La vaisselle commune de table et de cuisine en Aquitaine méridionale
p. 447-479
Texte intégral
Introduction
1Un ouvrage récemment consacré à l’étude des céramiques de la Gaule romaine relève que « dans le Sud-Ouest, l’influence méditerranéenne balaye les productions traditionnelles » (Tuffreau-Libre 1992, 75). Il m’a paru intéressant de mettre à l’épreuve cette affirmation dans le cadre d’une réunion qui met au cœur de ses préoccupations l’évaluation de l’influence du modèle culturel méditerranéen dans le domaine particulier de la vaisselle commune. Ce modèle, représenté ici par le matériel campanien, et si influent en Narbonnaise, est-il aussi actif en Aquitaine méridionale que ce livre le laisse entendre ? Le matériel de cette région, plus excentrée par rapport au pôle méditerranéen et plus récemment conquise que les territoires regroupés dans la province de Narbonnaise1, ne pourrait-il pas, à l’inverse constituer une base de confrontation, face aux exemples de Campanie et de Narbonnaise ?
2Sans même préjuger des résultats de l’étude à proprement parler céramologique2, il est essentiel d’insister sur l’identité propre de l’Aquitaine méridionale (actuels départements du Gers, des Hautes-Pyrénées, des Landes, des Pyrénées-Atlantiques, de la partie occidentale de la Haute-Garonne ; cf. la carte des sites mentionnés, fig. 1) par rapport à celle des autres aires prises en compte au cours de ces journées d’étude.
3En effet, la parcellisation géographique du territoire aquitain (Papy 1982, 30 et Taillefer 1978, 182) et le fractionnement de son occupation en de multiples peuples petits et obscurs mis en évidence par César (B.G., III, 27) et Strabon (IV, 2, 1) ne doit pas cacher l’unité fondamentale du peuplement aquitain et sa spécificité par rapport aux ethnies d’outre-Garonne. A ce propos on invoque fréquemment certains textes antiques (par exemple César, B.G., I, 1 ; Strabon, IV, 2, 1 ; Ammien Marcellin, XV, II, I, L Ausone3, Ordo urbium nobilium, X et peut-être XV), l’anthropologie physique et surtout génétique (Riquet 1981 et Bernard 1976). D’autre part, beaucoup voient dans la langue des anciens Aquitains révélée notamment par les toponymes, hydronymes et anthroponymes terminés par le suffixe -os (Michelena 1954), dans les lois et coutumes d’Aquitaine, notamment en matière de succession, dans le pastoralisme de transhumance utilisant des parcours jalonnés de tumuli dès l’Age du bronze, l’illustration de la permanence d’une forte identité aquitaine (le point dans Coffyn 1986).
4Ces arguments sont sans aucun doute à nuancer en fonction de ce que nous savons des apports celtiques dont on a coutume de placer les débuts au IIIe s. av. n. è. (Mohen 1979) et de ceux qui ont été provoqués par la conquête romaine4. Ils pourraient toutefois trouver confirmation dans la reconnaissance de la singularité de ces peuples accordée par Rome avec la création de deux entités religieuse et administrative particulières. Ainsi, sans doute dès l’époque d’Auguste un conventus des peuples aquitains fut organisé autour d’un sanctuaire du culte impérial séparé de celui de Lyon à Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand-de-Comminges) (Maurin 1972, 5-10). Plus tardivement, à la faveur des réorganisations administratives de la charnière des IIIe et IVe s., la fondation d’une nouvelle province, la Novempopulanie fut accordée aux Aquitains (Bost/Fabre 1988).

Fig. 1 - Principaux sites aquitains mentionnés.
1 Bordes, Pyrénées-Atlantiques (oppidum)
2 Castillon d’Arthez, Pyrénées-Atlantiques (campement de tradition indigène)
3 Dax, Landes (agglomération urbaine)
4 Éauze, Gers (agglomération urbaine)
5 Guéthary, Pyrénées-Atlantiques (atelier rural de salaison)
6 Flastingues, Landes (campements de tradition indigène)
7 Labastide d’Armagnac, Landes (villa)
8 Lectoure, Gers (agglomération urbaine)
9 Lescar, Pyrénées-Atlantiques (agglomération urbaine et campement de tradition indigène)
10 Moliets, Landes (campement de tradition indigène)
11 Montmaurin, Haute-Garonne (villa)
12 Montréal-du-Gers/Séviac, Gers (villa)
13 Oloron, Pyrénées-Atlantiques (agglomération urbaine et villa)
14 Pouzac, Hautes-Pyrénées (villa)
15 Saint-Bertrand-de-Comminges, Haute-Garonne (agglomération urbaine)
16 Saint-Sever/Gleysia d’Augreilh, Landes (villa)
17 Salies-de-Béarn, Pyrénées-Atlantiques (ateliers ruraux de saulniers)
18 Sanguinet/Estey du Large, Landes (village protohistorique fortifié)
19 Tarbes, Hautes-Pyrénées (agglomération urbaine)
20 Tilh, Landes (campement de tradition indigène)
5Ajoutons enfin que cette particularité aquitaine ne prend sa véritable signification que si elle est considérée dans sa dimension transpyrénéenne. Les arguments ne manquent pas. Il en est ainsi de la ressemblance physique notée par les auteurs antiques, de l’aide fournie par les “Cantabres” venus au secours des Aquitains dans leur combat contre Crassus (César, B.G., III, XXII et XXVI), ou encore de l’unité linguistique des deux versants occidentaux des Pyrénées. La permanence des échanges économiques entre les deux versants des Pyrénées ne fait qu’abonder dans ce sens. A cet égard, l’aire de diffusion des sigillées hispaniques, essentiellement limitée en Gaule au piémont occidental des Pyrénées, est pleine d’enseignements5.
6Mais ces caractères ne doivent pas faire de cette région une sorte de Finistère entièrement coupé de toute influence méditerranéenne. Si l’on admet généralement que le phénomène urbain revêt dans ce territoire des formes relativement modestes (Mangin 1992, 468 et 478), la profondeur de son implantation n’est pas remise en cause. De surcroît le maillage particulièrement dense des villae dans une bonne partie de cette région tend à démontrer la large diffusion des formes romaines d’exploitation du sol (Gorges 1987, fig. 1), même si les caractères spécifiques aquitains hérités des conditions historiques et géographiques locales mériteraient d’être mieux connus.
7L’étude de la vaisselle céramique d’Aquitaine permet de mettre en évidence le faciès particulier6 que les spécificités de son environnement pouvaient laisser supposer, tant en ce qui concerne les techniques de fabrication que la distribution des formes nécessaires à la vie quotidienne de leurs utilisateurs. Mais la mise en évidence de ces singularités n’épuise évidemment pas la question, et l’on pourra chercher des variations tant sociologiques que chronologiques au modèle que l’on peut tenter de définir. Nous nous attacherons d’abord à souligner ces caractères permanents afin de permettre une mise en perspective avec le matériel de Campanie et de Narbonnaise, réservant à une autre étude l’exploration des différentes explications possibles.
1. Les caractères permanents du faciès aquitain
8Les aspects qui nous paraissent le mieux refléter la réalité du matériel étudié, au-delà des variations dont nous tenterons ensuite de mieux saisir l’importance, permettent de définir un véritable faciès aquitain.
9D’une part la répartition quantitative des différentes catégories de fabrication semble particulièrement originale.
10D’autre part, la répartition quantitative des différentes formes de vaisselle nous paraît être un point décisif à aborder, tant elle est révélatrice de la nature même de la consommation céramique des Aquitains.
11D’un point de vue plus qualitatif enfin, il nous paraît indispensable de prêter une attention particulière à la typologie de ces vases afin de définir les éléments qui peuvent séparer ou réunir l’Aquitaine et le reste de la Gaule.
1.1. La part considérable des céramiques non tournées (fig. 2)
1.1.1. Céramiques tournées fines
12Si la question des céramiques tournées fines (campaniennes, sigillées, parois fines) n’entre qu’indirectement dans le cadre de la problématique de ces journées d’étude, il est indispensable de noter la part qu’elles prennent dans la céramique de ménage, afin de nous permettre de mesurer l’importance relative des différentes catégories de céramiques communes. Les proportions auxquelles nous sommes confrontés varient considérablement d’un type d’établissement à un autre ou d’une période à une autre. Mais le niveau général semble assez faible : sur 22 contextes d’époque romaine pris en compte, 15 comportent moins de 15 % de céramiques tournées fines, et 11 (soit encore la moitié), moins de 10 % !7
sites | dpts | chronologies | tournées fines |
Hastingues | 40 | Ier s. av. n. è. | 0 |
Hastingues | 40 | première moitié du Ier s. | 0,43 % |
Moliets | 40 | fin IIe/IIIe s. ? | 3,40 % |
Sanguinet | 40 | Ier s. av. n.è. | 0 |
Tilh | 40 | IIe s. | 0,20 % |
Bordes | 64 | IIe-Ier s. av. n. è. | 0 |
Castillon, Castetbielh | 64 | fin IIe/IIIe s. ? | 1,21 % |
Lescar-le Lanusse | 64 | Auguste | 0 |
Salies-de-Béarn, Lahitte | 64 | fin IIe/IIIe s. ? | 3,77 % |
Tableau 1 - Pourcentage des céramiques tournées fines sur le total des céramiques (sites ruraux de tradition indigène).
13Les sites protohistoriques de la région dont nous avons passé en revue le matériel céramique (Bordes, Hastingues, Sanguinet) n’ont donné aucun vase pouvant entrer dans cette catégorie. Mais le département du Gers pourrait dans une certaine mesure faire exception (Larrieu-Duler 1978 et Morel 1985, 181 : Auch, Lectoure, Roquelaure, Saint-Jean-de-Castex, Saint-Sauvy, Touget). Nous ne pouvons mentionner par ailleurs que quelques tessons de céramique campanienne à Saint-Bertrand-de-Comminges, Lescar d’ailleurs probablement en position résiduelle et un tesson de campanienne A de type Lamb.33 près du site romain de Saint-Jean-le-Vieux (Pyrénées-Atlantiques) (Tobie 1972, 422).
14Ces quelques témoignages sont toutefois difficiles à interpréter :
une partie seulement d’entre eux sont issus de fouilles organisées comme ce fut le cas à Lectoure (fouilles M. Larrieu-Duler), à Lescar (fouilles M. Bats), ou à Saint-Bertrand-de-Comminges (fouilles G. Fabre et R. Sablayrolles). Les autres sont issus d’opérations qui n’apportent rien à la connaissance du contexte de ces objets ;
paradoxalement une grande partie des tessons qui ont été découverts dans de bonnes conditions archéologiques figurent dans des couches contenant des sigillées et ne représentent de surcroît que des pourcentages infimes (Lescar ; chantiers du macellum et du temple à Saint-Bertrand-de-Comminges où ils sont toutefois présents dans un niveau de me contenant très peu de matériel significatif, mais aucune sigillée...)8. Ils perdent ainsi une grande partie de leur signification.
15A l’époque impériale, les sites ruraux de tradition indigène9 ne livrent que très peu de céramiques tournées fines (généralement moins de 4 %, lorsqu’on en rencontre).
16Les agglomérations urbaines et les villas fournissent entre 3,47 % (Lescar, ADAPEI, Période la) et 26 % (Dax et Lescar à l’époque flavienne) de céramiques tournées fines. Si l’essentiel se situe en général entre 10 et 20 %, 9 contextes sur 16 ont livré des pourcentages inférieurs à 15.
17Au total, la réalité aquitaine semble être assez conforme à la situation générale gauloise, mais à un niveau quantitatif généralement inférieur, surtout si l’on prend comme référence les sites méditerranéens et ceux de la vallée du Rhône culturellement et économiquement très liés au monde méditerranéen comme Lattes ou Lyon. Cette tendance est très nettement accentuée dans les sites ruraux de tradition indigène où ces poteries sont pratiquement absentes.
sites | dpts | chronologies | tournées fines |
* St-Bertrand, 8344/8356 | 31 | ± 20/15 av. n. è. | 12,78% |
* St-Bertrand, couches noires | 31 | ± 15-10 av. n. è./10-15 de n. è. | 20,39% |
* St-Bertrand, 8486/8490 | 31 | fin ler-tout début IIe s. | 8,16% |
* St-Bertrand, 8093/8095/8096 | 31 | fin IIe s. | 12,70% |
• Montréal-du-Gers, sond. 25, c. 4 | 32 | années 150-175 | 9,73% |
* Dax, Not Central, fosse rituelle | 40 | dépôt flavien | 25,39% |
• St-Sever, Gleysia | 40 | ler-lle s. | 8,95 % ? |
Guéthary | 64 | Tibère | 27,34% |
* Lesear, ADAPEI, période 1a | 64 | Auguste | 3,47% |
* Lesear, ADAPEI, période 1c+d | 64 | Auguste-Tibère | 21,50% |
* Lesear, ADAPEI, période 2b | 64 | 30-40/60-70 de n. è. | 18,71% |
* Lesear, ADAPEI, période 3b | 64 | début période flavienne | 16,87% |
* Lesear, ADAPEI, période 3c | 64 | fin période flavienne | 25,89% |
* Lesear, ADAPEI, dépotoir égout 1 | 64 | première moitié IIe s. | 8,10% |
• Pouzac | 65 | milieu IIe s. | 12,98% |
* Tarbes, pl. de Verdun | 65 | fin ler-début IIe s. | 12,74% |
(* agglomération urbaine, villa ; Guéthary est un atelier rural de salaisons)
Tableau 2 - Pourcentage des céramiques tournées fines sur le total des céramiques (agglomérations urbaines et villae).

