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    Plan détaillé Texte intégral Introduction Approches sociologiques et philosophiques des flux des données Enjeux des objets connectés : normativité et gouvernementalité néo-libérale Enjeux de la conservation des données de santé Conclusion : imaginer un nouveau paradigme d’archivage Bibliographie Notes de bas de page Auteurs

    Les nouveaux paradigmes de l'archive

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Les archives des objets : quelle gestion des traces pour l’internet des objets ?

    Entretien avec Béa Arruabarrena et Armen Khatchatourov, propos recueillis par Claire Scopsi

    Béa Arruabarrena et Armen Khatchatourov

    Texte intégral Introduction Approches sociologiques et philosophiques des flux des données La quantification de soi ou comment les objets connectés agissent sur les personnes La place des objets connectés : entre archive et flux La dissolution de l’archive ? Enjeux des objets connectés : normativité et gouvernementalité néo-libérale Injonctions normatives ou normopathie ? Normativité et gouvernementalité chez Foucault Responsabilité et usages citoyens des objets connectés Enjeux de la conservation des données de santé Les usages au titre de la preuve Les usages managériaux des données de santé L’importance d’une contextualisation des données collectées Conclusion : imaginer un nouveau paradigme d’archivage Bibliographie Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    Introduction

    1Ce texte rend compte du dialogue organisé entre Béa Arruabarrena et Armen Khatchatourov, tous deux chercheurs en sciences de l’information et spécialistes des technologies connectées, dans le cadre du séminaire Les nouveaux paradigmes de l’archive1. Nous leur avons demandé si archiver les données produites par des objets connectés a un sens et s’il faut que les archivistes se préparent à accueillir ces flux de données dans leurs collections. Tous deux ont confronté leurs approches respectives, la sociologie de la quantification de soi pour l’une, la philosophie des techniques pour l’autre, afin de poser les enjeux d’une conservation des traces produites par les objets. Ce compte rendu suit la progression de leur échange. Tout d’abord une présentation de leurs objets d’étude : Béa Arruabarrena étudie particulièrement les pratiques de mesure de soi dans le domaine de la santé ainsi que les pratiques de mesure citoyenne ; Armen Khatchatourov s’interroge sur la possibilité même de la constitution de l’archive, prérequis du savoir, dans les nouvelles conditions du flux perpétuel des données.

    2Dans un second temps, nous les avons questionnés sur le risque de l’accroissement des injonctions normatives induit par la circulation et le traitement des données de santé. Les deux chercheurs s’accordent pour dire que les faits observés révèlent une forme nouvelle de normativité qui n’est pas seulement disciplinaire, au sens de Foucault, mais qui s’exerce désormais de manière plus complexe.

    3La discussion s’achève par un exercice de prospective : quelles seront les formes et les fonctions de l’archivage des données issues des objets connectés ? Si les pratiques émergentes sont motivées par des besoins de preuve ou de contrôle sur les travailleurs par exemple, comment, alors, les individus pourront-ils résister à ces mouvements ? Faut-il explorer la piste d’un archivage citoyen, qui conserverait non seulement les données, mais aussi les contextes de leur production ? L’enjeu de l’archivage des data est donc de trouver le moyen de les associer à des formes discursives qui leur donnent du sens.

    Approches sociologiques et philosophiques des flux des données

    4Posons d’abord les contextes de la production de données par des objets connectés en les considérant sous l’angle de leur permanence. En 2022, l’archivage systématique des données des big data pose question, ne serait-ce que pour des considérations techniques de capacité de stockage, et tout au plus conserve-t-on les données de mesure le temps de les analyser et d’en dégager des prédictions. Si les débuts des big data étaient marqués par l’utopie d’une conservation exhaustive de données toujours plus volumineuses, désormais les data se caractérisent par le flux et la connectivité. Au service d’un objectif précis, elles sont vouées à circuler pour alimenter des processus, à se fondre dans d’autres données et à disparaître. Cette fluence complexifie la production de savoirs critiques, car elle ne permet pas de matérialiser les rapports de force et les connaissances qui sous-tendent ces données.

