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Hard rock, heavy metal, metal

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Fabien Hein

Chapitre 5. Le monde du metal en France

Texte intégral

Groupes français, les précurseurs

  • 1 Variations. 1974. Moroccan Roll. Buddah Records.
  • 2 Pour un condensé de l'histoire du groupe, on se reportera à Thoury, J.-W. 2000. Variations. In Assa (...)

1Les Variations sont considérés comme le premier groupe de hard rock français. Né en 1966, le groupe se produit dans une grande partie de l'Europe au cours de concerts qui lui permettront d'effectuer les premières parties de Steppenwolf et de Led Zeppelin. En 1972, le groupe entame la première de ses quatre tournées à travers l'Amérique du Nord qui le conduiront à partager l'affiche avec les New York Dolls ou encore Tim Buckley et même à y publier un disque1. En décembre 1973, l'émission télévisée « Pop 2 » est entièrement consacrée au groupe2. Ces faits prestigieux n'empêchent cependant pas les Variations de se dissoudre en 1978.

  • 3 Le groupe a compté deux membres de Téléphone dans ses rangs en début de carrière.
  • 4 La carrière du groupe est commentée par un des membres fondateur, le guitariste Eric Lewy, dans Enf (...)

2Shakin' Street est le second groupe de hard rock français à s'être rendu aux Etats-Unis pour tenter d'y faire carrière3. En 1978, il enregistre un disque pour CBS France, puis rencontre le manager de Blue Oyster Cult, Sandy Pearman, qui décide de les emmener aux Etats-Unis au printemps 79 pour y effectuer la première partie de ses poulains sur une trentaine de dates. Le guitariste des Dictators et futur Manowar, Ross « The Boss » Funicello, intègre le groupe fin 79 pour l'enregistrement de leur second album qui, cette fois-ci, est distribué mondialement. Une tournée américaine plus tard, pour des raisons internes, la formation décide de mettre un terme à sa carrière4. Dans le même temps, un groupe de la région lyonnaise Ganafoul, fait également parler de lui en publiant une série d'albums combinant hard rock et boogie blues.

  • 5 L'album sortira en version anglaise, traduit par Jimmy Pursey de Sham 69. Le titre « Antisocial » s (...)
  • 6 Rabasse, M. 2000. Trust. In Assayas, M. Dictionnaire du rock. Paris : Robert Laffont, p. 2011-12.

3Mais, c'est le groupe Trust qui amorce le raz-de-marée hard rock que connaît la France au début des années 80. Leur concert en première partie d'AC/DC au Stadium de Paris, le 24 octobre 1978, en constitue le point de départ. En contrat avec CBS, le groupe va enregistrer son premier album à Londres en 1979. La rage contenue dans la musique de Trust, ses textes à dimension sociopolitique d'une grande qualité (« Bosser huit heures », « L'Elite ») déclinés en français font mouche. Le groupe devient le rival de Téléphone. Soutenu par Europe 1, Trust commence à sillonner la France avant d'enregistrer son deuxième album Répression. Il comprend l'hymne « Antisocial », diatribe virulente contre un système social étouffant et normatif. Le succès est phénoménal. Trust devient le porte-parole de la jeune génération. Dans le cadre de la tournée « Répression dans l'Hexagone »5, le groupe donne 50 concerts à guichets fermés (octobre et novembre 1980). L'année suivante, Trust publie Marche ou crève, album majeur dans lequel on trouve des textes très critiques à l'égard des juntes sud-américaines, les régimes communistes et la police. Curieusement, le groupe décline une proposition de tournée mondiale en compagnie de Judas Priest alors au sommet de sa carrière, pour entamer une nouvelle tournée française et faire une incursion en Grande-Bretagne (avec Iron Maiden quelquefois). La carrière de Trust se met alors à décliner6 Le turn-over des musiciens, la volonté d'élargir son registre musical à des sonorités moins hard rock, les dissolutions-reformations du groupe, l'arrivée de nouvelles formes de hard rock et de heavy metal auront progressivement raison d'une domination qu'il aura exercée pendant plus de trois ans. Quoiqu'il en soit, Trust a définitivement marqué de son empreinte l'histoire du hard rock français. Aucun autre groupe du genre n'a porté une rébellion et une colère de manière aussi aboutie et représentative. Seuls de rares rappeurs parviendront à atteindre son niveau d'incandescence.

  • 7 Cette tournée est relatée par Christophe Marquilly, guitariste et chanteur du groupe dans Enfer Mag (...)

4A la même période apparaissent des groupes de hard rock tels Ocean, Voie de Fait, Speed Queen, Warning ou Stocks. Extrêmement soutenus par leur maison de disques (Polydor), qui orchestre pour eux une campagne de promotion d'envergure. Warning, malgré un album produit par Dieter Dierks (Scorpions, Accept...) n'atteindra jamais le succès escompté. Pas plus qu'Ocean alors en contrat avec Barclay ou Voie de fait avec Ariola ou Speed Queen qui, sous contrat avec CBS (comme Trust), se voit remercié après deux albums considérés comme des échecs commerciaux (17 000 exemplaires du second album vendus). La carrière de Stocks (toujours en cours) est plus palpitante, puisqu'il est le troisième groupe de hard rock français à avoir pu effectuer une tournée d'une vingtaine de dates aux Etats-Unis (1984) grâce à une agence d'artistes américaine dont le directeur appréciait leur deuxième album7.

  • 8 Parmi ces pionniers on citera Hard Force (qui deviendra un mensuel national fin 1985), Powertrash M (...)
  • 9 Il semblerait que Christophe Bailet ait entamé un travail de ce type voilà plus de 6 ans. Se référe (...)
  • 10 Les sources sont Enfer Magazine, Metal Attack et le travail de Clair, P. 2002. Made in France. Hard (...)

5La période s'étendant du second trimestre 1983 au second semestre 85 constitue un véritable âge d'or pour le hard rock et le heavy metal en France. Il se traduit par une éclosion de nouveaux groupes, la naissance de labels indépendants, l'organisation de concerts et de festivals et l'apparition d'une presse musicale spécialisée avec Enfer Magazine, Metal Attack et Hard Rock, rapidement épaulés par une myriade de fanzines8 pour les soutenir. Il n'existe pas, pour l'heure, de recensement exhaustif des groupes français en activité à cette époque9. Les documents disponibles10 permettent néanmoins d'avancer qu'environ 80 groupes ont publié au moins un disque entre 1983 et 1985. Cela ne renseigne évidemment en rien de l'activité des formations n'ayant pas publié d'enregistrements, nettement plus difficiles à identifier. Par conséquent, je m'en tiendrai essentiellement aux groupes ayant bénéficié d'une couverture médiatique dans la presse spécialisée. Et j'en ferai de même pour les autres acteurs du monde du metal français.

Groupes, labels et maisons de disques dans les années 80

  • 11 Pour un historique du label et sa politique, lire l'interview donnée par Martin Hooker dans Metal H (...)
  • 12 L'édition allemande du mensuel Rock Hard (no 191, avril 2003, p. 116-118) lui rend un bel hommage à (...)

6Au début des années 80, la France ne possède pas encore de labels exclusivement dédiés au hard rock et au heavy metal. La production discographique provient essentiellement de l'étranger. De Grande-Bretagne avec Neat Records (Venom, Tysondog, Black Rose, etc.), Ebony Records, connu pour sa série de compilations Metal Warriors (Mercyful Fate, Sortilège, etc.) et Metal Platted (Demon Eyes, Blasphème, Vulcain, Nightmare) ou encore du label de Martin Hooker11, Music For Nations (Ratt, Metallica, Anthrax, Megadeth, Wasp, Poison, Satriani, Steve Vai, etc.). Des Pays-Bas avec Rave On Records et sa série de compilations Metal Clogs (Sortilège, H Bomb, Mercyful Fate). De Belgique avec Mausoleum Records (Widfire, Crossfire, Killer, Baron Rojo). Des Etats-Unis avec le label de Brian Slagel12, Metal Blade Records, qui s'impose directement comme la plaque tournante du metal californien notamment suite à la réalisation d'une série de compilations devenues « cultes », intitulées Metal Massacre permettant de découvrir des formations telles que Metallica, Slayer, Cirith Ungol, Ratt, Voivod, Metal Church, Dark Angel, Armored Saint ou encore The Obsessed.

  • 13 Le couple Zazula s'est en outre également occupé de management dans le cadre d'une société appelée (...)

7Le label Megaforce de John et Marsha Zazula est lui aussi réputé pour son travail pionnier13. La production du premier album de Metallica leur assure un succès considérable qui leur permet de produire ensuite les disques d'Anthrax, Manowar, Raven, Testament, Overkill. De son côté, Shrapnel Records réalise également une série de compilations intitulées U.S. Metal qui font connaître The Rods, Manilla Road, Exciter, tandis que Roadrunner Records publie la compilation Metal Battle comprenant Venom, Metallica, Mercyful Fate, Tank, Anvil, etc.

  • 14 S'il est ouvert aux productions françaises, le label se consacre surtout aux productions internatio (...)

8En France, hormis Trust, Warning et Satan Jokers qui disposent d'un contrat avec des majors, beaucoup de groupes français (Sortilège, Blasphème, Demon Eyes, Vulcain et H-Bomb), commettent leurs premières apparitions discographiques sur des petits labels étrangers tels que Ebony Records ou Rave-On. Cette contrainte d'expatriation s'achève avec l'émergence de labels et de distributeurs français. Parmi eux, et par ordre d'arrivée sur le marché, citons la structure de Christian Bordarier, Devil's Records, créée en novembre 1983 (distribution Madrigal) dont le catalogue comprend High Power, Sortilège, Der Kaiser, ADX, Morsüre, A-Bomb, Attentat Rock, etc., et livre courant 1985 les premières compilations heavy metal française, intitulées French Connection et Bonjour l'enfer. Suit le label de Jean-Marc Folliet, Axe Killer14 (émanation de Juke Box), dont les activités démarrent en novembre 1984 (distribution Madrigal) avec des groupes tels que Mystery Blue, H-Bomb, Stators, Hustler, et des formations étrangères comme Dark Angel, Chariot, World War III, etc. Lizard Records édite, courant 1984, le premier album de Blasphème. Rocks Records, créé en juin 1985 par Bobby Bruno, ancien manager de Trust, et dirigeant de BBO (production, management, édition, merchandising) cherche à développer le hard FM avec Mohro et Klaxon. Il dispose pour cela d'une distribution Polygram (une major). Riff Records, créé début 1985 bénéficie des circuits de distribution de la major Virgin. Son catalogue comprend Vulcain, Attentat Rock et le groupe américain Joshua. Le label est dirigé par Elie Benali (ancien de chez Polydor) qui travaille également pour Album Production (tourneur français), ce qui lui permet de mener un travail de promotion cohérent lors de chaque sortie de disque de ses artistes. Enfer Records né en novembre 1985, émanation d'Enfer Boutique, a pour directeur Albumine, premier rédacteur en chef d'Enfer Magazine. Ce dernier propose les disques de Vitriol, Hollywood Brats, Axtion, Mystery Blue (distribution Mélodie). Dream Records, né en 1986, bénéficie d'une distribution CBS (major) et publie les disques de groupes français tels que Excess et Nightmare mais aussi des groupes étrangers comme Chariot, WOW, Virgin Steele. La même année, le label Sydney de Jean-Paul Godest, publie quant à lui un catalogue entièrement français avec les albums de Killers, ADX, Dum Dum Bullet, Titan, Steel Angel (distribution Musidisc).

