Manger, boire, se parfumer pour l'éternité
| , , ,Introduction. Manger, boire, offrir pour l’éternité en Gaule et Italie préromaines
Texte intégral
- 1 Il est impossible de donner ne serait-ce qu’une bibliographie de synthèse concernant le vin en Gau (...)
1Les produits biologiques liés à l’alimentation, aux libations, aux fumigations et aux soins du corps ont de tout temps joué un rôle considérable dans les échanges culturels et économiques. D’origine naturelle, ils sont porteurs d’une forte identité symbolique et parfois sacrée. Issus d’une technique plus ou moins complexe de transformation et de conservation, ils affichent le savoir-faire d’un groupe. Représentatifs de pratiques alimentaires, religieuses, médicinales et cosmétiques particulières, ils apparaissent pour ceux qui les adoptent comme des marqueurs distinctifs de valeurs sociales et culturelles. L’exemple le plus connu est évidemment celui du vin, dont les dimensions techniques, culturelles, sociales et économiques ont fait l’objet de très nombreuses études scientifiques1. Pour l’antiquité grecque et romaine, les sources nombreuses (littéraires, épigraphiques, iconographiques et archéologiques) permettent une approche pluridisciplinaire de ce breuvage. L’archéologie fournit des données sur les techniques de production, les modalités de consommation et les formes d’échanges du vin, du vinaigre et des conserves faites à partir de vin. Il est possible d’écrire une histoire du vin et de ses dérivés à partir des contenants découverts en très grand nombre dans les sites d’habitat, les sanctuaires, les tombes et les épaves. En l’absence du liquide qui a visuellement disparu, son contenant nous apporte un grand nombre d’informations grâce à une approche typologique, stylistique, techno-céramique de ses caractéristiques (forme, taille, matière, décor) et une étude de son contexte de découverte. La problématique du contenant et de son contenu organique à forte identité culturelle ne se limite pas au vin mais concerne les autres boissons fermentées, les produits alimentaires, les oléorésines et les bitumes, les huiles parfumées, matières grasses médicinales, baumes pharmaceutiques, crèmes cosmétiques et autres produits liés à l’entretien du corps. Hier comme aujourd’hui, nous accordons une place particulièrement importante aux produits fabriqués ou transformés que nous ingérons, inhalons ou que nous mettons en contact avec notre peau. Différents critères tels que la composition du produit, la nature symbolique (voire sacrée) de certains de ses composants, son origine, sa texture, sa couleur, son odeur, son goût et son emballage interviennent pour lui conférer une valeur culturelle et économique spécifique. Nombre de ces données nous échappent aujourd’hui alors que nous sommes au cœur d’une histoire technique, sociale et économique des transferts culturels liés aux échanges de produits biologiques. Ces échanges, qui prennent des formes multiples à des échelles géographiques très diversifiées, représentent une vaste mosaïque dont on peut discerner la richesse grâce à la symbiose de différentes approches conceptuelles et méthodologiques : histoire, histoire de l’art, iconographie, philologie, épigraphie, anthropologie, histoire de la botanique, archéozoologie, archéobotanique…
- 2 Verger 2006 ; 2013.
- 3 Barbier-Pain et al. 2019.
- 4 Rageot et al. 2019a.
- 5 Rageot et al. 2019b.
- 6 Rageot et al. 2019b, p. 19.
- 7 Rageot et al. 2019a, p. 15.
- 8 Ibid.
- 9 Frédéric 2014.
- 10 Analyses qui semblaient impossibles suite à la restauration du mobilier de la tombe. Toutefois, à (...)
