Dauniens et Samnites. La tombe du guerrier de Chiancone (Pietramontecorvino, Foggia) entre habitat et espaces funéraires
p. 191-198
Résumés
Si presentano i risultati delle indagini di archeologia preventiva condotte dalla Soprintendenza Archeologia della Puglia, tra 2012 e 2014 in occasione della realizzazione di un impianto eolico, in località Monte Chiancone nel territorio del comune di Pietramontecorvino (FG), dove sono state messe in luce diverse evidenze archeologiche pertinenti ad un abitato daunio, localizzato su un pianoro sommitale posto presso le pendici del Monte Chiancone (265 m s.l.m.) a ridosso del torrente Triolo. Di rilevante importanza era stato, già nella prima campagna di saggi preventivi del 2012, il rinvenimento di una tomba (n. 1) a fossa terragna pertinente ad un guerriero, di eccezionale rilievo per la ricchezza del corredo inquadrabile nel V sec. a.C. e per la pregnanza ideologica e simbolica degli oggetti che lo compongono. Le indagini estensive, invece, svolte nel 2014 hanno permesso di mettere in luce un nucleo insediativo di età daunia, in cui si inserisce anche questa sepoltura, occupato tra la fine del VI e il IV sec. a.C., con diverse evidenze, sia in rapporto all’architettura domestica, che in relazione alla dimensione funeraria. Dall’analisi del corredo della tomba del guerriero, condotto anche nell’ambito del Progetto MAGI, appare evidente e caratterizzante il consumo del vino rosso e bianco, evidente richiamo all’ideologia del banchetto, a cui si associa il riferimento al consumo delle carni, gestito da un elemento di spicco all’interno del gruppo di appartenenza, che si connota appunto come guerriero. Evidente, in questo, appare la penetrazione di elementi allogeni (dalla posizione supina dell’inumato, alla prevalenza del vasellame in impasto a scapito di quello in argilla depurata dipinta) in un’area tradizionalmente afferente al territorio daunio, ma situata nell’estremo settore settentrionale dello stesso, pertanto, già proiettata verso le valli fluviali interne che collegano con l’attuale Molise e con la Campania settentrionale interna, il Sannio dunque, della piena età storica.
Rescue archaeology carried out by the Soprintendenza Archeologia della Puglia, between 2012 and 2014, prior to the construction of a wind power plant, in the locality of Monte Chiancone in the territory of Pietramontecorvino (FG) have brought to light various archaeological materials pertaining to a Daunian settlement, located on a summit plateau close to the slopes of Monte Chiancone (265 m) at the edge of the Triolo torrent. A remarkably important discovery already made during the first rescue campaign in 2012 was a ground tomb (n. 1) belonging to a warrior. It is of exceptional interest due to the wealth of the assemblage dated to the 5th century BC and to the ideological and symbolic significance of its goods. The extensive investigations carried out in 2014 have made it possible to uncover a settlement nucleus of the Daunian period, which this burial also relates to, occupied between the end of the 6th and 4th century BC, with different archaeological materials connected to both the domestic architecture and the funerary domain. The analysis of the assemblage found in the warrior tomb indicates clearly and distinctively the consumption of red and white wine, an evident allusion to the banquet ideology, along with a reference to meat consumption, controlled by a leading man within the social structure, who is indeed identified as a warrior. What we see here is the penetration of allogenic elements (from the supine position of the inhumation, to the predominance of impasto pottery with respect to the painted ware made with fine clay) into an area that traditionally relates to the Daunian territory – but is located on the northernmost segment of it and thus projected towards the river valleys that connect with the present Molise Region and the inner areas of northern Campania, that is, the region of Samnium in historical times.
Texte intégral
Le site
1Le site du lieu-dit Monte Chiancone, dans la commune de Pietramontecorvino (Foggia), se trouve sur un grand plateau (à 265 m au-dessus de la mer) d’environ 200 hectares. Il est entouré de vallées qui constituent des défenses naturelles et s’étend en direction E-O immédiatement au nord de la rivière Triolo. L’habitat relève d’un processus de peuplement caractéristique, entre le viie et le ive siècle, de grands établissements de la Daunie interne comme celui de Tiati (près de l’actuel San Paolo di Civitate), à la frontière de la zone des Frentins, et l’habitat de Lucera qui préexiste à la colonie latine de 314 av. J.-C. Ce système est constitué de noyaux d’habitations dispersés sur de grandes aires où alternent des groupes de cabanes pour les phases plus anciennes, remplacées ensuite par des édifices à plan rectangulaire. Les tombes sont d’abord à fosse et à grotticella, puis à chambres avec de très riches mobiliers funéraires.