  • 15 Cette démarche repose sur le constat que les disques importés de l'étranger coûtent très chers. Pou (...)

9D'autres labels indépendants français privilégient quant à eux des productions plus internationales15 qui contribuent elles aussi à assurer la domination du hard rock et du heavy metal pendant ce fameux âge d'or. On peut citer tout d'abord, Bernett Records, qui, dès fin 1983, prend progressivement en licence certains groupes du catalogue Music For Nations, Neat Records, Roadrunner, Metal Blade, etc. (distribution Musidisc) et propose des groupes aussi influents que Metallica, Venom, Anthrax, Megadeth, Mercyful Fate, Ratt, etc. Black Dragon Records, le label de Michel Desgranges, propose dès la fin de l'année 1984 les disques de Manilla Road, Savage Grace, Liege Lord, Exxplorer, Candlemass, etc. (distribution New Rose), dans un registre heavy metal qui deviendra par la suite « true metal ». New Records, label de Jean-Patrick Fillet, ancien directeur artistique de Bernett Records, publie dès juin 1985, les disques de Blitzkrieg, Wishbone Ash, Tygers of Pan Tang, Robin Trower, Gravestone et s'ouvre aux groupes français avec un album de Fisc (distribution Mélodie).

  • 16 Enfer Magazine, no 31, 1985, p. 6.
  • 17 La production est notamment un point faible des enregistrements réalisés par les artistes français. (...)
  • 18 Sans compter qu'à cette période tout du moins, l'utilisation du français limite considérablement le (...)
  • 19 Turmel, D. 1990. Hard rock connexion. Dur, dur not dead. Yaourt, no 6, Galères et mémoires, p. 25.
  • 20 Turmel, D. 1990. op. cit., p. 25-26.

10L'année 1985 laisse entrevoir les premiers signes d'essoufflement de la scène française. Quantité de groupes français décident de mettre un terme à leur carrière dans la seconde moitié des années 80. Les propos de Pierre Guiraud, chanteur de Satan Jokers, sont particulièrement représentatifs de la situation de l'époque : « Tous les groupes qui sortent des disques, les journaux spécialisés sont voués à l'échec à court terme. Le hard était un phénomène de mode qui n'est plus viable aujourd'hui. Les disques se vendent mal, plus personne ne vient aux concerts. Nous sommes le reflet de tout cela. Ça a marché très vite et tout est retombé subitement. On était, en plus, dans une grande boîte de disque, on pouvait prétendre durer, réussir. Même pas. Alors quand je pense aux autres qui sont sur des labels indépendants... ça va être dur16. » Ces propos occultent néanmoins le point suivant : les formes de hard rock et de heavy metal proposées par la majorité de ces groupes sont à ce moment-là, dans le meilleur des cas, frappées d'obsolescence17, et dans le pire des cas, qualitativement inférieures à l'ensemble de la production internationale18. De plus, il est important de retenir que les maisons de disques françaises n'ont jamais réellement développé le hard rock et le heavy metal hexagonal pendant ces années. Les indépendants, par excès d'enthousiasme, manque de moyens financiers et défaut de professionnalisme. Les majors, par incompétence, logique de rentabilité immédiate et désintérêt manifeste. Hormis le très bref et unique épisode Trust, les majors « ont vite retiré leurs billes, laissant les indépendants [...] boire la tasse à leur tour sur un marché trop spécifique pour souffrir des méthodes et d'un savoir-faire "tout venant"19 ». En outre, la presse spécialisée française porte elle aussi une part de responsabilité dans ce déclin. Son traitement complaisant des disques et des artistes nationaux a fini par rendre le public particulièrement méfiant à leur endroit20. Quoiqu'il en soit, les groupes s'évanouissent, tandis que les labels ayant privilégié les formations hexagonales connaissent de graves turbulences qui leur seront souvent fatales. Par ailleurs, la baisse de la fréquentation des concerts et des festivals laisse elle aussi présager du déclin du hard rock et du heavy metal.

Concerts et festivals dans les années 80

  • 21 Bourgade, L. 1997. Les classiques et les modernes. Metal Français. Part. 1 : Les classiques. Hard N (...)

11Le France Festival du 6 et 7 juillet 1985 à Choisy-le-Roi (94), dont la programmation est exclusivement française (treize groupes par jour dont Demon Eyes, Attentat Rock, Nightmare, Vulcain, Warning, Blasphème, Stocks, Satan Jokers, Trust...) est considéré comme une date symbolique pour expliquer la dépression qui frappe le monde du hard rock et du heavy metal français. La faible fréquentation de la manifestation (2 500 spectateurs) semble marquer la fin des illusions. Suite à cet échec, « le désenchantement gagna les musiciens. Dans les six mois qui suivirent, la désorganisation s'installa, conduisant à l'implosion des groupes. Ce mouvement fut accentué par les déboires des maisons de disques21 ». La même année, la tournée française de Venom en novembre 1985 fut elle aussi un échec retentissant. Seules 250 personnes avaient fait le déplacement au Zénith à Paris, ce qui marque par ailleurs le déclin du groupe.

  • 22 Dès 1983, on observe même la création de discothèques entièrement dédiées au hard rock et au heavy (...)
  • 23 Seuls Satan Jokers, Vulcain, Sortilège et Fisc parviendront à réaliser de véritables tournées (huit (...)

12Hormis les concerts de Trust à la fin 1980, la France connaît une période de relative disette en matière de concerts et de festivals hard rock et heavy metal. Subitement, la France se trouve submergée par les sollicitations des groupes et de leurs tourneurs. Hard rock et heavy metal s'envisagent dès lors en tant qu'un phénomène de mode avec son corollaire : la rentabilité économique. Ainsi, la tendance s'inverse dès le deuxième semestre 1983. Whitesnake, Black Sabbath, Kiss, Motôrhead, ZZ Top, Def Leppard, Iron Maiden, MSG jouent à Paris et quelquefois en province. Dans le premier semestre 1984, ce sera au tour de Scorpions, Judas Priest, Rainbow, Blue Oÿster Cult, Status Quo, Rock Goddess, Tokyo Blade et Twisted Sister. La France devient une terre d'accueil pour les poids lourds de la musique hard rock et heavy metal. Cet engouement22 profite fort heureusement à certains groupes français qui parviennent à se produire dans le cadre de premières parties de groupes internationaux, voire à échafauder des tournées23.

  • 24 Dans les pays limitrophes essentiellement. Fisc a tenté, sans succès, une carrière américaine vers (...)

Bien que quelques-uns auront l'opportunité de se produire hors de l'Hexagone24, l'audience de la majorité d'entre eux reste confinée au territoire français.

  • 25 La première édition du festival date de 1980 et se tient à Donington près de Nottingham en Grande-B (...)
  • 26 En 1983, l'US Festival se tient pendant trois jours. Il est supposé présenter les meilleurs artiste (...)

13En ce début de décennie, les festivals abondent. Héritier de Woodstock dans sa version hard rock et heavy metal, le Monsters of Rock devient une véritable institution25 Son affiche exceptionnelle lui permet de toucher régulièrement de 80 à 100 000 personnes. Idem pour son pendant californien, l'US Festival26. En 1983, le mouvement festivalier prend de l'ampleur en Europe. Des festivals se tiennent successivement en Belgique (Heavy Sound Festival à Bruges le 21 mai), aux Pays-Bas (Festival Aardschock d'Eindhoven, le 25 juin), tandis que la Grande-Bretagne double la mise avec le Monsters of Rock du 20 août et le Reading Festival, les 26, 27 et 28 août. La France qui amorce son boom hard rock et heavy metal ne veut évidemment pas être en reste.

  • 27 Pour l'anecdote, Gérard Manvu, président de la FHMA (French Heavy Metal Association) et collaborate (...)
  • 28 Voir le courrier des lecteurs et l'éditorial d'Enfer Magazine, no 17, 1984. L'éditorial au vitriol (...)

14Le Sunrise Festival est annoncé à Mulhouse les 10 et 11 septembre 1983. L'affiche est de haut niveau : Black Sabbath, Blue Oyster Cult, Twisted Sister... mais le désastre est patent. Les conditions météo exécrables contraignent les organisateurs à annuler27. L'année suivante, les 29 et 30 août, se tient le Breaking Sound Festival au Bourget avec l'annonce d'une programmation particulièrement attractive (Ozzy Osbourne, Motley Crüe, Metallica, Accept, Dio, Whitesnake, Mercyful Fate, etc.). Cependant, cette fois encore, le festival vire au désastre. Le plateau d'artistes est modifié sans que les organisateurs ne prennent la peine d'en informer le public qui découvre sur place qu'une bonne partie des groupes pour lesquels il s'est déplacé sont absents. En outre, le public se retrouve captif du site du festival pendant deux jours, ce qui le contraint à consommer sur place des produits vendus à des prix exorbitants. Sans compter que la surprise annoncée, une jam de 24 musiciens n'a jamais pu se dérouler. Pour couronner le tout, le passage des groupes français ou de groupes produits par des labels français a été soumis au versement d'une contrepartie financière. La combinaison de ces éléments a constitué une source de frustration énorme, autant pour les amateurs de hard rock et de heavy metal que pour les musiciens, qui ont éprouvé le sentiment d'avoir été dupés28.

  • 29 Il est intéressant de noter ici que le Bol d'Or a toujours fait plus ou moins bon ménage avec le ha (...)

