Le mobilier de campagne de Napoléon Ier : les archives au service d’une collection
Texte intégral
Le Mobilier national
1Le Mobilier national [fig. 1] et les manufactures des Gobelins, de Beauvais, de la Savonnerie, de la dentelle d’Alençon et du Puy-en-Velay, forts de plus de 370 agents, ont pour missions :
d’ameubler, selon les dispositions imposées par le Code du patrimoine, les services et résidences présidentiels ainsi que ceux du Premier ministre, des membres du gouvernement et des grands corps de l’État ;
de créer des pièces nouvelles tissées dans les cinq manufactures ainsi que des pièces de mobilier réalisées par l’Atelier de recherche et de création [ARC] ;
de conserver au sein de ses réserves et de restaurer dans ses sept ateliers spécialisés de riches collections dont le noyau initial remonte au xviie siècle ;
de perpétuer et de transmettre, notamment par des actions de formation, les techniques traditionnelles des métiers d’art liés à ses missions, y compris dans le domaine de la dentelle ;
de présenter au public son patrimoine et ses créations dans le cadre de dépôts d’œuvres dans les musées et les châteaux ainsi que lors de prêts aux expositions temporaires en France, à l’étranger et dans son espace de présentation, la Galerie nationale des Gobelins à Paris.
Fig. 1 Colonnade de la façade du Mobilier national à Paris

© Lawrence Perquis, Mobilier national.
Une collection atypique
2Le Mobilier national, descendant de l’Ostel du Roy médiéval et du Garde-Meuble de la Couronne, institutionnalisé par Colbert en 1663, a pourvu au décor et à l’ameublement des palais royaux, impériaux puis républicains au fil du temps, tout en conservant et entretenant des collections qui n’ont cessé de croître. L’une d’elles, à la fois atypique et unique, concerne le mobilier de voyage et de campagne1 des souverains et des chefs d’État. En effet, le Garde-Meuble a pourvu, souvent en lien avec le service, indépendant ou non, des Menus Plaisirs2, à l’ameublement des monarques et parfois de leur famille, lors de leurs déplacements.
3Cette collection, encore présente aujourd’hui au sein des réserves du Mobilier national, compte plusieurs centaines de pièces. Elle est composée de tentes (toits, murs, mâts, tapis, faîtières et sardines), lits (châssis, matelas et éléments textiles), sièges (fauteuils, chaises ou tabourets), tables et outils divers (maillets, petite enclume, garde-robe, brancard, etc.). À cela s’ajoutent les nombreux sacs de grosses toiles et les malles d’origine servant à ranger et transporter tout ce matériel ou encore des effets des souverains ou, plus rarement, du président de la République. Tous ces objets sont caractérisés par une utilisation temporaire mais souvent répétitive, par leur faculté à être pliés ou démontés pour être transportés, ainsi que leur esthétique simple mais recherchée ou leur mise en œuvre luxueuse, qui sied à une utilisation royale ou impériale. Ces éléments, éclectiques par leurs matériaux constitutifs (tissu, cuir, bois, métal, etc.), arborent des dimensions aussi hétéroclites qu’impressionnantes : il en va d’une sardine de quelques centimètres à un mât de plusieurs mètres ou encore des toits de tente de plus de 10 mètres d’envergure et pesant plusieurs dizaines de kilogrammes [fig. 2].
Fig. 2. Lit pliant de voyage, 1830-1840. Paris, Mobilier national, GML 2374

