Chapitre 4. Représentations sociales
p. 171-194
Texte intégral
1. Les représentations sociales du metal
1Les représentations sociales sont « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social1 ». Elles se fondent sur un partage d'opinions, d'images, d'attitudes, de préjugés, de croyances, de valeurs, etc., et se définissent toujours par rapport à un objet. Considérer le metal en tant qu'objet, c'est évidemment inclure ses amateurs et ses pratiquants dans le jeu de la représentation. Pour Denise Jodelet, « la représentation sociale est avec son objet dans un rapport de "symbolisation", elle tient lieu "d'interprétation", elle lui confère des significations2. » Ces représentations s'inscrivent dans un double rapport d'extériorité et d'intériorité et mobilisent un certain nombre d'enjeux identitaires dont on peut identifier trois strates. La première d'entre elle se situe à un niveau individuel – « l'amateur » ou le « pratiquant » – les deux autres sont collectives puisqu'elles se situent au niveau du groupe social « monde du metal » ainsi qu'au niveau du corps social « hors monde du metal ». Si les représentations individuelles cohabitent bien évidemment avec les représentations collectives, elles sont également plus difficiles à appréhender étant donné qu'elles relèvent d'un travail d'enquête individualisé. Les représentations partagées sont nettement plus perceptibles, notamment au travers de la presse écrite qui en constitue un vecteur de choix, sur lequel je vais m'appuyer ici.
Dès 1983, les premiers éditoriaux d'Enfer Magazine donnent des amateurs de metal l'image de laissés pour compte d'un pouvoir médiatique qui semble s'évertuer à les ignorer.
2Cette représentation a eu cours jusqu'au milieu des années 903 avant de s'évanouir progressivement. Se définir sur le mode de la victime est un moyen de faire corps, de garantir la cohérence et l'identité de son groupe d'appartenance. La présence quasi-permanente d'au moins cinq titres de presse spécialisés dédiés au metal (deux pour la presse rock généraliste), l'existence d'émissions sur les chaînes télévisées musicales, la multiplicité des concerts, un regard empathique sur le traitement médiatique réservé à d'autres genres musicaux, ont probablement conduit à l'épuisement de ce type de raisonnement. Dans le même temps, on peut faire l'hypothèse que le metal est graduellement parvenu à un nouveau degré de reconnaissance : celui d'un genre musical parmi d'autres. Parmi les indices pertinents de ce changement figurent le dossier de vingt-quatre pages que le magazine généraliste Rock & Folk, habituellement peu porté sur le metal, a consacré au genre dans son édition de février 20024, mais également la place – significative quoique modeste, souvent teintée d'une pointe de condescendance5. – que lui accordent désormais de grands quotidiens comme Le Monde ou Libération6 Cette évolution statutaire du metal, dont les prémisses sont identifiables dès la seconde moitié des années 90, ont évidemment – par répercussion – contraint ses amateurs à se définir différemment. Il semblerait que le monde du metal soit ainsi passé du registre de la victimisation à celui d'une communauté de goût.
3A un niveau plus général, il me semble pouvoir affirmer que le metal est un phénomène artistique et culturel engagé dans un processus de démocratisation et de légitimation. Longtemps rejeté par le monde du rock dont il est pourtant une émanation, il ne doit son développement qu'à ses qualités musicales propres ainsi qu'à l'amour que lui portent des millions de gens à travers le monde, qui sont autant de médiateurs potentiels. Le metal est une musique et une culture dont la valeur n'est pas uniquement reconnue et célébrée au sein d'un cercle d'initiés. Certains indices attestent de sa démocratisation au travers de l'infiltration qu'il a opéré dans d'autres sphères artistiques, culturelles et même politiques. On dispose de plusieurs exemples pour illustrer ces propos. Ainsi, la ville de Madrid a inauguré la première rue AC/DC au monde, le 22 mars 2000. On peut pointer le succès considérable du reality-show The Osbournes, mettant en scène la famille d'Ozzy Osbourne, personnalité séminale du heavy metal avec son groupe Black Sabbath. Rappelons qu'en 1997, le crooner américain des années 50, Pat Boone, reprend une douzaine de titres de groupes tels que Judas Priest, Deep Purple, Metallica, Guns n'Roses, Ozzy Osbourne, Led Zeppelin, Alice Cooper, etc7. La même année, Metallica invite Marianne Faithfull à chanter un titre sur l'album Reload8. Des stars de la variété actuelle l'imiteront. Ainsi, Céline Dion et Anastacia ont repris sur scène « You shook me all night long » d'AC/DC, groupe dont Shakira a interprété le fameux « Back in black », tout en s'essayant également à reprendre un morceau d'Aerosmith : « Dude (looks like a lady) ». La vedette country Dolly Parton, a réalisé une version personnelle de « Stairway to heaven » de Led Zeppelin, groupe dont Tori Amos avait retravaillé le titre « Thank you » et qui s'est également illustrée en reprenant des titres tels que « Raining blood » de Slayer et « Smells like teen spirit » de Nirvana9 Par ailleurs, comme on l'a déjà vu dans la partie historique de cet ouvrage, les expériences combinant orchestres symphoniques et groupes metal se multiplient. Qu'elles irritent, qu'elles amusent ou qu'elles agréent les amateurs de metal, ces expériences sont des faits. On peut évidemment les interpréter sous l'angle d'un processus de récupération. Mais cette accusation reste difficilement recevable eu égard au processus d'absorption dans lequel est lui-même engagé le metal. Il est probablement plus opérant de voir dans ces expériences une série d'hommages, la marque d'une reconnaissance de la valeur du metal dans le champ de la musique, qui, dans un même mouvement, contribue à modifier certaines représentations sociales.
