Offrandes alimentaires en Italie du Sud : le témoignage des terres cuites en milieu funéraire
p. 51-61
Résumés
Dans le monde grec ainsi que dans les contextes indigènes de l’Italie méridionale, la coroplathie joue un rôle dans le rituel funéraire, soit dans la composition des mobiliers, soit au cours des cérémonies qui avaient lieu durant et après l’enterrement. Malgré leur occurrence limitée dans la majorité des nécropoles par rapport à d’autres offrandes, plusieurs recherches récentes ont mis en évidence la façon dont ces objets contribuaient à la « construction » de l’identité du défunt, surtout en relation avec le genre et les classes d’âge. Parmi ces artefacts, les reliefs et les figurines portant des offrandes alimentaires, ainsi que les petits modèles reproduisant des aliments, constituent un sujet d’étude à part entière. Associée aux données relevant des realia et à d’autres sources documentaires – telles que les textes littéraires et épigraphiques, l’iconographie véhiculée par la céramique figurée, etc. –, l’étude de ces objets contribue à éclairer un aspect important de l’univers lié à la mort, grâce aussi à la comparaison avec la « nourriture symbolique » attestée dans les espaces sacrés. L’article propose quelques réflexions sur la présence de ces terres cuites dans les nécropoles grecques et indigènes de l’Italie du Sud, visant à saisir la façon dont ces offrandes participaient de la stratégie funéraire et de la performance rituelle, ainsi que les différentes valeurs revêtues selon leurs contextes spécifiques.
Coroplastics play a crucial role in ancient funerary rituals, both within the setting of grave furnishings and in the ceremonies taking place during and after the burial. Notwithstanding their limited occurrence in the majority of Greek necropoleis in comparison to other offerings, recent studies have nevertheless demonstrated how these objects contributed to the “construction” of the identity of the deceased, with particular reference to gender and age-classes. Among these artefacts, the clay models imitating fruits and food, as well as the reliefs and figurines bearing these kinds of offerings, constitute a specific case-study. Together with the rare realia retrieved from tombs and the data coming from other documentary sources – literary and epigraphic evidence, iconographies attested on figured pottery, etc. – the study of these items contributes to our understanding of an important aspect of the funerary sphere, further cemented by comparisons with the ‘symbolic food’ attested in sacred contexts. The paper provides some reflections about the presence of these terracottas in necropoleis of Western Greece and of indigenous areas in southern Italy. The aim is to investigate the way these offerings participated in the funerary strategy and ritual performance, and the different meanings they assumed according to their specific contexts.
Texte intégral
Che ai defunti oltre dei pasticcetti si offrissero dentro e sopra il sepolcro delle frutta, in natura o simboliche, è noto (Orsi 1893, p. 485, n. 1).
1Dans le monde grec ainsi que dans les contextes indigènes de l’Italie méridionale, la coroplathie joue un rôle dans le rituel funéraire, non seulement dans la composition des mobiliers, mais aussi au cours des cérémonies qui avaient lieu durant et après l’enterrement. Les travaux de Daniel Graepler sur Tarente1, plusieurs colloques et tables rondes2, ainsi que de nombreuses études portant sur des contextes3 et/ou sur des catégories spécifiques de terres cuites – souvent considérées auparavant comme des documents « mineurs », et souvent examinées récemment au sein de recherches sur le genre et les classes d’âge4 – ont constitué des étapes importantes pour l’affirmation d’une approche renouvelée. Celle-ci dépasse l’analyse stylistique et chrono-typologique, dans le but de saisir la valeur des terres cuites pour la reconstitution de la dimension rituelle, de l’idéologie funéraire et de l’imagerie sociale exprimées dans les nécropoles.
2Dans ce cadre, les reliefs et les figurines portant des offrandes alimentaires, ainsi que les petits modèles reproduisant des aliments, constituent un sujet d’étude à part entière. Associée aux données relevant des realia et à d’autres sources documentaires – telles que les textes littéraires et épigraphiques, l’iconographie véhiculée par la céramique figurée, etc. –, l’étude de ces objets contribue à éclairer un aspect important de l’univers lié à la mort, grâce aussi à la comparaison avec la « nourriture symbolique » attestée dans les espaces sacrés.
