URL originale : https://books.openedition.org/ms/914
Musique et subjectivité dans la nouvelle droite radicale italienne
L’expérience de CasaPound
p. 99-120
Texte intégral
Introduction
1Au cours des vingt dernières années, l’extrême droite italienne a connu de profonds changements, dont l’un des aspects les plus intéressants tient au renouvellement radical de son univers symbolique et de ses langages à partir de 1995, lorsque la dissolution du MSI1 lui donna l’occasion d’étendre son influence tant politique que culturelle et d’attirer de plus en plus de jeunes. L’un des terrains symboliques qui aient le plus contribué à ce changement est celui de la musique : à travers la création de labels indépendants, la prolifération de concerts, de groupes et de circuits musicaux et un renouvellement des textes et des codes culturels, la droite extrême italienne s’est progressivement fait une place dans le panorama culturel italien, en particulier celui des jeunes générations.
2Le rôle joué par la musique dans les mouvements de droite en Italie est un thème vaste et largement débattu, d’un point de vue plutôt historique que sociologique. Aux analyses faites sur la musique alternative à droite et sur son rôle central dans les processus de reconstruction d’une communauté culturelle de la jeunesse de droite dans les années 1970, coincée entre l’hégémonie de la gauche, la tension des Années de plomb et l’immobilisme du MSI (voir en particulier Di Giorgi et Ferrario, 2011 ; Tarchi, 2010), s’ajoute une vaste littérature d’investigation, plus axée sur les formes récentes de la musique alternative à droite, et attentive surtout à sa dimension subculturelle et à ses liens avec l’extrême droite (Caldiron, 2001 ; 2013), y compris à travers le prisme des cultural studies (Marchi, 1997).
3L’objectif de cet article est d’analyser le rôle de la musique dans la constitution d’un mouvement spécifique de l’extrême droite italienne, CasaPound Italia, et plus particulièrement dans l’expression de la subjectivité individuelle et la construction de l’action collective. Nous entendrons ici la subjectivité non pas tant comme élément caractérisé par une présence ou une absence, mais comme effort, plus ou moins constant, de « transformation d’une situation vécue en action libre » (Touraine, 1994 : 23), dans l’intention de comprendre comment cet effort est vécu par l’acteur pour « se transformer lui-même en principe qui oriente sa propre conduite » (Touraine, 2005 : 176), plutôt que suivre de manière acritique des principes externes, en poursuivant son autodétermination contre l’hétérodirection (Touraine, 1992).
La musique occupe un rôle déterminant dans le mouvement CasaPound, tant du point de vue individuel que collectif, en favorisant la réflexivité et l’expression des individus dans l’agrégation du mouvement, dans la construction de son identité comme lieu d’expérimentation du renouvellement des langages et des codes culturels. Ce n’est effectivement pas un hasard si Gianluca Iannone, le leader du mouvement, est aussi le chanteur du groupe de musique de référence (les ZetaZeroAlfa) de ce courant politique.
4Cet article s’appuie sur une vaste recherche réalisée par les auteurs entre 2009 et 2011 sur le mouvement CasaPound (Di Nunzio et Toscano, 2011) en combinant différentes méthodologies qui, utilisées alternativement dans trois phases différentes de notre travail de terrain, ont souvent fini par se juxtaposer. Dans un premier temps, nous avons mené une recherche de fond, basée sur des sources secondaires : textes, pages web et documents audiovisuels. En particulier, pour l’objet du présent article, nous avons écouté et analysé les albums de musique produits par les membres et sympathisants de CasaPound. Dans un deuxième temps, nous avons réalisé une observation participante à découvert (entre 2009 et 2011) : fréquentation de séminaires, débats et concerts, participation à l’assemblée nationale de CasaPound de 2009 ainsi que de nombreux moments de rencontre informels. Dans la troisième phase, nous avons effectué des entretiens approfondis, entre novembre 2009 et décembre 2010, pour la grande majorité au siège de CasaPound, dans le quartier de l’Esquilin. Les entretiens ont été réalisés aussi bien auprès de leaders de premier plan que de simples militants du mouvement CasaPound, femmes et hommes de tous âges.
CasaPound Italia
5CasaPound « naît » officiellement le 27 décembre 2003, avec l’occupation d’un immeuble appartenant à la région Latium dans le quartier multiethnique de l’Esquilin à Rome. Le squat s’accompagne d’une revendication précise, exposée sur les banderoles aussitôt déployées par les occupants : « le loyer c’est de l’usure », « non à la vie chère ». L’objectif du squat consiste à donner un logement à vingt familles italiennes et à revendiquer l’importance du droit à la propriété immobilière tout en condamnant les politiques de logement de la municipalité. Le nom CasaPound et son symbole – une tortue stylisée2 – synthétisent ces revendications : le droit au logement – la tortue est l’animal qui porte toujours avec soi sa « maison » – et la lutte contre l’usure, représentée par les insoutenables loyers dans la capitale et par la spéculation des grands groupes immobiliers. Ces positions relatives au droit à la propriété et à l’usure sont inspirées des réflexions du poète américain Ezra Pound3. Aujourd’hui, CasaPound est présente dans de nombreux bourgs et villes de toutes les régions italiennes, d’Aoste à Palerme. Elle est animée par un réseau s’étendant sur tout le territoire national, composé de librairies, pubs, associations sportives, d’une radio en ligne – Radio Bandiera Nera [Radio Drapeau Noir] – et de diverses publications. Parmi celles-ci, le mensuel Occidentale [Occidental], distribué à un millier d’abonnés, et le journal trimestriel Fare quadrato [Faire carré]. À Rome, outre les espaces occupés à des fins d’habitation, on trouve Area19 [Aire19], squat utilisé surtout pour les concerts et les grands rassemblements, ainsi que le Circolo Futurista [Cercle Futuriste] où se tiennent pour l’essentiel des activités théâtrales, des expositions et des festivals.
