Version classiqueVersion mobile

Les installations artisanales romaines de Saepinum

 | 
Jean-Pierre Brun
, 
Martine Leguilloux

Chapitre premier. L’évolution du cadre urbain

Jean-Pierre Brun et Martine Leguilloux

Texte intégral

Naissance et évolution de la ville

L’agglomération de l’époque républicaine

  • 1 Un bon résumé de l’histoire de Saepinum est donné dans Matteini Chiari 1988 et 1997 ; voir aussi D (...)

1La ville antique de Saepinum1, aujourd’hui dénommée Altilia, est située sur la Via Minucia qui reliait Aesernia à Beneventum en passant par Bovianum, Saepinum, Aequum Tuticum (fig. 1). La Table de Peutinger indique que Saepinum est placée à un carrefour entre la route d’Aesernia à Beneventum par Bovianum et celle venant d’Allifae et de la plaine campanienne à travers le massif du Matese.

2Saepinum est l’héritière d’une agglomération samnite située sur la hauteur de Terravecchia, au sud de la ville romaine, à 953 m d’altitude. Cet habitat fortifié qui contrôlait la plaine du Tammaro a fait l’objet de fouilles en 1961 (Colonna 1962). L’enceinte en appareil polygonal comportant au moins trois portes est datable du ive siècle av. J.-C. L’agglomération fut ravagée en 293 av. J.-C., à la fin des guerres samnites, à l’instar d’autres enceintes situées sur les hauteurs. Tite-Live (X, 45, 12-15) rapporte que le consul C. Papirius Cursor, après avoir combattu les Samnites en rase campagne, mit le siège devant Saepinum et la prit après une forte résistance, faisant un grand carnage : 7400 hommes furent tués et au moins 3000 réduits en esclavage. Le butin, considérable, fut abandonné aux soldats romains.

Fig. 1. Carte indiquant la situation de Saepinum

Fig. 2. Chemin de transhumance traversant Saepinum d’est en ouest, aménagé en decumanus maximus. Vue prise de la porte Bojano ; au fond, le forum.

  • 2 Dans la zone que nous avons fouillée, dans la pièce où est installé le puits d’engrenage du moulin (...)

3Après la prise de Terravecchia, alors que l’habitat de hauteur a pu se maintenir durant un certain temps, un habitat de plaine s’établit au croisement de deux axes de communication, l’un venant de Campanie à travers le massif du Matese, l’autre reliant l’Apulie aux Abruzzes et servant notamment à la transhumance des troupeaux (Gaggiotti 1990, fig. 2). Cette agglomération pourrait avoir porté le nom de Forum Curii, du nom du consul qui triompha des Samnites en 290 av. J.-C. : Manius Curius Dentatus, comme Stefano De Caro l’a proposé en étudiant une inscription sur tuyau de plomb d’époque républicaine qui provient du site (De Caro 1996). Forum Curii fut probablement fondé vers 270 et des vestiges d’habitat qui se résument à des sols et des fosses2 sont datables du iiie siècle av. J.-C. sans que l’on puisse encore y associer un urbanisme.

  • 3 Sur la première inscription écrite en osque, voir Vetters 1953, no 190. La seconde cite un personn (...)

4Le nom même de Saepinum, dont l’étymologie remonte à saepio, aire enclose, semble lié à l’existence d’un marché ou foire, dans ou autour d’une enceinte où l’on pouvait parquer du bétail. Certes, l’existence de l’ethnonyme est attestée bien avant les premières traces d’habitat à Altilia puisque le nom Saipins est connu par la dédicace d’un casque de la première moitié du ive siècle et par une mention sur une tabula defixionis de la nécropole de Cumes datable des dernières décennies du ive siècle3. Cette antériorité du nom qui s’attachait probablement à l’agglomération fortifiée de Terravecchia signifie probablement que c’est la région tout entière qui avait vocation de carrefour, de foirail et de marché.