15Dans l'intervalle, des expériences plus ou moins réussies ont néanmoins abouti. L'effervescence de la scène musicale française donne lieu à l'organisation de manifestations à vocation intra-nationale, telles le Festival Radio Saintonge à Courcoury près de Saintes (17), le 20 août 83 (Vulcain, Stocks, Attentat Rock, Sortilège, etc.), le Festival Hard Français du 9 juin 1984 à Brétigny sur Orge (Fisc, High Power, Blasphème, Vulcain, Attentat Rock) réunissant plus de 2 000 personnes ou encore l'Endurock Festival de Cambrai le 21 avril 1985 (Attentat Rock, Blasphème, Satan Jokers, etc.) devant 800 personnes et le fameux France Festival de Choisy-le-Roi, déjà évoqué plus haut, qui sonne le glas d'une époque héroïque. Que Vulcain et Attentat Rock se produisent dans le cadre du Bol d'Or29 sur le circuit du Castellet le 7 septembre 1985 n'y change rien, le déclin du hard rock et du heavy metal français est engagé et se confirme définitivement le 13 juillet 1986, devant une poignée de fidèles, lors du Sun Festival de Bayonne (64) au cours duquel se produisent Dum Dum Bullet, Chariot, Joshua, Vulcain, Titan, ADX, etc. En fait, on assiste alors à l'agonie d'un monde musical. Les goûts se portent dorénavant sur des formes metal plus extrêmes. En effet, le 11 juin 1988, se tient le premier festival thrash français à l'espace Magnin à Paris avec Loudblast, Agressor, Witches, Butchers et Nomed, un événement marquant les prémisses d'une nouvelle ère. Dans un autre domaine, la presse spécialisée française, qui avait largement soutenu ces initiatives, commence elle aussi à accuser les premiers signes de faiblesse.

La presse spécialisée dans les années 80

  • 30 Curieusement, il faut attendre 1985 pour qu'un magazine spécialisé se positionne aux Etats-Unis. Il (...)
  • 31 Chronologie du tirage : numéro 2 : 60 000 exemplaires ; de 3 à 5 : 65 000 exemplaires ; numéros 6 à (...)

16La presse spécialisée hard rock et heavy metal naît en France et dans le reste du monde sous l'influence du magazine anglais Kerrang (créé en 1981). A sa tête, Geoff Barton, ancien journaliste du magazine Sounds, principal promoteur de la NWOBHM qu'il lance en publiant une compilation du même nom (mai 1979). Il s'écoule près de trois années avant que des émules ne fassent leur apparition dans d'autres pays. Les Pays-Bas emboîtent le pas avec le magazine Aardschock, Metallion s'impose au Canada, Heavy Rock en Espagne, Metal Hammer en Allemagne, tandis que la France voit arriver en avril 1983, Enfer Magazine, « le mensuel du hard rock »30 Son tirage s'élève alors à 40 000 exemplaires pour culminer à 100 000 exemplaires31 en avril 1987 à la fin de sa carrière. Son concurrent direct, Metal Attack, paraît en octobre 1983 (jusqu'en octobre 1985) dans des proportions sensiblement identiques.

  • 32 Pour une histoire de la presse musicale française et internationale, se reporter à Assayas, M. 2000 (...)
  • 33 Pour Robert Walser, le développement du heavy metal dans les années 70 est concomitant du développe (...)
  • 34 Enfer Magazine, no 2, 1983, p. 3.
  • 35 Enfer Magazine, no 4, 1983, p. 6.

17L'arrivée d'Enfer Magazine sur le marché de la presse musicale se veut une réaction à l'indifférence affichée par les titres comme Rock & Folk (1966) ou Best (1968)32 pour le hard rock et le heavy metal33. Volontiers dénonciateurs, les premiers éditoriaux cherchent à positionner le hard rock et ses amateurs comme les victimes d'une machination médiatique qui les marginaliserait intentionnellement : « les médias tiennent le hard à l'écart, pourquoi ? Je l'ignore, mais tout démontre que l'on cherche à étouffer cette musique34 », ou encore « si vous rencontrez des difficultés pour défendre le Hard, sachez qu'il en est de même pour nous, car Ils sont nombreux, ceux qui s'acharnent contre nous et nous mettent des bâtons dans les roues35 ».

  • 36 Enfer Magazine, no 3, 1983, p. 41.
  • 37 Enfer Magazine, no 4, 1983, p. 7.

18L'esprit qui s'en dégage est proche du fanzinat. L'enthousiasme compense une mise en page quelquefois approximative et des photos de qualité variable. Pendant sa première année d'existence, le magazine cherche à nourrir une réelle proximité entre lui et ses lecteurs en se positionnant sur plusieurs fronts en tant que leader d'opinion et représentant d'une génération. Son premier coup d'éclat est d'adresser une pétition au Ministre de la Communication, Georges Fillioud (sous le gouvernement Fabius), visant à obtenir la reconnaissance du hard rock dans les médias36 Dans un deuxième temps, les éditorialistes cherchent à fédérer les énergies dans la perspective d'aboutir à une organisation réticulaire susceptible d'élargir le monde du hard rock et du heavy metal : « Les remerciements, les félicitations, les critiques, les conseils sont nombreux, mais plus nombreuses encore, sont vos demandes pour développer le "hard", pour l'essor du mouvement. D'accord ! Mais un journal ça représente déjà beaucoup de travail. Vous nous dites : organisez un festival chez nous, ici où là... Venez chez nous, voir ceci ou cela... Faites ceci, faites cela... NON, LES MECS, ENFER A SERVI DE DETONATEUR. C'est nous qui vous demandons de vous regrouper et d'organiser des festivités, nous sommes là pour vous aider, pour vous parrainer, pour en faire une large publicité. Et au besoin, envoyez-nous des annonces, leur publication sera gratuite, si vous voulez sortir de l'anonymat pour créer des associations "hard". Alors dès votre prochain courrier, j'espère apprendre que vous vous organisez37. » A la lecture de ces propos, l'hymne de Sham 69 résonne subitement à nos oreilles : « If the kids are united ». Cette exhortation à l'initiative, au regroupement, à l'organisation, proche de l'esprit punk-hardcore du DIY ambitionne de produire un double effet. Tout d'abord de vilipender l'inertie, l'attentisme en mettant l'accent sur certaines carences organisationnelles, voire une propension au consumérisme.

Ensuite, la dynamique insufflée par Enfer Magazine doit permettre l'éclosion d'actions constructives et utiles au monde du hard rock et du heavy metal en France.

  • 38 Les principales structures professionnelles d'organisation de spectacles à cette période sont Album (...)
  • 39 Enfer Magazine, no 5, 1983, p. 5.

19Les retombées de ces prescriptions sont elles aussi doubles. Assimilées de manière constructive, elles se conforment aux ambitions affichées par Enfer Magazine. Ainsi, les petites annonces publiées dans les numéros faisant suite à ce fameux appel, attestent d'un certain nombre d'enchaînements positifs. Les projets fleurissent : création de fan-clubs, d'associations, d'émissions radio, organisation de concerts et de festivals38, de tremplins, etc. En revanche, mal digérées, ces prescriptions donnent lieu à des réinterprétations plus radicales. Par exemple, certains suggèrent l'organisation d'une manifestation devant aboutir à l'envahissement des studios de télévision. Propositions suffisamment inquiétantes pour conduire l'éditorialiste d'Enfer Magazine à tempérer certaines ardeurs : « n'oubliez pas que le Hard a pour réputation d'être synonyme de bordel, alors, prouvons le contraire !39 » Ce faisant, Enfer Magazine engage sa troisième croisade : mener une lutte pour obtenir la légitimité du hard rock et du heavy metal en adoptant une posture éthique. Cette dernière sera rapidement ébranlée au cours d'une émission télévisée qui fera grand bruit. En effet, l'émission Moi Je, diffusée sur A2 le soir du 22 septembre 1983, propose un reportage sur « la violence dans les écoles » mettant en scène deux adolescents amateurs de hard rock. Le sujet cherche à faire accréditer la thèse selon laquelle les amateurs de hard rock sont des voyous incontrôlables et dangereux. Ce discrédit soulève bien entendu l'indignation de nombre de lecteurs d'Enfer Magazine qui s'en ouvrent dans les pages qui leurs sont destinées. Ce qui conduit une fois encore l'éditorialiste du magazine à lancer des appels au calme et à la modération, de manière à contrebalancer par les faits, l'impact négatif d'un reportage de ce type.

  • 40 Ma propre expérience de spectateur de concerts et de festivals au cours de ces années me permet de (...)
  • 41 Enfer Magazine, no 8, 1983, p. 41-42. Une bande dessinée introduit l'article, p. 40.
  • 42 On trouvera encore un récit d'une violence subie dans le courrier des lecteurs d'Enfer Magazine, no(...)

20Si on ne peut la nier, la violence de certains amateurs de hard rock et de heavy metal semble avoir été largement surévaluée dans les années 8040. Si la violence reste un phénomène circonscrit à une poignée d'individus, le sujet reste néanmoins particulièrement sensible en ce début de décennie. Suffisamment en tout cas pour justifier de la rédaction d'un article de deux pages41, qui constitue un effort notable de moralisation et de guidance éthique. L'article évoque premièrement un concert lyonnais au cours duquel une trentaine d'individus proclamés « Prophètes de Satan » aurait terrorisé une foule de 1 500 personnes, puis, les agissements d'une bande de skinheads parisiens qui, après les concerts de Motörhead et de Kiss, ont dépouillé et brutalisé certains spectateurs dans le métro. A travers ces illustrations42, le « véritable » amateur de musique est présenté comme une victime potentielle pouvant subir la violence à l'intérieur de son groupe d'appartenance, tout comme en dehors de celui-ci. Constat d'impuissance circonscrit à la dénonciation de ces agissements et à l'incitation d'une autodéfense organisée. Le débat se clôt par la sentence suivante : « le hard ne doit avoir de violent que sa musique. »

  • 43 Enfer Magazine, no 9, 1984, p. 2.
  • 44 Les éditoriaux disparaîtront définitivement à partir du no 35 d'avril 86.
  • 45 Hugues, E. C. 1996. Le regard sociologique. Paris : EHESS, p. 155-156.