3Dans ma contribution, je présenterai quelques réflexions sur les terres cuites en contexte funéraire, notamment sur la présence et la signification des modèles de fruits et d’aliments dans les tombes grecques et indigènes de l’Italie du Sud, à partir de quelques cas d’études particulièrement significatifs.
Fig. 1-3 - Métaponte : 1. grenade en terre cuite de la tombe no 29 de Crucinia ; 2. pomme en terre cuite de la tombe no 391 de Crucinia ; 3. pomme en terre cuite provenant d’une tombe du territoire.
clichés V. Meirano
4Il n’est pas inutile de rappeler tout d’abord que la coroplathie est en général très peu attestée dans les aires funéraires, tant en Grèce propre qu’en Occident5. En Grande Grèce, moins de 4 % des tombes en moyenne présentent des terres cuites, et des nécropoles n’ont livré aucune figurine6. Les petits modèles reproduisant des aliments constituent un phénomène tout à fait minoritaire, présent dans un nombre très limité non seulement de tombes, mais aussi, surtout, d’exemplaires, puisqu’on en compte souvent un seul par sépulture. Citons, à titre d’exemple, le cas de Métaponte où, sur des centaines de contextes funéraires mis au jour, nous n’avons qu’une grenade (fig. 1)7 et une pomme faisant fonction de couvercle pour une hydrie à figures rouges (fig. 2), provenant de deux sépultures de Crucinia8, ainsi qu’une pomme d’une tombe de la chora (fig. 3)9. Cette rareté des attestations s’observe également dans les contextes sacrés de la cité et du territoire, où les modèles de fruits sont aussi très peu répandus10, pour des raisons qui relèvent vraisemblablement des spécificités des cultes agraires propres à l’aire métapontine11. Même à Locres Épizéphyrienne cependant, où nous disposons d’une documentation très riche en offrandes alimentaires en terre cuite dans les sanctuaires, notamment dans le Perséphonéion de Mannella – des gâteaux, des fromages, des rayons de miel, des fruits, etc.12 –, les petits modèles font défaut dans la nécropole. Dans l’aire funéraire de Lucifero, où 1700 tombes environ ont été fouillées, nous n’avons que quelques pommes sporadiques, probablement provenant de la surface de l’aire funéraire13. Cette situation n’est pas étonnante, car les terres cuites à sujet alimentaire ne font pas exception à la tendance selon laquelle, à Locres14 comme dans plusieurs nécropoles grecques, la coroplathie a été repérée surtout hors des tombes, soit sur la couverture, soit à l’état erratique, ou à l’intérieur de dépôts avec d’autres offrandes, comme le montrent les cas bien connus de Tarente et de Lipari15. À cet égard, les textes littéraires et épigraphiques nous mettent en garde sur le fait que l’enterrement n’est pas nécessairement le moment le plus important du rituel lié à la mort et que l’assemblage funéraire à l’intérieur de la tombe ne représente qu’un élément d’un ensemble très articulé et complexe de pratiques16. La nécropole du Fusco à Syracuse a livré l’exemple significatif d’une « tomba sconvolta », dite fosse D, remplie de détritus, vases et terres cuites en fragments, parmi lesquels se trouvaient une trentaine de figues entières et une vingtaine à l’état fragmentaire, au rendu très naturaliste (fig. 4)17. Orsi les interpréta, ainsi que les autres objets du contexte, comme des offrandes provenant du dépouillement de sépultures, ou, plus probablement, d’un naïskos ou bien d’un petit contexte sacré, lié aux cultes chtoniens et des morts. Bien qu’il s’agisse d’offrandes dont la valeur symbolique dépasse le domaine de l’alimentation18, un autre cas d’étude emblématique est représenté à Métaponte par les nombreux œufs en terre cuite découverts dans la nécropole de la Strada Statale Ionica 106, accumulés sur le fond de l’ancien canal de bonification proche de l’aire funéraire, mais qui à l’origine étaient vraisemblablement déposés sur les couvertures des tombes19. Outre qu’ils contribuaient à la composition du mobilier, ces artefacts, ainsi que d’autres objets, pouvaient donc participer de rites, à caractère individuel ou familial, qui avaient lieu près des sépultures ou bien dans des aires spécifiques de l’espace funéraire, éventuellement en relation avec des autels20. Il en est de même pour les tessons sporadiques, la plupart appartenant à des cratères figurés brisés sur la surface de plusieurs nécropoles, interprétés comme des indices d’actes et de gestes comportant le recours au vin, accomplis au cours de cérémonies suivant l’enterrement21.
