Le temps des plateformes : enjeux, différences et complémentarité de l’archivage des médias sociaux numériques à la Bibliothèque nationale de France et à l’Institut national de l’audiovisuel
Texte intégral
Introduction
1La mainmise d’Elon Musk sur Twitter à l’automne 20221 et le mouvement qui s’ensuit de départ d’une partie des usagers vers le fédiverse2, notamment vers Mastodon, ainsi que leur demande d’effacement de leurs tweets3 et données, témoignent, s’il en était besoin, de l’éphémérité des données numériques et, plus largement, des réseaux sociaux numériques [RSN]. Il y a des antécédents de disparition de RSN ou de leurs contenus, par exemple celui de Geocities (Milligan, 2017), très populaire dans les années 1990, ou encore ceux de MySpace (Gomez-Mejia, 2018) et Vine4. Les RSN, qui se sont imposés depuis la décennie 2000 comme des plateformes importantes d’information et de communication, sont aussi des témoins de leur temps, notamment lors de crises, comme les printemps arabes (Tufekci, 2019), le mouvement Black Lives Matter ou la pandémie de la Covid-19. Ils y jouent un rôle important, par exemple lors du mouvement #metoo, ou de la coordination des Gilets jaunes en France.
2Inégalement préservés, les RSN entrent dans les enjeux d’archivage du web de manière plus ou moins précoce. La Bibliothèque nationale de France [BnF] a archivé Dailymotion entre 2007 et 2013, Twitter depuis 2012 et YouTube à partir de 2017. L’Institut national de l’audiovisuel [Ina] archive YouTube et Vimeo depuis 2009-2010 et Twitter depuis 2014. Si toutes les plateformes ne bénéficient pas encore d’une activité de captures régulières, de nouveaux projets de collecte améliorent la couverture. Ainsi la BnF gère des collectes Instagram depuis 2020 et TikTok depuis 2022.
3Quels sont les enjeux de conservation, mais aussi d’exploitation de ce patrimoine nativement numérique ? Quels sont les tendances, complémentarités, défis partagés, mais aussi spécificités propres à ces fonds ? Après avoir dressé un panorama rapide du développement international de l’archivage des RSN et des défis qu’ils posent, les approches en France de la BnF et de l’Ina sont mises en regard et en perspective. Elles permettent de s’intéresser dans une troisième partie à des collections plus particulières, à l’instar de fonds dédiés aux attentats, aux mouvements sociaux français ou encore à la crise de la Covid-19, pour mettre en valeur des cas d’usages et des recherches en cours sur ces collections inédites, diverses, mais complémentaires, qui invitent à penser ensemble les nouveaux paradigmes de préservation et de recherche.
Les données des réseaux sociaux numériques, un patrimoine nativement numérique en constitution
4L’archivage du web n’a plus à démontrer son importance (Brügger, 2018 ; Musiani et al., 2019). Depuis les initiatives, au milieu des années 1990, de la fondation Internet Archive ou encore de la Bibliothèque nationale d’Australie (Hegarty, 2022), il a peu à peu gagné bien des pays et été entrepris par des institutions souvent liées au monde des bibliothèques et parfois encadré par des lois sur le dépôt légal, comme en France en 2006 ou en Grande-Bretagne en 2013. L’archivage du web a connu des changements, mais il est aujourd’hui plutôt stabilisé et bien organisé, tout en laissant encore de la place à des évolutions concernant par exemple les interfaces, les modes de recherche et d’accès aux archives du web, les métadonnées, etc. Les RSN ont évidemment aussi attiré l’attention des archivistes du web sans que l’on puisse réellement parler ici de stabilisation des pratiques. Elles sont en constante adaptation, tandis que les RSN se développent et créent de nouveaux espaces à considérer, avec, par exemple, la montée des usages de TikTok depuis son lancement en 2016. Chacune de ces plateformes a ses caractéristiques, des approches plus textuelles ou visuelles, des marqueurs propres (retweet, like, etc.), des utilisateurs différents (ceux de Facebook, Twitter et TikTok ne se recoupent pas forcément), et des usages spécifiques de l’hyperlien, des renvois, des fils de discussion, des partages. Leurs conditions d’usage ou d’accès peuvent régulièrement évoluer, ce qui implique de reconfigurer les modes de collecte : les API5, c’est-à-dire les modalités d’accès aux interfaces de programmation permettant de récupérer des données des RSN, peuvent changer dans le temps et, avec une tendance générale à la limitation du nombre de données récupérables, induisent une baisse des volumes collectés. Au niveau des infrastructures, la durée des collectes – en particulier pour la vidéo – et les besoins de stockage restreignent la production. La collecte de YouTube par la BnF illustre bien cette double tendance : les limitations de l’API youtube-dl ne permettent pas de récupérer l’ensemble des métadonnées associées aux vidéos pour les chaînes les plus volumineuses et la durée ainsi que le poids des vidéos augmentent les besoins matériels en termes de stockage et de nombre de robots employés.
5Surtout, ces réseaux sont « bavards » et produisent des masses de données qui nous renvoient, comme le web l’avait fait précédemment, l’impossibilité de l’exhaustivité. La Bibliothèque du Congrès aux États-Unis en a fait l’expérience quand elle a passé un accord avec Twitter en 2010 pour récupérer ses archives depuis 2006, puis a décidé en 2017 de revenir à une politique plus sélective, face à des difficultés techniques de stockage et d’accès, qui ne sont toujours pas résolues (LoC, 2017). Si l’exhaustivité est impossible, comprendre certains mouvements sans prendre en considération ces espaces d’expression l’est tout autant. C’est pourquoi les archivistes du web recherchent, à défaut d’exhaustivité, une forme de représentativité permettant de saisir les vibrations (Boullier, 2015) parfois intenses des RSN. Bien sûr, l’archivage des RSN n’est pas propre aux crises et à l’affût des seuls signaux forts. Les campagnes électorales, qui font l’objet de collectes précoces à la BnF6, invitent à suivre l’expression politique sur les RSN en complément de l’archivage des sites des candidats. Cependant, lors des attentats de 20157, face à un événement soudain dont l’impact affecte l’ensemble de la société, l’adaptation passe par la mise en place d’une collecte en urgence et la prise en compte de la diversité des voix qui s’expriment. Ce qui ressort alors, c’est le besoin de collecter, de manière parfois un peu idéalisée, la diversité des expressions personnelles. Par exemple, l’Ina suit, dès 2014, des comptes Twitter de journalistes ou de chaînes dans le cadre de son périmètre dédié à l’audiovisuel, mais, avec les attaques terroristes, c’est bien un besoin d’élargir la collecte aux voix ordinaires et aux réactions « par le bas » qui se manifeste.
6Les RSN permettent de dessiner des temporalités très fines : on pense par exemple à la qualification des attentats du Bataclan d’abord mentionnés comme #tirs puis comme #attentats dans les hashtags8 (Schafer et al., 2019), ou encore à des enjeux mémoriels transnationaux comme ceux analysés lors des commémorations de la Grande Guerre par Frédéric Clavert (2018). Les collectes des #deconfinementJ1, J2, etc. par l’Ina procèdent aussi de ces temporalités très précises au sein d’un mouvement plus large, celui de la crise de la Covid-19 (Schafer et al., 2020). Reste une réalité : les données des RSN ne peuvent pas toutes être conservées et, lors des attentats de 2015 par exemple, Périscope9, qui capte des images des événements en direct, n’est pas préservé. De même, lors de la crise de la Covid, par ailleurs particulière par sa durée, des choix sont faits. Si la Bibliothèque royale du Danemark se lance dans la collecte de traces de TikTok ou Reddit (Schostag, 2020), ce sont essentiellement Facebook ou encore Twitter qui concentrent les efforts des institutions d’archivage européennes. Il y a plusieurs explications à ces choix nécessaires : il y a bien sûr des enjeux techniques, que l’on passe par un robot spécifique ou par les API des RSN, plus ou moins ouvertes. Ensuite, les logiques de flux sont complexes à capter. Les robots ne sont pas toujours adaptés, les paradigmes d’archivage parfois difficiles à cerner et ils doivent combiner plusieurs approches (par hashtag, par compte, etc.). Il faut aussi choisir entre capturer essentiellement le contenu et des données (approche de l’Ina, cf. partie suivante) ou tout un environnement numérique (approche de la BnF). Il faut aussi prendre en compte la question des données privées et publiques, qui soulève certes des enjeux éthiques, mais laisse aussi dans l’ombre une partie des traces numériques des comptes privés. Et sur les RSN qui entrent dans le cadre des collectes, des contenus peuvent être omis, car les choix de capture à un instant T sont extrêmement complexes : il faut anticiper des tendances, mener une veille en temps réel.
