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Chapitre V. Fondements d’une archéologie du bâti à Herculanum
p. 225-253
Texte intégral
« Tout le principe de la construction tient et se résume en une seule chose : réunir avec ordre et assembler avec art de nombreux matériaux – pierres de taille, moellons, bois ou tout ce que tu voudras d’autre – afin d’en tirer une construction solide et, autant que possible, entière et bien liée.
[…] Il faut donc examiner quelles sont les parties principales de la construction, quelles sont leurs lignes et quel est l’ordre selon lequel elles se succèdent. Les parties de la construction à exécuter ne sont guère obscures […] Mais tout le monde ne saisit pas ce qui est propre à chaque partie ni ce qui la distingue des autres ».
Leon Battista Alberti, De re aedificatoria, III, 1 (édition et traduction P. Caye et F. Choay, « Sources du savoir », Paris, éd. du Seuil, 2004, p. 139).
1La méthode consistant à définir les phases d’évolution d’un bâtiment en observant les variations de ses techniques de construction n’est en rien nouvelle. Son emploi a été systématisé à Pompéi au début des années 1980 par R. Ling et son équipe dans l’îlot I 10 avant de devenir le point de départ de toute recherche archéologique dans les villes ensevelies par le Vésuve et d’être également utilisée dans d’autres sites, à Rome ou à Ostie par exemple1. Un exposé de cette méthode et de la façon dont j’ai tenté de l’appliquer à Herculanum est rendu nécessaire pour bien cerner les possibilités qu’elle offre, mais également ses limites d’application. La principale difficulté reste le basculement d’une chronologie relative, obtenue par l’observation des relations stratigraphiques entre les différentes formes de mise en œuvre, à une chronologie absolue permettant de discerner à grands traits l’évolution du tissu commercial dans la ville.
2Je préciserai d’emblée un point de sémantique. J’ai intentionnellement utilisé le terme d’archéologie « du bâti », plutôt que « de la construction ». Une définition de cette seconde expression a été proposée par H. Dessales dans le volume consacré à l’étude des châteaux d’eau d’Ostie2. Il s’agit d’une extension de la définition de l’archéologie du bâti, débordant le seul cadre de l’étude matérielle d’un édifice, pour tendre à la restitution des gestes, de l’organisation du chantier, etc. Ce glissement donne des objectifs plus larges, conduisant finalement à une histoire des techniques appliquée à la construction maçonnée, que la simple expression d’archéologie du bâti, dont je limiterais l’extension à l’étude des formes de maçonnerie, avec pour principal objectif de définir des rapports chronologiques. Dans certains cas, notamment pour les murs réparés ou construits après 62, quelques-unes de mes remarques peuvent tendre vers l’archéologie de la construction. Toutefois, dans l’ensemble, je ne chercherai pas à tirer de conclusions économiques ou sociales par les techniques de construction en elles-mêmes.
V.1 Les techniques de mise en œuvre dans la construction à Herculanum
3L’utilisation des formes de construction pour comprendre les rythmes de la vie urbaine à Herculanum s’inscrit dans une tradition remontant à A. Maiuri. Ce n’est pourtant pas avant la fin des années 1980 qu’une étude systématique a été développée par Th. Ganschow, ensuite revue et amendée sur certains points par une équipe néerlandaise conduite par R. de Kind et M.C. van Binnebeke3. Mon étude s’est fondée en très grande partie sur ces recherches, malgré quelques désaccords sur certains points de détail qui seront signalés chemin faisant.
V.1.1 Généralités
4La mise en œuvre dans le monde romain se caractérise par l’emploi de matériaux divers qui sont liés avec des mortiers de chaux. Outre un massif de fondation, un mur se caractérise par deux ensembles formant, après séchage, un bloc concrétionné : le cœur, opus caementicium ou maçonnerie de blocage, enserré entre deux parements. Dans les conditions de préservation qui sont celles d’Herculanum, l’étude du blocage est rigoureusement impossible, sauf lorsque le mur s’écroule. Pour les quelques rares parois qui n’ont pas été restaurées dans leur élévation antique, une chape de béton empêche également une telle étude. Quand bien même une autopsie du blocage serait possible, elle n’apporterait que peu d’informations utilisables pour déterminer une chronologie : les fragments utilisés dans cette portion des murs sont généralement du tout-venant, débris de taille, tessons, etc., sans choix ni organisation, à l’exception des limites de banchées correspondant aux rythme des arrêts dans la construction. Dès lors, seuls les parements permettent de définir un « style » de construction. D’une façon générale, leur définition repose sur l’homogénéité – de matériaux, de dimensions et d’assemblage des moellons – qu’ils présentent4. Les matériaux utilisés à Herculanum sont sensiblement différents de ceux de Pompéi, bien que leur nature volcanique domine largement5. Le calcaire dit « du Sarno » est complètement absent d’Herculanum. En revanche, différents types de lave ont été employés, de sa forme compacte de couleur gris-bleu à sa forme plus aérée, « spongieuse », la cruma, de couleur rouge-violet. Parmi les matériaux volcaniques, le tuf a été particulièrement utilisé à Herculanum. Trois grandes catégories sont visibles : le tuf gris, dit de Nocera, essentiellement utilisé pour les seuils et colonnes ; le tuf « rougeâtre » dont la couleur varie du brun au rosé, plus facile à travailler mais moins résistant que le précédent ; le tuf jaune enfin. Ce dernier est certainement le matériau le plus employé dans la ville. La localisation des gisements utilisés à Herculanum reste à préciser dans les Champs Phlégréens. Le tuf jaune alors employé se caractérise par ses faibles inclusions basaltiques et surtout par une coloration jaune à reflets verts, au contraire du tuf utilisé lors des restaurations qui est jaune légèrement orangé et montre de nombreuses inclusions de basalte, ce qui facilite parfois la distinction des murs antiques de ceux qui ont été reconstruits lors de la fouille6. En ce qui concerne la restauration, rappelons un point central : les travaux de reconstruction précèdent souvent la fouille et se caractérisent par un remploi fréquent mais non systématique des moellons provenant de la destruction des éléments instables de la maçonnerie antique. Si certaines parois sont restaurées en utilisant une technique similaire à celle de la construction d’origine, il reste impossible de se fier aux éléments reconstruits. Enfin, la distinction entre les constructions antiques et les restaurations modernes peut s’effectuer en analysant les photos réalisées lors de la fouille, alors que le mortier moderne est encore frais, mais également par certaines différences de matériaux (moellons et mortier) ou de traitement des joints.
V.1.2. Typologie des mises en œuvre
5Huit grands types de construction ont été mis en œuvre pour l’élaboration des murs, à partir de la première version d’une typologie valable à Herculanum proposée par A. Maiuri puis modifiée entre les années 1980 et 19907. Les premiers relèvent de la catégorie de l’opus incertum. Depuis les travaux de G. Lugli, ce nom est donné aux murs dont le parement est constitué de moellons pas ou peu retaillés, généralement assemblés avec une forte quantité de mortier8. En fonction de la nature des matériaux employés et du travail de taille effectué, quatre principaux types ont été identifiés. Le premier (opus incertum A, abrégé en Inc.A) est constitué de blocs et de moellons de lave, généralement non retaillés. La taille de ces pierres est telle que les caementa sont pratiquement inexistants. La différence entre les rares murs construits de cette façon qui subsistent et les murs en pierres sèches tient dans un emploi très abondant de mortier comme liant dans le premier cas9. Le second type (opus incertum B, abrégé en Inc.B) se caractérise également par l’emploi de moellons de lave. Toutefois, contrairement au type précédent, ils sont sélectionnés et retaillés. Leur taille varie entre 10 et 25 cm. Des sous-types ont été identifiés en fonction de la nature de la roche volcanique qui domine dans les parements. Le type Inc.B correspond à l’emploi de lave pas ou peu poreuse, de couleur bleue ou grise. En revanche, dans le type Inc.B1, les moellons sont essentiellement en ponce de couleur rouge. Quant à l’Inc.B2, il reprend les caractéristiques de l’Inc.B mais se distingue de ce dernier par son mortier très sableux qui présente de nombreux nodules de chaux adhérant mal aux moellons10. Le troisième type d’opus incertum (Inc C) correspond à l’introduction du tuf rossiccio et du tuf jaune dans la construction. Les moellons du premier sont de taille moyenne à grande (jusqu’à une vingtaine de centimètres), tandis que les seconds sont plus petits (10-15 cm) mais irréguliers11. Enfin, l’opus incertum D (Inc.D) se caractérise par des moellons d’origines volcaniques assez diverses, associés à des morceaux de béton de tuileau ou des fragments de tuiles, briques et autres objets céramiques. Le mortier est, encore plus que celui qui compose l’Inc.B², riche en chaux. Il déborde largement d’entre les blocs mal taillés12.
6La seconde grande catégorie de construction des murs tire son nom de l’aspect des parements : les moellons, taillés plus ou moins grossièrement en forme de pyramide à base sensiblement quadrangulaire, forment, une fois assemblés, comme un filet13. L’opus reticulatum n’est réalisé à Herculanum qu’avec du tuf – jaune ou rossiccio. Le premier type constitue une transition formelle entre l’Inc.C et l’opus reticulatum achevé. Les moellons constituant l’opus reticulatum grossier tendent à une certaine régularité, sans avoir toutefois la forme de véritables carrés sur pointe : ils sont plus proches du trapèze et leur alignement reste passablement irrégulier. Notons toutefois que la distinction entre ce type de mise en œuvre et l’Inc. C’est parfois assez délicate à faire, à tel point qu’A. Maiuri a réfuté son existence14. En revanche, la différence entre les opera reticulata A (Ret.A) et B (Ret.B) est beaucoup plus sensible. Dans le premier, les carrés sur pointe sont taillés très régulièrement et leurs dimensions visibles sont toujours inférieures à 10 cm de côté. Les moellons sont disposés en rangs serrés, laissant des joints rarement supérieurs à 1 cm. Dans quelques cas, certains moellons ne sont pas en tuf, mais en ponce rouge, de façon à dessiner des motifs polychromes15. Le Ret. B se caractérise en revanche par des quadrilatères plus grossiers – 10 à 13 cm de côté – en rangs moins serrés16. Enfin, la dernière façon de construire des murs est la technique du pan de bois hourdé, l’opus craticium. Essentiellement utilisé pour des cloisons non porteuses et dans les étages, ce type de construction aurait eu des vertus parasismiques. Dans les différents exemples restaurés à Herculanum, ces cloisons apparaissent souvent dénuées de sablière basse : les poteaux reposent directement sur le sol, parfois plantés, comme dans le cas de l’appartement V, 17. L’exemple de la pièce 5 de la Casa di Nettuno e Anfitrite (V, 6-7) pourrait toutefois autoriser la restitution d’une telle sablière. Des entretoises, disposées entre les poteaux définissent des espaces qui sont hourdés avec une maçonnerie en tout-venant17.
7Outre les types de construction utilisés pour les parois, plusieurs opera n’ont été utilisés que pour l’encadrement des portes et fenêtres. Les matériaux utilisés sont sensiblement les mêmes que pour les murs. Le tuf rossiccio et parfois le tuf gris sont employés comme montant de portes. Taillé en blocs larges de 40 à 60 cm, de hauteur variable, il est plus particulièrement associé avec des parois en opus incertum18. Aucun mur n’a été érigé avec un tel opus quadratum, toutefois, des blocs de tufs sont parfois insérés comme piliers corniers, ou comme support des solives d’un compluvium dans le cas de la Casa dell’Apollo citaredo (V, 9-12)19. Dans quelques rares exemples, des blocs de taille plus réduite sont utilisés comme montants de fenêtre20.
8Avec le développement de l’utilisation du tuf jaune, apparaissent trois formes de maçonnerie majoritairement employées comme montants de portes et fenêtres. La première est l’opus vittatum (Vit.) : elle se compose de moellons équarris, assemblés en assises régulières, formant un appareil isodome ou quasi isodome de taille réduite. Les moellons sont hauts et épais de 8 à 10 cm, longs de 8 à 30 cm. Ils peuvent être utilisés pour former des arcs de décharge, insérés dans des parois construites en opus incertum ou en opus reticulatum, comme dans la façade des thermes – au-dessus de la porte VI, 9 – ou dans celle de la Grande taberna, entre IV, 14 et IV, 1521. Notons qu’aucune paroi n’est intégralement construite en opus vittatum : si certains pans de murs n’emploient que cette technique de construction, ils constituent toujours des montants dont la largeur a été quelque peu allongée. Deux variantes de cette technique existent : elles consistent à alterner une ou plusieurs assises de briques avec les moellons en tuf. Cet opus vittatum mixtum (Vm) doit être strictement divisé en fonction du nombre d’assises de briques employées22 : sauf en cas de reconstruction abusive, ils ne sont jamais employés ensemble. Pour bien comprendre la répartition de cette mise en œuvre, j’ai jugé préférable de la distinguer de l’opus vittatum mixtum à plusieurs assises alternées de briques (Vm2). Des terres cuites architecturales ont également été employées, dans la construction privée, essentiellement pour l’érection de montants23. Les autres attestations de l’emploi de cette technique d’opus testaceum ont été observées pour des chaînages ou pour des reconstruction d’angles. L’emploi des briques et des tuiles ne se limite pas aux seuls montants des portes et fenêtres, mais peut avoir été étendu à certaines colonnes et piliers.
9Un dernier type de maçonnerie doit être mentionné : le remplissage par coffrage24. Cette mise en œuvre se distingue par son absence de parement maçonné et donc l’impossibilité de la rattacher aux opera précédents : du béton avec des inclusions de natures très diverses (moellons, tessons, fragments de sol, etc.) est jeté dans des coffrages de planches. Cette technique est fréquemment utilisée pour condamner portes et fenêtres. Elle peut également être employée pour des parois ou pour une seule face d’un mur, l’autre étant appareillée plus régulièrement.