Fig. 4 - Syracuse, nécropole du Fusco : figues en terre cuite.
d’après Orsi 1893
5L’offrande de terres cuites alimentaires qui, en raison de leur nature impérissable, revêtent un caractère perpétuel, rappelle en contexte funéraire le phénomène de substitution attesté dans les aires sacrées. La signification de ces offrandes pouvait relever de la symbolique reliée à l’aliment même, comme dans le cas de la grenade22. Certaines pâtisseries montrent un lien particulièrement strict avec le monde funéraire – par exemple, la pyramis23 – ou parfois jouent un rôle pour ainsi dire prophylactique face au passage périlleux vers l’au-delà, comme la melitoutta (maza), le gâteau pour les défunts par excellence, censé apaiser Cerbère24. Cependant, la nourriture réelle – offerte ou sacrifiée25 – ou en terre cuite rentrait dans les rituels funéraires aussi en tant que forme d’hommage au défunt, moyen de partage, de rencontre, de communication, à l’occasion des visites et des cérémonies définies par le « calendrier » qui faisait suite à la sépulture26.
6Dans le monde indigène de l’Italie du Sud, un scénario différent est esquissé par des contextes funéraires de l’aire lucanienne. Face à des mobiliers riches en objets mais avec un seul aliment (un fruit dans deux sépultures à Chiaromonte27, une pomme à San Brancato di Sant’Arcangelo28, une grenade à San Martino d’Agri29), quelques tombes, datées à partir du milieu du ive siècle av. J.-C., révèlent des assemblages plus articulés.
7Une sépulture féminine de Madonna della Neve à Castelluccio30 a livré une pomme, un fromage et un gâteau du type omphaloton popanon31. À Teggiano, dans le Vallo di Diano, plusieurs terres cuites représentant des aliments accompagnaient la défunte de la tombe no 2 de Castagneto32. À Montemurro, la sépulture masculine no 5 de Fosso Concetta33 contenait une grappe de raisin, une figue (?), un rayon de miel, un fromage, un « biscuit » et encore un omphaloton popanon, tandis qu’à Roccagloriosa, le mobilier d’un incinéré adulte34 comptait deux fruits et deux « tortarelli », une variété de melon35.
Fig. 5 - Eboli, Santa Croce, tombe no 37 : aliments en terre cuite.
d’après Campanelli, Mandolesi 2015, p. 168
8À la limite septentrionale de la plaine du Sele, la sépulture no 37 de Santa Croce à Eboli (fig. 5) présente un assemblage très riche en objets appartenant à un homme adulte portant un poignard, vêtu d’une cuirasse, d’un casque, d’un ceinturon et de jambières. Le mobilier, déposé le long du flanc gauche, se composait de cinq vases à figure rouges dont un cratère, une assiette décorée a tempera, dix-neuf vases à vernis noir, une amphore, deux vases en céramique commune, un mortier, et, en bronze, une olpé, une situle, une kylix, un bassin, une passoire, un strigile, une fibule, une pointe de lance et un autre ceinturon. Il était en outre accompagné de plusieurs aliments en terre cuite : une pomme, une figue, une grappe de raisin, trois soi-disant « gâteaux »36, que j’identifie comme deux pâtisseries – un omphaloton popanon et un pemma sélénés37 – et un « tortarello ». Cette sépulture est emblématique de la coutume funéraire qui, à Eboli comme à Teggiano, Atena Lucana, etc., s’impose à partir des décennies qui précèdent immédiatement le milieu du ive siècle av. J.-C., quand, à la suite de la suprématie politique des Lucaniens et des Samnites sur les aires urbaines de la côte tyrrhénienne, les tombes particulières se distinguent moins par leurs structures (fosses, caisses simples) que par la composition et la richesse de leur mobilier, qui évoque la possession de la terre et l’existence d’une structure militaire hiérarchisée. Les tombes masculines montrent donc des armes, des éléments d’attelage, des services pour la consommation du vin avec des vases en bronze, parfois des instruments liés au foyer – chenets et broches en plomb, et donc symboliques –, mais aussi des fruits et des gâteaux en terre cuite faisant allusion à la richesse dérivée de l’agriculture38. À Eboli les tombes féminines montrent aussi des aliments en terre cuite, ainsi que des bijoux, des fibules, des instruments liés au foyer, des hydries, des skyphoi et des œnochoés. C’est le cas, par exemple, de la sépulture no 1 de Via Generale Gonzaga, qui contenait des fruits, des amandes, des fromages et des « pains »39.