Fig. 2 - Évolution des quantités relatives des différentes catégories de vaisselle (agglomérations urbaines et villae)10.
sites | dpts | chronologies | total c.c.t. |
Hastingues | 40 | Ier s. av. n. è. | 12,23% |
Hastingues | 40 | première moitié du Ier s. | 12,58 % |
Moliets | 40 | fin IIe/IIIe s. ? | 34,83 % |
Sanguinet | 40 | Ier s. av. n. è. | 4,50 %11 |
Tilh | 40 | IIe | 3,34 % |
Bordes | 64 | lle-ler s. av. n. è. | 21,25 % |
Castillon, Castetbielh | 64 | fin IIe/IIIe s. ? | 9,75 % |
Lescar-la Lanusse | 64 | Auguste | 9,00 % |
Salies-de-Béarn, Lahitte | 64 | fin IIe/111er s. ? | 25,15 % |
Tableau 3 - Pourcentage des céramiques communes tournées sur le total des céramiques (sites ruraux de tradition indigène).
sites | dpts | chronologies | total c.c.t. |
* St-Bertrand, 8344/8356 | 31 | ± 20/15 av. n. è. | 52,63% |
* St-Bertrand, couches noires | 31 | ± 15-10 av. n. è. /10-15 de n. è. | 54,41% |
* St-Bertrand, 8486/8490 | 31 | fin ler-tout début IIe s. | 56,56% |
* St-Bertrand, 8093/8095/8096 | 31 | fin IIe s. | 44,67% |
• Montréal-du-Gers, sond. 25, c. 4 | 32 | années 150-175 | 32,19% |
* Dax, llot Central, fosse rituelle | 40 | dépôt flavien | 19,04% |
• Labastide d’Armagnac, 71B | 40 | années 40-80 | 37,50 % des c.c. |
• Labastide d’Armagnac, T13 | 40 | première moitié IIe s. | 58,33 % des c.c. |
• St-Sever, Gleysia | 40 | Ier-IIe s. | 20,14% |
Guéthary | 64 | Tibère | 24,21% |
* Lesear, ADAPEI, période 1a | 64 | Auguste | 29,37% |
* Lesear, ADAPEI, période 1c+d | 64 | Auguste-Tibère | 26,82% |
* Lesear, ADAPEI, période 2b | 64 | 30-40/60-70 de n. è. | 26,60% |
* Lesear, ADAPEI, période 3b | 64 | début période flavienne | 21,25% |
* Lesear, ADAPEI, période 3c | 64 | fin période flavienne | 27,67% |
* Lesear, ADAPEI, dépotoir égout 1 | 64 | première moitié IIe s. | 56,44% |
• Pouzac | 65 | milieu IIe s. | 67,01% |
* Tarbes, pl. de Verdun | 65 | fin Ier-début IIe s. | 44,67% |
(* agglomération urbaine, villa ; Guéthary est un atelier rural de salaisons)
Tableau 4 - Pourcentage des céramiques communes tournées sur le total des céramiques (agglomérations urbaines et villae
1.1.2. Céramiques communes tournées
18Les quantités relatives de céramiques communes tournées varient aussi très considérablement en fonction de la chronologie et de la nature des sites retenus : de 3,34 à 67 % des vases !
19Les données disponibles pour la fin du Second Age du fer ne sont guère nombreuses. A Bordes (IIe-Ier s. av. n. è.), les céramiques communes tournées atteignent 21,25 % des vases contre 12,23 % à Hastingues (sans doute au Ier s. av. n. è.) et 4,5 % à Sanguinet (sans doute au Ier s. av. n. è.)12.
20Sur les sites ruraux de tradition indigène d’époque romaine (voir tableau ci-dessus), les quantités de céramiques communes tournées sont parfois infimes comme à Tilh (3,34 %) et les proportions recensées à Moliets (34,83 %) peuvent paraître atypiques au sein de ce groupe d’établissements. Dans la plupart des sites ces quantités sont inférieures à 25 % du total de la vaisselle, le reste étant composé pour l’essentiel de céramiques non tournées puisqu’on n’y trouve pratiquement pas de céramiques tournées fines.
21Dans les agglomérations urbaines et les villae, si l’effectif est plus fourni, il semble bien souvent inférieur à ce que les publications laissent voir dans quelques autres secteurs de la Gaule. Il est en tous cas particulièrement difficile de dégager une règle générale dans le domaine de cette céramique commune tournée. En effet, les quantités observables varient encore considérablement : environ 20 % à Saint-Sever aux Ier et IIe s. contre 67 % à Pouzac au IIe s. Remarquons toutefois que sur 18 contextes pris en compte, seulement 6 dépassent le seuil de 50 % de céramiques communes tournées, soit environ un tiers. Une part importante des contextes (8 sur 18) se situe plutôt dans une fourchette d’environ 20-35 % des vases.
22Au total, il semble qu’une tendance originale se dégage à nouveau. Les quantités de céramiques communes tournées comptabilisées en Gaule protohistorique et romaine paraissent indiquer que l’on rencontre assez fréquemment des pourcentages de ces poteries atteignant ou dépassant les environs de 60 % de la vaisselle. Or, en Aquitaine méridionale des pourcentages aussi élevés ne sont atteints que dans quelques sites comme Pouzac (67 %) et dans certains contextes de Lescar ou de Saint-Bertrand-de-Comminges (environ 56 %).
23Un niveau supplémentaire d’analyse peut être cherché dans la prise en compte de la couleur des vases.
24A l’intérieur des céramiques communes tournées des villes et des villae, les quantités de vases gris de tradition celtique se situent à un niveau assez conforme à ce que l’on relève ailleurs en Gaule aux Ier et IIe s. : de 10 à 30 % selon les époques et les sites. Le cas des contextes du IIe s. à Saint-Bertrand-de-Comminges où l’on en rencontre très peu comparativement aux autres sites aquitains (environ 4 %) fait figure d’exception.
25Pour ce qui concerne les céramiques cuites en atmosphère à dominante oxydante recueillies dans les mêmes contextes, leur utilisation semblait nettement inférieure à celle que l’on pouvait en faire dans la majeure partie de la Gaule (entre 6 et 56 % des vases, mais plus généralement entre 6 et 30 %). La rareté des céramiques communes tournées dans les sites ruraux de tradition indigène rend aléatoires les enseignements que l’on peut en tirer, mais si l’on excepte les sites de Moliets et de Salies-de-Béarn où l’on a trouvé 33 et 27 % de céramiques tournées à pâte claire, les quantités se placent toutes entre 0 (période protohistorique) et 4 % des vases. Quant aux céramiques tournées à pâte grise, elles sont tout aussi rares : entre 1 et 4,68 % des vases avec une seule exception à seulement 11,71 % des vases à Hastingues durant la première moitié du Ier siècle.
1.1.3. Les céramiques non tournées13
26Cette catégorie de fabrication se distingue par son extrême abondance et par la relative variété des sous-groupes de fabrication qui le composent.
27Les proportions de c.n.t. sont remarquables durant toute la période examinée.
La fréquence des vases non tournés au Second Age du fer atteint 87, 76 % à Hastingues, 79 % à Bordes et environ 95 % à Sanguinet14.
Les sites ruraux de tradition indigène d’époque romaine montrent des proportions tout à fait comparables et parfois même un peu supérieures ! Le minimum se situe à Moliets (fin IIe -IIIe s.) avec “seulement” 61 % des individus, et les quantités les plus importantes atteignent 96,65 % à Tilh.
En ville ou dans les villae, ou encore dans le site artisanal de Guéthary les quantités se placent à des niveaux inférieurs, mais toujours relativement élevés. Les minima de Saint-Bertrand-de-Comminges (25 % sous Auguste), et de Pouzac (24,56 % au IIe s.) et le maximum de Saint-Sever (71 % aux Ier et IIe s.) sont deux extrêmes à l’intérieur desquels la plupart des sites (14 contextes sur 18) montrent des proportions qui s’échelonnent plutôt entre les environs de 30 et de 60 % des vases (12 contextes sur 18 se situent entre 30 et 55 %).
28Une seconde spécificité réside dans l’existence de cinq sous-groupes de techniques de fabrication facilement distinguables à l’œil nu (sans préjuger des origines précises de ces vases) afin, sans doute, de répondre à la variété des besoins des consommateurs en lieu et place de poteries qui sont ailleurs réalisées en céramique tournée.
29Les groupes B1 (pâte orange à marron clair et dégraissant assez grossier dispersé) et dans une moindre mesure B2 (pâte orange, dégraissant assez fin très dense) et B5 (pâte grise, dégraissant pratiquement invisible et très peu dense) qui ne vont normalement pas au feu rassemblent surtout des formes de stockage et très secondairement des formes de service des aliments.
sites | dpts | chronologies | B1 | B2 | B3 | B4 | total c.n.t. |
Hastingues | 40 | Ier s. av. n. è. | 0,35 % | 87,41 % | 87,76 % | ||
Hastingues | 40 | première moitié du Ier s. | 1,51 % | 0,21 % | 41,21 % | 42,95 | 86,11 % |
Moliets | 40 | fin IIe /IIIe s. ? | 7,22 % | 1,20 % | 53,01 % | 61,44 % | |
Sanguinet | 40 | Ier s. av. n. è. | 95,50 %15 | ||||
Tilh | 40 | IIe s. | 2,29 % | 1,04 % | 82,25 % | 11,06 % | 96,65 % |
Bordes | 64 | IIe -Ier s. av. n. è. | 3,12 % | 75,00 % | 78,74 % | ||
Castillon, Castetbielh | 64 | fin IIe/IIIe s. ? | 6,09 % | 1,21 % | 1,21 % | 54,84 | 89,02 % |
Lescar-le Lanusse | 64 | Auguste | 4,95 % | 0,99 % | 84,15 % | 90,09 % | |
Salies-de-Béarn, Lahitte | 64 | fin IIe/IIIe s. ? | 8,80 % | 1,88 % | 0,62 % | 59,74 | 71,06 % |
Tableau 5 - Pourcentage des céramiques non tournées sur le total des céramiques (sites ruraux de tradition indigène).
sites | dpts | chronologies | B1 | B2 | B3 | B4 | B5 | total c.n.t. |
* St-Bertrand, 8344/8356 | 31 | ± 20/15 av. n. è. |
|
|
| 21,80 % | 12,78% | 34,58 % |
* St-Bertrand, couches noires | 31 | ± 15-10 av. n. è./10-15 de n. è. |
|
|
| 19,24 % | 5,93% | 25,18 % |
* St-Bertrand, 8486/8490 | 31 | fin ler-tout début IIe s. |
|
|
| 30,31 % |
| 30,31 % |
* St-Bertrand, 8093/8095 / 8096 | 31 | fin IIe s. |
|
|
| 43,44 % |
| 43,44% |
* Montréal-du-Gers (Séviac), s. 25, c. 4 | 32 | années 150-175 |
|
|
| 58,04 % |
| 58,04 % |
* Dax, llot Central, fosse rituelle | 40 | dépôt flavien | 9,52 % | 0,79 % | 9,52 % | 34,12 % | 1,58% | 55,55 % |
• Labastide d'Armagnac, 71B16 | 40 | années 40-80 |
|
| 24,8 % | 36,8 % |
| 61,60 % |
• Labastide d’Armagnac, T1317 | 40 | première moitié IIe s. |
|
| 1,6 % | 40% |
| 41,66 % |
• St-Sever, Gleysia | 40 | Ier-IIe s. |
| 1 % ? | 70 % ? |
| 71 % ? | |
Guéthary | 64 | Tibère | 2,34 % | 3,12 % | 0,78 % | 42,18% |
| 48,43 % |
* Lesear, ADAPEI, période 1a | 64 | Auguste | 3,47 % | 0,69 % | 0,69 % | 59,02% |
| 63,88 % |
* Lesear, ADAPEI, période 1c+d | 64 | Auguste-Tibère | 3,47% | 1,73 % | 1,73 % | 48,24% |
| 54,38 % |
* Lesear, ADAPEI, période 2b | 64 | 30-40/60-70 de n. è. | 11,33 % | 1,47 % | 1,47 % | 43,34% |
| 57,63 % |
* Lesear, ADAPEI, période 3b | 64 | début période flavienne | 6,87 % | 0,62 % |
| 54,37% |
| 61,87 % |
* Lesear, ADAPEI, période 3c | 64 | fin période flavienne | 6,19 % | 0,88 % | 0,88 % | 39,82 % |
| 47,78 % |
* Lesear, ADAPEI, dépotoir égout 1 | 64 | première moitié IIe s. | 14,41 % | 1,35 % |
| 20,27 % |
| 36,03 % |
• Pouzac | 65 | milieu IIe s. | 6,31 % |
|
| 18,24 % |
| 24,56 % |
* Tarbes, pl. de Verdun | 65 | fin Ier-début IIe s. |
|
|
| 30,39 % |
| 30,39 % |
(* agglomération urbaine, villa ; Guéthary est un atelier rural de salaisons)
Tableau 6 - Pourcentage des céramiques non tournées sur le total des céramiques (agglomérations urbaines et villae).
30Les traces de combustion et de matière carbonisée qui marquent les groupes B4 (pâte grise, dégraissant moyen densément réparti) et B3 (pâte légère, gris foncé, marquée par de très nombreuses vacuoles) signalent que ces récipients sont principalement consacrés à une fonction culinaire. Toutefois l’absence de traces d’utilisation sur le feu, remarquée sur une partie de ces vases, leurs importantes dimensions parfois, montrent bien qu’ils ont été aussi utilisés pour stocker les aliments, les servir et sans doute aussi pour les consommer.
31Cette relative spécialisation à l’intérieur des c.n.t. est sans doute attestée par la présence, dans les mêmes contextes, de plusieurs de ces groupes de fabrication (jusqu’à 5 à Dax à l’époque flavien ne). De façon significative, sur 28 contextes pris en compte, seulement 3 (Montréal et les couches du IIe s. de Saint-Bertrand-de-Comminges) ne comprennent qu’une seule catégorie de fabrication de c.n.t.
32De façon significative, une situation comparable à celle qui régnait en Aquitaine méridionale paraît ne devoir être retrouvée que dans des régions qui peuvent être considérées comme relativement périphériques ; même si, comme en Provence, ces fabrications demeurent parfois sous une forme quantitativement plus marginale dans des espaces largement influencés par les techniques et les mœurs gréco-romaines (Rivet 1982). Cela pourrait être par exemple le cas de provinces telles que la Dacie où des poteries non tournées de tradition locale tenaient encore une place importante à l’époque romaine (voir par exemple un contexte attribué à la première moitié du IIIe s. dans Petre 1968, fig. 2, p. 149 et fig. 3, n° 1, 2, 3, p. 151). Dans la partie occidentale de l’Empire nous pourrions plus précisément évoquer d’une part l’ensemble formé par le Pays Basque espagnol, la Cantabrie, les Asturies et peut-être la frange limitrophe du Haut-Aragon et d’autre part, les Pays-Bas et une partie au moins de la Belgique (plus particulièrement la Flandre sablonneuse).