21La première année de travail d'Enfer Magazine a donc largement débordé du cadre strictement musical traditionnellement assigné à la presse rock. L'ouverture de chantiers à vocation culturelle, s'ils sont parfois empreints d'une certaine naïveté, n'en traduisent pas moins la volonté de considérer le hard rock et le heavy metal dans une globalité, visant à sublimer les frustrations des amateurs de ces musiques pour accéder au final, à une forme de reconnaissance culturelle. Si cette détermination se mesure par des propos qui envisagent l'année 1984 comme « celle de l'entretien, de l'assainissement, de l'évolution, de l'agrandissement, de la crédibilité43 », il apparaît néanmoins qu'en raison d'une instabilité chronique des journalistes et de certains problèmes financiers, le magazine cherche à se professionnaliser davantage et opère une transition dès le numéro 16 du mois de septembre 1984. Les premiers indices de cette mutation s'observent par la présence dominante de photographies au détriment du texte, un éditorial consensuel et l'apparition de publicité pour des produits non musicaux. Dès le numéro 19, l'équipe de rédaction s'étoffe d'un directeur artistique et de correspondants étrangers. Editoriaux44 et courriers des lecteurs se recentrent entièrement sur la musique et délaissent définitivement les questions culturelles périphériques. Enfer Magazine devient un titre de la presse rock parmi d'autres, rejoignant ainsi l'observation d'Everett Hugues, selon laquelle, avec le temps, certaines institutions se rapprochent « des modèles auxquels elles s'opposaient et dont elle s'étaient écartées. Les modèles institutionnels établis sont des pièges dans lesquels même les meilleures entreprises issues d'un mouvement de protestation peuvent tomber45 ». Alors que son confrère Metal Attack ne parvient pas à surmonter la tourmente de l'année 1985, Enfer Magazine résiste jusqu'à son cinquième anniversaire en avril 1987 après avoir édité 47 numéros. De mai à octobre 1988, d'anciens membres « dissidents » de l'équipe de rédaction d'Enfer Magazine éditent le magazine gratuit Support. Un an plus tard, la même équipe tente d'imposer le mensuel Line Up. Une expérience qui s'achève après la publication de douze numéros en octobre 1990. Entretemps, Hard Rock Magazine s'est positionné sur le marché depuis septembre 1984. Tout comme Hard Force Magazine qui paraît pour la première fois en novembre 1985. Et en 1989, c'est l'édition française du magazine allemand Metal Hammer qui s'engage à son tour dans l'aventure.

Malgré des conditions difficiles, le marché de la presse hard rock et heavy metal semble suffisamment florissant pour que des individus ou des groupes de presse s'y engagent. Le monde du metal semble être traversé par un second souffle.

Groupes, labels et maisons de disques dans les années 90

  • 46 Courant 1990, le label Jungle Hop édite la compilation Total virulence présentant huit groupes fran (...)

22La seconde moitié des années 80 est une hécatombe pour les groupes français nés pendant l'âge d'or. Pour leurs labels également. Ce dépérissement voit cependant éclore une nouvelle vague de formations cherchant à se démarquer très nettement de leurs prédécesseurs pour produire du thrash et du death metal qui figurent alors parmi les genres émergents dans l'Hexagone. C'est ainsi qu'apparaissent les premières productions de groupes tels qu'Agressor (1987), Loudblast et Massacra (1989), No Return (1990), Crusher et Mercyless (1992)46. Dans un registre plus industriel, on voit également Treponem Pal faire ses premières armes dès 1989. Quant au hard rock et au heavy metal plus traditionnel, ils sont alors incarnés par Squealer (1987), Tipsy Wit et Blackwhite (1991).

  • 47 Pour un historique du label et sa politique, lire l'interview donnée par Digby Pearson dans Metal H (...)

23A l'étranger, les labels proposant des formes de metal plus radicales sont à pied d'œuvre depuis la seconde moitié des années 80. Parmi les précurseurs, on peut citer les allemands Noise Records (heavy speed européen et black metal) et son écurie composée de Running Wild, Helloween et Celtic Frost ; Nuclear Blast (death metal, musiques extrêmes : Benediction, Children of Bodom) ; Steamhammer (Destruction, Sodom) et Century Media (Morgoth, Grave, Samael). Le label anglais Earache se distingue tout particulièrement dès 198647 en intronisant le grind, tandis que Peaceville s'oriente vers le doom death avec Paradise Lost, My Dying Bride et Anathema. Aux Etats-Unis ce sont des labels tels que Roadrunner (Deicide, Sepultura, Obituary) et Relapse (Suffocation, Repulsion, Disrupt) qui tentent de se positionner comme leaders du marché.

  • 48 Pour accueillir Hoax et le distinguer du reste de son écurie, Musidisc a créé la sous-division Brut (...)

24Les labels français ayant été grandement décimés, certaines formations sont à nouveau contraintes de se tourner vers l'étranger pour pouvoir y publier leurs disques. Agressor et Massacra se tournent vers l'Allemagne (respectivement Noise et Shark Records). Treponem Pal et Cut The Navel String publient leurs premiers disques sur la division française de la maison de disques transnationale Roadrunner tandis que le label et distributeur belge, Play It Again Sam (PIAS), offre ses services à Supuration. Les autres sont provisoirement absorbés par Fnac Music, qui, jusqu'en 1994, détient le quasi monopole de la production metal hexagonale avec sa division Semetery Records qui compte dans son catalogue : Loudblast, Crusher, Mercyless (qui rejoindra Century Media), No Return, Kill the Thrill, Madhouse, Tipsy Wit, etc. De son côté, Hoax, suite à une série de déboires avec son premier label Musidisc48 (sur lequel on trouve le groupe de hard rock mélodique Blackwhite), passe chez Boucherie Productions. Ce dernier crée dans le même élan une branche metal, nommée Abatrash qui accueille le groupe Witches. Rare groupe a être signé sur une major (Vogue), Squealer fait parler de lui jusqu'en 1992 après avoir publié quatre albums. Si la notoriété d'un groupe se mesure en partie à sa présence dans la presse spécialisée nationale, il faut reconnaître qu'hormis ces quelques groupes, la production discographique des formations françaises reste confinée dans les colonnes réservées aux démos. Même s'ils privilégient désormais la langue anglaise, dans l'ensemble, les groupes français semblent éprouver quelques difficultés à rivaliser avec les productions étrangères et plus encore, à s'exporter hors du territoire.

25En 1994, le courant crossover metal est à son apogée. La France se voit submergée par les vagues No One Is Innocent, puis Lofofora et ensuite Silmarils. Tous trois sont en contrat avec des subdivisions de majors. Island (Polygram) pour le premier, Hostile (Virgin) pour le second et Eastwest (Warner) pour le troisième. La particularité de ces groupes tient à ce qu'ils chantent en français. De plus, pour les deux premiers au moins, leurs textes sont vigoureusement critiques à l'égard d'une société qu'ils jugent déliquescente. Ils renouent ainsi avec une tradition initiée par Trust et rencontrent un succès populaire considérable. Postuler l'existence d'un lien entre emploi de la langue française et reconnaissance publique hexagonale n'est probablement pas une hypothèse farfelue. Ce qui signifie que l'exception culturelle française est également valable dans le registre du metal. Toutefois, ces exemples de réussite sont à mettre en correspondance avec deux autres facteurs. Tout d'abord, une conjoncture musicale favorable et ensuite, le soutien de majors enfin capables d'imposer des artistes en orchestrant des campagnes de promotion efficaces. La remarquable ascension médiatique de Mass Hysteria, et à sa suite de groupes comme Watcha et autres Pleymo, surfant sur la déferlante néo-metal de la fin des années 90 confirme en tout point cette équation. Mais on peut également trouver des contre-exemples tels le groupe Proton Burst, qui, dans un registre relativement brutal et inclassable, avec des textes en français pourtant, n'a jamais atteint qu'un modeste succès d'estime pour l'adaptation très originale de la bande dessinée La Nuit de Philippe Druillet, publiée par le distributeur et label indépendant WMD.

Quoiqu'il en soit, les groupes metal français les plus représentatifs de la première moitié des années 90 s'inscrivent au sein de trois tendances musicales. Deux disques vont en rendre compte : la compilation Brutale génération (1995, Semetery/WMD) qui passe en revue trente-deux groupes metal extrême français et la compilation Hostile (1995, Virgin) qui propose quant à elle, un panorama de douze groupes crossover et hardcore hexagonaux.

26Les années 90 sont une nouvelle période de prolifération des labels musicaux. A tel point qu'on peut parler d'explosion démographique à leur sujet, puisqu'au début des années 2000, on dénombre près d'une quarantaine de labels indépendants français. Par ailleurs, quatre maisons de disques étrangères (Roadrunner, Earache, Century Media et Nuclear Blast) disposent de bureaux à Paris sans compter que les majors accueillent elles aussi des groupes metal. Les tailles de ces labels sont bien entendu variables. Le petit label débutant, géré par un ou deux passionnés, y côtoie les équipes salariées d'une dizaine de personnes. Il est intéressant de noter que ces labels interviennent le plus souvent sur des genres musicaux particuliers. La moitié d'entre eux opère dans le metal extrême tandis que l'autre moitié est plus segmentée (heavy metal traditionnel, symphonic metal, harcore metal, metal progressif, stoner, etc.). Les labels français les plus représentatifs sont délibérément tournés vers les groupes étrangers.

27Parmi ces nouveaux pionniers, il faut retenir Osmose Productions qui se positionne, dès avril 1991, comme une référence incontournable en matière de black metal. Réalisant 95 % de son chiffre d'affaire à l'étranger, le label est un modèle de réussite, dont l'exemple le plus éloquent est probablement l'implantation d'une filiale aux Etats-Unis. Le label a construit sa réputation en dénichant et en accompagnant des groupes majeurs du black metal, tels Immortal, Impaled Nazarene, Blasphemy, Marduk, etc., ou encore des groupes français tels Seth, Anorexia Nervosa ou Arkhon Infaustus.

28Adipocere Records lui emboîte le pas en juin 1992. Œuvrant dans un registre musical voisin, le label accompagne lui aussi un certain nombre de formations dont la carrière ira en s'épanouissant : Moonspell et Bethlehem pour les groupes étrangers, Carcariass et Your Shapeless Beauty pour les groupes français. Mais, plus que la production, la structure développe surtout des activités liées à la distribution du metal extrême, notamment par le biais d'un imposant catalogue de vente par correspondance. Holy Records entreprend une démarche similaire concernant la distribution dès septembre de la même année et produit parallèlement un certain nombre de formations évoluant dans un metal certes extrême, mais intégrant une dimension avant-gardiste tels Misanthrope, S.U.P, Argile pour les références françaises et Septic Flesh, Nightfall, Godsend pour les groupes étrangers.

29Fin 1994, de manière plus confidentielle, Brennus Music renoue avec le heavy metal traditionnel et le heavy metal mélodique et progressif français en rééditant notamment les albums d'une quantité de groupes des années 80 comme Blasphème, Attentat Rock, High Power, Squealer ou Killers (dont la carrière n'est toujours pas achevée). Mais surtout, le label accorde une large place aux groupes hexagonaux en activité : Headline, Manigance, Moonstone, Seyminhol, Nazca, etc. Le succès de l'opération, redevable d'un retour en grâce du metal traditionnel a conduit le label à élargir son horizon par l'intégration de groupes étrangers dans son écurie. Autre retour marquant, celui du label historique Axe Killer, qui, après avoir cessé ses activités à la fin des années 80, se remet aux affaires en 1997 en rééditant à son tour les albums de formations issues des glorieuses eighties : Sortilège, H Bomb, Satan Jokers, Fisc, Ocean ou Warning pour les groupes nationaux, mais également certains albums devenus introuvables de groupes étrangers tels que Anvil, Dark Angel, Whitesnake ou Saxon, etc. Par ailleurs, Axe Killer s'est également lancé dans la production du groupe de hard rock américain Nashville Pussy.

