à accès depuis le sol.
138Dès la période archaïque, les relations maritimes entre la côte italienne adriatique, les Balkans et la Méditerranée orientale favorisent la reprise de modèles extérieurs255. Ce type d’hypogée est largement répandu dans le monde méditerranéen et l’historiographie a proposé de retrouver les modèles originels en de nombreux endroits. La plupart des études, que confortent les analyses stylistiques des peintures, surtout au iiie siècle av. n. è., insistent en particulier sur l’origine macédonienne du modèle256. Bien que non dépourvue d’arguments, la proposition se heurte à des difficultés connues. Elle suppose que le marqueur qu’est le tumulus macédonien a été abandonné en Italie ou remplacé par un édifice de surface. Si certaines formes de l’architecture apulienne semblent découler de l’architecture funéraire macédonienne257, le plan en « T » de la tombe de la Méduse, entre autres, est absent des hypogées macédoniens. G. Gadaleta et M.-C. Hellmann préfèrent envisager des modèles imités d’Alexandrie et de Cyrène258. M. Mazzei favorise quant à elle une liaison directe entre la Grèce septentrionale, l’Épire et la péninsule italienne, activée aux ive et iiie siècles av. n. è. par les expéditions d’Alexandre le Molosse (et la possibilité d’otages ramenés d’Italie, qui auraient ensuite rapporté des éléments de culture épirote259) et de Pyrrhus260. L’étude d’A.-M. Guimier-Sorbets sur la transmission des modèles macédoniens à Alexandrie semble la plus séduisante. Ainsi qu’elle le résume, « on passe d’un modèle aristocratique à des inhumations de groupes numériquement importants, d’une chambre fermée en Macédoine à des chambres ouvertes dans les hypogées alexandrins : les modèles architecturaux évoluent, le style illusionniste se développe, mais on retrouve des constantes comme l’image du temple-naiskos […]. Signification symbolique de l’architecture et du décor des tombes en relation avec le statut héroïque du défunt : en Macédoine comme à Alexandrie, dans des contextes philosophico-religieux partiellement semblables, il s’agit de l’expression d’une aspiration commune en une immortalité bienheureuse dans l’au-delà261 ». Si un modèle alexandrin « direct » reste difficile à établir, on peut néanmoins observer les mêmes mécanismes au vu de la documentation. Les solutions sont sensiblement les mêmes, mais dans un cadre tout à fait autre : les cités de Grande Grèce ne connaissent pas la pression démographique et le manque de terrain qui ont conduit les Alexandrins à aménager le modèle macédonien en le rendant collectif et en établissant des nécropoles très concentrées.
139L’origine et le parcours des modèles externes posent la question du rôle de l’architecture funéraire et des naiskoi de Tarente. Les chapiteaux figurés de la tombe de la Méduse et de Lecce reprennent en le réélaborant un modèle tarentin ; la statue féminine du vestibule de Lagrasta II et le « coronamento » en pierre calcaire, retrouvé au milieu de divers éléments architecturaux écroulés dans le vestibule de la Tomba degli Ori, pourraient appuyer cette idée262. Il y a là des indices de la circulation des modèles de la cité grecque sur le territoire apulien soulignée par E. Lippolis263. On peut imaginer que l’impact visuel des naiskoi des nécropoles tarentines ou les nombreuses représentations de naiskoi dans la céramique en circulation dans la région aient inspiré les commanditaires. Ces derniers auraient repris certains aspects du modèle tout en conservant la pratique des tombes souterraines a grotticella, faisant glisser la façade au niveau inférieur. Soulignant l’originalité des tombes d’Arpi et de Canosa, M. Mazzei met quant à elle en doute le rôle de Tarente dans l’importation des modèles264.
140Il est vain de vouloir déceler une « influence » prépondérante de telle ou telle région sur une autre. Ce n’est pas en référence à un modèle précis que les élites choisissent l’apparence externe de leurs tombes, mais parce que ce modèle est un archétype largement répandu de l’expression du pouvoir. Ne disposant d’aucun modèle monumental hérité de leurs ancêtres, les élites dauniennes et messapiennes adoptent, ou plus exactement adaptent, les modèles des voisins grecs. Il vaut donc mieux imaginer une zone d’échange au sein de laquelle modèles et artisans circulent et où se mêlent apports locaux, grecs, étrusques et, au-delà, une koinè méditerranéenne qui englobe la Grèce et le bassin oriental265.
Les hypogées à façade à accès depuis le sol d’Italie méridionale du ve au iiie siècle av. n. è. : bilan
141Les hypogées dont il est question sont situés dans des nécropoles traversées par des voies de circulation, comme l’attestent l’alignement des dromoi à Arpi ou les traces de roues dans la nécropole ouest d’Egnazia266. Comme dans les autres nécropoles prises en compte dans notre recherche, les hypogées s’inscrivent dans un « paysage de la mort » que l’on pourrait assimiler à un « paysage du pouvoir ». L’emplacement des tombes manifeste l’emprise des commanditaires sur le territoire et la société en donnant à voir l’ancienneté et la puissance de la famille. La présence des tombes intra-muros est sans doute plus significative encore : en installant dans la trame urbaine même un espace funéraire monumental privé, mais orienté vers l’espace public, les commanditaires affirment leur rôle au sein de la cité en en marquant l’espace de manière à la fois pérenne et épisodique, lors des funérailles et des rites réguliers, probablement auprès de la demeure familiale267.
142Dans le cas où les façades restent visibles sur un temps long, elles donnent à voir en permanence, à tous, la grandeur du mort et de sa famille ; les programmes iconographiques visibles jouent alors pleinement leur rôle. Dans l’hypothèse selon laquelle les façades étaient ensevelies, c’est le moment des funérailles qui constituait le cœur du dispositif démonstratif et on peut imaginer que des fastes importants étaient déployés à cette occasion. La richesse est quoi qu’il en soit exhibée lors de l’installation du défunt dans le vestibule, où la majorité du décor est située, dans des zones accessibles au regard et non derrière les portes fermées des chambres funéraires268.
143La plupart des tombes sont collectives, mais il est difficile de savoir si cela était l’intention du premier commanditaire. L’hypogée Varrese a accueilli au moins un guerrier de haut rang dans l’une de ses chambres ; le statut des autres occupants de la tombe est plus difficile à établir269, cependant l’existence dans certains hypogées de chambres inutilisées indique une planification dont la réalisation ne peut malheureusement être datée270. Si l’on préfère de ne pas voir dans la façade des hypogées un écho aux naiskoi271 et une volonté d’héroïsation, on peut proposer d’y déceler un écho aux façades de palais ou à l’architecture domestique, affirmant ainsi une continuité de l’espace familial privé après la mort ; l’organisation interne de certains hypogées fait d’ailleurs écho à l’architecture domestique, par exemple à Vaste272. Ces tombes-maisons permettent, par suite de l’installation du cadavre sur le lit funéraire, une sorte de prothesis éternelle qui perpétue les honneurs qui sont rendus par la famille273. L’étude du matériel des tombes, aussi bien masculines que féminines, montre dans certains cas des liens entre leurs occupants274. Cette lecture et ces données nous incitent à considérer les hypogées à façades comme les tombeaux familiaux de l’élite locale.
144Il s’agit d’une aristocratie puissante cherchant à communiquer via l’architecture funéraire et son décor275 avec le reste de la société. En l’absence de modèle architectural monumental antérieur, les hypogées de Canosa expriment la volonté de produire un langage architectonique nouveau et dévoilent l’émergence d’une culture iconographique et figurative commune aux classes dirigeantes, sur le modèle des tombes à façade grecques. Il ne s’agit pas seulement de glorifier sa richesse et son prestige social, mais également de mettre en scène, presque théâtralement, l’héroïsation du défunt : le rapprochement entre les façades des tombes macédoniennes et les murs de scène des théâtres grecs est récurrent, le parallèle avec les tombes étrusques et leur vestibule-scène semble alors particulièrement pertinent. Les caryatides, Méduse, Cerbère et bien d’autres personnages et monstres signalent l’entrée de la tombe – devant laquelle se trouvent les spectateurs – et le caractère exceptionnel du défunt qui l’a empruntée ou s’apprête à le faire. F. Tiné Bertocchi aborde en détail les rares scènes figurées qui ornent les murs extérieurs, par exemple dans le cas de l’hypogée de Sant’Aloia où deux jeunes femmes suivent un cavalier : on assiste au retour triomphal du guerrier ou à une représentation du cortège funèbre276, de même que dans l’hypogée du Cerbère.
145Nous avons certainement affaire à des sociétés bien structurées, influencées par Tarente par l’ouest comme par les rapports commerciaux et militaires anciens et continus via la côte adriatique277. Les élites s’affirment dans le contexte de développement des centres dauniens278 et de l’apparition d’artisans spécialisés279. Ces derniers adaptent des modèles grecs pour rendre les tombes des commanditaires plus spectaculaires et valoriser les espaces funéraires, ils ont aussi bien recours à la sculpture qu’à la peinture, qui vient parfois remplacer les éléments sculptés280. Ces fastes sont tous adoptés en écho à la culture grecque (porte, colonnes, escalier, motifs figurés), mais adaptés à l’architecture locale. Dans le nord de la région (Canosa), ce sont des inspirations issues du versant tyrrhénien qui semblent dominer et apporter dans leur sillage des modes orientales281, alors que c’est le rayonnement de Tarente qui prévaut dans le Salento282. Une circulation des modèles étrusques peut éventuellement être détectée dans l’utilisation du plan en croix latine, de la porte dorique et la présence d’éléments sculptés parfois directement dans le tuf283. Pour F. Tiné Bertocchi, il faut cependant nuancer l’importance des modèles extérieurs et plutôt envisager une évolution interne du type de la tombe a grotticella, avec seulement quelques éléments d’importation, elle évoque à ce propos des « contemporanéités des formes » et un syncrétisme technique et stylistique propres au iiie siècle av. n. è.284.
146Il est difficile de préciser si les commanditaires font partie d’une catégorie déjà en place qui évolue ou d’une nouvelle catégorie qui remplace l’ancienne, l’apparente soudaineté du phénomène laisse penser que la première option est la bonne, une élite nouvelle n’aurait pu que difficilement déployer si rapidement tant de fastes de représentation et investir ainsi dans le domaine funéraire. Il est en revanche certainement peu prudent de parler de tombes princières comme cela a pu être le cas par le passé. L’élite la plus à même de commanditer des marqueurs de prestige est restreinte, il s’agit de celle qui domine politiquement la zone, et pas du groupe moyen285. Tous les hypogées à façade présentent des caractères communs mais sont aussi des unica : il y a donc une concurrence au sein même de cette élite et une volonté de surpassement.
Les tombes rupestres de Naples
147Alors que Naples est sans conteste une cité de première importance en Grande Grèce, les sources archéologiques et textuelles à notre disposition pour la connaître sont très lacunaires. Son histoire, ses évolutions sociales, son paysage urbain sont l’objet de discussions anciennes. Par chance pour notre recherche sur les marqueurs, le corpus archéologique des édifices funéraires est relativement riche et compte dix-sept tombes assez bien connues, traditionnellement nommées hypogées286. Par commodité, on emploiera ce terme dans les pages qui suivent, mais en le plaçant entre guillemets, car il n’est pas adéquat. Il est dû à leur découverte à environ 10 m de profondeur, qui a conduit à imaginer les tombes intégralement au-dessous du niveau du sol antique. Or, la plupart n’étaient qu’en partie hypogéiques : si leur chambre funéraire est toujours souterraine, leur façade extérieure s’ouvre sur une voie de circulation en surface.
Historiographie et topographie
148Les nécropoles antiques de Naples ont suscité l’attention des érudits dès le xviie siècle287, mais c’est au début du xixe siècle qu’elles deviennent un sujet d’étude avec la découverte de plusieurs tombes importantes, notamment celles des « hypogées » de la via dei Cristallini. Aux xixe et xxe siècles, elles ont motivé divers articles et quelques monographies288. Des travaux récents ont permis de préciser certains aspects du dossier289. Depuis 1992, l’association Celanapoli, en collaboration avec la Surintendance de Naples, s’intéresse à ces tombes, notamment à celles de la via S. Maria Antesaecula, où elle fouille « l’hypogée » dei Togati.
149L’aire des tombes à « hypogée » se situe immédiatement au nord des murs antiques (fig. 24), dans le quartier actuel de la Sanità dont l’urbanisation débute au xvie siècle290.
Fig. 24. Situation approximative des tombes et nécropoles antiques de Naples.

En rose les « hypogées » grecs du iiie siècle av. n. è., avec le nom des rues qui permettent de les distinguer ; en violet, les tombes du ve siècle av. n. è. ; en bleu foncé, les tombes du ive siècle av. n. è. ; en bleu clair, les tombes du iiie siècle av. n. è. ; en gris, les tombes d’époque romaine.
Plan de l’auteur (CC BY-SA 4.0).
150Comme la plupart des nécropoles de Naples, la zone des « hypogées » s’inscrit dans un continuum diachronique allant du ve siècle av. n. è. à la période impériale, voire à une période plus tardive (catacombes chrétiennes, ossuaires…), avec une augmentation progressive et continue des cotes du sol. À l’instar des nombreuses cavités antiques de la capitale campanienne, comme les aqueducs ou les citernes, la réutilisation des « hypogées » au fil des siècles explique leur état de conservation souvent piteux291. Les excavations pratiquées à l’époque moderne ont de plus sérieusement endommagé un grand nombre des tombes, dont les « hypogées »292. Leur situation souterraine est due, selon Galante, à un comblement progressif causé par les crues d’un torrent encore nommé de nos jours « la lava dei Vergini »293, ce qui explique que les tombes soient aujourd’hui souvent inaccessibles et endommagées par les fondations d’édifices modernes.
Le complexe de la via dei Cristallini
151Le groupe des quatre « hypogées » (A, B, C et D) de la via dei Cristallini (au 133) est le mieux conservé et le mieux connu294. Ses façades monumentales sont les plus propices à l’étude des marqueurs295. Aussi commencerons-nous par sa présentation. Les quatre tombes suivent le même modèle : derrière une façade, un vestibule est relié par un escalier central à une chambre funéraire hypogéique voûtée et ornée d’une corniche à listel ; dans la chambre, des sarcophages taillés dans le tuf sont disposés sur trois côtés. L’accès à cette pièce était clos par des portes en pierre sans charnière imitant des portes en bois que G. A. Galante découvrit lors de la première fouille. Les renfoncements creusés de part et d’autre de la porte au bas de l’escalier permettaient de loger les deux vantaux de pierre lors de l’ouverture de la chambre. C’est le décor qui introduit quelques dissemblances entre les quatre tombes du complexe.
152La façade de la tombe C est la mieux conservée : taillées dans le tuf, deux demi-colonnes ionico-attiques cannelées reposant sur des podiums parallélépipédiques modénaturés encadrent une porte dorique rectangulaire (L. 1,71 m ; h. 3,37 m). La présence d’un bloc d’architrave inséré dans le tuf (dont les modénatures se poursuivent le long des montants de la porte, en blocs rapportés eux aussi pour la partie supérieure), laisse imaginer l’existence d’un fronton aujourd’hui perdu, tel que l’on peut en voir sur les différentes restitutions proposées (fig. 25).
Fig. 25. Façades des quatre tombes de la via dei Cristallini (NAP0002 à NAP0005) et restitution de la façade de la tombe C.