V.1.3 Principes de chronologie relative : l’exemple de la façade nord-est de la Casa del tramezzo di legno (III, 8-10)
10À partir de la définition de ces différents types d’opera, on doit esquisser les rapports chronologiques qui existent entre eux. Quelle que soit la durée d’utilisation de chacune de ces mises en œuvre, il nous faut considérer que, dans un même édifice, l’emploi d’une technique donnée correspond à une unique phase de travaux. L’analyse des relations stratigraphiques de ces différentes portions de maçonnerie, soit la détermination de la façon dont elles s’appuient les unes aux autres, permet de proposer une chronologie relative par pan de mur, puis par édifice. Il va de soi que la contemporanéité dans l’emploi d’une technique de construction peut céder le pas à des anomalies stratigraphiques : deux phases d’utilisation de l’opus reticulatum B peuvent ainsi être distinguées dans l’atelier Or. II, 18. Le but de cette analyse n’étant pas de proposer une réflexion sur l’histoire des techniques de construction, il n’est pas question de dresser la « micro-stratigraphie » qui correspondrait aux opérations successives d’un même chantier.
11Au titre d’illustration de ces principes, l’étude de la façade s’étendant sur le côté nord-est de la Casa del tramezzo di legno, entre l’entrée 8 d’une probable boutique communiquant avec la domus et l’atelier III, 10 constitue un exemple fécond25. Comme souvent à Herculanum, la proportion de maçonnerie restaurée est extrêmement élevée : sur une surface de 38 m2, ce sont près de 24 m2 (63 %) qui paraissent avoir subi une restauration moderne perceptible notamment par l’utilisation de tuf jaune très vif, assemblé en moellons serrés. L’insertion après la fouille de linteaux en béton armé ou en bois, en remplacement des pièces antiques, est visible non seulement par les matériaux en eux-mêmes, mais également par la présence d’un arc naturel de rupture au-dessus de la position précédemment occupée par linteau, toujours rempli de maçonnerie de restauration. Le mode opératoire des travaux de consolidation des murs lors de la fouille explique la forme parfois absurde que peuvent revêtir les unités construites : les photos d’archives montrent toujours une forêt d’étais empêchant les murs de tomber ou de se renverser (fig. 110).
12Sept types différents de maçonnerie supposés antiques ont été identifiés (fig. 111). Le premier n’est discernable que par les quelques moellons préservés situés dans l’entrée III, 9 : des blocs de lave bleue subsistent sous le montant occidental de la porte et à l’emplacement où aurait dû se trouver le seuil. Ce sont toutefois majoritairement les pierres utilisées dans le blocage qui sont visibles, laissant planer un doute pour une identification correcte du type utilisé, que l’on supposera être de l’opus incertum B. La majeure partie de la façade correspondant à la porte 9 est construite en opus reticulatum B (Ret. B), le côté oriental de l’entrée ainsi que trois des quatre montants des deux fenêtres percées dans cette paroi sont en opus vittatum. Selon les statistiques dressées par Th. Ganschow, ces deux types d’opera sont très fréquemment associés26. La réalisation de cet opus reticulatum B est parfois proche du reticulatum grossier, en particulier dans les 45 premiers centimètres de l’élévation, où des moellons de lave et un fragment de céramique remplacent par endroits les carrés sur pointe en tuf. Deux autres formes de construction ont en revanche été utilisées pour la façade de la boutique III, 10, pour autant que l’on puisse en juger, puisque seul le côté occidental a été partiellement épargné par les galeries du XVIIIe siècle et les restaurations du XXe siècle. La partie principale de la paroi est construite avec un appareil d’opus reticulatum A présentant quelques irrégularités27. Au sommet de la partie conservée se trouvent deux encastrements de poutres, délimités par des briques ou des tuiles. Le montant occidental semble presque intégralement reconstruit. Deux assises de briques encadrant une assise de moellons de tuf jaune ont toutefois été préservées de la destruction, autorisant les restaurateurs à effectuer la restitution d’un montant intégralement construit en opus vittatum mixtum à un seul rang de briques. Au-dessus de cette première forme d’opus reticulatum A s’en trouve une seconde, plus nette et plus régulière dans sa mise en œuvre. La limite entre les deux reste relativement simple à distinguer, en dépit de sa ligne arrondie et irrégulière. À 3,88 m du trottoir, neuf empreintes rondes d’encastrements ont été identifiées à intervalles réguliers28. Le sixième type de mise en œuvre est constitué par l’opus testaceum. Il a été employé en deux endroits différents : comme montant occidental pour les entrées III, 8 et III, 10 ; comme parement externe en correspondance du mur de refend séparant les espaces III, 9 et III, 10, sur toute la hauteur préservée de la façade. Un détail de mise en œuvre doit être noté : le côté oriental est sensiblement régulier et passablement rectiligne, tandis que des chaînages crénelés avec le mur en opus reticulatum B ont été ménagés sur le côté occidental. Enfin, l’opus vittatum mixtum à deux rangs de briques (Vm2) sert de montant occidental à la porte III, 9.
13Pour comprendre la succession des phases de transformation de cette façade, il faut prendre en considération les rapports entre ces différents appareils. Pour l’essentiel, ils se discernent facilement, la simple superposition permettant de déterminer quelle mise en œuvre est postérieure à quelle autre29 : l’opus reticulatum A très régulier s’appuie sur la construction de même type moins régulière, il lui est donc postérieur. L’opus incertum B, n’est physiquement couvert que par le Vm 2 ; il passe à travers le seuil de la porte III, 9 et pourrait donc s’être prolongé sous le mur construit en Ret. B. Deux relations doivent être explicitées plus particulièrement. La première concerne le bloc vertical construit en briques. Trois liens différents sont perceptibles. À l’ouest, la relation avec l’opus reticulatum B est assurée par un chaînage crénelé : tous les 30 cm environ, les briques débordent sur le Ret. B de 27 à 30 cm. Comme le réticulé est ici associé principalement à l’opus vittatum, les assises de briques paraissent lui être postérieures, de telle façon que la paroi en Ret.B a été partiellement retaillée pour accroître sa cohésion avec les briques. Le même principe a été appliqué dans les relations entre la paroi en briques et le mur en Ret.A peu régulier. Toutefois, au lieu de construire des chaînes régulières et sensiblement carrées, l’accroche entre les deux types d’appareils suit une ligne sinusoïdale30. À peine la limite entre les deux opera reticulata A est-elle dépassée que l’extrémité orientale de la paroi en briques devient presque verticale. Cette situation empêche de déterminer avec certitude les rapports de succession entre les briques et le Ret. A très régulier. Toutefois, comme la paroi en opus reticulatum A peu régulier est antérieure à ce dernier et aux briques, et comme une série de poutrelles est disposée sur les briques et sur le Ret.A, celui-ci est soit contemporain des briques, soit à peine postérieur à celles-ci. Le second point tient aux relations du montant situé entre les portes 8 et 9. Alors que le côté oriental du pilier en briques est relativement régulier, à 66 cm du trottoir, il est creusé sur 33 cm, comme s’il avait été rogné pour faciliter l’accrochage de l’opus vittatum mixtum à deux assises de briques. L’observation rapprochée des mortiers différents de ces deux montants permet de confirmer que le Vm 2 s’appuie sur les briques.
14Une chronologie relative peut dès lors être esquissée. Rien ne peut être dit de la première phase caractérisée par l’opus incertum B, trop peu conservé. Au cours de la phase suivante, le premier mur est arasé. À sa place, une paroi en opus reticulatum B est construite : deux fenêtres et la porte 9 y sont percées ; leurs montants sont en opus vittatum. Dans une troisième phase, une boutique est créée à l’emplacement de III, 10. Ses parois sont en opus reticulatum A peu régulier, les deux montants de la porte en opus vittatum mixtum à une assise de briques. L’étage est doté d’une avancée sur la rue comme en témoignent les poutres quadrangulaires encastrées. La transformation successive est caractérisée par l’insertion d’un pilier en briques dans la façade. Dans la partie supérieure, l’avancée sur la rue est démantelée et un nouvel opus reticulatum A plus régulier est disposé. Dans ces deux nouveaux murs, on insère des poutrelles rondes qui plus sont caractéristiques d’un appentis que d’une nouvelle avancée sur la rue. Au cours des même travaux, le montant oriental – et peut-être également celui situé à l’ouest – de la porte 8 est (re)construit en briques. Enfin, la dernière phase est marquée par la seule reconstruction du montant ouest de la porte 9 en opus vittatum mixtum à deux assises de briques. Je reviendrai plus loin sur l’interprétation à donner à cette succession de travaux et sur leur insertion dans une chronologie « absolue »31.
15La forme d’analyse détaillée développée pour la façade nord-est de la Casa del tramezzo di legno a été menée sur l’ensemble du site – façades et espaces internes –, à l’exception de l’Insula Orientalis Ia32. Pour éviter un développement fastidieux lors de la présentation synthétique de ces résultats, les données ne seront pas autant détaillées, sauf sur des points importants ou pouvant appeler une discussion.
V.2 Herculanensis oppidi pars ruit (Sen., Nat., 6, 1, 2) : questions sismiques
16Parmi les facteurs nécessaires à la compréhension de l’évolution du bâti à Herculanum, les problèmes sismiques sont parmi les plus importants. En effet, le séisme de 62 ap. J.-C. est l’un des jalons majeurs de l’histoire des deux villes ensevelies par le Vésuve33. Leur situation serait, estime-t-on en général, radicalement modifiée après qu’elles ont subi des destructions plus ou moins importantes : en 62 commencerait l’ultima fase, derniers moments de vie marqués par d’importants travaux de restauration, toujours en cours lors de l’éruption de 79. De la sorte, les dix-sept dernières années correspondraient – pour certains chercheurs – à un ralentissement et même à une décadence de l’économie et de la société des deux cités, radicalement transformées par la catastrophe. En se cantonnant au seul domaine architectural, les dégâts provoqués par le séisme seraient des témoins de ces changements : les travaux réalisés indiqueraient les nouvelles orientations prises par les sociétés de ces deux villes, mais offriraient également à rebours un cadre de compréhension à la situation « d’avant ». Depuis quelques années, cette vision a été modifiée par des contributions ponctuelles, essentiellement sur Pompéi, rassemblées au cours d’un colloque qui s’est tenu en 1993, tendant toutes à suggérer l’existence d’au moins un second tremblement de terre entre 62 et 7934. L’analyse de ces données récentes et la mesure de leur portée éventuelle pour l’évolution d’Herculanum restent à effectuer.
V.2.1 Les attestations littéraires et épigraphiques des phénomènes sismiques
17Les commentaires de Sénèque sur les phénomènes sismiques constituent l’une des sources les plus détaillées sur le séisme antérieur à l’éruption :
Pompeios, […] consedisse terrae motu vexatis quaecumque adiacebant regionibus,[…] audivimus, et quidem hibernis diebus[…]. Nonis Febuariis hic fuit motus Regulo et Verginio consulibus, qui Campaniam […] magna strage vastavit : nam et Herculanensis oppidi pars ruit dubiequestant etiam quae relicta sunt […]. Neapolis quoque privatim multa, publice nihil amisit leviter ingenti malo perstricta […]35.
18À propos du même phénomène, Tacite se contente de souligner qu’un tremblement de terre a frappé Pompéi, sans indiquer les autres villes alentour36. Cependant, les termes employés par Sénèque laissent peu de doutes quant à l’ampleur des dégâts à Herculanum. L’année 64 est marquée par un second séisme, attesté à Naples par Suétone : Néron donnait un récital dans le théâtre qui s’est écroulé à la fin de la représentation, manquant de peu d’y perdre la vie37. La seule présence de l’empereur a rendu cet événement digne de figurer dans les annales. L’ampleur de cette possible secousse ne peut pas être mesurée, laissant ouverte la question d’éventuels dégâts à proximité du Vésuve. Jusqu’en 79, aucune source littéraire ne mentionne d’autres séismes. En revanche, dans sa lettre à Tacite, Pline le Jeune indique très clairement qu’il s’agit de phénomènes courants en Campanie et que la région en a souffert avant l’éruption38. Pour ces secousses précédant l’éruption, ni la magnitude, ni les dégâts subis et encore moins leur répartition dans le temps ne peuvent être déterminés. Il faut souligner cependant que Pline habitait alors à Misène, à proximité des Champs Phlégréens, zone susceptible d’engendrer des séismes. Quand bien même il englobe toute la Campanie dans son témoignage, son vécu, qui fait l’intérêt majeur de ce récit, reste attaché à une zone sismique relativement éloignée du Vésuve.
19Pour les éventuels tremblements de terre postérieurs à celui de 62, la principale attestation épigraphique provient d’une inscription découverte à Herculanum. Trouvée dans l’entrée de la «Palestre » (Or. II, 4), cette plaque commémore des réparations effectuées par Vespasien dans le temple de Magna Mater :
Imp(erator) Caesar Vespasianus aug(ustus) pont(ifex) max(imus) / trib(unicia) pot(estate) vii imp(erator) XVII p(ater) p(atriae) co(n s(ul) vii design(atus) VIII/Templum matris deum terrae motu conlapsum restituit [CIL X, 1406].
20En s’appuyant sur le contexte de découverte mentionné très précisément dans les journaux de fouilles du XVIIIe siècle, G. Guadagno a identifié le temple avec la partie intérieure de la «Palestre »39. Les mesures prises en faveur d’Herculanum par Vespasien sont rappelées par une seconde inscription, trouvée en plusieurs fragments mais restituée dans le local à l’angle nord-ouest de l’aedes Augustalium (VI, 20-24)40. La comparaison entre ces inscriptions et celles qui ont été réalisées à la suite des séismes ayant accompagné l’éruption de 79 montre que le pouvoir impérial a su réagir rapidement, en moins de deux années, à l’exception de Nocera, qui a attendu une intervention de la part de Domitien dans la seconde moitié de 8241. G. Guadagno estime donc que les deux interventions impériales à Herculanum – d’une portée matérielle limitée, mais à forte valeur démonstrative – ne peuvent pas correspondre, comme le voudrait l’historiographie, à des réparations tardives du séisme de 62. Il en conclut donc à l’existence d’un événement autonome, qui se serait produit dans la première moitié des années 7042.