30La seconde moitié des années 90 se montre particulièrement favorable à l'émergence de nouveaux labels hexagonaux accordant par ailleurs souvent une large place aux groupes français. On voit apparaître Overcome Records, label orienté hardcore metal et proposant des groupes tels Ananda ou Inside Conflict pour le catalogue national, Indecision ou Nostromo pour l'international. Egalement distributeur, Overcome élargi actuellement son catalogue aux disques stoner et sludge. NTS s'impose comme la référence en matière de metal symphonique et progressif avec les groupes français Manigance ou Headline, ou les formations étrangères telles Vanden Plas, Symphony X, Shaman, Hammerfall, etc. Le label Metal XIII, division de XIII Bis Records travaille quant à lui avec Nightmare, Vulcain, Dyslesia pour ce qui concerne la France, et Rammstein ou Nightwish pour ce qui relève de l'international. Il a également réédité certains albums d'ADX et de Vulcain. Thundering Records, division metal du distributeur Muséa, évolue quant à lui dans une mouvance death, thrash et metal progressif, recrutant exclusivement dans l'Hexagone : Elvaron, Kristendom, Broken Edge, Alpha-Project, etc.

  • 49 Les liens entre labels et distributeurs ne sont pas toujours très stables. Les informations fournie (...)

31Il est remarquable de constater qu'énormément de labels oeuvrent dans le metal extrême. Beaucoup d'entre eux sont de petites structures s'appuyant sur un réseau de distribution spécialisé tel celui d'Adipocere Records49. C'est le cas pour Deadsun Records (brutal death : Gurkkhas, Lex Talionis, Edicius, Recueil Morbide), Warpath Records (brutal death : Depraved, Kronos, Hypokras), Oaken Shield (black metal : Nehëmah, Blut Aus Nord, Mystic Forest). D'autres travaillent en relation avec des distributeurs généralistes, tels Listenable Records (death, thrash : Scarve, Centurian, Vile, Immolation, Soilwork) avec M10, Kodiak Records (thrash-death, électro metal : No Return, Carnival In Coal, CNK) avec Socadisc, tandis que les labels Season of Mist (black, death, gothic, électro metal : Penumbra, Diabolic, Deströyer 666), Bones Brigade (grind, death metal : Blockheads, Drowning, Gronibard, Aborted) et Water Dragon Records (stoner, doom : produisant des compilations et des groupes essentiellement Scandinaves, tels que Sparzanza, Honcho et Rite), édifient à leur tour, leur propre catalogue de distribution. Quantité d'autres labels, au catalogue moins fourni, tels Sekhmet Records, Sacral Productions, Criminal Records, Infernal Waves Productions, Ordealis, Drakkar Productions, Mono-Emotional Records, etc., fonctionnent sur le mode de l'autodistribution, soit par contrainte, soit par choix.

32Notons rapidement pour finir que le Club Dial et Francis Zégut ont édité courant 1997 une anthologie en douze volumes intitulée, La saga du metal, répertoriant les genres metal par grandes familles, chaque volume comprenant un CD systématiquement accompagné d'un livret de 28 pages.

Concerts et festivals dans les années 90

33Dans les années 90 comme auparavant, la programmation de concerts est toujours tributaire de la volonté d'organisateurs locaux (eux-mêmes subordonnés à l'obtention de salles de concerts) et de tourneurs susceptibles de leur proposer des artistes. En fonction de cette équation, les régions sont donc plus ou moins bien desservies. Si Paris s'en sort souvent le mieux, certaines villes de province n'hésitent cependant pas à se positionner sur le créneau lorsque cela est possible. Selon l'importance des groupes, et donc de leurs exigences financières, les organisateurs ne sont pas toujours assurés de la rentabilité de certains concerts, ce qui les rend quelquefois hésitants. Les risques sont moindres dans les grandes villes qui concentrent un potentiel plus important du public. Ainsi, les tournées françaises de groupes étrangers se résument bien souvent à une ou deux dates isolées, à Paris ou en province. C'est à des indicateurs de ce type que l'on perçoit précisément que le metal n'est plus un genre musical dominant en France. En effet, pour une date effectuée en France, le même groupe en effectue souvent une dizaine ou une quinzaine en Allemagne, en Italie ou en Scandinavie. Pire, quelquefois, la France est réduite à n'être plus qu'un pays de transit vers l'Espagne ou le Portugal. Les propos que j'ai pu recueillir de la bouche de certains responsables d'agences de management étrangers, notamment néerlandais, laissent entendre clairement que la France est le pays européen comptant parmi les plus difficiles à pénétrer pour qui veut y placer des groupes en tournée. Il n'empêche que le dynamisme de certaines associations d'organisation de concerts : Hammer of Gones et Music Division à Lyon (69), Decibels Storm à La Seyne sur Mer (83), 50ème Parallèle à Hirson (02), Metal Territory à Belfort (90), Underground Investigation à Fismes (51), 3-Crosses Prod's à Bordeaux (33), Triangle à Sarlat (24), New-Symphony à Eloyes (88), la MJC de St Paul Trois Chateaux (26), certains clubs Hard Rock disséminés sur le territoire, etc., et le travail de programmation volontariste de certains lieux de spectacles tels que La Laiterie à Strasbourg, La Nef à Angoulème, le Fuzz'Yon à la Roche sur Yon, le Koslow à Bordeaux, etc., contribuent à faire exister le metal en tant qu'une musique vivante.

  • 50 Ces festivals se tiennent souvent pendant deux à trois jours. En moyenne, quarante à quatre-vingt f (...)

34Le plus important festival de hard rock et de heavy metal ayant eu lieu en France est le Monsters of Rock, qui, après trois éditions, a cessé de s'y produire en 1991. Alors que dans certains pays européens, quelques festivals sont devenus de véritables institutions – à l'image des Dynamo Open Air à Eindhoven (p-b), Wacken Open Air à Hambourg et Bang Your Head à Balingen (all), Graspop Metal Meeting à Dessel (bel), Sweden Rock Festival à Norje Havsbad (suè), accueillant chaque année entre 20 et 30 000 spectateurs50 – la France offre des festivals souvent plus éphémères, plus épisodiques et nettement moins fréquentés. Pour l'histoire, citons certaines éditions des Etats généraux du rock de Montpellier (34). Celle du 7 mars 1992 tout d'abord avec Napalm Death, No Return et Catacomb, puis celle du 28 février 1993 qui a reçu Bolt Thrower, Vader, Grave, Loudblast et Crusher. Le 14 juin 1994 s'est tenu à Limoges (87) le festival Megafolies. Loudblast, Treponem Pal, Napalm Death, Waltari, GBH, Coroner, Entombed et Hoax s'y sont produit devant... 3 000 personnes. De quoi refroidir les plus courageux des organisateurs. Malgré tout, certains festivals français aux ambitions plus modestes parviennent à se pérenniser. C'est le cas du Nuclear Festival (huitième édition) ayant lieu à St Paul Trois Chateaux dans la Drôme provençale (26), du Rotonde Festival (septième édition) de Hirson (02), du Raismefest (sixième édition) à Raismes (59), du festival Horizons Rock de Sarlat (24) ou encore du Hardcore Fury Fest de Nantes (44) qui entament chacun leur troisième édition cette année. En terme d'affluence cependant, pas de quoi rivaliser avec les imposantes institutions festivalières européennes, même lorsque les affiches proposées sont de qualité.

35Il faut également évoquer les quelques festivals itinérants ayant silloné la France. Parmi eux, en janvier 92, le Monsters Of Death avec les groupes Massacre, Morgoth, Loudblast et Immolation, puis, en novembre 93, la tournée européenne du label Century Media (Century Media Invasion) comprenant Mercyless, Morgoth, Unleashed, Samael et Tiamat. Cette formule du festival itinérant connaît actuellement un certain succès, notamment dans le monde du metal extrème. Plusieurs manifestations de ce type traversent l'Europe depuis quelques temps. En organisant le déplacement collectif d'une dizaine de formations, labels et agences de tourneurs parviennent à réduire considérablement les frais qu'occasionnent les tournées de leurs artistes. Nous avons ainsi pu assister en septembre 2001 à la tournée Tatoo The Planet (avec Slayer, Cradle Of Filth, Static X et Biohazard, auxquels se sont joints les français Pleymo, Artsonic, X Syndicate et Mass Hysteria), au Destroy Festival en novembre 2002 (avec Deicide, Behemoth, Destroyer 666, etc.), au X-Mas Festival en décembre de la même année (avec Six Feet Under, Marduk, Hate Eternal, etc.) puis au No Mercy Festival en avril 2003 (avec Testament, Death Angel, Nuclear Assault, etc.), sans oublier, un mois plus tard, le festival itinérant Hammerheart Records, intitulé Generation Armageddon Festival. Dans le périmètre du territoire français, le collectif Sriracha Sauce (booking et management) reconduit chaque année, depuis octobre 2000, une nouvelle édition du Sriracha Tour, à laquelle ont participé Black Bomb A, Watcha, Lofofora, Oneyed Jack, Boost et Tripod. Sur le même mode, le label Holy Records organise également avec plus ou moins de régularité un festival dédié à la promotion de ses artistes. De son côté, Steeve Petit du groupe No Return a organisé au cours du printemps 2002, le Machinery Tour, une tournée de six dates en France et en Suisse à laquelle il a convié ses compatriotes Scarve, les suisses Rain et les allemands Dew Scented.

La presse spécialisée dans les années 90

36Des trois magazines nés dans la première moitié des années 80, seul Hard Rock Magazine subsiste encore aujourd'hui. La publication de Hard Force a été stoppée une première fois en 1991, avant de reprendre en 1995 jusqu'en 1999. La fin des années 80 voit un certain nombre de titres de presse étrangers tenter une implantation en France. L'allemand Metal Hammer et ses émanations (Thrash Attack, Noise of the nineties), et le britannique Rock Power sont de ceux-là. Privilégiant la traduction et travaillant avec des équipes de rédaction françaises réduites, ces titres disparaissent assez rapidement dans la première moitié des années 90. Toutefois, c'est le terme d'effervescence qui caractérise probablement le mieux la situation de la presse metal en France en ce début de décennie. Les titres se multiplient, tentant de grignoter les parts d'un marché exigu avec des fortunes diverses comme on va le voir.