9À Paestum, les offrandes alimentaires sont apparemment absentes des mobiliers remontant à la phase grecque40. À l’époque lucanienne, seules deux sépultures féminines d’Andriuolo du milieu ive siècle av. J.-C. ont livré des « grenades »41, mais la grenade, comme d’autres aliments (raisin, œufs, etc.), est fréquemment représentée dans l’iconographie des tombes peintes. Ces denrées font allusion à l’exaltation du rang et du rôle de la femme en tant que « padrona dell’oikos » évoqué par la richesse des mobiliers42, mais elles participent aussi de la construction de l’univers symbolique qui entoure la défunte en vue de son voyage vers l’au-delà et relève de ses attentes eschatologiques43. Dans la chora en revanche, nous trouvons un assemblage comparable à celui de la sépulture no 37 d’Eboli. La célèbre tombe no 11 de Contrada Vecchia à Agropoli, en plaques de travertin peintes, abritait deux défunts, un homme et une femme, séparés par une basse cloison en blocs et briques (fig. 6). L’homme était accompagné de six vases à figures rouges dont un cratère, d’un lécythe a tempera, de quatre vases à vernis noir, d’un strigile et d’un poignard en fer, tandis que le mobilier de la femme comptait cinq vases à figures rouges dont une hydrie et un lébés gamikos, trois à vernis noir, quatre à vernis rouge, trois monnaies en bronze de Vélia, une « bobine » et dix-huit terres cuites à sujet alimentaire (fig. 7)44 : deux grenades, deux pommes, deux grappes de raisin, deux figues, deux amandes, deux fromages, un rayon de miel, un « tortarello », un « moule à gâteau » qui paraît plutôt une galette, trois pâtisseries (deux omphalota popana et un pemma sélénés).
Fig. 6 - Agropoli, Contrada Vecchia : tombe no 11 en cours de fouille.
d’après Pontrandolfo, Rouveret 1992, p. 372
Fig. 7 - Agropoli, Contrada Vecchia, tombe no 11 : aliments en terre cuite.
d’après Cipriani 2015, p. 43
10Comme cela a été mis en évidence pour les contextes sacrés, dans les sépultures que nous venons d’évoquer et en particulier dans les deux tombes d’Eboli et d’Agropoli, la régularité qui tient au nombre des offrandes et qui, à quelques exceptions près, caractérise les différents types de fruits et de gâteaux (un ou deux selon la sépulture) ne semble pas due au hasard mais plutôt relever d’un « number symbolisme », et donc d’une mise en scène reliée au rituel funéraire45. Angelo Bottini et Emanuele Greco, les premiers éditeurs de la tombe de Contrada Vecchia, soulignaient la signification de ces offrandes en tant que symboles du prestige social, allusion à la productivité de l’oikos et à la richesse dérivant de la possession de la terre. Ils attribuaient aussi au mobilier un caractère de distinction lié au genre (sport, chasse, guerre, vin versus eau et produits de la terre), indiquant un statut particulier de la femme en tant qu’individu auquel sont confiées la possession et la thésaurisation des biens, opposée à l’homme correspondant à « l’elemento acquisitivo46 ». Il a été justement mis en évidence que la distribution des offrandes alimentaires dans la tombe reflète ici une distinction plus rigoureuse des fonctions entre les genres par rapport à Eboli et à d’autres nécropoles contemporaines situées dans l’arrière-pays47. Quoiqu’il en soit, l’itération, l’hétérogénéité, l’association et l’abondance des offrandes alimentaires qui caractérisent ces sépultures – et donc la stratégie qui préside à la déposition de ces objets en milieu lucanien – semblent correspondre à des exigences différentes par rapport à celles évoquées à propos des tombes grecques. En effet, bien que d’autres implications rituelles ne soient pas totalement à exclure48, ces choix apparaissent essentiellement fonctionnels à la manifestation d’un statut social49.