7Il y a également des enjeux institutionnels : des enjeux de stockage, des enjeux de budget, des enjeux de disponibilité des équipes, car l’archivage repose sur des choix humains et un intense investissement des équipes. Archiver les RSN, et d’autant plus quand il faut le faire en urgence, impose de définir une politique d’archivage, des choix de hashtags, de comptes, etc., et aussi de collecte, cette dernière pouvant se faire au détriment d’une autre. En outre, l’énorme investissement demandé n’est pas toujours rentable, au regard de la qualité du résultat. À moyen terme, l’expérimentation de nouveaux outils, moins automatisés comme Webrecorder/Browsertrix10, pourrait permettre de contourner certains blocages techniques que relève Ben Els, archiviste à la Bibliothèque nationale du Luxembourg : « Facebook actively tries to block crawler robots and as a result you have to collect much more data to obtain reliable results. So, for the cost of one capture on Facebook you can archive a regular website many times and the capture of Facebook may even be unusable, with videos not working, for example » (Schafer et Els, 2020)11.
8Il n’en reste pas moins que les RSN sont aujourd’hui au centre des préoccupations de bien des institutions, mais aussi d’initiatives mêlant une pluralité d’acteurs, dont des activistes et des chercheurs, que ce soit dans le cas de Documenting the Now12 qui suit le mouvement Black Lives Matter ou encore de SUCHO13 [Saving Ukrainian Cultural Heritage Online], initiative lancée au début du conflit contre l’Ukraine pour préserver son patrimoine culturel nativement numérique. Dans l’urgence, il s’agit de collecter. Quand l’urgence est moindre, les institutions et les parties prenantes peuvent aussi se concerter, mener un travail prospectif comme dans le cas du projet belge BESOCIAL (Vlassenroot et al., 2022) qui a fait un tour d’horizon des pratiques européennes de préservation des traces des RSN. Celui-ci n’a pas manqué de s’intéresser aux pratiques déjà en place, et notamment aux approches de la BnF et de l’Ina, qui représentent des voies différentes et complémentaires d’approche de l’archivage des RSN.
Les approches de la BnF et de l’Ina
9À l’Ina, les premières collectes sont engagées dès la fin des années 2000, ce qui est précoce au regard des autres institutions européennes qui ont préféré archiver les médias et les plateformes de partage ou d’hébergement de médias, avant d’archiver les RSN proprement dits.
L’archivage des médias des plateformes de partage ou d’hébergement de médias à l’Ina depuis la fin des années 2000
10Le périmètre du dépôt légal du web de l’Ina étant par définition centré autour de la radio et de la télévision, il est apparu essentiel, dès le début de sa mise en œuvre, d’être en mesure de collecter les médias publiés sur le web. Or, en simplifiant la publication de contenus audiovisuels et en rendant gratuit leur hébergement, l’apparition des plateformes de partage de vidéos a permis leur massification spectaculaire tout comme celle de leurs usages. Cette concentration des vidéos sur quelques plateformes aurait pu conduire à un risque important, pour les archivistes du web, de voir ces contenus leur échapper dans le cas où les plateformes empêcheraient leur collecte. C’est plutôt l’inverse qui s’est produit, car les contenus sont restés, jusqu’à aujourd’hui, accessibles et le nombre restreint de plateformes a permis de rationaliser les procédés de collectes des médias sur le web.
11Face à la montée en puissance des plateformes de partage de médias, telle que YouTube, à la fin des années 2000, puis des plateformes de replay et de podcasts quelques années plus tard, l’Ina s’est donc investi dans la création d’outils de collecte adaptés à chacun de ces modes de publication. Ces collectes spécifiques sont venues compléter la collecte des sites web de l’audiovisuel français réalisés par les robots de moissonnage des pages web. En effet, les robots de collecte de sites web ou web crawlers s’étaient rapidement révélés peu adaptés à la collecte des plateformes de partage de médias, et ce pour plusieurs raisons. Les ressources audio et vidéo sont rendues disponibles dans différents formats et leurs URLs14 sont le plus souvent construites dynamiquement ou nichées dans des strates de codes que les web crawlers ne peuvent pas interpréter. Les modes de publication de médias ont évolué à plusieurs reprises afin de s’adapter aux usages, notamment nomades avec, par exemple, un découpage des pistes audio et vidéo en de multiples segments afin d’adapter, durant la lecture, la qualité des vidéos à la bande passante fluctuante des réseaux mobiles. Ces évolutions constituent des obstacles qu’un web crawler générique ne peut pas franchir.
12Les volumes de vidéos disponibles et le poids de ces objets ont aussi des implications sur le fonctionnement des robots collecteurs. Dans les rares cas où ils seraient capables de découvrir les ressources vidéo, comment s’assurer de ne collecter et stocker qu’une seule fois ces ressources coûteuses ? Un mécanisme de déduplication assure l’unicité des contenus lors de l’archivage, mais ne permet pas de s’assurer d’un téléchargement unique de ces ressources et remet donc en question une utilisation raisonnable de la bande passante des plateformes archivées.
13En plus de ces barrières inhérentes au fonctionnement des crawlers, peuvent venir s’ajouter des verrous mis en place par les plateformes elles-mêmes, afin de gêner ou de freiner la collecte des médias (c’est par exemple le cas sur YouTube depuis 2016). Aussi, l’Ina a fait le choix de développer des modes de collectes propres à chacune des plateformes dans un robot de collecte de médias du web, ou media crawler. Cela permet d’assurer pour chaque plateforme une collecte unique de chaque média dans un format explicitement identifié et de récupérer également les métadonnées textuelles telles que le titre, la description, l’auteur, la date de publication, etc. Ce choix impose, en conséquence, de suivre les évolutions techniques régulières de chacune des plateformes afin d’adapter le code de ce robot et le maintenir fonctionnel.
Figure 1. Mise en place de collectes de médias par plateforme.

14Sur les plateformes de partage YouTube, Dailymotion et Vimeo, près 10 000 comptes ou chaînes ont été identifiés par les documentalistes de l’Ina, selon différentes modalités :
- le média a été découvert dans une ressource web archivée (page ou tweet par exemple) ;
- le média est publié sur une plateforme de partage par un compte ou une chaîne qui ont été sélectionnés pour archivage ;
- le média est publié sur une plateforme dont tout le catalogue est collecté.
15Ces comptes regroupent des contenus directement liés à l’audiovisuel français, les chaînes de radio et de télévision nationales, bien sûr, mais aussi les chaînes locales qui se trouvent hors périmètre du dépôt légal de la radio et de la télévision. Cette sélection comprend aussi des comptes de vidéastes web ou « youtubeurs » français qui rencontrent un succès populaire ou critique auprès du public français. Les nouvelles publications de ces comptes sont identifiées et collectées quotidiennement et vingt millions de vidéos ont été collectées sur ces trois plateformes depuis 2009.
16Les réseaux sociaux comme Twitter et Facebook sont aussi hébergeurs d’une partie des vidéos partagées par leurs utilisateurs. Les collectes médias sur ces deux plateformes ont permis d’archiver près de treize millions de contenus, identifiés à partir de pages web ou de tweets archivés.