37En novembre 1993, l'ancienne équipe de rédaction française du mensuel Metal Hammer s'étoffe et lance brièvement Metal Attitude, avant de démarrer un an plus tard, sans plus de succès, l'expérience Hard Mag (premier magazine de metal à paraître tous les quinze jours). De son côté, en 1991, à la suite de l'expérience Support (1988), la Fnac se lance dans la presse metal gratuite avec son bimestriel Planète Hard. Mouvement suivi en 1992, par le label et distributeur WMD au travers de son mensuel Power Music Mag, et en 1995 par l'éphémère magazine grenoblois Kult. Juin 1993 voit paraître le bimensuel Rage (Revue assourdissante de la génération électrique) dont le projet vise à traiter des musiques violentes et contestataires. En mars 1994, paraît Hard N'Heavy, dont la ligne éditoriale, outre le traitement de l'actualité internationale du metal, cherche à mener un travail historique en publiant des fiches biographiques détachables portant sur un certain nombre de groupes.

38Si l'ensemble de ces magazines présentent un caractère généraliste et portent un intérêt à la musique metal au sens large, d'autres se positionnent sur des segments particuliers à l'image de certains fanzines. Metallian en constitue un bon exemple, puisqu'il se positionne depuis novembre 1991 sur le créneau du metal extrême (thrash, black, death...). D'autres, comme Elegy depuis fin octobre 1998 et D-Side depuis novembre 2000, évoluent quant à eux, dans un registre gothique, mais sans se cantonner strictement à la musique metal.

  • 51 La numéro hors-série de mai-juin 2002 de Guitar Part est entièrement consacré au Metal par exemple.

39A l'instar de la musique metal en elle-même, ses outils de célébrations subissent d'incessantes mutations et fragmentations. Bon nombre de titres apparus au cours des années 90 ont aujourd'hui disparus. Seuls Hard Rock Magazine, Metallian, Hard N'Heavy et le récent Rock Hard (juin 2001) paraissent régulièrement. Total Addict est quant à lui un nouveau venu (septembre 2002) qui tente de se positionner sur le créneau bimensuel. Si cette configuration sera probablement bouleversée dans les mois ou années à venir, elle n'en atteste pas moins de la formidable vitalité de ce genre musical. S'il semble évident que des magazines pour musiciens tels que Guitar Part51, Guitarist ou Drummer s'intéressent aux parcours et à la technique de certains artistes du metal, il est plus surprenant de constater que même la presse rock généraliste, longtemps réfractaire au metal, s'ouvre au genre, à l'image du plus ancien des mensuels rock français : Rock'n'Folk (1966), qui produit un dossier metal de vingt-cinq pages dans l'édition de février 2002 (no 414).

  • 52 On peut citer Odym'étal à Neuvilly en Argonne (55), Fœdus Aeturnus à Florange (57), Le Bestiaire (5 (...)
  • 53 Parmi d'autres, on peut citer Violent Solutions, Infernal Waves, Psycotic S.T., The power of steel, (...)

40A une autre échelle, les fanzines52 et plus récemment les webzines53, sont des relais d'information particulièrement vivaces en France et constituent un mode de traitement complémentaire de l'actualité ignorée dans les magazines à diffusion nationale. La lecture des petites annonces de n'importe quel magazine metal suffit à se convaincre de leur importance numérique. A titre d'exemple, la région lorraine compte actuellement une dizaine de fanzines metal en activité.

Radio et télévision

  • 54 Au point qu'en 1985, Bernett Records coéditera avec WRTL une compilation Wango Tango sur laquelle i (...)

41Wango Tango est la première émission de hard rock diffusée sur les grandes ondes nationales (WRTL). Elle démarre en janvier 1981 et se tient le vendredi soir entre 23 heures et minuit et le dimanche entre 22h30 et minuit. Outre une programmation musicale inédite, l'émission présente la particularité d'être animée par Tonton Zégut (Francis Zégut) dans un style particulièrement décapant, puisque articulé sur un rôle de « super-beauf » hurleur, débutant invariablement son émission par un tonitruant « Salut à vous, bande de p'tites graisseuses, bande de p'tits graisseux ! » Seul média du genre à occuper ce créneau sur un plan national en ce début de décennie, le succès est immédiat54.

  • 55 Le phénomène sera cependant de courte durée, puisque comme l'explique Gérôme Guibert, « en 1984, la (...)

42A l'échelle locale, la « libération » de la bande FM, suite à la loi du 9 novembre 1981, contribue elle aussi à remodeler le paysage radiophonique français à la faveur des passionnés du hard rock et du heavy metal55. Le Bassin parisien voit apparaître l'émission « Prohibition » sur Radio 7 animée par Jeff que l'on entendra plus tard dans l'émission « Perfecto » sur la station Poste Parisien. Radio Mouvance présente une à deux émissions metal par jour tandis que Radio Paname, exclusivement dédiée au hard rock, animée par Gérard Manvu, collaborateur d'Enfer Magazine et président de la FHMA (French Heavy Metal Association), retourne à la clandestinité après avoir perdu son autorisation d'émettre au cours du mois d'août 1983.

  • 56 Paru dans les numéros 5, 6 et 7.

Ceci occasionne une mobilisation par voie de pétition adressée au Ministre de la Communication, qui reste cependant lettre morte. En Province, un recensement effectué par Enfer Magazine en 198356, fait état d'une soixantaine de radios associatives comptant une ou plusieurs émissions dédiées au hard rock en leur sein.

  • 57 Hormis dans le cas d'une mode, comme ont pu l'être les années grunge courant 92-94 sous l'effet Nir (...)
  • 58 D'angelo, M. 1997. Socio-économie de la musique en France. Diagnostic d'un système vulnérable. Pari (...)

43Courant 1985, l'association « Les messagers de l'enfer » cherche à fédérer les émissions de hard rock et de heavy metal de la bande FM parisienne, avant d'envisager d'étendre son action au niveau national, ce qui marquera le terme de l'entreprise à la fin des années 80. L'émission Wango Tango est quant à elle déprogrammée en 1990. Les formes les plus contemporaines du hard rock et du heavy metal s'étant considérablement radicalisées, leur public s'étant fragmenté et les exigences commerciales des radios s'étant accrues, les chances de diffusion sur les ondes nationales sont devenues chimériques57. D'autant plus que d'autres genres musicaux comme le rap, la techno ou les musiques dites « du monde », occupent aujourd'hui des parts de marché nettement plus rentables. La musique hard rock et heavy metal se retrouve donc, pour l'essentiel, diffusée exclusivement sur des radios associatives, dont le nombre a « fortement diminué par rapport à la période euphorique du milieu des années quatre-vingt » comme nous le rappelle Mario d'Angelo, qui ajoute que « la part prépondérante de l'offre [radiophonique] est à présent assurée par des radios commerciales locales, qu'elles soient indépendantes ou affiliées à un réseau national58 ».

  • 59 Bigot, Y. 2000. Télévision. In Assayas, M. Dictionnaire du rock. Paris : Robert Laffont, p. 1932-38 (...)
  • 60 Enfer Magazine, no 10, 1983, p. 8.

44Dès le début des années 80, la télévision constitue un enjeu majeur pour les amateurs de hard rock et de heavy metal. L'obtention d'une émission de télévision dédiée à ces genres est une revendication récurrente effectuée par le truchement d'Enfer Magazine et de la FHMA sous la forme de billets d'humeur et d'une pétition adressée au Ministre de la Communication courant 1983. L'impact de cette action reste aujourd'hui difficile à évaluer. Enfer Magazine n'en a jamais réellement fait état dans ses colonnes, ce qui donne à penser que la récolte de signatures a été plutôt maigre. Quoiqu'il en soit, les faits indiquent que le phénomène hard et metal, s'il ne bénéficie d'aucun traitement de faveur en France, n'est pas non plus totalement ignoré dans un paysage télévisuel qui se caractérise essentiellement par la discontinuité de ses émissions rock59. Historiquement, c'est l'émission « Pop 2 » (1970-74), présentée par Patrick Blanc-Francard, qui est la première à diffuser un peu de hard rock à la télévision française, notamment le concert de Deep Purple au Bataclan et une émission consacrée aux Variations. Puis, dès 1978, c'est au tour d'Antoine de Caunes, dans son émission « Chorus » sur Antenne 2 qui diffuse, entre autres, Ganafoul ou Motörhead en live. En 1982, sur la même chaîne, Pierre Lescure crée « Les enfants du rock » qui se maintient à l'antenne jusqu'en 1988. Encore une fois, l'année 1983 marque le départ d'une prise en considération plus importante du hard rock et du heavy metal dans les médias. TF1 lance par alternance l'émission « La friture dans les lunettes », au cours de laquelle on peut voir par exemple un clip de Sortilège (diffusé le 13 avril 1983). Puis, le 30 juillet 1983, la même chaîne programme l'émission « 22 V'la le Rock » (produite par Jean-Bernard Hebey), entièrement consacrée au hard rock. Présentée par l'incontournable Francis « Tonton » Zégut, elle ravit les spectateurs. Ce ne sera pas le cas du « Spécial hard rock », conçu par l'équipe des « Enfants du rock », diffusé le 11 février 1984. La déception engendrée par l'émission, conduit le directeur de la rédaction d'Enfer Magazine à se fendre d'une lettre ouverte à l'animateur de la soirée, Philippe Manœuvre60. Le 18 août de la même année, « Les enfants du rock » rectifient le tir en diffusant un nouveau numéro spécial mêlant un certain nombre de clips et d'extraits de concerts représentatifs cette fois-ci. En 1984 toujours, l'émission les « Tympans fêlés », présentée par l'ex-animateur de Radio 7, Jean-François Bouquet, fait une apparition éphémère les vendredis soir sur TF1, tandis que le 11 juillet de la même année, FR3, retransmet des extraits de l'US Festival (Quiet Riot, Ozzy Osbourne, Judas Priest, Scorpions, Van Halen, etc.). Au niveau régional, le public du Grand Est a eu la chance de voir à plusieurs reprises quelques groupes de hard rock dans l'émission « Chewing Rock » de George Lang sur RTL Télévision (les samedis après-midi). Plus à l'Ouest, l'émission « Perfecto » diffusée sur FR3 Bretagne-Pays-de-Loire, animée par Albert Choisnet diffusait quant à elle, selon leur actualité, des groupes metal locaux tels Squealer ou Fools. Ces exemples ne sont probablement pas uniques.

  • 61 MTV, première chaîne musicale au monde, naît aux Etats-Unis en août 1981. Fin 1988, elle crée une é (...)
  • 62 Iggy Pop l'avait également été le 7 janvier 1985.
  • 63 L'émission se tient chaque mercredi à 22 h 45 et dure deux heures.
  • 64 On notera par ailleurs que les régions frontalières avec l'Allemagne ont la chance de capter la cha (...)