21En utilisant ces données textuelles, des sismologues ont retracé les événements telluriques des années 62 à 79 autour du Vésuve en utilisant le séisme du 5 février 62 comme point de départ. Ils concluent que l’épicentre a dû se trouver au nord-ouest de Pompéi, provoquant des dégâts importants à Pompéi et Herculanum. Surtout, ce tremblement de terre serait de nature volcanique – et non tectonique –, ce qui permettrait de dresser un lien entre ce premier événement et l’éruption de 79. Dès lors, pour reprendre leurs termes, la secousse de 62 serait une pointe énergétique dans un contexte pré-éruptif. Ces analyses rendent donc possible, du point de vue des sciences de la terre, un ou plusieurs séismes, d’ampleur potentiellement moindre que pour celui de 62, au cours des 17 dernières années précédant la catastrophe finale43. Parmi ces secousses, l’une d’entre elles aurait été plus forte à Herculanum dans la première moitié des années 70, permettant à l’empereur de démontrer sa largesse en finançant des restaurations. À ce contexte éruptif s’ajoute, à Herculanum, la mise en évidence d’une activité bradysismique, caractérisée par une alternance de mouvements de subsidence et de remontées du sol. Le dernier événement enregistré par les géologues ayant travaillé sur ce phénomène est une subsidence ayant entraîné un changement du niveau de la mer de 2,5 m dans les années 60 de notre ère44. Comme l’a montré la crise dans les Champs Phlégréens entre 1982 et 1984, ces variations du niveau du sol peuvent être associées à des secousses sismiques.
V.2.2 Retour sur L’ultima fase edilizia di Pompei
22Dans son ouvrage sur la dernière phase édilitaire de Pompéi, A. Maiuri dresse un inventaire très complet des espaces en travaux lors de l’éruption et des réparations déjà effectuées45. Cependant, certaines données invalident la thèse défendue dans L’ultima fase edilizia di Pompei voulant que les travaux inachevés observés au cours des fouilles à Pompéi soient consécutifs au séisme de 62.
23L’hypothèse d’un second séisme a tout d’abord été proposée par K. Schefold, ce qui lui permettait d’expliquer plusieurs problèmes chronologiques liés au IVe style pompéien46. Parmi les données permettant de valider partiellement cette proposition, se trouvent celles recueillies dans la boulangerie de la Casa dei casti amanti (IX 12, 6.8), fouillée à partir de 1987. Comme plusieurs autres espaces consacrés à la même activité, celle-ci a été retrouvée dans un état tel que sa productivité ne pouvait qu’être diminuée avant l’éruption : une seule des quatre meules était alors en état de marche, disposant de son catillus en place sur la meta, tandis que deux autres étaient à terre, avec leur surface interne recouverte d’une couche de mortier, remployées pour faire lever la pâte à pain. Au-delà de ces bouleversements, qu’on pourrait à la rigueur interpréter comme consécutifs au séisme de 62, le four offre un témoignage particulièrement notable. Son angle nord-est présente une fissure sur toute la hauteur du mur diaphragme, réparée par l’insertion de fragments de briques et de tuiles. Sur cette réparation, un enduit blanc a été appliqué, qui a eu le temps d’être noirci par la fumée se dégageant du four. Cette situation suggère trois phases : fissure du four provoquée par un séisme47, réparation, suivie d’une réutilisation. Il s’ensuit que les travaux en cours dans la boulangerie au moment de l’éruption ne peuvent pas être interprétés comme consécutifs au séisme de 6248. Ces travaux scellés par l’éruption ne sauraient être considérés comme résultant de la secousse décrite par Sénèque. En revanche, l’hypothèse d’un second tremblement de terre de peu antérieur à l’éruption semble parmi les plus probables.
24Avec parfois des données moins spectaculaires, ce type d’interprétation constitue la conclusion de la majeure partie des interventions du colloque de Boscoreale. Dans les thermes du Sarno, après avoir constaté un nombre élevé de réparations, A. Koloski Ostrow concluait qu’il était impossible de les lier toutes au séisme de 62. Elle proposait ainsi qu’une partie des dégâts seulement soit liée à ce premier événement. Ils auraient affaibli la structure de l’édifice et auraient facilité un effondrement plus tardif, sous le coup d’un second séisme49. En étudiant les peintures de l’atrium de la Casa degli amorini dorati (VI 16, 7.38), F. Seiler a mis en évidence l’existence de dégâts postérieurs à la réparation de ceux causés par le séisme de 6250. Un autre système d’interprétation a été proposé par S.C. Nappo, en se fondant sur l’étude de maisons concentrées dans la zone sud-est de la Regio I. Selon lui, les restaurations consécutives au séisme de 62 auraient été conduites à leur terme, mais un second séisme aurait ensuite amené de profondes transformations des conditions économiques et sociales, perceptibles par des changements dans la fonction des pièces. Enfin, il attribue les travaux en cours à un dernier séisme antérieur de peu à l’éruption51. Les transformations observées dans la maison I 9, 11-12 par J. Berry lui permettent d’aboutir à une conclusion similaire : après l’amorce de travaux de restauration à la suite des dégâts de 62, cette activité est suspendue dans certaines pièces, qui sont partiellement abandonnées ou dont l’usage est radicalement transformé – d’espace de réception à zone de stockage. Peu avant l’éruption, de nouveaux dommages réduisent encore les espaces habités mais aussi les activités commerciales, comme la destruction du comptoir situé en I 9, 11 le montrerait. Toutefois, des signes de reprise ont également été perçus, interrompus par l’éruption52. Ces exemples, déjà nombreux, incitent à modifier les interprétations concernant le retrait de l’élite foncière hors de la ville pendant les 17 années s’étendant entre 62 et 7953. En l’état actuel, il est difficile, faute de datation absolue des séismes postérieurs à 62, de déterminer si cette deuxième vague de réparations constatée en différents points de la ville résulte d’un même événement ou si la ville a été frappée par une activité sismique continuelle (« on-going seismic activity ») provoquant des dégâts espacés dans le temps54.
25Avant d’étudier la validité de cette proposition à Herculanum, il faut considérer les éventuels modes de construction particuliers employés à Pompéi pour effectuer les réparations consécutives à ces secousses. Une étude de J.-P. Adam a esquissé un catalogue des formes de dommages subis par les constructions pompéiennes en 62, permettant de cerner les points des édifices plus particulièrement sensibles aux secousses sismiques55. Il en ressort que les dégâts les plus fréquents correspondent à des lézardes et des fissures dues aux mouvements des parois. Parfois corrélés à ces désordres, des gîtes ou des séparations de parois perpendiculaires entre elles ont été observées. Les effondrements partiels de murs peuvent suivre des lignes diversement inclinées, horizontales quand seule la partie supérieure est tombée, verticales quand un pan entier a disparu, ou obliques. Les déplacements latéraux des parois survenant en cas de séisme rendent particulièrement fragiles certaines parties des édifices. Ainsi, les angles sont fréquemment détruits par un effet de bélier d’une paroi contre l’autre. Les portes constituent l’autre point délicat : là où s’interrompt la maçonnerie, les montants continuent leur mouvement, provoquant en réponse l’effondrement du linteau. Pour les réparations, les fissures sont bouchées par l’insertion de matériaux hétérogènes, souvent des terres cuites architecturales, plus facilement fractionnables. Les murs peuvent avoir été reconstruits avec les moellons provenant de leur destruction, mélangés avec les différents débris – tessons céramiques, fragments de béton de sol, etc. – jonchant le sol sur lequel ils ont été ramassés. Ce type de reconstruction, appelée « d’urgence » par R. Ling, offre une grande visibilité dans les murs, tant le contraste est saisissant par rapport aux opera « classiques » bâtis avec des matériaux sélectionnés et ordonnés56. Outre l’utilisation de tout-venant comme moellons, une autre caractéristique de ces constructions est leur utilisation d’un mortier très sableux, pauvre en chaux ou dont la chaux a été mal gâchée, et se présente sous la forme de nodules non écrasés. Pour pallier la gîte des murs, des contreforts ont été construits, avec un usage de la brique particulièrement développé57. Parmi les autres techniques de maçonnerie qui voient alors leur utilisation s’intensifier, signalons l’opus vittatum mixtum, notamment employé pour la construction d’une nouvelle porte à la Porta di Ercolano, après le séisme de 62 selon l’hypothèse de Th. Fröhlich58.
26Deux dernières remarques doivent être faites avant de définir les dommages liés au(x) séisme(s) à Herculanum. Tout d’abord, dans son étude précise sur les éventuelles secousses multiples ayant pu marquer l’insula du Ménandre à Pompéi (I 10), R. Ling estime que seul le double emploi dans un même mur de réparations d’urgence différentes pourrait permettre de caractériser deux séismes59. Stricto sensu, cette précaution est très raisonnable et parfaitement justifiée. Elle doit toutefois être nuancée par l’utilisation de mises en œuvre « classiques » lors des réparations : ces dernières ne sont pas uniquement effectuées avec des débris ramassés sur la zone d’écroulement des murs. Une seconde remarque porte sur les interprétations proposées par A. Maiuri. En effet, ce dernier, à la fin de son catalogue des réparations et transformations, dresse la liste des techniques mises en œuvre pour réparer les dégâts du séisme de 62. Suivant son raisonnement selon lequel la situation de Pompéi au moment de l’éruption n’est liée qu’à la durée des travaux de restauration, il considère que les techniques de l’ultima fase correspondent toutes à des réparations60. En revanche, dans son texte décrivant presque une à une les demeures où des dommages ont été mis en évidence, mais également dans sa conclusion générale, il interprète ces techniques, dans le cas des boutiques et des ateliers, comme de nouvelles constructions. Elles constitueraient des transformations profondes effectuées par le ceto mercantile pompéien qui aurait profité du retrait des propriétaires fonciers sur leurs terres pour envahir les domus. C’est certainement en voulant impérativement appliquer cette théorie fondée sur les hypothèses de M. Rostovtseff qu’A. Maiuri est passé à côté d’un des aspects fondamentaux pour cette situation perturbée en raison du séisme : la nécessité de distinguer les deux types de constructions successives à la catastrophe. Il faut d’une part dissocier les restaurations d’urgence effectuées immédiatement après le séisme des nouvelles constructions, et d’autre part mettre en évidence les transformations marquant seulement le retour au continuum de la vie urbaine. Une telle distinction est d’autant moins évidente que les transformations ont pu se dérouler en même temps que les réparations, même si cette situation n’était pas systématique.
27De cette brève incursion dans Pompéi entre 62 et 79, je retiendrai les faits suivants. Tout d’abord, repoussant la trop grande importance accordée jusque là aux sources littéraires, l’existence de plusieurs événements sismiques, d’une magnitude probablement inférieure à celle de la catastrophe de 62, semble largement fondée. Aucun élément ne permet cependant de déterminer la chronologie de ces secousses. Si cette situation offre une explication simple aux nombreuses maisons encore en travaux en 79, elle complexifie considérablement l’étude globale de la ville dans ses dernières années. En l’absence de trace claire d’un second grand événement sismique qui aurait frappé uniformément Pompéi, il devient plus délicat de proposer un schéma valide pour l’intégralité de la ville.
V.2.3 Transformations des techniques de construction à Herculanum entre 62 et 79
28Les remarques d’A. Maiuri sur la question du tremblement de terre dans sa synthèse de 1958 sont floues et quelque peu paradoxales. Il estime que les réparations observées sont sans rapport avec la description des dégâts rapportée par Sénèque, à moins d’ajouter à celles-là les nombreux désordres et ruines observés au moment de la fouille, comme à Pompéi. Pourtant, il souligne également la force particulièrement brutale de l’éruption à Herculanum, réduisant la portée de sa remarque précédente61. Dans le reste de son ouvrage, le séisme et ses conséquences sont à peine mentionnés, sauf pour donner de l’ampleur à son interprétation de l’invasion de la ville par les marchands et les affranchis62. Il s’en tient à l’idée d’une unique catastrophe en 62 dont les dommages n’ont pas été complètement réparés en 79. Sans mentionner de façon claire plusieurs secousses, Th. Ganschow avait déjà signalé la rapide succession des réparations dans les dernières phases de la vie d’Herculanum63. L’interprétation de G. Guadagno, proposant un second événement sismique à Herculanum dans la première moitié des années 70, a été globalement bien accueillie par les chercheurs travaillant sur Pompéi64. Les sismologues sont quant à eux très prudents quant à l’éventuelle concomitance des séismes à Pompéi, Herculanum et Naples durant cette période : au-delà du tremblement de terre de 62, les hypothétiques secousses successives auraient été moins fortes et donc moins susceptibles de toucher l’ensemble du golfe de Naples. Il s’agirait de phénomènes localisés, dont l’un d’eux a été suffisamment important toutefois pour qu’une restauration soit entreprise par Vespasien à Herculanum. Rien ne permet en revanche de supposer que le probable séisme qui a frappé Pompéi peu avant l’éruption ait également touché Herculanum65.