La musique « non conforme » avant CasaPound
6L’expérience de CasaPound est représentative de l’articulation complexe des profondes transformations à l’œuvre dans les mouvements – de jeunesse surtout – de la droite radicale à partir des premiers « Camps Hobbit4 » à la fin des années 1970. Ces rassemblements avaient pour objectif de réunir les nouvelles générations qui se reconnaissaient dans le fascisme autour de pratiques de matrice surtout culturelle comme la musique, les arts graphiques, autour de la question de la communication ainsi que de thèmes sociaux jusqu’alors peu traités à droite, comme la question féministe, l’écologie, le chômage des jeunes. Ces rassemblements expriment avant tout la nécessité, de la part des jeunes politisés à droite, de trouver un rôle de protagonistes dans l’affirmation culturelle et politique de leur parcours de construction de soi. C’est ainsi que se forme la Nuova Destra [la Nouvelle Droite] – inspirée du mouvement de la Nouvelle Droite française d’Alain De Benoist – critique à l’égard d’une culture politique de la droite radicale, celle des cadres du MSI, jugée inactuelle et trop axée sur le binôme « ordre-légalité » (Germinario, 2002). Cette critique adressée à la rigidité politique du MSI, arc-bouté sur ses positions atlantistes et philo-américaines d’un côté, et de l’autre sur des pratiques politiques traditionnelles éloignées des transformations culturelles et sociales en œuvre à cette époque, est associée à l’exigence de protagonisme, d’affirmation et d’expression d’une spécificité culturelle et individuelle propre aux jeunes d’extrême droite. Voici comment l’un des militants de CasaPound interrogés se souvient de cette période : Le Fronte della Gioventù [Front de la Jeunesse5] dans les années 1980 était une réalité bien particulière. Nous étions un groupe très soudé, qui cherchait à faire des choses un peu différentes au sein d’un cadre conformiste – le fameux hédonisme reaganien6 – très décourageant. Dans un contexte de désaffection généralisée des jeunes à l’égard de la politique, nous, nous allions dans la direction opposée. Certaines exigences ont commencé à voir le jour, débouchant sur ce qu’on a appelé les « associations parallèles » : Fare verde [Faire vert] s’intéressait à l’écologie, Fare fronte [Faire front] c’était le groupe étudiant. Avec d’autres, nous avons proposé de constituer une association parallèle artistique, qui se consacrerait à changer un peu les façons de faire de la politique. Proposer, face à un monde qui attachait encore de l’importance au collage sauvage d’affiches et à la distribution de tracts, de nouvelles formes de communication où la musique et les arts graphiques auraient vraiment un rôle significatif.
7C’est ainsi que naît le Dart, Division Art, qui constituera un champ d’expression des différentes individualités créatives de la droite radicale, surtout romaine, loin des précautions excessives imposées par le MSI sur la base de ses militants. En son sein prennent corps différentes expressions musicales et d’autoproduction, des fanzines comme Œuvre au Noir [Opera al Nero], avec des recensions et des BD auto-ironiques (Di Tullio, 2006). Ce type d’expériences et d’expérimentations politiques s’émancipent ultérieurement, grâce aussi aux espaces qui s’ouvrent dans la droite italienne suite au « tournant de Fiuggi7 ». Le même militant le rappelle dans ce passage de notre entretien :
L’expression « non conforme » servait à l’origine à déterminer cette « non-zone », fruit de l’après-Fiuggi. L’année 1994 fait en effet sauter non pas tant le MSI – ce qui aurait déjà été significatif – que ses organisations de jeunesse. […] Il y a donc une sorte de retour en force de ces jeunes énergies, en partie bouleversées, mais surtout en mesure, désormais, de devenir autosuffisantes et autonomes.
8L’expérimentation de formes nouvelles de communication s’inscrit dans la nécessité d’exprimer une spécificité subjective et de groupe propre qui, sans prendre appui sur la structure organisationnelle classique du parti, ne parvient pas non plus à se faire une place dans les médias mainstream. À l’expérience de la Division Art, qui s’achève en 1990, s’en ajoutent d’autres au cours de cette période, en différents coins d’Italie, du label Tuono Records [Tonnerre Records] de Vicence au fanzine milanais Assalto Sonoro [Assaut Sonore] (Marchi, 1997). Différents projets verront le jour dans la capitale, avec l’association Perimetro [Périmètre] et le label indépendant Rupe Tarpea [Roche Tarpéienne8], fondé en 1993 et qui s’affirme rapidement comme point de référence de la scène musicale « non conforme » de droite. L’expression « non conforme » sera associée à de nombreuses pratiques culturelles et politiques de ces mouvements de droite et, par la suite, aux initiatives de CasaPound. L’expression est empruntée à un bulletin distribué à partir de 1995 : celui-ci, désormais diffusé sous forme électronique9, recensait la scène musicale de toute la droite extraparlementaire italienne. On y trouvait, en plus d’annonces de concerts et de recensions, une carte esquissant tous les lieux où il était possible de faire de la musique, et une attention particulière était réservée aux activités menées par les centres sociaux de gauche.
9Le ferment contre-culturel exprimé par ces formes de communication et de relations, autodéfinies comme « métapolitiques10 », ne se limite pas à la seule nécessité de trouver des espaces d’affirmation de soi. Il s’agit plutôt, comme le soutient Hebdige (1991) et avec lui, de nombreux auteurs de la tradition des cultural studies anglaises (Hall & Jefferson, 1976) dans leur définition des phénomènes contre-culturels, d’une recherche d’indépendance et d’altérité par rapport à une condition de subordination à la culture et aux pratiques de la droite parlementaire. Culture entendue ici, pour reprendre Stuart Hall, non pas tant comme simple « somme descriptive des coutumes et des traditions d’une société », que comme « somme de toutes les pratiques sociales, et de leurs interactions » (Hall, 1981 : 22).