    La quantification de soi ou comment les objets connectés agissent sur les personnes

    5Les travaux de Béa Arruabarrena portent sur les pratiques de mesure par les objets connectés. Elle a abordé en particulier la quantification de soi en analysant le mouvement Quantified Self2 qui a émergé en France au milieu des années 2000 et qui s’inscrit dans un mouvement plus large apparu aux États-Unis dans la même période. Ce mouvement rassemble des praticiens, qui mesurent3 des paramètres de santé à l’aide d’objets connectés. Certaines expériences à visée plus sensationnelle4, notamment portées par des artistes, ont donné parfois au mouvement une image sulfureuse, mais il a peu à peu évolué pour converger vers une industrialisation des outils et des pratiques dans le secteur de la santé connectée, en médecine libérale ou à l’hôpital, lorsqu’il s’agit, par exemple, de mesurer le poids, la tension artérielle ou de suivre un patient diabétique. On peut considérer qu’il s’agit à la fois d’une opportunité en termes de nouveaux savoirs pour les praticiens, mais que, dans le même temps, ces nouveaux outils constituent un moyen inédit de captation de données avec les risques que cela comporte sur le plan éthique. La métrologie citoyenne, par exemple pour la mesure de la qualité de l’air, est une autre manifestation de l’émergence des capteurs et des objets connectés qui peut constituer, pour les citoyens, une appropriation nouvelle des données environnementales afin de participer à l’enrichissement des connaissances scientifiques et de peser sur la décision publique.

    6Les enjeux de la protection des données personnelles liées à ces usages sont bien identifiés et encadrés par le RGPD5. En revanche, la protection des personnes, par exemple, qui relève de la bioéthique, reste un domaine encore peu évalué. Or, même si elles présentent certaines problématiques communes, la protection des données et la protection des personnes diffèrent (Khatchatourov, 2019b). Un objet connecté, même s’il répond à tous les critères de protection des données, peut ainsi nuire « à la personne humaine » parce qu’il intervient dans son comportement ou a un fort impact sur sa vie quotidienne. Ce caractère interventionnel du dispositif connecté est aujourd’hui renforcé par le « design persuasif » et/ou « la captologie » qui relèvent tous d’une forme de design comportemental très répandu dans la conception des dispositifs numériques de mesure. En effet, aujourd’hui, l’enjeu n’est pas simplement de capter des données, mais aussi de les restituer à l’usager, afin de déclencher un nouveau comportement parfois à des fins nobles comme en médecine, mais aussi à des fins commerciales pour inciter à l’achat ou influencer un vote politique comme dans l’affaire Cambridge Analytica6 par exemple.

    7Le traitement des données récoltées ne se comprend que lorsqu’on le place dans une perspective temporelle. C’est l’historisation des données comportementales qui permet d’établir des modèles pour prédire les comportements à venir, voire, dans une étape ultérieure, prescrire des comportements. L’historisation est donc un principe fondamental de la quantification et de la mesure : « mesurer, c’est comparer ». Une donnée isolée n’a pas de valeur, c’est en la comparant dans le temps que l’on va pouvoir prédire si un patient est susceptible de grossir, si sa tension va augmenter, etc. À cela s’ajoute le fait qu’aujourd’hui les technologies permettent de faire cela en temps réel. Ces méthodes sont aussi pratiquées dans le monde de la banque ou de l’assurance, pour déterminer si un particulier sera un « bon ou un mauvais client », ou encore calculer un taux d’attrition7, qui va déclencher des campagnes de publicité ou de communication ciblée pour modifier le comportement du client et l’inciter à rester fidèle au service. Finalement, on peut avancer que l’enjeu de la quantification, ce n’est pas seulement le volume des données disponibles, mais aussi le sens qu’on peut leur donner en analysant « leur histoire », c’est-à-dire dans leur contexte temporel pour agir dans le présent.

    La place des objets connectés : entre archive et flux

    8C’est avec les postures conjointes de la philosophie de Michel Foucault et de Gilles Deleuze et des sciences de l’information et de la communication qu’Armen Khatchatourov analyse le lien entre l’archive et le flux, et la place qu’occupe l’objet connecté dans ce paysage. Il faut d’emblée considérer que l’objet connecté est composé de capteurs, d’algorithmes et éventuellement d’une interface qui interagit avec l’utilisateur, mais ce qui prime sur l’interface ou la forme physique de l’objet, c’est sa connectivité. Cette connectivité rejoue la constitution des savoirs qui découle éventuellement de l’analyse des données ainsi obtenues.

    9À ce sujet, la distinction que fait Deleuze, à la suite de Foucault, entre l’archive et le diagramme permet de comprendre ce qui relève de l’ordre du savoir et ce qui relève de l’ordre du pouvoir. Le savoir est constitué de strates, des archives sédimentées sous-tendues par des lignes de force et de pouvoir que l’on appelle dans ce cadre « diagramme ». Le diagramme le plus connu est le diagramme panoptique8, qu’il faut comprendre non pas comme une forme matérielle du bâtiment, mais comme une fonction abstraite, celle du regard omniprésent. Le bâtiment dans lequel le prisonnier ne peut échapper au regard du gardien est une forme particulière de cette surveillance, ce n’est que la traduction matérielle du diagramme panoptique et des forces qui s’y exercent.