33Au Pays Basque espagnol, une consultation, même rapide, des publications disponibles prouve bien que d’Irun à Pamplona, et dans tous les types d’établissements, une part très largement majoritaire de la vaisselle de cuisine et de conserve n’était pas tournée. Nous ne disposons malheureusement pas de données précisément quantifiées, mais celles qu’il est aujourd’hui possible de recueillir semblent indiquer qu’aucun type d’établissement n’échappe à cette tendance : une modeste agglomération comme celle d’Irun (Guipuzcoa ; Lomas Salmonte 1971 ; Martin-Bueno 1976 ; Benito 1988), une agglomération sans doute assez notable comme celle de Pamplona (Navarre ; Mezquiriz de Catalan 1978), une villa comme celle de Liedena (Navarre ; Mezquiriz de Catalan 1954) ou celle de San Esteban de Falces (Navarre ; Mezquiriz Irujo 1984) ont livré des quantités apparemment importantes de c.n.t. Peut-être cette tendance touchait-elle les régions immédiatement voisines. Cela semble être le cas d’une partie du Haut-Aragon, comme j’ai pu en juger à partir de l’examen du matériel des fouilles de Jaca (niveaux du IIIe s.)18. Une villa de l’extrême Nord de la province de Burgos, située dans une région géographique un peu marginale et dont les caractères se rattachent plutôt à ceux du Pays Basque comme Salinas de Rosio paraît avoir livré des quantités relatives importantes (et peut-être majoritaires parmi les céramiques communes) de c.n.t. (Abasolo 1985, 233, fig. 49, n° 3 à 11 ? et 234, fig. 50, n° 1-13).
34Dans le domaine qui correspondait durant l’Antiquité à la Germanie inférieure ou à l’extrême Nord de la Belgique, nous disposons en revanche de quelques estimations quantifiées. Ainsi, par exemple, à La Hague, un lot de céramiques datables du Ier au IIIe s. comprenait 4/5 de c.n.t. (Stuurman 1968, 171), des données comparables ont été recueillies à Rhenen (Utrecht) où une fouille de sauvetage a livré environ 80 % de tessons non tournés (Van Es 1968, 267) ou encore à Houten (Utrecht) avec encore 80 % de tessons de la même catégorie (Van Tent 1987, 363). Plus au Sud, en Flandre sablonneuse, les proportions de c.n.t. oscillaient entre 35 et 86 % selon les établissements et les périodes durant le Haut-Empire (Vermeulen 1992, 282) et si la période tardive est moins bien connue, les installations datables des IVe et Ve s. ont livré une majorité de c.n.t. (Vermeulen 1992, 288).
1.2. Une majorité de vases traditionnels
35La répartition des formes de récipients est délicate à envisager dans la mesure où peu de points des références nous permettent de juger de l’originalité ou de la conformité du matériel aquitain. Il semble toutefois que les points de comparaison dont nous disposons autorisent à penser que la répartition des formes céramiques est originale :
relative rareté des vases très spécialisés d’origine gréco-romaine comme les mortiers ou les assiettes ;
corrélativement, relative abondance des formes pouvant être impliquées à la fois dans le stockage intermédiaire ou à plus long terme, la préparation, le service, la consommation des aliments comme les écuelles, les bols ou les pots.
1.2.1. La relative rareté des ustensiles spécifiques
36Il nous a paru intéressant d’évaluer la part représentée par les éléments de vaisselle de filiation gréco-romaine, pratiquement absents des contextes protohistoriques de Gaule interne et dont la morphologie est la conséquence d’une utilisation généralement spécialisée : broyage des aliments pour les mortiers ; cuisson mixte pour la marmite (préparations bouillies et mijotées) ; cuisson ou service et consommation des aliments secs pour les assiettes ; transport, stockage, service et même consommation des liquides pour les cruches et les pichets.
a) Les mortiers
37Sur 25 contextes pris en compte 8 seulement ont livré des mortiers, et chaque fois en quantités très modestes, toujours autour de 1 % des individus. Ces objets sont toujours absents des sites ruraux de tradition indigène.
38Une analyse plus détaillée fait apparaître que la plupart appartiennent à des couches anciennes (Auguste-Tibère) ou, lorsqu’ils figurent dans des contextes plus tardifs, présentent des caractères typologiques qui permettent de les rattacher à des séries précoces, ce qui peut inciter à les considérer comme résiduels (par exemple types Oberaden 72/Haltern 59 et Oberaden 73/Haltern 60). Cela pourrait nous pousser à voir dans ces quantités déjà faibles une vague d’apports extérieurs pratiquement sans lendemain et qui n’aurait guère été relayée par les fabrications locales et régionales. En effet, par la suite, les seules séries un peu fournies qu’il nous semble avoir repéré concernent la période tardive (IVe et Ve s.), durant laquelle on rencontre quelques mortiers à engobe rouge fabriqués par les ateliers d’Éauze ou de Lectoure et en céramique commune à pâte beige-jaunâtre.
b) Les marmites
39Ces vases culinaires sont parfois difficiles à distinguer clairement des bols. Ils sont généralement dotés d’un marli, parfois munis d’anses, davantage ouverts que les pots, mais à peine plus profonds que les bols19 . L’absence de ces vases dans le répertoire céramique aquitain est patente. Cette carence est d’autant plus significative qu’elle concerne un récipient typique de la cuisine gréco-romaine. En effet, les marmites (= caccabés) font partie de la batterie de cuisine d’Athènes dès la seconde moitié du VIe s. av. n. è. (le point dans Bats 1988, 46-48 pour le monde grec et punique). Le monde romain a sans doute été conquis plus tardivement par ce genre de vase (caccabus), mais l’on peut en recenser des quantités appréciables, par exemple à Cosa dès les environs de 200 av. n. è. (le point dans Bats 1988, 69), comme à Pompéi presque trois siècles plus tard (Di Giovanni/Gasperetti 1993, 275-278, type 2210).
40De façon très révélatrice ces vases paraissent assez nombreux dans les camps augustéens du limes Rhénan (le point dans Simon 1976, Vergleichstafel 10) en compagnie d’autres produits de tradition méditerranéenne, par exemple à Oberaden (type 66 A, B), Rodgen (type 51), Haltern (type 56) ou Frieberg (type 39).
41Les marmites, généralement adaptées aux traditions gauloises (carènes marquées en particulier, parfois ajouts de pieds) ont été assez largement utilisées en Gaule, mais des vases strictement démarqués des modèles méditerranéens à pâte claire ne paraissent avoir véritablement été utilisés que dans le Midi méditerranéen, le couloir rhodanien et, au-delà, dans les camps du Rhin. Des marmites de type italique, à assise arrondie et à marli, comme celle qui a été découverte à Béruges (Vienne), font figure d’exception (Aucher-Sire 1980, 99, pl. 4, n° 2 de type Oberaden 66B/Haltern Haltern 56 d’ailleurs associé à un couvercle de même tradition). Mais cela ne doit en aucun cas minorer la signification de l’absence radicale de vases de ce type en Aquitaine méridionale, région où l’on a surtout utilisé, en guise de formes culinaires ouvertes, des écuelles ou des bols.
c) Les assiettes
42Sur 25 contextes pris en compte (toutes catégories de fabrication confondues y compris les sigillées) seulement six ne comptent aucune assiette ou plat20, il s’agit des campements de tradition indigène de Castillon, Tilh, Moliets et des établissement protohistoriques. Ailleurs les plus fortes proportions sont enregistrées dans les contextes les plus précoces : 18 % dans les années 20-15 av. n. è. à St-Bertrand et 9,17 % à Lescar sous Auguste et Tibère. Des quantités encore notables se maintiennent au Ier s. et au début du IIe s. : 15 % à St-Bertrand à la fin du I° s., 9 % à la même époque à Lescar. Mais par la suite aucun contexte ne dépasse 4-5 %. La plupart du temps, sauf sous Auguste et Tibère où l’on trouve des quantités notables d’assiettes en céramiques communes, il s’agit majoritairement de sigillées et non de produits de fabrication locale ou régionale. On remarque enfin que les assiettes qui ont une vocation culinaire, pratiquement toutes non tournées, sont très minoritaires : de 0 à un maximum de 3 % des vases à Tarbes à la fin du Ier et au début du IIe s.
sites | dpts | chronologies | assiettes de table | assiettes de cuisine | total assiettes |
Hastingues | 40 | Ier s. av. n. è. | 0 | 0 | 0 |
Hastingues | 40 | première moitié du Ier s. | 0,21 % (=sigillée) | 0 | 0,21 % |
Moliets | 40 | fin IIe /IIIe s. ? | 0 | 0 | 0 |
Sanguinet | 40 | Ier s. av. n. è. | 0 | 0 | 0 ? |
Tilh | 40 | IIe s. | 0 | 0 | 0 |
Bordes | 64 | IIe-Ie s. av. n. è. | 0 | 0 | 0 |
Castillon, Castetbielh | 64 | fin IIe /IIIe s. ? | 0 | 0 | 0 |
Lescar-le Lanusse | 64 | Auguste | 2,97 % | 0 | 2,97 % |
Salies-de-Béarn, Lahitte | 64 | fin IIe /IIIe s. ? | 1,26 % (=sigillée) | 0,63 % | 1,89 % |
Tableau 7 - Pourcentage des assiettes sur le total des céramiques (sites ruraux de tradition indigène).
sites | dpts | chronologies | assiettes de table | assiettes de cuisine | total assiettes |
* St-Bertrand, 8344/8356 | 31 | ± 20/15 av. n. è. | 16,80 % (5,60 % de sigillées) | 1,6 % | 18,40 % |
* St-Bertrand, couches noires | 31 | ± 15-10 av. n. è./10-15 de n. è. | 14,33 % (7,68 % de sigillées) | 1 % | 15,34 % |
* St-Bertrand, 8486/8490 | 31 | fin ler-tout début IIe s. | 13,68 % (3,03 % de sigillées) | 1,05 % | 14,73 % |
* St-Bertrand, 8093/8095/8096 | 31 | fin IIe s. | 3,78 % (2,45 % de sigillées) | 0,42 % | 4,20 % |
• Montréal-du-Gers, s. 25, c. 4 | 32 | années 150-175 | 3,41 % (0,97 % de sigillées) | 0 | 3,41 % |
* Dax, llot Central, fosse rituelle | 40 | dépôt flavien | 1,66 % (1,66 % de sigillées) | 0,83 % | 2,54 % |
• St-Sever, Gleysia | 40 | ler-lle s. | 5,38 % ? (5,38 % de sigillées) | 0 | 5,38 % ? |
Guéthary | 64 | Tibère | 9,37 % (9,37 % de sigillées) | 1,56 % | 10,93 % |
* Lesear, ADAPEI, période 1a | 64 | Auguste | 4,92 % (0 % de sigillées) | 0 | 4,92 % |
* Lesear, ADAPEI, période 1c+d | 64 | Auguste-Tibère | 9,17 % (6,14 % de sigillées) | 0 | 9,17 % |
* Lesear, ADAPEI, période 2b | 64 | 30-40/60-70 de n. è. | 7,53 % (5,41 % de sigillées) | 1,5 % | 9,04 % |
* Lesear, ADAPEI, période 3b | 64 | début période flavienne | 6,28 % (5 % de sigillées) | 0,62 % | 6,91 % |
* Lesear, ADAPEI, période 3c | 64 | fin période flavienne | 6,42 % (6,25 % de sigillées) | 2,75 % | 9,17 % |
* Lesear, ADAPEI, dépotoir égout 1 | 64 | première moitié IIe s. | 0,45 % (0,45 % de sigillées) | 0,45 % | 0,90 % |
• Pouzac | 65 | milieu IIe s. | 3,61 % (2,80 % de sigillées) | 0,36% | 3,97 % |
* Tarbes, pl. de Verdun | 65 | fin ler-début IIe s. | 2,08 % (0,98 % de sigillées) | 3,12 % | 5,20 % |
(* agglomération urbaine, · villa ; Guéthary est un atelier rural de salaisons)
Tableau 8 - Pourcentage des assiettes sur le total des céramiques (agglomérations urbaines et villae).
d) Les cruches et les pichets
43La fonction de ces vases nous paraît un peu plus large que celle des précédents : acheminement de liquides très variés, stockage, service à table et sans doute parfois aussi consommation directe.
sites | dpts | chronologies | tournées fines | c.c.t. Al | c.c.t. A3 | c.n.t. | total pichets et cruches |
Hastingues | 40 | Ier s. av. n. è. | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Hastingues | 40 | première moitié du Ier s. | 0 | 0 | 0,65 % | 0 | 0,65 % |
Moliets | 40 | fin IIe/IIIe s. ? | 0 | 0 | 1,23 % | 0 | 1,23 % |
Sanguinet | 40 | Ier s. av. n. è. | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Tilh | 40 | IIe s. | 0 | 0 | 0,41 % | 0 | 0,41 % |
Bordes | 64 | IIe-Ier s. av. n. è. | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Castillon, Castetbielh | 64 | fin IIe/IIIe s. ? | 0 | 0 | 2,50 % | 0 | 2,50 % |
Lescar-le Lanusse | 64 | Auguste | 0 | 0 | 1,98 % | 0 | 1,98 % |
Salies-de-Béarn, Lahitte | 64 | fin IIe/IIIe s. ? | 0 | 0 | 5,69 % | 1,16 % | 6,32 % |
Tableau 9 - Pourcentage des cruches et des pichets sur le total des céramiques (sites ruraux de tradition indigène).
sites | dpts | chronologies | tournées fines | c.c.t. A1 | c.c.t. A3 | c.n.t. | total pichets et cruches |
* St-Bertrand, 8344/8356 | 31 | ± 20/15 av. n. è. | 0,80 % | 0 | 0,80 % | 0 | 1,26 % |
* St-Bertrand, couches noires | 31 | 5. 0,48 % | 0,12 % | 2,75 % | 0 | 3,06 % | |
* St-Bertrand, 8486/8490 | 31 | fin ler-tout début IIe s. | 0 | 1,06 % | 3,19 % | 1,05 % | 14,25 % |
* St-Bertrand, 8093/8095/8096 | 31 | fin IIe s. | 0 | 0 | 14,28 % | 0,42 % | 14,28 % |
• Montréal-du-Gers, sond. 25, c. 4 | 32 | années 150-175 | 0 | 0,53 % | 11,32 % | 0 | 11,85 % |
* Dax, Ilot Central, fosse rituelle | 40 | dépôt flavien | 0,83 % | 0 | 2,50 % | 5 % | 9,92 % |
• St-Sever, Gleysia | 40 | Tibère | 0 | 0 | 0,74% | 0 | 14,06 % |
Guéthary | 64 | 0 | 0 | 14,06 % | 0 | ||
* Lescar, ADAPEI, période 1a | 64 | Auguste | 0,69 % | 0 | 0 | 0 | 0,69 % |
* Lescar, ADAPEI, période 1c+d | 64 | Auguste-Tibère | 1,83 % | 0 | 1,83 % | 0 | 3,63 % |
* Lescar, ADAPEI, période 2b | 64 | 30-40/60-70 de n. è. | 0 | 0 | 2,01 % | 0 | 2,01 % |
* Lescar, ADAPEI, période 3b | 64 | début période flavienne | 0 | 0,62 % | 1,25 % | 0 | 1,88 % |