« Entra a spinta » [Joue des coudes] : la musique à CasaPound
10À partir de la comparaison avec ces expériences antécédentes, on peut affiner l’analyse du rôle joué par la musique dans la construction de l’action de CasaPound. En effet, bien que solidement inscrit à l’intérieur de ce filon contre-culturel de la jeunesse de droite radicale, le mouvement CasaPound est parvenu à réactualiser ses langages et ses codes culturels. La dimension culturelle de l’action, entendue comme expression et représentation d’un sujet dans sa résistance individuelle et collective à la domination, se construit et se renforce à travers l’expression musicale et les formes agrégatives qui lui sont associées, concerts et rassemblements. Ces derniers sont l’occasion à la fois de renforcer la base militante et de l’élargir. À travers la musique, et plus généralement grâce à des pratiques d’agrégation créatives (les tatouages réalisés pendant les concerts, les fanzines, le merchandising), on tente de construire des alternatives qui font directement référence à une tradition culturelle incarnant des valeurs fascistes, tout en cherchant à apporter des réponses aux aspirations d’une partie des jeunes générations, qui « offre son mépris » (ZetaZeroAlfa, 2002) à un modèle de société par lequel elle a le sentiment d’être exploitée et marginalisée. Une jeunesse, celle de CasaPound, qui n’accepte pas cette domination sociale et culturelle et « joue des coudes dans la vie11 », comme le chante Gianluca Iannone, leader du groupe romain ZetaZeroAlfa. Ce groupe fait ses débuts en 1999 et joue un rôle d’agrégation très important pour ce qui constituera ensuite le noyau dur du squat de CasaPound12. Comme le rappelle au cours d’un entretien le chanteur, qui est également président de l’association CasaPound Italia :
Ici tout s’est construit autour de ZetaZeroAlfa, même de façon inconsciente. Tout est parti du bar à bières [le Cutty Sark, NdA], d’abord comme un jeu, et puis tout s’est construit à partir de là. Le groupe en fait vraiment partie, il est dedans. C’est pour ça que quand un nouvel album sort, ça suscite l’attention. […] Dans notre milieu on avait l’habitude de chanter le supplice… la musique alternative n’était pas très gaie et se lamentait sur son sort. Nous, au contraire, nous avons apporté du changement, en chantant des choses plus frivoles, en quelque sorte, loin de la lourdeur de certaines situations.
11Le succès de CasaPound, surtout parmi les jeunes générations, s’explique essentiellement par la récupération d’une dimension estudiantine et ludique qui rompt clairement avec la tradition néofasciste de l’après-guerre et en particulier avec la musique et les textes qui lui sont associés. Cette tradition se base sur un pessimisme culturel (le Kali Yuga de Julius Evola13) qui caractérise le néofascisme italien à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le sentiment d’être « exilé dans sa patrie » (Tarchi, 1995) est l’une des caractéristiques distinctives du pessimisme tragique et crépusculaire du néofascisme d’après-guerre, qui n’a plus grand-chose à voir avec les composantes vitalistes du fascisme historique (De Felice, 1975). Un pessimisme culturel qui alimente des imaginaires où sont célébrées la « noblesse de la défaite » et une apologie (et esthétisation) du ghetto, et dans lequel le néofascisme italien se sent relégué et enfermé14.
12Par rapport à cette tradition, empreinte de victimisme et dans laquelle le sentiment mélancolique et douloureux des vaincus de l’histoire15 avait été intériorisé, CasaPound et les ZeroZetaAlfa se démarquent ouvertement, reportant l’attention à travers leurs textes de chansons sur une dimension plus positive, y compris d’un point de vue émotif, et tentant de récupérer et de mettre en valeur la conception activiste et vitaliste, passionnelle et conflictuelle du fascisme historique.
13Le groupe ZetaZeroAlfa est sans doute le plus important des groupes de musique qui composent la bande originale de ces pratiques « non conformes », offrant une continuité expressive à la dimension politique, sociale et culturelle de CasaPound. Dans leurs intentions, les militants de CasaPound veulent associer l’élaboration théorique à l’action, comme le combat l’est au divertissement, en créant un espace de vie dans lequel on « transpire de joie » (ZetaZeroAlfa, 2007b) parce qu’au lieu de se résigner à la dépression ou à la sobriété imposées par la société bourgeoise, on est « éveillé à toute heure » (ibid.) afin d’exercer sa conscience critique – pour reprendre encore les paroles de Iannone. Le concept d’espace de vie (Farro, 2006) est ici utilisé pour indiquer les contextes où se dessine, à travers des pratiques créatives, une alternative à des formes de domination, à des pouvoirs envahissants, à des conditionnements culturels et sociaux. À l’ultra-individualisme d’un capitalisme qui atomise pour gouverner et imposer ses modèles culturels et sociaux dominants (Bauman, 1999), on répond par l’invitation à faire bloc (« et la foule s’ouvrira pour laisser passer le groupe […] tenez-vous bien sur vos gardes ! » [ibid.] chantent les jeunes du Blocco Studentesco [Bloc Estudiantin], l’organisation étudiante de CasaPound, dans l’hymne officiel de leur mouvement). Une hostilité à l’égard du mainstream qui n’admet aucune complicité et trouve une cohérence propre dans une production musicale indépendante dont l’importance s’est accrue au fil du temps. Le fondateur du label indépendant Rupe Tarpea soutient en effet que :
CasaPound représente le besoin de se démarquer d’une catégorie de la jeunesse qui, jusqu’à il y a dix ou vingt ans, était comme bridée dans des structures de partis ou de micropartis. D’une certaine manière, CasaPound incarne l’autonomisation de cette jeunesse, et la musique a sans aucun doute joué un rôle central dans ce processus. Ce qui avait toujours été considéré comme accessoire a ainsi gagné un rôle de premier plan.
14Rupe Tarpea compte actuellement dans son catalogue environ 790 titres, dont 45 CD de différents groupes et genres musicaux, allant de la Oi ! au street punk ou au hardcore. Le label a suivi et en partie contribué à orienter les changements advenus ces dernières années dans le panorama musical de l’extrême droite, dont les ZetaZeroAlfa sont l’expression la plus évidente et reconnue. Cela a été rendu possible grâce à des choix stylistiques précis, comme celui de textes en langue italienne et la politisation des contenus – qui va au-delà du simple slogan ou du témoignage, en articulant un message plus émotionnel et plus complexe – ainsi que grâce à l’activité de promotion et d’organisation de concerts. Le fondateur de Rupe Tarpea le confirme :
Le courant musical qui va aboutir à ZetaZeroAlfa est un rock fortement idéologisé. Mais il l’est de façon particulière, en tant que ce n’est plus le slogan qui importe, mais la capacité à décrire des situations, des paysages. […] Aujourd’hui nous avons un catalogue de 70 titres, c’est pas mal pour un label indépendant. Nos tirages sont d’environ mille exemplaires, et vont – au fil du temps, avec les réimpressions – jusqu’à deux, trois mille exemplaires. Nous avons aussi de plus gros tirages pour certains albums, à quatre, cinq mille exemplaires par CD, pour des groupes comme ZetaZeroAlfa, Intolleranza, Londinium SPQR. Et puis il y a le cas Morsello, qui a eu douze mille tirages pour son album La Direzione del Vento. (Morsello, 199816).