45Pour Enfer Magazine, le bilan télévisuel de l'année 1984 paraît satisfaisant au point de justifier la rédaction d'un éditorial estimant que sa contribution avait permis une prise en compte accrue du phénomène hard rock et heavy metal dans les médias. Il est certain que les émissions rock continuent alors de se multiplier. Le 1er février 1985, FR3 lance « Décibels de nuit » présentée par Jan Lou Janeir, rare magazine télévisuel à porter un regard sur la scène nationale. En août 1986, devançant le « Headbanger's Ball » de MTV61, TV6 lance l'émission « Metal 6 », présentée par Francis Zégut, le dimanche entre 19 et 20 heures. Il s'agit de la première série d'émissions télé exclusivement consacrée au hard rock et au heavy metal. Le 6 décembre 1986, « Les enfants du rock », consacrent l'émission entière à Iron Maiden. Plus curieux, en mars 1987, Lemmy Kilminster, le célèbre bassiste-chanteur de Motörhead, est l'invité du journal de 13 heures sur TF162. Yves Mourousi y déploie une affiche du nouvel album Orgasmatron, tandis que Marie-Laure Augry, arbore un t-shirt du groupe. En 1988, M6 consacre une partie de sa programmation nocturne à des clips vidéo (« Bonsoir les clips »). Sur la même chaîne, dès 1992, « Metal Express » de Laurence Romance, accompagne la déferlante grunge les dimanches entre 23 h 30 et minuit. Sur Ca nal+, l'émission « Nulle part ailleurs » accueille quant à elle les prestations live de certains groupes metal (AC/DC, Metallica, Sepultura, Treponem Pal, Marilyn Manson, Dimmu Borgir, etc.), tandis qu'il arrive que l'émission « Le plein de super » diffuse quelques clips metal. Actuellement, seul Arte semble encore s'intéresser à l'actualité du metal sur le réseau hertzien, notamment au travers du magazine « Tracks » diffusé chaque vendredi soir. Au-delà d'un simple sujet de quelques minutes, il arrive que la chaîne diffuse des documentaires consacrés au metal. On se souvient par exemple de la soirée thématique dédiée au heavy metal le 12 novembre 1996. En tout état de cause, le terrain musical metal est surtout laissé à la discrétion des chaînes du câble telles que MCM, qui en 94 diffusait l'émission « Blah Blah Metal » animée par Zégut et qui aujourd'hui propose l'émission « Ultra Metal63 » Quant à Canal Jimmy, la chaîne persiste à revisiter de temps à autre la biographie du hard rock et du heavy metal en diffusant des documents à valeur historique sur le sujet (concerts, interviews, etc.), voire à organiser des rencontres de spécialistes orchestrées par Philippe Manœuvre dans le cadre du « Rock Press Club », telle celle qui s'est tenue le 24 janvier 200164.

46La nature de l'œuvre musicale metal a toujours largement prévalu sur le discours de l'artiste. Lorsqu'elle s'exerce, la parole reste cantonnée de manière presque exclusive à la presse écrite. A la télévision, c'est le son et l'image qui fondent le discours. Plus rarement les mots. Difficile à ce titre d'éviter la caricature, renforcée par des personnages de dessins animés tels que Beavis et Butt-head, les deux « zéros » de MTV, censés incarner les fans de metal. Sous une avalanche de stéréotypes, ils font passer les amateurs de ces genres musicaux pour des écervelés machistes et racistes, des « beaufs » zappeurs au ventre gonflé de bière. Cet exemple nous renvoie à un certain nombre de représentations sociales réductrices dont les processus de constitution sont particulièrement éclairants. Cela étant dit, de manière à clore ce tour d'horizon, il reste à nous pencher sur les conditions de diffusion des disques qui alimentent la passion des amateurs de metal français.

Disquaires, VPC

  • 65 D'angelo, M. 1997. Socio économie de la musique en France. Diagnostic d'un système vulnérable. Pari (...)

47Hormis pour les grosses productions provenant des majors ou des maisons de disques importantes, s'alimenter en disques metal fut longtemps difficile et onéreux en France. Soit les disques étaient importés, ce qui avait pour effet de rendre leur achat quelquefois dispendieux, soit ils étaient introuvables. Tout reposait sur l'implication des disquaires de proximité quant à leur réseau de distributeurs. Que le nombre de disquaires indépendants soit passé de près de trois mille en 1972 à environ deux cent cinquante vingt ans après, n'a évidemment pas arrangé les choses en matière de distribution, puisque cela a eu pour conséquences : « la disparition de la vente de proximité, d'une part, [...] et l'absence de points de vente dans les villes moyennes et les zones rurales, d'autre part65. » Seuls les amateurs de hard rock et de heavy metal frontaliers pouvaient éventuellement s'approvisionner directement à l'étranger.

48Au début des années 80, l'arrivée de labels français ayant racheté les licences d'exploitation de leurs confrères étrangers à quelque peu contribué à modifier la donne. Ces mesures ne concernèrent cependant qu'une part limitée de la production discographique mondiale. En définitive, la difficulté d'acquisition de certains disques fut surmontée essentiellement par la vente par correspondance (VPC). Parmi les structures historiques dédiées au hard rock et au heavy metal, on peut citer Hit à Nice, qui se voulait le « no 1 du hard dans le sud » sur la base du slogan : « importation directe de metal pur » et Juke Box à Paris. Enfer Magazine a créé la structure Rock In, mêlant VPC disque et merchandising, créneau dans lequel s'est également engouffré le mensuel Hard N'Heavy quelques années plus tard. On peut également citer à quelques années de distance, Golem à Bordeaux, Alternatives à Caen, Sugar and Spice à Lyon, et les distributeurs précédemment évoqués tels Osmose Productions, Adipocere Records, Holy Records, Season of Mist, Overcome Records ou encore Water Dragon Records. Aujourd'hui, le développement d'Internet permet aux groupes et aux labels de vendre leurs disques directement. Procédé qui constitue une force de vente supplémentaire pour les groupes bénéficiant d'une distribution et une opportunité incontournable pour tous les autres, expliquant probablement la prolifération de labels et de groupes à travers le monde.

Il est temps maintenant de nous intéresser aux réalités de la pratique elle-même.

Notes

1 Variations. 1974. Moroccan Roll. Buddah Records.

2 Pour un condensé de l'histoire du groupe, on se reportera à Thoury, J.-W. 2000. Variations. In Assayas, M. Dictionnaire du rock. Paris : Robert Laffont, p. 2056-57. Pour un aperçu autobiographique commenté par deux membres du groupe (Jo Leb et Marc Tobaly), voir l'interview parue dans Enfer Magazine, no 9, 1984, p. 41-42 et 60-62.

3 Le groupe a compté deux membres de Téléphone dans ses rangs en début de carrière.

4 La carrière du groupe est commentée par un des membres fondateur, le guitariste Eric Lewy, dans Enfer Magazine, no 17, 1984, p. 46-47.

5 L'album sortira en version anglaise, traduit par Jimmy Pursey de Sham 69. Le titre « Antisocial » sera repris par le groupe américain Anthrax.

6 Rabasse, M. 2000. Trust. In Assayas, M. Dictionnaire du rock. Paris : Robert Laffont, p. 2011-12.

7 Cette tournée est relatée par Christophe Marquilly, guitariste et chanteur du groupe dans Enfer Magazine, no 21, 1985, p. 53-55.

8 Parmi ces pionniers on citera Hard Force (qui deviendra un mensuel national fin 1985), Powertrash Magazine à Pont-L'Evèque (38), Hardos Mag à Sérifontaine (60), Metalorgie à Perpignan (66), Sunset à Paris, Mercenaire à Courbevoie (92), Powerage à Lyon (69), Etat d'Urgence à Rochefort (17), Whiplash à Agen (47), Metalmania à Courrière (62), Metal Hard Magazine à Bures (91), Apocalypse à Fayence (83), Eclats de Metal à Toulouse (31), Capricorn à Bois-Colombes (92), Crucifixion à Marseille (13), D.OD. à La Suze (72), Possessed By Speed à Ondres (40), etc. En 1987, Pierre Thiollay leur consacre un dossier dans Enfer Magazine, no 46, p. 40-43.

9 Il semblerait que Christophe Bailet ait entamé un travail de ce type voilà plus de 6 ans. Se référer à son interview disponible sur : http://home.nordnet.fr/~lbocquet/bailet.html.

10 Les sources sont Enfer Magazine, Metal Attack et le travail de Clair, P. 2002. Made in France. Hard-Heavy. Les 45t, Maxi, 33t, MCD, CD de 1979 à 2001. Disponible à l'adresse email suivante : raskal@free.fr

11 Pour un historique du label et sa politique, lire l'interview donnée par Martin Hooker dans Metal Hammer no 47, 1992, p. 84-87.

12 L'édition allemande du mensuel Rock Hard (no 191, avril 2003, p. 116-118) lui rend un bel hommage à travers une interview pour commémorer les 20 années d'activités de son label. On peut lire un historique du label en langue française sur le site : http://www.metalblade.de/History_F.html.

13 Le couple Zazula s'est en outre également occupé de management dans le cadre d'une société appelée Crazed. Son catalogue comprenait notamment des artistes comme Anthrax, Ministry, King's X et Alice in Chains.

14 S'il est ouvert aux productions françaises, le label se consacre surtout aux productions internationales. Par ailleurs, Axe Killer éditera une très complète compilation en deux volumes présentant la plus grande partie des groupes français des années 80 : Révolution Hard-Rock. 1998. Axe Killer.

15 Cette démarche repose sur le constat que les disques importés de l'étranger coûtent très chers. Pour inverser cet état de fait, les labels français négocient des contrats de licence avec des labels étrangers. Ces derniers leurs cèdent alors l'exploitation exclusive des bandes d'un disque pendant une durée déterminée. A la suite de quoi, le label français prend en charge la fabrication, la promotion et la distribution du disque comme s'il s'agissait d'une production nationale, ce qui a pour effet de ramener le prix de vente du disque à un niveau raisonnable.

16 Enfer Magazine, no 31, 1985, p. 6.

17 La production est notamment un point faible des enregistrements réalisés par les artistes français. Le son de leurs disques, comparativement à ceux de leurs homologues américains ou allemands paraît dès cette époque terriblement daté.

18 Sans compter qu'à cette période tout du moins, l'utilisation du français limite considérablement le rayonnement d'un groupe hors des territoires francophones. Le maniement approximatif de la langue anglaise renforçait quant à lui la marginalité du hard rock français.

19 Turmel, D. 1990. Hard rock connexion. Dur, dur not dead. Yaourt, no 6, Galères et mémoires, p. 25.

20 Turmel, D. 1990. op. cit., p. 25-26.

21 Bourgade, L. 1997. Les classiques et les modernes. Metal Français. Part. 1 : Les classiques. Hard N' Heavy, no 34, p. 50-63.