2L’habitat a été identifié grâce aux prospections topographiques conduites par l’université de Foggia1, qui ont permis de localiser une trentaine de zones de concentration de matériel réparties sur une vaste superficie. Certaines d’entre elles, en particulier dans la partie centrale du plateau, étaient caractérisées par la présence de tuiles qui attestent l’existence d’habitations dotées de lourdes toitures. Dans toutes les aires identifiées se trouvait une grande quantité de céramique à vernis noir, à figures rouges et de type subgéométrique, qui permettent de situer l’établissement dans un arc chronologique compris entre le vie et le ive siècle av. J.-C.
3À l’occasion de la mise en place d’éoliennes, des fouilles en extension ont été réalisées en 2012 et 2013-20142. Elles ont permis d’identifier une vaste zone d’habitat caractérisée par au moins deux phases d’occupation (situées entre le vie et le ive siècle av. J.-C.). La première est constituée de cabanes en matériau périssable à plan circulaire, la suivante de maisons à plan rectangulaire (d’environ 3,5 × 5,5 m), avec un sol en argile, un foyer placé sur un bloc de tuf taillé et un toit de tuiles avec, à l’extérieur, des alignements de trous de poteau qui semblent délimiter des zones externes sans couverture.
4L’aire est marquée par la présence de nombreuses structures secondaires, dont certaines fosses comportant d’importantes traces de combustion (fours) et un puits dont l’ouverture est constituée de blocs de pierre et qui atteint la nappe phréatique située à au moins de 2 m de profondeur. Dans les espaces situés près des cabanes ont été identifiées quelques sépultures à fosse dont deux (d’environ 2,5 × 1 m) appartenant à deux adultes déposés en décubitus dorsal qu’un riche mobilier permet d’identifier comme des guerriers. Deux autres fosses (d’environ 1 × 0,6 m) recouvertes de blocs de calcaire ou de fragments de dolia ont été également retrouvées avec des dépositions d’enfants sans mobilier.
La tombe 1/2012
5La première campagne de sondages préventifs effectuée en 2012 avait donné lieu à une découverte remarquable le long des tranchées pour la mise en place de fourreaux pour les câblages (sondage 5) : il s’agissait d’une tombe à fosse de la première moitié du ve siècle av. J.-C. appartenant à un jeune guerrier, d’une importance exceptionnelle par la richesse du mobilier et par la valeur idéologique et symbolique des objets qui le composent. La sépulture, de forme rectangulaire et creusée dans le sol naturel, mesurait 2,85 m de longueur, 1,40 m de largeur et entre 55 et 80 cm de profondeur. Elle était remplie jusqu’au niveau de la déposition d’un amas de pierres calcaires qui formait un tumulus presque entièrement arasé en raison des travaux agricoles modernes. Les parois de la fosse étaient elles aussi revêtues de pierres calcaires de grandes dimensions disposées avec soin le long des côtés nord et est, à la hauteur du défunt (fig. 1).
Fig. 1 - La déposition avec le corps et le mobilier.
cliché Soprintendenza ABAP Foggia
6Ce dernier, orienté NE-SO avec la tête au nord, avait été déposé en décubitus dorsal, tout près de la paroi orientale, directement sur le fond de la fosse, les bras le long du corps et les jambes étendues et convergentes à la hauteur des pieds. L’étude anthropologique effectuée par le prof. Wolf-Rüdiger Teegen de l’université Ludwig-Maximilians de Munich a confirmé qu’il s’agissait d’un adulte de sexe masculin, mesurant plus d’1,55 m de son vivant, mort entre 21 et 25 ans.
7Le mobilier, tout à fait exceptionnel avec des caractéristiques extrêmement rares, est composé de trente-deux objets, dont quatorze vases en céramique et des armes de défense (en particulier un casque et une paire de protège-chevilles) en bronze. Il était en grande partie déposé aux pieds du défunt (fig. 2), dont il était séparé par un cordon formé de cinq éclats de calcaire posés à plat, en partie porté par le défunt, comme le ceinturon, ou en position fonctionnelle à ses côtés, comme les armes d’attaque (l’épée de parade avec son baudrier, le couteau et la lance).
