La Chalotais : sacralisation de l’État et religion nationale

1 La connaissance du gallicanisme a été profondément renouvelée par Oakley F., The Conciliarist Tradition : Constitutionalism in the Catholic Church, 1300-1870, Oxford et New York, Oxford University Press, 2003. Les travaux de Skinner Q., The Foundations of Modern political thought, vol. 2, The Age of the Reformation, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, restent irremplaçables. L’ensemble de la question gagne à être mis en perspective grâce à l’ouvrage de Campbell P.R. (éd.), The Origins of the French Revolution, New York, Palgrave Macmillan, 2006, en particulier, p. 87-111 et p. 160-190.

2 Assemblée du clergé, 1765, Actes sur la religion, p. 205.

3 Julia D., « Les deux puissances, chronique d’une séparation de corps », dans Baker K. M. (éd.), The Political Culture of the Old Regime, Oxford, Pergamon Press, 1987, p. 293-310. Pour une synthèse des rapports entre le roi et les Églises, Roche D., La France des Lumières, Paris, Fayard, 1993, p. 318-349.

4 Montesquieu, De l’esprit des lois (1748), livres XXIV-XXV, Paris, 1979, tome II, p. 139-160 et p. 161-176.

5 Turgot A. R. J., Discours sur les avantages que l’établissement du christianisme a procurés au genre humain, oraison prononcée en Sorbonne le 3 juillet 1750.

6 La biographie de La Chalotais reste à écrire. En relation avec cette communication, on peut se référer à Chaline O., « Les “Gens du roi”, hommes du roi ? Les parlements de Bretagne et de Normandie au XVIII^e siècle », dans Lemaître A. J. et Kammerer O. (dir.), Le Pouvoir réglementaire, dimension doctrinale, pratiques et sources, XV^e et XVIII^e siècles, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004, p. 223-240 ; et à Lemaître A. J., « La Chalotais, procureur général du roi : une biographie intellectuelle », dans Lemaître A. J. et Kammerer O. (dir.), op. cit., p. 241-255.

7 Sur les jésuites : Lormier D., Les Jésuites, Paris, De Vecchi, 2005 ; Müller M., Die Entwicklung des höheren Bildungswesens der französischen Jesuiten im 18. Jahrhundert bis zur Aufhebung, Frankfurt/Berlin, 2000 ; Northeast C. M., The Parisian Jesuits and the Enlightement : 1700-1762, Oxford, Voltaire Foundation, 1991 ; Lebrun F. et Antébi É., Les Jésuites ou la gloire de Dieu, Paris, Stock/Antébi, 1990 ; Bailey C. R., French secondary education, 1763-1770 : the secularization of ex-Jesuit colleges, Philadelphie, 1978. Sur les parlements et les jésuites : Égret J., « Le procès des Jésuites devant les parlements de France (1761-1770) », Revue historique, t. CCIV, juillet-décembre 1950, p. 1-27. La relecture de l’étude magistrale de Maire C., De la cause de Dieu à la cause de la Nation. Le jansénisme au XVIII^e siècle, Paris, Gallimard, 1998, est indispensable pour comprendre la nature et la portée des attaques contre la Compagnie de Jésus.

8 Maire C., op. cit., p. 468.

9 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Compte rendu des Constitutions des Jésuites, s. l., 1762. Id., Second Compte rendu sur l’appel comme d’abus, des Constitutions des jésuites, s. l., 1762. Le premier Compte rendu retrace d’abord l’historique de la Compagnie de Jésus depuis sa fondation jusqu’au XVIII^e siècle. Il pose ensuite un certain nombre de questions de méthode, des principes d’investigation et cherche à établir des faits. Enfin, il développe trois problématiques fondamentales relatives aux constitutions des jésuites : quels rapports ces règles entretiennent-elles vis à vis de l’Église et de l’État ? Quel esprit a-t-il présidé à leur rédaction ? Sur quels principes se fondent-elles ? Le Second Compte rendu feint d’abord de défendre leur établissement avant de répondre aux objections soulevées par le premier Compte rendu. Mais il est surtout un acte d’accusation qui dépasse très largement l’argumentaire traditionnel du gallicanisme.