22 Dès 1983, on observe même la création de discothèques entièrement dédiées au hard rock et au heavy metal. Parmi elles, on peut citer Le Saint à Paris, Le Grillon à Roussigny-Limours (91), qui organise également des concerts de groupes français, Les Naïades à St Nicolas de Redon (44), Le Bal Moral à Châtres (77), l'Opéra Night à Paris (Enfer Magazine y organise « Les nuits du riff » avec des concerts et des DJ, etc.). Ces discothèques disparaîtront à mesure que la popularité du hard rock diminuera.

23 Seuls Satan Jokers, Vulcain, Sortilège et Fisc parviendront à réaliser de véritables tournées (huit à vingt dates de concerts) avec l'aide de leurs managers ou de leurs labels respectifs. Les autres se contenteront de dates éparses.

24 Dans les pays limitrophes essentiellement. Fisc a tenté, sans succès, une carrière américaine vers la fin des années 80.

25 La première édition du festival date de 1980 et se tient à Donington près de Nottingham en Grande-Bretagne. Au fil des ans, le festival deviendra itinérant et s'arrêtera en Allemagne (Karlsruhe), au Danemark (Roskilde), en Italie (Milan), en Russie (Moscou) et même en France, à l'hippodrome de Vincennes, pour trois éditions de 89 à 91. En France, le taux de fréquentation du festival reste cependant très en deçà de celui des éditions étrangères puisqu'elles n'attirent pas plus de 30 000 personnes. Ce qui représente dix fois moins qu'à Moscou où, il faut le reconnaître, le festival est gratuit.

26 En 1983, l'US Festival se tient pendant trois jours. Il est supposé présenter les meilleurs artistes rock du moment. L'une des journées est entièrement dédiée au metal. Elle a enregistré un taux de fréquentation nettement supérieur aux deux autres journées. Weinstein, D. 2000. Heavy Metal. The music and its culture. New York : Da Capo Press. 1ère éd. 1991, p. 45.

27 Pour l'anecdote, Gérard Manvu, président de la FHMA (French Heavy Metal Association) et collaborateur d'Enfer Magazine se fait molester par des spectateurs mécontents. La FHMA naît en 1983 avec le projet de faire reconnaître le hard rock et le heavy metal dans les médias. L'association organise surtout des concerts en région parisienne et, portée par ses ambitions, lance quantité de projets jamais aboutis (réduction sur les produits hard rock, organisation d'un festival, rédaction d'un guide du hard...). Bénéficiant du soutien d'Enfer Magazine, ce dernier s'en dissociera ouvertement dans le numéro 11 du mois de mars 1984.

28 Voir le courrier des lecteurs et l'éditorial d'Enfer Magazine, no 17, 1984. L'éditorial au vitriol a d'ailleurs conduit l'organisateur du festival à user de son droit de réponse dans le numéro suivant.

29 Il est intéressant de noter ici que le Bol d'Or a toujours fait plus ou moins bon ménage avec le hard rock et le heavy metal. Traditionnellement, la fête des motards est toujours ponctuée par une série de concerts. Ont ainsi pu se produire dans ce cadre, des formations telles que Trust (1979 et 1996), Satan Jokers (1984), Iron Maiden (1991), Megadeth (1992), Bruce Dickinson (1994), Lofofora (2001), Nashville Pussy et Motörhead (2000), Hellacopters et Flamin'Sideburns (2002), Iggy & The Stooges (2003).

30 Curieusement, il faut attendre 1985 pour qu'un magazine spécialisé se positionne aux Etats-Unis. Il s'agit de Aardschok America, suivi un an plus tard par RIP. En Grande-Bretagne, Kerrang ! sera rejoint dans le milieu des années 80 par des titres comme Metal Forces et RAW.

31 Chronologie du tirage : numéro 2 : 60 000 exemplaires ; de 3 à 5 : 65 000 exemplaires ; numéros 6 à 16 : 85 000 exemplaires ; les suivants à 100 000 exemplaires.

32 Pour une histoire de la presse musicale française et internationale, se reporter à Assayas, M. 2000. Presse rock. In Assayas, M. Dictionnaire du rock. Paris : Robert Laffont, p. 1434-41.

33 Pour Robert Walser, le développement du heavy metal dans les années 70 est concomitant du développement de la critique rock professionnelle. Leur relation n'est pas cordiale pour autant car une grande majorité des critiques se sont toujours montrés très suspicieux à l'égard des genres musicaux bénéficiant d'un très large succès commercial, supposé en atténuer l'authenticité. In Walser, R. 1993. Running with the devil : power, gender & madness in heavy metal music. Delaware, Ohio : Wesleyan University Press, p. 10-11.

34 Enfer Magazine, no 2, 1983, p. 3.

35 Enfer Magazine, no 4, 1983, p. 6.

36 Enfer Magazine, no 3, 1983, p. 41.

37 Enfer Magazine, no 4, 1983, p. 7.

38 Les principales structures professionnelles d'organisation de spectacles à cette période sont Album Productions (qui sont également tourneurs), Karol Music (responsable du « Sunrise festival » de Mulhouse et du « Breaking Sound Festival » du Bourget). Pour les autres, il s'agit par exemple de l'association Verraz Organisation (« Festival de Brétigny » et « France Festival » de Choisy le Roi) ou la Manhattan Boutic (« Sun Festival » à Bayonne) et bien entendu, la FHMA en région parisienne.

39 Enfer Magazine, no 5, 1983, p. 5.

40 Ma propre expérience de spectateur de concerts et de festivals au cours de ces années me permet de l'affirmer même si j'ai pu constater un certain nombre d'actes de vandalisme (saccage de magasins, destruction de voitures, croix renversées dans un cimetière) la veille du Heavy Sound Festival le 10 juin 1984 à Poperinge en Belgique. Ce sont d'ailleurs les seuls débordements que j'ai pu constater au cours de ma carrière d'amateur de metal (environ 700 concerts).

41 Enfer Magazine, no 8, 1983, p. 41-42. Une bande dessinée introduit l'article, p. 40.

42 On trouvera encore un récit d'une violence subie dans le courrier des lecteurs d'Enfer Magazine, no 11. 1984, p. 5.

43 Enfer Magazine, no 9, 1984, p. 2.

44 Les éditoriaux disparaîtront définitivement à partir du no 35 d'avril 86.

45 Hugues, E. C. 1996. Le regard sociologique. Paris : EHESS, p. 155-156.

46 Courant 1990, le label Jungle Hop édite la compilation Total virulence présentant huit groupes français dont Mercyless, Mestema, Crusher, Loudblast, Death Power, etc.

47 Pour un historique du label et sa politique, lire l'interview donnée par Digby Pearson dans Metal Hammer no 46, 1992, p. 38.

48 Pour accueillir Hoax et le distinguer du reste de son écurie, Musidisc a créé la sous-division Brutality Records.

49 Les liens entre labels et distributeurs ne sont pas toujours très stables. Les informations fournies à ce sujet correspondent à la situation relevée au cours de l'année 2002.

50 Ces festivals se tiennent souvent pendant deux à trois jours. En moyenne, quarante à quatre-vingt formations metal s'y produisent sur plusieurs scènes.

51 La numéro hors-série de mai-juin 2002 de Guitar Part est entièrement consacré au Metal par exemple.

52 On peut citer Odym'étal à Neuvilly en Argonne (55), Fœdus Aeturnus à Florange (57), Le Bestiaire (54), Metal Box à Mions (69) L'autre journal du hard à Château-l'Abbaye (59), Underground Investigation à Fismes (51), Decibels Storm à La Seyne-sur-Mer (83), Ragnakore à St Denis de la Réunion (97), Black Circle à Bully les Mines (62), etc.

53 Parmi d'autres, on peut citer Violent Solutions, Infernal Waves, Psycotic S.T., The power of steel, Metal Français, Nazgul'Zine, Legion of metal, Planète Prog, etc. Les liens vers ces sites sont présentés en fin d'ouvrage.

54 Au point qu'en 1985, Bernett Records coéditera avec WRTL une compilation Wango Tango sur laquelle intervient Zégut.

55 Le phénomène sera cependant de courte durée, puisque comme l'explique Gérôme Guibert, « en 1984, la publicité à la radio et le statut commercial des stations devenant légaux, de nombreuses radios privées et ciblées pour des publics précis ont vu le jour (NRJ, Skyrock, Fun...). » Guibert, G. 2000. Industrie musicale et musiques amplifiées. Chimères, no 40, p. 8-9.

56 Paru dans les numéros 5, 6 et 7.

57 Hormis dans le cas d'une mode, comme ont pu l'être les années grunge courant 92-94 sous l'effet Nirvana.

58 D'angelo, M. 1997. Socio-économie de la musique en France. Diagnostic d'un système vulnérable. Paris : La Documentation Française, p. 68. On se reportera aussi avec intérêt à l'article de Leeds, E. 1995. Radios : la panne. Rage, no 10, p. 40-42.

59 Bigot, Y. 2000. Télévision. In Assayas, M. Dictionnaire du rock. Paris : Robert Laffont, p. 1932-38. On peut profitablement compléter les commentaires d'Yves Bigot par la lecture des articles suivants : Demari, J.-C. 1990. Zap'n roll. Yaourt, no 6, Galères et mémoires, p. 8-9 ; Demari, J.-C. 1991. La télé coûte cher... et la télé rock ? Yaourt, no 8, Banlieues 1991, p. 8 ; Bouton, R. 1991. TV rock & CSA. Yaourt, no 8, Banlieues 1991, p. 8 ; Demari, J.-C. 1991. Rock et télé, les causes du divorce. Yaourt, no 12, TV : le rock interdit, p. 7-10.

60 Enfer Magazine, no 10, 1983, p. 8.

61 MTV, première chaîne musicale au monde, naît aux Etats-Unis en août 1981. Fin 1988, elle crée une émission hebdomadaire (le dimanche soir de 23h30 à 2h30) entièrement dédiée au metal : « Headbangers Ball ». Son succès foudroyant convaincra la chaîne de lancer son pendant européen en 1990 avec la présentatrice Vanessa Warwick. En 1995, MTV déprogrammera tout d'abord l'émission américaine avant d'en faire de même avec sa version européenne deux ans plus tard.

62 Iggy Pop l'avait également été le 7 janvier 1985.

63 L'émission se tient chaque mercredi à 22 h 45 et dure deux heures.

64 On notera par ailleurs que les régions frontalières avec l'Allemagne ont la chance de capter la chaîne musicale allemande Viva qui propose elle aussi une émission metal, nommée « Metalla »

65 D'angelo, M. 1997. Socio économie de la musique en France. Diagnostic d'un système vulnérable. Paris : La Documentation Française, p. 60.

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