2Cette démarche transdisciplinaire s’est révélée très efficace pour l’étude des civilisations antiques qui nous ont laissé un important patrimoine écrit et iconographique. Elle laisse en partie dans l’ombre les marges du monde gréco-romain, ceux que les Grecs qualifiaient de « barbares » et de « semi-barbares ». Parmi eux, les Celtes, Italiques, Étrusques et Phénico-puniques ont joué un rôle historique de première importance en Europe occidentale et en Méditerranée nord-occidentale, et ont pleinement participé aux activités de production et d’échanges à différentes échelles de produits biologiques. Les influences mutuelles et échanges culturels en Méditerranée nord-occidentale et en Europe continentale ont été récemment mis en valeur par différents auteurs dont Stéphane Verger, qui, dans des articles de synthèse, aborde la problématique des transferts d’objets d’une région à l’autre et de leur signification culturelle et sociale. Nombre de ces objets sont des contenants en céramique et en métal. Évidemment se posent les questions des produits biologiques qu’ils pouvaient contenir et du rôle qu’ont pu jouer ces contenus dans le déroulement des rituels funéraires. Le cas du chaudron de Hochdorf est à ce point de vue exemplaire, à savoir un grand contenant métallique grec ayant contenu non pas du vin d’importation mais de l’hydromel, boisson fermentée à forte identité celtique2. Mais un cas, aussi marquant soit-il, ne permet pas de proposer des généralités ou de tirer des conclusions. Les analyses récentes du chaudron de Lavau, faites dans le cadre du programme MAGI, ont révélé du vin rouge poissé, miellé, aromatisé, et même sans doute mélangé avec de l’eau, comme semblent l’indiquer les analyses de MNP (Micro-Fossile non Polliniques)3. La diversité des pratiques concernant le banquet funéraire des élites en contact avec le monde méditerranéen était donc de mise dans le monde hallstattien. Pourquoi a-t-on consommé de l’hydromel lors des funérailles du prince de Hochdorf et du vin pour celles du prince de Lavau ? Les pratiques sont-elles différentes d’une région à l’autre ou ont-elles évolué en deux générations ? Nous n’en savons rien, et la seule manière d’apporter des réponses est de multiplier les analyses de contenus, de recourir au potentiel de plus en plus performant des « Forensic sciences ». Deux articles viennent de paraître sur les analyses chimiques des contenus biologiques des céramiques des sites d’habitat hallstattiens du Mont Lassois4 et de la Heuneburg5. Pour la Heuneburg, les informations fournies par les analyses sont précieuses sur les rites de commensalité : il s’avère que, lors de la période du HaD1 (600-530), alors que les importations méditerranéennes sont inexistantes, le vin méditerranéen est largement consommé par l’intermédiaire d’une large variété de céramiques locales. Pour les périodes suivantes du HaD2/D3, la consommation du vin méditerranéen ne se fait désormais que dans une vaisselle de luxe, à savoir les vases grecs importés et la belle vaisselle tournée locale. Il semble donc que, à partir de 530, les élites celtiques, qui entretiennent des contacts plus étroits avec le monde méditerranéen, se réservent la consommation de vin et s’inspirent des pratiques grecques du symposion : « Perhaps wine consumption became more conspicuous and possibly more restricted to imported and local wheel-made feasting dishes, as well as to a narrower part of the society (similar to a “dia-critical feast”)6. » Pour le Mont Lassois, les analyses de contenu des céramiques attiques et des céramiques locales apportent des informations très différentes. Ni les vases à boire massaliotes et attiques ni les bols en céramique fine locale du plateau n’ont servi à consommer du vin. Le vin est par contre présent sur les pentes orientales du plateau, dans les céramiques locales communes du secteur artisanal septentrional « Les Renards » et dans les céramiques locales fines du secteur « Le Breuil » proche de la nécropole princière. S’il y a consommation d’alcool de la part des élites résidant sur le plateau, il ne semble absolument pas que ce soit sur le modèle grec. Bien au contraire, puisque les vases à boire attiques et massaliotes sont détournés de leur fonction de vases vinaires, mais aussi une partie des amphores et cratères attiques. « The possibility that wine was being consumed by craftspeople at Les Renards and Champ Fossé is of particular relevance. If we hypothesise that the consumption of wine in the Celtic society at Vix-Mont Lassois was accessible to all, and not restricted to Attic imports in the elite context of the plateau, it is the act and place of consumption, not wine as a substance, that might have influenced the formation and identification of social groups, and their status7. » Ainsi, la disponibilité des principaux éléments du symposion grec, à savoir les contenants (vases à boire et vases à mélanger le vin) et le contenu (le vin méditerranéen), n’implique pas de la part des élites du Mont Lassois une obédience aux pratiques grecques et étrusques du banquet. Le rôle de marqueur politique et social ne semble pas dévolu au vin mais à la bière : « The production and consumption of a specific beer (possibly from barley but not from millet) and birch-derived beverages seem to be related to individuals (probably having high status positions) living on the plateau and/or the individuals who had access to feasting events taking place there8. » Comme le commente si bien Marie-Claire Frédéric, les aliments fermentés, et surtout les boissons, sont « ferment de culture » et vecteurs identitaires parmi les plus forts au sein d’une société9. Au Mont Lassois, la bière d’orge (pour les élites), la bière de millet (pour les autres), ainsi qu’un breuvage alcoolique tiré de la sève de bouleau semblent rester au cœur des pratiques alimentaires et rituelles alors même que le vin méditerranéen ne manquait pas. Autres données fondamentales tirées des deux articles, l’attestation d’importation d’huile d’olive au Mont Lassois, l’importance des produits de la ruche (élevages au Mont Lassois ?), celle de la poix et de résines de conifères, et enfin l’hypothèse, solidement étayée, d’une production de produits laitiers (fromages) à la Heuneburg. Ces données permettent de renouveler les problématiques de production/consommation/échanges de produits biologiques et celles d’interactions culturelles entre monde méditerranéen et monde celte en les élargissant à d’autres produits que le vin. L’idéal serait évidemment de procéder à des campagnes d’analyses concernant les nécropoles de ces sites hallstattiens et nous ne pouvons même pas imaginer ce que pourront donner des analyses du contenu du cratère de Vix10…
- 11 Drieu, Regert 2015 ; Regert, Guerra 2015.