17Le succès des plateformes de partage a profondément modifié les modes de consommation des contenus audiovisuels et conduit les diffuseurs historiques que sont la télévision et la radio à publier leurs contenus sur le web. Autour de 2016, les sites web des chaînes de télévision ont évolué, passant d’une vitrine des programmes vers un catalogue de contenus majoritairement de replay, mais aussi de création exclusive au numérique. Le media crawler est aussi utilisé pour collecter les médias de certaines de ces plateformes. Ainsi, France.tv et Arte.tv font l’objet d’une collecte intégrale et près d’un million de contenus ont été collectés pour ces deux plateformes.
18On observe le même phénomène pour les radios qui proposent de plus en plus d’écoutes en podcast de leurs émissions et s’investissent aussi dans la création de contenus exclusivement web. Les podcasts de Radio France et Arte Radio sont collectés depuis 2018, ce qui représente aujourd’hui 1,6 million d’émissions ou épisodes. En 2021 une approche différente a été entreprise afin de couvrir un périmètre de collecte des podcasts plus large, en utilisant les flux de syndication RSS comme sources de collecte. En effet, les podcasts reposent encore en grande partie sur ce standard web qui a l’avantage d’être bien spécifié et ouvert et qui permet de découvrir les nouveaux épisodes de programmes audio avec leur flux média et leurs métadonnées. Près de 5 000 podcasts (et plus de 800 000 épisodes) ont été ainsi sélectionnés, car ils sont soit en lien avec l’audiovisuel français, soit populaires en France.
L’archivage des réseaux sociaux numériques à l’Ina depuis les skyblogs
19Lié à la radio française Skyrock, le site skyblog.com a été un précurseur des réseaux sociaux en France en proposant une plateforme de blogs à partir de 2002. Celle-ci évolue au cours de la décennie et propose des fonctionnalités caractéristiques des réseaux sociaux, telles que les listes d’amis, la messagerie et la gestion de profils. En 2008, ce site devient le septième réseau social le plus populaire dans le monde, avant de tomber progressivement dans l’oubli dans les années 2010. Les archives de ce site représentent une source précieuse pour qui s’intéresse par exemple aux usages numériques de la jeunesse des années 2000.
20À partir des années 2010, les RSN supplantent progressivement les sites personnels et les blogs. Facebook compte aujourd’hui encore plus de 30 millions d’inscrits en France et Twitter est une plateforme très prisée par les politiques, les médias et la presse. Ces deux plateformes sont aussi particulièrement utilisées pour échanger en temps réel autour des programmes télévisés, ce qui apporte un éclairage important sur leur réception par les téléspectateurs. L’Ina s’est intéressé à leur archivage en 2012 avec, comme objectif, de pouvoir collecter les publications en rapport avec les chaînes de télévision et de radio, leurs programmes et personnalités.
21Plusieurs difficultés ont conduit à opter pour une approche « sur mesure », similaire à celle des plateformes de partage précédemment évoquée. Tout d’abord, le regroupement de multiples publications dans une même page pose problème lors de la collecte et de la consultation en rendant impossible une recherche plein-texte précise. Le nombre de publications et leur volatilité peuvent être source de collectes redondantes pour les comptes publiant peu, mais aussi de collectes partielles pour les comptes publiant beaucoup. L’utilisation de technologies mal supportées par les web crawlers, comme le chargement dynamique des publications ou la nécessité de s’authentifier, peuvent rendre inopérantes les collectes. Enfin, la mise en place progressive par ces plateformes de barrières anti-robot, afin notamment d’éviter les aspirations massives de publications, empêche aussi les collectes légitimes des institutions d’archivage du web.
22L’alternative a été de se tourner vers les API publiques que mettent à disposition les RSN. Ces API présentent l’avantage de pouvoir identifier, requêter et collecter les publications selon des critères pertinents et en adéquation avec les besoins de préservation :
- publications d’un compte,
- publications contenant certains mots-clés ou hashtags.
23Elles résolvent en grande partie les problématiques d’efficience, avec la possibilité de récupérer en grand nombre et rapidement des publications. Celles-ci sont de plus accessibles dans un format structuré, dont le modèle est relativement stable dans le temps.
24Les premières collectes sur Twitter ont été menées en 2014. Le périmètre de collecte sur Twitter peut être défini comme :
- toute publication émise par un compte en lien avec l’audiovisuel français, notamment les chaînes, leurs émissions et les personnalités qui produisent, animent ces émissions ou y ou participent,
- toute publication qui fait référence à une chaîne ou à une émission.
25Les tweets sont collectés par un robot spécifique qui utilise les API publiques de Twitter dans leur version 1.1. L’API Timeline permet de récupérer les dernières publications émises par des comptes, le robot de collecte interroge quotidiennement cette API pour chacun des 15 000 comptes identifiés afin d’archiver leurs nouvelles publications. L’API Filtered Stream donne accès à un flux en temps réel de publications correspondant à une requête textuelle. Cette API est utilisée pour collecter les tweets contenant au moins un des 1 500 hashtags suivis quotidiennement. Plus de 3 000 hashtags ont été suivis depuis le début des collectes, dont 1 800 en lien direct avec l’audiovisuel et 1 100 autour d’événements médiatiques à fort retentissement sur les réseaux sociaux. Enfin l’API Search, qui permet de rechercher des tweets par requêtes textuelles sur les sept derniers jours, est utilisée pour collecter les tweets contenant la mention d’un des 15 000 comptes identifiés, mais aussi de pouvoir rattraper un retard de nomination d’un hashtag.
26Toutefois, ces API n’offrent pas un accès illimité aux données de Twitter. Afin de pouvoir y accéder, il est nécessaire de posséder un compte Twitter et d’obtenir une autorisation, dont les modalités d’obtention ont beaucoup évolué ces dernières années, notamment à la suite du scandale Cambridge Analytica15 en 2016, qui a imposé aux plateformes de réseaux sociaux un plus grand contrôle sur les données de leurs utilisateurs. L’accès aux publications peut être limité en nombre et dans le temps. Ainsi, l’API Timeline permet d’accéder aux 3 200 dernières publications d’un compte, l’API Search est limitée à une profondeur temporelle d’une semaine et l’API Filtered Stream ne permet de suivre que 400 hashtags par compte et est limitée à un volume de 50 tweets par seconde. Afin de pouvoir assurer la collecte du périmètre, nous devons utiliser aujourd’hui plusieurs comptes.
27Le périmètre des collectes sur Twitter a été élargi, à partir de 2015, à de grands événements médiatiques. Une première collecte de ce type a été déployée en urgence durant l’attentat dans les locaux de Charlie Hebdo16. Ce type de collecte a été maintenu puis étendu à d’autres événements ayant un fort impact sur les réseaux sociaux et dans les médias, comme le mouvement #MeToo et #BalanceTonPorc, les grands événements sportifs, les élections présidentielles, le mouvement de #GiletsJaunes ou bien la crise de la Covid-19.
28Des collectes spécifiques sont aussi menées autour de partenariats ou de projets de recherche. Cela a été le cas avec le projet RwandaMap2020 autour de la mémoire du génocide des Tutsis au Rwanda pour lequel une collecte a été réalisée en 2019, ou pour le projet BodyCapital avec une collecte des tweets relatifs au procès du Mediator17.
De la collecte des sites web à celles des médias sociaux à la BnF
29Le dépôt légal du web à la BnF couvre l’ensemble des sites web et des contenus des plateformes ne relevant pas du périmètre de l’Ina. Pour produire une archive représentative de l’Internet français et des sites hébergés en France, la BnF réalise chaque année une collecte large qui a atteint le chiffre de 5,9 millions de sites en 2022. L’intérêt pour le web social, d’abord les blogs, puis les nouveaux médias sociaux, s’est développé au cours des années 2010 avec la mise en place de collectes ciblées consacrées à un événement ou un thème. La BnF a commencé à collecter spécifiquement les réseaux sociaux à l’occasion des élections présidentielles de 2012 et la plateforme de diffusion de vidéos Dailymotion dès 2007. Cependant, contrairement à l’Ina, la BnF s’est toujours appuyée sur le robot de collecte Heritrix18.