© Isabelle Bideau, Mobilier national.
4Malgré l’appellation de « mobilier de campagne de Napoléon3 » de cette collection, les biens culturels qu’elle renferme ont été produits de la fin du xviiie au xxe siècle, avec une représentativité maximale de la première moitié du xixe siècle. Réalisés pour une destination précise, ils ont souvent servi dans d’autres cadres, voire parfois resservi à l’envi, après avoir été restaurés ou adaptés avec toujours pour caractéristique l’alliance du confort, de la solidité et de lignes épurées.
5Si l’importance historique de cette collection n’est plus à prouver4, elle restait et reste encore en grande partie à étudier5, à diffuser, à restaurer et à protéger pour être transmise aux générations futures, bref, tout simplement à découvrir et à comprendre, comme l’histoire des pratiques militaires, de la vie quotidienne et des choix stratégiques qui lui sont subordonnés. Il s’agit aussi d’appréhender un pan entier de l’histoire des arts décoratifs, d’un ameublement atypique : le mobilier pliant accompagnant les conquêtes et défaites de l’armée française. Ainsi et du fait de l’état et des conditions de conservation très insatisfaisantes [fig. 3] de ces morceaux d’histoire, un chantier de collection a été engagé à l’automne 2011 au Mobilier national, avec des moyens très limités.
Fig. 3. Rangement en réserves avant reconditionnement des éléments du mobilier de campagne

© Jehanne Lazaj, Mobilier national.
6Cependant, l’action engagée, ambitieuse, est indispensable : elle concerne nombre d’objets souvent en mauvais état et connus seulement par des sources lacunaires. Un sauvetage a donc été organisé grâce au déménagement et au regroupement de l’ensemble de la collection, auparavant très dispersée, puis au traitement systématique (premier dépoussiérage, fiche descriptive, photographies et reconditionnement).
7De belles découvertes ont déjà récompensé les premiers efforts. Ont été mises au jour, par exemple, la diversité remarquable des modèles de lits pliants utilisés au xixe siècle, la variété importante des types de tentes individuelles ou collectives encore conservées et l’ingéniosité des prestigieux bagages et malles de transports (malle-lit, malle-cabine, etc.). Une première valorisation de ce travail d’analyses a consisté, au-delà de l’étude systématique des objets et de leurs sources, menée pour le Premier Empire, en la réalisation de l’exposition itinérante et protéiforme Le bivouac de Napoléon : luxe impérial en campagne6, qui propose une reconstitution du campement de l’Empereur.
8Toutes les démarches de recherches engagées s’inscrivent dans un cadre plus large, celui d’un partenariat scientifique voulu avec plusieurs institutions comme le musée de l’Armée ou les Archives nationales, qui se met en place progressivement. En 2017-2018, une fois la collection documentée et reconditionnée, seront proposés son catalogue exhaustif et une présentation au public la plus complète possible, tant d’un point de vue historique que technique. Cette recherche est menée et portée par Justin Beaugrand-Fortunel, étudiant en thèse de doctorat d’histoire à l’École pratique des hautes études, sous la direction du professeur Jean-François Belhoste, qui, dans le cadre de son accueil au Mobilier national, se consacre aux fournisseurs du Garde-Meuble et à l’étude précise des objets, leur ingéniosité mécanique et leur évolution esthétique.
Les archives, comme mode de connaissance des objets
9Une tente de campagne conservée au Mobilier national est dite de « Napoléon » depuis une quarantaine d’années, bien qu’aucun élément relatif à cette origine ne soit stipulé dans les inventaires et qu’aucun dossier documentaire ne soit disponible, à part celui constitué par les publications successives sur le sujet. Cette appellation est le fruit de recherches effectuées par Chantal Gastinel-Coural7, conseiller technique au Mobilier national, puis Isabelle Tamisier-Vétois8, inspecteur au sein de l’institution. Le motif intérieur de la tente a d’ailleurs servi de modèle à la reconstitution, au château de Fontainebleau, du bivouac de l’Empereur dans le musée Napoléon Ier au cours des années 1970.
10S’il est entendu que, d’un point de vue stylistique et esthétique, la tente du Mobilier national pourrait dater du Premier Empire, surtout en raison de la toile de Jouy de doublure interne, produite entre la fin du xviiie siècle et 1806-18089, une nouvelle recherche approfondie était nécessaire, qui fut menée dans le cadre de la préparation de l’exposition précitée et du traitement de la collection du mobilier de campagne.
11La sous-série O/2 des Archives nationales, relative à la Maison de l’Empereur, conserve, dans sa partie réservée au Garde-Meuble consulaire puis impérial, toutes les commandes de mobiliers relatifs à l’aménagement des palais, des fêtes ou des voyages. Son dépouillement systématique a permis de lister l’ensemble des soumissions relatives aux tentes de campagne de Napoléon effectivement réalisées en 1808, 1809, 1812 et 1813. Au total, dix-sept tentes ovales ou carrées, contenues dans des sacs de transport et pourvues de marquises10, arrivèrent au Garde-Meuble et furent ensuite installées près du champ de bataille, en général par quatre, pour former au souverain un appartement tissé [fig. 4].
Fig. 4. Lettre du duc du Frioul à l’Intendant général du Mobilier impérial, signé Michel Duroc, 28 mars 1809