- 12 Voir les exemples récents et déjà commentés du Mont Lassois et de la Heuneburg : Rageot et al. 201 (...)
- 13 Les articles de référence sont : Evershed 2008 ; Steele 2013. Voir une bibliographie sélective dan (...)
- 14 Voir une bibliographie sélective dans Regert, Guerra 2015, p. 176-177, à laquelle nous pouvons ajo (...)
- 15 Voir une bibliographie sélective dans Regert, Guerra 2015, p. 152-153, à laquelle nous pouvons ajo (...)
- 16 L’article de référence en français présentant une très bonne synthèse méthodologique sur l’apport (...)
- 17 Lentini, Scala 2004 ; Lentini 2007 ; Lentini, Nelli 2007 ; Santrot, Corson 2012 ; Giachi et al. 20 (...)
- 18 Biers, Searles, Gerhardt 1988 ; Biers, Gerhardt, Braniff 1994 ; Andreadaki-Vlazaki 1999 ; Garnier (...)
3De fait, le potentiel scientifique offert par les « Organic Residue Analyses » (ORA) est particulièrement déterminant en ce qui concerne le domaine de l’archéologie funéraire sachant que les ensembles clos comme les tombes sont ceux qui, potentiellement, conservent le mieux les matières organiques. Durant les différentes étapes du rituel se déroulant dans la nécropole, à savoir le banquet funéraire, le dépôt dans la tombe du corps ou de l’urne cinéraire, les actes de fermeture de la tombe et enfin les pratiques de commémoration du défunt, les produits biologiques occupent une grande place sous la forme de fumigations, de libations de substances fluides (comme le vin, le lait, le miel), de dépôts alimentaires d’origine végétale et animale (des graines, des fruits ou des produits transformés comme des gâteaux ou des pains), d’offrandes de vases fermés emplis d’huile parfumée, de résines locales ou exotiques, de sauces de poissons, de boissons fermentées. Alors que les ossements d’animaux témoignent des offrandes animales, les offrandes de produits solides et fluides de denrées d’origine végétale non transformées (comme des graines, des végétaux, des fruits), de préparations alimentaires telles les galettes, bouillies et pains, ne laissent souvent que des indices ténus sous la forme de macro- et microrestes (pollens et phytolithes) étudiés par les archéobotanistes. Mais une grande partie de l’information nous échappe, en particulier les matériaux et produits liquides et fluides d’origine végétale et animale qui ne laissent pas de témoignages archéologiques tangibles (produits laitiers, produits de la ruche, graisses animales, boissons fermentées, huiles, parfums, résines et goudrons). Nous sommes dans le domaine d’une « archéologie de l’invisible » qui implique, pour être exploité, les méthodes des « Forensic Sciences » et plus particulièrement celles de l’archéologie biomoléculaire. Le recours aux analyses chimiques pour identifier les biomarqueurs de contenus de récipients archéologiques et caractériser ainsi un produit biologique simple ou complexe, devient de plus en plus courant en archéologie11. Ainsi, nombre de programmes d’analyses biochimiques (GC-MS) ont été lancés depuis les années 1990 avec pour finalité de cerner la réalité des contenus des céramiques12. Différents programmes ont porté plus particulièrement sur les produits de la ruche13, sur les graisses animales et les produits laitiers14, sur les résines et goudrons végétaux15, sur les boissons fermentées16, sur les produits médicinaux17 et sur les parfums18. Malgré tout le potentiel qu’elles offrent aux archéologues, trois obstacles principaux s’opposent à l’intégration « en routine » à la démarche archéologique des analyses moléculaires de contenus. D’une part, leur coût élevé, d’autre part, le calendrier très serré imposé à l’archéologie préventive, et enfin la difficulté d’interprétation, pour des archéologues non initiés, de données inédites mais complexes.
- 19 Quatre laboratoires d’histoire et d’archéologie ont porté le programme, ainsi qu’un laboratoire d’ (...)