30La sélection des médias sociaux s’effectue en continuité avec les autres collectes ciblées. Elle est réalisée par les correspondants de la BnF, répartis au sein des différents départements de la bibliothèque et des bibliothèques partenaires. Cette organisation assure une large couverture thématique et géographique. L’application BCweb, développée par la BnF, est utilisée par les correspondants pour saisir et documenter les sélections. Elle offre une vue documentaire cohérente par collecte. La sélection des médias sociaux n’est pas séparée de celles des sites. Cela facilite la prise en compte de l’ensemble des médias composant l’espace numérique d’une personnalité ou d’une institution : sites web, chaîne YouTube, comptes Twitter, Instagram ou TikTok. Les périodes électorales sont souvent l’occasion d’élargir le périmètre des plateformes couvertes pour suivre l’élargissement des pratiques numériques des candidats et leur stratégie multicanale. Des chercheurs participent également aux sélections dans le cadre de partenariats. Dans le cadre de son DataLab, la BnF propose un service de collecte à la demande dit « Corpus de recherche ». Ce dernier a donné lieu en particulier à deux collectes spécifiques d’un corpus de chaînes YouTube dans le cadre de projets de recherche19.
31Techniquement, la collecte des réseaux sociaux ne diffère pas fondamentalement de la collecte des sites web. Le robot collecte les contenus publiés sous la forme de pages web et produit des fichiers au format standardisé WARC20. Le résultat des collectes est consultable à partir de l’application Archives de l’Internet comme les autres archives web produites, permettant ainsi une navigation fluide entre les publications et les pages citées dans les publications. La BnF s’appuie sur des outils partagés et maintenus dans le cadre de la communauté internationale des archivistes du web, notamment via le Consortium international pour la préservation d’Internet [IIPC], lui-même à l’origine du format WARC.
32La collecte par robot requiert une organisation et une planification des flux. La configuration technique détermine la profondeur et la fréquence de collecte. Dans le cas des réseaux sociaux, la réactivité est un élément essentiel, notamment lorsqu’il s’agit de capturer au plus près les réactions à un événement. Ainsi pour Twitter, et précédemment pour Facebook, deux collectes sont lancées quotidiennement pour une profondeur de récupération limitée à 20 tweets par capture. Pour Instagram, TikTok et YouTube, les collectes s’effectuent sur un rythme ponctuel à des moments précis de l’année.
33Outre les configurations techniques, chaque plateforme demande un travail d’instruction, notamment pour guider au mieux le robot vers les contenus ciblés. Cette phase donne lieu à des tests pour définir des filtres positifs et négatifs, qui constituent une base de connaissance tenue à jour en fonction de l’évolution technologique des plateformes. Pour autant, la principale difficulté rencontrée reste avant tout le risque de blocage des robots. Pour le contourner, il est nécessaire d’obtenir directement un accord de la plateforme (c’est le cas pour YouTube) ou de mettre en place des solutions de contournement en collectant par exemple une version mobile du site (cela a été le cas à plusieurs reprises pour Facebook) ou une application tierce (la collecte Instagram s’effectue via un agrégateur de contenu). Néanmoins, face à des blocages répétés et en l’absence de solution technique, il peut être décidé de ne plus collecter certaines plateformes. C’est le cas de Facebook, dont la collecte a cessé en juillet 2020 du fait d’un taux d’échec très élevé lié à l’impossibilité de dépasser la page de test captcha. Finalement, l’utilisation d’un seul et même outil de collecte n’empêche pas de devoir continuellement adapter le processus d’archivage pour chacune des plateformes.
34Malgré ces difficultés, la BnF collecte régulièrement quatre plateformes : Twitter depuis 2012, YouTube depuis 2017, Instagram et TikTok depuis 2020 et 2022.
Les plateformes collectées par la BnF : Twitter, YouTube, Instagram et TikTok
35Twitter est le média social le plus collecté par la BnF. La plateforme de micro-blogging occupe une place centrale dans les réseaux d’information. Elle a été largement investie par les médias presse et les journalistes. Elle entre dans plusieurs collectes de la BnF et, en premier lieu, dans celle de l’Actualité. Cette collecte lancée quotidiennement couvre les sites de presse et les portails d’information (MSN, Orange, Yahoo...), ainsi qu’une centaine de comptes Twitter qui leur sont associés.
36L’activité de sélection des correspondants a suivi la popularité de la plateforme. Elle est particulièrement soutenue dans le cadre des collectes électorales et de la collecte de l’Actualité éphémère, mise en place en septembre 2018 pour suivre les événements en cours et archiver les réactions avec une plus grande réactivité. Twitter et Facebook représentaient ainsi 15 % des sélections faites pour la collecte électorale de 2012, 40 % pour celle de 2017 ou encore près de 25 % des sélections liées à la crise sanitaire de la Covid-19. Ce taux monte à 75 % pour les attentats de novembre 2015 et le mouvement des Gilets jaunes21.
37L’utilisation d’un robot de collecte permet de sauvegarder l’interface web de la plateforme et le contexte des publications. L’objectif est de permettre la rejouabilité de l’archive et la restitution de l’expérience de l’utilisateur. Les contenus populaires au moment de la collecte et les algorithmes de la plateforme impactent ainsi le résultat de la collecte. L’archive produite constitue ainsi une sorte d’artefact numérique de la page Twitter telle qu’elle se présente aux internautes. Pour autant, la collecte par robot présente plusieurs défauts déjà soulignés : la récupération des contenus est partielle, du fait des limites de profondeur fixées, et lacunaire, car le robot ne peut accéder aux liens profonds et ne parvient pas systématiquement à collecter toutes les images et les vidéos. La rejouabilité reste donc relative. Néanmoins, l’archive produite présente l’avantage de donner une idée du fonctionnement de la plateforme et permet de retracer son évolution historique, de même qu’elle éclaire également la circulation des contenus sur un mode plus qualitatif.
Figure 2. Page Twitter #COVID19 du 1er janvier 2022.

Collection des archives du web de la BnF.
38La première collecte YouTube réalisée à la BnF a eu lieu en mai 2018. Elle a nécessité une importante supervision technique sur plusieurs semaines. Elle est lancée en moyenne deux fois par an pour un poids cible qui varie entre 3 et 5 To. La collecte s’effectue au niveau de la chaîne prise dans son intégralité et non de la vidéo. Elle s’appuie sur le logiciel open source youtube-dl qui sert notamment à la récupération des métadonnées (informations techniques et documentaires sur les vidéos telles que le titre, la date, la durée). Ces données permettent d’évaluer le poids des vidéos de chaque chaîne et, dans certains cas, de réévaluer les choix documentaires puisque le poids de certaines chaînes peut dépasser 1 To. Ce sont en tout plus de 3 000 chaînes qui ont été collectées entre 2018 et 2022, dont près de 600 dans le cadre des collectes électorales (20 %) et 110 dans le cadre de la collecte Covid-19 (3,5 %).
39La collecte Instagram a été lancée en juin 2020. Elle se rapproche de la collecte YouTube dans son mode d’organisation. Il s’agit d’une collecte planifiée, jusqu’à quatre fois par an, qui requiert une préparation et une supervision technique. Comme dans le cas de Facebook, la plateforme bloque rapidement les robots en cas de requêtes répétées. Pour contourner ce blocage, la BnF s’appuie sur un agrégateur de contenu qui met les publications, images et vidéos à disposition des internautes sans qu’il soit nécessaire de s’authentifier.
40La sélection documentaire privilégie la continuité avec les collectes thématiques et est moins reliée à l’actualité. La collecte porte sur un maximum de 200 comptes et hashtags et les captures sont limitées à 30 publications correspondant à la taille d’une page-écran. Ces limitations prudentes, tout comme les règles de politesse adoptées par le robot, visent à constituer une archive de bonne qualité. La première archive constituée en 2020 est d’un poids relativement réduit, avec 6 Go de données produites pour 170 comptes.