15Pour la génération qui fréquente CasaPound, grandie dans des quartiers-dortoirs et vivant une condition de précarité professionnelle et existentielle, la musique est un moyen d’exprimer sa résistance à la domination des orientations sociales et culturelles en vigueur, et la conscience de l’impossibilité de se construire une existence digne. Les langages musicaux et le contenu des textes se conjuguent à un sens de la rébellion éprouvé par tous ceux qui, jeunes ou non, expérimentent dans leur vécu des problèmes sociaux dont l’urgence va de pair avec un sentiment prononcé d’impuissance et d’absence de solution. Il s’agit pour l’essentiel de problèmes de précarisation de la vie individuelle et collective qui trouvent, avec CasaPound, un point de convergence dans la question de l’accès à la propriété. L’idée que « la maison est le point d’où repart le fascisme du troisième millénaire » est en effet à la base de la philosophie des OSA17 (Occupazioni a Scopo Abitativo [Squats à but d’habitation]).
Constructeurs, escrocs, usuriers, promoteurs véreux, je vois de plus en plus de béton et de maisons qui ont l’air de termitières. Non, je ne peux pas tolérer ça, c’est un droit élémentaire ! […] Tout ton salaire pour deux chambres et un salon, et une vie entière pour payer. Ce loyer est une prison. (INnato SEnso DI Allegria, 2007a)
16Ainsi s’insurgent les Insedia (INnato SEnso DI Allegria [Sens inné de joie18], groupe de l’arrière-pays romain) contre les Palazzinari19 [promoteurs véreux] dans la chanson éponyme, qui dénonce les conditions d’habitation dans les banlieues des grandes villes, aux mains de la spéculation immobilière des grands constructeurs.
17La résistance aux structures du capitalisme néolibéral prend aussi corps en opposition aux orientations culturelles propres à ce modèle de développement, en condamnant sa dimension consumériste et d’homologation culturelle. Les mêmes Insedia parlent déjà en 2007 d’une crise qui est autant celle de l’économie que des valeurs :
Ils vous ont endormis avec leurs mythes en carton pour vous vendre du bonheur. […] Ne soyez pas esclaves, nous allons détruire leurs 4x4 flambant neufs, leurs montres en or et leurs vacances aux sports d’hiver. Après ça on vous dit qu’il n’y a pas de travail. Des restaurants pleins, des écrans plasma partout, mais la seule vraie crise, c’est celle qui est en nous. (INnato SEnso DI Allegria, 2007b)
La crise est interprétée en premier lieu comme une crise de la subjectivité individuelle et des espaces d’affirmation de soi dans un système social dominé culturellement et politiquement par le néolibéralisme.
18Ces groupes de musique se réapproprient des formes d’expression qui étaient autrefois culturellement identifiées à gauche. Ce n’est pas un hasard si la tradition musicale à laquelle ils se réfèrent est celle des sonorités de la génération anglaise issue du punk, de ce mouvement Oi !20 incarnant la rébellion de la classe ouvrière qui « n’a pas besoin de belles voitures pour faire un tour », comme le chantaient déjà en 1978 les Sham 69 (1978), groupe anglais de référence du mouvement skinhead, mais ouvertement apolitique.
19L’élaboration de structures aussi bien culturelles que politiques trouve dans la musique et dans les formes d’agrégation qui lui sont associées un moyen de toucher un grand nombre de personnes, surtout des jeunes. Cela passe par des codes – vêtements, musique, tatouages, fanzines – déjà dotés d’un sens en soi, du seul fait de se placer du côté des acteurs et activistes de CasaPound. Le style graphique, musical et vestimentaire non seulement rompt en grande partie avec la tradition propre à la subculture de droite, mais s’oppose à la culture mainstream. Pour Roland Barthes, cette dernière tend à masquer et à niveler, remplaçant des formes historiques par des formes « naturalisées ». Dans Mythologies (1957), il développe une réflexion sur le rapport entre culture et pouvoir dans laquelle l’idée de culture bourgeoise dominante se construit à travers des « mythes » qui stéréotypent les constructions sociales : processus perçu comme une domination par les militants de CasaPound, qui s’y opposent en cherchant une structure culturelle et politique alternative, en mesure de les représenter dans leur spécificité individuelle et collective.
20Les pratiques mises en œuvre par CasaPound à travers la musique, les t-shirts vendus et portés pendant les concerts, les tatouages, visent à élaborer une alternative culturelle qui se transmettent – pour reprendre Hebdige (1979) et les approches propres aux cultural studies anglaises – dans leur diversité significative (et parallèlement dans leur identité significative), « qualité » essentielle de leur dimension contre-culturelle. En d’autres termes, l’utilisation de codes déterminés constitue le sens même de leur action, un message qui renferme toutes les autres significations, y compris politiques. Le chanteur des ZetaZeroAlfa affirme justement, au sujet du style des formes de communication choisies :
ZetaZeroAlfa a commencé pas seulement comme projet musical, mais aussi comme style de vie. Nous avons créé un style pour nous reconnaître dans la foule grâce au même t-shirt… […] Nous avons défié les publicités qui recouvrent des immeubles entiers, en utilisant simplement un sigle de trois mots, rarement utilisés ensemble, ne faisant référence à aucune signification courante, en collant des stickers sur des panneaux routiers ou sur d’autres points stratégiques en ville. […] Le premier t-shirt que nous avons imprimé disait « Sorridi, qualcuno ti sta spiando » [Souris, on te regarde]. Et puis il y a eu « Nel dubbio mena » [Dans le doute, frappe], « Morirai una rata alla volta » [Tu vas mourir à crédit], « Picchia il VIP » [Tape sur le VIP], « Accademia della sassaiola » [Académie de la bataille de pierres]. (Di Tullio, 2006 : 120)
Le sens de cette affirmation conforte la thèse de Hebdige (1979) quant au rôle du style dans les formes contre-culturelles et leur façon de mettre en crise les codes de la culture hégémonique.