Fig. 2 - Détail du mobilier déposé aux pieds du défunt.
cliché Soprintendenza ABAP Foggia
Fig. 3 - Les vases du mobilier après restauration.
cliché Soprintendenza ABAP Foggia
8Parmi les vases (fig. 3) se trouve un cratère à pseudo-colonnette (inv. 255197), à décor subgéométrique, avec un plat (inv. 255221) à décor subgéométrique lui aussi, placé à l’intérieur comme vase à puiser, datable du Subgéométrique Daunien II3. Sur l’épée, du côté où la décoration était la mieux conservée, on reconnaît à l’intérieur de deux métopes un casque à crête et un élément circulaire doté de rayons perpendiculaires (probablement les roues d’un char). Le reste du mobilier céramique est composé d’une olla en céramique achrome (inv. 255198) avec à l’intérieur la présence, inhabituelle pour un rituel daunien, d’un rasoir en bronze à lame rectangulaire et manche à double bande, ainsi que d’une kylix de type Vicup à figures noires de production coloniale (inv. 255205), une coupe de type ionien (inv. 255199)4, et d’autres formes d’impasto buccheroïde et à pâte fine avec décoration à bandes de production apulienne, liées à la consommation du vin. Parmi les objets en métal déposés aux pieds du défunt, un bassin en bronze et deux paires de broches évoquent la consommation de viandes.
9L’exiguïté des sondages dans cette partie du plateau (la zone étudiée était concernée par le passage du conduit pour les câbles des éoliennes) ne permet pas de formuler des hypothèses au sujet de l’insertion de la tombe à l’intérieur d’une nécropole, ni de connaître l’étendue de celle-ci.
10La connotation majoritairement guerrière est confirmée par la présence de la panoplie post-hoplitique, datable du ve siècle et proche de celles de tombes contemporaines du nord de la Lucanie et de la zone de l’Ofanto.
11Le riche mobilier de haut rang qui comporte des éléments extérieurs au monde daunien et la position du squelette étendu sur le dos, contrairement aux dépositions recroquevillées ou en décubitus dorsal avec les membres inférieurs fléchis caractéristiques des Dauniens jusqu’au début du iiie siècle, pourraient souligner l’origine étrangère du jeune guerrier par rapport à la population du site de Monte Chiancone. L’observation des objets du mobilier hautement symbolique suggère tout d’abord, conformément à l’hellénisation des coutumes des populations italiques, la volonté d’évoquer l’idéologie grecque du banquet, auquel est associée la consommation des viandes attestée par la présence d’un bassin en bronze, proche de la variante plus récente du type C de la classification proposée pour ceux découverts en Basilicate5, et d’ustensiles en fer pour la cuisson (broches et chenets). Cet aspect complète en outre, de manière cohérente, la connotation guerrière du défunt (non pas un soldat parmi d’autres mais un jeune particulièrement valeureux et victorieux) due à la signification emblématique du casque apulo-corinthien au sein de l’armure italique, bien illustrée tant dans l’aire daunienne que dans l’aire « nord-lucanienne »6. L’élément le plus ostentatoire de la panoplie est le casque « apulo-corinthien » de type C7, avec des échancrures pour les yeux, un nasal découpé et des protège-joues fixes, qui font penser à un casque « de parade » accompagné d’un ceinturon endossé, à bande plutôt large, visiblement remanié et réparé, avec une paire de crochets à protomé de serpent. Une paire de protège-chevilles a été retrouvée dans la fosse, avec le casque. Un baudrier à ruban comparable à ceux qu’on trouve assez fréquemment dans l’aire « nord-lucanienne » devait retenir l’épée à l’origine : il s’agit du type doté d’un garde-main « en croix », inséré dans un fourreau. Un couteau et trois armes longues dont il reste des pointes et probablement un embout complètent l’armement offensif. On peut remarquer, grâce à leur position dans la partie haute de la tombe, que la hampe de deux d’entre elles était décorée d’une bande de bronze en spirale, selon une coutume récurrente dans différents groupes qui devaient signaler leurs armes personnelles de guerriers au statut particulièrement élevé.