    10Il y a interdépendance entre l’archive et le diagramme. Le savoir constitué, l’archive, n’existe que par les rapports de force évanescents et fluents qui le sous-tendent, tandis que les rapports de force ne se prêtent à notre regard, à notre investigation qu’en tant qu’ils sont actualisés, visibles dans une sédimentation qui est l’archive. Ce rapport de réciprocité entre l’archive et le diagramme, appelons-le vis-à-vis (Khatchatourov, 2016). Il est la condition du savoir, car il permet, grâce à l’archive, de porter un regard critique sur le pouvoir. C’est quand on considère l'archive et que l'on regarde comment elle est constituée que l’on comprend les rapports de force qui l'ont rendue possible.

    …le savoir est affaire d’archives, l’archive étant audiovisuelle, c’est-à-dire archive du voir et archive de l’énoncé, archive du visible à chaque époque, archive de l’énonçable à chaque époque. Le savoir est affaire d’archive, le pouvoir n’est pas affaire d’archive. Le pouvoir est affaire d’une cartographie, d’une cartographie mouvante, une carte stratégique, toujours remaniable, toujours fluente9. (Deleuze, 1986).

    11Les développements récents du phénomène big data opèrent un glissement de ce cadre de pensée. Le principe des données volumineuses est de capter et d’analyser des flux, de plus en plus souvent produits par des objets connectés, que ce soient les montres que l’on porte au poignet, les capteurs urbains, les capteurs qui tracent les marchandises d’une supply chain ou ceux qui relèvent les données météorologiques. Cette notion de captation a renvoyé, au début du phénomène des big data, à l’image de l’entrepôt, le datawarehouse, c’est-à-dire à l’idée que l’on pourrait stocker toutes les données pour ensuite les analyser. Ce fantasme d’exhaustivité s’exprime sur deux plans : le plan temporel d’une part, avec l’idée que l’on peut constituer une mémoire dans laquelle on est en droit de revenir sur tout épisode passé, et, d’autre part, le plan de l’extension, dans lequel la connaissance porte, non sur des échantillons représentatifs de données, mais sur une totalité, par exemple, tous les messages échangés dans une population. Dans ce modèle, on conserve des volumes de données sans finalité précise, sans savoir si elles seront analysées. Dans un second temps a émergé le paradigme du big data stream, dans lequel l’analyse porte sur le flux même des données, à la volée. Ce modèle correspond bien aux objets connectés, dont les algorithmes traitent les données dès leur input et restituent en output un résultat immédiat. Dans ce modèle du flux, on ne stocke plus les données, seul le résultat traité par l’algorithme compte.

    La dissolution de l’archive ?

    12L’exemple des capteurs virtuels éclaire le nouveau rapport instauré par le modèle du flux. Dans le milieu industriel, par exemple, des modèles de comportement viennent se substituer aux capteurs réels lorsque ces derniers sont trop coûteux ou trop complexes à mettre en œuvre. Les données calculées à partir de ces modèles circulent et agissent sur les process exactement comme si elles avaient été captées par un appareil de mesure10. On aboutit donc à une mise en équivalence entre l’événement réel capté par un objet connecté (le capteur physique) et l’événement purement logiciel au sein des big data stream, mais cette mise en équivalence n’est pas visible pour l’utilisateur final qui n’est pas concerné par le mécanisme qui produit ces données. Celles-ci rejoignent la chaîne de traitement et sont transmises en entrée à des processus qui ignorent la manière dont elles ont été produites. On voit que dans cette datafication du monde, la question de la conservation exhaustive ou non des données, tant débattue lors de la première période de big data warehouse, s’efface devant la recherche d’une solution juste satisfaisante pour atteindre le but fixé.

    13Armen Khatchatourov voit dans le big data stream et les flux de données des objets connectés un nouveau type de rapport entre l’archive et le diagramme. Il n’y a pas à proprement parler une disparition de l’archive, mais une démission, car le pouvoir peut désormais se conserver et se reproduire sans être actualisé par les savoirs et par l’archive. La réciprocité de l’archive et du diagramme inhérente au vis-à-vis fait place à une forme de soumission. La relation de l’individu à la norme, dans le contexte des big data, et la façon dont s’exerce sur lui la nouvelle pression normative – par exemple celle de « ne pas se conformer aux modèles », d’être « fluide » et « multiple » – est le corollaire de cette nouvelle relation entre l’archive et le diagramme (Khatchatourov, 2019a).

    Enjeux des objets connectés : normativité et gouvernementalité néo-libérale

    14Les mesures de santé démultipliées par les objets connectés et publiées sur les réseaux sociaux peuvent-elles conduire à une société toujours plus normative ? Apparemment, les individus jouissent d’une certaine souplesse à l’égard des valeurs de référence, tout en étant incités à ne pas excéder certaines règles. Cette nouvelle forme de contrôle, qui agit en responsabilisant plutôt qu’en contraignant, révèle une nouvelle forme de gouvernementalité.