4Mais je le répète, le metal ne me semble être qu'en voie de reconnaissance. D'autres représentations sociales rendent moins optimiste. Il persiste des signes de rejets très forts. En effet, si l'on opère un rapide retour historique, il apparaît que, de l'extérieur, le monde du metal a longtemps souffert d'une image peu reluisante. En 1984, un quotidien français caractérise l'amateur de heavy metal en ces termes : « Volontiers vulgaire dans son langage, il se contente généralement de s'exprimer par rots, provoqués par l'absorption massive de très nombreuses canettes de bière. On le rencontre en général chez les très jeunes (moins de seize ans) ou chez les "très vieux" (vingt-cinq/trente ans), cas plus rare et plus grave. Quand on le rencontre, on l'évite : son "look agressif" – jeans et cuir noir –, tee-shirts bardés d'écussons, cheveux longs et sales, santiags ou baskets, tatouages, n'appelle pas le dialogue10. » Après avoir assisté au concert de Judas Priest, le 20 octobre 1986, la journaliste du Figaro, Hélène Renaud, décrit les amateurs de hard rock comme des « débilos possédés [ayant] assisté à une séance de psychothérapie collective dans l'alliance de la médiocrité et de la bêtise ». Des propos de ce type peuvent évidemment prêter à sourire car relevant à l'évidence d'une observation superficielle et externe. Pour autant, cette image semble n'être pas toujours dénuée de fondement si l'on en juge la teneur du courrier d'un lecteur du mensuel Rock Hard, relatant la séance de dédicace ayant précédé le concert de Slipknot le 10 février 2002 : « Pendant 4 heures environ, nous avons assisté à la plus grande décadence humaine de tous les temps ! Ça a commencé par des mecs bourrés à 9 heures du mat', des rots, des grollings à tout va, puis viennent enfin les Insultes et le pogo sur les Champs. Bravo ! C'est là qu'une belle tête de con se met à slammer et arrache une pancarte, ses amis tout aussi cultivés et érudits la déchirent en morceaux, la jettent dans la foule et ouvre quelqu'un à l'arcade. De mieux en mieux ! Je suis étonné que quelqu'un n'ait pas chié pour lancer sa merde dans le public. Une femme apparaît alors sur son balcon et nous pouvons alors observer toute la finesse et le raffinement de la langue française : "Salope, putain, connasse, suce ma bite, montre tes seins, à poil, viens là que je te défonce la chatte..."11. »
5L'origine de ce témoignage rend incontestablement problématique la perception sociale de l'amateur de metal. En dénonçant les comportements répréhensibles d'une fraction de son propre groupe d'appartenance, l'auteur du courrier accentue l'ambivalence des amateurs de metal. Dans le même mouvement, il renforce un certain nombre de « clichés » attachés à ce monde, tout en s'en dissociant radicalement en affichant une autre image de l'amateur de metal. S'opposent ainsi des individus (d'une moyenne d'âge évaluée à quinze ans) dont les agissements sont considérés comme une calamité, et un individu proposant un regard critique et un discours normatif. Si on ne peut nier cette forme de bivalence dans le monde du metal, il est bon de rappeler que les débordements spectaculaires, du type de ceux qui ont été relatés plus haut, restent totalement mineurs, voire marginaux et que la tendance générale dans le monde du metal tend plutôt au pacifisme, voire à une forme de conformisme social. Toutefois, c'est évidemment ce caractère spectaculaire qui peut éventuellement rendre critique une partie du corps social à l'égard du metal. Comme le rappelle Jean-Marie Seca, « les représentations sociales sont des phénomènes durables, structurés, mais aussi susceptibles d'émerger face à des événements extraordinaires, des objets nouveaux, étrangers, ou sources d'enjeux vitaux ou polémiques12. » Reconnaissons néanmoins que cette représentation discriminante s'est très nettement déportée vers le monde de la techno qui est aujourd'hui perçu comme la nouvelle menace sociale. Ce qui ne doit pas nous empêcher de procéder à l'examen des représentations les plus fréquemment associées au metal.
2. Un cortège de représentations
Le monde du metal représente une menace sociale ?
6Selon Barry Shank, professeur d'études américaines de l'université du Kansas, le metal est probablement le genre musical ayant été le plus largement analysé dans le domaine de la communication et de la psychologie sociale aux Etats-Unis. Les chercheurs ont tenté de mesurer les effets de l'agressivité contenue dans certaines compositions musicales et d'établir des liens entre origines familiales et goût pour des musiques dont les textes traitent d'homicide, de suicide ou de pratiques satanistes. L'immense majorité des recherches n'a abouti à aucun résultat probant. Les chercheurs n'ont découvert aucun élément statistique significatif permettant d'établir un rapport entre l'écoute de musique metal et certains comportements destructeurs13. Pourtant, en dépit de ces résultats, des investigations à caractère psychologiques continuent d'être menées et publiées pour déterminer l'impact social du heavy metal. Il s'en dégage très nettement la perception d'une profonde menace sociale14.
7Le concept de menace sociale contenu dans un phénomène musical populaire n'est pas une nouveauté. Il est même corrélatif de l'apparition de tout nouveau courant musical d'ampleur. On a pu le voir à l'œuvre dès l'arrivée du rock'n'roll en 1955. Il s'est très largement exprimé au sujet des Beatles ou des Rolling Stones dans les années 60. Il a été réactivé par le mouvement punk en 1977, puis par le heavy metal dans les années 80, le rap dans les années 90 et le courant techno plus récemment. Le corps social se sent menacé lorsque se présente un phénomène non conforme aux normes en vigueur. Les « entrepreneurs de morale » prennent alors l'initiative de dénoncer les manquements à la norme, tandis que d'autres tentent d'agir sur les contrevenants15. Il s'agit là d'un phénomène que Howard Becker16 a théorisé en tant qu'un processus de qualification de la déviance.
8En effet, nous avons d'une part un corps social générateur de normes, que Deena Weinstein divise en deux catégories selon le type de critiques qu'elles adressent au metal. La première catégorie, d'obédience progressiste, réduit le genre à une combinaison de bruit et de textes stupides comparativement à ce que cette catégorie tient artistiquement et culturellement pour légitime. La seconde catégorie, d'obédience conservatrice, repose sur une interprétation grossière des paroles des chansons sur lesquelles elle projette ses propres idéologies. Pour l'auteur, les deux types de catégories critiques poursuivent des intérêts et des points de vue particuliers17. D'autre part, nous avons le monde du metal en tant que groupe social désigné comme déviant par le corps social. Deena Weinstein estime que les amateurs et les pratiquants du metal retirent une certaine fierté d'être des parias18. Si cela est probablement vrai du point de vue d'une frange marginale du monde du metal, l'exemple cité plus haut et mes observations de terrain semblent plutôt attester d'une tendance inverse, manifestant un fort désir d'intégration sociale. Le musicologue américain Robert Walser déclare « ne pas trouver d'arguments suffisamment persuasifs pour analyser le heavy metal en terme de déviance19 ». Si on peut partager cette observation, il est fort probable que les « entrepreneurs de morale » ne l'entendent pas de la même manière. Il me paraît donc plus juste d'ajouter que du point de vue des producteurs de normes, la labellisation « déviante » perd progressivement de son efficience, car le monde du metal semble être surtout animé par une logique de distinction artistique et culturelle au sens bourdieusien20 du terme. Pour en finir avec cette question, on peut également mentionner la recherche du professeur de criminologie de l'université de Montréal, Serge Brochu, qui, tentant d'établir à partir des études disponibles, un lien entre heavy metal et comportements déviants, est parvenu à la conclusion que « la relation n'est pas linéaire21 ».