12Dans la sépulture se trouvent plusieurs éléments du rituel funéraire étrangers au monde daunien : la position allongée du défunt, en particulier, et la prédominance de la céramique d’impasto au détriment des vases en argile à pâte fine peinte, éléments qui rappellent en revanche des coutumes funéraires propres aux Samnites. L’emplacement même de Monte Chiancone, à la limite du secteur septentrional des Monts Dauniens, projette ce site vers les vallées fluviales internes qui relient la Daunie à l’actuel Molise et à l’intérieur de la Campanie septentrionale, c’est-à-dire avec le Samnium d’époque historique. Déjà au cours du vie, mais aussi dans le courant du ve siècle, en effet, on observe des présences samnites dans le monde daunien, ou de petits groupes d’individus, probablement osques, ou bien de petits établissements à composante culturelle non daunienne8.
Matériel et méthodes
Matériel archéologique
13La tombe 1 a livré un ensemble de quatorze vases en céramique, tous conservés avec leur sédiment attenant jusqu’au moment des prélèvements. Lors du lavage et de l’élimination des incrustations en surface, l’écuelle inv. 255204 a révélé une décoration à bandes sur toute sa surface interne ; il a été décidé de ne faire aucun prélèvement sur ce vase atypique pour ne pas altérer le décor. Les treize autres vases ont été lavés à l’eau courante, séchés et prélevés. Leur inventaire est résumé dans le tableau 1.
Tableau 1 - Liste des échantillons analysés.
Méthodes
14Tous les vases en céramique ont été prélevés par fraisage de leur surface interne et la poudre recueillie et traitée suivant le double protocole d’extraction et d’analyse par GC-MS développé au sein du LNG et présenté plus haut dans cet ouvrage9. La méthodologie appliquée permet de détecter les traces d’huiles végétales, de corps gras animaux terrestres et marins, de cires animales et végétales, d’exsudats végétaux bruts (gommes, résines) ou transformés (poix), de fruits dont le raisin et de fermentation.
Résultats
15Parmi les récipients de transport et de stockage, le cratère à décor subgéométrique (inv. 255197) a contenu très majoritairement un dérivé du raisin blanc, avec des traces de fermentation, correspondant donc à un vin a priori blanc (fig. 4). L’olla (inv. 255198) montre la présence d’un corps gras d’animal non ruminant, d’huile végétale et de très faibles traces de raisin blanc fermenté (i.e. vin blanc).
Fig. 4 - Chromatogrammes du premier et du second extrait lipidique obtenus à partir des imprégnations de la paroi interne du cratère à colonnettes inv. 255197.
Laboratoire Nicolas Garnier
16Concernant le service, la petite cruche (inv. 255203) a contenu un corps gras d’animal non ruminant très riche en acide oléique et du jus de raisin fermenté sans présence d’acide syringique, donc un vin blanc. Aucune trace d’huile végétale n’est détectée. La cruche (inv. 255206) montre principalement une huile végétale qui n’est pas de l’olive, et de faibles quantités de corps gras d’animal ruminant et de raisin blanc sans indice de fermentation. Cet échantillon est très riche en cires végétales qui sont attribuées à des pollutions environnementales de par leur très grande concentration dans les concrétions prélevées en surface et analysées. L’œnochoé (inv. 255211) présente un corps gras d’animal ruminant, une faible quantité d’huile végétale et, de nouveau, des cires végétales très abondantes. Aucune trace de raisin ni d’autre fruit n’y est détectée.
17Pour le service des matières solides, le plat inv. 255221, à décoration subgéométrique bichrome et retrouvé dans le cratère (inv. 255197), montre la présence unique et très élevée de vin rouge (marqueurs du raisin noir et de la fermentation). Aucune trace de corps gras animal ou végétal n’est à noter.