* Lescar, ADAPEI, période 3c | 64 | fin période flavienne | 1,83% | 0,91% | 6,42% | 0,91% | 10,09% |
* Lescar, ADAPEI, dépotoir égout 1 | 64 | première moitié IIe s. | 0,45 % | 0 | 7,20 % | 0,45 % | 8,10 % |
• Pouzac | 65 | milieu IIe s. | 0 | 0,72 % | 4,33 % | 0 | 5,05 % |
* Tarbes, pl. de Verdun | 65 | fin Ier -début IIe s. | 0 | 4,16 % | 10,41 % | 3,12 % | 15,62 % |
(* agglomération urbaine, · villa ; Guéthary est un atelier rural de salaisons)
Tableau 10 - Pourcentage des cruches et des pichets sur le total des céramiques (agglomérations urbaines et villae).
44Les quantités de pichets et de cruches varient de 0 à 15,50 % si l’on prend en compte tous les sites, de 0,5 à 15,50 % si l’on ne considère que la période romaine. L’utilité fondamentale de ces formes et les fréquents maniements qui leur sont infligés (ce qui implique logiquement une casse non négligeable) laisseraient supposer que l’on puisse trouver des quantités importantes de ces vases. Or, sur 25 contextes pris en compte, 15 (soit plus de la moitié) comprennent 5 % ou moins de 5 % de pichets et de cruches. Ces quantités sont infimes si l’on considère qu’à Pompei, les deux types de cruches les plus fréquents représentent à eux seuls près de 60 % des céramiques communes (Di Giovanni/Gasperetti 1993, 272).
1.2.2. Des poteries simples et polyvalentes
45Logiquement des quantités généralement notables de bols, d’écuelles et de pots répondent aux quantités relativement réduites d’assiettes, de mortiers, de pichets, et de cruches.
a) Les écuelles et les bols
46Les proportions de formes ouvertes et relativement hautes (écuelles et bols) ne descendent jamais en dessous de 14 % (Tilh) et n’excèdent pas non plus 65 % (Pouzac), toutes catégories de céramiques confondues. 20 contextes sur 25 pris en compte comprennent de 15 à 45 % de bols et d’écuelles, si l’on ne considère que les céramiques communes.
b) Les pots
47Les écarts qui sont observables parmi les quantités de pots sont à nouveau très larges. Les pots peuvent atteindre 75 % des vases à Lescar-le Lanusse sous Auguste. Dans 14 contextes sur 25 ces quantités oscillent entre 30 et 60 %.
48L’interprétation de ces données est délicate : en effet les chiffres qui précèdent mêlent des vases, fabriqués en céramique tournée assez soignée destinés à assurer le service ou la conservation des aliments et des boissons, alors que des pots plus grossiers servaient à conserver ou cuire les aliments.
49Les pots destinés à assurer la cuisson des aliments peuvent être isolés assez sûrement, puisqu’ils représentent la majeure partie des pots des groupes B3 et B4 en c.n.t. Les pourcentages qui résultent de ce tri sont parfois nettement inférieurs aux totaux qui rassemblent l’ensemble des groupes de fabrication : de 8,1 % de pots à cuire (contre 69,36 % pour l’ensemble des pots) à Lescar dans la première moitié du IIe s. ou 8,33 % (contre 36,44 % pour l’ensemble des pots) à Dax à l’époque flavienne mais 70 % de pots à cuire (contre 75 % pour l’ensemble des pots) à Lescar-le Lanusse sous Auguste. Sur 25 contextes pris en compte 11 comprennent entre 8 et 25 % de pots des groupes B3 et B4 et 6 au-delà de 55 % (il s’agit des sites de campement de tradition indigène occupés à l’époque romaine et de l’atelier de Salies-de-Béarn).
50Malheureusement la grande majorité des publications ne donne pas le détail des pots de service et des pots culinaires. Cet état de fait nous prive de toute comparaison directe avec les sites d’autres régions. L’examen des données assez précises fournies par quelques fouilles comme celles de Saintes (Laurenceau 1988 et Santrot 1988) ou de Dambron (Ferdière 1983, 29-53) semblent toutefois laisser penser que les pots à cuire étaient en nombre sensiblement inférieur à ce que l’on peut enregistrer en Aquitaine méridionale, même s’il est impossible de quantifier cette tendance.
1.3. Une documentation typologique contrastée
1.3.1. La diversité des céramiques communes tournées
a) Céramiques de fabrication méditerranéenne
51Les céramiques communes d’importation italique ou africaine en circulation en Aquitaine méridionale n’appartenaient qu’aux types les plus communs de leur époque : plats à engobe interne rouge pompéiens et couvercles associés de type Oberaden 21 et 23 (ou Haltern 75 A et B), mortiers de type Oberaden 72 (ou Haltern 59) et Oberaden 73 (ou Haltern 63) principalement d’époque augustéenne ; plus tard au IIe et IIIe s. types africains Lamb. 10A/Hayes 23B, Hayes 196A, Hayes 197, Ostia I, 270. Rien ne semble donc devoir distinguer le matériel aquitain à cet égard.
52Toutefois les quantités en cause sont infimes. Ces productions, lorsqu’elles figurent dans les contextes retenus, représentent 3,27 % de la vaisselle céramique au maximum à Saint-Bertrand-de-Comminges à la fin du IIe s. Ces maigres apports paraissent avoir été le fait de deux périodes principales et de deux types de produits : le début de l’Empire avec les céramiques communes italiques et la seconde moitié du IIe s.-début du IIIe s. avec les céramiques communes africaines. De la même façon les établissements concernés sont peu nombreux : seulement 7 contextes sur 25 pris en compte contiennent de ces poteries. Guéthary, Lescar et Saint-Bertrand-de-Comminges pour la période Auguste-Tibère (produits italiques), Saint-Bertrand-de-Comminges et Séviac21 pour la seconde moitié du IIe s. et le début du IIIe s. (produits africains).
53Les données aquitaines sembleraient toutefois indiquer que peu de sites urbains ont échappé à la diffusion des céramiques communes italiques à l’époque augustéenne22. Mais il est vrai que comme partout en Gaule intérieure, les quantités sont extrêmement réduites, ainsi, même un carrefour tel que Lyon ne livre apparemment pas de proportions sensiblement plus importantes de ces produits que Saint-Bertrand-de-Comminges ou Lescar (de 0,38 à 2,65 % des individus dans les contextes augustéens lyonnais23 contre 1,5 et presque 1 % à Saint-Bertrand-de-Comminges et Lescar). Des quantités relatives significativement plus importantes ne se rencontrent en fait que dans des établissements méditerranéens depuis longtemps en contact avec les mondes grec et italien. C’est ce que semblent indiquer les statistiques rassemblées à Lattes où ces vases peuvent représenter jusqu’à 10 % de la vaisselle, dans les années 75-25 av. n. è. (Py 1990, 179, fig. 6.27, si l’on additionne les céramiques à engobe rouge pompéien et les céramiques communes italo-grecques) et plus modestement entre 2,44 et 4,93 % à partir des environs de 25 av. n. è.24. Il est vrai que même en Italie les proportions d’assiettes à engobe interne rouge sont peu importantes (Goudineau 1970, 179).
54La rareté des céramiques africaines de cuisine en Aquitaine méridionale (représentées toutefois à St-Bertrand, Montmaurin et Séviac) est aussi patente. Il est difficile de savoir si cette situation est exceptionnelle, mais la pauvreté des mentions de céramiques africaines de cuisine dans les publications concernant la Gaule intérieure est significative. Notons que les proportions mises en évidence par exemple à Lyon, sont plus importantes que celles dont on peut faire état en Comminges : 1,98 % des tessons dans les dernières décennies du IIe s. (Godard 1989, 71) contre 0,63 % des tessons à Saint-Bertrand-de-Comminges à la même époque. Mais dans ce cas, l’écart n’est pas spectaculaire. En revanche, les proportions de céramiques de cuisine africaine semblent plus considérables dans nombre de sites du domaine méditerranéen comme à Ambrussum au début du IIIe s. (14-15 % des individus et 32 et 24,6 % des tessons selon les contextes, Raynaud 1986, 55), même si leurs quantités sont très inégales selon les établissements (seulement 2,81 % des tessons dans un contexte des années 150-200 ou 3,6 % dans les années 200-250 à LunelVieil, Raynaud 1990, p. 252, tableaux 3 et 4) et parfois à l’intérieur même de certains sites (par exemple 4,7 et 8,8 % dans deux des ensembles de la villa de Saint-Michel près de Toulon, Brun 1989, 142-144, égout 98/99 et p. 152 état II occupation).
b) Céramiques à pâte grise (fig. 3 et 4)
55Parmi les céramiques communes à pâte grise de tradition celtique (groupe Al) figurent la plupart des types les plus classiques hérités de la fin du Second Age du fer : les écuelles tronconiques à encolure incurvée vers l’intérieur (cf notre type 202, fig. 3, n° 6), les bols carénés (cf nos types 305c et 306, fig. 3, n° 7 et 8), les pots ovoïdes à col cylindrique ou tronconique (cf nos types 705 et 706, fig. 4, n° 9 et 10). De la même façon, une bonne partie des vases de ce groupe de fabrication reproduit souvent assez fidèlement le profil des productions campaniennes, des sigillées ou des présigillées du Languedoc. Comme dans d’autres régions, nous avons rencontré des assiettes proches des types Lamb. 5/7 ou des présigillées du Languedoc (type 105, fig. 3, n° 4), Conspectus 5.4.2. (type 101, fig. 3, n° 1), Haltern 1 (type 102, fig. 3, n° 2), G. 6/Conspectus 10.1. (type 104, fig. 3, n° 3). Une partie notable des écuelles est aussi largement inspirée de modèles italiques que l’on peut situer dans la lignée des types Lamb. 8 et 27/2 ou Halt. 6/G. 21/Conspectus 36.1.1. (type 201, fig. 3, n° 5). Et il en est de même pour une série de bols montrant un profil semblable à celui du type Lamb. 16 ou à celui de certaines sigillées de type Conspectus 7 ou présigillées précoces (notre type 304). Pour ce qui concerne les décors, les motifs ondés au peigne sont de ceux qui étaient les plus courants sur ces poteries de tradition celtique depuis la fin du Second Age du fer (fig. 4, n° 10 et 11).
56Au total, très peu de types réellement spécifiques ont été largement diffusés à l’intérieur de notre région d’étude. Peut-être certains pots biconiques à collerette montrent ils une certaine originalité (type 711, fig. 4, n° 12), mais des poteries assez semblables ont été publiées par ailleurs dans d’autres régions (par exemple Tuffreau-Libre 1992, 44, fig. 13, n° 3).
c) Céramiques à pâte claire (fig. 4 et 5)
57Les poteries communes tournées à pâte claire ne montrent des séries de fabrications réellement continues et standardisées que durant les IVe-Ve s. Et ce n’est, semble-t-il, qu’à cette époque qu’un répertoire un peu original et réellement distinct de ceux que l’on peut rencontrer dans d’autres provinces de la Gaule émerge. Jusque là, les types les plus répandus sont des démarques assez exactes de poteries bien connues en Gaule comme les assiettes à corps arrondi et à engobe rouge (notre type 101-103, fig. 5, n° 17) ou les cruches de type Santrot 429/430/431/433 (notre type 902 dans le groupe A3 sans engobe, fig. 4, n° 14), de type Santrot 416-420 (notre type 903 parmi les céramiques du groupe A3 sans engobe, fig. 4, n° 15) ou encore les cruches à pâte blanchâtre dotées d’un bec pincé de type Santrot 502-503 (notre type 902, fig. 5, n° 16). A l’unité apparente et à la standardisation des productions du Bas-Empire s’oppose, durant le Haut-Empire l’impression d’une grande variété de fabrication, et le constat de l’existence d’une extrême segmentation des zones de diffusion.
1.3.2. La spécificité des céramiques non tournées (fig. 5 et 7)
58Parmi les vases les plus spécifiques à l’Aquitaine méridionale nous pourrions mentionner à l’intérieur du groupe B1 (pâte grossière orangée), les pots à corps arrondi et encolure incurvée vers l’extérieur de type 701 (fig. 5, n° 18), et les pichets à corps arrondi et col tronconique de type 801 (fig. 5, n° 19), et dans le groupe B2 (pâte plus finement dégraissée orangée) les pots à corps ovoïde et col au profil triangulaire de type 701 (fig. 5, n° 20), assez rares il est vrai. De même, les pots à corps cylindrique du groupe B3 (pâte sombre à vacuoles) de type 703 (fig. 5, n° 21) revêtent une originalité certaine. Si les productions du groupe B4 (pâte grossière sombre) peuvent paraître plus banales, le peignage des pots béarnais de type 701 (fig. 6, n° 25), par exemple, ne trouve aucun parallèle en dehors de la région et les pots à col aplati sur le dessus de type 706 (fig. 7, n° 35) sont particulièrement représentatifs du domaine aquitain et du Nord de la Péninsule ibérique.
59En règle générale, les références qui s’attachent à ces vases sont rares, contrairement à celles que nous avons dû sélectionner pour les poteries tournées, ce qui tend à confirmer la spécificité de ces productions. Seules les écuelles tronconiques à encolure incurvée vers l’intérieur de type 208 (sous-groupes B1 et B4, fig. 7, n° 34), surtout répandues au Bas-Empire, pourraient être considérées comme assez habituelles en Gaule, quoique généralement il s’agisse de productions tournées précoces à pâte grise qui n’étaient pas destinées à servir à la cuisson des aliments.