4Le programme MAGI (Manger, boire, offrir pour l’éternité en Gaule et Italie préromaines), financé par l’Agence nationale de la recherche, a été conçu pour surmonter ces obstacles et ouvrir aux acteurs de l’archéologie funéraire préventive et programmée un « champ des possibles » leur permettant de récolter des données habituellement inaccessibles. Toutes les périodes, du Paléolithique à l’archéologie contemporaine, ainsi que toutes les zones géographiques et toutes les cultures archéologiques et historiques sont concernées par la recherche des matériaux organiques et des produits biologiques. Le programme MAGI s’est construit autour des rites funéraires des cultures celtes, italiques, étrusques et phénico-puniques en Gaule et Italie préromaines. Pourquoi cette thématique en particulier ? Premièrement car elle correspond aux champs de compétence et aux axes de recherche des laboratoires porteurs (TEMOS, AOROC, CJB, ASM et LNG19), ensuite parce qu’elle permet de répondre aux attentes de la communauté scientifique en contribuant à combler les vides des sources écrites. Plus précisément, ce sont les deux problématiques des identités funéraires et des transferts interculturels, observables par le prisme des matériaux organiques et des produits biologiques, qui ont fait l’objet durant cinq ans (2013 à 2017) d’une vaste campagne d’études et d’analyses de plus de vingt contextes funéraires en France de l’âge du fer et en Italie péninsulaire et Sardaigne de la fin de l’âge du bronze jusqu’à la fin des guerres samnites, à l’exception de quelques contextes du début de l’époque impériale (fig. 1).
- 20 https://www.inrap.fr/magi-10427.
- 21 Pour Lattes, Cournonterral et Vergèze, voir Séjalon, Bel, Garnier 2020, ainsi que p. 351-374 du pr (...)
- 22 Pour Flaujac-Poujols, voir Frère, Garnier 2021.
- 23 Pour la tombe princière de Lavau, voir Frère et al. 2020 ; Dubuis et al. 2020 et p. 375-391 du pré (...)
- 24 Pour les sites bretons, voir Cherel, Frère 2018 ; 2020.
5Au cœur de ces deux problématiques, la question du vin s’est révélée très importante et a dicté en grande partie le choix des sites d’étude en France, avec une priorité donnée à l’archéologie préventive. En collaboration avec l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives)20, c’est dans le Languedoc (Lattes, Cournonterral, Vergèze)21, le Massif Central (Flaujac-Poujols)22, l’Aube (Lavau)23, les Ardennes (Warcq) et en Bretagne (Plélo, Quimper, Inguiniel, Guipry)24 qu’ont été sélectionnés des sites en cours de fouille ou qui venaient d’être fouillés (fig. 2).
6En Gaule méditerranéenne (Lattes, Cournonterral, Vergèze) et sur les bordures sud-occidentales du Massif Central (Flaujac-Poujols), l’étude de sites funéraires du viie au ive siècle a permis, d’une part, de poser le problème du vin avant l’importation des premières amphores grecques et étrusques, d’autre part, de répondre à la question de l’intégration du vin dans les rituels funéraires (et de cerner l’évolution de ces rites du viie au iiie siècle av. J.-C.), et enfin de contribuer à résoudre le problème de la fonction et du statut des céramiques déposées dans la tombe et dans son environnement immédiat (fig. 3).
- 25 Voir supra et p. 375-391 du présent volume.
- 26 Dubuis et al. 2020, p. 41.
- 27 Une thèse récente portant sur les céramiques de l’âge du fer armoricain, en cours de publication a (...)
- 28 Cherel, Frère 2018.
- 29 Cherel, Frère 2020.
7Hors de la Celtique méditerranéenne et de ses marges, deux contextes funéraires datant de la transition entre le premier et le second âge du fer ont fait l’objet d’analyses de contenus. Dans l’Aube, la découverte, en 2015, de la tombe princière de Lavau a eu un grand retentissement et, de fait, la richesse du contexte ainsi que la proximité culturelle et géographique avec la célèbre tombe de Vix ne pouvaient que marquer les esprits. Des prélèvements ont été effectués à l’intérieur du grand chaudron ainsi que des autres conteneurs de la partie nord-ouest de la tombe (œnochoé attique, bouteille cannelée celtique, ciste à cordons, bassins). Les résultats25 font apparaître la réalité d’un banquet funéraire celtique très différent de celui attesté à Hochdorf : « La première étape consiste à verser le vin dans le chaudron et à procéder au mélange en y ajoutant différents aromates, parmi lesquels se trouve vraisemblablement un pan de miel en rayon, qui va sucrer le mélange, mais aussi d’autres aromates révélés par l’analyse pollinique. Puisé directement au chaudron, le vin miellé peut être servi à l’aide d’une des trois cruches découvertes. À cette étape, l’évocation de l’assemblée nombreuse (que symbolisent le chaudron et sa grande capacité volumique) disparaît et le service semble alors réservé à la seule personne du prince… De petite taille, la passoire semble plutôt adaptée à l’ouverture réduite d’un petit