41TikTok est la plateforme la plus récemment ajoutée au périmètre de nos collectes de réseaux sociaux numériques : elle est archivée depuis l’élection présidentielle de 2022. La collecte est effectuée directement à partir du site tiktok.com avec le robot Heritrix qui récupère les 16 dernières vidéos publiées sur un compte ou en lien avec un hashtag. L’interface web de la plateforme est également collectée ainsi que les premiers commentaires des utilisateurs. Les vidéos archivées peuvent être rejouées à partir des pages web. Pour la première collecte TikTok, une centaine de comptes et hashtags ont été sélectionnés par les correspondants. Il s’agit essentiellement des comptes des candidats et de leurs soutiens, de comptes de médias traditionnels et de pure players22, ainsi que des principaux hashtags (une cinquantaine) permettant de recueillir des réactions militantes ou de simples particuliers. Comme pour les collectes Instagram et YouTube, la collecte TikTok devrait être lancée plusieurs fois par an selon une fréquence qui reste à déterminer.
Figure 3. Page TikTok d’Emmanuel Macron, capture du 10 mai 2022.

Collection des archives du web de la BnF.
42Ces modalités de collecte ont des implications sur la recherche et la visualisation des contenus archivés. Pour consulter l’ensemble de ses archives qui représentent aujourd’hui 49 milliards d’URL et 1,8 pétaoctet de données, la BnF propose une application appelée « Archives de l’internet ». Elle permet de retrouver l’ensemble des captures d’un site web, une page, un compte de réseau social, une vidéo, etc., à partir de son adresse URL et de naviguer de page en page et de site en site.
43L’ensemble des sites sélectionnés dans le cadre des collectes ciblées réalisées par la BnF, dont les comptes et hashtags des plateformes de réseaux sociaux, sont disponibles sur le site API et Jeux de données (https://api.bnf.fr). Ces sélections prennent la forme de fichiers au format CSV contenant adresses URL, informations techniques sur la fréquence et la profondeur de collecte et informations documentaires (thèmes, mots-clés, description). Ces listes représentent un outil essentiel pour connaître la collection et retrouver les médias sociaux archivés.
44Les listes de métadonnées sont d’autant plus essentielles que la masse des données produites d’année en année ne permet pas d’envisager pour le moment une indexation en plein texte de la totalité des archives. Une recherche par URL permet d’interroger l’ensemble des collections, mais il n’est pas toujours évident de connaître l’adresse d’un site disparu aussi bien pour les débuts du web que pour des périodes plus récentes. Pour compléter cette recherche par URL, les équipes de la BnF ont développé des fonctionnalités de recherche textuelle sur une partie des collections qui ont fait l’objet de demandes particulières, notamment dans le cadre de projets de recherche. Sont ainsi disponibles en plein texte les collections « Presse et actualités », « Le web des années 1990 », « Les attentats parisiens de 2015 », « La première vague de l’épidémie de Covid-19 » et prochainement « Le web littéraire francophone ». Ces fonctionnalités permettent de retrouver facilement des contenus issus de Facebook et Twitter. Attention, ces résultats portent sur le contenu intégral des pages collectées et non sur des publications unitaires (texte d’un tweet ou d’un post) et ne permettent pas de réaliser une réelle analyse quantitative des résultats.
45Un parcours guidé « Des vidéos à la chaîne » a été spécialement créé pour faciliter l’accès aux chaînes et vidéos YouTube et Dailymotion. Les parcours guidés constituent une forme de médiation des archives qui vient compléter les outils de recherche. Ils présentent une série de captures autour d’un grand thème. Chaque capture est brièvement décrite et contextualisée. Le parcours guidé décrit et donne accès à l’ensemble des chaînes et vidéos collectées. Il permet un accès par thème (art, jeu vidéo, militantisme, etc.), par événement (élections, Covid-19) ou simplement par titre de chaîne. Pour chaque chaîne, il est également possible de faire une recherche sur les titres des vidéos.
Figure 4. Parcours guidé « Des vidéos à la chaîne, un état des lieux » proposé par la BnF.

46Malgré des biais et des limites propres à certaines plateformes, l’archivage des médias sociaux par la BnF enrichit de manière de plus en plus notable les collections et suscite un intérêt croissant des chercheurs et des partenaires. Pour l’avenir, les enjeux d’amélioration concernent autant les modalités de collecte de ces plateformes que celles de consultation des contenus une fois archivés.
47En premier lieu, les plateformes de réseaux sociaux évoluant en permanence, les outils de collecte doivent sans cesse être adaptés pour tenter de réaliser des collectes de la meilleure qualité possible. La BnF et, plus largement, la communauté internationale s’intéressent aujourd’hui à des outils de collecte intégrant un navigateur « sans tête », c’est-à-dire sans interface graphique. L’objectif est d’utiliser les capacités du navigateur à interpréter le code complexe des pages web pour améliorer la récupération des contenus et des médias. Face à ce défi, plusieurs bibliothèques nationales ont fait le choix, à l’instar de l’Ina, de s’orienter vers l’utilisation des API et d’abandonner la collecte web de ces plateformes. C’est le cas par exemple de la Bibliothèque royale du Danemark [KB].
48Le second enjeu de collecte concerne l’arrivée et l’essor de nouvelles plateformes, qui ont acquis une réelle popularité souvent au détriment de Twitter. Mastodon et Telegram vont ainsi donner lieu à des tests de collecte. Néanmoins, même lorsqu’une partie des développements est partagée par la communauté des archivistes web, la multiplication des collectes génère de facto de nouvelles tâches et des besoins de supervision pouvant atteindre les limites de capacité d’action des équipes techniques.
49Du côté de l’accès et pour permettre l’exploitation de ces contenus à des fins de recherche, la BnF souhaite continuer à travailler avec les utilisateurs pour définir avec eux les développements les plus utiles. Il importe en effet de proposer de nouveaux modes d’entrée et d’appropriation des collectes. L’exploitation plus systématique des métadonnées, comme les listes de sélections des correspondants, ouvrirait des perspectives et répondrait aussi à des besoins exprimés par les chercheurs. L’objectif est ici autant d’offrir de nouvelles possibilités de recherche que de donner à voir la collection notamment via la production de datavisualisations sur une thématique ou sur une plateforme particulière.
50Plusieurs outils ont pu être expérimentés avec des laboratoires de recherche partenaires en 2022. L’outil SolrWayback, outil open source de recherche plein texte, de fouille et de visualisation de données, a ainsi été testé sur une collecte dédiée au thème de l’alimentation coproduite avec l’université de Strasbourg (laboratoire SAGE, ERC Bodycapital). L’outil Hyphe, développé par le Medialab de Sciences Po pour constituer et cartographier des corpus web, a été adapté pour être utilisé sur les archives de l’Internet. Si ces outils ne sont pas spécifiques à l’exploitation des archives de médias sociaux, ils présentent un fort potentiel notamment en termes d’analyse computationnelle. Ils répondent à des intérêts convergents dans la manière de travailler sur les corpus web, que ceux-ci proviennent du web vivant ou du web archivé.
Diversité et complémentarité
51Appliquée à la recherche, cette diversité des modes de collecte et de consultation complexifie la démarche du chercheur, qui doit prendre connaissance du paysage institutionnel et des périmètres de collecte de chaque organisme dépositaire, de leurs méthodes et de leurs outils, avant de pouvoir étudier les archives du web. Le manque d’interopérabilité entre les données oblige les chercheurs à composer avec des formats différents, fichiers JSON23 ou WARC, comme l’a souligné le projet WARCnet24, en portant un regard sur les collectes du web mises en place au niveau international lors de la pandémie de la Covid-19 (Aasman et al., 2021). Or cette échelle est par exemple pertinente pour analyser les phénomènes viraux en ligne (« mèmes25 » qui circulent, hashtags comme #metoo, etc.) et l’impact d’événements globaux comme la crise sanitaire.