5L’existence d’un marché périodique est d’ailleurs attestée par une inscription d’Allifae (CIL I2, 218 = IX, 2318). La fonction de lieu de rassemblement du pagus est donc primordiale, et la position excentrée du forum, situé non au centre de la ville mais dans la moitié sud au croisement des voies, perpétuerait l’emplacement du noyau originel de l’habitat.

6En même temps qu’ils créent l’agglomération de plaine à Altilia, les Saepinates adorent une divinité féminine, probablement Méfitis, associée à Hercule dans un sanctuaire situé à mi-chemin entre Terravecchia et le nouvel habitat (Matteini Chiari 2000 ; 2004). Ce sanctuaire, situé au lieu-dit San Pietro di Cantoni, est édifié sur un éperon rocheux culminant à 664 m d’altitude. Dans une première phase datable du iiie siècle, il est doté d’un petit temple rectangulaire. Un temple beaucoup plus grand, mesurant 20,80 × 16,50 m, lui succède aux iie-ier siècles. Les abords du lieu de culte ont livré un grand nombre d’objets votifs datables entre la in du ive siècle av. J.-C. et le Haut-Empire. L’époque de fréquentation maximale couvre principalement les iiie et iie siècles av. J.-C. ; par la suite, le lieu de culte semble entrer en décadence.

7Dans le courant du iie siècle av. J.-C., l’urbanisme se structure, comme l’ont montré les travaux effectués en 1957 dans la maison à atrium située à l’est du forum (Ambrosetti 1958) et surtout la série de sondages pratiqués en 1977-1978 sur le côté nord du forum pour déceler des édifices antérieurs à l’époque impériale (Matteini Chiari 1988, p. 19-26 et 89-105). La plupart de ceux-ci ont décelé une succession de phases d’habitat et d’abandon d’époque républicaine montrant un fort dynamisme de cette partie de la ville (fig. 3).

Fig. 3. Vue aérienne du forum de Saepinum avec indication des sondages.

8Dans la maison à atrium, immédiatement au sud de l’impluvium en blocs de calcaire moulurés, a été découvert un impluvium plus ancien, fait de briques losangiques inscrites en osque et lié à un sol en opus signinum. Ce premier impluvium daté du iie siècle aurait été détruit et comblé vers la fin du siècle.

9Sur le forum, le sondage D a montré qu’après une première fréquentation de la in du iiie-début du iie siècle, une maison est construite dans le courant du iie siècle avec des murs à sec et un pavement en opus signinum. La pièce fouillée a été détruite par un incendie dans la seconde moitié du iie siècle et recouverte, à la fin du iie-début du ier siècle, par un nouveau sol en opus signinum. Ce pavement lié à une petite cuve reste en fonction jusqu’au début du ier siècle apr. J.-C. pour laisser la place à un édifice public qui est encore visible.

10Le sondage G, situé à l’est du capitole, présente une séquence analogue marquée par des traces de fréquentation à la fin du iiie siècle suivies d’un pavement de galets correspondant probablement à une cour. La maison à laquelle il appartient est détruite dans la seconde moitié du iie siècle, puis reconstruite peu après ; un sol en opus signinum avec décoration de losanges recouvre le sol de galets et reste en usage jusqu’au début du ier siècle apr. J.-C., époque de la construction du capitole qui recouvre l’ensemble.

11Dans le sondage M, la première couche a livré une lékanè du ive siècle et de la céramique à vernis noir du iiie siècle. Dans le courant du iie siècle, on assiste à la construction de deux murets et au creusement d’un puits qui sera comblé au début du ier siècle apr. J.-C.

12Le sondage N, effectué au centre du côté long du forum, au niveau du capitole, a révélé deux murs faits d’un socle de pierre surmonté d’une élévation de briques crues. Dans le courant de la seconde moitié du iie siècle, un incendie a provoqué l’écroulement de la toiture. Comme dans le sondage D, à la fin du iie -début du ier siècle, la maison est reconstruite et la pièce reçoit un pavement en opus signinum à décor de losanges. Cette deuxième construction sera détruite par un incendie et remplacée par un temple en grand appareil identifié comme capitole, dont le podium est rempli de terres de rapport au début du ier siècle apr. J.-C.