9Si la perception de la menace finit toujours par diminuer en intensité (à la faveur d'un certain nombre d'ajustements), elle reste toutefois larvée en même temps qu'elle change de cible. Un fait divers suffit à la ranimer et à raviver les polémiques. Aujourd'hui, c'est le mouvement techno que l'on désigne comme le premier corrupteur de la jeunesse. Aux amateurs et aux pratiquants de metal, on reproche quelquefois d'être à l'origine de dérives violentes et meurtrières, d'inciter au suicide ou encore de prôner le recours à des spiritualités alternatives telles que le satanisme ou le paganisme, qu'ils sont quelquefois accusés de diffuser pernicieusement sous couvert de messages subliminaux. Mais on leur reproche également d'être machistes, racistes ou fascistes, voire néo-nazis. De tels propos, souvent dépourvus de fondements rationnels, procèdent à mon sens d'une méconnaissance du milieu et d'un processus de généralisation particulièrement discriminant. C'est pourquoi nous allons maintenant pénétrer chacun des chefs d'accusation.
Le monde du metal est machiste ?
10Depuis les débuts du hard rock et du heavy metal, le sexe féminin y est souvent sous représenté22. D'un point de vue factuel, il est patent que ces genres musicaux comprennent moins de groupes féminins, moins de musiciennes, moins de spectatrices23 moins de journalistes spécialisées24, etc.25 Le monde du metal reste, pour l'essentiel, sous domination masculine26, même si quelques femmes ont pu mener des carrières d'un niveau équivalent à celui de leurs homologues masculins comme on a pu le voir dans la partie historique de cet ouvrage. Plusieurs formations et musiciennes de talent se sont ainsi particulièrement distinguées. Dans un registre différent, on dénombre également quelques managers féminins très influents comme Marsha Zazula (Raven, Metallica, Anthrax, Ministry), Sharon Osbourne (Ozzy Osbourne, Godspeed) ou Gloria Bujnowski-Cavalera (Sacred Reich, Sepultura). La position minoritaire des femmes dans le monde du metal interroge néanmoins quant au traitement que leur réserve le groupe dominant masculin.
11La presse spécialisée constitue une fois de plus un indicateur de choix pour tenter de répondre à cette question27. A ses débuts, la publication pionnière Enfer Magazine assigne aux musiciennes ou aux chanteuses un rôle d'attracteur érotique proche de celui que privilégient les magazines de charme masculins : il se résume à une simple photographie dans la rubrique « La bombe du mois ». La parole ne leur est laissée que dans quelques rares interviews ou articles (moins d'une vingtaine en 47 numéros). Non impliqué dans la pratique instrumentale ou vocale, le genre féminin est souvent réduit au statut de groupie toujours prête à négocier sexuellement la possibilité de rencontrer un artiste28. Metal Attack consacre sa douzième édition à un numéro spécial intitulé « Les nanas du hard ». Malgré la présence de deux femmes (pour huit hommes), dans l'équipe de rédaction, l'esprit reste résolument machiste (une photo montre les hommes aux prises avec une poupée en plastique par exemple) et multiplie les allusions salaces : « elles sont toutes là pour votre plaisir ! [...] devinez le nombre de groupes et de solistes comprenant des meufs cités dans cet article : 69 exactement...29 » Cette image, particulièrement caricaturale et stéréotypée, n'est évidemment pas de nature à inciter le genre féminin à s'intéresser au metal. Fort heureusement, des propos de ce type n'ont plus cours à l'heure actuelle, dans la presse spécialisée, ce qui pourrait être autant le signe de l'évolution des mentalités dans le monde du metal que dans la société française.
12Pour Robert Walser, « le heavy metal reproduit quelques-unes des pires images et idées patriarcales en même temps qu'il est exemplaire d'un certain nombre de transformations originales et contestataires, produites par les individus à l'intérieur d'un tel système oppressif30 ». Quel que soit leur degré d'intervention dans les champs metal, les femmes occupent une position dominée renforçant incontestablement une distribution sexuelle des rôles inscrite dans l'histoire de la musique rock depuis ses origines31. Néanmoins, comme cela a déjà été évoqué dans la première partie de cet ouvrage, le contexte social est déterminant pour ce qui concerne l'implication des femmes dans le monde du metal. Ainsi, des conditions sociales favorables, privilégiant la réduction des inégalités des sexes, peuvent permettre de modifier la représentation minoritaire des femmes dans le paysage metal. Cette mutation, actuellement opérante au sein de plusieurs genres musicaux (atmospheric metal, gothic symphonic metal), autorise enfin les femmes à tenir un rôle artistique équivalent à celui de leurs homologues masculins. En outre, ce n'est probablement que sous l'action émancipatrice des femmes, conjointement à l'évolution globale des représentations sociales, que les rapports pourront se modifier : « Le metal reproduit le sexisme dominant de la société contemporaine, mais il autorise également un espace de liberté qu'il reste à ouvrir par et pour certaines femmes, qu'elles soient artistes ou fans32. »
13C'est donc bien d'une distribution culturelle des rôles sociaux dont il est question ici. Mais également d'un combat pour la réduction des inégalités sexuelles. Dans le monde du metal, comme dans l'ensemble de la société, le social se définit sur le mode masculin. Toutefois, la participation sans cesse plus active des femmes dans le monde du metal donne à penser que les rapports tendent au rééquilibrage des différences. Considérons néanmoins que la féminisation observée est surtout perceptible dans des genres musicaux particuliers où la sensibilité féminine est valorisée. Si les femmes gagnent effectivement en représentativité, on peut toutefois se demander si le phénomène procède d'une réelle tendance égalitariste ou plutôt d'une tendance utilitariste reproduisant une nouvelle forme de domination masculine.