29En suivant les interprétations de G. Guadagno, je considère qu’un séisme a frappé le bâtiment constituant l’Insula Orientalis IIa, abritant notamment un temple voué à la Magna Mater, au cours de la première moitié des années 70. Les dégâts alors causés ont été réparés par une intervention du pouvoir impérial en 76. L’étude des types d’appareils employés dans ce bâtiment devrait donc permettre d’individualiser une partie des formes de mise en œuvre correspondant à cette période. La construction homogène de cet édifice a déjà été largement soulignée par A. Maiuri dans la description qu’il en donne66. De fait, et sans développer immédiatement certains détails liés à la maçonnerie originelle, l’intégralité de cet îlot a été bâti en employant l’opus reticulatum B pour les parois et l’opus vittatum simple pour les chaînages d’angles et les montants d’ouvertures67. Deux autres formes de maçonnerie sont présentes à divers endroits de l’édifice : l’opus testaceum et l’opus vittatum mixtum à deux assises de briques (Vm 2). La localisation de ces deux types d’appareils est très particulière et très caractéristique (fig. 112). Très fréquemment, ils sont employés dans des montants de portes – en particulier sur la façade occidentale donnant sur le cardo V – et dans des éléments porteurs comme les colonnes du péristyle inférieur. Toutefois, ces appareils ne sont pas utilisés de façon systématique pour l’ensemble de ces portions soumises à des tensions particulières : les montants latéraux de l’abside de l’Aula absidata – qui supportent le poids du cul-de-four et une partie du poids de la voûte – sont érigés en opus vittatum simple (fig. 113). Par ailleurs, le chaînage de certaines portions en Vm2 avec le reste de la maçonnerie est peu soigné, en ceci qu’il semble s’adapter à un pan de mur préexistant dont la limite n’est pas verticale (fig. 114). Ces différents éléments conduisent à interpréter l’utilisation de ces deux appareils dans l’Insula Orientalis IIa comme des réparations consécutives aux séismes.
30L’analyse des rapports entre ces réparations permet de proposer une chronologie relative dans leur emploi, au moins dans le cadre de cet édifice. Ainsi, bien que les endroits où les deux appareils ont été employés successivement soient peu nombreux, leur étude permet une distinction claire. Le principal témoignage de cette succession est constitué par l’abolition de la communication entre le pronaos précédant les salles I à III et la pièce L, surtout en l’observant depuis cette dernière salle (fig. 115). Le socle en opus incertum ainsi que les premières assises des montants de la porte ont été restaurés. Ces derniers sont construits en opus testaceum jusqu’à la hauteur du linteau, dont on devine l’empreinte. À l’est, le montant s’achève en opus vittatum mixtum à deux assises de briques. La situation semble plus complexe à l’ouest : la portion située contre le reste du bâtiment est érigée en Vm2 tandis que le montant de la porte bouchée est en opus testaceum. Pourtant, la portion en Vm2 s’appuie sur, ou plutôt s’insère sous le montant en briques. Cette situation s’explique par la fonction architecturale de cette partie de paroi en opus vittatum mixtum : il s’agit de la façade de la pièce III. La restitution des phases clarifie ces observations (fig. 116). Dans un premier temps, la salle L communique avec le pronaos. Probablement après le séisme de 62, les deux montants sont reconstruits avec des briques, matériau non employé au cours des phases précédentes de cet édifice. Le second tremblement de terre détruit non seulement le sommet de la paroi où se trouve cette porte, mais également les angles de la façade des pièces I et III. Le montant ouest de la porte est épargné, tandis que le montant oriental est partiellement endommagé, mais reste debout. Les maçonneries saines sont conservées, tandis qu’une seconde série de restaurations est effectuée, en employant l’opus vittatum mixtum à deux rangs de briques. La porte est ensuite condamnée par un bouchage en opus reticulatum B, tandis que la pièce L est complètement remblayée68. Si l’on applique cette interprétation – associer les réparations en opus testaceum au séisme de 62 et celles en opus vittatum mixtum à deux rangs de briques (Vm 2) au second séisme – à l’ensemble de l’édifice, on dresse le constat que les secondes sont plus nombreuses que les premières. Toutefois, cela ne permet pas de supposer que le deuxième tremblement de terre a été plus violent que le premier : il est possible d’une part que certaines réparations en briques aient été reprises en Vm2 ; d’autre part, pour peu que des parties de la maçonnerie aient été jugées affaiblies, leur reconstruction intégrale a pu être envisagée. D’une manière générale, les ouvertures de la façade occidentale ont alors été généralement reconstruites et surtout réduites, comme le montrent les locaux Or. II, 8 et 9 (fig. 117). Après les réparations, et en plus de celles-ci, ce sont donc des travaux de mise en sécurité qui auraient été effectués par Vespasien. Je reviendrai plus loin sur l’utilisation, avant 62, des deux types de maçonneries associées aux réparations des séismes dans l’Insula Orientalis IIa. Notons toutefois d’ores et déjà que la chronologie relative entre l’opus testaceum et l’opus vittatum mixtum paraît fixe lorsqu’ils sont utilisés successivement dans une même paroi : les portions en briques semblent plus fréquemment employées les premières69.
31Ces deux formes de mise en œuvre ne sont pas les seules à avoir été employées pour effectuer des réparations après les séismes. Sans chercher à comparer la violence subie par les deux villes, les localisations des dégâts sont les mêmes à Herculanum qu’à Pompéi : fissures, lézardes, montants des portes et des fenêtres, angles, parois diversement effondrées. Les techniques de construction alors déployées sortent de tout cadre typologique, à l’exception des opera incerta B ² et D qui apparaissent, à la suite des travaux de Th. Ganschow et de l’équipe néerlandaise, caractéristiques de cette période troublée : ils constituent en fait la récupération de murs écroulés, reconstruits avec leurs moellons, mais sous une forme bâclée, en insérant des fragments divers en plus70. Une technique qui semble également avoir été utilisée pour reconstruire des murs effondrés est celle du coffrage ou plutôt du demi-coffrage. Quelques arguments seulement permettent de considérer que ce mode de construction appartient au groupe des techniques employées plus spécifiquement pour réparer les dégâts créés par les secousses sismiques. Le principal d’entre eux provient de la Casa del colonnato tuscanico (VI, 16-18.26-27). L’ensemble de l’aile ouest de cette maison semble avoir souffert du séisme de 62. Après une première restauration, des modifications substantielles de plan ont été effectuées. Les deux montants de la porte d’accès à la pièce 19 ont été restaurés avec des techniques différentes. De toute évidence, l’ouest correspond parfaitement aux réparations d’urgence : les moellons composant cette partie du mur correspondent, par leur forme et leur nature, aux opera incerta B et B1, soit de la lave bleue et de la cruma ; toutefois, le mortier est employé en abondance, et parmi les inclusions se trouvent des fragments de béton de sol et de céramique. L’ensemble correspond parfaitement à l’opus incertum D. En revanche, le montant oriental, à l’exception de sa base restaurée en opus incertum C, se présente sous la forme d’un bloc monolithique de béton. Aucun parement n’a été dressé, les caementa semblent peu nombreux mais comportent des éléments très hétérogènes, noyés dans un mortier très abondant et incluant de nombreux nodules de chaux non écrasés. Cette différence de technique pour un même pan de mur, fût-il percé d’une porte, incite à percevoir deux phases distinctes. Au cours de la première, le montant occidental a été reconstruit avec le tout-venant constitué par les éléments jetés à terre lors du premier séisme. En revanche, après la seconde secousse, un choix différent a été opéré : les restaurations ont été réalisées par coffrage. Une technique proche, mais présentant un certain raffinement de rationalisation, a été employée dans des conditions similaires pour construire ex novo la majeure partie des murs de refend de la Casa del priapo (IV, 17-18), probablement après les réparations du second séisme. Chacun des murs concernés a été construit en au moins quatre opérations successives. Une première banchée est réalisée sur 1,85 m de hauteur, correspondant à l’emplacement des linteaux de portes. Un côté du mur est coffré, tandis que l’autre est parementé en opus incertum C ; les angles des montants sont réalisés en opus vittatum. Dans cette construction très systématique, le coffrage est toujours situé à l’intérieur des pièces, le parement appareillé du côté de l’atrium. Après l’insertion des linteaux, une seconde banchée est mise en place, sur une hauteur de 0,90 m, sans utilisation de coffrage cette fois : toute l’élévation est construite en opus incertum C. Un deuxième arrêt permet de poser les solives de l’étage et de la galerie de circulation autour de l’atrium : les interstices entre les pièces de bois sont ensuite remplis par des moellons de tuf (fig. 118). Le choix de l’emplacement pour le développement de la cage d’escalier, qui implique un nombre moindre de solives, correspond justement à l’angle sud-ouest de l’atrium, touché par les séismes ; peut-être faut-il y voir un lien de cause à effet71. Le reste de l’élévation – les parois de l’étage – est érigé avec des moellons en tuf, dont l’appareillage s’approche de l’opus reticulatum grossier. Cette technique de mise en œuvre qui utilise le coffrage ne semble pas avoir été beaucoup employée.
32Une observation attentive des parois non reconstruites à la suite des fouilles permet de mettre en évidence de nombreuses réparations dans les maçonneries. L’identification du séisme auquel ces réparations constituent une réponse est souvent malaisée, ne serait-ce qu’en raison de l’emploi de techniques moins caractéristiques après celui de 62. Seule l’analyse fine de cette micro-stratigraphie qui ne s’étend que sur 17 années permet d’aboutir à une vision d’ensemble. Les réparations d’urgence effectuées en remployant les moellons des parois effondrées peuvent correspondre aux deux séismes, même s’il semble que cette technique ait été principalement employée après le premier. L’utilisation du coffrage pourrait correspondre majoritairement aux réparations et transformations postérieures au second tremblement de terre. Par ailleurs, l’exemple de l’Insula Orientalis IIa montre que l’usage de l’opus testaceum correspondrait plutôt aux réparations de 62, tandis que l’emploi de l’opus vittatum mixtum à deux assises serait lié aux travaux ultérieurs. Il ne saurait toutefois être question d’utiliser ces éléments chronologiques de façon systématique. En effet, si ces techniques ont été mises en œuvre massivement lors des 17 dernières années de la vie d’Herculanum, il convient non seulement de voir quels sont leurs emplois antérieurs, quand ils existent, mais également de ne pas oublier que les autres appareils ont continué à être employés.
V.3 Éléments pour une chronologie « absolue »
33Pour dépasser le cadre limité de la chronologie relative induite par l’analyse des stratigraphies verticales, des points d’ancrage « absolus » doivent être déterminés. C’est seulement avec ceux-ci qu’il est possible d’évaluer la durée d’emploi des différentes techniques de mise en œuvre et par là de proposer une esquisse de l’évolution du tissu commercial à Herculanum. Trois types de sources peuvent contribuer à cet affermissement chronologique : les inscriptions, les résultats des fouilles stratigraphiques pratiquées à Herculanum et les styles décoratifs.
V.3.1 Les inscriptions des édifices publics
34Des différents édifices publics connus par des inscriptions, seuls quatre ont été suffisamment mis au jour pour mettre en rapport le texte et sa datation avec les techniques de construction mises en œuvre. Inutile de revenir sur le temple de Magna Mater qui constitue une partie de l’Insula Orientalis IIa : l’inscription concerne les réparations du second séisme et non la fondation du bâtiment.
35Le théâtre d’Herculanum propose un dossier épigraphique permettant de suggérer une date de construction. Plusieurs inscriptions mentionnent d’une part M. Nonius Balbus, d’autre part Ap. Claudius Pulcher. Éventuel ‘fondateur’ du municipe d’Herculanum, ce dernier a été consul en 38 av. J.-C. et acclamé imperator en 32 avant notre ère72. La date de sa mort est inconnue alors qu’elle aurait constitué un terminus ante quem précieux pour dater le théâtre, en raison d’une dédicace post mortem qui y a été découverte73. La dédicace du tombeau de M. Nonius Balbus, situé devant les thermes suburbains, mentionne des honneurs similaires rendus à ce personnage74. Tous les deux ont certainement terminé leur vie dans le courant du règne d’Auguste, ce qui offre une fourchette acceptable pour la datation du théâtre. Dégagé mais maintenu sous une enveloppe de matériel éruptif – renforcée par des piliers en tuf construits au XVIIIe siècle –, le théâtre a récemment bénéficié d’une campagne d’étude et de relevés, qui permet de définir les techniques employées pour sa construction75. La structure porteuse est construite en briques et en opus reticulatum. La répartition de ces deux types d’appareils est particulièrement remarquable. Les deux ordres de la façade extérieure, scandés par 19 arcades, sont érigés en opus testaceum, tout comme le mur de scène. Toutes les autres structures rayonnantes sont construites en opus reticulatum, avec des terminaisons en opus vittatum. Seule exception dans cette construction très unitaire, les extrémités des murs soutenant les versurae sont construites en opus vittatum mixtum76.
36Une seconde datation fondée sur l’épigraphie est suggérée par l’aedes Augustalium (VI, 20-24). Selon une étude menée par G. Guadagno, la construction de cet édifice remonterait au plus tard à l’année 11 de notre ère, date de la plus haute attestation des Augustales : une statue dédiée à Auguste paré du titre de divus a été ajoutée contre l’une des colonnes à l’intérieur, en recouvrant la décoration originelle77. De toute façon, cet édifice a été érigé avant 14 de notre ère. Les techniques de construction employées sont peu nombreuses : l’essentiel de la structure du bâtiment est constitué par une série d’arcs aveugles érigés en briques, remplis d’opus reticulatum B. En revanche, la façade septentrionale présente deux piédroits construits en opus vittatum mixtum à deux assises de briques qui encadrent l’entrée de l’espace VI, 2078. Les études de T. Najbjerg ont montré que les quatre piliers qui rythment la façade de l’Aedes Augustalium doivent être associés chronologiquement avec la construction du portique qui s’étend au nord de celui-ci ; tous sont construits en briques79. La dichotomie entre la conception organique et les appareils employés permet de conclure que l’opus vittatum mixtum à deux assises de briques est postérieur à la construction du portique et probablement attribuable à une phase de restauration associée à l’un des événements sismiques. En revanche, à cette exception près, aucune autre trace de réparation n’est discernable dans les maçonneries.