Fig. 4. Plan des maisons et de la supposée fullonica du iie siècle av. J.-C., d’après Matteini Chiari 1988, fig. 14.

13Le sondage R, ouvert dans la salle du fond du capitole, révèle une situation identique. Une première phase, sur le sol géologique, correspond à un édifice doté de cuves. Ce niveau est scellé par un écroulement de tuiles lié à un incendie dans la seconde moitié du iie siècle. Suit une phase marquée par un sol en opus signinum décoré, de la fin du iie-début du ier siècle ; cette phase se termine avec la construction du temple, matérialisée par des tranchées de fondation, des niveaux de chantier et des remblais.

  • 4 Voir en dernier lieu Bradley 2002 et, avec des nuances prenant en compte la taille des installatio (...)

14L’ensemble de ces sondages offre un tableau cohérent. Après les traces ténues de l’habitat du iiie siècle, c’est dans le courant du iie siècle, probablement vers le milieu, que sont construites plusieurs maisons ouvrant sur le tratturo, chemin de transhumance qui deviendra le decumanus maximus. Ces maisons sont caractérisées par des murs à élévation de briques crues et des sols en opus signinum. Certaines possèdent un impluvium, ce qui suppose l’existence d’un plan à atrium. L’une de ces maisons comportait une installation artisanale dotée de deux cuves et d’amphores à col coupé, peut-être destinées à recueillir l’urine (fig. 4). Cette installation a été identifiée comme une fullonica (Matteini Chiari 1988, p. 20-21 ; Gaggiotti 1991 ; De Benedettis 1988, repris par Morel 1991, p. 200). Les vestiges étant peu caractéristiques, cette hypothèse est surtout fondée sur une série de déductions. Saepinum est une ville de transhumance : on y travaillait donc la laine et, en conséquence, une installation possédant des cuves ne peut être qu’une fullonica. C’est oublier que les petites fullonicae étaient des ateliers voués au nettoyage et à l’apprêt des habits usagés plus qu’aux travaux de finition de vêtements neufs. La fonction d’un telle fullonica au service des habitants de la ville n’aurait probablement que peu de rapport avec la production primaire de textile en laine : Miko Flohr a montré que les fullonicae étaient implantées non dans les centres de production, mais dans les villes où le statut social des notables requérait des vêtements impeccables4. Manquent ici les équipements caractéristiques des fouleries : les bassins de foulage proprement dits, qui, certes, pouvaient être situés hors de la zone sondée. D’autres producteurs utilisaient des cuves quadrangulaires : vignerons, fabricants de salaisons de poisson, etc. Il n’est donc pas démontré que l’installation artisanale du iie siècle corresponde à une fullonica.

Fig. 5. Plan de Saepinum durant le Haut-Empire, d’après Matteini Chiari 1988, fig. 28.

15Ces maisons ont été détruites dans le dernier quart du iie siècle par un incendie qui semble avoir ravagé toute la zone. Cet événement a été rapidement suivi de l’édification de demeures aux pièces souvent dotées de pavements en opus signinum décorés de losanges et de grecques. L’une des pièces, dans le sondage D, présentait une petite cuve qui suggère une continuité de l’activité artisanale dans cette zone. Ces maisons ont été toutes rasées lors de l’opération d’urbanisme qui a consisté à construire la place dallée et à l’entourer de temples et de bâtiments publics au début du ier siècle apr. J.-C. (fig. 3).

La ville sous le Haut-Empire

16Après la guerre sociale, la citoyenneté ayant été conférée à toutes les cités italiennes, Saepinum devint municipe. Elle était alors dirigée par des quattuorviri. Une réforme intervint probablement à la fin du règne d’Auguste : la construction des remparts semble manifester un changement de statut. Le quattuorvirat fut remplacé par le duumvirat à une date qui pourrait coïncider avec des assignations de terre évoquées par le Liber coloniarum (237, 14-16). À cette même époque, le territoire de la cité aurait été centurié selon une grille de 710 m de côté et des terres auraient été données aux vétérans des armées de Germanie ayant servi sous Tibère et Drusus.