Dessin de l’auteur d’après Baldassarre 1998.
153La porte donne accès à un vestibule de niveau avec le sol extérieur ; il n’existe aucune trace d’un système de fermeture. Le plafond imite une couverture à double pente à caissons allongés (sept sur chaque côté) s’appuyant sur une frise dentelée. Le centre des deux zones triangulaires définies par le plafond et la corniche est percé d’une mortaise circulaire conservant la trace d’une décoration en relief. L’architecture était soulignée par de la peinture et les murs ornés de couronnes. Une banquette modénaturée à son sommet court le long des murs (sur celle du fond est superposée une seconde banquette). Au-dessus de l’escalier, la banquette inférieure est décorée d’un relief qui semble simuler du mobilier en bois, peut-être une table. Pour I. Baldassarre, c’est une allusion à la fonction cérémonielle de la pièce et un argument pour affirmer que les façades et leurs vestibules étaient bien visibles. Un élément absent des autres vestibules mérite notre attention : au-dessus de la banquette du fond, une cavité aux bords réguliers aboutit au-dessus de la porte dorique au bas de l’escalier et communique donc avec la chambre funéraire296. Elle permettait peut-être d’aérer ou d’éclairer la chambre sépulcrale ou plutôt, l’accès à celle-ci étant clos par des portes difficiles à manipuler, d’y faire couler des offrandes pour les faire parvenir au plus près des défunts dans le cadre des libations imposées par les rituels funéraires périodiques sur les tombes. L’existence de sarcophages en forme de klinai de banquet vient supporter cette hypothèse. Il est possible que cette particularité architectonique soit due à un remaniement de l’époque romaine.
154La tombe D est moins bien conservée, son vestibule est presque détruit, sa façade est très abîmée et il ne reste qu’une partie des colonnes297. Légèrement en avant par rapport à celle de la tombe C, elle s’en distingue par le socle et le podium qui surélèvent légèrement la base des colonnes. Le seuil de la porte ne comporte aucune trace d’un système de fermeture.
155Les tombes A et B présentent globalement les mêmes caractéristiques que la tombe C. Leurs façades sont coordonnées. Celle de la tombe A est encadrée de pilastres cannelés placés sur des bases. Le socle de droite est commun avec le pilastre gauche de la façade de la tombe B, dont l’autre pilastre repose sur un socle indépendant, ce qui établit leur contemporanéité. Il n’existe aucune trace d’un système de fermeture. Le fond du vestibule est percé de sept niches entre la corniche et la voûte et de huit en dessous298. Les inscriptions retrouvées dans la chambre funéraire montrent qu’elle a été occupée par diverses familles, on y trouve six sarcophages taillés dans le tuf.
156L’aspect extérieur de l’ensemble donne l’impression d’une grande façade monumentale homogène, scandée par des colonnes encadrant les ouvertures. Mais, comme le relève I. Baldassarre, leur construction n’est ni contemporaine ni unitaire. Les différences que présentent les colonnes et le décor architectonique des façades et surtout leur non-alignement conduisent à distinguer au moins deux phases dans l’aménagement de l’ensemble, peut-être trois299. L’aménagement de la façade de la tombe C semble constituer la première étape, après quoi la façade D ou les façades A et B auraient été ajoutées, peut-être simultanément. On observe tout de même la volonté de donner une unité architecturale à l’ensemble et donc de marquer ces tombes dans le paysage de façon unitaire. On peut se demander ce qui a poussé les commanditaires à agir ainsi : s’agit-il d’une même cellule familiale, sociale ou professionnelle ? Ou est-ce la conséquence d’une contrainte imposée par des autorités locales ? Le matériel mis en évidence dans les tombes n’étant malheureusement que très mal connu, et principalement contemporain d’une phase de réemploi à l’époque romaine, il est impossible d’avancer une réponse.
Vico Traetta alla Sanità, via Santa Maria Antesaecula
157Conformes au schéma des tombes précédentes, les « hypogées » du vico Traetta alla Sanità (au 2)/via Arena alla Sanità (au 21)300 présentent la particularité de ne pas avoir de vestibule. Un escalier haut de 7,4 m mène à un couloir bordé à gauche par une paroi de tuf dans laquelle sont percées les entrées des chambres funéraires301, et à droite par un mur difficile à dater, tout comme la voûte (fig. 26).
Fig. 26. Plan du complexe du vico Traetta : coupe, détail et restitution de l’appareil de la façade de la tombe 2 (NAP0006).

Ruggiero 1888, pl. A.
158Une seule tombe du complexe est encore signalée d’une façade : il s’agit de la tombe 2. Sur un podium modénaturé à sa base et à son sommet, adossées à un mur isodome, se dressent quatre colonnes cannelées sur bases attiques – plus exactement des quarts de colonne aux deux extrémités et des demi-colonnes au centre. Le quart de colonne de droite s’appuie contre le bord droit du renfoncement dans lequel la structure est insérée. Contrairement aux façades de la via dei Cristallini, la façade ne donne pas sur un vestibule. Il s’agit d’une façade postiche302 dont les relevés montrent qu’elle est centrée sur l’accès de la tombe 2303 : l’entrecolonnement central se situe exactement au-dessus de l’entrée et est aussi large que l’espace interne de la chambre funéraire ; il est donc probable qu’elle ne signale que cette dernière, l’accès se faisant à l’heure actuelle par un escalier unique, il est néanmoins préférable de rester prudent. Ces différents éléments conduisent I. Baldassarre à proposer une façade dominée par un fronton304. Reposant davantage sur des parallèles que sur une réalité archéologique en ce qui concerne le fronton, la restitution de la façade proposée est suggestive et doit être considérée avec précaution.
159À quelques mètres du vico Traetta, on accède à un autre groupe de quatre « hypogées » par la via Santa Maria Antesaecula. Deux d’entre eux sont très abîmés305. Des deux autres, situés au niveau du 126 de la rue, à 11 m de profondeur, ont été conservés des vestiges très partiels. Celui dit des Melograni a perdu sa façade ; son organisation est proche de celle des « hypogées » de la via dei Cristallini306 ; de celui dit des Togati subsiste un vestibule très détruit (3,7 m × 3,85 m) avec des traces d’un sol en cocciopesto307. L’intérêt de cet « hypogée » réside dans les deux personnages sculptés dans le tuf, conservés sur la corniche de la voûte du vestibule au-dessus de l’escalier. Il n’en reste que la partie inférieure (la partie supérieure est peut-être conservée sous un arc de fondation maçonné supportant le palais édifié au-dessus du site). On peut reconnaître un homme en tunique, chaussé, et une femme en chiton et himation, et à leur droite une sphinge très abîmée. La position des corps donne l’impression d’une scène d’adieu, un motif très diffusé pendant la période hellénistique et que l’on retrouve dans la tombe du Magistrat à Paestum, datée des premières décennies du iiie siècle av. n. è.308. La datation de cette représentation pose néanmoins des problèmes et il est envisageable, même si cela s’avère peu probable, qu’il s’agisse d’une réfection de l’époque romaine.
160Sur leur plan du complexe de S. Maria Antesaecula, F. Colussi et C. Leggieri restituent deux « hypogées » qui ne sont pas attestés archéologiquement (fig. 27) dans les espaces vides le long de la voie qui devait passer devant le groupe et celui du vico Traetta309.
Fig. 27. « Hypogées » de la via S. Maria Antesaecula, du vico Traetta (à l’ouest) et de la via dei Cristallini (à l’est).

L’orientation des trois complexes est perpendiculaire aux lignes de relief.
Dessin de l’auteur d’après Baldassarre 1998, fig. 2, p. 98, et Colussi et Leggieri 2008, fig. 18, p. 221.
Les « hypogées » situés plus au sud, près des murs de la cité grecque
161Plusieurs tombes anciennement ou récemment découvertes (à la suite des inondations de septembre 2001) sont très dégradées310. Dans les deux « hypogées » du 26 via Settembrini, à 20 m de profondeur, l’accès aux chambres sépulcrales se fait sans marche par une porte en arc (4,60 × 2,50 m et 4,60 × 3 m, h. 3,30 m ; les inventeurs estiment qu’une troisième porte doit exister dans la suite du couloir)311. Les irrégularités du terrain ont contraint les artisans à utiliser des blocs de taille pour parer à des lacunes du tuf312. À proximité, près de San Giovanni a Carbonara, ont été découverts deux « hypogées » à coupole, un « hypogée », une porte « d’hypogée » encadrée d’un bandeau, de nombreuses tombes grecques et une portion de la muraille grecque313.
162Dans la même zone, les deux « hypogées » du 3 via Foria ont conservé le nom des personnages qui y reposaient. Sur les murs de celui qui a six sarcophages314, dont les enduits peints sont bien conservés, apparaît le nom d’Epiletos ; dans celui qui a huit sarcophages, on lit le nom d’Epicharès315. Les « hypogées » de via Fuori Porta San Gennaro (au 10)316, sous le supportico Lopez (au 32), via della Sanità (au 6), à 11 m sous le palais Sanfelice semblent ne pas avoir de vestibule317. Sous le palais des Filippi (entre le Borgo dei Vergini et la porte San Gennaro), Ferdinand IV fit faire en 1790 des travaux pour dégager un « hypogée »318. Signalons l’isolement de la tombe de Santa Maria Nuova, identifiée dans un autre quartier de Naples, au sud-est des murs de la cité, qui se distingue du reste du corpus par le fait qu’elle est en grande partie construite et non taillée dans le tuf, probablement en raison de la moindre hauteur des bancs de tuf dans la zone319.
Distribution chronologique
163Étant donné les lacunes de notre information, la datation des « hypogées » que nous avons recensés ne peut être que très approximative320. Les graffitis et inscriptions qui en proviennent et le style de leur décoration picturale fournissent des indications pour établir une chronologie grossière, mais prêtent au débat. Les données épigraphiques et certaines caractéristiques de la peinture conduisent à retenir une fourchette chronologique s’étendant du dernier quart du ive siècle à la fin de la première moitié du iiie siècle av. n. è.
164La majorité des inscriptions épigraphiques trouvées dans ces tombes – en grec, mais avec une onomastique révélant une intégration à la société romaine et des éléments samnites321 – sont postérieures à la première période d’utilisation, ce qui a conduit certains chercheurs à proposer des datations trop récentes pour la construction des tombes322. L’inscription « La paroi est la propriété perpétuelle d’Epicharès » de la via Foria n’est connue que par la traduction publiée en 1926323 et il est impossible de savoir de quel tombeau situé à cette adresse elle est issue324. Les spécialistes la datent du ive siècle av. n. è. ; selon E. Miranda, c’est l’ensemble de la tombe qui est désigné et pas seulement la paroi comme cela avait d’abord été interprété325. Les inscriptions du palais des Signori Filippi ne sont connues que par ce qu’en écrivent les inventeurs : selon eux, elles mentionnent les familles d’Euphron et d’Eudromos qui appartiennent à la fratrie des Eunostidi. Une datation des ive-iiie siècles av. n. è. est plausible. Quant aux Nimfii dont le nom est lié aux « hypogées » du vico Traetta et des Cristallini, leur chronologie est incertaine326.
165Si à l’époque romaine des stèles inscrites sont placées dans les vestibules ou devant les façades, aucune inscription n’est attestée pour l’époque grecque. Les tombes grecques pouvaient-elles ne pas être accompagnées d’une inscription identifiant au minimum la famille inhumée ? Cela paraît peu probable : même si les inscriptions sont rares dans notre corpus, nous devons donc imaginer que des inscriptions n’ont pas résisté au temps parce qu’elles étaient peintes, ou qu’elles figuraient sur la partie haute qui a disparu, ou que des marqueurs complémentaires étaient placés à l’entrée.
166La syntaxe picturale incite à identifier deux phases chronologiques. Le complexe de la via dei Cristallini et les tombes voisines remonteraient à la première moitié du iiie siècle av. n. è. Plus sobrement décorés, les « hypogées » de Santa Maria La Nova et Santa Maria Antesaecula seraient datables du ive siècle av. n. è.327. Le matériel (notamment les statuettes en terre cuite) mis en évidence dans les sarcophages et sur les banquettes des vestibules à Santa Maria La Nova et via San Giovanni a Carbonara corrobore cette chronologie328. Les répertoires décoratifs très proches (festons verticaux et couronnes, grenades…) se retrouvent dans des tombes de Capoue, Paestum, Nola et Cumes du ive siècle av. n. è. Les jeux de lumière, notamment la représentation de l’ombre des clous, sont en faveur d’une datation dans la première moitié du iiie siècle av. n. è. Ces éléments font l’objet de discussions329.
Les façades
167La reconstitution et l’analyse des façades reposent donc sur les vestiges conservés – qui sont lacunaires, les parties supérieures à l’architrave ayant disparu – et sur des confrontations avec d’autres édifices funéraires du monde grec (Macédoine, Illyrie, Asie Mineure, Cyrénaïque, mais ni la Grèce continentale ni Alexandrie330) et italique (Apulie, Étrurie). Comme pour les hypogées apuliens, les nombreuses façades que donne à voir l’iconographie ne sont pas vraiment exploitables, car les édifices représentés semblent construits et non pas taillés dans la roche.
168La monumentalisation des tombes de Naples passe par l’emploi d’une façade élaborée indépendamment de la pièce qu’elle précède. L’appellation « fausse façade » créée par M.-C. Hellmann en traduisant une expression anglaise (false-facade tomb) n’est pas satisfaisante, comme elle le souligne elle-même, la façade existant bel et bien ; elle indique l’existence du vocable allemand Fassadengräber331. Il nous semble opportun de désigner des « façades factices » : l’organisation interne de la tombe, liée aux rites, est en effet sans véritable incidence sur l’organisation des superstructures de la tombe qui n’ont pas de relation organique et architectonique avec la chambre sépulcrale332. Nous analyserons donc ici la façade indépendamment du reste de la tombe.
169Comme la plupart des tombes de Naples, les façades sont taillées dans le front des bancs de tuf que l’on peut encore voir ici et là dans le quartier de la Sanità. Derrière la façade et le vestibule, l’axe de la tombe est orienté perpendiculairement aux lignes de relief. L’irrégularité et la nature des couches de tuf ont nécessité la construction de certaines parties, des blocs ont été insérés dans les façades et il est probable que la partie supérieure disparue était au moins en partie construite en blocs rapportés. La façade type est centrée sur une porte rectangulaire encadrée de colonnes, de demi-colonnes ou de pilastres portant une architrave. Le seuil de la porte et la base des colonnes se situent au niveau du sol extérieur, éventuellement sur un podium qui les surélève légèrement. Aucun seuil ne portant la trace d’un système de fermeture, et ce quelle que soit l’époque, il convient d’imaginer ces façades « ouvertes » sur l’intérieur du vestibule (on peut émettre l’hypothèse qu’une tenture y était suspendue).
Fig. 28a. Tombe macédonienne de Macridy Bey (Langadas), 2e moitié du ive siècle av. n. è. ; tombe carienne rupestre de Caunus.

Dessins de l’auteur d’après Stampouloglou et al. 2020, fig. 17 et Roos 1985, fig. 119
Fig. 28b. Hypogée de Lagrasta tel qu’envisagé au xixe siècle.

Illustrated London News, 14 avril 1855, p. 5.
170Le principal problème concerne la partie supérieure, qui a disparu : les reconstitutions proposées imaginent un fronton triangulaire, mais, comme on a eu l’occasion de l’écrire, la restitution d’un fronton ne repose que sur des parallèles avec des édifices supposés comparables et non sur des données archéologiques et architectoniques (fig. 28). Il convient donc d’approfondir la question. Les arguments en faveur d’un fronton sont nombreux. Un rapprochement a été fréquemment opéré entre les tombes napolitaines et les tombes de Macédoine en dépit de différences significatives – elles sont construites et non pas taillées dans le rocher, ce qui peut s’expliquer par la nature des sols ; les tombes macédoniennes sont sous un tumulus qui rend la façade de la chambre funéraire a priori invisible333 ; elles sont la plupart du temps originellement réservées à un seul individu, ce qui n’est jamais le cas à Naples. Ces différences n’ôtent cependant pas la légitimité de la comparaison des façades de Naples et de la Macédoine en raison des éléments communs et voisins qu’elles présentent – et qui existent aussi à l’intérieur334. Leur interprétation est néanmoins délicate. Pour notre problématique, une remarque d’A.-M. Guimier-Sorbets est essentielle : si les tombes de la grande aristocratie macédonienne ont un fronton, ce n’est pas le cas des tombes royales335. Si l’on restitue un fronton sur les façades de la Sanità, le modèle se révèle donc plutôt être celui des élites macédoniennes que celui de la royauté. Dans tous les cas, le type adopté à Naples aurait des résonances religieuses et eschatologiques puisque, selon les publications récentes, la façade des tombes macédoniennes ne dériverait pas de l’architecture palatiale mais viserait à l’héroïsation du défunt336.
171Bien que nos connaissances des façades des palais macédoniens soient ténues337, on ne peut cependant éliminer tout rapport avec l’architecture palatiale. Relativement nombreuses en Italie méridionale, les représentations du palais souterrain d’Hadès vont en ce sens : le dieu est généralement représenté trônant dans un édifice dont les colonnes supportent une couverture à double pente avec fronton – l’édifice diffère généralement des naiskoi par la présence de colonnes centrales338 –, mais la couverture peut aussi parfois être horizontale et plane comme celle d’un baldaquin. Dans tous les cas, il a pu sembler pertinent aux Napolitains de choisir un modèle funéraire évoquant le palais du maître des Enfers ou la porte de l’Hadès. L. Bacchielli propose une relecture de la fameuse Terracotta Santangelo généralement considérée comme la figuration d’une scène de théâtre : il s’agirait d’une figuration de la porte des Enfers, le parallèle avec les tombes napolitaines étant frappant339.
172Une autre hypothèse n’a guère été envisagée : le modèle de l’oikos des vivants. Les « hypogées » de Naples sont probablement familiaux. Ils constituent la dernière demeure des défunts et évoquent, en les pétrifiant, l’entrée, le toit à double pente et le vestibule de leurs maisons, en en donnant une image sublimée (selon une expression empruntée à Pierre Gros) par l’ajout d’éléments décoratifs ou sacralisants340. La typologie, le répertoire architectural, le décor peint et une petite façade peinte sur une paroi de « l’hypogée » de la via dei Cristallini poussent à un rapprochement avec les tombes rupestres d’Asie Mineure (fig. 28-29), dont une partie est inspirée de l’architecture domestique en bois local341. Dans sa monographie consacrée aux tombes de Carie, O. Henry montre que le type de la tombe rupestre à façade « de temple » apparaît vers 375 av. n. è. à Mylasa342. Le modèle originel serait perse et peut-être copié par les Hekatomnides de Carie. Le début de leur phase d’utilisation est donc contemporain des cas napolitains. À la différence de Naples, les façades in antis cariennes donnent sur une sorte de pronaos aligné sur la chambre funéraire sans différence de niveau. Reprenant une hypothèse de P. Pedersen, O. Henry suggère que les tombeaux cariens sont une représentation des andrônes, les lits funéraires s’apparentant au mobilier du banquet. Il propose que ces façades soient une référence aux façades de bâtiments officiels : palais, salles de banquets ou andrônes343.
Fig. 29. Exemples de tombes à architrave horizontale : Niausta (Grèce) ; Pinara (Turquie) ; Selcës (Albanie) ; édicule funéraire sans fronton sur un lécythe à figures rouges découvert dans la tombe 72 de Tortora (Calabre).