10 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Essai d’éducation nationale ou Plan d’études pour la jeunesse, Granderoute R. (éd.), Paris-Saint-Étienne, CNRS-Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1996 [1763].

11 Remarques sur un écrit intitulé Compte rendu des Constitutions des Jésuites par M. L.-R. de Caradeuc de La Chalotais, 175 pages. Elle est critiquée par Bachaumont L. Petit de, Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des Lettres en France, depuis MDCCLXII jusqu’à nos jours ; ou Journal d’un observateur, Londres, Adamson, 1762, tome I, p. 68.

12 Bachaumont L. Petit de, ibid., tome I, p. 68, 73, 102.

13 Les Nouvelles ecclésiastiques font l’éloge du réquisitoire de Ripert de Montclar, procureur général du roi au parlement de Provence, 28 mars 1763. Grimm est plus nuancé sur la qualité du Compte rendu de M. de Montclar, Correspondance, 1^er avril 1763, tome V, p. 258.

14 Grimm M., Correspondance, 15 avril 1762, tome V, p. 71.

15 Alembert J. d’, Sur la Destruction des jésuites en France par un auteur désinteressé, Édimbourg, 1765, p. 109. Il cite La Chalotais dans l’Encyclopédie à l’article « Jésuites ».

16 Sur Voltaire et La Chalotais, voir la préface de Granderoute R. à l’Essai d’éducation nationale, op. cit., p. 10-11.

17 BNF, N.a.f. 3345, f^o 99-102.

18 Journal encyclopédique, 1^er juin 1763, tome IV, 2^e partie, p. 3-33.

19 En revanche, le Journal des savants, de juin 1763, ne fait que mentionner l’Essai à la rubrique des nouvelles littéraires (p. 447) et le Mercure de France ne relève pas sa parution.

20 Nouvelles ecclésiastiques, 31 octobre 1763.

21 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Second Compte rendu…, op. cit., p. 11. Ce thème revient à plusieurs reprises : « Cette autorité du général, qui en tout remet la puissance universelle entre ses mains : ce pouvoir absolu et purement despotique sur les biens, sur les choses et sur les personnes, qui réduit les hommes à n’être que de simples automates, sont aussi fondés sur les constitutions », ibid., p. 59.

22 Ibid., p. 75.

23 Ibid., p. 75.

24 Ibid., p. 77.

25 Ibid., p. 76.

26 Ibid., p. 74-75.

27 Ibid., p. 18.

28 Ibid., p. 117.

29 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Compte rendu…, op. cit., p. 5.

30 Ibid., p. 4.

31 Ibid., p. 4.

32 La Chalotais revient sur cette question dans le Second Compte rendu où il prévoit les modalités de la réintégration des jésuites dans la société française, op. cit., p. 128-131.

33 Ripert de Montclar J.-P.-F., Compte rendu des Constitutions des Jésuites, s. l., 1763, p. 42.

34 La Compagnie de Jésus est démonisée dans la plupart des Compte rendus. Les conseillers de Metz y découvrent « un esprit infecté de principes destructifs de notre monarchie » et « un levain capable par sa fermentation d’aigrir et de corrompre toute la masse », Compte rendu des Constitutions et de la doctrine des soi-disants Jésuites par les conseillers commissaires du parlement séant à Metz, s. l., 1762, p. 182. Le même esprit règne au parlement de Normandie : Charles J.-G.-B., Comptes rendus des Constitutions…, s. l., 1762, p. 105. L’avocat général au parlement de Bordeaux se tient sur la même ligne : Dudon P.-J., Compte rendu des Constitutions des Jésuites, s. l., 1762, p. 40.

35 Maire C., op. cit., p. 388.

36 Flammermont J., Remontrances du parlement de Paris, Paris, 1888, t. I, p. 95.

37 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Second Compte rendu…, op. cit., p. 29-30.