14Si l'expression de la sensibilité féminine est valorisée dans certains genres musicaux metal, elle l'est également dans la société selon un mode prétendument naturaliste qui autorise le masculin à exprimer des sentiments tels que la colère ou l'agressivité mais cantonne le féminin à l'expression du romantisme, de la tendresse et de la douceur. On touche ici à l'intériorisation des normes culturelles et des attendus sociaux. Concernant les fans de metal féminines, Bettina Roccor estime que ce modèle naturaliste a perdu de son efficience33. L'accroissement sensible de la présence féminine dans le monde du metal semble lui donner raison. Pour autant, il nous faudrait pouvoir disposer d'autres données objectivables pour vérifier cette hypothèse dans la globalité du monde du metal. Le chantier reste ouvert. Cela étant dit, sans chercher à la minimiser, l'accusation de machisme constitue probablement la dimension la plus euphémisée de tous les griefs imputés au metal. Certaines franges du corps social y voient des menaces autrement plus dangereuses.
Le metal conduit à la violence et au meurtre ?
15L'histoire du rock est émaillée dès son origine par un certain nombres de débordements violents et meurtriers. Des émeutes ont eu lieu dès les premiers concerts de rock'n'roll aux Etats-Unis en 1955. Les Rolling Stones traînent derrière eux une réputation sulfureuse qui se vérifie dès après que le public ait réduit l'Olympia et ses abords à néant après leur passage parisien en 1964. Certains hagiographes du rock qualifient alors ces mouvements en tant qu'« excitation libératrice » contextuelle. On se souvient également de la tragédie du concert des Who à Cincinnati (Ohio) en 1979, au cours duquel onze personnes furent piétinées à mort, par absence totale de règles de sécurité. Et on peut également évoquer la violence apparente des premiers punks qui inventèrent le pogo deux ans plus tôt. Comme le rappelle Gustave Le Bon, « la foule est toujours intellectuellement inférieure à l'homme isolé. Mais au point de vue des sentiments et des actes que ces sentiments provoquent, elle peut, suivant les circonstances, être meilleure ou pire34 ». En s'interrogeant sur les circonstances qui ont conduit à la violence, les organisateurs d'un certain nombre de concerts sont parvenus au constat selon lequel les conditions d'accueil étaient primordiales au bon déroulement d'un concert. En 1964, l'Olympia aurait peut-être pu être épargné si les jeunes n'avaient pas été entravés par les sièges qui les empêchaient de danser à leur aise. Si bien que la violence a diminué en même temps que sont apparues de nouvelles normes de sécurité et des salles de spectacles aux configurations adaptées.
16Ma longue carrière d'amateur de metal m'a conduit à fréquenter près de 700 concerts au cours desquels je n'ai que rarement été le témoin d'actes violents (toujours isolés et opposant généralement deux individus). Par ailleurs, les quelques conversations que j'ai pu avoir ces dernières années avec les agents de sécurité de salles de concerts en Lorraine, laissent entendre très clairement qu'il s'agit d'un public, s'il peut se montrer parfois exubérant, n'en est pas moins parfaitement pacifique et docile35. A « l'idée d'une violence collective » des concerts de rock ou de metal défendue par Antoine Hennion36, il me semble plus juste d'évoquer à leurs propos l'idée d'un enthousiasme débordant et soutenu, âpre quelquefois, mais très rarement empreint d'une violence pure. Par ailleurs, les concerts metal peuvent également être le théâtre de comportements intériorisés.
Tout le monde croit en fait que parce que j'écoute cette musique je suis quelqu'un de violent. Mais moi quand j'écoute cette musique, tu sais... on n'est pas comme les fans de heavy ou de thrash qui bougent la tête comme des malades. Moi, en fait au concert je suis toujours stoïque. En fait, aux concerts j'observe. Et je prends du plaisir, grave. [Pierre, 25 ans, intérimaire, éditeur d'un fanzine en langue anglaise exclusivement dédié au death metal]
17Quiconque a fréquenté quelques concerts metal sait très bien qu'ils ne sont pas systématiquement un lieu d'expression de la surexcitation ou d'une prétendue violence. Il ne viendrait à l'idée de personne de se lancer dans un pogo lors d'un concert de Steve Vai ou d'Ingwie Malmsteen par exemple. Les regards sont alors tendus vers la scène, les corps sont immobiles et silencieux, la scène devient un autel. Il y a là aussi un « rite de la jouissance retenue, différée, prête à exploser avec violence pour sanctionner [les guitaristes]37 ». Les derniers albums de groupes tels que Tool, Neurosis ou Opeth, sont selon moi, conçus pour être interprétés à l'opéra ou dans des lieux équivalents38 Encore une fois, il n'est pas question ici de chercher à nier l'existence d'une certaine forme de violence ou d'agressivité lors de certains concerts, mais bien plutôt de mettre l'accent sur l'idée d'un public partagé entre plusieurs logiques d'action, d'états, de prises et de conduites, tout en rappelant, à l'instar de l'ethnomusicologue Harris Berger, que cette agressivité est toujours contrôlée et circonscrite dans un périmètre plus ou moins large (le pit) devant la scène39.
18Vu sous un autre angle, hard rock et heavy metal se trouvent être quelquefois associés aux exactions criminelles de certains de leurs amateurs. En 1985, le serial killer américain Richard Ramirez, que la presse avait surnommé « Night Stalker », est appréhendé. Il se trouve que le jeune homme se passionne autant pour le satanisme et les drogues que pour AC/DC, dont il multiplie les écoutes du titre « Night Prowler » avant de commettre ses méfaits au nom de Satan. Les médias américains tentèrent d'expliquer ses gestes en invoquant l'influence néfaste d'une musique dite « satanique », occultant ainsi les accès de démence de Ramirez40. Autre cas de figure, celui qui a vu fin avril 2002, le tabloïd britannique Sun, accuser le groupe Slipknot d'avoir influencé Robert Steinhaeuser dans sa démarche meurtrière qui s'est soldée par le massacre de seize personnes, dans un lycée d'Erfurt en Allemagne41.