Fig. 6. La Porta Bojano vue de l’ouest.

17L’agglomération ne prit son aspect monumental qu’après que Tibère et Drusus eurent financé la construction des murailles et des portes. Les inscriptions gravées sur l’architrave des quatre portes sont identiques. Celle de la Porta Bojano donne le texte le plus complet (CIL IX, 2443) :

Ti(berius) Claudius Ti(beri) f(ilius) Nero pont/i(fex), co(n)s(ul) [II imp(erator) I]/ trib(unicia) po(testate) V/Nero Claudius Ti(beri) f(ilius) Drusus Germ(anicus) augur c[o(n)s(ul)] imp(erator) [II] / murum portas turris d(e) s(ua) p(ecunia) f(aciendum) c(uraverunt).

18Les travaux de construction des remparts furent donc inaugurés à une date située entre 2 av. J.-C. et 4 apr. J.-C. (fig. 6). Il s’agissait d’offrir à Saepinum un cadre digne d’un municipe et de sécuriser une grande artère de transhumance en permettant l’accueil des voyageurs et des troupeaux en toute sécurité.

19L’enceinte, défendue par 29 tours, mesure 1270 m de long. Dessinant un quadrilatère irrégulier, elle enclot 12 hectares. Les quatre portes charretières situées aux extrémités des axes principaux sont ornées de statues des prisonniers germaniques qui pourraient rappeler que l’enceinte fut construite grâce au butin ramené des campagnes victorieuses que Tibère et Drusus menèrent en Germanie jusqu’en 11 av. J.-C. Les clefs de voûte portent des bustes qui pourraient faire allusion aux mêmes événements (Mars), à la gens Iulia (Vénus) et à la transhumance (Hercule).

Fig. 7. Le forum et la basilique.

Fig. 8. Le marché.

20C’est à la même époque que sortent de terre les principaux monuments qui se pressent autour du forum : le capitole, la basilique et le marché (fig. 7-8).

21L’aqueduc de Saepinum qui amène l’eau depuis une source du flanc nord du Matese a été repéré en plusieurs endroits, notamment aux abords de la ville, près de la Porta Benevento. Sa construction est généralement attribuée à l’époque augustéenne sur la foi de l’installation des fontaines offertes par C. Ennius Marsus, mise en relation avec le comblement d’un puits augustéen dans la zone du forum (D’Agostino, D’Henri 1982, passim). Mais la question chronologique reste à éclaircir car l’aqueduc est postérieur à la muraille, puisqu’il s’appuie sur elle et utilise une tour comme château d’eau selon une pratique courante attestée par exemple à Tipasa et à Fréjus. Cette chronologie relative n’apporte toutefois aucun élément de chronologie absolue.

22La cité fut embellie à l’époque flavienne et antonine, surtout par la gens Neratia dont plusieurs membres furent consuls et l’un d’eux, Lucius Neratius Priscus, jurisconsulte célèbre et conseiller de Trajan (Camodeca 2007).

La ville durant l’Antiquité tardive

23Les témoignages épigraphiques rapportent une série de restaurations effectuées dans les édifices publics, notamment dans la basilique, par Fabius Maximus, entre 352 et 357 apr. J.-C. Ce grand personnage fut le premier rector de la province du Samnium créée vers le milieu du ive siècle (Gaggiotti 1978). Il est intervenu à Allifae, à Aesernia, à Saepinum et à Iuvanum pour restaurer des bâtiments publics ou pour faire construire des édifices nécessaires au fonctionnement administratif de la province nouvellement créée : c’est le cas des bâtiments appelés secretaria. À Saepinum, les inscriptions montrent que les restaurations dans la basilique, dans le tribunal ainsi que dans les Thermae Silvani et la Porticus thermarum ont été réalisées pour remédier à leur vétusté. Selon G. Soricelli, cette action évergétique aurait été exercée dans le cadre des fonctions de gouverneur exercées par Fabius Maximus et ne serait pas liée, comme on l’a longtemps pensé, au tremblement de terre de 346, qui n’affecta peut-être que la Campanie et non le secteur au nord du Matese (Soricelli 2009).