Dessins de l’auteur d’après Kinch 1920, pl. I ; Salihoğlu, Özbayraktar, 2018, fig. 3 ; Ceka 1985.
173On peut en effet envisager l’influence d’une architecture liée au pouvoir civique – certains édifices publics grecs abritant un pouvoir institutionnel comme l’ancien bouleutérion d’Athènes ou celui de Priène sont restitués avec des frontons344 – ou aux édifices publics, mais cela paraît assez artificiel, notamment en raison de notre ignorance de l’architecture publique napolitaine.
174Concernant la partie haute des façades de Naples, d’autres solutions que le fronton peuvent être envisagées, comme celle de façades simplement surmontées d’une architrave et éventuellement d’une corniche horizontale à l’instar des stoai. On l’a mentionné, certaines tombes macédoniennes réputées royales et certaines images du palais d’Hadès n’ont pas de fronton, mais une couverture plate. Les parallèles les plus intéressants sont à chercher à Cyrène, en Lycie et à Rhodes, qui offrent des points de comparaison intéressants pour certains éléments du répertoire ornemental comme les quarts et demi-colonnes en façade. Dominant l’espace précédant les tombes rupestres, où se déroulent les cérémonies funéraires, les façades de Cyrène évoquent le modèle du portique dont la ligne sommitale est horizontale345. La Lycie et Rhodes connaissent des façades du même genre, notamment à Telmessos et Lindos. Avec sa colonnade sur deux niveaux et l’alignement de ses portes, le fameux Archokrateion de Lindos346 produit un effet similaire à l’alignement des façades de la via dei Cristallini et de la tombe du vico Traetta. Le rapprochement est conforté par l’organisation interne de la tombe, qui, en dépit de différences, présente des caractéristiques communes avec les tombes napolitaines347.
175Reste une solution que nous nous bornerons à mentionner : lors d’une discussion que nous avons eue en juin 2011 avec Carlo Leggieri (association Celanapoli, Surintendance de Naples), celui-ci a évoqué la possibilité d’un édicule de forme conique ou pyramidale coiffant le toit de certains vestibules, mais les représentations iconographiques qui répondent à une telle hypothèse figurent des édifices plus proches de naiskoi que de tombes rupestres (fig. 30), ce qui appelle à une remise en question de notre lecture de ces vases produits et découverts dans une région où les façades de certaines tombes sont creusées dans le sol348.
Fig. 30. Exemples d’édicule funéraire surmonté par une pyramide : à g., hydrie attribuée au Peintre de Naples 1763, vers 360-350 av. n. è. ; à dr., hydrie de l’hypogée Varrese à Canosa, attribuée au Peintre Varrese (360-350 av. n. è.).

Karlsruhe, Badisches Landesmuseum, inv. B5. CCO - Thomas Goldschmidt : https://katalog.landesmuseum.de/object/AD89854E40C364E98215BABF930A83CD-unteritalische-amphora-bzw-panathenaeische-amphora-spaetform-grabkultszenen et dessin de l’auteur.
176Il n’existe donc aucun argument décisif pour trancher la question de l’organisation du haut des façades napolitaines. L’hypothèse d’un fronton est plausible, mais celle d’une architrave l’est aussi. Les deux solutions coexistent en Macédoine, en Carie et Lycie, en Cyrénaïque et l’interprétation qu’il convient d’en donner est délicate. S’agit-il de sacraliser une architecture palatiale, publique ou domestique ? Le faisceau des confrontations possibles avec des tombes d’autres régions autorise quelques considérations formelles et une interprétation symbolique.
177Si l’on admet un fronton et un renvoi à l’architecture religieuse, les tombes napolitaines entrent dans la catégorie des tombes « à façade de temple », mais nous sommes peu enclins à identifier une référence directe à la symbolique de l’architecture religieuse. Nous rejoignons O. Henry qui souligne que le caractère collectif des tombeaux cariens empêche d’imaginer une héroïsation et juge préférable de refuser l’appellation « façade de temple ». Les sépultures recensées dans notre corpus ne sont pas individuelles mais collectives, aucun personnage ne semble se distinguer des autres dans les chambres funéraires ; elles sont dépourvues de représentations figurées (à l’exception de « l’hypogée » des Togati, dont le décor ne correspond pas aux scènes guerrières courantes dans les édifices à vocation héroïsante). Or, il est impossible d’imaginer une héroïsation collective ou familiale, il est donc malvenu de voir dans les exemplaires napolitains une volonté d’héroïsation comparable à celle des commanditaires de naiskoi, généralement porteurs de représentations guerrières du défunt. Au demeurant, si ce type est élaboré en Macédoine, Naples n’en est pas l’héritière directe. En effet, il se diffuse largement dans la deuxième moitié du ive siècle av. n. è. en intégrant des motifs exogènes : les façades napolitaines s’inscriraient dans une koinè réunissant la Macédoine, l’Asie Mineure et Cyrène (comme l’a montré H. Lauter-Bufe349), l’Apulie, Naples et les régions étrusques. Des motifs originaires d’Asie Mineure se retrouvent en Apulie, à Canosa et dans les tombes étrusques à partir de la fin du ive siècle av. n. è. À Tarquinia on trouve un écho du modèle de Lindos à deux étages au début du iiie siècle av. n. è. : les vestibules sont situés en surface, au-dessus des chambres, et servent d’espaces cultuels, souvent divisés en deux par le dromos d’accès, ce qui est le cas à Naples, à ceci près que ce n’est pas un espace ouvert qui est divisé en deux, mais un vestibule fermé et couvert.
178Utilisant le même langage figuratif, architectes, décorateurs et commanditaires réélaborent des motifs grecs et locaux pour des créations inédites dont chaque région donne son interprétation. Naples et l’Apulie donneraient du modèle originellement macédonien deux versions parallèles et autonomes. Naples adopte plus clairement le modèle macédonien350 en y apportant quelques innovations spécifiques liées au caractère non fonctionnel des façades (poussé à son extrême via Traetta351) qui autorise une grande liberté d’agencement. Le podium modénaturé de vico Traetta et les bases cubiques des colonnes de via dei Cristallini ne trouvent que peu de parallèles contemporains ou antérieurs en architecture. Chronologiquement, les « hypogées » napolitains représenteraient donc une illustration précoce du succès de ces modèles.
179Se fondant sur le décor sculpté de la tombe des Togati, A. Greco Pontrandolfo estime que ces tombes pourraient révéler la genèse, dès la fin du ive siècle av. n. è., d’un langage italique né d’une osmose entre une matrice grecque et des cultures indigènes352. Selon elle, d’un côté les couronnes suspendues et les guirlandes peintes dans la plupart des « hypogées » napolitains renvoient à la décoration des tombes lucaniennes et osques, d’un autre côté elles reprennent la peinture tarentine, elle-même peut-être issue d’Alexandrie353. Cette osmose d’éléments grecs et italiques constitue une nouvelle expression de la grécité, qui contribue à conférer à Naples un statut de bastion de la culture grecque354. Il doit donc s’agir d’une expérimentation architecturale napolitaine. Ida Baldassarre souligne le rôle de ces tombes, notamment de leur programme peint, dans la réélaboration et la transmission des modèles hellénistiques355. Naples joue en effet un rôle culturel indéniable dans la formation de la koinè italique qui sera en partie reprise par le langage romain356.
Les tombes dans le paysage et la topographie de Naples
180Dans presque tous les cas, nous avons affaire à des complexes de plusieurs chambres placées de façon contiguë, mais sans communication. Chaque tombe possède sa façade qui la distingue des voisines ; c’est vraisemblablement le cas du vico Traetta, où ne subsiste qu’un seul marqueur monumental, et des autres « hypogées » de Naples.
181L’enquête montre que ces façades donnaient sur des voies de circulation et que, exploitant les possibilités scénographiques offertes par les affleurements de tuf, elles constituaient des marqueurs bien visibles. G. A. Galante, qui étudia les « hypogées » de la via dei Cristallini et du vico Traetta dans les années 1880-1890, répondait déjà à la question « ces façades étaient-elles souterraines ou donnaient-elles sur la voie ? » en retenant la deuxième option357. Les complexes de Santa Maria Antesaecula et du vico Traetta en fournissent une bonne illustration : l’orientation de ces tombes est similaire (voir fig. 27), leurs vestibules sont presque contigus et la planimétrie montre que les façades donnaient sur une route légèrement incurvée à la sortie de la cité358. La recherche de ces dernières décennies a précisé la topographie générale de Naples et ses alentours359. Réfutant M. Napoli pour qui il n’y avait pas de véritable cohésion entre les différentes zones funéraires360, M. Rosaria Borriello, A. Greco Pontrandolfo, M. Lista et G. Prisco ont montré que les quatre ensembles principaux de nécropoles des ve-ive siècles av. n. è.361 appartiennent à une nécropole dont l’aménagement est conditionné par le réseau viaire, l’organisation du territoire, la topographie et la géologie – les falaises de tuf ont suscité l’implantation du type à façade rupestre, absent par ailleurs dans les nécropoles de la cité à une exception près. La carte de répartition des tombes autour de la Naples antique montre qu’une nouvelle nécropole se développe à la fin du ive siècle av. n. è., sans pour autant que les zones plus anciennes soient abandonnées.
L’identité sociale des défunts
182Nous ne nous arrêterons dans le cadre de cette étude que sur les primo-occupants, les commanditaires, des tombes de Naples, même si nous ferons ponctuellement appel à des éléments postérieurs à la période grecque. Par son emplacement et la nature monumentale des tombes, la nécropole de la Sanità est sans conteste celle d’une puissante aristocratie napolitaine qui affirme sa place au sommet de la hiérarchie sociale362. Pour cerner l’identité de ses commanditaires, il convient de les recontextualiser historiquement.
183Dès sa fondation, la société napolitaine est marquée par des osmoses entre populations grecques et locales. Ce processus caractérise l’histoire de la ville où s’installent en nombre des Samnites. La présence de noms osques est attestée dans les fastes de la cité au moins dès le ve siècle av. n. è. (Strabon, V, 4, 7) ; à la fin du ive siècle av. n. è., les Samnites sont bien installés à Naples, nombre d’entre eux ont le droit de cité, certains sont membres de l’élite dirigeante. On peut sans doute retenir pour notre période ce qu’écrit M. Leiwo pour une autre : ils portent des noms indigènes et parlent probablement l’osque, mais utilisent le grec et des formules propres au monde grec dans leurs inscriptions funéraires, ce qui peut être l’indice de mariages entre Samnites et Grecs363. Les tensions sociales et politiques opposent les aristocrates aux « plébéiens » grecs et samnites (en 326 av. n. è., l’aristocratie se rallie à Rome alors que la « plèbe » et les Samnites résistent).
184Ces évolutions vont de pair avec le développement du commerce364. Dans la lignée des liens unissant depuis l’époque archaïque les cités de Grande Grèce, les cités grecques et l’Asie Mineure, le réseau commercial de Naples s’étend vers la Grèce et l’Asie et la cité y joue un rôle actif à la fin du ive siècle et au iiie siècle av. n. è. Le dynamisme des échanges insère l’aristocratie au sein d’un vaste réseau qui n’est pas seulement économique, mais aussi culturel et artistique ; par ce réseau transitent idées, modèles et artisans365. La richesse et la culture des commanditaires des « hypogées » en sont certainement tributaires366. Sur un fond de mutations sociales et ethniques, économiques et culturelles qui induisent des syncrétismes propres à Naples, on peut légitimement voir dans les tombes de la Sanità une manifestation de la montée en puissance d’une aristocratie gréco-samnite relativement récente qui élabore de nouveaux codes pour affirmer sa prééminence. Le groupe social qui choisit et le site de la Sanità et le type des « hypogées » à façade partage visiblement la même culture et les mêmes valeurs et a conscience de lui-même.
185Conçus pour accueillir plusieurs dépositions, leurs « hypogées » sont probablement des tombeaux familiaux prévus pour plusieurs générations367. L’organisation interne des dépositions ne reflète pas la trace d’une hiérarchie, ce qui peut éventuellement indiquer une vision relativement égalitaire des différents occupants de la tombe, aucun défunt n’étant particulièrement mis en exergue dans la disposition des lits funéraires, la logique des rites pouvait néanmoins l’imposer : selon son emplacement un lit funéraire recevait peut-être le premier l’attention des visiteurs et des personnes procédant aux rites (par exemple le lit dont la tête est la plus proche de la porte). Le caractère collectif mérite d’être souligné, car, à l’exception des hypogées des centres apuliens, les tombes collectives monumentales sont rares en Italie méridionale.
186Ce sont le site et la façade monumentale des « hypogées » qui les distinguent des autres types de sépultures de Naples, car tous les habitants de la cité, quel que soit leur statut politique et économique, suivent les mêmes pratiques cultuelles (traitement du corps et matériel funéraire). La distribution topographique des nécropoles, la relative homogénéité typologique des « hypogées » et le contraste qui oppose leurs façades à l’absence de tout autre marqueur à Naples révèlent une société fortement hiérarchisée au sommet de laquelle se trouvent les commanditaires des tombes à façade368.
187Tout en donnant accès à un espace souterrain réservé aux défunts et signifiant la continuité entre monde des vivants et monde des morts, mais conçue indépendamment de la chambre funéraire, la façade est d’abord destinée aux vivants qui passent devant elle. Ostentatoire, exploitant les possibilités scénographiques des falaises de tuf, de plain-pied avec la rue, elle constitue donc pleinement un marqueur de l’élite napolitaine369. Une comparaison avec les centres campaniens contemporains montre une différence évidente en ce qui concerne le décor, nettement moins riche et privé d’éléments figuratifs ou narratifs, favorisant des représentations ayant plus trait au culte des morts (mobilier) qu’à l’exaltation du défunt370.
Les façades rupestres de Naples : bilan
188Avec leurs façades monumentales et conçues pour elles-mêmes, indépendamment des chambres funéraires auxquelles elles donnent accès, les « hypogées » du quartier de la Sanità illustrent le rôle de laboratoire que peut jouer l’architecture funéraire. Ces façades fournissent un cas exemplaire de ce qu’est un « marqueur de tombe »371. Par la porte, le passant peut voir l’escalier, peint en rouge, qui descend à la chambre funéraire et établit un lien physique entre les deux mondes. Mais dans les préoccupations des commanditaires, c’est moins la chambre hypogéique invisible que la vision extérieure de la tombe qui compte. La façade et le vestibule bénéficient d’une mise en scène dirigée vers les vivants. Avec leur architecture luxueuse qui les monumentalise, les façades doivent attirer le regard du passant et l’impressionner.
189Ces marqueurs sont uniques en leur genre en Italie du Sud. Les autres tombes à façade qui existent, notamment en Apulie, ne sont pas des tombes rupestres372. Datables de la fin du ive siècle et/ou du début du iiie siècle av. n. è., les façades des tombes napolitaines reprennent des motifs élaborés en Macédoine, mais diffusés et réélaborés dans une koinè hellénistique dont chaque composante opère une osmose des traditions hellènes et des traditions locales. Naples en donne une version spécifique et inédite due à ses commanditaires, des familles puissantes et ouvertes sur le monde méditerranéen qui partagent le même horizon culturel, cultuel et économique. On peut légitimement penser qu’elles appartiennent à une élite en grande partie samnite et très influencée par la culture grecque qui s’est intégrée à la cité grecque et affirme par ses innovations son statut éminent.
190Utilisées probablement jusqu’à leur enfouissement sous les alluvions au cours de la période impériale, les tombes monumentales de Naples restent pendant plusieurs siècles une manifestation de l’élite locale dans le paysage des faubourgs de la cité et attestent le rôle séculaire de bastion de la culture grecque de la cité.
Les colonnes et piliers funéraires
191Aux difficultés générales que rencontre l’étude des marqueurs, celle des colonnes et des piliers en ajoute d’autres, plus spécifiques. Les colonnes sont l’un des éléments fondamentaux de l’architecture domestique et privée et aucun critère formel ou fonctionnel ne permet a priori de distinguer une colonne funéraire d’une autre. L’identification d’une colonne funéraire ne peut être avancée qu’en prenant en compte son contexte ou, plus ponctuellement, une inscription : autrement dit sa présence dans une nécropole ou son association à un monument funéraire précis. Or, l’origine du plus grand nombre des fûts, bases et chapiteaux de colonnes déposés dans les musées et les réserves est inconnue… et lorsque des données contextuelles sont disponibles et dénotent un contexte funéraire, il est souvent difficile de déterminer si la colonne est un monument funéraire à part entière ou si elle n’est qu’un élément d’un ensemble ou d’un édifice373. L’indétermination de la terminologie reflète ces difficultés : il n’existe pas de terme spécifique pour désigner ce type de monument funéraire à part peut-être le terme kioniskos374 : il faut employer la désignation générique « colonne » et lui adjoindre un adjectif indiquant sa composante funéraire375. Aussi, au sein des 129 occurrences recensées dans notre corpus, ne traiterons-nous ici que des seuls cas où l’identification de colonnes funéraires est absolument certaine376, ce qui limite l’analyse et empêche d’en généraliser les conclusions.
192L’histoire de la recherche est difficile à retracer. Dès le xixe siècle, les archéologues savent identifier des colonnes funéraires dans le monde grec, mais en Italie du Sud, ils se bornent au mieux à mentionner les fragments qu’ils connaissent sans se livrer à des développements sur la question. L’absence de couronnements élaborés tels que l’on en connaît dans d’autres régions (des sphinges par exemple), malgré leur présence dans l’iconographie, rendait difficile d’identifier des colonnes funéraires parmi des fragments qui ne présentaient par ailleurs qu’un faible intérêt pour les historiens de l’art377. L’exposé scientifique le plus poussé est lié aux fouilles de P. Orsi à Locres, dont D. Elia a repris les notes et les croquis en 2010378.
Les données iconographiques et archéologiques
193En l’absence de sources textuelles, les vestiges archéologiques et les représentations figurées des colonnes funéraires sont essentiels. L’iconographie en montre de nombreux exemples, mais présente l’inconvénient de ne jamais figurer la tombe elle-même, ni donc leur rapport. Quant aux données archéologiques, elles sont rares et souvent très partielles comme nous le montrerons avec la liste très limitée qui suit.
194Dans l’iconographie vasculaire, nombreuses sont les colonnes libres : doriques et ioniques379 : elles sont dans la majorité des cas élevées sur une base et couronnées par un chapiteau, lui-même porteur d’une statue ou un vase – les cratères et les hydries étant présents en nombre croissant à partir de 380 av. n. è.380. Les colonnes sont fréquemment ornées de rubans, parfois brodés (fig. 31). Tout indique qu’elles peuvent à elles seules servir de marqueur ou jouer un rôle de complément d’autres marqueurs (revoir le cas des tumuli dans ce volume, fig. 8). Les représentations ne coïncident cependant pas avec la réalité archéologique : les colonnes-marqueurs sont ainsi souvent représentées sur les vases de Paestum et de Campanie alors que les nécropoles n’en ont révélé a priori aucune, si ce n’est peintes à l’intérieur des tombes381. La documentation iconographique et les vestiges athéniens montrent que la colonne en tant que monument funéraire à part entière est généralement couronnée d’une statue ou d’un objet sculpté. La particularité de ce type de marqueur est sa hauteur : certains exemples montrent que le couronnement seul peut atteindre 80 cm (voir fig. 34). Dans notre corpus, on peut probablement envisager des colonnes allant jusqu’à 2,2 m de haut, sans compter le couronnement382. Mis à part un cas isolé à Torano Castello, les données archéologiques proviennent de deux cités seulement : Tarente, dont les nécropoles fournissent la grande majorité du corpus, et Locres, où se trouvent les attestations contextualisées qui seront analysées ci-après. S. Steingräber souligne qu’il s’agit d’un marqueur typiquement grec383. Pour la période précédant le ve siècle, on en connaît aussi à Vaste et Reggio de Calabre.
Fig. 31a. Hydrie à figures rouges attribuée au Peintre de la Libation (350-340 av. n. è.), provenant de Cumes.