19Si cette diabolisation primaire du metal est probablement la marque d'une forme de désarroi liée à l'ampleur émotionnelle d'un drame humain, le simplisme de son raisonnement rend compte d'une absence de réflexion sérieuse quant aux causes réelles de certains faits sanglants. C'est ainsi qu'en avril 1996, après qu'un déséquilibré ait abattu 35 personnes en Tasmanie, les autorités locales ont interdit la possession d'armes automatiques en même temps que la vente ou la diffusion de disques supposés pousser au suicide ou au meurtre42. Le meilleur exemple de cette forme de cécité sociale est probablement contenu dans une séquence du récent film de Michael Moore, Bowling for Columbine (2002). Celui-ci pose sans ambiguïté la question de la violence par armes à feu aux Etats-Unis. Son enquête aboutit à Marilyn Manson. En effet, ce dernier cristallise à ce point les foudres des « entrepreneurs de morale43 », qu'il en est devenu leur bouc émissaire. Les moralistes font ainsi l'économie d'un questionnement de fond quant aux causes réelles de cette débauche de violence, que l'artiste analyse quant à lui avec une acuité remarquable.
20La violence musicale inconstestable de certaines formes de metal occulte souvent celle contenue dans certaines pièces de musique classique ou de musique contemporaine. Pourtant, qu'en est-il de la violence contenue dans la symphonie no 3, « Eroica » (1804) de Beethoven ? Comment interpréter la glorification qui en est faite dans la Symphonie fantastique (1830) de Berlioz ? Que penser du portrait musical de la belliqueuse planète Mars figurant dans Les planètes (1916) de Gustav Holst ? Quel sens donner à la violence et à l'agressivité extrême des sonorités orchestrées par Stefan Niculescu dans des pièces telles que Eteromorfie (1967) ou Formanti (1968) ? Les amateurs et les pratiquants de ces formes musicales formentils un groupe social définitivement préservé de tout comportement criminel ? La réponse à cette dernière question est non, bien entendu. Tout vient de ce que les musiques classique et contemporaine constituent des formes artistiques légitimées contrairement au metal ou aux musiques populaires en général, plus facilement soupçonnables de déviance.
Le metal conduit au suicide ?
21Parmi les autres chefs d'accusation incriminant hâtivement le hard rock et le heavy metal, on trouve celui de l'incitation au suicide. En 1984, en Californie, Ozzy Osbourne est attaqué en justice par les parents d'un jeune homme prétendant qu'une de ses chansons l'avait poussé au suicide, sans qu'aucun élément ne vienne étayer clairement cette thèse. En 1986, dans le Nevada cette fois-ci, c'est contre le groupe Judas Priest que des parents portent plainte, en tentant d'imputer le suicide « en commun » de deux jeunes amateurs (Ray Belknap et James Vance) du groupe, au texte de la chanson « Dream deceiver44 ». Le procès se prolonge jusqu'en août 1990. Le dévoilement progressif de la vie des deux jeunes en question disculpe totalement Judas Priest. Le tableau est édifiant45.
22Les deux jeunes46 y apparaissent comme profondément perturbés, importants consommateurs de drogues et d'alcool, en difficulté scolaire et professionnelle, fascinés par les armes à feu et issus de familles instables et pathogènes. Si questionner le rapport qu'entretiennent les actes suicidaires avec les genres musicaux47 peut paraître légitime, cela n'en est pas moins insuffisant, comme on le sait depuis les travaux de Durkheim sur le suicide48 et comme cela a été attesté plus récemment par des chercheurs en criminologie49. Car vouloir en identifier les causes, nécessite d'aborder le sujet à la lumière d'un faisceau de causes individuelles et autres facteurs prédisposants. C'est dans ce contexte, privilégiant le registre affectif au détriment du raisonnement rationnel que naît la censure. Par ailleurs, comme le rappellent fort justement Robert Walser et Deena Weinstein, on oublie souvent que la musique a également préservé quantité de personnes de la tentation du suicide50.
Le metal conduit au satanisme ?
23Lorsque le crooner américain des années 50, Pat Boone, publie un album de reprises de titres metal, ce dernier ne s'attendait probablement pas à être victime d'une campagne de dénigrement le présentant comme un instrument au service du Diable auquel il aurait par ailleurs vendu son âme51. Il se trouve que les liens entre la musique et les forces occultes sont perceptibles dès l'apparition du blues. Selon la légende, un des plus fameux bluesmen du Mississippi, Robert Johnson (1914-1938), a accepté de vendre son âme au diable en échange de dons artistiques. Probablement plus que dans d'autres genres musicaux, ces liens sont exploités dans le hard rock et le heavy metal52. L'ampleur du christianisme dans les sociétés industrielles occidentales, dont certaines sont encore très empreintes de puritanisme, les rend particulièrement réactives à toute forme de pensée, d'agissement ou de croyance, non conforme à l'ordre établi.
24En 1956, Elvis Presley fut accusé d'obscénité et de blasphème pour avoir produit son jeu de jambes à la télévision. Premiers accrochages entre le rock'n'roll et une société réactionnaire. Dix ans plus tard, John Lennon affirme que les Beatles sont plus populaires que le Christ. Il n'en faut pas davantage pour que le groupe soit considéré comme un émissaire de Satan par une partie de la population américaine bien pensante. En 1967, les Beatles affichent leur sympathie pour Aleister Crowley en le faisant figurer sur la pochette de l'album Sgt Peppers lonely hearts club band. De leur côté, les Rolling Stones publient le 45 tours au texte morbide « Paint in black » avant d'éditer l'album Their satanic majesties request. Un an plus tard, les Rolling Stones publient l'album Beggars Banquet qui s'ouvre sur le légendaire « Sympathy for the devil », titre dans lequel Mick Jagger prête sa voix à un Lucifer revisitant l'histoire de l'humanité à travers ses atrocités. L'époque est à la contestation politique. L'époque est également aux expérimentations spirituelles les plus diverses. Beatles et Rolling Stones s'initient aux voyages psychédéliques, à la philosophie orientale, à la méditation et à l'ésotérisme. Cependant, les Rolling Stones, notamment Keith Richards et Brian Jones, poussent leur quête mystique sur des versants plus obscurs que les Beatles. Si le mage Aleister Crowley constitue une influence commune, celles du Marquis de Sade, de Dante et d'Eliphas Lévi53 sont propres aux Rolling Stones54.