21Ce qui se passe toutefois avec CasaPound, ZetaZeroAlfa et les groupes de musique en lien plus ou moins direct avec cette première, c’est que les codes d’expression et de style propres à la droite radicale sont remis en question, voire, dans certains cas, tout simplement abandonnés. De l’iconographie propre à la droite radicale (la tortue stylisée se substitue à la croix celtique) au style musical ou encore à l’utilisation de l’ironie dans la construction des messages. Même l’autodérision est employée comme une forme de critique envers les dogmes de la tradition d’extrême droite, jusqu’à la parodie à l’égard de la mythification et de la fascination pour la figure de Benito Mussolini :
Quand il était là, les trains arrivaient à l’heure
Quand il était là, si tu traînais trop longtemps au bar, les fascistes venaient te remettre au travail. (INnato SEnso DI Allegria, 2007c)
22On retrouve également les codes stylistiques contre-culturels créés par CasaPound et les ZetaZeroAlfa dans des formes de danse, moyen d’implication et d’agrégation propre au rock et à la culture de masse. Comme le soutient Hebdige (1979), le pogo des punks anglais mettait en crise les formes de danse du rock, de même que, pour les militants de CasaPound, la « cinghiamattanza » [jeu de massacre à la ceinture21] exacerbe et représente à travers la danse certains des aspects fondamentaux de l’existence : la vitalité, le jeu, le combat, opposés à un modèle culturel dominant qui réduit le corps à un objet-marchandise. La cinghiamattanza est « un moment de réappropriation de la corporéité dans un monde qui a un rapport complexé, paranoïaque, décadent avec le corps22 ». Ce rapport, sa corporéité, avec l’affrontement physique, y compris violent, est – comme le souligne Dechezelles (2011) – l’un des traits distinctifs de l’imaginaire culturel de la droite italienne (pas nécessairement radicale) et sur ce point, CasaPound ne se distingue pas du reste du panorama politique de référence. La cinghiamattanza révèle en effet une fascination pour une esthétique du corps guerrier « torturé », du héros qui sort de l’arène blessé mais debout après l’affrontement, comme en témoigne d’ailleurs le texte de la chanson :
Un : j’enlève ma ceinture ;
Primo ; me sfilo la cinta ;
Deux : la danse commence ;
Due : inizia la danza ;
Trois : je choisis bien ma cible ;
Tre : prende bene la mira ;
Quatre : cinghiamattanza !
Quattro : cinghiamattanza !
Ce cuir brandi en l’air ouvre la danse.
Questo cuoio nell’aria sta ufficializzando la danza.
Seule la caste des guerriers pratique cette cinghiamattanza !
Solo la casta guerriera pratica cinghiamattanza !
23Plus généralement, le thème de l’affirmation de la subjectivité individuelle et sa relation avec la dimension corporelle est abordé par Michel Wieviorka dans son essai « Critique du sujet » (2008). Le sociologue soutient que ceux qui s’intéressent au corps, avec des déclinaisons dans la danse, le sport, les expressions corporelles, la pratique du tatouage, acquièrent la conscience qu’il n’est plus possible de séparer « le corps de l’esprit, la nature de l’âme » (Wieviorka, 2008 : 21). À partir des travaux auxquels Wieviorka fait référence, on comprend comment mettre en question le soi dans le processus d’affirmation de sa subjectivité individuelle implique dans le même temps l’exposition du soi corporel à certains risques. Cela n’est possible qu’à condition d’être convaincu que le travail sur soi et sur ses limites concerne aussi la dimension de sa corporéité (Le Breton, 2004). Par ailleurs, pour reprendre encore le débat reconstruit par Wieviorka, le corps peut être considéré comme « le lieu du soi agent » (Medaini, 2007 : 14), en devenant partie intégrante de l’expérience subjective d’affirmation individuelle. C’est en ce sens qu’on peut interpréter les messages politiques « endossés » par les militants de CasaPound sur les t-shirts, tout comme le tatouage de la tortue stylisée, jusqu’à l’implication extrême de la corporéité dans la pratique de la cinghiamattanza. Cet extrait d’entretien avec l’un des responsables du mouvement le confirme :
Un nouveau disque des ZetaZeroAlfa est un acte politique, qui ravive la communauté. Parce que c’est l’occasion de sortir un nouveau t-shirt, un nouveau refrain que les gens – même naïvement – inscrivent dans leur statut sur Facebook. Ça redonne de l’énergie, une raison de s’émouvoir.
Conclusions
24CasaPound est un mouvement culturel, social et politique qui se définit comme alternatif aux processus de mondialisation en œuvre et à la logique marchande et consumériste prédominante. En même temps, CasaPound se présente comme la tentative de construire un espace de résistance, d’élaboration et d’action collective où l’individu puisse exprimer son engagement et sa personnalité. La musique joue un rôle fondamental dans ces processus : elle représente l’existence d’une continuité entre la dimension politique et la dimension culturelle du mouvement – on se souvient de la double casquette du meneur du mouvement. La musique ne se limite jamais au rôle de simple outil de « distraction », mais se traduit par une pratique politique d’expression, de communication et d’agrégation à travers laquelle les membres cherchent à favoriser leur affirmation individuelle et collective. Ainsi la musique, en plus d’être utilisée comme outil politique23, constitue une expérience grâce à laquelle les membres construisent et expriment leur subjectivité, et participe à la définition de l’action collective.
25La musique est un outil d’expression. Pour les membres de CasaPound, la musique est l’un des outils grâce auxquels ils peuvent raconter leur point de vue sur le monde, à la recherche d’une représentation de soi et de la réalité plus vraie et profonde (de leur point de vue) que celle diffusée par la culture mainstream, jugée fausse et uniformisante. Les contenus sociaux et politiques des textes s’associent à la charge expressive propre à la musique rock et Oi ! : de cette manière, la musique est vécue comme une force culturelle capable de libérer l’individu des interprétations dominantes de la réalité et de renforcer l’expression de sa subjectivité. À travers les pratiques culturelles mises en œuvre par CasaPound, y compris musicales, l’engagement individuel va au-delà du simple engagement politique et prend vite une dimension existentielle, puisqu’il concerne l’expression de la personnalité dans les différents domaines de la vie. De cette façon, une continuité se crée entre les pratiques de divertissement, de socialisation, l’action politique et l’expression d’une personnalité propre.