38 Ibid., p. 34.

39 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Compte rendu…, op. cit., p. 89.

40 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Second Compte rendu…, op. cit., p. 92.

41 Ibid., p. 94.

42 Ibid., p. 97 et suivantes : « Respecter les rois comme personnes sacrées, et établies de Dieu, pour gouverner les peuples. »

43 Ibid., p. 103.

44 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Compte rendu…, op. cit., p. 63.

45 Ibid., p. 77.

46 Ibid., p. 28.

47 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Second compte rendu…, op. cit., p. 67.

48 Ibid., p. 106-107.

49 Ibid., p. 117.

50 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Essai d’éducation nationale…, op. cit., p. 101.

51 L’idée se trouve déjà chez Bayle qui affirmait à la fin du XVII^e siècle : « Qu’il faut juger d’une religion par les cultes qu’elle pratique ». Mais pour Bayle, il s’agissait de la juger dans ses œuvres, en référence à des normes essentiellement morales, Bayle P., Pensées diverses sur la Comète (1682), Paris, STFM, 1994, p. 128.

52 On trouve déjà cette idée chez Montesquieu, De l’esprit des lois (1748), livre XXIV : « Je n’examinerai donc les diverses religions du monde que par rapport au bien que l’on en tire dans l’état civil »…

53 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Essai d’éducation nationale…, op. cit., p. 112.

54 Ibid., p. 112-113.

55 Ibid., p. 105.

56 Ibid., p. 105. Il revient sur ce thème quelques lignes plus loin : « Au surplus, il y a tout à perdre pour les États et pour les particuliers chez qui se détruit la religion », ibid., p. 106.

57 Ibid., p. 90.

58 Montesquieu, De l’esprit des lois, op. cit., livre XXIV, chap. 23.

59 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Essai d’éducation nationale…, op. cit., p. 107.

60 Ibid., p. 99.

61 Ibid., p. 104.

62 Ibid., p. 41.

63 Sur les relations entre Le Paige et la Chalotais, se référer à B.S. Port-Royal, L.P. 583-584 ; Le Paige A., Lettre de M. de à M. de au sujet des remarques sur un écrit intitulé Compte rendu des constitutions des Jésuites par Louis René de La Chalotais, vers 1762-1763, s. l., s. d. ; du même, Mémoire à consulter et consultations pour M. de La Chalotais et M. de Caradeuc, s. l., s. d.

64 Bidouze F., Les remontrances du parlement de Navarre au XVIII^e siècle : essai sur une culture politique en province au siècle des Lumières, Biarritz, Atlantica, 2000.

65 Alembert J. d’, op. cit., p. 120.

66 Lemaître A. J., « L’opposition parlementaire au XVIII^e siècle », dans Des institutions et des hommes. Mélanges offerts au professeur Maurice Gresset, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2007, p. 113-123.

67 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Essai d’éducation nationale…, op. cit., p. 146.

68 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Compte rendu…, op. cit., p. 116 : « Tout Roi, Prince, Administrateur… »

69 Ibid., p. 163.

70 Mémoires de M. de La Chalotais (1766), Rennes, 1995, p. 32. On notera que l’auteur possède dans sa captivité au château de Saint-Malo De l’esprit des lois…

71 Caradeuc de La Chalotais L.-R. de, Compte rendu…, op. cit., p. 82.

72 Ibid., p. 155.

73 Ibid., p. 156. Dans le Second Compte rendu, La Chalotais définit une nouvelle fois la prééminence du tribunal de l’opinion : « mais l’homme public, celui qui est obligé de porter son jugement, ne doit s’en tenir ni à des réflexions vagues, ni à des maximes générales ; son devoir est de discuter, de peser les circonstances, de chercher la vérité. Il doit présumer le bien, quand le mal n’est pas prouvé […]. Muni de ces maximes, il ne doit pas perdre de vue que l’État est en droit de juger ses membres, et de réformer les corps et les particuliers nuisibles au public », op. cit., p. 80.