52Après avoir pris connaissance de cette diversité intrinsèque des archives, les chercheurs peuvent néanmoins s’appuyer sur les complémentarités des collections et des outils, et notamment de ceux proposés par l’Ina et la BnF.
53Une première illustration de ces complémentarités se lit dans l’étude de la viralité en ligne menée dans le cadre du projet HIVI26. L’exemple du Harlem Shake, forme de danse collective filmée qui connaît une popularité aussi soudaine qu’éphémère en 2013, offre un point de comparaison sur la manière dont les collections de l’Ina et de la BnF témoignent de ce phénomène. Les vidéos se révèlent nombreuses dans les collections de l’Ina grâce à la collecte des plateformes Dailymotion et surtout YouTube. Elles peuvent être mises en relation avec les productions télévisuelles, notamment le premier résultat issu de francetv.fr qui utilise les termes « secouer » et « nouvelle tendance » pour parler du phénomène. À l’inverse, les collections de la BnF proposent essentiellement des traces laissées par les vidéos YouTube embarquées sur les pages des sites de presse. Pour autant, ces traces définissent un corpus analysable grâce aux données de l’API YouTube et permettent de suivre une forme de diffusion géographique de la viralité notamment via la presse régionale. La « nouvelle tendance », terme repris dans ces articles, se retrouve dans une grande diversité de rubriques (« insolite », « sport », etc.), qui rappellent les termes employés sur la plateforme YouTube, mais aussi dans le monde audiovisuel. Cette complémentarité des sources et des données permet de confronter plusieurs résultats de recherche. L’existence d’une continuité documentaire entre les médias sociaux et les autres sources – contenus télévisuels pour l’Ina, sites web et presse en ligne pour la BnF – facilite la compréhension des circulations à l’heure de l’hybridation des médias (Esprit, Médias hybrides, 2022). Dans l’exemple du Harlem Shake, la comparaison des différentes sources montre ainsi clairement que le monde de l’audiovisuel et celui de la presse jouent des mêmes codes performatifs en mobilisant les mêmes termes. L’analyse d’un autre phénomène viral antérieur, le lip dub (2007-2009), montre cette fois que les archives de la BnF conservent de fait un corpus vidéo représentatif de la diffusion du phénomène en France, et ce grâce à la collecte large et aux collectes de la plateforme Dailymotion. On notera donc que l’exploitation des archives du web, et en particulier celles des médias sociaux, doit s’appuyer sur une connaissance de l’histoire des plateformes, mais aussi de l’historique des collectes.
Figure 5. Recherche Harlem Shake dans les collections vidéo de l’Ina.

54Les collectes Attentats 2015 et Covid-19 éclairent, elles aussi, ces complémentarités. Les deux événements historiques n’ont pas eu la même durée et, dans le cas des attentats, la réactivité des équipes fut essentielle à l’archivage des réseaux sociaux, qu’il s’agisse de sélectionner rapidement les sources (comptes et hashtags) à suivre ou de planifier une nouvelle collecte dans le cas de la BnF. Alors que l’Ina lançait une collecte massive de tweets au moment des attentats de janvier et novembre 2015, la BnF choisissait une approche plus sélective notamment pour la collecte de novembre, comme le note Annick Le Follic : « nous avions déjà plusieurs chantiers en cours […] et étions donc moins disponibles, en termes de moyens techniques et humains. Ensuite, comme pour Charlie, nous avions collecté beaucoup de matériaux, qui n’étaient pas tous forcément pertinents, nous avons été plus sélectifs en novembre. Sur Twitter, nous avons collecté les comptes et hashtags qui remontaient le plus (préfecture de Paris, #attentats, etc.) » (Borelli et Schafer, 2016). Au contraire, l’Ina a choisi de poursuivre sa collecte Twitter de manière plus durable dans le temps, capturant les récurrences des hashtags liés à Charlie Hebdo au moment des attentats du Bataclan ou de Nice.
55À la suite de la collecte Attentats, la BnF a réorganisé et complété sa méthode de collectes d’urgence en en dédiant une à l’Actualité éphémère. Ce nouveau dispositif est pleinement utilisé lors de la crise de la Covid-19 permettant de maintenir une collecte dynamique et collaborative sur une période de près de trois ans (Faye, 2022). Une attention particulière est portée au monde amateur et aux expressions personnelles. Ainsi la collecte YouTube lancée en juillet 2020 a cherché à atteindre la plus grande diversité possible en archivant aussi bien des chaînes d’institutions (Inserm, CHU) que des chaînes créées ad hoc lors du confinement et proposant des tutoriels pour créer des masques ou des vidéos d’humour. Le chercheur retrouve par ailleurs à l’Ina, en complément de ressources audiovisuelles en ligne liées au monde de l’audiovisuel et des chaînes d’information par exemple, des vidéos Twitter, permettant, en croisant les fonds de la BnF et de l’Ina, d’avoir une vision large et complémentaire des usages et contenus vidéo.
Figure 6. Recherche spécifique dédiée à Femmes et Covid sur les collections web et audiovisuelles de l’Ina dans le cadre du projet WARCnet.

56Les expériences originales de créations collectives ont aussi été recherchées par la BnF en vue de leur archivage, qu’elles aient pris la forme de sites web – on citera par exemple le projet d’écriture collaboratif Pandémonium proposé par le master Écopoétique et création de l’université d’Aix-Marseille autour de l’idée de « contamination ou maladie textuellement transmissible27 » – ou bien de défis créatifs lancés sur les réseaux sociaux comme avec le hashtag #ArtEnQuarantaine, qui incitait les twittos à reproduire des œuvres de musée en se mettant en scène. Cet archivage des pratiques d’amateurs relève d’une pratique bien établie à la BnF depuis 2007 et la première collecte de blogs personnels en partenariat avec l’Association pour l’autobiographie [APA]. Les communautés de blogueurs ont ainsi représenté, comme le relève Christine Genin, « des collectifs, qui se commentaient entre eux en une sociabilité [qui précède] les réseaux socio-numériques » (Schafer, 2022). Cette continuité dans la collecte du web participatif, qui est aussi tangible à l’Ina, depuis la collecte du site skyblogs.com à l’Ina pour ses traces plus « anciennes », donne la possibilité aux chercheurs de travailler sur un temps long et de saisir l’évolution des identités et sensibilités numériques.
57De la même manière, l’étude des mouvements sociaux peut s’appuyer sur l’historicité des collections, permettant ainsi de reconstruire des généalogies. Pour la BnF, la collecte du web militant fut lancée dès 2008 en partenariat avec des chercheurs, la BDIC (devenue La Contemporaine), le Centre d’histoire sociale de Paris 1 et le CERI-Sciences Po et a donné lieu à un parcours guidé. La collection de l’Ina, grâce à un archivage massif, montre à quel point les usages militants des réseaux sociaux et des vidéos se sont renforcés et influencent en retour les pratiques de collecte. 81 tweets et 95 vidéos répondent à une requête « contrat première embauche » renvoyant aux mobilisations anti-CPE de 2006. Dix ans plus tard, les résultats pour Nuit Debout (2016), à savoir 785 000 pages web, 57 500 tweets et 2 300 vidéos, montrent l’essor des usages de Twitter et de sa collecte, ainsi que le développement des vidéos en ligne. Ils témoignent aussi des usages renforcés des RSN par les citoyens et les mouvements sociaux et de l’évolution des cultures numériques et de leur collecte. Quant à la collecte spéciale de l’Ina consacrée au mouvement des Gilets jaunes, elle conserve deux millions de pages web, 26 millions de tweets et 111 500 vidéos. Cette évolution démontre également la capacité des institutions à mettre en place des collectes spéciales et à mobiliser les moyens nécessaires pour cela.
Figure 7. Page Twitter #MeToo Tweet du 18 octobre 2017.

Collection des archives du web de la BnF (contenu sous droit, avec l’aimable autorisation d’Aadorah).