Arch. nat., O/2/513, dossier 5, fol. 4-6.© Archives nationales.
12L’une d’elles, fournie en 1808 par le tapissier Poussin pour la campagne d’Espagne11, est présentée dans un des mémoires du fournisseur12 [fig. 5].
Fig. 5. Mémoire de la grande tente et de la marquise de l’Empereur par le tapissier Poussin, 20 mai 1808

Arch. nat., O/2/509, dossier 6. © Jehanne Lazaj.
13Unique lors de sa livraison, elle possède des rideaux de cloisonnement intérieur pour créer des espaces différenciés pour le jour et la nuit. La tente du Mobilier national correspond à ce modèle, mais possède des dimensions différentes de celle décrite dans la facture : la tente effectivement livrée est plus longue d’environ 2 mètres. Cependant, on sait également grâce aux archives que toutes les tentes de Napoléon sont restaurées par une certaine dame Lechevallier, prestataire habituelle du Garde-Meuble, qui sous-traite d’ailleurs nombre de ses contrats. Est-ce elle qui aurait réduit en longueur la tente aujourd’hui conservée, lors de son intervention en 1809 ?13
14Cette hypothèse pourrait être étayée par les informations contenues dans les registres de la sous-série AJ19, consacrée aux archives du Garde-Meuble impérial, royal puis républicain. Ces derniers ont été dépouillés pour la période du Premier Empire et de la Restauration, en particulier les registres de 1814 et 181514 [fig. 6].
Fig. 6. Extrait d’un registre d’inventaire de 1815