récipient et devait pouvoir être posée directement sur celui-ci au moment où le vin était versé. L’usage de cet accessoire prend tout son sens pour filtrer les aromates végétaux ajoutés à la boisson. Le dernier élément, la cuillère perforée, intervient peut-être pour nettoyer cet instrument ou récolter les éléments surnageant dans le gobelet26. » Au-delà de la restitution des gestes rituels, de l’identification de la fonction de chaque instrument du rituel, de la reconstitution des différentes étapes de la cérémonie mettant en scène le vin, les résultats des analyses organiques de Lavau permettent de poser des questions nouvelles telles que la fonction et les origines de la poix qui recouvrait les parois internes du chaudron. En Bretagne, au sein de la petite nécropole de Guipry sensiblement de même époque que la tombe de Lavau, il fut décidé d’analyser l’intérieur d’une urne cinéraire carénée de taille inhabituelle ainsi que de deux vases d’accompagnement. Ces derniers appartiennent à la catégorie des microvases qui, particulièrement présents en offrandes funéraires, posent des problèmes concernant leur usage et leur statut (lampes à graisse, pots à onguent, vases à libation…)27. Du vin rouge fut décelé dans les trois vases, attestant d’une utilisation précoce, dès le ve siècle, de ce type de breuvage jusqu’alors considéré n’avoir été connu en Bretagne qu’avec les importations d’amphores italiques d’époque tardo-républicaine. Élément important des cérémonies funéraires, le vin (ou son dérivé le vinaigre) pouvait-il de même être utilisé dans la vie quotidienne des Armoricains ? C’est pour répondre à cette question que la décision fut prise d’élargir la thématique de recherche à d’autres ensembles clos que les tombes. Une cave ainsi qu’un souterrain, directement reliés à des habitats des vie et ve siècles, furent sélectionnés en raison de la présence, encore in situ, de céramiques. Ces dernières ont révélé de petites quantités de vin ou de vinaigre tiré du raisin mais aussi d’autres baies sauvages, et surtout, l’une d’elles a pu être mise en relation avec la production et la conservation en cave de fromage où le vinaigre était utilisé pour accélérer la coagulation du lait28. Ainsi les résultats de cette campagne d’analyses permettent d’ouvrir pour la Bretagne de l’âge du fer le débat sur le vin, ses origines et son utilisation (dont l’intégration dans les rituels funéraires) avec l’hypothèse, étayée non seulement par les analyses chimiques mais aussi par la carpologie et la palynologie, de productions locales de vins locaux tirées de baies sauvages de vigne mais aussi d’autres arbres fruitiers29.
- 30 Saurel 2017.
- 31 Saurel 2020, p. 24. L’auteure fait référence à Bats 1988.
- 32 Programme AlThéRé de l’Inrap : https://althere.hypotheses.org.
- 33 Programme Lait’Ages de la Maison des Sciences de l’Homme de Bretagne : https://laitages.hypotheses (...)
8Enfin, dernier contexte gaulois, celui, exceptionnel à bien des égards, de la tombe à char de Warcq, dans les Ardennes, datant du iie siècle av. J.-C. Les cinq vases composant le dépôt céramique ont fait l’objet d’analyses moléculaires complétées par la recherche de phytolithes, les macrorestes végétaux et les pollens n’étant pas conservés. L’approche analytique a été complétée par une étude techno-céramique avec tracéologie qui peut faire office de modèle méthodologique (fig. 3). Marion Saurel a développé, dans la publication de sa thèse portant sur la céramique gauloise du pays rème30, l’étude fonctionnelle de céramiques des corpus domestiques et de corpus rituels avec une approche techno-céramique (traces d’usage, porosité des parois, capacité volumétrique…). C’est dans le cadre de l’ANR MAGI qu’elle a pu croiser cette approche avec les analyses moléculaires de contenus et tirer des conclusions déterminantes en particulier en ce qui concerne les boissons fermentées : « les analyses d’imprégnations biologiques révélant de nombreuses traces de fermentation biologiques apportent une documentation nouvelle sur le sujet. Leurs résultats, d’interprétation souvent complexe, demandent de développer en parallèle une étude fonctionnelle systématique des céramiques. Tout indique d’ailleurs qu’après un démarrage déjà ancien si l’on considère le travail précurseur de Michel Bats portant sur le lien entre vaisselle et pratiques alimentaires dans les régions méditerranéennes, ce type d’approche connaît un développement rapide31 ». En effet, nous assistons depuis quelques années à un développement des approches croisant étude techno-céramique/analyses de contenus mais aussi archéologie expérimentale concernant désormais d’autres problématiques que les boissons fermentées, avec par exemple celle des matériaux aromatiques et médicinaux32 et celle des produits laitiers33.
- 34 Roure, Pernet 2011.
- 35 Hubert, Van Andringa 2014.