58Pour autant, la promesse d’une archive plus ouverte aux expressions individuelles reste critiquable dans son effectivité. Elle correspond à un nouveau paradigme, qui n’est pas propre à l’archivage du web et qui se propose de réaliser des collectes plus sensibles et inclusives en veillant à ne pas omettre les « voix ordinaires » dans la construction d’une mémoire citoyenne, comme en témoignent l’inclusion des archives familiales dans la Grande Collecte du centenaire de la Grande Guerre, la sauvegarde des mémoriaux éphémères qui témoignaient de la solidarité des citoyens avec les victimes des attentats de 2015 ou encore l’ouverture de collectes participatives, lors du confinement de mars 2020, dont l’objectif était, le plus souvent, la conservation de témoignages individuels. Les chercheuses Sarah Gensburger et Marta Severo ont cependant montré que « la nature participative des collectes liées à la mémoire de la Covid renforce l’uniformité sociale des participants » (Gensburger et Severo, 2021). Les archives du web ne sont pas non plus sans biais sociologique, mais leurs méthodes de constitution, qui combinent souvent sélections et masse des données, pourraient aboutir in fine à la conservation d’une plus grande diversité de voix – question à laquelle s’attache le projet web mémoires porté par les deux chercheuses.
59Enfin, les complémentarités entre la BnF et l’Ina s’expriment au niveau des outils et des fonctionnalités de recherche proposées. Dans le cas de l’Ina, l’exploitation de métadonnées structurées permet des recherches particulièrement fines et efficaces. Il est par exemple possible d’établir la chronologie des réactions sur Twitter, via l’usage des hashtags, images ou émoticônes. Pour des études crossmedia, les chercheurs pourront également faire défiler une émission audiovisuelle et le fil Twitter associé. Ces possibilités ouvrent la voie à de nouvelles analyses fondées sur l’exploitation des métadonnées et la datavisualisation. C’est la raison d’être des récents labs de la BnF et de l’Ina, qui proposent d’accompagner la communauté des chercheurs vers le développement de nouvelles méthodologies d’analyse computationnelles (Carlin et Laborderie, 2021). Des synergies entre les deux institutions sont envisageables aussi bien au niveau des outils que de l’animation d’une communauté de chercheurs et de professionnels autour des archives du web.
Conclusion
60La collecte des RSN induit de nouveaux paradigmes tant d’archivage que de recherche.
61Dans le premier cas, il s’agit de renoncer à l’exhaustivité pour privilégier la représentativité, de créer des archives vivantes (Rollason-Cass et Reed, 2015), en temps réel et qui continuent de s’étendre au fil du temps et de leurs rappels. Il convient de traiter et rendre accessible des contenus, mais aussi, de plus en plus, des données et des métadonnées, et de prendre en compte des logiques de flux. Ces questions ne sont pas forcément nouvelles, mais se trouvent amplifiées par la préservation des RSN.
62Médiation entre les outils développés par les institutions et les usages des chercheurs, l’interface d’accès et ses fonctionnalités induisent aussi de nouveaux paradigmes en termes d’analyse et favorisent la lecture scalable, oscillant entre lecture proche et distante (Armaselu et Fickers, 2022), étude fine du contenu et traitement computationnel de masses de données difficiles à saisir par le seul regard du chercheur.
63Au-delà des méthodes, ce sont aussi les contenus qui changent et se tournent davantage vers les messages ordinaires des usagers, voix individuelles qui, mises ensemble, créent une forme de big data à même de renouveler l’histoire culturelle ou politique, ou encore les études mémorielles. Patrimoine nativement numérique largement inclusif, les traces des RSN posent aussi la question de leur appropriation par les publics. Actuellement essentiellement utilisées par les chercheurs, elles pourraient aussi conduire à de nouvelles formes de coconstruction pour développer des projets d’histoire publique. On observe d’ailleurs l’arrivée de nouveaux acteurs, notamment des musées, dans le domaine de l’archivage des réseaux sociaux (Canelli, 2022). Ils opèrent avec une approche différente de celle développée par les bibliothèques nationales, puisque leur objectif est souvent de collecter très peu, au niveau de l’objet, avec une qualité maximum dans un but d’exposition publique. L’élargissement des publics nécessiterait sans doute de développer la curation de ces contenus en partenariat avec d’autres institutions de mémoire, des musées ou des centres d’archives, mais aussi avec des associations et des collectifs qui souhaitent voir représentée leur histoire (ou mémoire) numérique.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Susan Aasman et al., “Chicken and Egg. Reporting from a datathon exploring datasets of the Covid-19 special collections”, WARCnet Papers, Aarhus, 2021. https://cc.au.dk/fileadmin/dac/Projekter/WARCnet/Aasman_et_al_Chicken_and_Egg.pdf
Florentina Armaselu et Andreas Fickers (dir.), Zoomland. Exploring Scale in Digital History and Humanities, Berlin, De Gruyter, 2023, en cours de publication.
Marguerite Borelli et Valérie Schafer, « Entretien autour des collectes d’urgence au moment des attentats de janvier et novembre 2015 avec Annick Le Follic, chargée de collections numériques au département de dépôt légal de la BnF », ASAP (carnet de recherche Hypothèses),21 mars 2016, https://asap.hypotheses.org/168
Dominique Boullier, « Les sciences sociales face aux traces du big data : société, opinion ou vibrations ? », Revue française de science politique, n° 5, vol. 65, 2015, p. 805-828.
Niels Brügger, The Archived Web. Doing History in the Digital Age, Cambridge, MA, The MIT Press, 2018.
Beatrice Canelli, “Mapping social media archiving initiatives: state of the art, trends, and future perspectives”, IIPC blog, 30 novembre 2022 [En ligne] https://netpreserveblog.wordpress.com/2022/11/30/mapping-social-media-archiving-initiatives-state-of-the-art-trends-and-future-perspectives/.
Marie Carlin et Arnaud Laborderie, « Le BnF DataLab, un service aux chercheurs en humanités numériques », Humanités numériques [En ligne], 4, 2021.http://journals.openedition.org/revuehn/2684.
10.4000/revuehn.2684 :Frédéric Clavert, « Face au passé : la Grande Guerre sur Twitter », Le Temps des médias, vol. 31, 2, 2018, p. 173-186.
Alexandre Faye, « Archiver le web durant la Covid-19 et le premier confinement : organisation, bilan et perspectives », Revue COSSI, 11, 2022.https://revue-cossi.numerev.com/articles/revue-11/2749-archiver-le-web-durant-la-covid-19-et-le-premier-confinement-organisation-bilan-et-perspectives.
Sarah Gensburger et Marta Severo, « L’espace public du confinement. Archives, participation et inclusion sociale », Revue d’histoire culturelle [En ligne], 2021, http://revues.mshparisnord.fr/rhc/index.php?id=662.
Gustavo Gomez-Mejia, « La fabrique de la désuétude. Regards diachroniques sur Geocities et Myspace », dans V. Schafer (dir.), Temps et temporalités du web, Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2018.
Kieran Hegarty, “The invention of the archived web: tracing the influence of library frameworks on web archiving infrastructure”, Internet Histories, 2022, DOI: 10.1080/24701475.2022.2103988.
10.1080/24701475.2022.2103988 :Library of Congress [LoC], “Update on the Twitter Archive at the Library of Congress”, 2017, https://blogs.loc.gov/loc/files/2017/12/2017dec_twitter_white-paper.pdf.
Aymerick Mansoux et Roel Roscam Abbing, “Seven Theses on the Fediverse and the becoming of FLOSS”, dans K. Gansing et I. Luchs (dir.), The Eternal Network. The Ends and Becomings of Network Culture, Institute of Network Cultures, Amsterdam, 2020, p. 124-140.
Ian Milligan, “Welcome to the web: the online community of GeoCities during the early years of the World Wide Web”, dans N. Brügger et R. Schroeder (dir.), The Web as History: Using Web Archives to Understand the Past and the Present, Londres, UCL Press, 2017, p. 137-158.