11Le dossier documentaire concernant les modèles d’aliments est à compléter, à la même époque, par les données relatives aux contextes sacrés du territoire et de la cité – l’Héraion de Foce del Sele50, les sanctuaires de Capodifiume51 et de Santa Venera52, le sanctuaire urbain méridional (fig. 8)53 – qui ont livré plusieurs exemplaires, notamment des fruits, provenant des dépôts et des fosses votives. À Foce del Sele et à Paestum même, dans le sanctuaire méridional, Héra n’est plus vénérée en tant que kourotrophos et hoplosmia, mais comme la déesse qui préside aux noces, et qui porte la phiale et le panier de fruits faisant allusion à la fertilité des femmes et de la terre54. Ce phénomène est accompagné de la diffusion dans la campagne, à partir de 360 av. J.-C.55, de fermes où les paysans demeurent de façon stable ; à la culture des céréales s’ajoutent dans la plaine et sur les collines les cultures agricoles spécialisées : la vigne, l’olivier et les arbres fruitiers. L’aire de S. Nicola di Albanella, dans la partie nord-orientale de la chora, montre une vénération strictement liée à la productivité agricole. Ici, comme l’a bien montré Marina Cipriani, une opposition de genre est documentée par les statuettes en terre cuite : les figures féminines portent dans leurs cystae des gâteaux – parmi lesquels on reconnaît les mêmes spécialités attestées sous forme de petits modèles dans les tombes – et des rayons de miel, tandis que les hommes portent des fruits ; il s’agit donc d’une dichotomie entre miel et mets cuisinés d’un côté, et produits de l’agriculture spécialisée de l’autre (« donna-cucinato/uomo-non cucinato »), un système codifié qui ne concerne pas le seul sanctuaire d’Albanella, mais en général les contextes consacrés aux cultes liés à la terre, dans la cité et dans le territoire56.
Fig. 8 - Paestum, sanctuaire méridional : fruits en terre cuite.
d’après Campanelli, Mandolesi 2015, p. 166
12Le tableau que nous venons d’esquisser montre, une fois de plus, la valeur polysémique des objets en milieu funéraire. La présence de terres cuites à sujet alimentaire dans les nécropoles grecques, bien que limitée, semble s’inscrire dans une pluralité de valeurs symboliques et de pratiques rituelles qui avaient lieu surtout dans l’espace qui entourait les tombes. Dans le monde lucanien, où elles sont présentes tant dans les tombes que dans les contextes sacrés, ces offrandes revêtent plutôt, en milieu funéraire, une valeur fonctionnelle à la représentation de l’articulation horizontale et verticale de la société, en contribuant de façon déterminante à la construction du « discours » autour du défunt.
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Notes de bas de page
1 Graepler 1994 ; 1996 ; 1997.
2 Voir, par ex., les études parues dans les actes des colloques internationaux sur la coroplathie d’Izmir (Müller, Lafli 2015 ; 2016), de Lille et Philadelphie (Huysecom-Haxhi, Müller 2015) ; pour les recherches portant sur les nécropoles, voir les actes des tables rondes reliées au projet EMA. L’enfant et la mort dans l’antiquité (en particulier Hermary, Dubois 2012), du colloque Ollus leto datus est (Bonomi, Malacrino 2018), etc.
3 Voir, par ex., Link Malone 1998 ; Gasparri 2009 ; Elia 2010, p. 253-281, 364-367 ; Musumeci 2010 ; 2012 ; Schwarzmaier 2015 ; Bérard 2017, p. 228-232.