    Injonctions normatives ou normopathie ?

    15La question de la comparaison des données peut nous aider à cerner les lignes de force en jeu dans les objets connectés. L’historisation permet de comparer, dans le temps et dans l’espace, des données issues de mesures et les prédictions qui en ressortent peuvent être assimilées à des injonctions normatives. Béa Arruabarrena souligne que la quantification peut déboucher sur un risque de « normopathie » (Rouvroy, 2010)11 où les normes de bonne santé seraient définies selon les critères de performance et d’efficacité fixés par des objets connectés et des algorithmes. La plupart des applications de quantified self intègrent une composante de partage et de comparaison via une fonction de réseau social, qui peut conduire à la sanction sociale. Pourtant, dans ses enquêtes, elle n’observe cet excès de normativité que dans le monde sportif et la recherche de performances physiques. Dans les pratiques liées à la santé, elle constate plutôt que chacun trouve sa propre norme, en prenant des libertés avec les référentiels proposés. Ainsi en va-t-il pour les applications de comptage de pas. L’Organisation mondiale de la santé recommande d’effectuer 10 000 pas par jour, mais un individu sédentaire s’aperçoit vite qu’il ne peut atteindre ce nombre. En accord avec son médecin ou en discutant, il décidera que 5 000 pas, effectués chaque jour très régulièrement, constituent une norme personnalisée qui lui permet quand même d’agir sur sa santé. La norme commune disparaît alors au profit d’une norme locale. Comme le constate Antoinette Rouvroy12, cet exemple est une manifestation très simple d’un phénomène plus global d’évolution de la normativité, caractérisé par une place plus importante accordée aux pratiques individuelles et un affaiblissement de la norme collective, avec la possible perte de référentiel commun.

    Normativité et gouvernementalité chez Foucault

    16Dans la société disciplinaire décrite par Foucault, qu’il situe entre les xviie et xxe siècles, et, pour le dire très schématiquement, le rapport à la norme est un rapport d’acceptation ou d’opposition. Il est tout à fait possible de s’opposer à la norme et cette opposition, franche et frontale, reçoit en retour une sanction. Dans les années 1970 ou 1980, donc avant le numérique, il s’instaure, en Occident, un autre rapport entre l’individu et la norme qui relève, selon le terme de Foucault, de la gouvernementalité néo-libérale. Le comportement des individus n’est plus édicté strictement, mais de façon mouvante, dans un cadre souple qui autorise les oscillations individuelles. La disparition de la norme collective est alors vécue comme une liberté individuelle et conduit à une juxtaposition de normativités, de prises de position locales, tandis que la résistance frontale n’existe plus. Gilles Deleuze décrit cet état comme un moule aux bords déformables, mais bien présents, car, à l’intérieur, l’individu ne jouit que d’une impression de liberté. Le contrôle s’exerce toujours, non en interdisant le franchissement des frontières du moule, mais en autorisant certains parcours à l’intérieur des bords mouvants. Cela se traduit par des effets de persuasion sur les utilisateurs du quantified self. Ils sont, par exemple, encouragés à contrôler leur poids, mais à l’intérieur d’une plage de valeurs déterminées, dans laquelle la production de discours et de normes personnelles est valorisée. Cela explique la prolifération de l’expression de soi dans les réseaux : chacun revendique sa liberté en exposant sa différence, mais tous sont finalement semblables dans leur quête d’individualité.

    Responsabilité et usages citoyens des objets connectés

    17Dans la gouvernementalité néo-libérale, la responsabilité de la santé glisse du collectif au particulier ; se mesurer, s’auto-discipliner devient une responsabilité individuelle où chacun est garant de sa santé. Ce sont donc des forces politiques qui s’exercent sur l’individu à travers les objets connectés.

    18Mais cette situation n’est pas nécessairement une fatalité. Maîtriser ses données et construire la norme peut conduire les citoyens à bousculer le moule et ses bornes normatives sous-jacentes, pour peu qu’on leur donne l’opportunité d’échapper à la circulation permanente de données qui n’autorise aucun recul. Paradoxalement, alors que dans les années 2010 à 2018, les big data étaient critiquées pour l’excessif volume de leurs traces, il faut désormais renouer avec l’archive pour recréer du vis-à-vis et la possibilité d’une distance critique. Mais alors que l’archivage des big data stream est encore à peine envisagé, on peut douter que l’objectif des premières initiatives soit de développer l’agentivité citoyenne.