25Deux personnages, généralement affiliés au satanisme, ont exercé une influence particulière sur le monde du rock. En premier lieu, Aleister Crowley (1875-1947). Considéré à tort comme le père du satanisme moderne, il est surtout un théoricien mystique d'obédience luciférienne, ayant produit son propre système de pensée qu'il intitule « thélémisme ». Qualifié de symbole du mal dans la presse des années 30, sa doctrine repose essentiellement sur un mixte de magie, de sexe et de drogue dont l'unique injonction est « Do what thou will shall be the whole of the law » (« Fais ce que tu voudras sera toute la loi »)55. Ses théories ont trouvé un écho particulier auprès des Beatles ou des Rolling Stones comme on l'a déjà vu, mais également auprès de Led Zeppelin, dont le guitariste, Jimmy Page, a racheté le manoir de Boleskine dans lequel a vécu Crowley, et possède une grande quantité de ses manuscrits. Autre admirateur, Ozzy Osbourne lui a consacré une chanson (« Mr. Crowley » sur l'album Blizzard of Ozz) et repris le titre de l'autobiographie de Crowley, Diary of a madman, pour son deuxième album. Dans le registre littéraire, le luciférisme compte parmi ses membres historiques illustres, les poètes William Blake (1757-1827), Gérard de Nerval (1808-1855), Charles Baudelaire (1821-1867), et des écrivains « décadents » tels que le Marquis de Sade (1740-1814) et Joris-Karl Huysmans (1848-1907), dont les activités ne sont pas seulement dictées par une recherche de jouissance et de sexualité, mais également par le besoin de protester contre l'ordre établi d'un point de vue politique ou religieux. En musique classique, il est impossible de ne pas mentionner à nouveau la Symphonie fantastique (1830) du compositeur romantique Hector Berlioz (1803-1869) qui constitue, entre autre, une glorification du satanisme.
26C'est Anton Szandor LaVey (1930-1997) qui conduit le renouveau du satanisme en Occident. Fondateur de l'Eglise de Satan (Church of Satan) créée le 30 avril 1966, il est l'auteur de la Bible Satanique56 dont la doctrine se positionne comme l'antithèse du christianisme. A ce titre, ses adeptes, athées et libertaires, sont libres d'explorer les sept péchés capitaux (orgueil, envie, luxure, gourmandise, avarice, colère, paresse), en étant totalement affranchis du poids de la culpabilité chrétienne. Opposés à toute forme d’idolâtrie, les adeptes du satanisme considèrent Satan au sens païen, c'est-à-dire, en tant qu'une force de la nature, ce qui les dispense de vénérer qui que ce soit. Les cérémonies visent avant tout à tenter d'obtenir les bonnes grâces de cette force. Si Anton LaVey exerce une influence considérable aux Etats-Unis dans la fin des années 6057, celui que l'on considère comme le Pape Noir, n'a cessé d'inspirer quantité de formations (Venom, King Diamond, Deicide, Morbid Angel, Marilyn Manson). La lecture des écrits de LaVey par les groupes metal et leurs amateurs reste cependant, pour beaucoup d'entre eux, largement superficielle, se bornant à une interprétation utilitaire, souvent simpliste, qui conduit quelquefois à des égarements criminels désastreux58.
27En effet, si certains courants du metal éprouvent effectivement un intérêt pour ce qui relève de l'occulte, la majorité des groupes exploitent les attributs de la magie noire, du satanisme, du luciférisme, de la démonologie ou de la goétie (art d'invoquer les esprits des morts et les démons malfaisants) à des fins symboliques. A cet effet, ils ne mobilisent souvent qu'une simple imagerie ou un certain nombre d'allusions susceptibles de capter l'attention d'un public potentiel. La logique à l'œuvre est donc celle de la distinction, d'autant plus efficace qu'elle s'effectue dans un contexte social puritain59. Si, dans une certaine mesure, cette logique conduit une minorité d'individus à mener des recherches visant à redécouvrir de nouveaux symboles du mal (mythologie sumérienne, babylonienne, égyptienne, nordique, etc.), la plupart d'entre eux se contentent de reproduire les poncifs du genre. Ce qui a pour effet de banaliser ces marqueurs « du mal ». Hormis les ecclésiastiques60 et quelques intégristes religieux, rares61 sont aujourd'hui les personnes à s'émouvoir des pochettes de disques blasphématoires de Black Sabbath (Sabbath bloody Sabbath), AC/DC (Highway to hell), Iron Maiden (The number of the beast), Venom (Welcome to hell), Hellhammer (Satanic Rites), Motley Crüe (Shout at the devil), Bathory (Under the sign of the black mark), Mercyful Fate (Don't break the oath), Slayer (Reign in blood), Mayhem (De mysteriis dom satanas), Rotting Christ (The other side of life), Cradle of Filth (The principle of evil made flesh), ou à s'élever contre une tournée européenne de groupes black metal (Immortal, Rotting Christ, Blasphemy), intitulée Fuck Christ Tour (1991).
28Aujourd'hui, le satanisme et ses avatars prêtent le plus souvent à sourire et ne font plus peur à grand monde. Ils sont utilisés à des fins ludiques (jeux vidéo) et commerciales (industrie du cinéma et du disque) car, au même titre que l'horreur et la violence, ils sont devenus des facteurs économiques. Comme se plaisait à le répéter Jeff Becerra du groupe Possessed, « le satanisme ne représente rien de plus qu'une image qui permet de vendre des disques ». En parallèle, le satanisme est devenu l'objet d'une esthétisation très intense dans le monde du metal et du rock. Si par ailleurs, le recours au satanisme s'inscrit dans une logique de distinction fondée sur une recherche de l'extrême, on peut s'interroger quant aux développements futurs qu'appelle cette quête. Une des réponses a été l'apparition dans les années 80, du heavy metal chrétien qui a vu le groupe phare de ce mouvement distribuer des bibles durant leurs concerts. Mais il s'agit maintenant de nous intéresser à une autre accusation portée contre le hard rock et le heavy metal : celui de contenir des messages subliminaux.
Les disques de metal contiennent des messages subliminaux ?