- 36 Tombe princière d’Oliveto Grande, découverte en 2008. L’étude est toujours en cours.
- 37 Voir p. 305-340 du présent ouvrage.
- 38 Voir p. 341-347 du présent ouvrage.
- 39 Voir p. 309-311, 327-328 du présent ouvrage, ainsi que Frère, Garnier 2017.
- 40 Voir p. 223-248 du présent ouvrage.
- 41 Voir p. 165-189 et 249-269 du présent ouvrage.
- 42 Voir p. 199-221 du présent ouvrage.
- 43 Voir p. 191-198 du présent ouvrage.
- 44 Voir p. 293-301 du présent ouvrage.
- 45 Voir p. 23-33 du présent ouvrage, ainsi que Perra et al. 2015.
- 46 Voir p. 273-292 du présent ouvrage.
- 47 Publication en cours.
9Si la question des boissons fermentées dans le cadre des rituels funéraires était prédominante pour la Gaule de l’âge du fer, la problématique concernant l’Italie centrale et méridionale ainsi que la Sardaigne était plus large sachant que nous avons à faire à des zones culturelles intégrées très tôt dans les réseaux méditerranéens et plus spécifiquement les « trafics tyrrhéniens ». Concernant les peuples étrusques, italiques et phénico-puniques, nous disposons de sources plus nombreuses que pour les populations celtiques, dont les sources littéraires grecques et latines qui, bien qu’indirectes et souvent subjectives, nous fournissent la toile historique sur laquelle nous pouvons apposer les autres sources archéologiques, iconographiques et épigraphiques nous permettant d’avoir une vision plus détaillée des rituels funéraires. Réjane Roure et Lionel Pernet définissent ainsi le rite : « Les pratiques rituelles sont définies par les anthropologues comme des ensembles d’actes, de paroles, de manipulations (substances, objets), de représentations symboliques et de productions sonores (musique, chants, bruits) qui s’enchaînent selon un ordonnancement très précis, avec la participation de plusieurs personnes, voire de toute la société34. » Différentes étapes du rite ainsi que la manipulation des objets peuvent être en partie reconstituées grâce aux sources écrites, iconographiques et archéologiques mais nombre de gestes échappent à l’investigation, dont la préparation et la manipulation de substances organiques ne laissant pas de témoignages archéologiques tangibles. Le recours aux « Forensic sciences » permet, comme il a été dit, d’accéder à l’invisible, c’est-à-dire de retrouver les substances biologiques utilisées à différentes étapes de l’accomplissement du rite. Les gestes rituels que l’on se proposait de restituer sont la préparation alimentaire, la consommation collective d’aliments solides et de boissons, les offrandes alimentaires, les libations liquides (vin, huile, parfum, lait) et enfin la diffusion d’odeurs par onction ou versement d’huiles parfumées et/ou par combustion de résines. Ces gestes impliquent l’utilisation de contenants ou de supports matériels que l’on retrouve dans deux types principaux d’espaces funéraires à savoir la tombe (mobilier d’accompagnement et urnes cinéraires) et l’enclos funéraire (stèles, tubes à libations, céramiques ayant servi au culte funéraire…). Toutefois, il ne faut pas tout attendre de l’observation des substances organiques, l’apport de données nouvelles tirées des biomarqueurs s’ajoutant à la détermination des ossements animaux, carporestes et microrestes (pollens, phytolithes) « n’autorise pas à parler directement du sacrifice et de rituels. L’étude de vestiges doit en effet respecter une méthode précise qui tienne compte d’une série de paramètres essentiels ; paramètres qui doivent être intégrés dans une argumentation méthodique intégrant la stratigraphie et la taphonomie35 ». Les résultats des analyses moléculaires doivent être étudiés en regard des sources historiques, archéologiques et archéo-environnementales pour donner lieu à un débat contradictoire entre spécialistes afin d’aboutir à une synthèse où les hypothèses sont objectivement présentées avec l’ensemble du dossier critique comprenant leur potentiel interprétatif mais aussi leurs limites. Cette approche permet non pas de définir la totalité des faits rituels (ce qui est impossible), mais d’appréhender une série de gestes et faits techniques ainsi que la dimension symbolique liée aux senteurs et aux saveurs, entre produits de tradition locale et ceux d’origine étrangère voire exotique, entre respect de pratiques