37La troisième série d’inscriptions concerne un édifice essentiellement connu par les relevés effectués au XVIIIe siècle par J.-Ch. Bellicard puis par P. de Bardet80. Il s’agit, selon une récente réinterprétation, d’une porticus se développant au nord des îlots VI et VII, auparavant appelée forum ou basilique. L’étude de cet édifice, dont quelques restes ont été dégagés durant les fouilles des années 1960, et surtout de son programme décoratif, a permis à T. Najbjerg de proposer une date de construction à peine antérieure à 49 de notre ère81. Le cycle décoratif représentant la famille impériale a ensuite été modifié sous Vespasien, par l’adjonction des statues des femmes de la dynastie flavienne82. Les maçonneries d’un édifice daté avec une telle précision sont importantes pour ce propos. Les différentes parties qui n’ont pas été reconstruites lors de la fouille sont, pour le gros œuvre, en opus testaceum. Selon Th. Ganschow, aucune réparation consécutive ne serait perceptible, tandis que T. Najbjerg mentionne de telles réparations, mais en renvoyant à des adjonctions83. Faute d’argument dans un sens ou dans l’autre, il faut considérer que dès le milieu du Ier siècle, la brique a été employée pour cette porticus.
38En dépit de dégagements parfois partiels, les monuments d’Herculanum offrent une vision homogène de la construction publique entre le règne d’Auguste et celui de Claude. Le gros œuvre paraît toujours édifié en combinant opus testaceum et opus reticulatum, tandis que les rares réparations reconnues, et éventuellement attribuables à l’un des séismes qui ont touché la ville, sont réalisées en employant de l’opus vittatum mixtum, à deux rangs de briques quand l’étude le précise.
V.3.2 Le résultat des fouilles
39Outre les inscriptions, qui permettent d’obtenir des datations précises, ou du moins des termini post ou ante quos, peu tributaires des évolutions de la recherche archéologique, les rares sondages effectués dans la ville sous les niveaux ensevelis par l’éruption participent pleinement à l’élaboration d’une chronologie absolue. Les premières fouilles stratigraphiques ont été effectuées par V. Tran Tam Tinh durant les années 1970 ; une partie d’entre elles reste inédite84. Les autres concernent essentiellement la Casa dei cervi (IV, 21), dont le jardin a été exploré. Les données apportées par ces fouilles sont toutefois peu nombreuses en ce qui concerne les possibilités de proposer une datation pour certains types d’opus : les seules structures véritablement dégagées, construites en opus incertum A, ont été interprétées comme ayant été détruites et abandonnées lors du séisme de 6285.
40Fréquemment en lien avec des travaux de restauration ou de transformation du parc archéologique, une série de sondages a été effectuée par M. Pagano à la fin des années 1980 et dans le courant des années 1990. Deux sondages ont été implantés dans l’entrée Or. II, 4 de la «Palestre ». Leur stratigraphie ainsi que le matériel mis au jour – des tessons de céramique sigillée (italique et de Campanie), des fragments d’enduit peint de IIIe style – permettent d’aboutir à la conclusion que cet édifice a été construit sur un espace dénué de constructions antérieures, avec d’importants travaux de remblaiement, dans une fourchette chronologique oscillant entre la période augustéenne et le règne de Tibère86. Les fragments d’enduits proviendraient d’édifices environnants détruits sous Auguste87. Cette première datation est rehaussée au début de la période augustéenne après un nouveau sondage effectué dans l’entrée Or. II, 19 de l’édifice. Il a permis de définir qu’avant l’érection de la «Palestre », le decumanus maximus continuait vers l’est. Une fosse remplie de déblais consécutifs au séisme de 62 a également été identifiée88. En dépit des légères variations d’une publication à l’autre, ces trois sondages donnent une fourchette chronologique pour l’utilisation des opera reticulatum B et vittatum, principales techniques de construction de la «Palestre ». Ces explorations ne se sont pas limitées aux édifices publics. Du sondage effectué dans le jardin de la Casa del colonnato tuscanico (VI, 16-18.26-27), il ressort que l’extension de cette domus au sud de sa parcelle primitive s’est déroulée durant la période augustéenne89. L’analyse des structures maçonnées correspondant à cette extension montre une utilisation massive de l’opus reticulatum B et de l’opus vittatum. Signalons également qu’une fosse profonde de 2,55 m a été creusée en avant de cette maison, pour y couler un massif de béton, destiné, selon les interprétations de M. Pagano, à stabiliser la domus après le séisme de 62. Deux couches de remplissage colmatant cette fosse auraient livré un abondant matériel encore inédit90.
41Enfin, une série de sondages a été réalisée dans les boutiques situées en façade de la Casa del salone nero (VI, 11-15) au cours de deux campagnes qui se sont déroulées en 2004 et 2005 ; sans détailler le résultat de ces fouilles, un point mérite d’être souligné91. Le sondage réalisé sur toute l’extension de l’arrière-boutique du local VI, 12 constitue un témoignage de l’utilisation relativement tardive de l’opus quadratum pour réaliser des montants de porte. Après l’arasement des murs constituant la plus ancienne occupation observée en ce point, un épais remblai a été déposé pour permettre la construction de la partie septentrionale de la Casa del Salone nero92 – entrée VI, 13, atrium et pièces l’entourant. Lors de la fouille, l’empreinte du pilier utilisé comme piédroit de la porte menant de la pièce 12’à l’atrium a été observé reposant sur ces remblais datés de l’époque augustéenne93. Rien ne permet de déterminer le type de maçonnerie utilisé en élévation : le mur a été détruit lors du séisme de 62 et le bloc utilisé comme piédroit remployé dans la même position.
42Bien que la fiabilité des données ainsi recueillies soit moindre que celle provenant de la corrélation entre les inscriptions et le bâtiment auquel elles se rapportent, la chronologie des techniques de construction a été sensiblement précisée. Le principal problème des datations induites des sondages est qu’elles restent tributaires d’études céramologiques parfois incomplètes ou imprécises. Une troisième option est de compléter cette périodisation par l’examen des styles décoratifs et des maçonneries qui leur sont associées.
V.3.3 Les styles décoratifs
43Je ne saurais proposer ici une synthèse, fût-elle très restreinte, ni de l’évolution des styles décoratifs – entendus comme un ensemble cohérent entre la décoration pariétale et le pavement –, ni des problèmes chronologiques posés par cette dernière. L’acuité de ces derniers est d’autant plus forte que mon propos reste cantonné à Herculanum, jusqu’à présent moins explorée que Pompéi par les spécialistes de peinture romaine, pour ne pas mentionner les pavements94.
44L’un des principaux problèmes pour utiliser les styles décoratifs comme indicateur chronologique des techniques de construction reste que les fresques masquent les maçonneries. De ce fait, de nombreuses parois ne renseignent que sur le style de peinture qu’elles portent. Il s’ensuit que les données sur de telles parois restent limitées à la seule période durant laquelle elles ont été enduites : dans la majeure partie des cas, les fresques subsistent autour des perforations du XVIIIe siècle, le reste du mur ayant été reconstruit lors de la fouille. A contrario, quand l’enduit est partiellement tombé, il devient difficile de déterminer le style auquel le rattacher, faute d’éléments caractéristiques suffisamment nombreux. Ce type de problème est inexistant pour les pavements, mais le faible nombre de publications rend les attributions délicates. Les seuls volumes de synthèse détaillée sur les pavements de Pompéi restent ceux d’E. Pernice et de M. E. Blake, qui ne sont que d’une utilité réduite pour notre analyse95. En effet, alors qu’une chronologie relativement fine serait utile, les datations proposées sont assez larges, pour dresser, conformément aux buts de cet ouvrage, une évolution des décorations de sol sur la longue durée. De plus, et cet aspect est également valable pour les fresques, les schémas décoratifs employés à Herculanum n’ont que des parallèles parfois minces avec ceux de Pompéi. Cette particularité, qui pourrait être simplement liée à l’existence d’ateliers locaux, complique la détermination stylistique en s’appuyant sur des parallèles, et ce en dépit de monographies récentes96.
45Pour dépasser les débats chronologiques des spécialistes de cette question, il serait possible d’utiliser, à la suite de ce qu’a fait Th. Ganschow, des attributions larges de style et de déterminer sur quels types de maçonnerie ils sont présents97. Cela permettrait de poser des jalons chronologiques – diffus – pour leur mise en œuvre. Une telle démarche est toutefois contrariée par les restaurations « à l’identique », ou peu s’en faut, de certaines parois avant l’éruption de 79. Un exemple permet d’illustrer cette situation. E. Moormann a étudié les différentes fresques de la Casa del mobilio carbonizzato. Dans deux pièces, celle au sud du tablinum et le couloir d’entrée, il inscrit la décoration dans un IVe style encore proche structurellement du IIIe, mais ayant probablement été retouché après le séisme de 6298. La décoration de la pièce 8 est interprétée comme relevant du IVe style comportant quelques éléments caractéristiques du IIIe, comme la division horizontale de la paroi sans liaison verticale ou les motifs des frises. Il considère que cet ensemble a été exécuté avant le séisme de 6299. La maçonnerie des parois occidentale et méridionale présentent des signes distinctifs de restauration : les deux montants de la porte permettant d’accéder à cette pièce ont été reconstruits en briques, tout comme le montant droit de la fenêtre occidentale et la partie inférieure de la fenêtre centrale100. La différence de réalisation des fresques entre les murs restaurés et la paroi septentrionale est essentiellement perceptible dans les bordures ajourées et dans la finesse de la frise de glyphes séparant la zone médiane de la zone supérieure. La paroi nord présente une finesse supérieure aux deux autres101. Cet exemple incite à relativiser la chronologie obtenue sur fondements stylistiques.
46Ce type de réfection tardive, souvent liée aux réparations post-sismiques, est attesté pour tous les styles. Ainsi, A. Laidlaw signale d’une part une dizaine d’exemples de restauration de parois en Ier style après la date originelle de mise en œuvre et d’autre part des imitations tardives de ce style, dues à l’affect attaché à cette forme décorative102. Sans revenir sur les autres exemples déjà évoqués à Pompéi – qui concernent le IIIe style –, notamment ceux de la Casa dei casti amanti et de la Casa degli Amorini dorati, signalons que ce type de restauration a également été mis en évidence dans la Casa di Paquio Proculo (I 7, 1.20)103. Toutes ces interventions ont une conséquence importante sur la façon dont une chronologie des types de maçonnerie peut être établie. Les principes posés par Th. Ganschow sont techniquement justes : la datation des fresques devrait donner un terminus ante quem pour l’utilisation du type de maçonnerie sur lequel cette décoration est appliquée104. Cependant, les diverses formes de restauration peuvent faire devenir ce terminus post quem : il convient de rester prudent pour déterminer les rapports chronologiques entre la décoration et son suppport. Enfin, je soulignerai un dernier point : le fait que le décor soit intégralement refait ne signifie pas que les murs ont été construits au même moment ; un changement de décor n’implique pas nécessairement une transformation des volumes architecturaux.
De la chronologie des types de construction à l’évolution du bâti à Herculanum
47Les éléments présentés permettent de dresser une esquisse de chronologie pour l’utilisation des différents types d’opera à Herculanum. Dans ses grandes lignes, elle ne diffère que peu de celle proposée par Th. Ganschow. Ces différences ne sont pas négligeables, puisqu’elles conditionnent la trame chronologique que j’ai établie pour l’ensemble de la ville. Afin d’expliquer le tableau synoptique que j’ai dressé, je ne commenterai que les points de divergence avec celui de Th. Ganschow (fig. 119).
48Des différentes données qui autorisent à poser des jalons chronologiques, les bâtiments publics – dont la période ou la date de construction sont connues soit par les inscriptions, soit par le résultat des fouilles – constituent les témoignages les plus intéressants. Leur mise en œuvre s’échelonne entre la période augustéenne et la moitié du Ier s. de notre ère. Pour le gros œuvre, ils présentent une unité technique qui est remarquable : leurs parois de première phase sont systématiquement érigées en opus reticulatum B. En revanche, les autres parties diffèrent sensiblement : la brique est employée dans tous les bâtiments étudiés, à l’exception de l’Insula Orientalis IIa. Cette différence tient à la conception même de ces édifices : le théâtre, l’aedes Augustalium et le portique situé au nord du decumanus maximus sont tous les trois construits en utilisant des arcs comme structure porteuse, au contraire de l’édifice contenant le temple de Magna Mater dans lequel les murs ont été fortement épaissis pour permettre un développement en hauteur, tandis que les quelques voûtes conservées sont toutes en béton coffré105. Dans les attestations connues d’emploi des terres cuites architecturales à Herculanum, l’intérêt de leur emploi est donc uniquement de permettre la construction aisée d’arcs qui servent tout autant à répartir les charges qu’à avoir une fonction esthétique106. En suivant ce constat, nous devons donc limiter l’érection de murs en opus testaceum, dans la construction privée, à la période postérieure à 62 de notre ère. En effet, dans les domus, l’utilisation de la brique est toujours limitée à des parties fortement susceptibles d’avoir été endommagées en cas de secousse sismique. Les quelques exemples de peintures pouvant donner une datation plus haute montrent systématiquement des traces de réfection qui soulignent également les dégâts liés au tremblement de terre107. Une date aussi tardive pourrait s’expliquer par la différence dans le rapport coût/facilité de mise en œuvre longtemps plus favorable au tuf dans une région particulièrement riche de ce matériau. Le développement de l’opus vittatum mixtum (Vm) à un puis deux rangs de briques participe de cette évolution qui tend à augmenter la part de la brique. Comme le remarque très justement Th. Ganschow, le Vm simple est peu employé dans le temps et son utilisation reste fortement liée à l’édification de la «Palestre »108. Quant au Vm2, il paraît employé préférentiellement pour les réparations du second séisme, tout du moins à chaque fois qu’il est en relation avec des parois en briques. Toutefois, il paraît plus raisonnable de le cantonner à la période 62-79109.