4 Par exemple, les « poupées » et les figurines de jeunes filles nues assises (Reilly 1997 ; Papaikonomou 2007 ; Papaikonomou 2008b, p. 695-706 ; Dasen 2010, p. 25-30 ; 2012, p. 17-20 ; Huysecom-Haxhi, Papaikonomou, Papadopoulos 2012, p. 343-366 ; Scilabra 2012, p. 390-397) ; les tanagréennes (Graepler 2003 ; Barresi, Cottonaro 2018) ; les kouroi « habillés » (Gasparri 2008) ; les masques, les sujets grotesques et reliés au théâtre (Schwarzmaier 2011 ; Meirano 2012, p. 118-119) ; les figurines d’animaux (Huysecom 2003 ; Selekou 2015) ; les petits modèles de meubles et d’ustensiles (Andrianou 2007 ; Papaikonomou 2007 ; 2008a, p. 255-259 ; Meirano 2012, p. 123-125 ; Dasen 2012, p. 11-12) ; en général, les objets miniatures traditionnellement identifiés comme des « jouets » (Papaikonomou 2006, p. 239-248 ; Pilz 2011, p. 22-23 ; Bouffier 2012, p. 143-145 ; Dasen 2012, p. 14-16 ; Meirano 2012, p. 112, n. 7 ; Scilabra 2012 ; Elia 2013), etc.
5 Voir Huysecom 2003, p. 94-95 ; Huysecom-Haxhi 2008, p. 57-58, fig. 2 ; Huysecom-Haxhi, Papaikonomou, Papadopoulos 2012, p. 343.
6 Meirano 2012, p. 113-115.
7 Meirano 1996, p. 70, fig. 2 (tombe no 29, 2e moitié du ive siècle av. J.-C. : Lo Porto 1981, p. 374, no 4, fig. 98.6).
8 Meirano 1996, p. 70, fig. 4 (tombe no 391, fin du ve siècle av. J.-C.).
9 Sur la route pour Matera : Meirano 1996, p. 71, fig. 6.
10 Meirano 1996, p. 70-71, fig. 1, 3 et 5 (trois grenades du sanctuaire urbain ; une pomme de San Biagio alla Venella) ; la grenade de la « stipe » de Crucinia (Lo Porto 1981, p. 302, 316, no 314, fig. 13.3) appartient en réalité à un kernos ou à un autre type de vase plastique (Meirano 1996, p. 71, fig. 7).
Adamesteanu remarquait déjà ce petit nombre d’attestations en publiant l’aire sacrée de Masseria Petrulla dans la chora d’Héraclée qui, au contraire, a restitué un nombre considérable de terres cuites de ce genre (Adamesteanu 1982 ; Orlandini 1985, p. 110, pl. 57 ; Bruscella 2009 ; 2011). Des modèles de fruits et d’aliments sont attestés aussi dans les sanctuaires (Timmari, Garaguso, S. Chirico Nuovo, Chiaromonte, Rossano, etc. : Meirano 1996, p. 73 ; Nava, Osanna, De Faveri 2007, passim ; Bertesago, Garraffa 2015, p. 167, no 482, fig. 45) et les habitats indigènes de la région, au sein de contextes rituels (voir, par exemple, Russo 2010).
11 Meirano 1996, p. 72-75 ; voir Carter 2008.
12 Meirano 2000 ; 2007 ; 2008 ; 2017.
13 Meirano 2018, p. 135 ; à propos de l’identification de ces fruits : Meirano 2000, p. 169-171 ; 2008, p. 141-142.
14 Elia 2010, p. 253, 364-367 ; Meirano 2018, p. 134-136.
15 Pour Tarente et Lipari : discussion et bibliographie chez Meirano 2018, p. 134 ; voir aussi les considérations exprimées à propos des terres cuites de la nécropole de Passo Marinaro à Camarine : Salibra 2016, p. 273-275.
16 Voir en particulier Frisone 1994 ; 2008. Le problème épineux de l’interprétation des documents de la culture matérielle dans l’espace funéraire et de leur contribution à la compréhension de l’univers lié à la mort à l’époque antique a été touché par une bibliographie immense, à travers plusieurs approches : voir par ex., d’Agostino 1985 ; d’Agostino, Schnapp 1985 ; Morris 1987, p. 29-43 ; Cuozzo 2000 ; Nizzo 2016.
17 Orsi 1893, p. 485-486.
18 À propos de la valeur de l’œuf « symbole de vie » en milieu funéraire, relié à la fertilité et aux attentes eschatologiques : Bottini 1992a, p. 64-85 (en général et à propos de la célèbre tombe métapontine de « l’uovo di Elena », datée des dernières décennies du ve siècle av. J.-C.) ; Tagliente 2006, p. 735, pl. VI.2-3 (à propos de la tombe no 125 de Casinello di Pisticci, fin du ve siècle av. J.-C.).