Fig. 3 - Céramiques tournées à pâte grise (groupe Al)
1 : type 101 (Saint-Bertrand-de-Comminges, couches noires) ; 2 : type 102 (Ibid., couches noires) ; 3 : type 104 (Ibid., couches noires) ; 4 : type 105 (Ibid., 8344, 8456 et couches noires) ; 5 : type 201 (Ibid., 8344, 8456 et couches noires) ; 6 : type 202 (Ibid., 8344, 8456 et couches noires) ; 7 : type 305c (Lescar, égout 1) ; 8 : type 306 (Saint-Sever, Gleysia d’Augreilh).

Fig. 4 - Céramiques tournées à pâte grise (groupe Al) - 9 : type 705a (Lescar) ; 10 : type 706a (Lescar) ; 11 : type 702a (Lescar, phase 1) ; 12 : type 711b (Saint-Bertrand-de-Comminges, couches noires) ; 13 : type 711a (Saint-Bertrand-de-Comminges, couches noires). Céramiques tournées à pâte claire sans engobe (groupe A3) - 14 : type 902 (Guéthary) ; 15 : type 903 (Pouzac).

Fig. 5 - Céramiques tournées à pâte blanchâtre - 16 : type 902 (Lescar, phase 3c). Céramiques tournées à pâte claire engobée de rouge - 17 : type 102 (Saint-Bertrand-de-Comminges, 8486 et 8490). Céramiques non tournées à dégraissant grossier et pâte orange (groupe B1) - 18 : type 701b (Pouzac) ; 19 : type 801a (Dax). Céramiques non tournées à dégraissant fin et pâte orange (groupe B2) - 20 : type 701a (Hastingues, Ier s., Riuné-Lacabe, 1990, n° 103, fig. 39). Céramiques non tournées à pâte sombre et à vacuoles (groupe B3) - 21 : type 703 (Lalonquette, dessin V. Perez). Céramiques non tournées à pâte sombre, dégraissant grossier (groupe B4) - 22 : type 202 (Saint-Bertrand-de-Comminges, 8486 et 8490, 8093 et 8096) ; 23 : type 303c (Saint-Bertrand-de-Comminges, couches noires).

Fig. 6 - Céramiques non tournées à pâte sombre, dégraissant grossier (groupe B4)
24 : type 302d (Lescar, phase 3c) ; 25 : type 701a (Lescar, phase 1) ; 26 : type 702a (Castillon) ; 27 : type 703 (Lescar, phase la) ; 28 : type 704 (Saint-Bertrand-de-Comminges, couches noires) ; 29 : type 705 (Guéthary) ; 30 : type 712 (Saint-Bertrand-de-Comminges, 8093-8096) ; 31 : type 714 (Lescar, phase 3c).

Fig. 7 - Formes surtout répandues durant les IIIe et IVe s. qui apparaissent probablement à l’époque flavienne 32 : groupe A31 (tournée à pâte jaunâtre) de type 701 ; 33 : groupe A31 (tournée à pâte jaunâtre) de type 801a ; 34 : groupe B4 (non tournée, dégraissant grossier à pâte sombre), type 208 ; 35 : groupe B4 (non tournée, dégraissant grossier à pâte sombre), type 706.
60On remarque que ces vases, déjà inscrits par leur technique de fabrication dans le prolongement direct des traditions potières protohistoriques, montrent de surcroît des détails qui peuvent être considérés à bien des égards comme des traces supplémentaires d’archaïsme.
61En dehors du domaine aquitain où l’utilisation de cette technique n’a jamais connu d’éclipse durant la période romaine, nous ne connaissons pas d’exemple de régions dans lesquelles on retrouve une utilisation aussi systématique et aussi permanente du peignage comme traitement de surface. Au-delà du règne d’Auguste, cette technique tend partout à disparaître, même s’il semble que l’on retrouve au Bas-Empire, dans certaines régions, des quantités notables de poteries dont la surface est traitée de cette façon. Mais les preuves indéniables de cette évolution ne sont pas toujours fournies25 (Santrot 1979, types 236-239, types 253-255, types 272-273). Ainsi J. et M.-H. Santrot en sont réduits à utiliser les découvertes malheureusement très mal datées de Montmaurin (qui d’ailleurs se rattache à la partie méridionale de l’Aquitaine) pour étayer leur raisonnement (Santrot 1979, 24). Un cadre semblable a été tracé par M. Tuffreau-Libre pour le Nord de la Gaule, à la différence près que le retour tardif aux c.n.t. peignées est mis sur le compte de l’implantation progressive des barbares à l’intérieur des limites de l’Empire (Tuffreau-Libre 1992, 32 et 98-100). Mais, selon l’aveu même de cet auteur, « l’importance de ces poteries (les c.n.t.) est encore mal connue, en raison du petit nombre d’habitats de cette période actuellement fouillés et de la faiblesse de leur représentation dans les nécropoles tardives » (Tuffreau-Libre 1992, 101). Par ailleurs, dans une étude récente embrassant le Nord de la France et le Bassin Parisien, elle ne mentionnait à aucun moment la présence de ces fabrications (Tuffreau-Libre 1988).
62Quoiqu’il en soit, certains traitements des encolures ou des lèvres témoignent encore longtemps après la conquête de la permanence de traditions artisanales héritées de l’Age du fer. Les motifs repoussés qui marquent, à la fin de l’Age du fer, à l’époque augustéenne ou dans la première moitié du Ier s. les lèvres des pots du groupe B4 de type 703 (Sanguinet, Hastingues ou Saint-Jean-le-Vieux, fig. 6, n° 27) ne détonent pas par rapport à ce que l’on connaît alors encore dans beaucoup de régions de la Gaule. En revanche les traces de décor ongulé des pots flaviens de type 714 découverts à Lescar (fig. 6, n° 31) ne trouvent guère d’équivalents à la même époque.
2. Les éléments de différenciation du faciès aquitain
2.1. Une consommation céramique fortement influencée par la nature des établissements
63Nous avons insisté sur les caractères les plus généraux du matériel céramique aquitain, pourtant il ne faudrait pas cacher les variations qui peuvent donner une image plus nuancée de la situation entre les ensembles issus de différents types d’établissements. P. Booth (1991) a récemment mené une démarche semblable à partir de différents assemblages céramiques du Warwickshire en Grande-Bretagne. Partant des différences indéniables qui existent entre le matériel des villes/marchés principaux, des gros villages/marchés secondaires, des établissements ruraux agglomérés, des fermes isolées, il propose deux types d’explications selon lui imbriquées : l’une tenant essentiellement aux phénomènes de distribution favorisant un approvisionnement plus varié en direction des établissements placés sur les axes principaux de circulation, l’autre attribuant au statut plus ou moins élevé des sites une responsabilité déterminante dans la qualité et la diversité de leur céramique. Au-delà, c’est du degré de pénétration du modèle céramique méditerranéen selon les milieux sociaux dont il est question. La nature du matériel aquitain se prête assez bien à ce type d’évaluation.
2.1.1. Une vaisselle de table plus raffinée et plus nombreuse en ville et dans les villae
a) La permanence de caractères protohistoriques dans les sites ruraux de tradition indigène
64Nous avons remarqué qu’à l’époque romaine, les céramiques tournées fines étaient présentes en quantités très variables selon les établissements : entre 0 et 3,77 % des vases dans les établissements ruraux indigènes contre 3,47 à 6 % dans les sites de villes ou de villae et à Guéthary.
65Les sites ruraux de tradition indigène ont en général livré moins de 25 % de céramiques communes tournées, même si les données extrêmes peuvent descendre à 3,34 % (Tilh, sans doute IIe s.) ou au contraire atteindre 35 % (Moliets). Rappelons qu’en ville et dans les villae ces pourcentages se situent entre 19 et 67 % mais avec une petite majorité de sites entre 20 et 35 % des vases. L’écart, toujours considérable est néanmoins un peu moins marqué dans ces derniers établissements.
66Une autre différence importante réside dans la quasi-absence dans les sites ruraux de tradition indigène des Ier et IIe s. de formes déjà assez rares en ville ou dans les villae : 6,83 % d’assiettes en céramiques communes en prenant la moyenne des pourcentages livrés par les contextes des villes et des villae contre 0,6 % dans les sites ruraux indigènes, 8,84 % de pichets et de cruches contre 2,18 %, entre 0 et 1 % de mortiers contre 0 %. Une nouvelle fois ces caractères rejoignent ceux des assemblages céramiques protohistoriques de la région.
67Les quantités relatives de c.n.t. rencontrées dans les sites ruraux de tradition indigène (61 à 96 %) sont en général très nettement supérieures à celles que l’on a découvertes dans les établissements urbains et les villae (25 à 71 %) et se rapprochent davantage des totaux enregistrés dans les contextes protohistoriques (79 à 95 %). Cela impliquait probablement que, dans les premiers sites on utilisait de façon plus complète les possibilités de polyvalence de ces vases (conservation, préparation, service, consommation). En ville ou dans les villae, des quantités plus importantes de céramiques tournées tenaient lieu de vaisselle intermédiaire (assiettes, écuelles, bols) et répondaient à des usages culinaires et de conservation plus spécialisés ou plus extérieurs au fond local (mortiers, pichets, et cruches). Mais dans ces établissements notre documentation ne permet malheureusement pas de distinguer le matériel utilisé par les différents groupes sociaux et ne nous livre en fait qu’une moyenne des comportements dans ce domaine.