traditionnelles et apport d’innovations. C’est une archéologie des rituels qui est en œuvre mais aussi une archéologie des objets et des contextes ainsi qu’une archéologie sensorielle. En Italie centrale, grâce à la collaboration de Rita Cosentino, Marina Micozzi, Alessandra Coen, Fernando Gilotta, Laura Ambrosini, ce sont des tombes archaïques (fin du viie-première moitié du vie siècle) de Véies36, de Caeré37 et de Rome38 qui ont été sélectionnées, ainsi que la tombe hellénistique cérétaine des Cippi Iscritti39. En Italie méridionale, en collaboration avec le Musée archéologique de Paestum, la Surintendance archéologique des Pouilles, le Musée archéologique national de Montesarchio et la Surintendance de Naples, nous avons effectué des campagnes de prélèvements sur des mobiliers non seulement connus de longue date, comme celui de l’herôon de Paestum, mais surtout inédits ou récemment mis au jour par les fouilles de tombes de Campanie (à Capoue40, à Cumes41, à Montesarchio et à Sant’Agata de’ Goti42) et de la région des Pouilles (à Pietramontecorvino43, à Arpi et à Palagiano). Pour la première fois, il a été possible, grâce à la disponibilité de Marina Cipriani, d’Italo Muntoni, de Francesco Sirano et de Luigina Tomay, de confronter à travers cette vision transversale, de la Campanie à la Daunie en passant par le Samnium, l’utilisation de denrées alimentaires et de boissons dans les rituels funéraires. Parmi les résultats significatifs, nous retenons le cas emblématique du vin dont les usages variés sont illustrés à trois moments clefs de l’histoire de l’Italie antique : un recours précoce chez les Opiques en Campanie à la fin de l’âge du bronze, une pratique partagée par les populations osco-samnites aux ve et ive siècles et l’attestation à Cumes des libations de vin jusqu’au début de l’Empire romain. En Sardaigne, en collaboration avec Massimo Botto, Carla del Vais, Mauro Perra et Alessandro Usai, ce sont les deux sites nuragiques de Sa Osa (Cabras)44 et d’Arrubiu (Orroli)45 ainsi que les deux sites phénico-puniques de Pani-Loriga46 et de Tharros47 qui ont fait l’objet de campagnes d’analyses.
Bibliographie
Bibliographie
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Bardiès-Fronty, Bimbenet-Privat, Walter 2009 : I. Bardiès-Fronty, M. Bimbenet-Privat, P. Walter (dir.), Le bain et le miroir. Soins du corps et cosmétiques de l’Antiquité à la Renaissance, Paris, 2009.
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Notes
1 Il est impossible de donner ne serait-ce qu’une bibliographie de synthèse concernant le vin en Gaule et en Méditerranée occidentale. Voir les articles de la première partie du présent ouvrage sur le thème du banquet et des boissons fermentées, ainsi que la publication récente du dernier numéro de la revue de l’Inrap consacré aux boissons fermentées : Alcools, Archéopages, 47, 2020.
2 Verger 2006 ; 2013.
3 Barbier-Pain et al. 2019.
4 Rageot et al. 2019a.
5 Rageot et al. 2019b.
6 Rageot et al. 2019b, p. 19.
7 Rageot et al. 2019a, p. 15.
8 Ibid.
9 Frédéric 2014.
10 Analyses qui semblaient impossibles suite à la restauration du mobilier de la tombe. Toutefois, à l’occasion de la réouverture de la fouille de 1953, un fragment de tôle appartenant au cratère a été découvert. Soumis aux analyses chimiques, celui-ci pourra révéler ce qu’a contenu le grand vase en métal grec, pièce maîtresse de la célèbre tombe féminine celtique.
11 Drieu, Regert 2015 ; Regert, Guerra 2015.
12 Voir les exemples récents et déjà commentés du Mont Lassois et de la Heuneburg : Rageot et al. 2019a ; 2019b. Voir de même, en ce qui concerne l’espace géographique et culturel intéressant cet ouvrage, Notarstefano 2012.
13 Les articles de référence sont : Evershed 2008 ; Steele 2013. Voir une bibliographie sélective dans Regert, Guerra 2015, p. 175-176, à laquelle nous pouvons ajouter Garnier 2015b ; 2016 ; Roffet-Salque, Regert, Evershed 2015 ; Rageot et al. 2015.
14 Voir une bibliographie sélective dans Regert, Guerra 2015, p. 176-177, à laquelle nous pouvons ajouter Smyth, Evershed 2016 ; Debono Spiteri et al. 2016 ; Charlton et al. 2019 ; Cubas et al. 2020.
15 Voir une bibliographie sélective dans Regert, Guerra 2015, p. 152-153, à laquelle nous pouvons ajouter Rageot et al. 2015 ; Rageot, Théry-Parisot, Beyries 2018.