26La musique est un outil de communication. La musique fait office de moyen de communication du mouvement de CasaPound, car elle permet de faire circuler entre ses membres, à travers les textes, des réflexions communes sur le contexte politique et social, susceptibles d’alimenter la critique envers la culture mainstream et l’implication individuelle. Pour les membres de CasaPound, la musique satisfait le besoin de construire et de diffuser une vision du monde partagée – un paradigme culturel cohérent et bien structuré – pour favoriser une action pragmatique commune.
27La musique est un outil d’agrégation. Les rassemblements s’accompagnent souvent de concerts, de manière à impliquer des personnes extérieures au mouvement, mais aussi pour remplir de sens ces expériences collectives, grâce à l’écoute de textes fortement engagés et politisés. Par ailleurs, la dimension identitaire de la musique est assez forte pour entraver la liberté subjective, du point de vue soit de l’homogénéité des styles musicaux adoptés (principalement les sonorités Oi !), soit de la nécessité d’une forte résonance entre les textes musicaux et les orientations politiques du mouvement, raison pour laquelle les positions critiques n’émergent que très rarement.
28Ainsi, les membres de CasaPound perçoivent la musique comme un outil d’expression favorisant l’acquisition d’une plus grande conscience du monde à travers les textes. En même temps, la musique permet de satisfaire leur besoin de divertissement et de socialisation, en tant que pratique ludique et politique capable de favoriser leur implication dans le mouvement et sa consolidation. Par ailleurs, du fait justement de l’homogénéité des styles musicaux et des contenus politiques, les pratiques musicales participent à la construction d’un périmètre culturel bien défini et structuré, servant à l’affirmation du mouvement collectif. La musique est moins une action libre et créatrice qu’une pratique qui anime, définit et structure une collectivité. Ainsi, la musique joue un rôle déterminant dans la définition du rapport entre l’individu et le mouvement : pour les membres de CasaPound, la liberté expressive de l’individu est considérée comme subordonnée à l’affirmation collective du mouvement et au service de celui-ci. L’impossible émergence de positions critiques en son sein peut ainsi aller jusqu’à entraver la possibilité même d’une confrontation réelle entre les membres de CasaPound, du fait de l’uniformisation des registres culturels du mouvement et réduit par là même l’expression subjective de l’individu.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Cette bibliographie a été enrichie de toutes les références bibliographiques automatiquement générées par Bilbo en utilisant Crossref.
Balasinski Justyne et Mathieu Lilian (eds.) (2006), Art et contestation, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
10.3917/scpo.filli.2020.01.0068 :Brown Timothy S. (2004), « Subcultures, Pop Music and Politics : Skinheads and “Nazi Rock” in England and Germany », Journal of Social Affairs, vol. 38, no 1, p. 157-178.
Bauman Zigmund (1999), In Search of politics, Stanford, Stanford University Press.
Caldiron Guido (2001), La Destra plurale, Rome, Manifestolibri.
Caldiron Guido (2013), Estrema destra, Rome, Newton Compton.
Clarke John (1976), « The Skinhead and the Magical Recovery of Working Class », in Hall Stuart & Jefferson Tony (eds.), Resistance through rituals. Youth subcultures in post-war Britain, Londres, Harper Collins, p. 99-102.
De Felice Renzo (2008) [1975], Intervista sul fascismo, Rome & Bari, Laterza.
Dechezelles Stéphanie (2011), « Boia chi molla ! Les nouvelles générations néofascistes italiennes face à l’(in)action violente », Cultures & Conflits, no 81-82, p. 101-123.
Di Giorgi Cristina & Ferrario Ippolito Esmondo (2010), Il nostro canto libero. Il neofascismo e la musica alternativa: lotta politica e conflitto generazionale negli anni di piombo, Rome, Castelvecchi.
Di Nunzio Daniele & Toscano Emmanuele (2009), « Profondo Nero. Note e Pratiche “non conformi” », Alias, 12, no 15.
Di Nunzio Daniele & Toscano Emmanuele (2011), Dentro e fuori CasaPound. Capire il fascismo del terzo millennio, Rome, Armando Editore.
Di Tullio Domenico (2006), Centri sociali di destra. Occupazioni e culture non conformi, Rome, Castelvecchi.
Evola Julius (2009) [1934], Révolte contre le monde moderne, trad. fr. Philipppe Baillet, Lausanne, L’Âge d’Homme / Guy Trédaniel.
Farro Antimo L. (ed.) (2006), Italia alterglobal. Movimento, culture e spazi di vita di altre globalizzazioni, Milan, Franco Angeli.
Germinario Francesco (2002), La Destra degli dei. Alain de Benoist e la cultura della Nouvelle droite, Turin, Bollati e Boringhieri.
Hall Stuart & Jefferson Tony (eds.) (1976), Resistance through rituals. Youth subcultures in post-war Britain, Londres, Harper Collins.
10.4324/9780203357057 :Hebdige Dick (1979), Subculture: The Meaning of Style, Routledge, London.
10.1111/j.1467-8705.1995.tb01063.x :Hebdige Dick (1991), La lambretta e il videoclip. Forme e consumi dell’immaginario contemporaneo, Turin, EDT.
Home Stewart (2005), Marci, sporchi e imbecilli. Attraverso la rivolta punk, Rome, Castelvecchi.
Ignazi Piero (2003), Extreme right parties in Europe, Oxford, Oxford University Press.
Jesi Furio (1979), Cultura di destra, Rome, Garzanti.
Le Breton David (2004), Passions du risque, Paris, Métailié.
10.3917/meta.breto.2000.01 :Marchi Valerio (1997), Nazi-Rock. Pop music e destra radicale, Rome, Castelvecchi Editore.
Medaini Anastasia (2007), Les Fabriques du corps, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail.
10.4000/books.pumi.6654 :Tarchi Marco (1995), Esuli in patria. I fascisti nell’Italia repubblicana, Parme, Guanda.
