1Cette nouvelle publication du Centre Jean Bérard réunit les travaux de près d’une vingtaine de chercheurs (archéologues, architectes, géomorphologues et volcanologues) autour du thème : “Tremblements de terre, éruptions volcaniques et vie des hommes dans la Campanie antique”.

2A travers des approches de types et de contenus divers, ces travaux soulignent les apports complémentaires de la volcanologie, de la sismologie et de l’archéologie à l’histoire de la Campanie antique.

3L’intérêt et l’utilité d’une telle confrontation étaient apparus lors d’une rencontre à Naples autour d’Haroun Tazieff avec des archéologues de terrain travaillant sur les terres volcaniques de Campanie, des îles Eoliennes et de Sicile, et d’une manière générale dans les zones sismiques d’Italie méridionale et de Sicile. Elle coïncidait, opportunément, avec une période féconde de contacts et d’échanges scientifiques entre notre Laboratoire et le Département de Géophysique et de Volcanologie de l’Université de Naples d’une part, et avec le Département des Sciences de la Terre de l’Université de Pise d’autre part, sur des problèmes d’archéologie préhistorique en relation avec des épisodes éruptifs anciens du Monte Somma.

4Cette entente, d’ailleurs, avait conduit à programmer dans les Laboratoires du CNRS (Centre de Datations et d’Analyses Isotopiques - Lyon ; Laboratoire des Faibles Radioactivités - Gif-sur-Yvette) un certain nombre d’analyses 04 de paléosols et de bois brûlés provenant de la région phlégréenne et des territoires à l’entour du Vésuve.

5Il était clair, en effet, que certaines observations faites par les archéologues et par les architectes pouvaient intéresser les volcanologues et les sismologues. Ce point avait été récemment souligné par G. P. L. Walker, lors du Congrès sur “Les volcans actifs de la région napolitaine” (Naples 1977) à propos des sites romains de la zone du Vésuve : “Mon sentiment est que les archéologues en Italie peuvent ne pas être conscients que la collaboration avec les volcanologues dans une zone comme Herculanum par exemple, peut être utile tant à l’archéologie qu’à la volcanologie, et peut en outre fournir des données qui pourraient dans l’avenir sauver des vies humaines”. Le volcanologue anglais précisait les aspects susceptibles de déterminer la nature, l’extension et les causes des dommages matériels et des pertes de vies humaines à Pompéi et ailleurs. “Il est indispensable aux volcanologues de connaître les conditions des ruines avant les travaux de restauration. Pourquoi les édifices s’écroulent-ils ? Parce que le poids des lapilli est trop élevé ou bien parce que les lapilli ont été projetés sur les édifices par une éruption latérale ? La carbonisation des bois utilisés dans les constructions, par exemple à Herculanum, est-elle un facteur d’identification des nuées ardentes ? La mort fut-elle causée par l’asphyxie ou par l’effondrement des maisons ? Les corps sont-ils concentrés au niveau des coulées pyroclastiques ?” (Walker 1977).

6A ces nombreuses questions sur les effets et les conséquences de l’éruption de 79 après J.-C., il a été possible de donner récemment un certain nombre de réponses (H. Sigurdsson, S. Carey, W. Cornell, T. Pescatore, The eruption of Vesuvius in A.D. 79, in National Geografic Research, 1985), mais dans bien d’autres cas de violences de la terre, les problèmes restent ouverts.

7Par ailleurs, et de façon réciproque, pour essayer d’apporter des éléments de réponse aux questions que se posent les archéologues, il s’avérait utile de présenter un bilan des connaissances et des problèmes relatifs au tecto-volcanisme récent du Somma-Vésuve et de la région phlégréenne.

8L’exigence d’un dialogue entre spécialistes des Sciences de la Terre au sens large et archéologues-historiens nous a conduits, au cours de ces dernières années, à poser de façon nouvelle certains des problèmes de l’archéologie campanienne. Toutes les contributions de ce volume sont le fruit de cette collaboration étroite, faite de discussions et de prospections sur le terrain.

9La plupart des articles touchent aux problèmes de la région du Somma-Vésuve : l’étude de M. Rosi et de R. Santacroce fait le point des actuelles connaissances de l’histoire éruptive du complexe volcanique, tandis qu’un groupe de chercheurs napolitains a analysé les données volcaniques et archéologiques relatives à deux éruptions protohistoriques du volcan pour tenter d’en fixer la chronologie (C. Albore Livadie - G. D’Alessio - G. Mastrolorenzo - G. Rolandi). La récente fouille de Sarno enrichit les données du problème (A. Marzocchella).

10Les effets du séisme de 62 après J.-C. sur les édifices sont examinés à Pompéi par J.‑P. Adam et de façon indirecte par W. Johannowsky qui présente une nouvelle inscription de Nuceria relative à la reconstruction du théâtre. Cette inscription accroît le petit nombre de documents qui font mention explicite d’une cause sismique de destruction. Les récents travaux de G. Luongo incluent Nuceria dans l’aire isométrique de degré VIII, supérieure à l’intensité habituellement estimée pour ce secteur. La source sismique, vraisemblablement en relation avec une fracture du substrat calcaire qui aurait pu intéresser l’aire de majeure intensité, a dû provoquer dans cette région des dommages comparables à ceux qu’a subis Herculanum. L’épigraphie parait le confirmer. Les recherches volcanologiques sembleraient exclure, par ailleurs, que les destructions signalées par les inscriptions campaniennes soient dues aux secousses liées à l’éruption de 79 après J.-C., dont l’intensité plutôt légère, fut inférieure au degré IV de l’échelle Mercalli-Cancani-Siebergs (MCS) et les effets à peine ressentis par les populations locales.

11La destruction d’une villa rustica à Cava Montone, non loin d’Herculanum, constitue un témoignage direct sur l’éruption de 79, dont on sait qu’elle a eu d’importantes conséquences économiques (U. Pappalardo, A. Lagi de Caro, H. Sigurdsson). Le développement de la production et de l’exportation des vins de Gaule du Sud à partir du IIème siècle après J.-C., en effet, pourrait indiquer un renversement de tendance commerciale dû en partie à la destruction des vignobles et des infrastructures artisanales et portuaires de la région pompéienne (F. Widemann).

12L’article de G. Pescatori sur Abellinum, complété d’une analyse critique des sources littéraires ayant trait aux éruptions tardives du Vésuve, et l’étude de V. Sampaolo sur Nola et Palma Campania permettent de nuancer en particulier les conséquences de la catastrophe de 472 après J.‑C. dans le secteur oriental de la plaine campanienne.

13En ce qui concerne la Campanie phlégréenne, deux vastes enquêtes sur Ischia (G. Buchner) et sur la terre ferme (C. Albore Livadie) examinent dans quelle mesure l’histoire géomorphologique et volcanique de la région a pu conditionner la vie de l’homme dans l’Antiquité.

14Ce volume n’a pas la prétention de présenter des résultats définitifs : c’est un bilan de recherches en cours. Je crois pouvoir ajouter, au nom de toute l’équipe, qu’un des aspects, pour nous, les plus positifs de cette collaboration a été l’esprit dans lequel elle n’a cessé de se dérouler. Il m’est agréable ici d’en donner acte à tous, et particulièrement à nos amis italiens.