19 De Siena 2007, p. 445.
20 Meirano 2018.
21 Elia 2003 ; 2010, p. 347-364 ; Salibra 2016, p. 273-274 ; voir aussi Tomay 2015, p. 40-41.
22 Meirano 1996, p. 77-79 ; Cipriani 2015, p. 42.
23 Meirano 1996, p. 88 ; 2018, p. 358-361.
24 Suid., s.v. μελιτοῦττα ; Ar., Lys., 601 ; Verg., Aen., 520-525. Ce gâteau au miel rentre aussi dans les rituels de l’antre de Trophonios à Lébadée (Paus., 9, 39 ; Ar., Nub., 507-509) et d’autres sanctuaires mantiques et iatromantiques comportant la présence de serpents à apaiser et rendre favorables, comme le serpent gardien de l’acropole à Athènes (Her., 8, 41) : voir García Soler 2001, p. 97 ; Marcolin 2008, p. 52 ; Meirano 2018, p. 353.
25 Je ne m’occuperai pas ici des restes de realia livrés par plusieurs nécropoles en raison des approches de plus en plus attentives au terrain au cours des explorations. Cependant, il est bien de rappeler que la présence de denrées comestibles – attestées par ex. grâce à la découverte de coquillages, de coquilles de noix, de noisette, d’œuf, etc. – peut relever aussi de domaines différents de l’alimentation (par ex., d’autres usages pratiques, de valeurs symboliques, etc. ; voir aussi, supra, à propos des œufs).
26 Frisone 2008. L’usage d’offrir au défunt la nourriture qui faisait partie de son quotidien ou un mets très apprécié semble être évoqué par Cléarque (chez Athénée, 8, 344c), qui raconte qu’un joueur d’aulos offrait en sacrifice des poissons grillés sur la tombe d’un ami musicien qui avait aimé ce mets.
27 Tombe no 92, attribuée à une jeune fille (époque archaïque : Bianco 1991, p. 599, « melagrana » ; Meirano 1996, p. 74 ; toujours à Chiaromonte, l’interprétation comme « fico » du tintinnabulum de la tombe no 21, datant du 1er quart du vie siècle av. J.-C., est douteuse : Russo 1992-1993, p. 295, 364, no 211, fig. 38 et 94 ; Nava, Osanna, De Faveri 2007, p. 117) ; tombe no 2 de Contrada Battifarano (2e moitié du ive siècle av. J.-C. : Nava, Osanna, De Faveri 2007, p. 117).
28 Tombe no 23 (féminine ?) : D. Roubis dans Bianco et al. 1996, p. 265-266, no 3.40.35 (« melograno » ; 2e moitié du ive siècle av. J.-C.).
29 Avec des coquilles d’œuf : tombe no 28 ; Russo, Vicari Sottosanti 2009, p. 17, 22-23, fig. 51 ; la présence d’un fruit dans une tombe masculine (40 ans environ, sur la base des analyses anthropologiques) constitue selon les autrices une exception, mais les données provenant d’autres contextes invitent à nuancer cette observation : v. infra.
30 Bottini 1988, p. 199, nos 15-18, fig. 41 ; 1998, p. 179-180, 193 (la tombe a livré aussi un autre fragment de fruit, non identifiable ; 2e moitié du ive siècle av. J.-C.) ; voir aussi Albanesi, Battiloro 2018, p. 75.
31 À propos du gâteau : Meirano 1996, p. 74, 90-92 ; 2018, p. 356-358.
32 Avagliano 1979, p. 298 ; d’Henry 1981, p. 190 ; Meirano 1996, p. 174 ; Cipriani 2015, p. 50 (deux grenades, une grappe de raisin, trois amandes, un « tortarello » [voir infra], un fromage, un omphaloton popanon et un pemma sélénés [voir infra] ; 1re moitié du ive siècle av. J.-C.).