Tarchi Marco (2010), La rivoluzione impossibile. Dai campi hobbit alla nuova destra, Florence, Vallecchi.
Touraine Alain (1992), Critique de la modernité, Paris, Fayard.
Touraine Alain (1994), Qu’est-ce que la démocratie ?, Paris, Fayard.
Touraine Alain (2005), Un nouveau paradigme : pour comprendre le monde d’aujourd’hui, Paris, Fayard.
Traini Christophe (2008), La Musique en colère, Paris, Les Presses de Sciences Po.
10.3917/scpo.train.2008.01 :Wieviorka Michel (2008), Neuf leçons de sociologie, Paris, Laffont.
Discographie
270bis (1995), «Non Scordo», Cuore Nero, Eversione Musicale.
Amici del Vento (1978), «Amici del Vento», Girotondo, Valpadana.
INnato SEnso DI Allegria (2007a), « Palazzinari », Quando c’Era Lui, Rupe Tarpea Productions / Perimetro.
INnato SEnso DI Allegria (2007b), «La Crisi», Quando c’Era Lui, Rupe Tarpea Productions / Perimetro.
INnato SEnso DI Allegria (2007c), «Quando c’Era Lui», Quando c’Era Lui, Rupe Tarpea Productions / Perimetro.
Mancinelli Francesco (1984), «Generazione 78», Cantieri Ruggenti.
Morsello Massimo (1998), La Direzione del Vento, Rupe Tarpea Productions / Perimetro.
Sham 69 (1978), «Hey Little Rich Boy», Tell Us the Truth, Sire / Polydor.
ZetaAeroAlfa (2002), «Entra a spinta», Fronte dell’Essere, Rupe Tarpea Productions / Perimetro.
ZetaAeroAlfa (2007a), « Cinghiamattanza », La Ballata dello Stoccafisso, Rupe Tarpea Productions / Perimetro.
ZetaAeroAlfa (2007b), « Fare Blocco », Estremocentroalto, Rupe Tarpea Productions / Perimetro.
Notes de bas de page
1 Le Movimento Sociale Italiano [Mouvement Social Italien] est le parti qui rassemble, après la Seconde Guerre mondiale, les différents groupes et sensibilités politiques en lien direct avec l’expérience fasciste de la République Sociale de Salò, tout en acceptant de participer aux règles démocratiques du pays. Bien que présent au Parlement, le MSI était le seul parti qui n’entrait pas dans la définition de l’« arc constitutionnel » – formule désignant l’ensemble des partis qui se reconnaissent dans la Constitution. Dissout en 1995, il a alimenté dans sa grande majorité le parti Alleanza Nazionale [Alliance Nationale] et en partie le Movimento Sociale – Fiamma Tricolore [Mouvement Social – Flamme Tricolore].
2 Extrait du site de CasaPound Italia : « La tortue, symbole par excellence de longévité, est par là même un animal de bon augure. La tortue est l’un des rares êtres vivants qui a la chance de porter sa maison avec soi, il est donc à nos yeux celui qui représente le mieux notre combat principal, à savoir le droit à la propriété et la sécurité sociale. La tortue est, dans la culture orientale, l’animal qui porte sur son dos la connaissance du monde, c’est pourquoi elle est de bon augure pour une communauté qui veut identifier ses propres racines dans la culture. » (http://www.casapounditalia.org/p/il-simbolo.html)
3 Ezra Pound (1885-1972), poète et essayiste américain, fut un défenseur convaincu de Benito Mussolini et du fascisme de la République Sociale. Ses positions ont été reprises par la droite radicale italienne, notamment ses écrits et ses poèmes contre l’usure (en particulier le Cantos XVL) comme origine des guerres modernes, contre le capitalisme et l’hégémonie américaine sur la plan politique, économique et culturel.
4 Le nom est emprunté à l’un des personnages de la saga fantastique du Seigneur des Anneaux imaginée par l’écrivain anglais J. R. R. Tolkien. Ce dernier est l’une des références de la culture littéraire des jeunes fascistes italiens, qui ont associé les traits épiques du hobbit Frodon, protagoniste de son roman le plus célèbre, à la mystique héroïque et guerrière de la pensée de Julius Evola. Trois expériences de Camps Hobbit ont eu lieu entre 1977 et 1980 (cf. Tarchi, 2010).
5 L’organisation de jeunesse du MSI.
6 Par cette expression, on entend l’affirmation, dans les années 1980, d’un modèle culturel et politique fortement individualiste dans lequel l’idée de solidarité sociale était radicalement redimensionnée : il s’agissait en fait de se battre pour l’affranchissement économique du citoyen d’un modèle d’État-providence, en favorisant l’expansion du marché libre, la réduction des impôts directs et indirects, les coupes dans le budget de l’État social. L’expression est empruntée à l’organisation économique voulue par le républicain Ronald Reagan, alors Président des États-Unis.
7 Bien que critiqué et contredit, le MSI représentait pour l’extrême droite italienne le seul parti politique de référence. En 1995, lors de son 17e et dernier congrès qui se tint dans la ville de Fiuggi (région du Lazio), il est dissout par le secrétaire de l’époque Gianfranco Fini pour donner naissance au nouveau parti Alleanza Nazionale : une « droite politique » qui, d’après les thèses alors soutenues par Fini, n’a aucun lien avec le fascisme et ne peut être considérée en aucune façon comme sa descendance directe, mais reconnaît au contraire dans l’antifascisme un moment d’affirmation de valeurs et de principes démocratiques absents de la doctrine fasciste.
8 La « Roche Tarpéienne », qui donne son nom au label, désigne la paroi rocheuse, sur la colline du Campidoglio à Rome, d’où l’on précipitait les traîtres condamnés à mort.
9 Les archives étaient encore accessibles en 2014 à cette adresse : http://www.perimetro.com/ [consulté le 13 juin 2014].