    Enjeux de la conservation des données de santé

    19Il est difficile d’envisager en 2022 ce que pourrait-être l’archive des flux des données, tant elle est négligée par les acteurs des objets connectés. En santé, pourrait-elle prendre la forme d’un double numérique de soi, comme il existe des doubles numériques des infrastructures industrielles ? Mais ce sont les logiques commerciales, légales ou managériales, sous des formes aliénantes, qui semblent être les principaux moteurs. Comment les individus pourront-ils agir pour s’approprier les données archivées ?

    Les usages au titre de la preuve

    20L’enjeu commercial de la conservation des données de santé apparaît plus clairement dans le secteur de l’assurance. Conserver sur le long terme les données de comportement, par exemple le fait d’être fumeur, permet d’y revenir pour analyser un état de santé ultérieur et déterminer les responsabilités. C’est un des leviers qui motive, depuis peu, à opérer des conservations.

    21La question de la preuve peut être illustrée par l’affaire Ross Compton, un citoyen américain équipé d’un pacemaker connecté, dont le domicile a subi un incendie, alors qu’il prétend en avoir été absent. Lorsque Compton a sollicité son assureur, ce dernier a pu démontrer, en analysant les données géo-localisées, produites par son appareil cardiaque et conservées13, qu’il mentait et avait bien été présent sur le lieu de l’incendie. Ici, on voit les ambigüités de la conservation systématique des données et de leur réutilisation dans des finalités différentes. L’affaire s’est déroulée dans un État où cette utilisation est légale, car il n’y a pas encore d’harmonisation des législations sur les niveaux et les durées de conservation de telles données.

    22Par ailleurs, il est évident que les données de santé massives – et, espère-t-on, anonymisées – sont déjà conservées pour la recherche médicale, car collecter un ensemble de symptômes conduit à une meilleure connaissance des maladies ou des effets secondaires des substances. C’est donc un enjeu politique et social que de déterminer, non pas s’il faut conserver et exploiter les données issues des objets connectés dans le cadre d’enquêtes, de connaissances scientifiques ou d’intérêt public – car cette pratique semble devoir de développer inéluctablement –, mais de réguler cet usage, d’en fixer les limites et d’en sanctionner les abus.

    Les usages managériaux des données de santé

    23La plupart des utilisations des objets connectés sont présentées comme bénéfiques : la voiture connectée ne démarre qu’après le contrôle de l’alcoolémie du chauffeur, les vêtements connectés surveillent le rythme cardiaque et la température corporelle du travailleur soumis à un environnement extrême, la chaise connectée signale au salarié une mauvaise position afin de préserver son dos.

    24Mais les objets connectés participent au contrôle que subissent les travailleurs soumis à des surveillances numériques. Pour Ifeoma Ajunwa, professeur à l’université de Caroline du Nord, se dessine un monde où sont contrôlés par des algorithmes non seulement les ordinateurs des salariés, mais aussi leurs postures, leur regard et la manifestation de leurs émotions. Selon elle, dans la nouvelle logique taylorienne, le travailleur quantifié (« quantified worker ») est confronté à un management mécanique (« mechanical management ») dans lequel les activités de recrutement, d’encadrement et d’évaluation des travailleurs sont de plus en plus déléguées aux technologies d'intelligence artificielle14.

    25La législation européenne protège le salarié et l’objectif doit être l’évaluation de l’aptitude du travailleur à effectuer ses tâches pour le protéger d’un accident. Dans cette logique, le port d’objets collecteurs de données de santé devrait être proposé par le médecin du travail et rester soumis à l’accord du salarié, même si l’on peut douter que le travailleur se sente libre de refuser au risque de mettre en péril son emploi. Mais, comme on le sait maintenant, la frontière entre performance et santé est très mince. Cette ambivalence entre, d’une part, la prévention des maladies ou accidents et, d’autre part, un usage plus coercitif des données de santé rend complexe non seulement l’encadrement juridique des pratiques, mais aussi la posture critique des citoyens à l’égard des usages des données par les organisations.

    L’importance d’une contextualisation des données collectées

    26À l’instar de Bernard Stiegler, c’est dans la participation citoyenne que Béa Arruabarrena et Armen Khatchatourov perçoivent une amorce de solution, c’est-à-dire dans l’émergence de formes auto-organisées, capables de s’approprier les flux et de les baliser, les annoter et leur donner une grammaire. Une telle appropriation collective nécessite une réflexion sur l’articulation des différents imaginaires, à construire ensemble. Par exemple, les mesures d’Airparif et celles des collectifs citoyens ne relèvent pas des mêmes imaginaires, même si elles produisent des données dans les deux cas. Capter ces mesures à 5 mètres d’altitude ou chez soi ne signifie pas la même chose : dans le premier cas, on cherche de la donnée scientifique quantitative, dans le second cas, on cherche de la donnée qualitative qui ait du sens localement, c’est-à-dire dans le milieu de vie de ceux qui la produisent.