24La ville de Saepinum continue d’être occupée durant tout le ve siècle puisqu’un évêque y est attesté en 501 apr. J.-C. Dès le ive siècle, l’ancien temple italique de San Pietro di Cantoni avait d’ailleurs été transformé en église à trois nefs. Il semble que la guerre gréco-gothique des années 535-553 ait provoqué un abandon au moins partiel de la ville dont les monuments et les remparts n’étaient plus entretenus depuis longtemps. Mais on ne sait pas précisément quand l’agglomération fut désertée. Au viie siècle, des tombes sont creusées sur le forum, mais certaines habitations semblent avoir été encore occupées jusqu’aux incursions des Sarrasins du ixe siècle.

25Le site est à nouveau attesté au Moyen Âge sous le nom d’Altilia. Des actes concernant le monastère de Santa Maria Vergine, datés des années 1108 et 1118, indiquent que cet établissement était implanté dans la vetus civitas Sepina, désormais désertée au profit du village de Sepino situé sur un éperon rocheux aisément défendable.

Une étape de transhumance

26La ville de Saepinum s’est créée au carrefour d’un axe de communication traversant le massif du Matese et de la grande voie de transhumance (tratturo) qui reliait l’Apulie aux pâturages d’été dans les Abruzzes (Pasquinucci 1979). Le premier de ces itinéraires, un chemin muletier, a conservé durant toute l’époque romaine un rôle essentiel de communication directe avec la Campanie, d’une part, et la côte adriatique, de l’autre.

  • 5 La transhumance, nécessitée par le climat, existe certainement depuis l’âge du Bronze mais sous fo (...)
  • 6 Varron évoque les troupeaux appartenant aux aristocrates romains ou aux riches propriétaires de do (...)
  • 7 Corbier 1983 ; 1991 ; 2007. Rappelons seulement le cas des 600 bergers conduits par Bulla Felix, q (...)

27Le tratturo qui parcourait la vallée du Tammaro a pris une grande importance à partir du iie siècle av. J.-C. avec le développement de la transhumance à longue distance5. La fin de la deuxième guerre punique réunit les conditions économiques et sociopolitiques autorisant son essor : libre circulation des troupeaux, capitaux abondants, demande en laine soutenue, disposition de vastes terres de pacage. En effet, la confiscation des terres des Samnites et des cités d’Apulie, alliés d’Hannibal, entraîna la déduction de colonies et une extension considérable de l’ager publicus. De riches Romains et leurs alliés ont pu alors investir dans l’élevage ovin à grande échelle, qui nécessitait une transhumance à large rayon6. Notre meilleure source sur ce phénomène, Varron (R.R. II, 10, 11), évoque des troupeaux unitaires peu importants (700 à 800 bêtes) que l’on devait grouper pour transhumer, mais de riches éleveurs possédaient plusieurs dizaines de milliers de bêtes ; le nombre d’esclaves bergers impliqués dans les guerres serviles du ier siècle av. J.-C., les révoltes et les brigandages des siècles postérieurs témoigne de l’ampleur des troupeaux7.