10 Par le terme « métapolitique », emprunté à la Nuova Destra de Marco Tarchi (1995), on entend cette dimension qui va au-delà de l’action politique traditionnelle. Il s’agit d’une « initiative animée par un profond esprit militant, au sens où elle est menée par les jeunes du Fronte della Gioventù eux-mêmes, mais qui n’est toutefois pas spécifiquement politique : les activités culturelles, la musique, l’édition, l’écologie, l’organisation de fêtes-événements, le travail en coopérative, deviennent autant de façons d’exprimer et de diffuser leur vision du monde » (Di Tullio, 2006 : 37).
11 Ibid.
12 Le groupe est lancé grâce à une campagne d’autoproduction de marketing viral, avec une opération de stickering qui en une nuit a inondé la ville de quinze mille autocollants portant la mention ZetaZeroAlfa, sans aucune référence au groupe, à la musique ou à des positions politiques. L’utilisation virale du stickering constitue par ailleurs une pratique assez diffuse dans les subcultures urbaines des grandes villes italiennes, et concerne des groupes et mouvements de toutes orientations politiques et culturelles.
13 Cf. Evola, 2009. Julius Evola (1898-1974) était un peintre et philosophe italien ouvertement réactionnaire, qui célébrait la tradition, l’aristocratie, la masculinité. Il s’intéressa notamment aux traditions spirituelles de l’Extrême-Orient, et considérait que l’humanité était en train de traverser le Kali Yuga [l’âge du démon Kali], dernière des quatre étapes de la cosmogonie hindoue, une époque de décadence matérialiste. [NDÉ]
14 Pour donner quelques exemples, les Amici del Vento [Amis du Vent] chantaient en 1978 dans la chanson homonyme : « Ils ont fait des lois et des magouilles pour nous faire taire / Le mur de la prison regorge de nos noms. » (Amici del Vento, 1978). En 1988, le compositeur Francesco Mancinelli, dans sa chanson « Generazione 78 » (Mancinelli, 1984), évoque ainsi le souvenir des camarades tués dans les affrontements à feu et à sang des Années de plomb : « Ces cercueils pas encore vengés / Les blessures presque jamais cicatrisées ! » Le groupe 270bis en fera autant quelques années plus tard dans sa chanson « Non scordo » (270bis, 1995) : « Je ne peux plus oublier son corps sur les pavés / Et la fleur éclose de son sang coagulé / Et déjà un bâtard de journaliste préparait une histoire / À l’intrigue bien connue, pour salir sa mémoire ! »
15 Certains auteurs, parmi lesquels Jesi, ont souligné la dimension lugubre de la culture de droite néofasciste dans les années 1970, où domine une « religion de la mort » (Jesi, 1979 : 63).
16 Massimo Morsello (1958-2001) est l’une des figures de chanteur-compositeur les plus significatives du néofascisme, au point d’être considéré par la presse italienne comme le « De Gregori noir ». Son engagement dans les activités du groupe terroriste NAR (Noyaux Armés Révolutionnaires) à la fin des années 1970 et au début des années 1980 l’a conduit à se réfugier en Angleterre tout comme Roberto Fiore, avec qui il fondera en 1997 le parti d’extrême droite Forza nuova [Force nouvelle].
17 D’après la terminologie utilisée par CasaPound, les squats réalisés par le mouvement sont de deux types, avec des fins et des objectifs différents. Les ONC (Occupazioni Non Conformi [Squats Non Conformes]), espaces occupés à des fins de rassemblement pour faire de la musique, se rencontrer, faire de la politique en dehors des obligations rigides caractéristiques des sections de partis, sont à distinguer des OSA (Occupazioni a Scopo Abitativo [Squats à but d’habitation]), qui revêtent une dimension moins métapolitique et plus sociale. Ces derniers consistent en effet à squatter des immeubles inoccupés et sont destinés à fournir un logement à des familles italiennes en leur permettant de se soustraire au joug de la spéculation immobilière.
18 Les majuscules épellent la 3e personne du singulier du présent de l’indicatif du verbe insediare – s’installer, s’établir [NDÉ].
19 Le terme « palazzinaro » (dérivé de « palazzina » – l’immeuble ; le suffixe « -aro » est typique du dialecte romain), à connotation péjorative, désigne à partir des années 1950 et 1960 un type d’entrepreneur immobilier, souvent improvisé, qui profite de la forte augmentation de la demande de logements pour s’enrichir rapidement grâce à l’utilisation d’une main d’œuvre peu chère et de technologies désuètes, au recours à des pratiques abusives et à la corruption, violant les règlementations d’urbanisme et sans aucun souci esthétique ni environnemental. [NDT]
20 On peut, à la suite de Home (2005), considérer la musique Oi ! (ou street punk) comme la réappropriation du punk par la culture ouvrière, séduite par l’authenticité et l’immédiateté que permet ce type de langage, ainsi que par sa capacité à représenter la voix de la rue en colère. À cause justement de ses caractéristiques, la Oi ! est devenue un langage musical d’expérimentation pour la création d’un style politique spécifique de la musique d’extrême droite, et ce pas seulement en Italie (Brown, 2002).
21 Le terme est composé du mot « cinghia », la ceinture, et du mot « mattanza », désignant l’étape finale de la pêche au thon en Sicile, au cours de laquelle les poissons pris au piège sont massacrés au harpon. [NDT]
Le terme fait référence au titre de la chanson homonyme des ZetaZeroAlfa (2007a). Pendant l’exécution du morceau, les gens enlèvent leur ceinture et – tout en respectant un code de comportement non écrit mais formalisé au fil du temps – la brandissent les uns contre autres et se frappent mutuellement. Le terme « mattanza » (emprunté au vocabulaire de la pêche au thon dans les thonaires des environs de la ville sicilienne de Trapani) prend dans le langage ordinaire un sens figuré pour indiquer un affrontement physique violent et sanglant, avec un grand nombre de victimes. On trouve sur Youtube une vidéo officielle de la cinghiamattanza, à consulter à cette adresse : http://youtu.be/CEYliFw8lEw.
22 Cf. les FAQ sur le site de CasaPound Italia, « Le FAQ di CP », http://www.casapounditalia.org/p/le-faq-di-cpi.html [consulté le 10 juillet 2015].
23 Pour une analyse – du point de vue de la théorie de la mobilisation des ressources – sur l’utilisation de la musique dans les mouvements politiques pas nécessairement de droite, voir Traini, 2008.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Politiques des musiques populaires au XXIe siècle
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3