    27Cette nécessaire contextualisation vient interroger les modalités d’archivage des données de santé et leur enrichissement par des métadonnées de contexte.

    Conclusion : imaginer un nouveau paradigme d’archivage

    28Nous vivons un moment charnière, celui de la « dissolution de l’archive » (Khatchatourov, 2016), ce savoir sédimenté dont le rôle est de constituer le vis-à-vis du pouvoir, mais que l’intensification des flux de données menace. Nous avons montré que la captation et l’exploitation immédiate de données ne permettent pas de produire de discours critique sur cette activité, même si des organisations citoyennes tentent d’opposer le résultat de leurs propres captations aux données collectées par les organisations officielles, industrielles ou commerciales.

    29Cependant, la valeur discursive de la donnée, la possibilité de commenter, d’annoter, n’est pas suffisamment développée aujourd’hui. On capte la donnée pour influencer, à travers son traitement algorithmique, des décisions ou des comportements, mais on ne sait pas dans quel contexte cette donnée a été prise, alors que ce contexte en change considérablement le sens. Il faudrait alors produire une donnée enrichie par des discours. Aujourd’hui, l’enjeu autour de cette nouvelle forme de savoir est de produire et de collecter des discours sur les données volumineuses. Il reste à imaginer le paradigme futur de l’archive des données issues des objets connectés.

    Bibliographie

    Ifeoma Ajunwa, The Quantified Worker: Law and Technology in the Modern Workplace, Cambridge, Cambridge University Press, 2023.

    Béa Arruabarrena, « Technologie numérique de quantification des corps à l’épreuve du comportementalisme : vers un design de la médiation homme-données », dans Corps connectés : figures, fragments, discours, éd. par Armen Khatchatourov, Olaf Avenat, Isabelle Queval et Pierre-Antoine Chardel, Paris, Presses de Mines, 2021.

    Béa Arruabarrena, « Objets connectés : penser les enjeux des technologies connectées sous l’angle de la médiation infocommunicationnelle », Tic&Société, vol. 15, nos 1-2, 2e semestre 2021 – 1er semestre 2022/1, p. 9-35.

    Béa Arruabarrena, Anne Berthinier-Poncet, Maryse Carmes et Michel Letté, « Les agencements sociométrologiques de la qualité de l’air : les configurations participatives des Tiers-Lieux », Les Cahiers du numérique, 2021.

    Éric Dagiral, Christian Licoppe, Olivier Martin et Anne-Sylvie Pharabod, « Le Quantified Self en question(s). Un état des lieux des travaux de sciences sociales consacrés à l’automesure des individus », Réseaux, 4, 2019, p. 17-54.

    Armen Khatchatourov, Olaf Avenati, Isabelle Queval et Pierre-Antoine Chardel (dir.), Corps connectés : figures, fragments, discours, Paris, Presses de Mines, 2021.

    Armen Khatchatourov, Les identités numériques en tension : entre autonomie et contrôle, avec la collaboration de Pierre-Antoine Chardel, Andrew Feenberg et Gabriel Périès, Londres, ISTE Éditions, série « Innovation et recherche responsables », 2019.

    Armen Khatchatourov (2019a), « Identités numériques et RGPD », dossier thématique « Le RGPD entre contrainte et innovation : les défis de la mise en conformité », I2D. Information, données & documents, juin 2019.

    Armen Khatchatourov (2019b), « La question des identités numériques à l’ère du RGPD : privacy ou protection des données ? », I2D. Information, données & documents, vol. 1, no 1, 2019, p. 34-39.

    Armen Khatchatourov, « Big data entre l’archive et le diagramme », Études digitales, no 2, Paris, Classiques Garnier, 2016.

    Cécile Portier, « Mémoire personnelle à l’ère numérique – le questionnement des artistes », Revue de la BNF, 51, 2015, p. 60-63.

    Antoinette Rouvroy et Thomas Berns, « Le nouveau pouvoir statistique », Multitudes, no 1, 2010, p. 88-103.

    Notes de bas de page

    1  Séance du 24 novembre 2022.

    2  La communauté Quantified Self est structurée autour de réunions régulières, les meet-up. Pour en savoir plus, voir le site de la communauté : https://quantifiedself.com/

    3 Il est important, à ce sujet, de distinguer les termes « mesure » et « quantification », même s’ils sont liés : la mesure est un acte ponctuel, tandis que la notion de quantification implique une forme d’historisation.

    4  Par exemple le plasticien américain Laurie Frick « se présente comme data-artiste et produit des installations déployant dans l’espace ses ‘‘faits et gestes’’, comme dans cette série où ses déambulations sont systématiquement re-collectées, formant tableau, et, d’une certaine manière, autoportrait » (Portier, 2015, paragraphe 3).