18Le corpus des céramiques à boire est plus riche : la coupe de type ionien (inv. 255199) montre un extrait très peu concentré, constitué d’un corps gras d’animal non ruminant et d’une faible quantité de jus de raisin fermenté, a priori blanc (vin blanc). La kylix à figures noires (inv. 255205) révèle un corps gras d’animal non ruminant très riche en acide oléique (comme la cruche inv. 255203), aucune trace d’huile végétale et surtout du jus de raisin noir fermenté en grande quantité (i.e. vin rouge). La coupelle d’impasto (inv. 255212) révèle un corps gras d’animal ruminant très riche en squalène (présence de peau à sébum et/ou couenne), d’huile végétale en faible quantité, et surtout du vin rouge très abondant. Soit les contenus ont été successifs, soit il s’agit d’une même préparation, dans ce cas avec de la viande dans du vin rouge de type ragoût. L’écuelle d’impasto (inv. 255209) est la seule présentant de la cire d’abeille, du vin rouge très abondant, ainsi que des traces de corps gras animal et d’huile végétale. Si l’on considère les matériaux majoritaires, il peut s’agir d’une coupe imperméabilisée à la cire d’abeille qui a contenu du vin rouge, ou sinon d’une coupe ayant contenu du vin rouge auquel a été ajouté de la cire d’abeille, ou plutôt du miel en rayon ; nous suggérons d’y voir un morceau de rayon de ruche qui, riche en miel, permet d’adoucir le vin. La cire des alvéoles, insoluble, se dépose alors au fond de la coupe. L’ajout de miel mal raffiné (miel dit jaune) est aussi possible mais il n’aurait certainement pas donné un aussi grand signal de cire d’abeille. Des résultats similaires ont été obtenus lors de l’analyse du contenu du chaudron en bronze de la tombe princière de Lavau10. L’écuelle avec une décoration à bandes (inv. 255222) présente un profil chromatographique simple correspondant à la seule présence de jus de raisin blanc non fermenté particulièrement intense. Les deux bols (inv. 255210 et 255213) ont montré, pour le premier, l’association d’un corps gras d’animal ruminant chauffé et abondant, d’une faible quantité d’huile végétale chauffée, sans trace de raisin ni de fruit ; pour le second, un corps gras d’animal ruminant, une huile végétale et du jus de raisin blanc fermenté (i.e. vin blanc). Le contenu du bol (inv. 255210) correspond donc à une préparation culinaire cuite, à base de viande de ruminant principalement et d’huile (utilisée pour braiser ou faire revenir la viande). Pour le second bol (inv. 255213), il s’agit plutôt d’un vase pour le service d’une préparation à base de viande de ruminant, de vin blanc et d’huile.
Discussion
19Les deux récipients de stockage présents dans la tombe présentent des contenus différents. Le vin, étant donné la très forte concentration des marqueurs du raisin, peut être considéré comme un contenu unique du cratère (inv. 255197), les autres composés chimiques détectés correspondant à des pollutions modernes (principalement des phtallates). L’olla (inv. 255198) révèle soit une recette à au moins trois ingrédients (corps gras d’animal non ruminant, huile végétale, vin blanc), soit une réutilisation avec ces trois ingrédients différents. Le terme graisse ou corps gras d’animal ruminant ou non ruminant recouvre plusieurs matériaux : graisses sous-cutanées, morceaux de viande, couenne, préparés selon différentes recettes et modes de cuisson. L’absence de marqueurs de dégradation thermique à haute température écarte les préparations grillées ou braisées, en faveur des préparations de type bouillon ou ragoût. Les cires végétales peuvent correspondre à une pollution environnementale, comme le montre l’analyse des concrétions sur l’objet (inv. 255206), ou de végétaux mis à cuire. Les préparations de type bouillon permettent notamment d’extraire les cires des feuilles des végétaux, donnant des imprégnations des parois du conteneur riches en cires végétales.
20Les céramiques de service des liquides montrent des résultats intéressants et surprenants : les corps gras animaux sont présents dans la cruche (inv. 255203) (pour les non-ruminants), la cruche à petit bec (inv. 255206) et l’œnochoé (inv. 255211) (pour les ruminants) et l’on note l’absence de produits laitiers. Les huiles végétales constituent le contenu principal de la cruche à petit bec (inv. 255206). Elles sont présentes en faible quantité dans l’œnochoé (inv. 255211), mais totalement absentes de la cruche (inv. 255203). Aussi, le raisin est absent de ces deux mêmes céramiques et présent seulement à l’état de traces dans la cruche (inv. 255206). Si ce type de céramique est habituellement considéré comme la céramique par excellence pour le service du vin, l’analyse chimique montre tout le contraire. Dans ce contexte funéraire, l’œnochoé n’a pas été déposée remplie de vin, ni même n’a jamais contenu ce breuvage qui laisse des imprégnations de tartrates très stables, même si le temps de contact a été très bref. Le profil moléculaire orienterait plutôt vers un simple contenu aqueux.
21Contrairement à toute attente, c’est dans le plat à servir plutôt des substances solides (inv. 255221) que le vin est retrouvé, en quantités importantes et seul.