Paris, musée du Louvre, inv. Cp 785 ; K 276. © 2008 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski : https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010274293
Fig. 31b. Hydrie à figures rouges attribuée au Peintre de l’Ilioupersis (360-350 av. n. è.).

Art Institute Chicago, inv. 1984.11 (CC0), domaine public : https://www.artic.edu/artworks/102082/hydria-water-jar
195L’exploitation du corpus tarentin est difficile à mener, car il s’agit de bases et de chapiteaux isolés et très détériorés384 que l’on ne peut associer avec certitude à un contexte funéraire. La base et le chapiteau de chaque colonne sont a priori assortis, mais les formes et le répertoire décoratif présentent des variantes d’une colonne à l’autre. On trouve de simples bases en forme de disques superposées comme des bases richement décorées (fig. 32). Il est impossible de déterminer si une base appartenait à un édifice funéraire ou à une colonne solitaire, voire à un autre type d’édicule (un autel par exemple).
Fig. 32. Fragments de naiskoi de Tarente (contexte perdu).

Allard Pierson Museum, inv. APM01546, APM01548, APM01549. Allard Pierson – The Collections of the University of Amsterdam (CC BY) : https://uvaerfgoed.nl/beeldbank/en/xsearch?metadata=sculptuur+Tarente
196Pour E. Lippolis, la plupart des chapiteaux figurés retrouvés à Tarente sont à associer à des naiskoi, mais une partie devait couronner des colonnes funéraires. Les chapiteaux surmontent aussi bien des colonnes que des piliers comme on peut le déduire de la forme de leur surface inférieure. On trouve des chapiteaux complets, des demi-chapiteaux, voire des quarts de chapiteaux qui ne devaient pas appartenir à des colonnes isolées (fig. 33). Le style le plus fréquent est le corinthien, l’ionique est également utilisé.
Fig. 33. Fragments de naiskoi de Tarente (contexte perdu).

Allard Pierson Museum, inv. APM01557, APM01551, APM01563, APM01562, APM01560. Allard Pierson – The Collections of the University of Amsterdam (CC BY) : https://uvaerfgoed.nl/beeldbank/en/xsearch?metadata=sculptuur+Tarente
197Il convient de souligner l’importance du style taranto-corinthien qui se développe au cours du ive siècle et qui se caractérise par les visages et les personnages qui animent les rinceaux d’acanthe. Ceux-ci, les personnages et le répertoire ornemental, ont généralement une valeur eschatologique (fig. 34). Le chapiteau corinthien garde le souvenir du rôle funéraire de l’acanthe (Vitruve, IV, 1, 9) ; les scènes de rapt divin (Thalia, Ganymède…) sont des métaphores de la mort et une promesse de vie bienheureuse, les monstres (sirènes, sphinges) évoquent les Enfers et la protection de la tombe, les erotes, les visages féminins et les fleurs symbolisent les relations des mondes des vivants et des morts385.
Fig. 34. Chapiteau corinthien, Tarente, vers 350-250 av. n. è.

Malibu, Getty Museum, inv. 96.AA.245. No copyright : https://www.getty.edu/art/collection/object/107SBH
198La mortaise plus ou moins importante que l’on trouve souvent sur l’abaque des chapiteaux peut indiquer que la colonne qu’ils couronnaient supportait un entablement et n’était donc que l’un des éléments d’un édifice (naiskos ou autre). Mais la présence d’un trou de mortaise n’exclut pas que l’on ait affaire à des colonnes funéraires isolées. Une mortaise peut permettre en effet de fixer un élément surmontant le chapiteau (pignon, vase, statue…) ; pour des raisons de fabrication et de transport, on peut aussi émettre l’hypothèse qu’elle n’avait pas de rôle final fonctionnel.
199Il est donc impossible de classer avec certitude nombre de fragments du corpus dans la catégorie « colonne funéraire ». En revanche, les chapiteaux qui présentent au lieu de la mortaise habituelle une forme en relief plus ou moins élaborée qui les rend impropres à l’utilisation au sein d’un édifice permettent d’identifier une colonne funéraire, ou du moins une colonne isolée. Plusieurs blocs retrouvés à Tarente font sans doute partie de cette catégorie (fig. 35).
Fig. 35. Deux chapiteaux de Tarente ayant pu appartenir à des colonnes isolées (TAR0334 et TAR0335).

Dessins de l’auteur d’après Klumbach 1937, nos 330-331.
200Haut de 75 cm, l’un de ces blocs conserve le haut de la colonne, ornée de bucranes, son chapiteau taranto-corinthien (quatre figures de divinités féminines) et son couronnement végétal évoquant un palmier et formant une sorte de kalathos. Le chapiteau ne pouvant jouer le rôle de support d’un entablement, la colonne qu’il coiffait était dégagée. Les bucranes et le palmier/kalathos peuvent revêtir une symbolique funéraire liée au sacrifice et à l’abondance. Le kalathos peut également être lié au statut marital et symboliser un futur mariage386. Dans notre cadre, il pourrait donc avoir signalé la tombe d’une jeune femme en âge de se marier, mais n’ayant pas pu accéder à son nouveau statut avant sa mort. Un autre fragment montre que des personnages peuvent être placés au sommet de colonnes, en l’occurrence Niké ; on peut aussi imaginer que les sirènes du corpus pouvaient y prendre place387.
201Dans la nécropole de Lucifero à Locres, les carnets des fouilleurs successifs ont permis à D. Elia de reconstituer l’organisation spatiale d’un secteur de la nécropole et d’identifier une colonne-marqueur (fig. 36)388. Lors de la fouille, le fragment de colonne retrouvé in situ, légèrement déplacé par les travaux agricoles, incliné sur un lit de galets, a été numéroté comme une tombe (no 5) ; la confrontation des notes et du plan de la fouille indique que la colonne n’est pas associée à une tombe précise389. Sa situation permet à D. Elia de formuler l’hypothèse qu’elle sert de marqueur aux onze tombes installées à proximité, qui appartiennent à des individus d’âges divers (du fœtus à l’adulte) et de différentes époques (deux tombes du vie siècle, six du ve et trois du début du iiie siècle av. n. è.). L’utilité du marqueur est ici évidente : il a permis à plusieurs générations de se regrouper au sein d’un espace funéraire commun.
Fig. 36. À Lucifero, une colonne (no 5 = LOC0010) signale un ensemble de tombes.

7 et 3A, puis 4, 10, 16 et 17, au vie siècle av. n. è. (en bleu) ; 23 et 3B dans la seconde moitié du ve (en rose) ; 8 (fœtus), 9 et 11 (enfant) au début du ive siècle av. n. è. (en vert).
Dessin de l’auteur d’après Elia 2010, p. 337.
202Un cas semblable est identifié dans une autre zone de cette nécropole de Locres390. Un dessin réalisé en 1913 représente une colonne brisée en deux tronçons dont la partie inférieure est probablement encore en place. Comme le montre le schéma réalisé au cours de la fouille, plusieurs tombes (644, 648, 652, 653, 661, 665) entourent le monument funéraire (fig. 37)391. Une seule tombe semble placée strictement en dessous de la colonne ; étant donné la nature du dessin, il est cependant impossible de savoir si les deux éléments sont effectivement superposés. Si l’on admet qu’ils le sont, il faut imaginer que la tombe 648 fut la première mise en place, ce que sa situation profonde pourrait confirmer.
Fig. 37. Regroupement de tombes et colonne brisée en deux (LOC0008), contrada Lucifero (fouille 1913).

Dessin de l’auteur d’après les carnets de P. Orsi (Tacc. Sic. 94, p. 101bis, dans Elia 2010, p. 337).
203De nombreux fragments découverts dans les nécropoles de Locres permettent de mieux connaître l’usage des colonnes funéraires. Il s’agit d’un chapiteau ionique de la première moitié du ve siècle av. n. è.392 et de plusieurs tronçons de colonnes à fût lisse appartenant à différents monuments – cela a été mis en évidence grâce à leurs différences de dimensions et aux lieux de découverte.
204En outre, dans l’effondrement de la tombe 691 a été retrouvé un fragment de colonne de 22 cm de diamètre : un marqueur qui a dû perforer la couverture de la tombe malgré ses dimensions réduites393. Ces vestiges ont conduit D. Elia et V. Meirano à supposer l’existence de kiones ou kioniskoi sur des tombes isolées comme au sein de groupes de tombes394.
205Le chapiteau de Torano Castello, conservé au musée de Sybaris et daté des ive-iiie siècles av. n. è., a la particularité de comporter une inscription, donnant probablement le nom du défunt, Eumarès, puis celui de son père. Le chapiteau comporte une cavité quadrangulaire traversante qui devait permettre de le fixer au sommet d’une colonne. Le bloc est légèrement usé sur toute sa surface, et son angle antérieur droit est brisé (lors de la destruction du monument ?). Les lettres sont larges et bien lisibles, ce qui devait en permettre la lecture même lorsqu’elle était placée en hauteur. Cette colonne funéraire peut n’avoir désigné que la tombe d’Eumarès, mais, eu égard aux autres attestations de colonnes funéraires, il est aussi possible que d’autres personnes aient été inhumées à proximité et que l’inscription ne désigne que le chef de la famille bénéficiant du marqueur.
Le rapport des colonnes aux sépultures
206La tombe 691 de Locres montre qu’une colonne pouvait être dressée au-dessus de la sépulture, mais l’effondrement de la chambre funéraire et de la colonne montre aussi ipso facto la fragilité d’un tel agencement. Si cette superposition était banale, d’autres attestations archéologiques semblables auraient été portées à notre connaissance. Ce n’est pas le cas, et des considérations très prosaïques permettent de l’expliquer : le poids d’une colonne est trop important pour qu’elle puisse rester en place au-dessus d’une tombe dont le creusement rend le terrain instable395. Tout ceci conduit à avancer l’idée que ce type de séma ne se situait pas en général sur les tombes elles-mêmes, ce que conduisent à penser les colonnes locriennes élevées au milieu de groupes de tombes et non à l’aplomb d’une tombe en particulier.
207Cependant, les seules attestations archéologiques sont celles de Locres. Dans ces cas de figure, la colonne devait servir de point de repère pour fixer le lieu des tombes successivement creusées au fil des générations. Les recoupements attestés dans l’un des cas (fig. 36) sont certainement dus à la volonté de placer les tombes au plus près de la colonne. Le rôle collectif de celle-ci indique l’importance accordée aux questions de filiation ou de clientèle et laisse supposer que d’autres marqueurs permettaient l’identification de chaque individu. Les carnets de fouille ne sont pas très clairs à ce sujet, mais il semble que dans certains cas des amas de pierres surmontaient les tombes placées autour de la colonne. Notre étude des tumuli montre que des colonnes pouvaient compléter ce dispositif de signalisation, elles étaient selon l’iconographie alors placées devant l’amas de terre et non à son sommet.
208La question du poids n’a pas de sens si, comme dans le cas des naiskoi, on suppose qu’en raison de leur coût et de leur prestige, certains de ces marqueurs étaient associés à des tombes riches – ce n’est pas le cas à Locres, mais on peut l’envisager à Tarente où certains chapiteaux de facture très fine ont pu être l’objet d’une dépense importante. En effet, la toiture d’une tombe à chambre ou un couvercle en pierre de qualité peuvent supporter la pression importante d’une colonne si la tombe est conçue dans cette optique. Dans ce cas, les colonnes auraient pu même sceller de façon efficace la tombe signalée, pour couper le mort du monde des vivants de façon radicale et empêcher tout pillage.
Distribution géographique et chronologique
209Il est délicat de vouloir dresser une carte de la distribution des colonnes-marqueur. En l’état du corpus et de la recherche, seules les cités de Locres et Tarente paraissent avoir adopté ce type de marqueur. La question se pose de savoir si cette cartographie révèle les lacunes de la recherche plus qu’autre chose : des dizaines, voire des centaines de fûts de colonnes et de fragments de chapiteaux et de bases qui n’ont pas été étudiés, voire simplement répertoriés, sont conservés dans les musées, les réserves et les aires archéologiques d’Italie du Sud ; leur prise en compte conduirait peut-être à l’identification de colonnes funéraires ailleurs qu’à Locres et Tarente… En l’état de la recherche, il convient donc de limiter l’analyse à ces deux cités396.
210Les colonnes de Locres (vie-iiie siècles av. n. è.) sont plus anciennes que celles de Tarente (où la plupart appartiennent à la deuxième partie du ive siècle et au iiie siècle av. n. è.) ; en l’absence des chapiteaux des marqueurs de Locres, il n’est pas possible d’établir une évolution dans la forme de ces marqueurs en fonction de la chronologie.
Fig. 38. Thymiaterion en terre cuite en forme de colonne (325-300 av. n. è.).