    5  Règlement général sur la protection des données.

    6  L’entreprise britannique Cambridge Analytica est accusée d’avoir recueilli les données de 30 millions à 70 millions d’utilisateurs de Facebook, sans leur consentement, et de les avoir utilisées à des fins de ciblage électoral pendant la campagne présidentielle américaine de 2016.

    7  Le taux d’attrition (ou churn) est, au cours d'une période donnée, la proportion de clients perdus ou ayant changé de produit et de service de la même entreprise.

    8  Dans Surveiller et punir (1975), Michel Foucault consacre tout un chapitre au panoptique, invention du philosophe anglais Jeremy Bentham. Il s’agit d’un dispositif carcéral, dans lequel le surveillant, placé dans une tour centrale, peut observer en permanence la totalité des cellules placées en cercle autour de lui.

    9  Extrait de Gille Deleuze, « Sur Foucault, le pouvoir », Transcription de cours à Vincennes – Saint-Denis, Cours du 25 février 1986. https://www.webdeleuze.com/textes/276

    10  Autrement dit, on utilise des mesures effectuées par des capteurs physiques pour calculer des mesures théoriques en un point où l’on ne dispose pas de capteur physique. Prenons l’exemple d’un bâtiment dont on mesure la température en des points multiples. Si l’on sait, par des expériences multiples effectuées auparavant, qu’à la proximité d’une certaine machine, la température d’une salle s’élève toujours du même nombre de degrés, on ne mesure plus la température à proximité de la machine, mais on ajoute par calcul le nombre de degrés à la température prise dans d’autres points de la salle. Un exemple d’application des capteurs virtuels dans les locaux de l’université Concordia au Québec est donné dans l’article suivant : « Les capteurs virtuels prennent place dans nos bâtiments », Le Devoir, 29 mars 2019 https://www.ledevoir.com/contenu-commandite/551056/les-capteurs-virtuels-prennent-place-dans-nos-batiments (consulté le 23 mai 2023).

    11 Antoinette Rouvroy et Thomas Berns, « Le nouveau pouvoir statistique », Multitudes, 1, 2010, p. 88-103. Cf. Yves Buuin, « Normopathie », Passant ordinaire, nos 45-46 [juin-septembre 2003], http://www.passant-ordinaire.org/revue/45-46-556.asp (consulté le 24 mai 2023).

    12  « Les pratiques de quantification dans le domaine de la santé favorisent la micro-gestion individuelle de la santé au détriment d’une appréhension plus collective. Elles font des individus des entrepreneurs d’eux-mêmes responsables de leur bon ou mauvais comportement de santé et peuvent distraire l’attention des causes environnementales ou socioéconomiques des problèmes de santé publique » (Antoinette Rouvroy, Avant-propos à « Le corps nouvel objet connecté : du quantified self à la M-santé : les nouveaux territoires de la mise en données du monde », Cahiers Innovation et Prospective, 2, 2013, p. 4-5).

    13  Pour plus de details, voir : Rand Corporation, “The Internet of Bodies Will Change Everything, for Better or Worse”, The RAND Blog, October 29, 2020 (consulté le 25 mai 2023).

    14 « In wich the work of hiring monitoring and evaluating workers is increasingly being delegated to AI technologies » (Ajunwa, 2023, p. 4).

    Auteurs

    • Béa Arruabarrena

      Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, chercheuse au Dice-IDF Cnam Paris. Domaine de recherche : sociologie des objets connectés, quantification de soi (quantified self)

    • Armen Khatchatourov

      Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, chercheur au Dicen-IDF, Université Gustave Eiffel. Codirecteur de la revue Études digitales (Classiques Garnier). Domaine de recherche : philosophie des technologies

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    Table des matières

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    1  Séance du 24 novembre 2022.

    2  La communauté Quantified Self est structurée autour de réunions régulières, les meet-up. Pour en savoir plus, voir le site de la communauté : https://quantifiedself.com/

    3 Il est important, à ce sujet, de distinguer les termes « mesure » et « quantification », même s’ils sont liés : la mesure est un acte ponctuel, tandis que la notion de quantification implique une forme d’historisation.

    4  Par exemple le plasticien américain Laurie Frick « se présente comme data-artiste et produit des installations déployant dans l’espace ses ‘‘faits et gestes’’, comme dans cette série où ses déambulations sont systématiquement re-collectées, formant tableau, et, d’une certaine manière, autoportrait » (Portier, 2015, paragraphe 3).

    5  Règlement général sur la protection des données.

    6  L’entreprise britannique Cambridge Analytica est accusée d’avoir recueilli les données de 30 millions à 70 millions d’utilisateurs de Facebook, sans leur consentement, et de les avoir utilisées à des fins de ciblage électoral pendant la campagne présidentielle américaine de 2016.