Arch. nat., AJ19/604. © Jehanne Lazaj.
15Y figurent les tentes parties pour Waterloo, qui ne reviendront jamais en France, mais aussi et surtout cette tente doublée de toile de Jouy, rentrée d’Espagne en 1809, qui, cette fois, mesure 12 pieds de faîtière, soit une réduction d’au moins 2 mètres sur toute la longueur. Néanmoins, aucune description précise de l’objet n’est faite dans le registre et on sait que quatre tentes, dont deux des Menus Plaisirs, datant du xviiie siècle, avaient rejoint Napoléon en Espagne, avant de rentrer au Garde-Meuble. Ainsi et même si on ne peut rien affirmer, l’attribution de la tente aujourd’hui conservée à cette campagne d’Espagne est séduisante et possible. Dans les inventaires postérieurs, la trace de l’objet se perd, pour réapparaître en 1855, sans que l’on soit sûr du lien effectif entre la tente d’Espagne et celle de 1855, qui est, en revanche, elle, assurément celle conservée au Mobilier national15.
16Les archives ont ainsi permis d’associer une commande, un concepteur et une datation à un bien culturel de la collection du Mobilier national, dont les aspects physiques et esthétiques corroborent pour partie l’interprétation proposée, tout en laissant quelques zones d’ombre. Des recherches toutes récentes dans d’autres registres de la sous-série AJ19 pourraient remettre en cause la désignation présentée ici et l’appartenance même au campement de Napoléon de cette tente, désormais mythique. La dernière étape de l’exposition itinérante précitée, en préparation et prévue à l’automne 2015 à la Galerie des Gobelins à Paris, développera ces nouvelles conclusions et élargira l’étude du bivouac à celle de ses fournisseurs et aux symboles qu’il a véhiculés.
Les archives, comme apport pour aider à la reconstitution historique
17Si les archives aident à identifier des objets d’art, elles permettent aussi d’engager et de réaliser des reconstitutions historiques grâce aux informations techniques et précises qu’elles contiennent. Ainsi, pour le tapis moquette placé sous la tente de Napoléon, lors de ses bivouacs, ne subsiste de nos jours qu’un seul élément originel lacunaire, conservé au musée de l’Armée. Souvent appelé « peau de tigre » ou « au point de Hongrie » dans les différentes commandes de l’époque consignées en sous-série O/2 des Archives nationales, il offre en fait un décor qu’on qualifierait aujourd’hui de « peau de léopard ».
18Dans le cadre de l’exposition au musée des Beaux-Arts d’Ajaccio, durant l’hiver 2014, la reconstitution de l’espace de vie napoléonien imposait la réalisation d’un nouveau tapis au plus proche d’une confection d’époque. Les tapissiers et tapissières du Mobilier national, de l’atelier de tapisserie-décor, garants d’un savoir-faire ancestral et d’une pratique éprouvée, ont mis leur qualité d’exécution au service de ce projet. Après avoir trouvé une société (Codimat) à même de fournir une moquette en petite largeur au motif dessiné spécialement, il a été décidé de réaliser le tapis selon une couture à l’ancienne et une composition conforme aux descriptions d’archives. Un mémoire du 22 février 1812 de Belanger [fig. 7], tapissier et marchand, entre autres, de la manufacture de Tournai, installé rue du Faubourg-Saint-Honoré à Paris, a servi de guide à la reconstitution16. Les matériaux utilisés (moquette, toile verte et toile forte, doublure en thibaude) sont décrits ainsi qu’une partie de leur mise en œuvre.
Fig. 7. Facture de livraison du tapis de la tente de l’Empereur par Bellanger, 30 juin 1812

Arch. nat., O/2/722, dossier 6, fol. 612. © Jehanne Lazaj.
19Les techniciens du Mobilier national ont proposé de réaliser le tapis selon une technique ancienne, pour un rendu optimal et dans un souci d’authenticité. Une couture manuelle a donc été effectuée, guidée néanmoins par une machine à coudre non automatisée, dont la principale fonction consiste à percer les deux lés de moquette et de guider l’aiguille.
20Cette technique n’avait pas été utilisée, au sein de l’institution, depuis 1976 ; elle a dû être réapprise et une restauration des machines a été orchestrée. Ainsi, si le tapis recréé est bien conforme aux documents anciens et a permis d’envisager celui que les pas de Napoléon ont foulé [fig. 8], il a également offert aux tapissiers du Mobilier national, qui se sont réappropriés des gestes ancestraux, une belle aventure technique.
Fig. 8. Tapis reconstitué par le Mobilier national