28Dès la fin du iie siècle av. J.-C., l’État réglementa la circulation des animaux. La loi agraire de 111 av. J.-C. garantit la libre utilisation des voies (calles) et le paiement d’un impôt (scriptura) pour l’usage de l’ager publicus. Par la suite, tout au long de l’Empire, des textes réglementaires concernent les taxes, la location des pacages, le libre parcours des troupeaux et l’interdiction de leur divagation. Parmi eux, la fameuse inscription gravée sur la porte Boiano de Saepinum publie un rescrit impérial daté de 169-172 proclamant la libre circulation des troupeaux et réprimant les abus des autorités locales (CIL IX, 2428). L’ensemble de cette documentation atteste la continuité de la grande transhumance et, par conséquent, de l’élevage ovin sur une large échelle jusqu’au haut Moyen Âge, impliquant la permanence d’une forte demande en viande, fromages et surtout laine et cuir (Corbier 1991, p. 153-165).

29C’est ce contexte qui donne tout son intérêt aux installations artisanales de Saepinum, qui eurent une longue durée de fonctionnement et connurent des évolutions notables probablement en rapport avec le passage des troupeaux.

Notes

1 Un bon résumé de l’histoire de Saepinum est donné dans Matteini Chiari 1988 et 1997 ; voir aussi De Benedettis, Gaggiotti, Matteini Chiari 1993

2 Dans la zone que nous avons fouillée, dans la pièce où est installé le puits d’engrenage du moulin, une fosse était remplie de matériel de la in du iiie siècle av. J.-C.

3 Sur la première inscription écrite en osque, voir Vetters 1953, no 190. La seconde cite un personnage nommé Dekis Hereiis Dekkieis, défini comme Saipinaz (Vetters 1953, no 5c7).

4 Voir en dernier lieu Bradley 2002 et, avec des nuances prenant en compte la taille des installations, Flohr 2005 ; 2013.

5 La transhumance, nécessitée par le climat, existe certainement depuis l’âge du Bronze mais sous forme de déplacements de courte distance entre les plaines côtières et les montagnes de la chaîne des Apennins, toute proche. Les chemins de transhumance anciennement tracés ont dû être fréquentés ou délaissés au gré des vicissitudes historiques, notamment des guerres (Grenier 1905 ; Giardina 1981 ; Frayn 1984 ; Gabba 1988 ; Pasquinucci 1990).

6 Varron évoque les troupeaux appartenant aux aristocrates romains ou aux riches propriétaires de domaines agricoles cultivés en céréales, oliviers et vignes dans les plaines, notamment apuliennes (Varron R.R. II, 6, 5 ; Strabon VI, 3, 9).

7 Corbier 1983 ; 1991 ; 2007. Rappelons seulement le cas des 600 bergers conduits par Bulla Felix, qui terrorisèrent l’Apulie pendant deux ans sous Septime Sévère (Dion Cassius LXX, 10, 2-7).

Table des illustrations

Légende Fig. 1. Carte indiquant la situation de Saepinum
URL http://books.openedition.org/pcjb/docannexe/image/5484/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 374k
Légende Fig. 2. Chemin de transhumance traversant Saepinum d’est en ouest, aménagé en decumanus maximus. Vue prise de la porte Bojano ; au fond, le forum.
URL http://books.openedition.org/pcjb/docannexe/image/5484/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 524k
Légende Fig. 3. Vue aérienne du forum de Saepinum avec indication des sondages.
URL http://books.openedition.org/pcjb/docannexe/image/5484/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 1,0M
Légende Fig. 4. Plan des maisons et de la supposée fullonica du iie siècle av. J.-C., d’après Matteini Chiari 1988, fig. 14.
URL http://books.openedition.org/pcjb/docannexe/image/5484/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 312k
Légende Fig. 5. Plan de Saepinum durant le Haut-Empire, d’après Matteini Chiari 1988, fig. 28.
URL http://books.openedition.org/pcjb/docannexe/image/5484/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 332k
Légende Fig. 6. La Porta Bojano vue de l’ouest.
URL http://books.openedition.org/pcjb/docannexe/image/5484/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 540k
Légende Fig. 7. Le forum et la basilique.
URL http://books.openedition.org/pcjb/docannexe/image/5484/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 532k
Légende Fig. 8. Le marché.
URL http://books.openedition.org/pcjb/docannexe/image/5484/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 619k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search