    7  Le taux d’attrition (ou churn) est, au cours d'une période donnée, la proportion de clients perdus ou ayant changé de produit et de service de la même entreprise.

    8  Dans Surveiller et punir (1975), Michel Foucault consacre tout un chapitre au panoptique, invention du philosophe anglais Jeremy Bentham. Il s’agit d’un dispositif carcéral, dans lequel le surveillant, placé dans une tour centrale, peut observer en permanence la totalité des cellules placées en cercle autour de lui.

    9  Extrait de Gille Deleuze, « Sur Foucault, le pouvoir », Transcription de cours à Vincennes – Saint-Denis, Cours du 25 février 1986. https://www.webdeleuze.com/textes/276

    10  Autrement dit, on utilise des mesures effectuées par des capteurs physiques pour calculer des mesures théoriques en un point où l’on ne dispose pas de capteur physique. Prenons l’exemple d’un bâtiment dont on mesure la température en des points multiples. Si l’on sait, par des expériences multiples effectuées auparavant, qu’à la proximité d’une certaine machine, la température d’une salle s’élève toujours du même nombre de degrés, on ne mesure plus la température à proximité de la machine, mais on ajoute par calcul le nombre de degrés à la température prise dans d’autres points de la salle. Un exemple d’application des capteurs virtuels dans les locaux de l’université Concordia au Québec est donné dans l’article suivant : « Les capteurs virtuels prennent place dans nos bâtiments », Le Devoir, 29 mars 2019 https://www.ledevoir.com/contenu-commandite/551056/les-capteurs-virtuels-prennent-place-dans-nos-batiments (consulté le 23 mai 2023).

    11 Antoinette Rouvroy et Thomas Berns, « Le nouveau pouvoir statistique », Multitudes, 1, 2010, p. 88-103. Cf. Yves Buuin, « Normopathie », Passant ordinaire, nos 45-46 [juin-septembre 2003], http://www.passant-ordinaire.org/revue/45-46-556.asp (consulté le 24 mai 2023).

    12  « Les pratiques de quantification dans le domaine de la santé favorisent la micro-gestion individuelle de la santé au détriment d’une appréhension plus collective. Elles font des individus des entrepreneurs d’eux-mêmes responsables de leur bon ou mauvais comportement de santé et peuvent distraire l’attention des causes environnementales ou socioéconomiques des problèmes de santé publique » (Antoinette Rouvroy, Avant-propos à « Le corps nouvel objet connecté : du quantified self à la M-santé : les nouveaux territoires de la mise en données du monde », Cahiers Innovation et Prospective, 2, 2013, p. 4-5).

    13  Pour plus de details, voir : Rand Corporation, “The Internet of Bodies Will Change Everything, for Better or Worse”, The RAND Blog, October 29, 2020 (consulté le 25 mai 2023).

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    Arruabarrena, B., & Khatchatourov, A. (2024). Les archives des objets : quelle gestion des traces pour l’internet des objets ?. In C. Scopsi, C. Roullier, M. Sin Blima-Barru, & Édouard Vasseur (éds.), Les nouveaux paradigmes de l’archive (1‑). Publications des Archives nationales. https://doi.org/10.4000/books.pan.7183
    Arruabarrena, Béa, et Armen Khatchatourov. « Les archives des objets : quelle gestion des traces pour l’internet des objets ? ». In Les nouveaux paradigmes de l’archive, édité par Claire Scopsi, Clothilde Roullier, Martine Sin Blima-Barru, et Édouard Vasseur. Pierrefitte-sur-Seine: Publications des Archives nationales, 2024. https://doi.org/10.4000/books.pan.7183.
    Arruabarrena, Béa, et Armen Khatchatourov. « Les archives des objets : quelle gestion des traces pour l’internet des objets ? ». Les nouveaux paradigmes de l’archive, édité par Claire Scopsi et al., Publications des Archives nationales, 2024, https://doi.org/10.4000/books.pan.7183.

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    Scopsi, C., Roullier, C., Sin Blima-Barru, M., & Vasseur, Édouard (éds.). (2024). Les nouveaux paradigmes de l’archive (1‑). Publications des Archives nationales. https://doi.org/10.4000/books.pan.5802
    Scopsi, Claire, Clothilde Roullier, Martine Sin Blima-Barru, et Édouard Vasseur, éd. Les nouveaux paradigmes de l’archive. Pierrefitte-sur-Seine: Publications des Archives nationales, 2024. https://doi.org/10.4000/books.pan.5802.
    Scopsi, Claire, et al., éditeurs. Les nouveaux paradigmes de l’archive. Publications des Archives nationales, 2024, https://doi.org/10.4000/books.pan.5802.
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