Naples, Museo Archeologico Nazionale, inv. 146695. Dessin de l’auteur.
211Dans le monde grec, ce type de marqueur connaît une évolution majeure à la fin de la période classique : dans son dernier état connu, il devient plus simple et économique : une colonnette, parfois en terre cuite, est déposée sur la tombe ou sur un tumulus397. À Athènes, les lois somptuaires qui limitaient la hauteur des colonnes à « trois pieds » sont probablement à l’origine de la diffusion de ce modèle réduit et des cippes398. Aucun élément du corpus n’atteste cette évolution. Un bloc retrouvé à Tarente et un petit thymiaterion en forme de colonne coiffée d’un vase, conservé au musée de Naples (fig. 38), attirent néanmoins l’attention sur l’existence de versions miniatures, les kioniskoi399.
Les défunts : genre, culture, place sociale
212Les seuls cas qui permettent d’aborder de façon concrète l’identité des individus qui ont eu recours à ces marqueurs sont les tombes de Locres, autrement dit des cas isolés, associés à des groupements de tombes et non à des sépultures en particulier. C’est là une caractéristique qui demande à être analysée. Les deux cas locriens incitent à voir dans l’utilisation de la colonne une volonté de regroupement familial, notamment en raison de la variété des âges des occupants des tombes placées autour des colonnes-marqueur collectives de Lucifero. Dans l’un des cas (fig. 37), les cinq sépultures conservées sont à des cotes différentes et leurs formes sont variées : la 644 est à bâtière, la 648 est dans un sarcophage de pierre, les 653, 661 et 665 sont en pleine terre, superposées et couvertes de façons diverses.
213Il est difficile de préciser la catégorie sociale des morts qui choisissent ce type de marqueur et leurs motivations. Par sa hauteur, sa verticalité et la statue ou le vase qu’elle porte, elle indique efficacement la tombe, ce qui a pu jouer un rôle dans le choix des commanditaires souhaitant offrir une visibilité importante à la sépulture tout en exploitant une surface au sol limitée. On peut aussi envisager que comme les statues funéraires, les colonnes puissent se substituer au disparu dont elles sont une forme de représentation totémique, encore debout400. Dans d’autres contextes, la colonne funéraire est considérée comme une référence à la tradition homérique, qui identifie des hommes à des colonnes : « [Il] tomba Hector, l’inconquérable de Troie, l’immuable colonne401 » ou aux épreuves athlétiques et aux courses de chars aristocratiques, faisant référence à l’agôn et aux qualités morales et physiques qui lui sont associées402. À Athènes, outre les conséquences du décret de Démétrios de Phalère, S. Houby-Nielsen voit dans l’usage des petites colonnes funéraires à l’époque hellénistique l’expression d’une forme de nostalgie accompagnée de pratiques archaïsantes. Il semble risqué de vouloir appliquer ces raisonnements à notre corpus, les usages attiques de la colonne-funéraire ne semblent en effet pas avoir été importés en Italie, où l’on ne retrouve notamment ni les fameuses kioniskoi de la phase 317-307, puis de la phase hellénistique, ni l’usage de statues placées sur des colonnes403.
214Dans le cadre de notre étude, la colonne-marqueur est un monument coûteux, les exemplaires identifiés ont tous demandé un investissement notable à leurs commanditaires. Elle est donc en soi un marqueur social de premier plan, comme l’illustrent le cas spectaculaire de Tarente et le chapiteau inscrit de Torano Castello (l’une des rares inscriptions de notre corpus)404. Les thèmes iconographiques utilisés sur les chapiteaux (scènes de rapt, monstres, éléments végétaux) se retrouvent sur d’autres fragments architecturaux, notamment sur les acrotères des naiskoi tarentins405. Ils sont utilisés de façon récurrente par l’élite et renvoient à des conceptions eschatologiques. À Locres, cette lecture ne convient cependant pas vraiment aux seules colonnes archéologiquement connues. Celles-ci semblent en effet très sobres en comparaison des objets prestigieux de Tarente. Sont-elles des répliques peu onéreuses de modèles prestigieux ? Ou ne sont-elles qu’un moyen pratique de signaler un groupe de tombes ? Les colonnes « partagées » locriennes sont-elles le pendant funéraire d’une certaine société isonomique, ou bien clientéliste ? Outre leur symbolique eschatologique, le recours aux colonnes à Tarente traduit-il une volonté de simplifier l’architecture religieuse ou d’avoir des marqueurs moins gourmands en espace pouvant s’insérer dans les nécropoles au plus près d’anciennes tombes ou de points névralgiques ? Notre méconnaissance des contextes ne permet que de poser des questions et d’espérer que celles-ci seront prises en compte dans le cadre de futures fouilles archéologiques.
Les colonnes et les piliers funéraires d’Italie méridionale du ve au iiie siècle av. n. è. : bilan
215Il est difficile d’établir un bilan au sujet des colonnes-marqueurs tant nos connaissances sont limitées et les problèmes méthodologiques nombreux. Quelques constantes peuvent néanmoins être dégagées.
216La colonne signale la tombe dans le paysage pour un coût plus réduit que celui d’un édifice complet, elle prend moins de place. Elle revêt une valeur totémique : comme la stèle, elle remplace le défunt en même temps qu’elle signifie son nouveau statut et l’y fige. Sans l’héroïser, la colonne inscrit peut-être le défunt dans l’élite historique. Enfin, la colonne-marqueur peut jouer le rôle d’un marqueur familial collectif qui n’exclut pas la mise en place d’autres marqueurs individuels. Ce choix peut révéler une société dans laquelle les liens familiaux sont primordiaux, ou bien le pouvoir économique réduit de familles dont les membres se cotisent pour financer un marqueur monumental coûteux.
Les epitymbia
217Nombreuses et documentées pour les nécropoles siciliennes406, les bases maçonnées, ou epitymbia, sont peu connues en Italie méridionale – on en connaît un exemple à Locres, qui couvre partiellement la sépulture d’un individu immature (fig. 39)407.
Fig. 39. L’epitymbion de la tombe 773 de contrada Lucifero (LOC0007).