16 L’article de référence en français présentant une très bonne synthèse méthodologique sur l’apport de l’analyse chimique à l’identification du vin est Garnier 2015a. Le pionnier de la recherche sur les biomarqueurs des boissons fermentées est Patrick McGovern (voir en particulier, pour la zone géographique qui intéresse cet ouvrage, McGovern 2007 ; McGovern et al. 2013). Toutefois, les méthodes employées par ce chercheur ont été fortement critiquées, avec l’accusation de protocoles non adéquats et de surinterprétation des résultats. La polémique scientifique a donné lieu à des articles très intéressants sur la fiabilité des méthodes et des marqueurs de raisin et de fermentation : Stern et al. 2008 ; McGovern, Hall 2015. Le protocole élaboré et publié par Nicolas Garnier concernant les biomarqueurs de raisin et de fermentation sert désormais de référence à plusieurs laboratoires : Valamoti, Garnier 2016.
17 Lentini, Scala 2004 ; Lentini 2007 ; Lentini, Nelli 2007 ; Santrot, Corson 2012 ; Giachi et al. 2012a ; Frère, Garnier, Dodinet 2015.
18 Biers, Searles, Gerhardt 1988 ; Biers, Gerhardt, Braniff 1994 ; Andreadaki-Vlazaki 1999 ; Garnier 2008 ; Garnier, Frère 2008 ; Walter, Van Elslande 2009a ; 2009b ; Iozzo 2012 ; Castel et al. 2012 ; Giachi et al. 2012b ; Frère, Hugot 2012 ; Garnier 2012 ; Frère, Garnier 2012 ; Garnier, Dodinet 2013 ; Maffre et al. 2013 ; Brun, Fernandez 2015 ; Brettell et al. 2015 ; Coulié et al. 2017 ; Frère, Garnier, Hugot 2018.
19 Quatre laboratoires d’histoire et d’archéologie ont porté le programme, ainsi qu’un laboratoire d’analyses chimiques : TEMOS (Temps, Mondes, Sociétés, UMR 9016), anciennement Cerhio ; AOROC (Archéologie et philologie d’Orient et d’Occident, UMR 8546) ; CJB (Centre Jean Bérard, USR 3133) ; ASM (Archéologie des sociétés méditerranéennes, UMR 5140) ; LNG (Laboratoire Nicolas Garnier).
20 https://www.inrap.fr/magi-10427.
21 Pour Lattes, Cournonterral et Vergèze, voir Séjalon, Bel, Garnier 2020, ainsi que p. 351-374 du présent volume.
22 Pour Flaujac-Poujols, voir Frère, Garnier 2021.
23 Pour la tombe princière de Lavau, voir Frère et al. 2020 ; Dubuis et al. 2020 et p. 375-391 du présent volume.
24 Pour les sites bretons, voir Cherel, Frère 2018 ; 2020.
25 Voir supra et p. 375-391 du présent volume.
26 Dubuis et al. 2020, p. 41.
27 Une thèse récente portant sur les céramiques de l’âge du fer armoricain, en cours de publication au Presses universitaires de Rennes, présente l’ensemble des résultats des analyses faites en Bretagne : Cherel 2020.
28 Cherel, Frère 2018.
29 Cherel, Frère 2020.
30 Saurel 2017.
31 Saurel 2020, p. 24. L’auteure fait référence à Bats 1988.
32 Programme AlThéRé de l’Inrap : https://althere.hypotheses.org.
33 Programme Lait’Ages de la Maison des Sciences de l’Homme de Bretagne : https://laitages.hypotheses.org.
34 Roure, Pernet 2011.
35 Hubert, Van Andringa 2014.
36 Tombe princière d’Oliveto Grande, découverte en 2008. L’étude est toujours en cours.
37 Voir p. 305-340 du présent ouvrage.
38 Voir p. 341-347 du présent ouvrage.
39 Voir p. 309-311, 327-328 du présent ouvrage, ainsi que Frère, Garnier 2017.
40 Voir p. 223-248 du présent ouvrage.
41 Voir p. 165-189 et 249-269 du présent ouvrage.
42 Voir p. 199-221 du présent ouvrage.
43 Voir p. 191-198 du présent ouvrage.
44 Voir p. 293-301 du présent ouvrage.
45 Voir p. 23-33 du présent ouvrage, ainsi que Perra et al. 2015.
46 Voir p. 273-292 du présent ouvrage.
47 Publication en cours.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 - Carte des lieux de prélèvement. |
Crédits | DAO G. Stelo |
URL | http://books.openedition.org/pcjb/docannexe/image/8110/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 309k |
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Titre | Fig. 2 - Les principales thématiques de recherche concernant la Gaule. |
Crédits | DAO G. Stelo |
URL | http://books.openedition.org/pcjb/docannexe/image/8110/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 195k |
![]() | |
Titre | Fig. 3 - Approche fonctionnelle du vase : études croisées (DAO G. Stelo). |
Crédits | DAO G. Stelo |
URL | http://books.openedition.org/pcjb/docannexe/image/8110/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 172k |
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