Fig. 8 - Guéthary : pourcentages des principales catégories de fabrication

Fig. 9 - Salies-de-Béarn : pourcentages des principales catégories de fabrication
68L’isolement géographique n’est certainement pas un argument capable d’expliquer ces écarts considérables de niveau de consommation entre les villes, les villae et les établissements ruraux indigènes. En effet, à l’époque augustéenne on ne trouve pas un tesson de sigillée, et seulement 9 % de céramiques communes tournées sur le site de campement du Lanusse à Lescar. Or ces installations sont situées à 1,5 km du petit centre urbain de Lescar-Beneharnum, lui-même placé sur les voies Saragosse-Bordeaux et Dax-Toulouse, et où l’on rencontre des quantités tout à fait habituelles, pour un site aquitain, de sigillées et de céramiques communes tournées. En revanche, nous avons noté que les occupants du lieu avaient trouvé les moyens de se procurer au moins 8 amphores vinaires qui représentent 7 % des vases si l’on intègre les amphores et les vases à sel. A l’inverse, c’est dans la villa de Pouzac, près de Bagnères-de-Bigorre, à l’entrée du val de Campan, secteur qui n’est habituellement pas classé parmi les grands axes commerciaux de l’Aquitaine romaine (Sillières 1992, 435) qu’ont été enregistrées les plus grandes quantités de céramiques communes tournées de notre aire d’étude. Les moyens financiers des occupants de ces différents sites sont évidemment en cause, mais les pages que F. Braudel a consacré à l’extrême relativité de la notion de luxe (Braudel 1979, 153-156) montrent que la solution de ce problème réside sans doute aussi dans l’idée que se faisaient les occupants de ces sites du luxe, ou tout au moins du superflu. Le plaisir provoqué par la consommation de vin (et de produits dont nous n’avons pas conservé de traces ?) ne pouvait-il alors être considéré comme nettement supérieur à celui qui est procuré par l’utilisation de sigillées ou de parois fines.
69Ce type d’explication pourrait d’ailleurs mieux rendre compte de la contradiction apparente qui oppose les deux établissements artisanaux campagnards de Guéthary et de Salies-de-Béarn. Des raisons de chronologie peuvent expliquer le gouffre qui sépare les 27,34 % de céramiques tournées fines de Guéthary (pourcentage le plus élevé qui nous ait été donné de relever dans notre domaine d’étude) des 3,77 % de Salies-de-Béarn dans la seconde moitié du IIe s. et au début du IIIe s. En effet le déclin des fabriques de sigillées est bien avancé à l’époque où est abandonné le site artisanal de Salies-Lahitte. Mais on compte encore 13 % de tournées fines à Saint-Bertrand-de-Comminges à la fin du IIe s. et au début du IIIe s. ou 10 % à Séviac dans les années 150-175. De la même façon, parmi les céramiques communes, si l’on rencontre des quantités relatives de céramiques communes tournées équivalentes (27,35 % à Guéthary contre 25, 17 à Salies-de-Béarn) les proportions de c.n.t. sont très dissemblables : 48,44 % à Guéthary contre 71,06 % à Salies-de-Béarn. En fait, la nature des deux établissements est profondément différente, tant en ce qui concerne les produits réalisés, que les promoteurs de ces activités. A Guéthary, il s’agit d’une fabrique de salaisons de produits de la mer mise en œuvre selon des procédés romains comme en témoigne la présence de cuves bétonnées. De plus, l’inscription funéraire retrouvée dans le comblement de ces bassins témoigne clairement de l’origine exogène des initiateurs de cette activité (le point dans Tobie 1989). En revanche, à Salies-de-Béarn (lieu-dit Lahitte), nous sommes confrontés à une activité traditionnelle existant sans doute depuis l’Age du bronze, et menée à bien par des indigènes vivant chichement sur le lieu de leur production (le point dans Saule 1978).
b) L’unité du faciès céramique des villes et des villae
70Un autre fait marquant concerne la relative uniformité de consommation céramique entre les différentes agglomérations urbaines, quels que soient leur statut administratif ou leur extension supposé. A l’époque flavienne, on rencontre autant de sigillées et de parois fines (25 %) ou de céramiques communes tournées (19 %) dans le chef-lieu de cité qu’était Dax, qu’à Lescar qui n’était alors qu’un modeste vicus (17 et 25 % pour les tournées fines, 21 et 27 % de communes tournées). Un peu plus tard, à la fin du Ier s. et au début du IIe s. on rencontre à peine plus de 8 % de tournée fine et 56 % de commune tournée à Saint-Bertrand-de-Comminges, soit exactement les mêmes pourcentages qu’à Lescar dans la première moitié du IIe s. L’ensemble des données dont nous disposons ne montre qu’une exception, celle des niveaux les plus anciens (époque augustéenne) de la Basse-Ville de Lescar où les quantités de sigillées et de parois fines (3,47 %) ou de communes tournées (29 %) sont faibles par rapport à celles que l’on rencontre par exemple à Saint-Bertrand-de-Comminges à la même époque (12,5 à 20 % de tournées fines et 46,6 % de communes tournées). De nouvelles fouilles nous permettront peut-être de vérifier ces renseignements, mais cette situation peut aussi nous inciter à envisager différemment la nature des premières installations qui ont pris place sur la basse terrasse du Gave sous la forme de structures légères (tentes, cabanes...) et peut-être à reconsidérer le caractère proprement urbain de cet établissement initial. Une incertitude demeure également en l’absence de données céramologiques exploitables sur les agglomérations antiques d’Auch, Eauze et Lectoure. Le développement urbain de ces établissements, la richesse de leur documentation épigraphique par rapport à la partie occidentale de l’Aquitaine trouve-t-elle un pendant dans des proportions supérieures de céramique tournées ? Le mobilier des fouilles récentes d’Eauze26 ne nous permet pas de conclure dans ce sens. D’ailleurs les assemblages céramiques de Labastide d’Armagnac ou de Séviac, villae sans doute étroitement liées à l’agglomération d’Eauze, ne nous le laissaient pas penser.
71Enfin, on ne remarque en général aucune différence radicale dans les quantités de vaisselle tournée entre les agglomérations urbaines et les villae. Vers le milieu du IIe s. ces poteries comptent pour 13 % (tournées fines) et 67 % (communes tournées) à Pouzac, 10 et 32,19 % à Montréal-du-Gers/Séviac, mais 8 et 56 % à Lescar dans la première moitié de ce siècle ou encore 13 et 44,67 % à Tarbes à la fin du Ier s. ou au tout début du IIe s. De même, aucune différence marquée n’est observable dans les quantités respectives de formes. Du point de vue de la vaisselle céramique comme dans d’autres domaines, il est patent que les standards du confort et du comportement urbains sont alors transportés à la campagne.
2.1.2. Un fonds culinaire globalement uniforme
a) Peu de différences entre les sites...
72Le fossé que nous laisse entrevoir la documentation céramique entre les habitudes de table des citadins et des habitants des villae d’une part, et celles des occupants des sites ruraux de tradition indigène d’autre part pourrait être moins profond en ce qui concerne les préparations culinaires. En effet, le fonds de cuisine ne semble pas très différent selon les types de site. Aucun type de vaisselle de cuisine ou de conserve n’était exclusif d’une catégorie d’établissements ou d’une autre et les quantités de c.n.t. ne descendent jamais en dessous d’un total incompressible qui représente au minimum un quart de la vaisselle, comme par exemple à Pouzac. Cette identité pourrait traduire une certaine uniformité des préparations alimentaires à base de bouillies, de soupes et de ragoûts préparés surtout dans des pots bien fermés et généralement assez hauts, et au-delà l’existence d’une cuisine relativement peu hiérarchisée.
73Mais cet état de fait semble assez caractéristique des sociétés traditionnelles, et il se retrouve encore en partie au XVIIIe s. en Aquitaine où les batteries de cuisines béarnaises riches ou pauvres, rurales ou urbaines « restent à peu près également fidèles aux chaudrons et aux marmites, de cuivre surtout, qui évoquent un fonds commun de soupes et de plats uniques : bouillies aux appellations diverses qui tiennent au ventre sans trop flatter le goût. Quelle que soit la catégorie sociale ou l’habitat, le modèle rural de base s’imposait donc encore très largement au début du XIXe siècle » (Desplat 1978, 39). D’ailleurs la correspondance de la Société Royale de Médecine à la fin du XVIIIe s. montre comment une partie des élites du Sud-Ouest ne dédaignait pas à l’époque un mets aussi populaire que la bouillie de maïs : « Le bourgeois se régale souven avec la bouillie de mays ; les Castrois sont tous très attachés à leur milhas » (SRM, 111, 1776, cité par Valéri 1977, 75) et « la pâte de maïs bien assaisonnée, devient un mets recherché qu’on sert sur les bonnes tables » des Hautes-Pyrénées au tout début du XIXe s.27.
sites | dpts | chronologies | écuelles/bols B3 et B4 | total bols/ écuelles | pots B3 et B4 | total pots |
Hastingues | 40 | Ier s. av. n. è. | 11,55 % | 22,38 % | 54,87 % | 56,31 % |
Hastingues | 40 | première moitié du Ier s. | 22,17 % | 35,00 % | 59,12 % | 61,70 % |
Moliets | 40 | fin IIe/IIIe s. ? | 18,07 % | 22,89 % | 36,14 % | 72,83 % |
Tilh | 40 | IIe s. | 12,00 % | 13,68 % | 60,40 % | 60,96 % |
Bordes | 64 | IIe-Ier s. av. n. è. | 21,87 % | 41,40 % | 48,43 % | 55,36 % |
Castillon, Castetbielh | 64 | fin IIe/IIIe s. ? | 11,10 % | 16,04 % | 65,00 % | 70,00 % |
Lescar-le Lanusse | 64 | Auguste | 17,82 % | 17,82 % | 70,29 % | 75,24 % |
Salies-de-Béarn, Lahitte | 64 | fin IIe/IIIe s. ? | 7,59 % | 21,51 % | 58,22 % |
Tableau 11 - Pourcentage des écuelles, bols et pots sur le total des céramiques (sites ruraux de tradition indigène).
sites | dpts | chronologies | écuelles/bols B3 et B4 | total bols/écuelles | pots B3 et B4 | total pots |
* St-Bertrand, 8344/8356 | 31 | ± 20/15 av. n. è. | 14,40 % | 40,80 % | 12,80 % | 27,20 % |
* St-Bertrand, couches noires | 31 | ± 15-10 av. n. è./10-15 de n. è. | 9,51 % | 42,64 % | 11,64 % | 32,87 % |
* St-Bertrand, 8486/8490 | 31 | fin Ier -tout début IIe s. | 25,53 % | 41,05 % | 4,25 % | 33,68 % |
* St-Bertrand, 8093/8095/8096 | 31 | fin IIe s. | 24,78 % | 39,91 % | 12,18 % | 32,35 % |
Montréal-du-Gers, sond. 25, c. 4 | 32 | années 150-175 | 37,43 % | 60,64 % | 16,44 % | 26,77 % |
* Dax, Ilot Central, fosse rituelle | 40 | dépôt flavien | 13,33 % | 40 % | 15,83 % | 36,44 % |
St-Sever, Gleysia | 40 | Ier-IIe s. | ||||
Guéthary | 64 | Tibère | 7,03 % | 22,65 % | 29,68 % | 44,53 % |
* Lescar, ADAPEI, période 1a | 64 | Auguste | 17,44 % | 32,11 % | 24,77 % | 43,11 % |
* Lescar, ADAPEI, période 1c+d | 64 | Auguste-Tibère | 28,16 % | 41,25 % | 30,55 % | 50,34 % |
* Lescar, ADAPEI, période 2b | 64 | 30-40/60-70 de n. è. | 13,56 % | 34,67 % | 27,63 % | 48,74 % |
* Lescar, ADAPEI, période 3b | 64 | début période flavienne | 25,62 % | 42,76 % | 17,50 % | 35,84 % |
* Lescar, ADAPEI, période 3c | 64 | fin période flavienne | 20,18 % | 41,28 % | 13,75 % | 31,19 % |
* Lescar, ADAPEI, dépotoir égout 1 | 64 | première moitié IIe s. | 8,55 % | 18,91 % | 8,10 % | 69,36 % |
Pouzac | 65 | milieu IIe s. | 9,02 % | 64,96 % | 15,16 % | 24,54 % |
* Tarbes, pl. de Verdun | 65 | fin Ier -début IIe s. | 13,54 % | 51,04 % | 14,58 % | 23,95 % |
(* agglomération urbaine, villa ; Guéthary est un atelier rural de salaisons)
Tableau 12 - Pourcentage des écuelles, bols et pots sur le total des céramiques (agglomérations urbaines et villae).
b)... mais une certaine différenciation sociale (fig. 10 et 11)
74Pour autant, on ne peut nier les différences sociales de comportement alimentaire qui peuvent exister, notamment en période de crise, mais aussi en période d’approvisionnement normal. Une même base alimentaire peut être différenciée grâce à la qualité plus ou moins grande des produits, leur variété, l’importance et la nature des assaisonnements, le soin apporté à la présentation etc... sans que cela apparaisse dans la documentation céramologique. Nombre d’ustensiles métalliques, telles les broches ou les grils, peuvent nous échapper en même temps que la nature et les quantités de viandes qui étaient cuites à leur moyen. D’ailleurs, les rares exemples de céramiques culinaires tournées et de tradition méditerranéenne découverts en Aquitaine l’ont été en ville ou dans les villae, ce qui constitue aussi un indice supplémentaire de relative différenciation. Une approche plus fine des différentes catégories de formes, à l’intérieur des c.n.t., fait apparaître quelques nuances significatives à ce sujet. Nous avons retenu dans les tableaux 11 et 12 les quantités relatives de poteries non tournées susceptibles d’être impliquées dans la cuisson des aliments, c’est à dire essentiellement les poteries des groupes B3 et B4. Pour chaque site nous présentons successivement les proportions de formes ouvertes des groupes B3 et B4 (écuelles et bols seulement car les assiettes sont quantités négligeables), le total des écuelles et bols toutes catégories confondues, les proportions de pots des groupes B3 et B4, le total des pots toutes catégories confondues.

Fig. 10 - Évolution respective des pots et des formes ouvertes des groupes B3 et B4 (villes et villae).

Fig. 11 - Évolution respective des pots et des formes ouvertes des groupes B3 et B4 (sites ruraux de tradition indigène).
75Les données rassemblées dans les tableaux qui précèdent montrent que les sites protohistoriques et les établissements ruraux de tradition indigène comportent tous des quantités de pots largement supérieures à celles des formes ouvertes (fig. 11). A l’inverse, les villes et les villae ont livré durant toute la période (fig. 10) des proportions grossièrement égales de formes ouvertes et fermées ou des écarts entre ces deux catégories de formes bien inférieurs à ceux que l’on peut relever dans les sites ruraux de tradition indigène. Globalement, cette tendance peut facilement s’expliquer par les proportions plus importantes de vaisselle tournée réservée au service et à la consommation des aliments à table, comme par le fait que ce tableau ne prend pas en compte les formes fermées comme les pichets et les cruches que l’on ne rencontre pratiquement qu’en ville et dans les villae. Mais cette différence de répartition se retrouve aussi de façon très significative lorsqu’on ne considère que les vases non tournés des groupes B3 et B4 prioritairement réservés aux préparations culinaires.
76Cela confirme qu’au-delà d’un arrière-plan culinaire, certes commun, les éléments de différenciation qui marquent la vaisselle de table des villes et villae par rapport aux sites ruraux de tradition indigène trouvent dans une certaine mesure une correspondance dans la répartition de la vaisselle non tournée de cuisine et de consommation des aliments. Ces observations sont parfaitement parallèles à celles que relève Chr. Desplat dans les cuisines bourgeoises et nobles du Béarn à la fin de l’époque moderne : « à ce fonds commun venaient s’ajouter des poêles de cuivre, des broches grandes et petites ;... des lèchefrites et des grils complètent cet ensemble qui confirme l’évidence : une importante consommation de viande à rôtir » (Desplat 1992, 733). En revanche, les sites ruraux de tradition indigène ne se distinguent pas, à cet égard, des sites protohistoriques de la région.
77On remarque de plus que la situation n’est pas figée en ville et dans les villae. Les courbes de la fig. 10 indiquent assez clairement que si les quantités relatives de pots des groupes B3 et B4 restent assez persistantes, on note une augmentation continue du nombre relatif des formes ouvertes jusqu’au Bas-Empire, où il tend à se stabiliser. A ce point de vue, la tendance qui correspond à une nette différenciation entre les villes/villae et les milieux populaires des campagnes tend donc à s’accentuer au cours du temps.
78En effet, dans les sites protohistoriques et les établissements ruraux de tradition indigène (fig. 11), en dépit du faible nombre de contextes disponibles et des lacunes de notre documentation pour les années 50-100 et 250-350, le tracé des courbes est particulièrement clair28. La distance est très nette entre les quantités de pots, toujours largement majoritaires et celles des formes ouvertes, toujours très minoritaires. La tendance observée en ville et dans les villae ne semble ainsi toucher les sites ruraux de tradition indigène qu’à une époque assez tardive, et d’ailleurs dans une assez faible mesure. Les nuances de faciès sont donc pratiquement irréductibles jusqu’à la fin de la période romaine, sans que l’on puisse distinguer dans ce domaine la part de l’influence méditerranéenne (progression des formes ouvertes de cuisine en ville ou dans les villae).
2.2. L’évolution du faciès aquitain
2.2.1. Les nouveaux apports de la phase augustéenne
79On s’accorde généralement à voir dans l’organisation administrative de l’Aquitaine par Auguste une phase décisive et nettement individualisée dans l’histoire de cette province. L’existence de travaux plus généraux nous dispense de dresser l’inventaire des événements qui ont alors marqué cet espace (voir en dernier lieu Maurin 1992, 21-28), soulignons simplement qu’il faut attendre cette période pour que les traces matérielles de l’intégration politique à l’Empire apparaissent, par exemple, au travers de la mise en place d’un véritable urbanisme (Aupert 1992, 284-285 ou Bost 1982). Du point de vue des céramiques, l’époque augustéenne voit apparaître à bien des égards un nouvel univers.
80Nous avons insisté sur la rareté des céramiques tournées fines en Aquitaine méridionale avant les années 30-20 av. n. è. quand parviennent en nombre les sigillées italiques. Certes, ces productions ont été précédées par quelques céramiques campaniennes, principalement dans le Gers et peut-être par quelques céramiques dites “présigillées” des ateliers de Bram (à Saint-Jean-de-Castex : Cantet 1975, 15-18 et à Auch : Ferry 1988 ?), mais les apports de céramiques tournées fines méditerranéennes (sigillées et parois fines) ne deviennent relativement importants en nombre que dans les niveaux de création des agglomérations de Lescar ou Saint-Bertrand-de-Comminges.
81Le second apport inédit concerne les céramiques communes tournées à pâte claire, pratiquement inconnues jusque-là, qu’elles soient de fabrication locale, régionale ou encore importées.
82La troisième série de nouveautés réside dans l’utilisation de formes jusque-là totalement étrangères au fonds céramique local : assiettes, mortiers, pichets, cruches. Ce mouvement, d’une ampleur mesurée, parvient même à toucher des établissements ruraux de tradition indigène comme Lescarle Lanusse ou Hastingues, où l’on retrouve quelques rares assiettes et cruches. De la même façon, le répertoire morphologique des céramiques communes tournées à pâte grise intègre des types directement démarqués de vases italiques fabriqués en campanienne ou en sigillée (voir par exemple nos types 101, 102, 104, 105, etc, fig. 3, n° 1-4). Il s’agit donc d’un tournant qualitatif fondamental.