Relevé de la base du monument funéraire et schéma de la coupe.
Dessin de l’auteur d’après les documents manuscrits de la fouille de P. Orsi (dans Elia et Meirano 2010, fig. 5, p. 324).
Les enceintes
218Il est difficile de faire entrer dans la catégorie des marqueurs les murs que mentionnent régulièrement les notices de fouille, d’autant plus que leur datation est fréquemment problématique. Le plus souvent, ils ne signalent pas une tombe, mais matérialisent les limites d’une aire funéraire ou délimitent des subdivisions internes. Ainsi, à Siris, « all’esterno era presente, inoltre, un muro a lastre irregolari di arenaria conservato per circa 3 metri, per il quale è ipotizzabile la funzione di delimitazione del lotto408 ». Selon M. Tagliente, ce mur pourrait conserver le souvenir du découpage archaïque en lots, à moins qu’il ne marque les limites d’un ensemble funéraire hellénistique. À Roca Vecchia, Vaste ou Monte Sannace, des enclos sont aménagés au moment de la construction des tombes, et parfois après, pour signaler l’extension de la zone funéraire ou distinguer des groupes en son sein409. Il semble qu’ils soient liés à un culte des ancêtres sans être des marqueurs de tombe (la marginalité de la question par rapport à notre sujet de recherche nous a conduit à les écarter du corpus)410, cette pratique n’étant pas propre à la période classique411. Des tombes sont parfois associées à des espaces sacrés : à Ascoli Satriano, des sépultures de la fin du ive siècle et du début du iiie siècle av. n. è. sont ainsi articulées avec un espace pavé en galets où devaient se dérouler des banquets et des sacrifices en l’honneur d’une divinité féminine chtonienne protégeant les morts412.
Les pierres, cercles de pierres et lits de galets
219Le statut de marqueur des lits de galets (identifiés par exemple à Locres et Métaponte413), de certaines pierres dressées et de certains cercles de pierres mentionnés dans les publications est problématique414. Les données sont trop lacunaires pour en tirer des conclusions. Il faudrait réexaminer les publications archéologiques anciennes comme l’a fait D. Elia à Locres.
Les structures en bois
220L’hypothèse de marqueurs en bois repose sur des présomptions mais n’est pas à écarter. La présence de forêts plus accessibles que dans de nombreuses autres zones du monde grec a pu favoriser de telles pratiques. L’Odyssée nous offre l’exemple d’un gouvernail415, une épigramme évoque une tombe signalée au moyen d’une rame et d’un panier416. Des stèles en bois ont également pu être mises en place – dont il ne resterait pas de trace, si ce n’est le creux dans lequel elles étaient fichées, ce qui n’a pour l’instant pas été identifié en Italie méridionale. Des édifices en bois ont pu intégralement disparaître, comme cela est attesté à Lavello, et les trous de poteaux détruits ou ignorés417.
Notes de bas de page
1 Sur la privatisation des heroa, voir Hellmann 2006, p. 275-287. À Tarente, Enzo Lippolis n’exclut pas de possibles phénomènes d’héroïsation, connectés à des cultes privés : Lippolis 1994a, p. 50 ; voir aussi Costanzo 2016.
2 Morris 1992, p. 129 ; Azoulay 2009 ; Gillis 2021, p. 273.
3 Lippolis 1994b, p. 114, à propos des naiskoi : « la loro diffusione sembra essere comunque molto tarda, non anteriore all’ultimo venticinquennio del secolo iv, considerando anche la possibilità di attribuire ad un artista ateniese trasferitosi dopo la riaffermazione delle leggi suntuarie ad Atene con il decreto di Demetro di Falero, risalente appunto al 317-316 ». Voir aussi Lippolis 2007, p. 99.
4 Hellmann 2006.
5 Bernabò Brea 1940, p. 444.
6 À Poseidonia de petits tumuli de pierres et de terre sont mentionnés ; ils ont été remarqués par les archéologues sans que des données précises ne soient communiquées (Pontrandolfo et Rouveret 1992, p. 19).
7 La méthode stratigraphique et la mise en évidence du niveau de sol antique devraient être suffisantes pour mener à bien ce type d’observations, mais dans le contexte actuel de l’archéologie italienne, rares sont les opportunités de mener à bien des fouilles aussi attentives sur des zones nécropolaires, le sol antique étant généralement décapé jusqu’à ce que l’on atteigne la couverture des tombes.
8 Ce cas sera abordé ci-après en raison de ses spécificités.
9 Fiorelli 1879.
10 G. Zuntz montre d’ailleurs son admiration pour l’attention et les compétences de l’archéologue dans le bilan qu’il dresse de la fouille (Zuntz 1971, p. 287-298).
11 Zanotti Bianco 1960, p. 7-20.
12 La Genière 1994b.
13 Nizzo 2007.
14 Le Thesaurus Linguae Graecae en ligne recense 1456 occurrences du terme τύμβος lorsque l’on cherche toutes les déclinaisons possibles, dont 105 dans l’Anthologie grecque. Au nominatif singulier, on le trouve par exemple quatre fois chez Euripide. Le Cross Database Searchtool permet quant à lui d’accéder à 530 occurrences du terme tumulus dans les textes latins antiques.
15 Par opposition à τάφος, tombe creusée, d’où un rapprochement τύμβος-θάπτω (enterrer-ensevelir), voir Chantraine 2009, suppl. p. 1305 et 1361.
16 Hellmann 2006, p. 287. On peut néanmoins envisager qu’une partie de la terre excavée soit rejetée ailleurs afin de laisser la surface de la nécropole plane.
17 Ce sont principalement des peintres du cercle du Peintre de l’Illioupersis qui en sont les auteurs (Schauenburg 1978 ; Pontrandolfo et al. 1988, p. 190 ; à propos d’un exemplaire de Ruvo, voir Giacobello 2020, p. 69-71).
18 Bièvre-Perrin 2018.
19 Ils sont principalement attestés pour les ixe, viiie et viie siècles av. n. è.
20 Giorgi et al. 1988, p. 40-41 ; La Genière 1994b.
21 Steingräber 2000, p. 98.
22 Guzzo 1989, p. 94, 165, 173, 143-147, 150, 152. ROG0001 à ROG0010.
23 Les quatre buttes de terre pourraient résulter de l’utilisation d’une structure a cappuccina plutôt que d’un amoncellement supplémentaire de terre au-dessus de la tombe. Sur cette question, voir le développement consacré aux structures tombales souterraines peut-être prévues pour créer une butte-marqueur au-dessus des tombes (Ruga et al. 2005, p. 175). CRO0006 à CRO0009.
24 Voir Zuchtriegel 2017, p. 89-92. La datation se fonde en grande partie sur des fragments de vases à figures rouges appartenant au ve ou au ive siècle av. n. è. retrouvés dans les différentes couches du tumulus et sur la marche de pierre entourant la tombe (Bottini 1992, p. 30-34, p. 38). Lors de son retour sur le site en 1932, U. Zanotti-Bianco retrouva un certain nombre d’objets, tous datant du ive siècle av. n. è. (Zanotti-Bianco 1960, p. 10). Timpone Grande = THU0002 ; Timpone Piccolo = THU0003.
25 Osanna 1992, p. 155-156.
26 Taranto 1994, ill. 99, p. 125 ; Hermann 1966, p. 283-285 ; Belli Pasqua 1995, p. 79-80 ; Carter 1975, p. 99-100. VAS0001.
27 Steingräber 200, pl. 44, 3. GRA0003.
28 Buchner et Ridgway 1993, p. 82 (PIT0010), 112 (PIT0013) et 131 (PIT0018). Il faut prendre en compte le fait que les données sur les dimensions sont souvent lacunaires dans le reste du corpus.
29 Alors qu’il en existe au siècle précédent, par exemple à Conversano (Cianco et L’Abbate 2013).
30 Nizzo 2007, p. 33.
31 Outre la rapide présentation de F. S. Cavallari, nous disposons du constat établi en 1932 par U. Zanotti-Bianco qui confirme la présence de nombreuses tombes, de fragments de colonnes, de murs, etc., mais ne mena pas de fouille à proprement parler (Zanotti-Bianco 1960, p. 10-11).
32 Bottini 1992, p. 27-51.
33 Pour l’ensemble du paragraphe, voir Zuchtriegel 2017, p. 89-92.
34 Bottini 1992, p. 47.
35 Ibid., p. 63.
36 Hellmann 2006, p. 290.
37 Les dimensions de l’espace clos, et vide, où sont placés les restes du défunt sont prévues pour limiter les risques d’effondrement. Les risques que les parois d’une urne cinéraire en pleine terre ou d’un caisson réduit, abritant par exemple une urne, cèdent sous le poids de la terre sont moindres que dans le cas d’un cercueil allongé, davantage soumis à la pression (Hellmann 2006, p. 290).
38 C’est aussi le cas à Conversano pour le tumulus archaïque (Cianco et L’Abbate 2013).
39 A. Bottini considère le développement peu convaincant (Bottini 1992, p. 39-42).
40 Semeraro 1990, p. 67 ; D’Andria, 1988a, p. 685. VAS0001.
41 Gualtieri et Jackes 1993, p. 143-144. ROG0006.
42 On ajoutera qu’il semble que, dans les deux cas d’inhumation, il ne s’agisse pas de la déposition initiale.
43 PIT0007, PIT0008, PIT0010, PIT0014, PIT0015, PIT0017 à PIT0020.
44 Une situation similaire par exemple à celle du tumulus Kastas à Amphipolis, entouré d’un mur de 3 m de haut ; Peristeri 2016. Sur d’autres cas à Kallatis, voir Ștefan et Sîrbu 2019.
45 PIT0007 et PIT0008.
46 Curzio 1997, p. 267-271. GRA0003.
47 Gualtieri et Jackes 1993, p. 143-144, 152. ROG0006 et ROG0010. Peut-être faut-il y voir une version plus régulière des cercles de pierres ?
48 Steingräber 2000, p. 98 ; l’usage de combiner tumulus et vase est également attesté à Athènes (Morris 1987, p. 153) et Francavilla Marittima (La Genière 1994b).
49 Schauenburg 1978.
50 Voir, par exemple, le cas du tumulus 53 du Céramique d’Athènes, qui recouvre trois sarcophages de marbre et portait deux lécythes de terre cuite surdimensionnés, fonctionnant comme marqueurs, et peut-être une stèle figurée ; Knigge 1988, fig. 149, 151a.
51 PIT0010 et PIT0011, PIT0014 et PIT0015, PIT0016 et PIT0017, PIT0018 et PIT0019.
52 PIT0020 couvre deux tumuli du début du viie siècle av. n. è. (Buchner et Ridgway 1993, p. 132).
53 Nizzo 2007, p. 84.
54 Platon recommande de placer sa tombe auprès d’un tertre existant plutôt que d’en édifier un nouveau (Plat., Leg., XII, 947d-e).
55 Nizzo 2007, p. 32-33.
56 Les dimensions augmentent avec le temps : dans les premières périodes d’occupation, le diamètre des lentilles n’excède pas 150 cm, puis il augmente jusqu’à 250 cm. Les tumuli dont le diamètre excède 260 cm sont rares et appartiennent aux périodes postérieures à 725 av. n. è. ; il a été établi qu’ils couvrent non pas une incinération, mais deux, sauf dans quatre cas, dont la tombe 168 ou fût découverte la coupe de Nestor (Nizzo 2007, p. 33).
57 Nizzo 2007, p. 33.
58 Numéros donnés par G. Buchner et D. Ridgway dans la publication de la nécropole, Pithekoussai I. La necropoli: tombe 1-723 scavate dal 1952 al 1961 (Buchner et Ridgway 1993, p. 12), aussi employés par Valentino Nizzo pour désigner les tombes (Nizzo 2007).
59 Buchner et Ridgway 1993, p. 112. PIT0013.
60 Bottini 1992, p. 63-64.
61 Ibid., p. 42-49 ; Burkert 1974, p. 93-94.
62 Zuchtriegel 2017, p. 89-92.
63 Burkert 1974, p. 101-104. Pour W. Burkert et G. Zuntz il ne fait pas de doute que l’homme enterré dans le Timpone Grande était adoré comme un héros, un personnage de nature divine, comme le confirme une phrase de la lamelle orphique : « d’homme, est devenu dieu » (Burkert 1974, p. 93 ; Zuntz 1971, p. 289) ; sur les fondateurs des cités grecques d’Occident et leur devenir posthume, voir Jaquemin 1993, notamment p. 21-22.
64 IG I, 78 ; Péré-Noguès 2016.
65 Zuchtriegel 2017, p. 91.
66 Edmonds 2004, p. 65-66 ; Zuchtriegel 2017, p. 91-92.
67 Saïd 1998 ; André 2012.
68 André 2012, p. 185.
69 Saïd 1998, p. 15-16.
70 McGowan 1995.
71 D. Theodorescu propose pour le tumulus un rayon d’environ 7 m. La couverture en bâtière de l’hypogée, monumentalisation du modèle de la tombe a cappuccina, est l’un des arguments employés (Greco et Theodorescu 1983, p. 31-33).
72 Bottini 1996, p. 46.
73 D’où le nom encore utilisé aujourd’hui dans la littérature scientifique, « sacello ipogeico » ; Sestieri 1955 ; Bertarelli Sestieri 1985, p. 646-691.
74 Zancani Montuoro 1954.
75 P. Zancani Montuoro avait quant à elle pensé à Ois, fondateur de Sybaris, dont le nom figure lui aussi sur des monnaies de la cité, le monument jouant ainsi un rôle diplomatique, rappelant l’importance des liens entre les deux cités ; Zancani Montuoro 1954.
76 Les données résumées ici proviennent en majorité de la synthèse de Laura Ficuciello consacrée au sacello ipogeico dans Ficuciello 2014.
77 Müller 1989.
78 C. Bérard rapporte d’ailleurs en 1970 à propos de la Nécropole de la Mer, qu’il y a vu de « grossiers périboles et assemblages de blocs datables de l’époque archaïque » qui s’apparentent selon lui aux bases des tumuli mis au jour par G. Buchner, ce qui induit que le procédé utilisé dans la colonie l’a été aussi à Érétrie. Le chercheur rappelle d’ailleurs les nombreuses similitudes établies entre les pratiques observées dans les deux nécropoles (Bérard 1970, p. 5051), notamment par exemple dans le cas de la distinction des classes d’âge par le matériel (d’Agostino 1985, p. 53).
79 Blandin 2007, p. 65, p. 71.
80 Criscuolo et Pacciarelli 2009, p. 332-333 ; Brun, Duday, Munzi et Torino 2009, p. 360. Le plan de la nécropole fourni dans l’article permet de voir que contrairement à ce que l’on constate dans le cas des tumuli de notre corpus, des enfants ont pu bénéficier de ces marqueurs.
81 Bottini 1992, p. 48-49.
82 Nizzo 2007, p. 26-27.
83 Curzio 1997, p. 267-271. GRA0003.
84 Nizzo 2007, p. 33.
85 Le type du tumulus est d’ailleurs réputé réapparaître à Rome et en Italie à la faveur de l’initiative d’Auguste, alors considérée comme originale, de faire édifier un tumulus monumental pour son tombeau en écho à la thématique héroïsante des modèles auxquels il souhaitait faire référence (tombes macédoniennes, tombeau/hérôon d’Énée, tombeaux étrusques, séma d’Alexandre à Alexandrie). En réalité, le type du tumulus monumental est plus anciennement attesté à Rome : d’après les textes on pouvait en effet en voir sur le Champs de Mars dès la fin du iiie siècle, mais l’archéologie n’ayant permis de remonter que jusqu’à la première moitié du ier siècle av. n. è., il convient donc de rester prudent. D’après Pierre Gros, le recours au tumulus au cours de la période romaine a pu revêtir des sens divers, une volonté d’héroïsation tout d’abord, mais aussi une référence aux traditions gréco-orientales. Quoi qu’il en soit, seuls des tumuli monumentaux ont été mis en évidence dans l’aire romaine, dans la trentaine d’édifices qui entoure Rome, les plus anciens étant tous constitués à la base d’un socle cylindrique maçonné (Gros 2001, p. 422-435).
86 Kelp et Henry 2016.
87 Müller 1989 ; Blandin 1998 ; Hellmann 2006, p. 289-290 ; Papakonstantinou 2012 ; Peristeri 2016 ; Ștefan et Sîrbu 2019.
88 Steingraber 2000, carte 15, p. 97-98.
89 Étienne 2005, p. 188 (voir le probable tombeau de la famille d’Alcibiade à Athènes) ; Alexandrescu 1994 ; Blandin 1998 ; Gaignerot-Driessen et al. 2020.
90 Par exemple le grand tumulus de Santa Sabina, près de Carovigno (Brindisi), dont les occupants sont venus de l’autre côté de l’Adriatique ; Alvino 2000, p. 7.
91 Cianco et L’Abbate 2013 ; Blandin 1998.
92 Pour J.-L. Lamboley, il convient d’établir une distinction entre les naiskoi qui sont de petites chapelles et ceux qui marquent une tombe. Il estime « déraisonnable » de vouloir associer ce type de séma à des tombes simples (Lamboley 1988, p. 171).
93 Montel 2009, voir aussi Greco 1992b, p. 301 et Wuilleumier 1939, p. 255.
94 Certaines frises couraient dans l’entablement, d’autres appartenaient peut-être aux bases (voire à des structures souterraines). Il n’est pas exclu qu’elles proviennent d’édicules plus modestes que des naiskoi.
95 Les blocs sculptés identifiables à des acrotères – palmettes, vases ou personnages (généralement mythologiques et faisant référence à des enlèvements, celui de Ganymède par exemple) –, les reliefs décoratifs destinés à être plaqués sur les murs et les frontons, les têtes léonines pour l’évacuation de l’eau des toitures et les blocs de construction travaillés peuvent certes provenir de naiskoi, mais aussi d’autres monuments funéraires ou religieux. Les chapiteaux et bases figurées de style taranto-corinthien ont pu appartenir à des colonnes funéraires.
96 Les fragments circulent de collections en musées, du marché noir aux salles de vente, et les informations concernant le contexte se perdent dans le processus, quand elles n’ont pas été ignorées dès le départ.
97 Son étude illustre la dissémination mondiale du matériel ; l’Italie et les pays voisins hébergent aujourd’hui les plus grandes collections.
98 Voir le compte rendu dans la Revue archéologique, 6e s., 11 (janvier-juin 1938), p. 356-359.
99 Bernabò Brea 1952.
100 E. Lippolis critique vivement la méthode de J. Coleman Carter : pour lui, il est généralement impossible de dater les naiskoi tarentins par le contexte (Lippolis 1994b, p. 121122).
101 Fedak 1990 ; celui-ci n’aborde paradoxalement pour l’Italie du Sud que les hypogées de Canosa, ne mentionnant même pas Tarente.
102 Kurtz et Boardman 1971
103 Kurtz et Boardman 1985, p. 378 ; Fedak 1990.
104 Ruhardt 2019, p. 81-89. Nous n’avons pu consulter cet ouvrage qu’à l’étape des épreuves du présent volume.
105 Montel 2009.
106 Todisco 2018 ; Pontrandolfo et al. 1988, p. 191, 201.
107 Du moins en ce qui concerne les données publiées jusqu’à récemment. Un fragment de vase issu de la fouille de l’arsenal maritime de Tarente semble en représenter un ; Todisco 2018, p. 98 ; Fontannaz 2014.
108 Carter 1972, p. 103 ; Todisco 2018.
109 Pontrandolfo et al. 1988, p. 191-200.
110 Trendall 1989, p. 266 et suiv. ; Todisco 2018, p. 101.
111 Collignon 1911, p. 111-112.
112 Lippolis 1994b, p. 114. Le premier peintre ayant représenté un naiskos est le Peintre de l’Illioupersis (apulien moyen, ive siècle av. n. è.) : Cambitoglou et Chamay 1997, p. 35-36.
113 Pontrandolfo et al.1988, p. 191.
114 Carter 1972.
115 Lippolis 2007, p. 99.
116 Et bien d’autres, que l’on peut parfois deviner dans le détail d’une notice de fouille : celles données par A. Fornaro lors du débat du congrès de Tarente de 1967 (voir actes p. 287-367) mentionnent par exemple à Crispiano, en plus de vases et de monnaies grecques, l’existence d’un relief en calcaire tendre du début du ive siècle dont on peut faire l’hypothèse qu’il s’agit d’un fragment de naiskos.
117 Les pièces que nous avons retenues dans le catalogue sont des fragments de métopes, de frontons, de murs, de plafonds et de bases.
118 Lippolis 1994b, p. 123.
119 Ruhardt 2019, notamment p. 82 : en 1881, L. Viola mentionne près de 300 tombes tarentines dans lesquelles des fragments architecturaux ont été découverts ; en 2019 B. Ruhardt n’en identifie qu’une soixantaine.
120 Cavalieri et Barbagli 2002, p. 444.
121 De Juliis 2000, « La città e la necropoli », p. 51-71 ; Lo Porto 1971a, p. 561-563.
122 Voir Joseph-Coleman Carter, « Relief sculptures from the Necropolis of Taranto » (Carter 1970). TAR0393.
123 Les six métopes sont attribuées à l’édifice en raison de leurs dimensions (supérieures à celles des autres métopes découvertes dans les nécropoles) et de celles de leurs niches.
124 Carter 1972.
125 Par exemple TAR0464 et TAR0505 ; Lippolis 1996.
126 Il ne restait pas de matériel dans la tombe, pillée dès l’Antiquité ; la quasi-totalité de la céramique concorde avec cette datation, mais des fragments du ve siècle sont présents.
127 Castoldi 2002, p. 306 ; Lippolis 1994b, p. 123.
128 Shojer 1988.
129 À propos de cette tombe et du matériel qui y a été découvert, voir Bernabò Brea 1940, p. 469-476 et Maraschini 1988. TAR0522.
130 Les nécropoles de Ceglie sont connues depuis la fin du xixe siècle ; elles ont été en usage du ve au ive siècle av. n. è., les sépultures ont été réutilisées pour plusieurs dépositions, comme c’est d’usage en Messapie. Les tombes a cassa en pierre sont nombreuses et bien conservées, mais aucun autre marqueur n’est connu. Un bothros destiné aux offrandes votives pour les défunts a été mis en évidence. Voir Cocchiaro 1998.