22Dans les céramiques à boire, le jus de raisin blanc non fermenté est identifié en abondance dans l’écuelle (inv. 255222), le jus de raisin noir non fermenté dans la kylix (inv. 255205), le vin rouge aussi en abondance dans la coupelle d’impasto (inv. 255212) et dans la petite coupe d’impasto (inv. 255209). Du vin blanc est identifié dans un bol (inv. 255213), alors que le second (inv. 255210) n’en montre aucune trace. Les analyses mettent donc en avant la place des dérivés du raisin, noir et blanc, dans le rituel funéraire, ainsi que la diversité des produits et des recettes : du vin pur, du jus de raisin non fermenté, offerts purs, adoucis de miel (cire d’abeille), ou dans des préparations culinaires de type ragoûts de viandes d’animal ruminant comme d’animal non ruminant. Mais elles révèlent aussi d’autres ingrédients inattendus : corps gras animaux dans tous les récipients sauf la coupelle (inv. 255222), des huiles végétales dans la coupelle (inv. 255212), la petite coupe (inv. 255209), la coupe de type ionien (inv. 255199), la coupelle (inv. 255212), la petite coupe (inv. 255209 ; traces) et les deux bols (inv. 255210 et inv. 255213).
23Cette donnée, qui n’a pas encore trouvé de parallèle dans le panorama des études sur la céramique archaïque, est d’un intérêt majeur. Jusqu’à présent la conservation du vin n’avait été effectivement attestée par des analyses que dans des grands récipients de terre cuite à Torre di Satriano11 et, plus récemment, dans les nestorides12, qui se trouveraient ainsi connotées comme des vases à vin. La possibilité de distinguer, dans le cas de la tombe 1/2012, deux services de banquet dont la différence tiendrait à la qualité et la valeur des vases, ouvre de nouvelles perspectives tout à fait inédites à la recherche sur les services de banquet des élites italiques et sur leur utilisation dans les dépôts funéraires.
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Notes de bas de page
1 Marchi 2008.
2 Une première présentation des données se trouve dans Marchi et al. 2015 et Muntoni, Bottini, Marchi 2016. Voir aussi Muntoni, Bruscella 2016.
3 De Juliis 1977, pl. XXI, type 1.
4 Villard, Vallet 1955, p. 27, fig. 5.
5 Bottini, Tagliente 1994, p. 517.
6 Bottini 2016 ; Bottini, Graells 2019.
7 Bottini 1990, p. 35.
8 Marchi 2016.
9 Garnier, Valamoti 2016.
10 Garnier, Dubuis 2018.
11 Pepe, Bianco, Tamburrò 2009.
12 Bottini 2011, p. 10.
Auteurs
Soprintendenza Archeologia, Belle Arti e Paesaggio per le Province di Barletta-Andria-Trani e Foggia, Foggia.
italomaria.muntoni@beniculturali.it
Laboratoire Nicolas Garnier, Vic-le-Comte. UMR 8546 AOROC, CNRS-PSL, Paris.
labo.nicolasgarnier@free.fr
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2003
Héra. Images, espaces, cultes
Actes du Colloque International du Centre de Recherches Archéologiques de l’Université de Lille III et de l’Association P.R.A.C. Lille, 29-30 novembre 1993
Juliette de La Genière (dir.)
1997
Colloque « Velia et les Phocéens en Occident ». La céramique exposée
Ginette Di Vita Évrard (dir.)
1971
Les bois sacrés
Actes du Colloque International (Naples 1989)
Olivier de Cazanove et John Scheid (dir.)
1993
Énergie hydraulique et machines élévatrices d'eau dans l'Antiquité
Jean-Pierre Brun et Jean-Luc Fiches (dir.)
2007
Euboica
L'Eubea e la presenza euboica in Calcidica e in Occidente
Bruno D'Agostino et Michel Bats (dir.)
1998
La vannerie dans l'Antiquité romaine
Les ateliers de vanniers et les vanneries de Pompéi, Herculanum et Oplontis
Magali Cullin-Mingaud
2010
Le ravitaillement en blé de Rome et des centres urbains des début de la République jusqu'au Haut Empire
Centre Jean Bérard (dir.)
1994
Sanctuaires et sources
Les sources documentaires et leurs limites dans la description des lieux de culte
Olivier de Cazanove et John Scheid (dir.)
2003
Héra. Images, espaces, cultes
Actes du Colloque International du Centre de Recherches Archéologiques de l’Université de Lille III et de l’Association P.R.A.C. Lille, 29-30 novembre 1993
Juliette de La Genière (dir.)
1997
Colloque « Velia et les Phocéens en Occident ». La céramique exposée
Ginette Di Vita Évrard (dir.)
1971