49Quant aux autres correctifs que je propose à la chronologie de Th. Ganschow, ils sont d’une portée moindre. Ainsi, l’extension de l’usage de l’opus quadratum jusqu’à la période augustéenne, fondée sur les fouilles réalisées dans l’atelier VI, 12, reste sans grande conséquence. Cela n’est guère plus qu’un épiphénomène, une probable utilisation tardive d’une technique ancienne, qui souligne juste que même après la guerre sociale, même une fois qu’Herculanum est devenu un municipe, les opera préromains d’A. Maiuri peuvent encore être utilisés110. Une situation similaire a récemment été mise en évidence à Pompéi. Un mur en opera a telaio a été daté de la fin du Ier s. av. J.-C. par M. Fulford et A. Wallace-Hadrill lors des fouilles en I 9, 11 - 12. Cette datation ne permet pas de remettre en cause l’usage massif de ce type d’opus au cours des IIIe et IIe siècles avant notre ère111. Pour en revenir à Herculanum, des blocs de tuf gris ont également été utilisés en remploi comme montant de portes après 62 en VI, 12 et en VI, 15112. Il me semble également nécessaire de repousser la date d’utilisation de l’opus reticulatum A, dont le début et la période maximale d’emploi correspondrait, selon Th. Ganschow, au règne d’Auguste, en raison d’une interprétation très douteuse du tablinum de la Casa dei due atri (VI, 28-29), mais également d’une erreur d’appréciation des phases de construction des thermes « du forum »113. Cet opus n’apparaît guère plus qu’un raffinement de l’opus reticulatum B. Il se développerait uniquement dans une phase successive. Son absence d’utilisation dans les bâtiments publics construits durant la période augustéenne et connus par les fouilles s’avère un argument suffisant pour considérer que son usage ne se développe que durant le Ier s. de notre ère.
50Pour reprendre l’exemple développé plus haut, les transformations de la façade nord-orientale de la Casa del tramezzo di legno sont les suivantes. Après avoir longtemps conservé un mur périmétrique nord construit en opus incertum B, des travaux sont effectués lors de la période augustéenne : le mur est arasé et remplacé par une construction en opus reticulatum B qui prévoit un accès par la porte 9. Il est possible que dès ce moment une boutique soit ouverte en 8. Aucun élément ne peut être relevé pour la boutique 10. Au cours de la phase successive, probablement la première post-augustéenne, des remaniements importants transforment l’angle nord-est. La boutique III, 10 est créée et séparée de l’espace accessible par la porte 9 en construisant un mur de refend. L’appartement à l’étage, qui déborde sur la pièce (a) et le vestibule (III, 11) de la Casa del tramezzo di legno, dispose d’une avancée sur la rue114. Les travaux ont été réalisés en employant une forme irrégulière d’opus reticulatum A pour les parois, et l’opus vittatum mixtum à un rang de briques pour les montants. Le séisme de 62 provoque des dégâts assez importants. Le mur de refend entre la boutique III, 10 et l’espace III, 9 fait bélier contre la façade, l’endommageant fortement. L’angle nord-est de la boutique s’effondre, emportant le montant oriental et une grande portion de la façade. Enfin, très probablement, les deux montants de la boutique III, 8 sont également endommagés. Les premières reconstructions sont effectuées en utilisant de la brique pour les montants et l’opus reticulatum A pour les parois. Une conduite d’eau est insérée dans le mur de refend entre III, 9 et III, 10, permettant la mise en place d’une latrine à l’étage de III, 10 et au rez-de-chaussée de III, 9. L’appartement d’angle perd son extension sur la rue. Un auvent est ménagé à la place. Le second séisme provoque des dégâts moindres : seul le montant occidental de la porte III, 9 doit être remplacé.
51Cet exemple développé dans le détail montre les limites des réflexions possibles grâce à l’archéologie du bâti, même dans un site bénéficiant de conditions de conservation exceptionnelles. Ces incertitudes quant à l’insertion dans une chronologie absolue ne me semblent pouvoir être éclaircies que ponctuellement. En effet, le contexte troublé et destructif des dernières années de vie d’Herculanum fait qu’une partie importante du palimpseste maçonné a été effacée. Les questions soulevées ne sauraient guère plus être résolues par la fouille, ne serait-ce que parce que les datations que l’on peut obtenir avec les céramiques fines ne sont pas assez précises pour permettre de distinguer les débris provenant de l’un ou de l’autre séisme. Une part d’incertitude restera nécessairement sur les hypothèses qui seront formulées.
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52Dans les chapitres suivants, je présenterai le résultat de mes observations sur l’ensemble des vestiges mis au jour à Herculanum. J’ai dressé un relevé – sommaire115 – des parois des différentes domus de façon à définir une chronologie relative de leurs transformations ainsi que des éventuelles créations ou fermetures de liens avec les édifices voisins. À partir de ces études par maison, j’ai procédé à une mise en phase sur tout le site, en utilisant les jalons que je viens de poser. D’un point de vue architectural, les seuls moments bien datés sont d’une part la période augustéenne – avec le flou que comporte ce laps de temps –, d’autre part les deux séismes, puis l’éruption. Pour les phases intermédiaires, il m’a semblé plus opportun de ne pas recourir à une précision illusoire, que ce soit en suivant les règnes des empereurs ou les datations des styles décoratifs. J’ai donc divisé arbitrairement la première moitié du Ier siècle, s’étalant entre la mort d’Auguste et le séisme de 62, en deux phases successives dont la limite médiane est volontairement non spécifiée. En ce qui concerne les phases les plus anciennes de la ville, elles ne sont que peu visibles dans les murs en élévation. Sans recourir aux fouilles stratigraphiques, je suis convaincu qu’il n’est pas possible de présenter une évolution fine en deçà du Ier s. avant notre ère. J’ai donc arbitrairement divisé la période pré-augustéenne en deux phases : la première correspond sensiblement à la situation samnite ou immédiatement postérieure à la guerre sociale, la seconde montre les évolutions successives.
Notes de bas de page
1 Sur l’emploi de cette méthode à Pompéi, cf. not. Dobbins 1994, Ling 1997 a, Guidobaldi – Pesando 1998, Coarelli – Pesando 2006 : 15-21, Santoro 2007 : 77-180. À Rome, les travaux menés dans la Vigna Barberini se sont pour partie appuyés sur l’étude du bâti (Villedieu 2007, part. 22). Pour Ostie, voir le travail T. L. Heres (1982) et surtout les recherches menées autour du château d’eau de la Porta Romana (Bukowiecki – Dessales – Dubouloz 2008).
2 Bukowiecki – Dessales – Dubouloz 2008 : 19-24.
3 Cf. Maiuri 1958 b : 62-74 ; Ganschow 1989 ; Hoppenbrouwers – Vermeulen 1996.
4 Pour d’évidentes raisons de temps et de moyens techniques, l’homogénéité de chaque type de parement présenté ne saurait être qualifiée autrement que comme une estimation de visu. Si certaines formes de mise en œuvre ne se caractérisent que par l’uniformité des matériaux employés, d’autres pourraient en revanche être étudiées différemment. Il serait ainsi possible de mesurer les moellons d’opus reticulatum pour préciser les variations de leur régularité et de leurs dimensions (cf., pour Ostie, Bukowiecki – Dessales – Dubouloz 2008 : 36-39).
5 Sur ces matériaux de construction, cf. Ganschow 1989 : 23-28 et pl. 1-3.
6 Le tuf photographié par Th. Ganschow (1989 : pl. 1) provient d’un mur restauré. Une autre caractéristique de ce matériau de restauration est qu’il semble avoir une résistance à l’érosion moindre que celui provenant des filons antiques.
7 Sur la genèse de cette typologie, étroitement liée aux recherches d’A. Maiuri à Pompéi ainsi qu’aux travaux de G. Lugli, cf. supra, p. 17.
8 Lugli 1957 : 446-449.
9 Maiuri 1958 b : 64-65 ; Ganschow 1989 : 37.
10 A. Maiuri (1958 b : 65-66) n’a identifié que l’opus incertum B sans distinguer les autres sous-types. Th. Ganschow (1989 : 38-40) distingue trois sous-catégories (Inc. Ba, Inc. Bb, Inc. Bc). La dernière est très peu courante et n’est reconnue par ce chercheur que dans la Casa del telaio (IV, 3), sur une portion de mur particulièrement dégradée constituant la paroi nord de la pièce G. Les types décrits ont été identifiés par l’équipe néerlandaise (Hoppenbrouwers – Vermeulen 1996 : 180-182).
11 Contrairement à ce que propose Th. Ganschow (1989 : 41), je n’ai observé aucun exemple où le tuf rossiccio et le tuf jaune auraient été mélangés. Comme l’avait déjà noté A. Maiuri (1958 b : 66) : « È un opus incertum a tessitura regolare, composto esclusivamente di elementi in tufo giallo di Napoli o tufo rossiccio locale […] ». Dans un seul cas, des moellons de cruma sont associés au tuf rossiccio, dans le mur nord de la pièce 4 de la Casa del papiro dipinto (IV, 8-9).
12 Ganschow 1989 : 42 ; Hoppenbrouwers-Vermeulen 1996 : 182-183, 185.
13 Sur les origines de l’opus reticulatum, cf. Lugli 1957 : 487-490.
14 Maiuri 1958 b : 68. Contra Ganschow 1989 : 44-45. Le terme d’opus quasi reticulatum a été critiqué à fort juste titre par F. Coarelli (1977 : 10) qui s’appuie en cela sur la terminologie vitruvienne où seuls l’opus incertum et l’opus reticulatum sont indiqués. La technique de mise en œuvre qualifiée ici d’opus reticulatum grossier correspond à l’opus quasi reticulatum tel que défini par Th. Ganschow. Je remercie vivement H. Dessales de ses remarques sur ce point.
15 Sur le Ret. A, cf. Maiuri 1958 b : 70-71 et Ganschow 1989 : 47-48. Les occurrences de la variante polychrome se limitent à la face sud de la Casa di Aristide (II, 1), à la façade de la Casa d’Argo (II, 2), à une fraction de celle de la Casa del tramezzo di legno (III, 4-12) et à quelques éléments de la Casa dei due atri (VI, 28-29). Si cette variante mérite d’être signalée, elle ne saurait être considérée comme un type propre tant elle est peu répandue.
16 Maiuri 1958 b : 70-71 et Ganschow 1989 : 49.
17 Sur cette technique de mise en œuvre, cf. Maiuri 1958 b : 74 ; Ganschow 1989 : 50 ; Adam 1995 : 132-135. Sur ses possibles caractéristiques parasismiques, cf. Papaccio 1993. Ces spécificités sont toutefois largement contrebalancées par l’extrême facilité avec laquelle de telles cloisons prenaient feu selon Vitruve (2, 8, 20).
18 Cette utilisation préférentielle de l’opus quadratum comme montant de portes percées dans des parois en opus incertum présente quelques exceptions. Ainsi, la porte située à l’étage de la Casa della fullonica (IV, 5-7), entre les pièces 2 et 4, voit son montant sud érigé en Inc. A, comme le reste de la maçonnerie environnante.
19 Cette maison constitue le seul exemple à Herculanum d’association entre des piliers en opus quadratum et des parois en Ret. B. Sur l’opus quadratum, cf. Maiuri 1958 b : 63-67 ; Ganschow 1989 : 51 ; Hoppenbrouwers – Vermeulen 1996 : 183.
20 Une des occurrences de cette technique est constituée par la fenêtre murée, située au ras du sol au moment de l’éruption, qui se trouve percée dans le mur séparant la boutique VI, 25 de son arrière-boutique. Selon un procédé similaire à celui qui a été observé à Pompéi, de tels blocs peuvent également avoir été employés pour confectionner des chaînes verticales utilisées pour délimiter des parcelles (cf. Guidobaldi – Pesando 1998)
21 Maiuri 1958 b : 66, 70 ; Ganschow 1989 : 52-53 ; Hoppenbrouwers – Vermeulen 1996 : 183. Notons que l’arc est souvent inclus dans une autre maçonnerie, sans constituer à proprement parler une phase d’opus vittatum. Des exemples de cette pratique peuvent notamment être observés aux endroits suivants : Casa d’Argo, passage entre la pièce 1 et le jardin (II, 2 ; opus reticulatum A) ; Grande taberna con abitazione (entre IV, 14 et IV, 15 ; opus incertum D ; cf. infra, p. 370) ; Casa del bel cortile, passage entre les pièces 3 et 4 (V, 8 ; opus reticulatum B et opus vittatum mixtum à deux assises de briques) ; au dessus des entrées VI, 8 (opus reticulatum A) et VI, 9 (opus incertum C / opus quasi reticulatum) des thermes ; façade de la Casa dei due atri (VI, 29 ; opus reticulatum A) ; Insula Orientalis IIa, entrée 19, passage entre l’Aula superiore et la loggia (opus reticulatum B). Un exemple – unique – d’arc construit en alternant un moellon de tuf avec deux briques se situe au-dessus de l’entrée V, 2 de la Casa sannitica. Enfin, un seul arc de décharge en briques dans une construction privée se trouve dans la Casa di Aristide (II, 1), pris dans le mur de refend entre les pièces 11 et 4. sur l’intérêt de l’emploi des arcs de décharge dans une maçonnerie, cf. Fulvio Giuliani 2002 : 83-85.
22 Th. Ganschow (1989 : 55-56) signale l’existence de ces deux variantes, sans les distinguer clairement. Cf. également Hoppenbrouwers – Vermeulen 1996 : 183-184.
23 L’utilisation d’un terme aussi vague pour définir les éléments de cette forme de maçonnerie tient à la difficulté de la distinction entre briques et tuiles, sans compter que ces deux matériaux peuvent être mélangés dans certains montants (Ganschow 1989 : 56 ; Hoppenbrouwers – Vermeulen 1996 : 184). Par commodité rédactionnelle, le terme de brique a été adopté dans la suite du texte. La limitation à la construction privée est volontaire : seuls certains édifices publics intègrent des parois intégralement construites en opus testaceum. Dans certains cas, sans constituer une paroi complète, des assises de 3 à 6 briques peuvent courir sur toute la longueur d’une paroi, comme au nord de la Casa dei cervi (IV, 21), éventuellement alternées avec une assise de moellons en tuf, à l’exemple de la façade méridionale de la Casa di Aristide (II, 1). Prises dans une paroi en réticulé, ces assises d’opus mixtum à panneaux permettent de stabiliser la maçonnerie et de limiter la création de fissures obliques dans des murs ainsi construits.