29Un message est dit subliminal lorsqu'il est perçu par les sens et analysé par le cerveau mais non communiqué à la conscience. Il peut être vidéographique, sonore ou pictographique. Les disques de hard rock et de heavy metal ont très tôt été accusés de contenir des messages de ce type. C'est probablement un procédé technique innovant qui est à l'origine de la controverse. En effet, sur le titre « Tomorrow never knows » de l'album Revolver (1966) des Beatles, leur producteur George Martin, décide d'accélérer « un rire enregistré de Paul McCartney, le faisant ensuite défiler à l'envers pour suggérer le cri des mouettes62 ». Quantité de groupes seront accusés d'avoir utilisé ce procédé à des fins subversives, sans jamais que leurs détracteurs ne parviennent à en établir les preuves tangibles. Parmi les cas les plus célèbres, on peut citer le titre « Stairway to heaven » de Led Zeppelin, dont l'audition à rebours permettrait d'entendre la phrase : I've got to live for Satan (« Je dois vivre pour Satan »), ainsi que la phrase : My sweet Satan, no other made a path (« Mon doux Satan, nul autre n'a tracé de route »). La chanson « Another one bites the dust » de l'album Killers du groupe Queen est quant à elle supposée contenir l'injonction : Start to smoke marijuana (« Fume de la marijuana »).
30Courant 1984, le problème des messages subliminaux dans les disques de hard rock se pose dans la presse française suite à la publication de l'ouvrage du Père Jean-Paul Regimbai intitulé Le Rock'n'Roll – Viol de la conscience par les messages subliminaux63. Mais, comme l'affirme le Père Benoit Domergue, « Les messages subliminaux dont étaient affectés un nombre substantiel de chansons de type Rock'n'Roll ou Hard Rock des années quatre-vingt ont aujourd'hui en effet quasiment disparu et sont en revanche supplantés par d'innombrables affirmations clairement satanistes64 ». Ainsi, ce sont les discours explicites produits par les groupes eux-mêmes qui ont progressivement eu raison de l'agitation suscitée par la menace subliminale. Si cette peur n'a manifestement plus aucune raison d'être, l'idéologie politique que l'on attribue à certains amateurs de metal reste quant à elle très souvent polémique.
Les amateurs et les pratiquants de metal sont racistes, fascistes, néo-nazis ?
31J'ai pu mesurer combien le monde du metal était toujours suspect d'accointances avec l'idéologie fasciste ou raciste, lors d'une intervention à l'université de Metz en janvier 2002. Quelques-unes des étudiantes me faisant face firent part de leurs représentations de ce monde en des termes très critiques, accréditant la thèse selon laquelle : « Dans la sphère publique règne l'image d'une scène metal majoritairement orientée à droite et fascistoïde65. » Attribuer au monde du metal une orientation politique unilatérale est une réduction attestant d'une méconnaissance manifeste de son écologie. Il est donc particulièrement important d'apporter un éclairage sur ce débat.
32Le courrier des lecteurs des numéros 11 et 47 d'Enfer Magazine contient des lettres au contenu explicitement raciste. Dans un cas, son auteur exprime son regret de voir un batteur d'origine arabe dans Trust. Dans l'autre, on y déplore la présence de spectateurs noirs ou maghrébins pendant les concerts. Les réponses de la rédaction sont cinglantes et condamnent radicalement des propos de ce type : « Nous avons choisi de passer cette lettre (anonyme, soit dit en passant) pour montrer la petitesse d'esprit, pour ne pas dire la connerie, d'une frange très minime, du public hard. Hélas, ce sont ces quelques débiles qui contribuent à donner de notre musique une image si détestable dans les médias. La musique rock n'a pas de frontières, ni de race. Bien au contraire, le fait qu'elle touche de plus en plus de gens est un signe encourageant, et permettra de sortir du ghetto dans lequel quelques-uns, par une attitude primaire et débile, s'efforcent de le maintenir66. »
33Pas plus que dans d'autres milieux, le metal n'est exempt d'un certain nombre d'idées et de valeurs nauséabondes. Ces dernières s'expriment aussi bien à travers ses amateurs comme on a pu le voir, que de ses pratiquants. Ces derniers entretiennent quelquefois une certaine ambiguïté sur le sujet. Tel le groupe Kiss, dont les deux S du nom ont une police de caractère identique à celle du sigle SS, alors que deux membres du groupe (Gene Simmons et Paul Stanley) sont juifs. Tel Lemmy Kilminster (Motörhead) arborant une croix de guerre sur son blouson de cuir, tout en déclarant sa fascination pour Gandhi, ou encore le groupe Slayer dont le fan club se dénomme « Slaytanic Wehrmacht », dont le guitariste Jeff Hanneman collectionne les insignes nazis et dont deux autres membres ont été victimes d'un système politique oppressif (Tom Araya au Chili et Dave Lombardo à Cuba)67. En outre, on peut tout aussi bien s'interroger sur l'ambivalence sémantique de noms de groupes tels que Death SS ou Sacred Reich.
34Il est souvent difficile de faire la part des choses entre le goût de la provocation, la conviction réelle ou la bêtise crasse. Lorsqu'elles sont avérées, les idées extrémistes – traduisant souvent une fascination pour le totalitarisme (Staline ou Hitler) – sont surtout explicitement relayées par une petite frange du milieu black metal. A des fins illustratives, on peut citer le disque Transylvanian hunger du groupe norvégien Darkthrone (1994, Peaceville), sur lequel figure la mention « Norsk arisk black metal » signifiant « Black metal aryen norvégien », le premier album d'Aborym68, dans lequel Himmler et Goebbels sont salués, ou encore le groupe Abruptum69 dont les membres sont des fascistes notoires. Euronymous, le leader de Mayhem se vantait quant à lui d'être un admirateur de Ceausescu, tandis que son batteur, Hellhammer (également batteur d'Arcturus) se déclare explicitement raciste70 En France, ce sont des groupes obscurs comme Kristallnacht, Blutorden ou Chemin de Haine qui tentent de répandre un certain nombre d'idées de ce type.