© Sophie Vatar, Mobilier national.
21Au sein des archives du Mobilier national, la redécouverte récente d’un ensemble de dessins de la période du Premier Empire, provenant de la manufacture de Tournai et acheté il y a quelques années, promet de belles surprises. Un croquis du tapis « peau de tigre » s’y trouve apparemment, mais là encore, l’exposition prévue en 2015 offrira au public une nouvelle approche et peut-être de nouvelles « révélations ».
Autour du lit de camp de l’Empereur : l’apport croisé de plusieurs fonds et centres d’archives
22L’exploitation des documents d’archives s’est aussi avérée précieuse pour l’étude d’un autre objet important du mobilier de campagne de Napoléon : son lit de camp portatif. Conçu en 1803 par le serrurier parisien Marie-Jean Desouches, ce lit de fer portatif est rapidement présenté à Bonaparte, encore Premier consul. Celui-ci ne s’en séparera pas jusqu’à sa mort. En 1804, puis 1809, en effet, Desouches obtient deux brevets d’invention pour son lit de fer pliant, aujourd’hui conservés à l’Institut national de la propriété industrielle [INPI]17, qui autorisent à replacer le lit de Desouches dans la tradition des lits portatifs. Les nouveautés revendiquées par cette invention sont nombreuses et décrites par le serrurier en personne dans ces deux documents.
23Les lits de fer pour voyageur étaient jusqu’alors des modèles démontables, faits de nombreuses pièces indépendantes. C’est le premier point sur lequel travailla Desouches, en concevant une couchette d’un seul tenant, où tous les éléments sont reliés entre eux par des charnières. Le lit était donc entièrement pliant. En position fermée, la place qu’il occupe est minime et son ouverture ne prend que quelques secondes. L’autre aspect important mis en avant par Desouches dans ses brevets est le confort. Alors que la plupart des lits portatifs de l’époque ont un sommier fait de sangles de cuir tendues particulièrement raides, l’inventeur met au point un sommier dit « élastique », fait d’une toile tendue, reliée par des ressorts à des crochets de cuivre venant se fixer au cadre. Des perfectionnements sont apportés à l’invention, raison d’être du brevet de 1809, en la rendant plus adaptable, aux moyens de transport en particulier, et en permettant de régler la hauteur de la couche grâce à des bagues amovibles sur les montants verticaux du cadre. Ces brevets sont accompagnés de planches illustrées, décrivant l’objet sous toutes ses coutures. La planche de 1809 propose même une comparaison entre les deux modèles [fig. 9].
Fig. 9. Planche illustrée, brevet de Jean-Marie Desouches, 1809

INPI, 1BA1922. © Jehanne Lazaj.
24Les mémoires de fourniture et les documents produits par le Garde-Meuble pour attester les livraisons, conservés en sous-série O/2 des Archives nationales, se sont aussi avérés indispensables, livrant des informations sur les fabricants et sur leur production. Dans le cas de Desouches, son adresse, la mention de ses brevets d’invention et de son titre de fournisseur officiel de l’Empereur figurent en en-tête de ses factures [fig. 10]. Le détail des meubles livrés permet, lui, bien souvent de connaître, outre le prix, les matériaux employés et les diverses interventions nécessaires à la fabrication des objets.
Fig. 10. Présentation avec en-tête, brevet de Jean-Marie Desouches, 1809

INPI, 1BA1922. © Jehanne Lazaj.
25La fiabilité de ces documents a été mise à l’épreuve dans le cadre de la reconstitution du lit de campagne complet de Napoléon. À partir d’un lit de fer de Desouches conservé au Mobilier national, les ateliers de l’institution, en s’appuyant fidèlement sur les mémoires de tapissiers et marchands de literie, ont recréé à l’identique la literie et les rideaux à l’impériale du souverain. Trois matelas étaient superposés sur le sommier : le premier rembourré de crin, le second de laine et le troisième de duvet. Un oreiller, un traversin et une ou deux couvertures, de laine et de coton le plus souvent, complétaient la couche. Enfin, des rideaux en taffetas de soie, bleus jusqu’en 1809, verts ensuite, garantissaient l’intimité et la chaleur au dormeur. C’est donc un lit à l’image de ceux qu’emportait Napoléon en campagne à partir de 1809 qui a été reconstitué pour l’exposition d’Ajaccio [fig. 11].
Fig. 11. Lit pliant de Napoléon (Paris, Mobilier national, GML 1210), avec une garniture reconstituée d’après des documents d’archives, par les ateliers du Mobilier national