24 Les coffrages laissent souvent leur empreinte, particulièrement si les planches qui les constituent n’ont pas été assemblées de façon jointive. En remplacement de ces dernières, la porte devant être condamnée peut être laissée en place. Le meilleur exemple de cette ultime technique est constitué par les deux communications entre l’atrium de la Casa del salone nero (VI, 11.13) et l’atelier VI, 12 : du côté de la domus, l’empreinte des portes est encore visible.
25 La paroi s’étendant à l’ouest du montant occidental de la porte 8 n’a pas été prise en considération : le montant – en briques – et le mur en opus incertum C sont des restaurations modernes. Cette portion de la Casa del tramezzo di legno a été mise au jour dans les années 1870.
26 Th. Ganschow (1989 : fig. 7b p. 113) rapporte que sur les 361 emplois recensés de l’opus reticulatum B, 152 sont associés avec de l’opus vittatum.
27 Le dessin des « mailles » du filet n’est pas toujours strictement linéaire. Toutefois, les moellons ont des dimensions visibles toujours inférieures ou égales à 10 cm. Cette forme d’opus reticulatum A reste très proche des caractéristiques générales de l’opus reticulatum B. Elle se distingue toutefois très nettement de la façade de III, 9, permettant l’individualisation d’une phase différente de construction.
28 L’entraxe de ces empreintes est d’environ 27 cm. Chacune a un diamètre de 7 à 8 cm. Une dixième est située dans le bloc de maçonnerie en briques immédiatement à l’ouest.
29 L’opus reticulatum B est associé avec l’opus vittatum. De la même façon, l’opus reticulatum A peu régulier a été mis en place en même temps que l’opus vittatum mixtum à une assise de briques.
30 Dans la partie inférieure du mur, la restauration moderne n’a pas reproduit cette forme de chaînage.
31 Cf. infra, p. 244-253.
32 En raison des travaux de restauration menés par l’Herculaneum Conservation Project, cet îlot a été inaccessible pendant la majeure partie de mes recherches. De plus, aucune boutique ou local artisanal n’y a été identifié.
33 Bien que désormais unanimement admise, la date de 62 ap. J.-C. a suscité un long débat, dû à des divergences entre la longue description de Sénèque (Nat., 6, 1, 1-2) et le bref récit de Tacite (Ann., 15, 22). Sur les jalons de sa résolution, cf. Adam 1986 : n. 9 p. 68.
34 Les actes de ce colloque ont été édités par Th. Fröhlich et L. Jacobelli en 1995. L’importance de cette question est brillamment exposée dans l’introduction de ces actes par L. Jacobelli (1995).
35 Sen., Nat., 6, 1, 1-2 : « Nous avons entendu que Pompéi, [...] vient d’être renversée en plein hiver par un tremblement de terre dont ont souffert toutes les contrées avoisinantes ; c’est le jour des nones de Février, Regulus et Verginius étant consuls, qu’eut lieu ce séisme qui frappa la Campanie [...] avec une force considérable. Herculanum s’est en partie écroulé et ce qui reste debout n’est pas sans inquiéter. […] L’affreux fléau a légèrement touché Naples où des particuliers ont subi des pertes, mais non la cité […] » (d’après trad. CUF).
36 Tac., Ann., 15, 22 : Isdem consulibus [P. Mario et L. Afinio] […] et motu terrae, celebre Campaniae oppidum Pompei magna ex parte proruit.
« Lors du consulat des mêmes (Publius Marius et Lucius Afinius, en 62 ap. J.-C.), un tremblement de terre a détruit en partie Pompéi, célèbre ville de Campanie » (d’après trad. CUF).
37 Suet., Nero, 20, 3 : Et prodit Neapoli primum ac ne concusso quidem repente motu terrae theatro ante cantare destitit, quam incohat absolveret nomon.
« Ce fut à Naples qu’il débuta et, quoiqu’un tremblement de terre eût tout à coup ébranlé le théâtre, il ne cessa de chanter qu’après avoir terminé son morceau » (trad. CUF).
Tac., Ann., 15, 34, 1 : Illic, plerique ut arbitrabantur, triste ut ipse, providum potius et secundis numinibus, evenit : nam, egresso qui adfuerat populo, vacuum et sine ullius noxa, theatrum conlapsumest.
« Là survint un incident, que la plupart jugeraient sinistre, mais Néron plutôt providentiel et dû à la faveur des dieux : quand le public en fut sorti, une fois vide, et sans dommage pour personne, le théâtre s’écroula » (trad. CUF).
Il faut souligner que Tacite ne mentionne pas de cause à l’écroulement du théâtre, ce qui laisse la possibilité que cet édifice ait été endommagé lors du séisme de 62, en dépit des remarques de Sénèque (Nat., 6, 1, 2, cit. supra) sur l’absence de dégâts aux monuments publics à Naples.
38 Plin., Ep., 6, 20, 3 : Praecesserat per multos dies tremor terrae minus formidolosus, quia Campaniae solitus[…].
« Pendant plusieurs jours on avait eu comme préliminaire des secousses de tremblements de terre moins effrayantes, parce que habituelles en Campanie » (d’après trad. CUF).
39 Sur les variations d’A. Maiuri pour interpréter cette plaque, cf. supra, n. 143 p. 24. Sur la découverte de la plaque, cf. infra, p. 263-264.
40 AE 1979, 170 (cf. Guadagno 1978 : 134) relue en 1995 (Guadagno 1995 : 119 ; AE 1996, 409) : Imp(erator) C[a]<esar V>espas[ianus] Aug(ustus) pont(ifex) max(imus) trib(unicia) pot(estate) VII i [mp(erator) XVIII p (ater)] p(atriae) c[o(n)s(ul) VII des(ignatus) VIII] / ce<nsor> gen[ium] municipi herculane[iterrae motu conlapsum] r(estituit). Les rédacteurs de l’Année Épigraphique ont des doutes quant à certains détails restitués dans la titulature ainsi qu’envers le développement r (estituit).
41 G. Guadagno (1995 : 122-124) fonde ses analyses sur deux inscriptions anciennes (CIL X, 1481 ; AE 1902, 40) et sur trois autres de découverte plus récente.
42 Guadagno 1995 : 122, 124-126. Contra Maiuri 1958 b : 72.
43 Sur ces considérations sismologiques, cf. Marturano – Rinaldis 1995.
44 Sur le phénomène de bradyséisme à Herculanum, cf. Cinque – Irollo 2008.
45 Maiuri 1942 a. Une mise à jour exhaustive de ces données serait nécessaire, mais une telle recherche déborde largement du cadre du présent propos.
46 Schefold 1957 : 152-153.
47 Sur les dégâts caractéristiques des séismes, cf. infra, p. 237.
48 Varone 1995 : 29-30. D’autres éléments provenant de cette même maison conduisent à un résultat identique. Dans le triclinium dont les fresques donnent son nom à la domus, un tas de chaux a été trouvé, signe indubitable de travaux en cours en 79. Les parois sont couvertes par un cycle décoratif de IIIe style final (35-45 ap. J.-C.). Une partie de la paroi orientale sur laquelle se trouve ce décor n’est pas en opus incertum mais en pan de bois hourdé. Sur cette portion de mur, la fresque présente des différences physiques – moindre épaisseur de l’enduit – et surtout stylistiques, trahissant une création postérieure au reste du décor, par une autre main, ayant déjà intégré les schémas du IVe style. Dans cette pièce, comme dans le cas du four, une première restauration a été effectuée, mais une seconde était en cours en 79 (Varone 1995 : 30-32).
49 Koloski Ostrow 1990 : 50.
50 Seiler 1992 : 83-86, part. 84.
51 Nappo 1995, part. 52-54.
52 Berry 1997 a, part. 122-124.
53 Maiuri 1942 a : 162-163 ; contra Lepore 1950.
54 L’idée d’une activité sismique continuelle a été développée par P. Allison (1995). Les contributions les plus récentes sur cette question tendent à proposer un séisme relativement violent – mais moins fort qu’en 62 – dans l’année précédant l’éruption (cf. Varone 2005 : 322).
55 Adam 1986 : 72-79.
56 Ling 1995 : 201, 207. Le terme employé est emergency repairs.
57 Sur les techniques mises en œuvre après le séisme, cf. Maiuri 1942 a : 189-202, part. 198-201 pour l’emploi de la brique.
58 Th. Fröhlich réfute la datation tardo-républicaine de cette porte en invalidant l’ensemble des arguments traditionnellement présentés. Cela lui permet de proposer, pour Pompéi, une chronologie d’utilisation de l’opus vitattum mixtum entre 50 et 79 ap. J.-C. Cf. Fröhlich 1995 : part. 157-158.
59 « To my mind the proponents of the second-earthquake theory need to substantiate their case by producing examples of houses with two (or more) successive phases of emergency repairs. Only this form of evidence can offer a valid argument for successive episodes of earthquake damage » (Ling 1995 : 201). Lors de la publication du second volume consacré à cet îlot, R. et L. Ling (2005 : 35, 169-170) signalent des indices permettant de conclure à l’existence d’un second séisme ayant affecté la maison du Ménandre. Il s’agirait toutefois d’une secousse d’une portée moindre par rapport à celle de 62.
60 Maiuri 1942 a : 188-208. Les termes qu’il emploie sont essentiellement rifacimento et tecnici di restauro.
61 « Ma questi ed altri parziali restauri […] non ci darebbero un esatto quadro della grave situazione edilizia che il terremoto dell’anno 62 dové creare ad Ercolano e non giustificherebbero la testimonianza di Seneca, se non si tenesse conto […] che lo stato di rovina e di disordine di molti edifici all’atto della scoperta è da spiegare più in conseguenza dei danni non riparati del terremoto che di quelli prodotti dall’eruzione del 79. Ciò vale anche per Ercolano, pur tenendo debitamente presente che ad Ercolano agirono sul crollo degli edifici […] le forze più violente di avulsione e di trasporto determinate dall’alluvione fangosa » (Maiuri 1958 b : 73).
62 Sur ce point, cf. supra, p. 4-5.
63 Ganschow 1989 : 101.
64 Sur les réactions à l’hypothèse de G. Guadagno, cf. Fröhlich – Jacobelli 1995 : 129-130. M. Pagano a exprimé ses critiques sur cette hypothèse au cours de l’une des discussions du colloque de Boscoreale (Fröhlich – Jacobelli 1995 : 200) et dans un article consacré à la « Palestre » (Pagano 1996 a : n. 87 p. 243) : sans explicitement nier la possibilité d’un second séisme, il refuse qu’il ait pu avoir une influence forte sur la région, sans développer son argumentation.
65 Telles semblent être les conclusions que l’on peut prudemment inférer des remarques d’A. Marturano et de V. Rinaldis (1995 : 133-134 et Fröhlich – Jacobelli 1995 : 200).
66 Maiuri 1958 b : 113-143, part. 116-117.
67 Je reviendrai dans le chapitre suivant sur l’histoire de cet édifice en proposant notamment une explication pour les quelques portions de murs construites en opus vittatum mixtum qui appartiennent certainement à la construction initiale. Dans cette première vision très générale, je ne prends pas en considération les transformations faites à l’intérieur des boutiques s’ouvrant sur le cardo V qui renvoient également à des épiphénomènes, même si certaines ont été réalisées à la suite des séismes.
68 Sur le remblaiement de cet espace, cf. Maiuri 1958 b : 126-127 et GSE 1936 : « 2 dicembre. L’ambiente n. 10 posto a nord dell’abside è un lungo corridoio a forma rettangolare. Dal materiale sterrato in esso, oltre a quello eruttivo, appare che fu colmato prima dell’ultima eruzione. Difatti molti frammenti di anfora e cocci di vasi di terracotta aretina si sono raccolti, e fra essi ve ne sono alcuni con iscrizioni e bolli seguenti : [les marques sur les amphores correspondent aux inscriptions CIL IV, 10897, 10904, 10910 et 10911, dont la provenance est erronée dans le corpus ; des trois timbres de vases sigillés recopiés, un seul peut être identifié : CVArrII 1839, 9, timbre d’un Secundus ayant exercé à Pouzzoles] ». D’autres fragments de céramique arétine – illisibles – ont été découverts dans cet espace les 5 et 6 février 1937.
69 Les mêmes observations conduites casuellement à Pompéi ne montrent pas cette uniformité : les briques seules peuvent y avoir été employées avant ou après le Vm2. En revanche, Th. Ganschow (1989 : fig. 7b-c p. 113-114) indique que dans le meilleur des cas, ces deux types d’opus sont utilisés conjointement (4 occurrences), sinon les briques seraient employées après le Vm2 (8 occurrences). Ces données ne sont pas plus détaillées, toutefois les exemples exposés, ainsi que celui de la façade nord de la Casa del tramezzo di legno, (cf. supra, p. 230-232) les contredisent.
70 Ganschow 1989 : 118 ; Hoppenbrouwers – Vermeulen 1996 : 185.
71 Contrairement à ce que suggère A. Maiuri (1958 b : 437-438), l’escalier d’accès à l’étage ne se situe pas dans l’entrée IV, 17 au nord de la paroi en opus craticium mais dans l’angle sud-ouest de l’atrium, seul endroit où une absence de solive permet de restituer la cage d’escalier. Il serait étonnant que deux escaliers aient permis d’accéder à l’étage.