Fig. 12 - Évolution respective des céramiques communes tournées à pâte grise (Al) et à pâte claire (A3).
83Pour autant il ne faudrait pas perdre de vue les éléments qui s’inscrivent dans le droit fil de la tradition protohistorique : majorité de vases à pâte grise parmi les communes tournées, domination sans partage de c.n.t. aux profils directement placés dans la lignée des productions protohistoriques à l’intérieur de la vaisselle de cuisine, rareté des vases de tradition méditerranéenne parmi les céramiques communes.
2.2.2. La maturation des Ier-IIe s.
a) Progression des céramiques communes tournées à pâte claire
84Certains indices laissent penser qu’il a fallu un certain temps aux maisonnées aquitaines pour assimiler une partie de ces nouvelles influences.
85Ainsi la courbe de progression des céramiques communes à pâte claire dans les villes et les villae ne s’infléchit-elle véritablement qu’à partir de l’époque flavienne (fig. 12). C’est apparemment au cours de cette période que l’on commence à rencontrer de véritables séries de vases à pâte claire sûrement fabriqués dans la région (vases engobés d’Oloron, céramiques à pâte beige-jaunâtre du groupe A31 et sans doute vases à engobe micacé du Gers...). Mais ce n’est qu’un peu plus tard encore, vers le milieu du IIe s. que ces poteries communes tournées à pâte claire (A3) finissent par l’emporter définitivement sur les vases équivalents à pâte grise (groupe Al) après être arrivées au même niveau dans la première moitié du IIe s. Mais ce mouvement ne s’est pas déroulé partout au même rythme. A Saint-Bertrand-de-Comminges, l’abandon des poteries tournées à pâte grise se situe au cours du Ier s., alors que Tarbes ou Lescar conservent encore des quantités importantes de ces poteries à l’époque flavienne ou dans la première moitié du IIe s. L’opposition relevée dans d’autres domaines entre la partie orientale et la partie occidentale de notre région d’étude pourrait trouver ici une confirmation supplémentaire. On remarque par ailleurs que la courbe des poteries du groupe A3 culmine à la fin du IIe s. ou au début du IIIe s. avant de descendre à un niveau un peu inférieur aux IIe et IVe s.
b) Modification de la morphologie des céramiques culinaires
86De façon concomitante c’est sans doute aussi à l’époque flavienne que des changements parfois difficiles à interpréter, affectent les c.n.t. et ont pour résultat de mettre en place une gamme de poteries un peu différente.
87L’exemple de sites urbains où nous disposons de plusieurs contextes stratigraphiques se révèle plein d’enseignements à ce sujet.
88Ainsi, à Lescar les pots de type 701 (groupe B4, fig. 6, n° 25) de filiation protohistorique disparaissent au profit de poteries de type 714 et 702a (fig. 6, n° 31 et 26) pour lesquelles nous ne disposons pas de références plus anciennes. C’est aussi dans ces mêmes contextes que se répandent les écuelles et les bols dotés de pieds, pratiquement absents des niveaux antérieurs (fig. 6, n° 24).
89A Saint-Bertrand-de-Comminges les pots de type 704 (fig. 6, n° 28) caractéristiques des niveaux augustéens sont remplacés dans les couches flaviennes du même site par des pots de type 712 (fig. 6, n° 30) à col incurvé totalement inconnus jusque-là. De façon exactement identique, les bols augustéens de type 303 (fig. 5, n° 23) ne figurent plus dans les niveaux flaviens du même site, où une substitution s’est alors opérée au profit des écuelles de type 202 (fig. 5, n° 22). Ce mouvement est suffisamment profond pour qu’une nouvelle génération de vases se mette en place pour des décennies. En effet on retrouve encore les types 712 et 202 de Saint-Bertrand-de-Comminges dans les contextes de la fin du IIe -début IIIe s. et les pots lescariens de type 702a sont encore fréquents dans le dépotoir de l’égout 2 (phase 4) à la fin du IIIe s. et au début du IVe s.

Fig. 13 - Évolution quantitative des pots à pâte grise fine (groupe Al).

Fig. 14 - Évolution quantitative des pots à pâte claire (groupe A3).

Fig. 15 - Évolution quantitative des pichets et cruches à pâte claire (groupe A3).
90A Dax, le matériel d’une fosse rituelle flavienne (ou tout début IIe s.) contient les premiers exemplaires des pots du type 706 (groupe B4, fig. 7, n° 35), inconnus à Guéthary à l’époque de Tibère et qui deviennent majoritaires à Aquae Tarbellicae au cours du Bas-Empire.
91Si cette évolution est aisément détectable, son explication est plus hasardeuse, en particulier dans le cas des pots, car les changements qui les touchent ne semblent pas répondre à une modification radicale de l’art culinaire aquitain. En effet, ce phénomène ne concerne que des détails morphologiques sans incidence sur l’essentiel des fonctions de ces poteries. Le cas est un peu différent pour les formes ouvertes, parmi lesquelles progressent les écuelles, parfois dotées de pieds. Ce mouvement est particulièrement perceptible à Saint-Bertrand-de-Comminges où les formes culinaires ouvertes hautes cèdent en grande partie la place à des formes plus basses et davantage ouvertes, ce qui dénonce une modification de la façon de cuisiner. Le fait que ce mouvement touche essentiellement les milieux urbains constitue peut-être une indication supplémentaire (la progression des formes ouvertes illustrée par la fig. 10 provient pour l’essentiel de l’augmentation du nombre d’écuelles). Mais une nouvelle fois, il serait difficile de voir dans ce phénomène la trace d’une forte influence méditerranéenne.
c) Une nouvelle répartition des vases tournés (fig. 13, 14 et 15)
92Ce mouvement s’accompagne de quelques changements importants dans la répartition des céramiques tournées. L’exemple des vases fermés est sans doute assez significatif à cet égard.
93Le premier terme du changement consiste en une baisse continue du nombre des pots à pâte grise (fig. 13), jusqu’à leur disparition probable vers le début du IIIe s. (les quantités aberrantes de la phase 4 de Lescar-le Bialé sont responsables du ressaut qui marque la fin du IIIe et le début du IVe s.).
94Un second mouvement pourrait assez bien expliquer ce déclin : au milieu du Ier s. les quantités de pots à pâte claire (groupe A3) augmentent brusquement, pour se stabiliser ensuite à un niveau correspondant à 5-7 % des vases (fig. 15). Cette évolution pourrait traduire le remplacement de pots à pâte grise de tradition protohistorique (surtout de nos types 705 et 706 du groupe Al) par des pots à pâte claire équivalents. Mais le profil de la courbe des pots à pâte claire se stabilise, et même décroît très légèrement dès le début du IIe s., alors que le nombre des pots à pâte grise poursuit sa chute. Cette hypothèse n’est donc que partiellement validée. D’ailleurs les dimensions de ces pots à pâte claire, toujours assez réduites à l’image de notre type 701 du groupe A31 (fig. 7, n° 32), ne correspondent pas à celles des pots à pâte grise dont le volume se rapproche davantage des cruches et des pichets.

Fig. 16-Évolution respective des quantités d’assiettes tournées de toutes catégories et en céramique commune tournée.

Fig. 17 - Dimensions des assiettes de type 105a du groupe Al (Saint-Bertrand-de-Comminges).
95Et en effet, la courbe des pichets et des cruches à pâte claire (il n’y a pratiquement pas de pichets et de cruches fabriqués dans d’autres catégories de fabrication) suit un trajet exactement inverse à celui des pots à pâte grise pour culminer au IVe s. pratiquement au même niveau que celui qui était atteint à l’époque d’Auguste par ces dernières fabrications, entre-temps disparues, soit environ 15 % des vases (fig. 15).