© Justin Beaugrand-Fortunel.
Conclusion
26L’intérêt des archives pour l’étude du mobilier de campagne de Napoléon est donc immense. Les différents documents décrits ont contribué à identifier, à dater ou encore à reproduire des objets à l’identique, mais aussi à mettre en évidence leur aspect novateur, tout en étudiant le mode de vie du souverain lors de ses déplacements. Cette aventure et cette exposition montrent que les documents d’archives sont bien plus que des sources « poussiéreuses ». Leur valeur évocatrice ne doit pas être sous-estimée et, si la présentation de documents de ce type peut paraître pesante lorsqu’ils sont présentés au public sans contexte, il en va tout autrement quand ils sont mis en relation avec d’autres supports. La communication entre les objets se fait et l’Histoire apparaît alors. Si les archives sont donc bien les éléments documentaires nécessaires à la recherche et à ses multiples facettes, ils sont aussi et en eux-mêmes, exposés avec leur esthétique propre et particulière, l’incarnation de la trace matérielle d’une action.
Notes de bas de page
1 Selon la définition donnée par le dictionnaire de Furetière : « le temps de chaque année où on peut tenir les troupes en corps d’armée ».
2 Ce service, qui changea à de multiples reprises de nom, est chargé de pourvoir à l’organisation matérielle et aux décors des fêtes, cérémonies et manifestations éphémères sous l’Ancien Régime et durant les deux Empires.
3 L’expression est employée au Mobilier national depuis une trentaine d’années.
4 Les nombreux prêts pour des expositions de certaines œuvres en témoignent. La rareté des pièces, l’homogénéité de certains ensembles liés à l’histoire du Mobilier impérial, royal puis national, et sa complémentarité avec des œuvres conservées au sein de musées ou des collections particulières donnent à cet ensemble une valeur unique.
5 Il convient de signaler le travail remarquable mené sur une partie de la collection par Chantal Gastinel-Coural, présenté dans le cadre de plusieurs expositions américaines (Silk of palace of Napoléon, New York, Fashion Institute of Textil, 1983 ; Age of Napoléon : costume from Revolution to Empire, New York, Metropolitan Museum of Art, 1988 ; Napoléon, Memphis, Convention Center, 1993), et par Isabelle Tamisier-Vétois, qui a assuré le commissariat de l’exposition Napoléon en campagne : le bivouac de l’Empereur [Paris, Arc de triomphe, 2005] et la direction de son catalogue.
6 L’exposition, présentée au musée des Beaux-Arts d’Ajaccio du 13 février au 12 mai 2014 (catalogue édité chez Silvana editoriale), a été reprise en version réduite aux musées napoléoniens-Galerie Demidoff, à Portoferraio (île d’Elbe), du 28 juin au 15 octobre 2014 (catalogue édité chez Sillabe editore), et présentée à Paris, « Le bivouac de Napoléon : luxe et ingéniosité en campagne » (Paris, galerie des Gobelins, 18 septembre-13 décembre 2015).
7Catalogue de l’exposition Silk from the palace of Napoléon, New York, Fashion Institute of Textil, 1983, notice n° 79.
8 Voir : Napoléon en campagne, Paris, 2005.
9 La technique d’obtention de la couleur verte, spécifique à cette période, permet de dater les éléments de textile imprimés.
10 Cette double toile, posée sur la première, l’isolait de la pluie et de températures extrêmes.
11 Selon la sous-série O/2 des Archives nationales, les tentes ont toutes été fournies par deux sociétés de tapissiers : Poussin, puis Poussin (et) Lejeune. La liaison familiale évidente entre ces deux artisans est en cours d’étude.
12 Arch. nat., O/2/509, dossier 6.
13 Arch. nat., O/2/515, dossier 14, fol. 79.
14 Arch. nat., AJ19/603-604.
15 L’identification est manifeste grâce aux numéros portés sur l’objet et reportés dans les inventaires.
16 Arch. nat., O/2/722, dossier 6, fol. 612.
17INPI, 1 BA 2171 et 1 BA 1922.
Auteurs
Doctorant en histoire à l’École pratique des hautes études, contractuel au Mobilier national
Inspectrice des collections au Mobilier national
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