72 G. Guadagno (1982 : 197-204) estime que la mention d’Ap. Claudius Pulcher dans l’inscription CIL X, 1453 [Appius Pulcher C(ai)f(ilius) co(n)s(ul) imp(erator) VI[I]vir epulon(um)] ne peut pas renvoyer à la construction du théâtre et doit donc – en l’absence de toute postérité du gentilice Claudius dans l’onomastique d’Herculanum – amener à considérer celui-ci comme un personnage ne s’étant pas établi dans la ville, mais ayant toutefois mérité des honneurs insignes. Il faudrait donc voir en lui le fondateur du municipe. Cette interprétation concorde avec les remarques d’A. Degrassi (1960 : 144-145) qui considérait, à partir d’une inscription remployée dans un pavement de la Casa del rilievo di Telefo (Or. I, 2-3) mentionnant un duovir primus, que la création du municipe n’aurait été effective qu’entre César et Auguste (Della Corte 1958 : no 284 = AE 1960, 277 = Guadagno 1978 : no 53 : Laribus sign[um] / Marcius Phi[lippus] / duovir prim[us ?] / [f] aciundum [cur(avit)] / [i] sdemque pro[bavit]).
73 CIL X, 1424 = ILS, 890 : Ap(pio) Claudio C(ai) f(ilio) Pulchro / co(n)s(uli) imp(eratori) / Herculanenses post mort(em).
74 AE 1947, 53 = AE 1976, 144, l. 8-9.
75 Pour des relevés détaillés et une étude architecturale du théâtre, cf. Balasco 2000 a et b.
76 M. Pagano (1993 a : 150) y voit les seules restaurations effectuées, se fondant non sur la technique de construction mais sur les changements dans la décoration, qui y est réalisée en IVe style. A. Balasco (2000 b : 78) en signale d’autres, réalisées avec des briques brisées, pour renforcer certaines structures affaiblies. Les descriptions données par A. Balasco ne permettent pas de déterminer si l’opus vittatum mixtum employé comporte une ou deux assises de briques. De la même façon, l’opus reticulatum n’est pas défini avec plus de précision. Il semble toutefois s’agir d’une version très régulière de type B.
77 CIL X, 1412 = ILS, 74a : Divo Augusto / Augustales. Cf. Guadagno 1983 : 172-173.
78 G. Guadagno (1983 : 165 et n. 25) les signale comme construits en opus vittatum dans son texte mais donne fort justement la description de l’opus vittatum mixtum en note.
79 Najbjerg 2002 : 143-146 ; sur ce portique, cf. infra.
80 Sur ces relevés, cf. Pagano 1996 a : 229-230 et Najbjerg 2002 : 133-136.
81 Najbjerg 2002 : 147-148. Une telle datation avait déjà été proposée – élargie au règne de Claude – par A. Allroggen-Bedel (1974 : 108), puis affinée à l’année 49 comme terminus ante quem probable par M. Pagano (1996 a : 242). L’ensemble de ces interprétations se fonde sur la datation des bases de statues financées majoritairement par L. Mammius Maximus (CIL X, 1413, 1417-1418), qui se trouvaient dans les niches du portique, ainsi que sur celle de la statue en bronze de Claude (CIL X, 1416) portant la titulature de 49 ap. J.-C.
82 CIL X, 1419 et 1422 ; Allroggen-Bedel 1974 : 108 ; Pagano 1996 a : 242 ; Najbjerg 2002 : 148.
83 Ganschow 1989 : 89 ; Najbjerg 2002 : 148-149. La proportion de restauration moderne dans les quelques parties visibles de cet édifice est tellement importante qu’il serait vain de tenter de discerner des réparations antiques.
84 Cf. Pagano 1996 b : 189, à propos d’un sondage dans la Casa del colonnato tuscanico. D’autres sondages peuvent être signalés dans la Casa del priapo et dans la Casa della stoffa.
85 Tran Tam Tinh 1977, part. 41. La théorie développée par cet auteur, qui placerait la construction de la Casa dei cervi après le séisme de 62 a été vivement rejetée par Th. Ganschow (1989 : 184-215) et critiquée par R. Ling (1992 : 333-336). Une reprise de l’étude de cette maison serait cependant nécessaire en prenant en compte l’existence d’un second séisme. Un rapide examen des maçonneries de cette maison, notamment du côté de la Casa della stoffa (IV, 19-20) laisse supposer au minimum des restaurations très importantes en lien avec le séisme de 62, si ce n’est une construction ex nihilo à ce moment.
86 Un sondage réalisé en 2006 le long de la façade sud de la « Palestre », dans le cadre de l’Herculaneum Conservation Project, oblige à réviser partiellement cet aperçu général. En effet, un mur érigé en opus incertum aurait été arasé pour construire les fondations de la « Palestre ». Ce mur originel aurait perforé un niveau de sol (US 93) daté entre les règnes d’Auguste et de Tibère (Wallace-Hadrill – Guidobaldi – Camardo – Moesch 2008 : 420-421). L’analyse des données provenant de ce sondage tendrait à remettre en cause l’unité de construction de l’édifice, pourtant largement étayée par l’étude des techniques constructions, des fresques de première phase (cf. infra) et des sondages réalisés dans les années 1980-1990, et à abaisser drastiquement la date de construction.
87 Pagano 1990 ; Pagano 1993 a : 598-599. Cette destruction a été attribuée, lors d’une communication ultérieure, à un hypothétique séisme survenu durant la période augustéenne (Cf. Fröhlich – Jacobelli 1995 : 200).
88 Pagano 1996 b : 189.
89 Pagano 1993 a : 597-598 ; contra Cerulli Irelli 1974 : 73.
90 Pagano 1996 b : 190 et fig. 5 p. 192.
91 Pour les résultats de ces sondages, voir Monteix 2005 et surtout Monteix 2007 b.
92 Ces travaux de terrassement ont également été observés dans la fouille de la boutique VI, 14, où ils atteignent une épaisseur supérieure à 43 cm : perçus grâce à la fosse qui les a coupés, la hauteur totale de ces remblais ne saurait être déterminée, la fosse n’ayant pas été intégralement fouillée pour des raisons de sécurité.
93 Les différentes US composant le remblai ont notamment livré une coupe en vernis noir à profil sinusoïdal (Morel [1981 : 202-203], série 2654 e) produite dans la seconde moitié du Ier s. av. J.-C. ; un fragment de céramique sigillée caractéristique de la production A de la baie de Naples (cf. Hedinger – Schneider – Soricelli 1994) et un fragment d’amphore de Bétique (Dressel 7-11). L’ensemble permet de circonscrire la datation de cet exhaussement du sol à la période augustéenne. Ces différents éléments proviennent de l’étude menée par B. Chiaretti sur l’ensemble du matériel de la fouille. Qu’elle trouve dans l’utilisation de ces données toute l’expression de ma reconnaissance.
94 Les décors auraient dû être inclus dans le second volume d’A. Maiuri sur les fouilles d’Herculanum, non publié suite à sa disparition. Certaines parois d’Herculanum ont fait l’objet d’études particulières ou sont mentionnées dans des synthèses thématiques. D’une manière globale, l’étude de la peinture d’Herculanum est cependant longtemps restée cantonnée, comme l’ensemble du site, au rôle d’exemple, en contrepoint ou en appui de la situation pompéienne. Dans les années 2000, la thèse de doctorat de D. Esposito (2005) a comblé cette lacune. En revanche, les études sur les pavements sont encore limitées aux brèves remarques d’A. Maiuri et aux deux monographies sur les peintures de la Casa dell’atrio a mosaico et de la Casa del colonnato tuscanico (Cerulli Irelli 1971 ; Manni 1974).
95 Cf. Blake 1930 et Pernice 1938.
96 Le constat des différences entre les façons de peindre à Herculanum et à Pompéi a déjà été suggéré par A. Allroggen-Bedel (1991). La série « Häuser in Pompeji » (e.g. Strocka 1991, Seiler 1992) ou encore les études menées sur l’îlot I 10 à Pompéi (Ling 1997 a ; Ling – Ling 2005) montrent pourtant tout le parti que l’on peut tirer d’une étude exhaustive et concomitante des peintures et des structures maçonnées. Un bilan détaillé de l’état des études sur la peinture à Herculanum en 1990 a été dressé par M. Manni (1990), désormais remplacé par le travail de D. Esposito (2005).
97 Ganschow 1989 : 101-102.
98 Moormann 1987 : 128, 133.
99 Moormann 1987 : 130, 133.
100 Th. Ganschow (1989 : 266) considère que les montants de la porte ont été reconstruits après la fouille, tandis que la partie inférieure de la fenêtre centrale aurait été construite dans une variante d’opus testaceum.
101 Il est plus délicat de déterminer à quel groupe appartient la paroi orientale, beaucoup plus endommagée et donc moins lisible.
102 Les exemples de restauration sont donnés dans Laidlaw 1985 : n. 15 p. 42 ; pour les imitations tardives mais également pour les parois conservées durant un laps de temps important, cf. Laidlaw 1985 : 44-46.
103 Cf. supra, p. 236 et Ehrhardt 1995.
104 Ganschow 1989 : 101-102.
105 La description de la voûte étoilée de l’entrée Or. II, 4 n’est pas assez précise pour déterminer si elle était constituée en briques ou non (cf. Ruggiero 1885 : 233-234). Aucun élément n’est connu quant à la couverture de la cella I. Le cryptoportique au nord de la « Palestre » est voûté en béton non parementé.
106 Dans le cas de l’aedes Augustalium, cette seconde fonction est mise en évidence par le fait que le remplissage des arcades n’est pas réalisé sur l’ensemble de leur profondeur : les arches restent visibles.
107 Dans son tableau de correspondance entre les peintures et les types de construction, Th. Ganschow (1989 : 103, 125) considère à tort, que la fresque située sur les parois nord et sud du tablinum de la Casa dei due atri (VI, 28-29) est de IIIe style. La composition générale et les éléments de la zone médiane sont de IVe style. Selon les recherches de D. Esposito (2005 : 168-169), cette maison serait un exemple du IVe style flavien à Herculanum. Cf. également Maiuri 1958 b : 276 ; Bastet - de Vos (1979 : 139) qui n’intègre pas la maison dans leur liste des attestations de IIIe style hors de Pompéi.
108 Ganschow 1989 : 129-130. En revanche, il est difficile de s’expliquer le choix de chronologie qu’il propose dans son tableau synoptique, où il limite l’utilisation maximale de ce type de construction au règne d’Auguste (Ganschow 1989 : fig. 8 p. 135).
109 Il est possible que, comme à Pompéi (cf. supra, p. 237), l’opus vittatum mixtum à deux assises de briques ait été utilisé avant le séisme de 62. Aucun exemple parmi ceux que j’ai observés à Herculanum n’est probant en ce sens.
110 A. Maiuri (1958b : 68) semble utiliser la période de 89-80 av. J.-C. comme basculement de la cité samnite à la cité romaine, marquée par « l’adozione dell’opus incertum in tufo e l’abbandono quasi completo dei materiali lavici […] segnano un nuovo periodo […] avvenuto lentamente durante il cinquantennio che va dall’espugnazione della città e della sua sua costituzione in municipium romano all’avento di Augusto ». Th. Ganschow (1989 : 98-101) quant à lui reporte cet événement à 80 av. J.-C. L’obtention du statut de municipe semble se situer vers la fin des années 30 av. J.-C., très certainement en lien avec la présence d’Ap. Claudius Pulcher dans la cité (cf. supra, n. 72). De toute façon, le lien entre le statut légal de la ville et l’évolution des techniques de construction semble bien difficile à établir. Les techniques de construction employées dans la Casa del salone nero pourraient n’être que l’un des ultimes soubresauts des mises en œuvre les plus anciennes.
111 Fulford – Wallace-Hadrill 1998. R. Laurence (JRS 88, 1998 : 202) a tenté d’utiliser cette datation pour proposer un abaissement général de la chronologie de ce type de construction. La réponse donnée par R. et L. Ling (2005 : 174) à ce propos est irréprochable du point de vue de la méthode : « […] The chronology of building techniques is a general good guide but should often be regarded as offering only termini post quos ; the various rubblework techniques, in particular, may recur in broadly similar forms over long periods of time, and in these circumstances it is wise to retain a certain flexibility when using them as dating tools ». Les fouilles dirigées par F. Coarelli et F. Pesando (2006 : 19, 312-316) ont permis de confirmer que l’utilisation initiale et principale de l’opera a telaio doit être située au IIIe siècle avant notre ère.
112 Pour le détail du raisonnement permettant d’aboutir à cette conclusion, voir Monteix 2007 b : 169-175.
113 Sur la Casa dei due atri, cf. Ganschow 1989 : 125, 127 et supra, n. 107. À propos des thermes, Th. Ganschow (1989 : 93-95) considère qu’ils ont été intégralement construits en opus reticulatum A, suivant en cela l’analyse d’A. Maiuri (1958 b : 93). Pourtant, une première phase, en opus incertum C, est visible, au moins dans la moitié nord de la façade orientale. Seules les transformations successives, et l’extension des bâtiments thermaux – essentiellement de la moitié dite des thermes féminins – au sud-est, le long de la palestre, ont été réalisées en opus reticulatum A.
114 La présence d’une porte dont les montants sont en opus vittatum entre la pièce qui surplombe la boutique 10 et celle qui se développe au-dessus de la pièce (a) de la Casa del tramezzo di legno pourrait indiquer que cet étage existait déjà lors de la phase antérieure. Il aurait été accessible depuis l’espace III, 9.
115 Idéalement, il aurait été nécessaire, tout à la fois dans un but documentaire et argumentatif, de distinguer chacune des unités stratigraphiques qui renseignent l’évolution du bâti à Herculanum, en les positionnant sur un relevé exhaustif des parois, dessinées à échelle constante. Une telle entreprise n’aurait pas pu être effectuée par une seule personne dans le cadre d’une thèse de doctorat. La vision que je présente ne saurait être qu’impressionniste. Toutefois, elle me semble suffisante pour comprendre l’évolution de la ville et en particulier celle des structures commerciales et artisanales.
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Les lieux de métier
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