Fig. 18 - Dimensions des assiettes et plats en sigillée italique des “couches noires” du chantier du marché de Saint-Bertrand-de-Comminges.
96Cette possible substitution est particulièrement significative de l’abandon progressif d’un goût particulier pour la vaisselle de service à pâte grise hérité du Second Age du fer au profit de vases à pâte claire de tradition méditerranéenne. De surcroît, cela s’accompagne du remplacement de formes de tradition protohistorique par des vases de tradition méditerranéenne utilisés pour les mêmes usages (ici conservation et service des liquides ?).
97L’évolution des quantités d’assiettes de table constitue un cas à première vue contradictoire avec le précédent témoignage. On constate en effet une chute très nette des quantités d’assiettes entre le règne d’Auguste et la première moitié du IIe s. avant que leur nombre se stabilise par la suite à un niveau particulièrement bas (fig. 16). Ce mouvement touche exactement de la même façon l’ensemble des catégories de fabrication (parmi lesquelles dominent les sigillées) et les céramiques communes tournées. Les éléments de comparaison manquent pour déterminer si cela tient à une évolution spécifique à l’Aquitaine méridionale ou si cela correspond à un changement général. Le cas de Saintes (fouilles de “Ma Maison”) nous fournit un point de comparaison : 23,65 % d’assiettes à la fin du Ier s., 17,22 % dans le premier quart du IIe s., 13,90 % dans la seconde moitié du IIe s. (Laurenceau 1988, 249-258). La tendance à la baisse est donc nette aussi à Saintes, mais sous réserve de vérification, elle semble bien plus accentuée en Aquitaine méridionale.
98La contradiction qui existe entre l’évolution quantitative des pichets et cruches et celle des assiettes pourrait n’être qu’apparente. En fait, cela ne traduirait-il pas le fait que les Aquitains ont adopté, parmi les formes nouvelles, celles qui s’adaptaient le mieux à des usages déjà existants et n’ont accepté que superficiellement celles qui ne correspondaient pas à leurs habitudes. Les cruches et les pichets ont remplacé une partie des fonctions des pots traditionnels (stockage intermédiaire et service des liquides) alors que les assiettes, très rares en céramiques communes au delà de l’époque d’Auguste et de Tibère, sont restées pour l’essentiel (mais pas complètement) des pièces importées sans doute un peu exotiques. D’ailleurs des pichets comme ceux de notre type 801 à pâte beige-jaunâtre (fig. 7, n° 33), dont on trouve les premiers exemplaires sans doute dès la période flavienne, conservent très nettement l’allure de pots auxquels on aurait simplement ajouté une anse.
99Mais paradoxalement, cette sévère décroissance pourrait être aussi le signe d’une relative intégration culturelle pour nombre d’habitants des villes et des villae. Les céramiques tournées fines qui composent une majorité de ces vases ayant sans doute perdu une grande partie du caractère de bien d’échange ou d’ostentation qui était le leur durant la période protohistorique (Bats 1987, 214), sont alors réellement utilisées comme vaisselle à un niveau quantitatif qui correspond alors aux véritables besoins de leurs utilisateurs.
100La prise en compte des dimensions de ces assiettes pourrait apporter des indications complémentaires. Les assiettes de type 105 du groupe Al de Saint-Bertrand-de-Comminges (fig. 3, n° 4) sont les seules pour lesquelles nous disposons d’un nombre d’individus suffisant pour offrir un histogramme significatif des diamètres d’ouverture. La répartition de ces diamètres montre un pic très net à 24-26 cm. Il nous a paru intéressant de comparer cette distribution à celle des assiettes et plats en sigillées découverts dans les mêmes contextes, pour vérifier si ces assiettes en céramique commune pouvaient avoir un mode d’utilisation comparable à celui des assiettes et plats italiques équivalents (fig. 17 et 18).
101Il est donc manifeste que les assiettes en céramique commune tournée à pâte grise les plus fréquentes ne correspondent sans doute pas aux usages pour lesquels étaient conçues les assiettes en sigillée italique de la même époque. En revanche, les dimensions de ce type 105 se rapprochent de celles des assiettes à vernis noir de type Lamb. 5 et 5/7 en campanienne A tardive (voir les mesures prises à Olbia de Provence par Bats 1988, 111), comme de celles des écuelles de tradition celtique de type 202 trouvées dans les mêmes contextes commingeois (fig. 3, n° 6). Cette répartition des dimensions peut indiquer que les assiettes communes conservaient les dimensions des modèles campaniens supposés. Mais plus vraisemblablement, elle peut illustrer l’utilisation d’assiettes dont les formes sont inspirées des modèles méditerranéens, mais qui sont employées selon un mode finalement assez traditionnel, à la façon des écuelles locales de tradition protohistorique.
102Ainsi, passée l’effervescence de la période augustéenne durant laquelle les cadres de la domination romaine ont été mis en place, sans aucun doute d’une part grâce à l’arrivée de quelques administrateurs, d’autre part grâce à une quantité difficilement quantifiable d’immigrants italiens, nous pourrions poser la question de savoir si les tendances lourdes des traditions céramiques locales n’ont pas repris une partie de leurs droits. Certains apports comme les cruches et pichets à pâte claire étant très progressivement assimilés, d’autres comme les assiettes faisaient peut-être d’abord l’objet d’une adaptation aux usages locaux avant d’être marginalisées au fur et à mesure du départ ou de l’assimilation des nouveaux arrivants. Toutefois les changements, même mineurs, qui touchent la morphologie des c.n.t., ainsi que la répartition des différentes formes de cette catégorie de fabrication confirment en partie cette impression d’ajustement des traditions céramiques locales aux nouvelles conditions de l’époque.
Conclusions : les différentes facettes d’un faciès original
1. L’apport des céramiques à la connaissance de la société aquitaine
103Ainsi, il semble que les céramiques communes aquitaines présentent un ensemble de traits suffisamment spécifiques pour que, prises dans leur totalité, elles forment un faciès céramique à part. Des quantités toujours importantes de céramiques non tournées, une variété assez peu courante des groupes de fabrication et une gamme typologique particulièrement étendue dans cette catégorie, des poteries aux caractères souvent archaïsants constituent les éléments fondamentaux des assemblages céramiques aquitains. Corrélativement les céramiques tournées fines et surtout les céramiques communes tournées sont en général moins nombreuses que dans bien des régions de la Gaule. De cette façon, la continuité et la relative étanchéité des modèles céramiques et culinaires déjà mise en évidence par Bats 1988 et 1990 semble donc devoir être confirmée par l’exemple aquitain.
104Les différences considérables qui existent dans les niveaux quantitatifs et qualitatifs de consommation entre les villes et les villae d’une part et les sites ruraux de bas niveau social sont toutefois des éléments fondamentaux à prendre en compte. La césure qui apparaît ici par l’absence presque totale de céramique fine, et qui se traduit par des quantités très réduites de céramiques communes tournées dans les sites ruraux ou artisanaux de tradition indigène, souligne les considérables décalages sociaux et culturels qui marquaient la société aquitaine à cet égard. Les quelques comparaisons qu’il nous a été possible de réaliser avec des sites ruraux ne relevant pas du modèle de la villa comme la cabane de Dambron publiée par A. Ferdière (Ferdière 1983, 29-83) pourraient indiquer que cette coupure classique s’est manifestée avec une acuité particulière dans cette région. Mais ces contrastes ne doivent pas pour autant faire oublier les convergences étroites qui existent en définitive dans le domaine d’une vaisselle de cuisine profondément ancrée dans les traditions régionales et finalement assez uniforme.
2. La complexité de l’écheveau culturel et ethnique
105La permanence d’une forte identité Aquitaine au sein de la Gaule semble donc trouver ici quelques confirmations, mais il faut rejeter l’idée d’une résistance irréductible de ces régions à tout apport extérieur.
106En premier lieu, la présence de céramiques à pâte grise, fréquentes en Aquitaine dès la période protohistorique, et au cours du Haut-Empire, démontre l’influence déterminante, sous une forme qui reste à définir, des traditions celtiques. S’il paraît présomptueux de vouloir résoudre le problème du niveau de celtisation de la région à partir de ces vases, cela permet sans doute au moins de poser la question et de souligner combien ces traditions céramiques latèniennes se renforcent même durant le Haut-Empire, comme si la présence romaine leur avait servi de vecteur supplémentaire.
107Quant aux traditions céramiques méditerranéennes leur empreinte sur la vaisselle céramique, certes peu profonde en comparaison d’autres régions, est à moduler selon les niveaux sociaux (établissements de tradition indigène ou villes/villae) et les gammes fonctionnelles de vases (vaisselle de table ou vaisselle de conservation et de cuisine).
108Des conclusions semblables ont d’ailleurs été tirées par Bost 1982, 67-68, à propos des effets de l’urbanisation de l’Aquitaine à l’époque romaine.
109Entre l’idée d’un isolat aquitain refusant en bloc la culture matérielle de tous les envahisseurs, et celle qui consisterait à banaliser le comportement de ses habitants en ignorant les spécificités du matériel archéologique le plus quotidien, une conception plus nuancée émerge donc de l’étude de ce matériel céramique. Les populations d’Aquitaine méridionale ont apparemment trouvé les ressources nécessaires dans la force et le dynamisme de leur identité propre pour conserver l’essentiel de traditions céramiques dont il faut sans doute chercher les fondements dans les particularités culturelles locales et dans l’exploitation d’un milieu spécifique, autant de conditions que la conquête n’a évidemment pas modifié du jour au lendemain. En même temps, elles ont pratiqué un tri particulièrement sélectif parmi les nouveautés rendues disponibles par les contacts entretenus de façon plus suivie avec le monde méditerranéen.
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Notes de bas de page
1 Campagnes de Crassus en 56, de Marcus Agrippa en 39-38, de Marcus Messala Corvinus en 27 av. n. è.
2 Voir aussi à ce sujet : Réchin 1994.
3 Il n’est pas question d’entrer dans les développements que mériteraient ces deux phrases d’Ausone, nous pouvons simplement les rappeler. L’auteur paraît clairement distinguer la Gaule de l’Aquitaine (selon quel sens du terme ?) dans l’Ordo urbium nobilium, X consacré à Arles : « ...tu ne les retiens pas et tu enrichis les autres peuples et les villes que possèdent la Gaule et le vaste sein de l’Aquitaine ». Plus loin, dans une partie réservée à Toulouse, Ausone évoque les Aquitanas gentes, que M. Jasinski a traduit, peut-être à tort, par « nations d’Aquitaine ».
4 L’étude encore partielle des ossements de la nécropole tardive de Lectoure fouillée par M. Larrieu-Duler montre dans l’ensemble une grande stabilité dans les caractères physiques des défunts. Toutefois dans le détail elle laisse apparaître des variations (tailles et indice crânien) plus accentuées que pour les périodes précédentes et l’on note aussi la présence de deux corps à l’aspect négroïde assez net. Ces éléments sont significatifs du brassage de population qui a pu toucher au moins les villes de la partie occidentale de l’Aquitaine. A ce sujet voir en dernier lieu : Riquet 1981, 69-70.
5 A propos des mentions littéraires de l’Aquitaine et du Pays Basque voir Esteban Delgado 1990, 31-43.
6 Le terme de faciès est ici inspiré du sens où l’entendent les géologues, c’est-à-dire l’ensemble des caractères pétrographiques et paléontologiques définissant un sédiment. Il est proche de la signification que les préhistoriens lui donnent, c’est-à-dire la désignation du caractère prépondérant sous lequel apparaît une industrie ou une culture. L’expression faciès céramique peut donc être entendue comme l’ensemble des caractères typologiques et quantitatifs définissant un ensemble céramique précis. Définitions tirées de Leroi-Gouhran 1988, 375.
7 Les principes de comptage se rapportent à la méthode établie par Arcelin 1981 et développée par Bats 1986, 35-36 et Py 1991, 84 et 92-94. Sont pris en compte le nombre de tessons et le nombre de bords après recollage. Ces bords sont retenus comme base de l’estimation du nombre d’individus, mais si une catégorie de fabrication n’est attestée que par des tessons il est compté un individu de façon à pondérer les comptages.
8 Renseignement R. Sablayrolles.
9 Nous désignons sous ce terme plusieurs types d’établissements dont le faciès céramique est assez semblable. Une série de petits campements que l’on peut placer dans des contextes pastoraux à l’époque romaine (Hastingues, Castillon, Lescar-la Lanusse, Moliets, Tilh. Voir à ce sujet Amrambourou 1972 pour Tilh et Riuné-Lacabe 1990 pour Hastingues). Des sites construits comme Lescar-Candaux (ferme ?), un site de production saulnière (fond de cabanne de Salies), un site mixte comme Œyregave (bâtiment agricole et campement pastoral ?).
10 Ce graphique et ceux qui suivent ont été réalisés en utilisant librement la méthode mise au point par M. Py pour les céramiques protohistoriques. La durée est étalonnée en décennies en abscisse, le mobilier de chaque contexte est exprimé en pourcentage en ordonnée sur autant de décennies que couvre sa fourchette de datation. Les contextes dont les chronologies se chevauchent sont réduits à la moyenne sur l’espace de temps concerné. Nous ne disposons malheureusement pas des séries continues utilisées par cet auteur (rareté des contextes du IIIe s. par exemple), aussi il faudra envisager ces représentations comme un simple support visuel que les fouilles archéologiques ultérieures aideront à compléter. Sur les avantages de la méthode, voir par exemple Py 1990, 911-919 et Raynaud 1990, 221-222. Nous avons poursuivi les tracés des graphiques, en tenant compte de la totalité des données disponibles, au-delà des limites chronologiques retenues pour ces journées d’études afin de mettre en perspective des résultats obtenus pour la période IIe s. av. n. è .-IIe s. de n. è.
11 Pourcentage calculé sur le nombre de tessons et non sur la quantité d’individus comme pour les autres établissements.
12 A la différence des autres sites pris en compte, les données concernant Sanguinet reposent sur le nombre de tessons et non pas celui des bords après recollage. Données aimablement communiquées par B. Maurin et B. Dubos : Maurin (B.), Site archéologique sublacustre de Sanguinet, C.R.E.S.S., Rapport d’activité 1990, 55.
13 Ce terme désigne ici des poteries probablement modelées dans un premier temps, avant d’être achevées par rotation sur une tournette ou un autre instrument plus rudimentaire encore.
14 Je rappelle que le pourcentage calculé à Sanguinet prend pour base le nombre de tessons.
15 Pourcentage calculé sur le nombre des tessons.
16 Estimations quantitatives calculées en ajoutant 10 et 15 % de céramiques tournées fines aux céramiques communes; B3 = 22 à 21,5 % des individus, B4 = 33 à 32 % des individus, total c.n.t. = 53 à 56 % des individus.
17 Estimations quantitatives calculées en ajoutant 10 et 15 % de céramiques tournées fines aux céramiques communes : B3 = 1,5 à 1,4 % des individus, B4 = 36,36 à 34,78 % des individus, total c.n.t. = 37 à 36 % des individus.
18 Matériel examiné grâce à l’amabilité du personnel du musée de Huesca et des fouilleurs, J. L. Ona Gonzalez, J. Pay Peralta, J. A. Perez Casas, M. L. De Sus Gimenez.
19 Définition : 2/3 < hauteur/diamètre à l’ouverture < 1 et diamètre à l’ouverture/diamètre maximum < 3/4 (Tuffreau-Libre 1980, 71).
20 Récipient ouvert à parois fortement évasées dont le diamètre à l’ouverture (inférieur ou égal à 23/24 cm environ) est égal ou supérieur à cinq fois la hauteur (selon Balfet 1983, 10). Le plat répond à la même définition, avec un diamètre supérieur à 24 cm.
21 Quelques tessons hors stratigraphie qui ne sont donc évidemment pas pris en compte dans les tableaux statistiques.
22 Le point pour la région de Nîmes lors de la fin de la période protohistorique dans Py 1990, 589-590. Les études consacrées à la période romaine ne mentionnent qu’incidemment ces vases : quelques exemples à Genève (Paunier 1981, 258 et 367, n° 577-578, première moitié du I er s.), Lyon (Desbat 1989, 98 : tableau 1 ; 99 : tableau 2 et 101 ; 102 : tableau 3 ; 111, fig. 69, n° 58-59 ; 115, fig. 73, n° 21-22, contexte augustéen), Saintes (Laurenceau 1988, 214, contexte augustéen), à Nîmes (Genty 1981, 108, contexte augustéen)
23 Desbat 1989, 99, tableau 1 et 102, tableau 2. Nous n’avons pas intégré les lampes et les amphores qui figurent dans ces tableaux à nos calculs.
24 Voir Py 1990, 181, fig. 6.30 (4,47 % vers-25/+25) ; 185, fig. 6.332 (2,44 % vers +25/+100) ; 260, fig. 10.12 (3,65 % vers-50/-25) ; 264, fig. 10.16 (3,01 % vers-25/-1) ; 267, fig. 10.18 (4,93 % vers +1/+50).
25 Au demeurant certaines datations laissent perplexes, tel ce pot de type 238 (Santrot 1979, p. 131) ou 255 dont on trouverait des exemplaires dans des contextes de la fin du Second Age du fer comme du IIIe s. de n. è.
26 Mobilier rapidement examiné grâce à l’amabilité du personnel du S.R.A. de Midi-Pyrénées.
27 Laboulinière (P.), Manuel statistique du département des Hautes-Pyrénées. Tarbes, 1813, p. 360 cité par Valéri 1977, 76.
28 Périodes prises en compte pour la construction des courbes de la figure 6 : Bordes =-200/-50, Hastingues =-100/0 et 0/50, Castillon = 175/250, Lescar-la Lanusse =-20/20, LescarCandaux = 350/410, Moliets = 175/250, Salies-Lahitte = 150-220, Tilh = 100/200, Œyregave = 350/410.
Auteur
Université de Pau et des Pays de l’Adour
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