131 Lippolis 1998, p. 38-41. CEG0001.
132 La colonne ne peut trouver sa place dans la substructure. Tout l’appareil est constitué de blocs de calcaire local, parfaitement taillés et assemblés à sec. Le mur qui sépare les chambres se poursuit entre les escaliers vers le nord, en se réduisant à 0,4 m d’épaisseur. Le sol est taillé dans la roche sur 5,30 m. Une niche rectangulaire (0,20 x 0,32 de haut x 0,10 m de profondeur) a été ménagée au-dessus de l’avant-dernière marche. Les chambres sont fermées par des portes monolithiques (1,5 × 2,10 [h.] × 0,20 m [ép.]) avec une architrave à modénature. Deux blocs (2 × 0,4 × 0,5 m) ont été trouvés devant les portes, l’un est brisé en deux (Quagliati 1906, p. 468-474). BEL0001.
133 Burgers 2010. MUR0001.
134 Grelle et Silvestrini 2013 (« Apulia e Roma alla fine del IV secolo a.C. »), n. v.
135 Lamboley 1988, p. 161-175. ROC0001.
136 Sa base distingue ce naiskos de ceux sans podium identifiés en territoire brettien.
137 LOC0020 : Bièvre-Perrin et Fincker 2018. Les vestiges d’un naiskos d’Abakainon, en Sicile, offrent également des conditions favorables à une reconstitution complète : Knechtel 2018.
138 Le fait que la structure ait ensuite servi pendant plusieurs siècles de tombe, puis de fosse commune rend cependant malaisé d’être catégorique. Le toit de la tombe est démonté au cours de la seconde phase (fin du iiie-fin du ier siècle av. n. è.), les murs s’écroulent progressivement sur les dépositions. Peu de matériel est documenté pour cette phase où l’on note la présence de squelettes de chiens et d’un cheval. La réutilisation de cette tombe à l’origine prestigieuse est probablement le fait d’une classe moins fortunée de la population (Crimaco et Proetti 1989). HIP0001.
139 TIR0001. La déposition a été perturbée, quelques éléments de la couverture sont tombés dans la chambre, les os et le matériel, principalement des vases à onguent, sont éparpillés sur le sol. Une amphore miniature a été retrouvée sous la marche d’entrée : Greco 2009b.
140 Spadea 2018.
141 Guzzo et Luppino 1980, p. 840-852. STR0001.
142 Gualtieri 1978 ; 1990 ; 1993 (notamment p. 158). ROG0001 à ROG0010.
143 La présence d’une grande quantité de bois calcifié et de dix-neuf clous de dimensions variées, à différentes cotes sur toute la surface, incite à identifier un naiskos en bois avec un toit de tuiles. Les nombreux pendentifs circulaires en os (diam. moyen : 2,5 cm) trouvés aux limites de la niche laissent supposer une décoration a festoni sur les parois de bois. Un pendentif plus grand (diam. 5 cm) à l’angle nord-ouest pourrait être une décoration du fronton ou des acrotères. La tombe, riche en matériel, appartient à une jeune femme de 16-18 ans (Gualtieri 1990a, p. 86).
144 À propos de la mise en scène des espaces funéraires, en lien avec les murailles de Roccagloriosa, voir Aniceto 2022, § 10.
145 Lippolis 2007.
146 Selon E. Lippolis, la complexité des assemblages de matériaux, utilisés afin de parer au coût des matériaux presque toujours importés, sur une courte distance (pierre claire d’Ostuni) ou une longue (marbre égéen), a pu rendre ces édifices fragiles (Lippolis 1987, p. 145-146 ; Greco 1992b, p. 298).
147 Castoldi 2002, p. 306.
148 Lippolis 2007, p. 99.
149 Ibid., p. 99-101.
150 Lippolis 1987, p. 145.
151 Certains acrotères représentent par exemple l’enlèvement de Perséphone ou de Thalia (Museo archeologico nazionale di Taranto, inv. 122413, TAR0481).
152 Castoldi 2002, p. 305.
153 Si l’on replace le type au sein de la typologie plus vaste « édicule à façade ». On peut opérer des parallèles avec un édifice funéraire à Rhodes ; les échanges commerciaux entre les deux cités ont pu conduire à l’importation du type dans l’île (Belli Pasqua 2010, p. 48).
154 Castoldi 2002.
155 Le mur principal des tombes familiales à péribole était orné de vases en pierre, de cippes, de statues et, plus rarement – principalement à la fin du ive siècle –, d’un naiskos (Hellmann 2006, p. 288).
156 Lippolis 2007, p. 99-100.
157 Ibid., p. 82-83, 100.
158 Castoldi 2002.
159 L’apparition des hypogées à façade en Apulie montre à quel point cette façon d’interagir avec le monde grec a donné des résultats différents ; en effet, comme nous le verrons ci-après, les hypogées canosins sont peut-être une réélaboration d’un modèle indigène, la tombe a grotticella, mais sont également porteurs de références au modèle grec adapté à la culture locale (Tiné Bertocchi 1964, p. 29).
160 Guimier-Sorbets 2002, p. 164 : « Le naiskos y est à la fois une évocation de la tombe et le dais funéraire qui, en liaison étroite avec les cultes à mystères, rapproche le défunt des dieux. Sur les vases apuliens, il est fréquent que des personnages soient figurés de part et d’autre du naiskos : Trendall estime qu’il ne peut s’agir des membres de la famille mais plutôt des initiés qui partagent avec le défunt les mêmes espoirs dans l’au-delà. La relation de ces images avec les textes découverts dans certaines tombes d’initiés renforce leur interprétation eschatologique. »
161 Guimier-Sorbets 2006, p. 202.
162 Pouzadoux 2013, p. 9 ; Rouveret 1997.
163 Vernant 2011, p. 35 et suivantes.
164 Frontisi Ducroux 2014, p. 51-63.
165 Jean-Luc Lamboley retient trois éléments principaux pour classer les hypogées apuliens : le couloir, le dromos, la présence ou non d’un vestibule, le nombre et la disposition des chambres (Lamboley 1982, p. 105).
166 Lamboley 1982, p. 106 ; 1996a, p. 368.
167 Les chambres sont disposées de manière variée (Hellmann 2006, p. 305-306). Les techniques de construction sont en corrélation avec la nature géologique des sites : les hypogées de Canosa ont pu être creusés dans un sol de tuf ou d’argile, ceux d’Arpi ont dû être construits.
168 À Vaste, l’ensemble de la structure est maçonné, parfois le sol est dallé, etc. (Gadaleta 2010, p. 263).
169 Voir, par exemple, le cratère du Peintre des Saccoi blancs conservé au Museo Nazionale de Matera (inv. 164510) : Trendall et Cambitoglou 1992, 29/A2.
170 Les publications anciennes en mentionnent un grand nombre sans fournir de précisions sur leur architecture.
171 À Tarquinia, la fouille stratigraphique du Tumulo della Regina montre que l’espace à l’avant de la porte était un vestibule accessible (Mandolesi et De Angelis 2011).
172 Lamboley 1996a, p. 369-370.
173 Voir l’état de la recherche brossé par M. Corrente dans son article consacré à quelques exemples d’architecture funéraire à Canosa (Corrente 2006).
174 Le baron Eisenbach visitant la région en 1767 relève à Canosa la présence d’inscriptions, alors jugées peu intéressantes, de pierres incisées et de tombes, l’état de la ville moderne suscitant plus de commentaires, opposé à la magnificence supposée de la Canosium antique (Corrente 2006).
175 Corrente 2006, p. 278.
176 Bonucci 1854.
177 Pouzadoux 2013, p. 26 et 56. Ce qui n’empêche pas que les données soient parfois faussées.
178 M. Mazzei consacra une grande partie de sa vie à l’architecture funéraire de Canosa, complétant les connaissances acquises au cours des siècles précédents par de nouvelles découvertes et une reprise critique de l’ensemble de la documentation.
179 Lamboley 1981a.
180 L’Arab 1991a, p. 458.
181 L’hypogée dit de l’Hoplite (CAN0012), à Canosa, est une version monumentalisée de la tomba a grotticella (Labellarte 1988, p. 107).
182 De Juliis 1992a, p. 58-59.
183 Lamboley 1982, p. 96-104 ; Rossi 1983, p. 53 ; Pouzadoux 2013, p. 42 ; Aniceto 2022, § 11-12.
184 Respectivement ARP0001, ARP0008 et ARP0002.
185 Mazzei 1990a, p. 302-304 ; 1990b ; 1995 ; Steingräber 2000.
186 Colivicchi 2011, p. 119.
187 Mazzei 2002, p. 70-72.
188 C. De Simone y voit la signature de l’artiste du pinax (« Artos pinxit »), mais selon C. Santoro, il faut lire « Artos Pinaios », soit un nom propre. M. Poetto retient quant à lui « Artos ginaios », renvoyant au statut ou au gentilice ; Poetto 2006.
189 Pour M. Mazzei, il faut imaginer une véritable « sinfonia di colori rosso, azzurro e nero stagliati sul bianco della pietra integrati a loro volta dal colore nero delle pareti del dromos ». À propos de la porte et du pavement, elle déclare que leur visibilité à l’extérieur était assurée par la pente du dromos (Mazzei 2002, p. 73).
190 Mazzei 1995, p. 131.
191 De Juliis 1982.
192 Cassano 1992, p. 203-224 ; voir aussi Tiné Bertocchi 1964, p. 19-24.
193 Corrente 2006, p. 285.
194 Lagrasta I = CAN0001, II = CAN0002, III = CAN0003.
195 Hellmann 2006, p. 305.
196 Tiné Bertocchi 1964, p. 19.
197 Corrente 2006, p. 283-285.
198 Lippolis 1987, p. 151.
199 Tiné Bertocchi 1964, p. 26. CAN0009.
200 Dans le dromos de l’hypogée Monterisi, la fragmentation de certaines formes vasculaires, en particulier d’olpete et de plats à vernis noirs, atteste l’accessibilité de cette zone aux membres de la « gens » du guerrier inhumé (Corrente 2006, p. 282). Ces céramiques attestent en effet qu’une circulation devant la façade était possible à un moment postérieur à la fermeture de la tombe pour réaliser les rites au plus près du défunt sans pour autant avoir à ouvrir la porte. Le seul contre-argument à opposer à cette interprétation consisterait à imaginer un décaissement épisodique ou régulier du dromos en vue de réaliser des rites funéraires : l’entreprise paraît laborieuse étant donné le volume à vider puis à remplir. Le dromos a, selon Mimma Labellarte, ensuite été comblé de façon intentionnelle, mais son article confond l’hypogée Monterisi et l’hypogée de l’Hoplite (Labellarte 1988, p. 111-112).
201 De Juliis 1982.
202 Le matériel est visible avec celui de la tombe Mazza dans les musées de Tarente et de Bari.
203 Corrente 2006, p. 283-285.
204 Corrente 2001.
205 Pouzadoux 2013, p. 44-45.
206 De Juliis 1984.
207 De Juliis 1992b.
208 En Italie du Sud, les portes peintes ne sont pas fréquentes hors de Tarente (Tiné Bertocchi 1964, p. 143).
209 Tiné Bertocchi 1964, p. 61.
210 Ibid., p. 91-93.
211 Donvito 1988, p. 95.
212 Gadaleta 2010, p. 259 ; Donvito 1988, p. 99.
213 Ce cas est abordé dans la partie consacrée aux cippes. Des cippes anépigraphes parallélépipédiques venaient signaler en surface la présence des tombes à vestibule (Lamboley 1996a, p. 370). EGN0001.
214 L’Arab 1991a. LEC0001.
215 Description et photographies sur le site de l’université du Salento : https://siba.unisalento.it/cariatidi_vaste
216 L’Arab 1991b.
217 Lamboley 1981b.
218 Une fouille française, ou un pillage, a précédé la fouille pendant l’occupation du Royaume de Naples. Aucune documentation n’a été réalisée avant de déposer les sculptures. La relocalisation est difficile à faire avec exactitude malgré des tentatives nombreuses permises par la documentation archéologique réalisée lors de la découverte en 1869 (relevés de L.-G. De Simone et notes de De Giorgi, in La provincia di Lecce, Lecce, 1882, t. 2, p. 12-13).
219 A. De Ferraris, dit Galateo, De situ Iapygae, Bâle, 1558, p. 97.
220 Voir la vidéo Valzano, Bandiera et Mannino 2010.
221 Jean-Luc Lamboley rejoint son analyse qui repose avant tout sur la tenue portée par les caryatides, voir Lamboley 1996a, p. 453.
222 L’Arab 1991b, p. 37-40.
223 Cratère à volutes d’Altamura, Museo Archeologico Nazionale di Napoli, H3222.
224 Ces deux caryatides, assez semblables (Klumbach 1937, no 158, TAR0176), ont été découvertes à Tarente ; elles n’ont pas été retrouvées in situ et peuvent avoir occupé la même position que celles de Vaste ou avoir servi de colonnes à un monument de surface du type naiskos, comme cela est attesté dans la céramique apulienne (voir les cratères Karlsruhe B4 et Naples 3222). Voir aussi TAR0529.
225 Lamboley 1982, p. 107. Surtout quand il s’agit de vestibules à ciel ouvert.
226 Pouzadoux 2013, p. 50.
227 « Al fondo del dròmos, accanto alla parete s. della fronte, una fossa tagliata nel banco naturale con un’olla allogiata al suo interno » ; « Sulla facciata, in corrispondanza dell’angolo d., un piano di intonaco ad andamento concavo, forse per la raccolta delle acque » (Mazzei 1995, p. 143).
228 Maes-Van Wonterghem 1971, p. 83-141. ORD0002.
229 Cette uniformité permet à F. D’Andria de proposer une reconstitution complète de la porte d’un édifice funéraire d’Otrante et d’y voir l’entrée d’un hypogée en se fondant sur un seul un bloc, retrouvé en remploi. D’Andria 1985.
230 D’Andria 1996, p. 433-434.
231 Donvito 1988, p. 100-101.
232 Lamboley 1996a, p. 370.
233 Lippolis 1995, p. 316. À propos de la façade de Leucadia et d’une terre cuite de Naples (habituellement considérée comme une façade de théâtre), L. Bacchielli propose de voir dans les façades de tombes une porte de l’Hadès (Bacchielli 1984).
234 Mazzei 1985, p. 323-325 ; De Juliis 1973 ; 1974 ; Lamboley 1982. SLP0001.
235 À Lavello, un groupe de tombes était couvert d’une ou plusieurs structures décorées d’antéfixes à tête de gorgones (LAV0001), il ne reste aucune trace des élévations qui devaient donc être en bois, ce qui pourrait expliquer la présence de creusements dans le sol (Bottini 1985).
236 Les métopes retrouvées à Tarente portent encore parfois des couleurs (fig. 11), le fragment de naiskos de Locres porte également de nombreux indices pigmentaires, les parois externes des naiskoi brettiens étaient toujours porteuses de pigments colorés lors de leur découverte. Ces monuments étaient visibles et sont restés sur un temps long exposés à la pluie et au vent.
237 Mandolesi et De Angelis 2011.
238 Lippolis 1995 (I capitelli), p. 179-180, dans Mazzei 1995.
239 Il suggère en revanche que cela soit le cas des petits hypogées (Lamboley 1982, p. 114).
240 La pratique des tombes plurielles/collectives est répandue dans la sphère indigène apulienne, par exemple en Daunie, comme cela est constaté par Alfonsina Russo dans une synthèse au titre révélateur « Costume funerario. Monosomia, polisomia e riuso » (Russo 1988). Dans le corpus, on peut citer l’hypogée de Cavallino (CAV0001) comme exemple de tombe plurielle : la porte a été ouverte, cassée et réparée, pour y installer de nouvelles dépositions (Arias 1979, p. 219).
241 Russo 1988, p. 271.
242 Corrente 2006, p. 282.
243 S. Sarti, « Immagini musicali dal mondo etrusco: apporti greci e peculiarità locali », Représenter la musique dans l’Antiquité. Le langage des images : formes, usages et fonctions, table ronde, École française de Rome, 25 et 26 mars 2015.
244 Colonna 1993, p. 322-343. À Tarquinia certains dromoi, aux viiie et viie siècles, sont plus larges que les chambres funéraires. Dans les cités alentour, les dromoi sont plutôt des vestibules à ciel ouvert formant des petites places, voire des cours, qui, étant donné leurs dimensions et l’absence de délimitations claires, n’étaient pas enterrées et cachées (d’autres arguments viennent appuyer les réflexions de l’auteur). Le développement disproportionné des dromoi au vu de leur fonction originelle induit un renouvellement fonctionnel de ces espaces. Dans le cas de la tombe Luzi, les gradins courent même sur les côtés du vestibule. G. Colonna voit dans les 20 m² disponibles l’espace suffisant pour des jeux : pugilat, lutte, jeu de Phersu, danses, sacrifices… Dans d’autres zones de l’Étrurie, la pratique perdure jusqu’au iiie siècle av. n. è. (Porsenna, San Giuliano…). Ces espaces à gradins ne ressemblent plus vraiment à des dromoi, voire deviennent autonomes, et donnent sur de véritables scènes au sein desquelles étaient disposés des cippes et des stèles, probables substituts des morts, placés au centre des regards et des cérémonies.
245 Pouzadoux 2013, p. 50.
246 D’Agostino 1985, p. 49.
247 Mazzei 1995, p. 172.
248 Mazzei 1995, p. 175.
249 Steingräber 2009, p. 34.
250 Benassai 2001, p. 128.
251 De Juliis 1974.
252 Tombes 180, 243, 311-312 (Maes-Van Wonterghem 1971, p. 83-141).
253 À Ruvo di Puglia, le sol permet le creusement de très nombreuses tombes à chambre et à demi-chambre, mais aucun dromos n’a été recensé ; la documentation est cependant très souvent lacunaire concernant la structure des tombes (Montanaro 2007).
254 Giorgi et Russo 1988, p. 43.
255 Tiné Bertocchi 1964, p. 15, p. 29.
256 Fedak 1990, p. 113.
257 Mazzei 1995 ; 2005 ; Steingräber 2000, p. 3-77.
258 Gadaleta 2010, p. 259 ; Guimier-Sorbets 2006.
259 Mazzei 2002, p. 77.
260 Mazzei 1995, p. 173.
261 Guimier-Sorbets 2006, p. 191.
262 Corrente 2006, p. 285.
263 E. Lippolis (« I capitelli »), dans Mazzei 1995, p. 179-180.
264 Mazzei 1995, p. 173.
265 L’Arab 1991a ; Tiné Bertocchi 1964, p. 29 ; Lippolis 1990, p. 27.
266 Donvito 1988, p. 128.
267 À ce propos, voir Aniceto 2022, § 12.
268 Mazzei 1995, p. 176 ; Tiné Bertocchi 1964, p. 18.
269 Corrente 2001, p. 21.
270 Tiné Bertocchi 1964, p. 15.
271 Pour Fernanda Tiné Bertocchi, cela ne fait, semble-t-il, pas de doute, voir Tiné Bertocchi 1964, p. 15.
272 Lamboley 1996a, p. 369.
273 Guimier-Sorbets 2006, p. 202.
274 Corrente 1992, p. 340.
275 Labellarte 1988, p. 106.
276 Tiné Bertocchi 1964, p. 16. CAN0007.
277 D’Andria 1983, p. 288-290 ; 1986 ; F. Grelle, dans Mazzei 1995, p. 55 ; D’Ercole 2002, p. 11-35 ; p. 89-148, p. 363-379 ; Cabanne 2008, p. 280 ; Miše 2015, p. 23.
278 Lippolis 1987.
279 Corrente 2006, p. 282.
280 Le style figuratif grec est largement employé, mais les auteurs des scènes figurées font également appel aux motifs de la coroplastique locale (Tiné Bertocchi 1964, p. 18 ; Corrente 2001).
281 Tiné Bertocchi 1964, p. 29 ; avec une ouverture progressive dès le milieu du vie siècle av. n. è., voir Pouzadoux 2013, p. 26-27.
282 Un constat réalisé par J.-L. Lamboley pour l’ensemble des hypogées indigènes apuliens, au niveau de l’architecture extérieure comme intérieure (Lamboley 1992, p. 140).
283 Aussi dans l’architecture intérieure, comme cela est le cas pour l’hypogée Monterisi (Tiné Bertocchi 1964, p. 28).
284 Tiné Bertocchi 1964, p. 30, p. 143.
285 Auriemma 2004, p. 312.
286 Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 283-293.
287 On citera notamment les travaux de C. Celano (Celano 1958).
288 M. Ruggiero est le premier à proposer une synthèse de quatre pages dans les Notizie degli Scavi di Antichità en 1888 (Ruggiero 1888). Cette revue publie ensuite très régulièrement des articles (en 1885, 1889, 1890, 1891, 1892, 1893, 1894, 1896, 1897, 1899, 1900 et 1901) et des études font leur apparition dans des revues locales. En 1898, deux monographies de G. De Petra et de F. Colonna di Stigliano paraissent (De Petra 1898 ; Di Stigliano 1898). En 1926, A. Levi propose une synthèse sur les tombes à chambre (Levi 1926).
289 Baldassare 1998 ; Esposito 2009.
290 Elle résulte de la pression démographique à l’intérieur des murs, alors que la zone – jusqu’alors vouée aux morts (tombes grecques et romaines, catacombes chrétiennes, ossuaires) et à l’excavation du tuf – était sporadiquement dévastée par les torrents qui la traversent (Pozzi et Di Pace 1988.).
291 Au fil des siècles, ces tombes ont été transformées en caves, celliers, citernes, voire en abris antiaériens pendant la Deuxième Guerre mondiale, ou ont été comblées de mortier pour les fondations des palais ou vouées aux détritus (Colussi et Leggieri, 2008, p. 212-213).
292 Pozzi et Di Pace 1988.
293 Les archives montrent qu’au xive siècle il était connu que la vallée avait été comblée d’alluvions comme en témoigne le terme « arena » dans la toponymie du quartier (Via Arena, San Carlo all’Arena, Contrada dell’Arenaccia…).
294 Esposito 2009, p. 38-61 ; Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 290. Les quatre « hypogées » donnent aujourd’hui sur un couloir creusé à une période récente dans les alluvions qui les ont recouverts.
295 Cristallini A = NAP0002, B = NAP0003, C = NAP005, D = NAP0006.
