La place des boutiques au sein des propriétés urbaine : essai d’archéologie du bâti
p. 223-224
Texte intégral
« Cette maison [VI 6, 1.8.12-13] nous offre un nouvel exemple de ces boutiques dans lesquelles les propriétaires faisaient vendre, pour leur compte, les productions de leurs biens ruraux. C’est ce qu’indique la porte de communication de cette boutique avec l’atrium ; d’ailleurs, elle était située dans une rue qui devait être peu passagère, et par conséquent peu recherchée des marchands ; il ne pouvait y avoir que le propriétaire de la maison qui pût trouver son compte à pareil établissement ». F. Mazois, Les ruines de Pompéi dessinées et mesurées par F. Mazois... 2e partie, Firmin Didot, Paris, 1822-1824, p. 49.
« Tutto il presente studio si fonda […] sull’esame dei sistemi costruttivi ».
G. Lugli, « Studi topografici intorno alle antiche ville suburbane », Boll. Com., 55, 1927, p. 145.
1Pour comprendre l’importance du tissu commercial à Herculanum, il faut réussir à définir les espaces voués à une activité commerciale ou artisanale et proposer des interprétations pour ces locaux. Toutefois, cela limite la compréhension de ces phénomènes à une fraction de la seule sphère de la production et de la commercialisation, laissant dans l’ombre l’évidente interaction entre ces lieux de métier et les autres formes d’espace. De la même façon, en étudiant les boutiques et les ateliers à la seule échelle du local, les relations que l’on peut espérer restituer sont celles du commerçant avec sa clientèle.
2Pour une compréhension générale des phénomènes liés au commerce de proximité et à l’artisanat urbain, les locaux ne doivent plus être analysés pour eux-mêmes mais à travers les relations qu’ils entretiennent avec les autres édifices en devanture ou au sein desquels ils sont implantés. Toutefois, une telle recherche n’a d’intérêt que si l’on quitte la dimension synchronique de l’état de la ville au moment de l’éruption du Vésuve, tel que restitué après les fouilles. Il serait ainsi possible de suivre l’évolution des implications dans le commerce en analysant les transformations subies par les lieux de métier. Pour être complète, cette démarche devrait prendre en compte autant que possible l’ensemble des données disponibles et donc considérer tous les édifices connus à Herculanum. Cependant, dans une ville où la détermination de l’extension du patrimoine immobilier, et plus encore des propriétaires de ces fonds, est une gageure, j’ai choisi de ne pas prendre en considération les fractions d’îlots n’ayant jamais présenté de boutique ou d’atelier, à moins que les transformations qu’ils ont subies ne les aient amenés à être liés à des lieux de métier. De cette façon, je déterminerai quelles étaient les fractions de la population impliquée dans le commerce de proximité et dans la production urbaine.
3Une première limite à cette réflexion doit être posée. Ma démarche se fonde d’abord et essentiellement sur l’interprétation des vestiges construits encore en élévation au moment de l’éruption de 79. C’est dire que les sources à disposition sont fortement lacunaires, que ces lacunes soient simplement dues aux processus « normaux » de transformation du bâti – fondés sur la destruction partielle et le remploi des aménagements tombés en désuétude – ou aux destructions liées à l’éruption ou aux premières fouilles. De plus, la richesse d’Herculanum en documents épigraphiques, pour être certaine, n’est d’aucun secours dans une telle recherche. En effet, malgré la découverte du probable album des citoyens ou de nombreux documents issus de la pratique juridique, aucune inscription, aucun graffito, aucune tablette de cire ne permet de faire le lien entre un local commercial et son occupant ou son tenancier1. De la sorte, les quelques remarques ayant trait à la société herculanéenne que je ferai n’atteindront pas le niveau de précision, ne serait-ce qu’en terme de statut social, que l’on pourrait obtenir par une étude épigraphique2. De ce fait, sans même chercher pour l’instant à revoir les interprétations proposées sur ce sujet par A. Maiuri, je ne pourrai pas, par exemple, déterminer l’importance des affranchis dans le milieu social commerçant à Herculanum. Tout au plus me sera-t-il possible de suggérer quelques hypothèses quant à la position sociale – relative – de tel résidant dans une domus dont la façade est occupée par des locaux commerciaux. Ces remarques ne pourront toutefois être formulées qu’après une étude de l’évolution des différents édifices en façade desquels des boutiques ou des ateliers ont été mis en évidence, recherche parfois fastidieuse mais néanmoins indispensable.
Notes de bas de page
1 Le supposé album des Augustales (CIL X, 1403) a été récemment réinterprété par G. Camodeca (2000) comme la liste des citoyens d’Herculanum, en raison du nombre beaucoup trop important de noms mentionnés sur cette liste pour une si petite ville. Les huit lots d’archives mis au jour à Herculanum se rapportent essentiellement au procès en ingénuité de Petronia Justa, aux contentieux de L. Cominius Primus, aux archives de L. Venidius Ennychus et à cinq autres groupes d’importance moindre. Toutes ces tablettes sont en cours de relecture et de réédition par G. Camodeca (2002, part. n. 1-2 p. 257).
2 Une étude sur le milieu commercial des environs du forum romanum, fondée sur l’analyse de données provenant d’inscriptions lapidaires, a été menée par E. Papi (2002).
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