10.2307/j.ctt1mtz55k :Francesca Musiani, Camille Paloque-Bergés, Valérie Schafer et Benjamin Thierry, Qu’est-ce qu’une archive du web ?. Marseille, OpenEdition Press, 2019.
Sylvie Rollason-Cass et Scott Reed, “Living Movements, Living Archives: Selecting and Archiving Web Content During Times of Social Unrest”, New Review of Information Networking, n 2, vol. 2, 2015, p. 241-247.
Valérie Schafer, Gérôme Truc, Romain Badouard, Lucien Castex et Francesca Musiani, “Paris and Nice terrorist attacks: Exploring Twitter and web archives”, Media, War & Conflict, vol. 12, 2, 2019, p. 153-170.
10.1177/1750635219839382 :Valérie Schafer, Jérôme Thièvre et Boris Blanckemane, “Exploring special web archives collections related to COVID-19: The case of Ina”, WARCnet Paper, Aarhus, 2020. https://cc.au.dk/fileadmin/user_upload/WARCnet/Schafer_et_al_Exploring_special_web_archives.pdf
Valérie Schafer et Ben Els, “Exploring special web archives collections related to COVID-19: The case of the BnL”, WARCnet Paper, Aarhus, 2020. https://cc.au.dk/fileadmin/user_upload/WARCnet/Schafer_et_al_COVID-19_BnL.pdf.
Valérie Schafer, « Préserve-moi ! Des journaux intimes à ceux de confinement dans les archives du web », Le Temps des médias, n° 38, vol. 1, 2022, p. 175-194.
10.3917/tdm.038.0175 :Sabine Schostag, “The Danish coronavirus web collection – coronavirus on the curators’ mind”, International Internet Preservation Consortium Blog, 2020. https://netpreserveblog.wordpress.com/2020/07/29/the-danish-coronavirus-web-collection/
Zeynep Tufekci, Twitter et les gaz lacrymogènes : Forces et fragilités de la contestation connectée, Caen, C&F Éditions, 2019.
Eveline Vlassenroot, Sally Chambers, Sven Lieber, Alejandra Michel et al., “Web-archiving and social media: an exploratory analysis”, International journal of digital humanities, 2022, p. 107-128.
10.1007/s42803-021-00036-1 :Notes de bas de page
1 Après des mois de négociations et de tergiversations, Elon Musk, milliardaire américain, patron de Tesla et cofondateur d’Ebay, a racheté Twitter au prix de 44 milliards de dollars en octobre 2022. Il en a licencié le PDG, a dissous le conseil d’administration, renvoyé de multiples employés ou encore réintégré des milliers de comptes bannis pour avoir violé les règles de la plateforme.
2 Réseau social qui repose sur une fédération de serveurs interconnectés. Pour en savoir plus voir Mansoux et Abbing (2020) ou la traduction en français de leur article sur Framablog : https://framablog.org/2021/01/26/le-fediverse-et-lavenir-des-reseaux-decentralises/.
3Messages postés par les utilisateurs sur le réseau social Twitter.
4 Geocities, service gratuit de création de pages personnelles sur Internet, a fermé le lundi 26 octobre 2009, entraînant la disparition de plusieurs milliers de pages web. Le site d’hébergement de blogs Myspace, créé en 2003, existe toujours, mais, en mars 2019, des millions de contenus créés avant 2016 sont perdus, apparemment à la suite d’une erreur technique. Créée en 2012 par Twitter inc., Vine était une application mobile de partage de courtes vidéos très populaire. L’application est abandonnée en octobre 2015.
5 API : « application programming interface » ou « interface de programmation d’application ».
6 Dès 2002.
7 Attentats terroristes très meurtriers perpétrés le 13 novembre 2015 à Paris (notamment contre les spectateurs de la salle de concert du Bataclan) et à Saint-Denis.
8Mot-clé précédé du signe #, permettant le référencement des posts sur les sites de microbloging tels que Twitter, Instagram ou TikTok.
9 Application de diffusion vidéo en direct disponible sur Android et iOS, acquise par Twitter en 2015. Le service a été arrêté en 2021.
10Webrecorder/Browsertrix se fonde sur les fonctionnalités des navigateurs et leur capacité d’interprétation du code pour améliorer la récupération des éléments de la page web. L’objectif est de produire des archives de haute qualité, ciblées et guidées manuellement pour des sites et plateformes trop complexes pour les robots habituellement utilisés par la communauté des archivistes.
11 « Facebook cherche activement à bloquer les robots de collecte et, par conséquent, vous devez collecter beaucoup plus de données pour obtenir un résultat intéressant. Ainsi, pour le coût d’une simple capture de Facebook, vous pouvez archiver régulièrement un site web, à cela s’ajoute le fait que la capture de Facebook peut même s’avérer inutilisable, par exemple avec des vidéos impossibles à lancer » (traduction par Alexandre Faye).
14« Uniform Resource Locator » ou « localisateur uniforme de ressource » : adresse pointant vers une ressource unique sur le web.
15 Cambridge Analytica est une entreprise britannique spécialisée dans le conseil en communication et l’analyse de données, qui a été utilisée par Donald Trump au cours de sa campagne pour la présidentielle de 2016 et qui a analysé à leur insu les données de dizaines de millions d’utilisateurs de Facebook.
16 Ces agressions terroristes meurtrières dirigées notamment contre l’équipe de rédaction du journal satirique Charlie Hebdo et un supermarché se sont produites du 7 au 9 janvier 2015.
17 Le procès est lié au scandale sanitaire concernant les personnes victimes de la prise de benfluorex, commercialisé sous le nom de Mediator par les laboratoires Servier de 1976 à 2009. Le procès en appel du Médiator a débuté le 9 janvier 2023 devant la cour d’appel de Paris, presque deux ans après la première condamnation des laboratoires Servier.
18 Heritrix est un robot d’indexation sous licence libre développé par Internet Archive à partir de 2003.
19 Plus précisément : 33 chaînes sur le thème de l’alimentation, collectées dans le cadre du projet Bodycapital en partenariat avec le laboratoire SAGE (Université de Strasbourg) et 16 chaînes animées par des youtubeurs en histoire, pour les besoins du doctorant Arthur de Forges de Parny accueilli dans le cadre du dispositif d’accueil chercheur associé de la BnF.
20Web ARChive.
21 De novembre 2018 à juin 2019.
22Entreprises qui exercent leur activité professionnelle uniquement en ligne.
23JavaScript Object Notation.
25Élément (texte, vidéo, audio, image, etc.) repris, adapté et partagé massivement en ligne.
26 Projet de recherche soutenu par le Fonds national de la recherche [FNR] au Luxembourg (C20/SC/14758148) et portant sur l’histoire de la viralité en ligne. hivi.uni.lu
27 Le site éphémère Pandémonium a été collecté entre juin 2020 et mars 2021 à l’adresse pandemik.org.
Auteurs
-
Alexandre Faye
BnF
-
Jérôme Thièvre
Ina
-
Valérie Schafer
C²DH, Université du Luxembourg
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le consulat de France à Cadix
Institution, intérêts et enjeux (1666-1740)
Anne Mézin et Anne Pérotin-Dumon (dir.)
2016
Archives et communisme(s) : l’avant-guerre (1919-1943)
Nouveaux outils, nouvelles archives
Sylvie Le Clec’h, Christian Oppetit et Serge Wolikow (dir.)
2016
Connaître les dénaturalisés de Vichy
La base Dénat, un nouvel outil et ses exploitations
Thomas Lebée et Annie Poinsot (dir.)
2019
Les archives iconographiques et audiovisuelles de la Reconstruction en France, de 1940 aux années 1960
Boris Labidurie et Christel Palant (dir.)
2023
Éducation populaire : engagement, médiation, transmission (XIXe-XXIe siècles)
Jean-Charles Buttier, Clothilde Roullier et Agnès Sandras (dir.)
2022
Les nouveaux paradigmes de l'archive
Claire Scopsi, Clothilde Roullier, Martine Sin Blima-Barru et al. (dir.)
2024