33 Bottini 1992b, p. 26 (2e moitié du ive siècle av. J.-C.) ; 1997, p. 88-89, no 17a-f (2e moitié du ive siècle av. J.-C.) ; Perretti 2006, p. 66, fig. 52-56 ; Cipriani 2015, p. 50.
34 Tombe no 13 : Gualtieri 1990, p. 166, nos 12-15, pl. LXVIII,3 (les fruits sont identifiés comme grenades ; 340-330 av. J.-C.).
35 À propos du « tortarello » : Meirano 2000, p. 173-175 ; 2008, p. 139-141.
36 Cipriani 1990, p. 135, fig. 11 ; 2015, p. 50 ; M. Viscione et F. Longo, in Cipriani, Longo 1996, p. 81, no 36.45-50 (respectivement, deux « melograni », une grappe de raisin et trois « dolci » ; 340-330 av. J.-C.) ; Cipriani 2015, p. 50 ; G. Scarano, dans Campanelli et Mandolesi 2015, p. 50, 168-170, nos 138-143.
37 À propos du pemma sélénés : Meirano 1996, p. 92-93 ; 2018, p. 361-362.
38 Cipriani 1990, p. 133-136 ; 1996.
39 Mentionnée chez Cipriani 1990, p. 123, 143 (370-360 av. J.-C.).
40 La prudence est de mise car les aires funéraires ne sont pas publiées de manière exhaustive.
41 Pontrandolfo, Rouveret 1992, p. 329, no 6 (tombe no 54, 340 av. J.-C.) ; p. 335-336, no 7 (tombe no 57, 350-340 av. J.-C.).
42 Voir Pontrandolfo, Rouveret 1982, p. 300-305, 310-311 ; Pontrandolfo 1988, p. 253-257 ; Pontrandolfo, Rouveret 1992, p. 457-469.
43 Cipriani 2015, p. 46.
44 Bottini, Greco 1974-1975 (les deux pommes sont identifiées ici comme des grenades ; la tombe comptait aussi des céramiques et des objets en fer qu’il n’a pas été possible d’attribuer de façon précise) ; Pontrandolfo, Rouveret 1992, p. 372-376, nos 26-42, 44 ; M. Maiello, in Cipriani, Longo 1996, p. 196-199, no 91.25-43 ; Cipriani 2015, p. 43-44, 46-49 ; M. Cipriani, in Campanelli, Mandolesi 2015, p. 167-169, nos 122-137 (première déposition : 360-350 av. J.-C. ; deuxième déposition : 350 av. J.-C.).
45 Discussion et références à propos des contextes sacrés chez Meirano 2018, p. 365-366.
46 Bottini, Greco 1974-1975, p. 271-272.
47 Voir les interprétations fournies chez Cipriani 2015, p. 51-52.
48 Cf., en particulier, la comparaison avec les iconographies des tombes peintes et avec les spécialités de pâtisserie offertes dans les contextes sacrés (infra), ainsi que la « numérologie » qui semble caractériser les offrandes déposées dans les tombes (supra).
49 Voir Tomay 2015, p. 40.
50 Dewailly 1997, p. 203, fig. 16-17.
51 Greco 1988b, p. 425.
52 Miller Ammerman 2005, p. 352-354, nos 2858-2862, pl. XCVI (le dernier exemplaire, « model of blossom », correspond plutôt à l’extrémité d’un fruit).
53 M. Zammarrelli, in Cipriani, Longo 1996, p. 217-218, nos 145-151, 155 ; M. Cipriani, in Campanelli, Mandolesi 2015, p. 166-168, nos 114-120.
54 Cipriani 1988, p. 382-383 ; 1997, p. 219-221 ; Tocco Sciarelli 1996.
55 Greco 1979, p. 20-25 ; 1988a, p. 493-494 ; Greco, Theodorescu 1996.
56 Cipriani 1989, p. 148-149, 157, 159 ; Cipriani, Ardovino 1989-1990, p. 342-343. Cf. la documentation provenant d’autres contextes, par ex. Locres et Métaponte, où sur les reliefs et les statuettes les gâteaux sont l’apanage des figures féminines, mais ils s’accompagnent aussi de fruits et d’autres offrandes (Meirano 2018, p. 364).
Auteur
Dipartimento di Studi Storici, Università di Torino.
valeria.meirano@unito.it
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