296 Les onze marches du dromos peintes en rouge aboutissent à la chambre sépulcrale au travers d’une porte dorique fermée par deux dalles de tuf (en face de laquelle se trouve une tête de Méduse en relief). La salle abrite six lits funéraires en forme de klinai en excellent état de conservation. Au-dessus de la corniche en relief sont placées des grenades et des poires en terre cuite. Les parois sont scandées de pilastres coiffés de chapiteaux desquels surgissent des têtes de Méduse d’une qualité exceptionnelle, motif récurent dans les tombes étrusques (Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 287). Les espaces libres sont ornés de fresques représentant des vases, des lampes, des festons et des couronnes. Ces fresques, avec lesquelles on ne trouve que peu de parallèles (de dimensions bien inférieures, à Paestum par exemple) semblent le produit d’une réélaboration originale d’éléments macédoniens et alexandrins. D’époque romaine, les inscriptions peintes en alphabet grec, les urnes cinéraires, les niches et les stèles du vestibule attestent la réutilisation de la tombe ; les modifications sont dues à un changement de rite et de propriétaire (Baldassarre 1998, p. 99-113). Le sol de cocciopesto peint en rouge, avec son centre décoré d’une étoile peinte, évoque la tombe de la Méduse à Arpi (Mazzei 1995).
297 Il donne accès via l’escalier à une chambre où l’on peut identifier des niches d’époque romaine et des lits funéraires. Les stèles inscrites, de datation incertaine, ont probablement été stockées ici lors d’une première fouille (Baldassare 1998, p. 133-115).
298 Certaines conservent des inscriptions, des reliefs et une urne cinéraire d’époque romaine.
299 Baldassarre 1998, p. 99.
300 Esposito 2009, p. 19-37 ; Pozzi et Di Pace 1988.
301 Pozzi et Di Pace 1988.
302 Le recours à la construction est l’indice d’une lacune dans le banc de tuf, avec pour conséquence l’absence de vestibule (Baldassarre 1998, p. 122). NAP0006.
303 Une inscription retrouvée sur une stèle montre qu’à l’époque romaine « l’hypogée » du vico Traetta appartient à la même famille que « l’hypogée » de la via dei Cristallini, celle de Nimphius (Miranda 1995, p. 22).
304 Baldassarre 1998, p. 116-121.
305 De celui qui se trouve entre « l’hypogée » des Togati et « l’hypogée » des Melograni ne reste que la voûte de la chambre sépulcrale. Le sol a été creusé sur 5,4 m de profondeur pour en faire une citerne, aujourd’hui remplie de détritus.
306 Sa dégradation est due à son utilisation comme citerne, puis comme cellier (Esposito 2009, p. 62-66 ; Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 292 ; Pozzi et Di Pace 1988 ; Colussi et Leggieri 2008, p. 214-216). On y trouve un vestibule (3,7 × 4,3 m, orné d’une double corniche), avec des niches, un escalier central et une chambre funéraire inférieure voûtée (ornée d’une fresque où alternent lotus, pommes de pin et grenades – qui donnent leur nom à « l’hypogée » – et un œuf).
307 Esposito 2009, p. 68-69 ; Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 292 ; Pozzi et Di Pace 1988. Des niches percées dans le mur de gauche sont peut-être l’indice d’une réutilisation à l’époque romaine.
308 Andreae 2007, p. 44. Pour A. Pontrandolfo, il s’agit d’un signe révélateur de l’influence économique et culturelle de Paestum dans la région au cours de cette période (Pontrandolfo 1996, p. 270).
309 Colussi et Leggieri 2008, fig. 18, p. 221.
310 Esposito 2009, p. 70-79.
311 Le complexe fut rempli d’eau et en partie détruit en 2001.
312 C’est le cas dans le fond des chambres funéraires. Les lits étaient apparemment en bois, comme semble en attester l’empreinte des travées en bois sur les bases en pierre conservées dans les angles.
313 Dans l’un, détruit deux jours après son invention en 1919 par un glissement de terrain, furent découverts onze ou douze lits, une statue d’Aphrodite, un buste féminin et un œuf en terre cuite avec deux trous (Esposito 2009, p. 103-105 ; Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 288). Le second abritait quatre sarcophages (Levi 1926, p. 380-384). Ces deux tombes n’ont probablement pas été réoccupées à la période romaine.
314 Un ensemble de motifs plus ou moins fréquents orne les murs : lampes, candélabres, guirlandes, festons, vases, fruits, œufs et masques.
315 Esposito 2009, p. 106-111 ; Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985 ; Dubois 2002, p. 7475.
316 Esposito 2009, p. 112.
317 Ibid., p. 80-83. Cela peut être dû à la structure originelle des tombes, à leur état de conservation (le vestibule a été détruit) ou à la documentation très lacunaire.
318 Les récits de l’époque décrivent rapidement les deux chambres sépulcrales, contenant des lits funéraires et des fosses de 3 m de profondeur dans lesquelles étaient déposés des urnes cinéraires et des os. Dans la première chambre (8 × 4,5 m ; h. 3,5 m), dont les murs sont ornés de fausses colonnes, sont installés onze lits funéraires abritant les squelettes de la famille d’Euphron (si l’on se fie aux découvreurs, les inscriptions sont perdues). La seconde chambre a le même décor avec des colonnes et compte sept sarcophages, probablement ceux de la famille d’Eudromos. Les deux familles citées appartiennent à la fratrie des Eunostidi. Cette chambre contenait beaucoup de matériel, dont vingt-six statuettes en terre cuite et une vingtaine de vases (Esposito 2009, p. 98-99 ; Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 290).
319 Baldassarre 1998, p. 123.
320 Nous reprenons ici en partie le développement d’A. Greco Pontrandolfo sur la datation de ces hypogées (Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 283-287).
321 Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 287 ; Miranda 1995.
322 Leiwo 1995, p. 86-87. D’époque romaine, elles témoignent de la réutilisation des tombes sur une longue durée. Elles sont difficilement exploitables pour connaître la Neapolis grecque.
323 Levi 1926, col 396 s., fig. 13.
324 Dubois 2002, p. 74-75.
325 Miranda 1995, p. 46.
326 Miranda 1985, p. 298-299 ; Levi 1926, col. 396 s., fig. 13 ; Piedimonte 2008 ; Miranda 1995, p. 46.
327 Giampaola 1994, p. 80-81.
328 Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 284.
329 Baldassarre 1998, p. 96.
330 Ni la Grèce ni Alexandrie ne fournissent d’éléments de comparaison intéressants ; le modèle est rare en Grèce continentale. M.-C. Hellmann recense deux tombes à façade dans le Péloponnèse et quatre en Illyrie (Hellmann 2006, p. 301). À Alexandrie se pose le problème de la visibilité des façades. Bien qu’à ciel ouvert, elles ne constituaient pas à proprement parler un marqueur.
331 Hellmann 2006, p. 301.
332 Le rituel le plus répandu à Naples aux ve et ive siècles av. n. è. est l’inhumation (comme dans les hypogées d’Apulie). Les lits funéraires des « hypogées » de Naples sont prévus à l’origine pour recevoir des corps et non des urnes, même si l’incinération se développe à Naples à partir du ive siècle av. n. è. (Giampaola 1994, p. 78-80).
333 Les contraintes liées à la construction et à la présence d’une masse de terre importante sur la couverture de la tombe sont inexistantes à Naples, ce qui peut expliquer une évolution différenciée et des solutions architecturales différentes, si l’on admet une origine macédonienne à l’architecture des tombes de Naples. Hellmann 2006, p. 292 ; Guimier-Sorbets et Morizot 2006, p. 120-121.
334 Les voûtes en arc en plein cintre ou rabaissé de Naples font écho à la couverture des tombes macédoniennes de la seconde moitié du ive siècle av. n. è. ; à ce sujet, voir Steingräber 2018. La porte arquée de Santa Maria La Nova est à rapprocher de celle de Nea Kerdylia (l’antique Argilos) datée des environs de 350 av. n. è. Le type est connu en Apulie dans le dernier quart du même siècle. Selon le modèle macédonien, les klinai servent de sarcophages et non de lits funéraires sur lesquels sont placés les cadavres comme c’est le cas en Apulie. À Alexandrie, les lits funéraires sont également utilisés plus comme des sarcophages que des klinai (Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 285 ; Pontrandolfo 1996, p. 270). Cette habitude a pu, selon M.-C. Hellmann, pénétrer en Campanie depuis Tarente (Hellmann 2006, p. 307).
335 Guimier-Sorbets et Morizot 2006, p. 119-120.
336 Ibid., p. 122.
337 La façade avec fronton souvent restituée pour le palais d’Aigai ne reposant pas sur des vestiges archéologiques, mais sur un parallèle avec… la façade de la grande tombe de Leucadia, il est donc impossible de vouloir faire le raisonnement inverse (Étienne, Müller et Prost 2000, p. 261).
338 Voir Aellen 1994, fig. 50, 62, 76.
339 Bacchielli 1984.
340 Gros 2001, p. 451. Seuls des objets liés au « fonctionnement » de la tombe, donc à un quotidien « nouveau », sont représentés ou taillés, de façon très réaliste dans les tombes : candélabres, vases, couronnes de feuilles, klinai, tables…
341 Giampaola 1994, p. 80-81.
342 Leur apparition correspond à la réorganisation du territoire carien par les Perses : les dynastes locaux deviennent alors des gouverneurs, souhaitant peut-être afficher leur nouveau lien avec le pouvoir à travers l’architecture funéraire (Henry 2009, p. 159).
343 Voir la version écrite de la communication faite par Poul Pedersen en 2005 à Berlin : « Die Karer und die Anderen » (Henry 2009, p. 160 ; Hellmann 2006, p. 294).
344 Kockel 1995, p. 39, fig. 4.
345 Copland Thorn 2005 ; Hellmann 2006, p. 301-303.
346 Pour M.-C. Hellmann, la façade évoque une scaenae frons théâtrale (Hellmann 2006, p. 303-304).
347 Vestibule et salle de culte distincts, banquette circulaire autour de la pièce (identifiée dans les vestibules de la via dei Cristallini), plus haute au fond (comme dans la tombe C de la via dei Cristallini) (Hellmann 2006, p. 303-304).
348 L’hypothèse est également formulée par W. Johannowsky et E. Lippolis : Lippolis 1987, p. 151.
349 Lauter-Bufe 1982.
350 Baldassarre 1998, p. 128.
351 Ibid., p. 122.
352 Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 285-286.
353 Selon Angela Pontrandolfo, les sarcophages sculptés en forme de lits et peints de couleurs vives montrent l’intérêt des commanditaires pour les modèles grecs. Ce modèle se retrouve simultanément en Italie du Sud, notamment à Tarente et en Apulie, en Anatolie, en Lycie (il s’agit en réalité dans cette région de la pétrification des façades en bois des maisons traditionnelles), en Macédoine et à Alexandrie, cité dans laquelle les lits funéraires sont, comme via dei Cristallini, utilisés comme des sarcophages (Pontrandolfo 1996, p. 270). Voir aussi Henry 2009, p. 161.
354 Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 287.
355 Baldassarre 1998, p. 95. Voir aussi Pontrandolfo 1996, p. 270.
356 Pontrandolfo 1996, p. 269.
357 Il a examiné l’une des colonnes de « l’hypogée » des Cristallini et décelé la trace du passage de chars. Les stèles romaines « rangées » dans l’une des chambres sont pour lui un argument supplémentaire, les inscriptions funéraires devaient en effet donner le nom des défunts le long de la voie.
358 Colussi et Leggieri 2008, p. 222-223. L’un des projets de l’association Celanapoli est de dégager une partie de cette voie.
359 Capasso 1978.
360 Napoli 1997.
361 Ces zones sont toujours actives à la période romaine (Borriello et al. 1985b ; voir aussi Borriello et al. 1985a sur la nécropole de Santa Teresa).
362 Nous suivons l’analyse culturelle et sociale des hypogées napolitains d’I. Baldassarre (Baldassarre 1998).
363 Leiwo 1995, p. 86-87.
364 Musti 2005, p. 90-91 ; Greco 1992a, p. 123-126.
365 L’analyse du décor conforte cette théorie, puisque les fresques semblent le produit d’une réélaboration d’éléments macédoniens et alexandrins (Greco Pontrandolfo et Vecchio 1985, p. 285 ; Pontrandolfo 1996, p. 270).
366 Giove 1985.
367 L’accumulation de matériel dans certains ou la permanence d’utilisation jusqu’à l’époque romaine en sont peut-être parfois la trace. En lien avec la dimension commerciale de la richesse des commanditaires de ces tombes, nous avons également pensé que l’on pouvait avoir affaire à des tombeaux liés à des corporations, ce qui expliquerait l’absence de hiérarchie à l’intérieur de la tombe. L’absence d’études anthropobiologiques et la réutilisation des tombes empêchent toute conclusion définitive.
368 Baldasarre 1998, p. 96.
369 Nous n’abordons pas la question des familles qui utilisent les tombes à l’époque romaine car leurs rapports avec la situation antérieure sont peu clairs : sont-ils des descendants des commanditaires originels ou de nouvelles familles s’appropriant des structures préexistantes ? Il n’y a pas de césure violente dans les pratiques lors du passage de la cité dans l’orbite romaine, Naples restant un bastion de culture grecque. Il est donc possible que les tombes restent au cœur des mêmes familles. M. Leiwo observe une absence quasi complète de noms et formules romains dans les « hypogées », alors que plus tard, ou dans d’autres cimetières, les formules épigraphiques romaines habituelles sont recensées.
370 Baldasarre 1998.
371 Ibid., p. 125.
372 À propos des hypogées de Rome au iiie siècle apr. n. è., B. E. Borg affirme identifier dans cette solution souterraine une réponse au manque de place en surface à proximité de la cité. Selon elle, il s’agirait au départ principalement de réemplois de carrière de pouzzolane et de citernes hors d’usage. Les données sont trop lacunaires pour faire les mêmes propositions à Naples dans le quartier de la Sanità, mais peut-être s’agit-il d’une piste que de futures explorations archéologiques pourront permettre d’explorer (Borg 2013, p. 118).
373 E. Lippolis, qui connaissait bien le corpus de Tarente, souligne le problème dans sa Tipologia dei semata : « […] la difficoltà di attribuzione di alcuni gruppi di basi e capitelli, pari al 30%, in gran parte certamente pertinenti al tipo del naiskos, ma una percentuale non definibile anche a semata costituiti da colonne isolate, con o senza epithema, varietà di cui non è possibilie quindi determinare l’incindenza » (Lippolis 1994b, p. 123).
374 En référence aux propos de Cicéron sur les réformes de Démétrios de Phalère (Leg., II, 26, 6), certains utilisent le terme grec columella comme synonyme de kioniskos. Voir, par exemple, Oliver 2000, p. 72.
375 Le Dictionnaire méthodique de l’architecture grecque et romaine de R. Ginouvès indique : « Colonne funéraire, ou Pilier funéraire. All. Grabsäule (f), Grabpfeiler (m) ; angl. Funerary Column ; it. Colonna (f) funeraria […] ; lat. Columna (f), Pila (f). Une colonne portant un sphinx devait avoir aussi une valeur funéraire. Mais on trouve également la Colonnette » (Ginouvès 1998, p. 61).
376 Nous éliminons de notre analyse la quasi-intégralité des chapiteaux et bases de Tarente et ne parlerons que peu des piliers, aucune attestation certaine n’étant disponible à leur sujet.
377 Les premiers scientifiques (et pendant longtemps les seuls) à se pencher sur l’étude des marqueurs de tombe.
378 Voir Elia et Meirano 2010, p. 305 pour Locres. LOC0010.
379 Ce qui correspond aux types principaux attestés par l’archéologie par ailleurs, voir Hellmann 2006, p. 288-289.
380 Pontrandolfo et al. 1988, p. 185.
381 Steingräber 2000, p. 100. Des colonnes doriques et ioniques sont représentées dans les tombes peintes de Paestum ; avec les stèles, il s’agit des seuls monuments funéraires qui y sont identifiés (Pontrandolfo et Rouveret 1992, p. 37). Des fûts sont néanmoins présents dans les collections du musée, et ont pu ne pas être identifiés comme des marqueurs lors de leur découverte.
382 Nous nous fondons ici sur les dimensions du plus grand chapiteau du corpus (fig. 35, TAR0334) et les proportions indiquées par Vitruve. La colonne marquant la tombe de l’orateur Isocrate (338 av. n. è.) à la sortie d’Athènes était bien plus imposante puisque sur une colonne de neuf mètres se trouvait une sirène de deux mètres (Hellmann 2006, p. 288-289).
383 Steingräber 2000, p. 100.
384 E. Lippolis propose une rapide analyse de l’ensemble iconographique que constituent les 960 fragments de marqueurs qu’il a identifiés à Tarente (Lippolis 1994b).
385 Voir, par exemple, Laurens 1992, p. 165 ; Villard 1998, p. 206 et p. 210 ; Dasen 2018.
386 Harlow et Nosch 2014, p. 190-203.
387 TAR0535. Pour les sirènes, voir TAR0530-TAR0531.
388 Elia et Meirano 2010, p. 307 ; Elia 2010, p. 336-339. LOC0010.
389 Elia 2010, pl. IV.
390 LOC0008.
391 Elia et Meirano 2010, p. 307 ; Elia 2010, p. 336-337.
392 LOC0003.
393 C. Ricca dit à propos de la tombe 691 : « A casa fatta di due tegole per il lungo […]. Le tegole di chiusura erano rotte e cadute nella tomba. Caduto nella tomba assieme alle tegole un frammento di colonna » ; le fragment de pierre LOC0019 est défini comme étant di arenaria dura (taccuino 94, p. 118-118bis) : Elia 2010, p. 336, n. 49.
394 Elia et Meirano 2010, p. 305.
395 Le bloc de colonne LOC0019, retrouvé effondré dans une tombe, montre que même une colonne de petites dimensions ne pouvait tenir au-dessus d’une tombe non comblée (Elia 2010, p. 336).
396 Surtout à Locres, Tarente se distinguant du reste des cités à plusieurs égards, notamment en matière d’architecture funéraire.
397 Pontrandolfo et al. 1988, p. 289.
398 Cic., Leg., II, 26, 6 ; Azoulay 2009, p. 338 : « […] sur les 249 monuments funéraires attiques qui sont conservés entre 317/6 av. n. è. et la fin du siècle, la quasi-totalité se présente sous forme de petites colonnes (kioniskoi) ».
399 Lippolis 1987, p. 147. TAR0521.
400 Vernant 1965, p. 251 ; 1990, p. 25-41.
401 Pd., O., 2, 140-144 (Snell et Maehler 1964, p. 11).
402 McGowan 1995, p. 617.
403 Oliver 2000, p. 72 ; Houby-Nielsen 1998. À Tarente, il ne faut pas exclure que ces usages aient pu être en place, mais l’état actuel de la documentation ne permet pas de l’affirmer.
404 Mentionnons également l’inscription gravée sur un chapiteau dorique de Mégara Hyblaea du début du ve siècle av. n. è. : « Je suis (le monument) de Kallisteus. »
405 Lippolis 1994b, p. 127.
406 La nécropole de Cefalù en a notamment révélé un grand nombre. Étudiés par A. Tullio, ceux-ci sont classés dans la catégorie « architecture pauvre » par le chercheur (Tullio 1980) ; voir aussi les exemplaires d’Abakainon (Bacci, Coppolino et Arizia 2018).
407 Orsi 1913, p. 33 ; Elia 2001, p. 64-65 ; Elia et Meirano 2010, p. 306-307.
408 Tagliente 1986, p. 131.
409 L’enclos de Botramagno semble avoir été aménagé lors de la construction de la route qui le longe au sud (Whitehouse, Wilkins et Herring 2000). Voir aussi Aniceto 2022, § 11.
410 Des escharai ont souvent été identifiées dans ces contextes, par exemple à Vaste (D’Andria 1991, p. 472-476).
411 À Case Temparello, dans la vallée du Sinni, une enceinte du vie siècle av. n. è., abrite une sépulture masculine décentrée à intérieur et une tombe d’enfant placée contre la façade externe du mur. L’enceinte couvrait partiellement trois sépultures, deux féminines et une masculine (Quilici et Quilici Gigli 2003, p. 67-70).
412 Osanna 2008.
413 Carter 1998, p. 65. MET0082.
414 Six exemplaires, majoritairement indigènes : CAM0001, ROG0001, ROG0004, ROG0005, CAP0001, MON0001.
415 Hom., Od., XII, 13, sur la tombe d’Elpénor.
416 Anthologie grecque, I, 505 (Sappho), trad. P. Waltz, É. des Places, M. Dumitrescu, H. Le Maître et G. Soury, Paris, CUF, 1960 : « Sur la tombe du pêcheur Pélagon, son père Méniscos a placé une nasse et une rame, en souvenir de sa vie pénible. »
417 Bottini 1985. LAV0001.

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La nécropole des vivants
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