35Les rapports qu'entretient le metal avec le racisme, le fascisme ou le nazisme s'articulent majoritairement autour d'un rejet réciproque. A titre d'exemple, on peut évoquer les difficultés rencontrées par le magazine Hard Rock avec le journal Présent (organe du Front National), entre 1996 et 1997. Dans un premier temps, ce dernier se plaint du contenu du CD sampler vendu avec Hard Rock. En effet, le titre « Le Pouvoir » du groupe de fusion Oneyed Jack attaque délibérément le leader frontiste, ce qui émeut la rédaction de Présent et conduit à la rédaction d'un petit article dénonciateur. Dans un second temps, à la faveur de la parution d'un titre du groupe Eros Necropsique71 sur un autre CD sampler, Hard Rock se retrouve cette fois-ci à la « une » du journal Présent qui titre : « L'antiracisme dévoile son visage le plus hideux. [...] Le magazine Hard Rock est devenu le vecteur régulier de la haine antinationale et antichrétienne72. » En conséquence de quoi, le Parquet de Paris diligente une information judiciaire contre Hard Rock auquel le Procureur de la République ne donnera cependant aucune suite.
36Mes observations ont permis de conforter l'idée selon laquelle, le monde du metal privilégie très nettement un certain nombre de valeurs romantiques, hédonistes, individualistes et critiques, souvent remarquablement articulées avec le concept de tolérance, au sens le plus large qui soit. On l'a vu, la presse spécialisée, les fanzines, les sites Internet peuvent constituer des tribunes permettant d'exprimer après coup, son indignation à l'égard de certaines idéologies promues au sein d'un disque ou dans certaines déclarations de fans ou de musiciens. Les choses sont un peu plus complexes s'agissant du temps réel. J'ai ainsi pu assister à des concerts (on me l'a également rapporté) black et death metal, au cours desquels j'ai pu voir une poignée d'individus (jamais plus de deux ou trois) subitement faire le salut nazi au sein du public. Ponctuellement, ces comportements ne provoquent cependant et manifestement rien de plus que de l'indifférence ou de la gène. La désapprobation reste contenue et verbalisée dans le cercle intime au sein duquel elle fait alors plus largement débat. J'ai également pu observer, lors d'un concert grindcore cette fois-ci (milieu pourtant idéologiquement très à gauche et prompt à proférer des discours moraux), la parade d'un individu musculeux, arborant ostensiblement un tatouage représentant une croix gammée surmontée d'un aigle sur son biceps droit, au milieu d'une centaine de personnes, sans qu'il ne provoque la moindre réaction d'hostilité.
37On peut évidemment invoquer la peur de l'affrontement physique pour expliquer cette apathie, mais on peut également considérer, à l'instar de l'analyse proposée par Harris Berger, qu'il s'agisse davantage d'une « tolérance radicale73 », c'est-à-dire, totale. On peut se demander par ailleurs, s'il ne s'agit pas plutôt d'une forme de tolérance se manifestant sous la forme d'une dissociation, radicale elle aussi, de la dimension esthétique d'une œuvre et de sa dimension politico-éthique. Comment expliquer autrement que les amateurs de black metal que j'ai pu rencontrer (certains sont des proches), humanistes convaincus, fassent l'acquisition de disques contenant des messages de haine ou de la propagande nazie ? Comment expliquer qu'ils continuent de porter des t-shirts à l'effigie de Burzum, sachant le positionnement idéologique néo-nazi de son protagoniste ? Pour certains, le black metal, pris dans sa logique extrémiste du « toujours plus » evil, est en quelque sorte contraint de mobiliser des thèmes constamment plus choquants74. Ce qui signifie qu'il est donc possible d'apprécier le travail musical d'un groupe sans en partager nécessairement les thématiques mobilisées au travers des textes, qui, par ailleurs, contribuent à garantir sa qualité artistique puisqu'elles les nourrissent. En théorie, cela paraît relever d'un exercice d'équilibrisme cognitif improbable. Ce processus psychologique complexe n'en est pas moins opératoire. Ce qui semble se jouer tient à ce que l'attention de certains amateurs se focalise prioritairement sur la musique d'un groupe, au climat musical qu'il installe. Autrement dit, à ce qui se « dégage » d'un disque ou d'une prestation scénique. Sont convoqués à cette fin, des instruments de mesure tels que la qualité du son et des compositions, le look et l'attitude, l'équipement utilisé, etc. La thématique est alors perçue par l'amateur dans un ensemble et non selon la spécificité propre à l'artiste. L'amateur procède donc soit à l'élimination d'une réalité du champ de sa conscience – opération que la psychanalyse désigne sous le nom de scotomisation –, soit il opère une traduction personnelle de ce qui lui est proposé, par négligence délibérée de la thématique et des textes, à moins qu'il ne s'agisse, plus prosaïquement, d'une incapacité à en fournir une interprétation adéquate75.
38Au final, il me semble que les formes de tolérance que j'ai pu observer à plusieurs reprises, qu'elles soient « radicales » ou « dissociatives », doivent probablement être reliées à une forme d'apolitisme. Ce qui ne signifie aucunement que le monde du metal est entièrement apolitique. Pas davantage qu'il est plutôt de gauche, de droite ou au centre. « Musiciens et fans de heavy metal – au même titre que chaque individu – ont leurs propres perceptions des événements politiques contemporains, au même titre qu'ils ont une opinion concernant les problèmes sociaux76. » A ce titre, la diversité du monde du metal et des individus qui le composent, n'est donc que le reflet de la diversité du corps social. Il y a donc tout lieu d'éviter les stigmatisations précipitées.
3. Quelles conséquences ?
Le travail médiatique
39L'ensemble de ces représentations produit des conséquences qu'il est assez difficile de mesurer. En Europe, les amateurs de metal ne semblent être victimes d'aucun ostracisme particulier. Le goût pour le metal n'ôte en rien le caractère pluriel de ses pratiquants. Ces derniers traversent des mondes sociaux et y vivent des expériences multiples77 au même titre que n'importe quel individu. Si bien que les représentations sociales négatives tendent à diminuer en intensité lorsque rien ne les justifie a priori. Cependant, à certains moments ou à la faveur d'un fait divers, il est possible que des médias réactivent certains clichés sensationnalistes. Le procédé étant bien entendu dépourvu de tout fondement rationnel si ce n'est celui d'augmenter les parts d'audience78. La télévision s'en est fait une spécialité. Hormis quelques rares documentaires réalisés par des journalistes scrupuleux et tendant à l'objectivité (diffusés par Arte ou sur le réseau câblé), la télévision grand public continue de traiter le monde du metal sur la base d'une équation extrêmement réductrice : metal = violence, ou alors metal = satanisme. L'illustration la plus récente en a été l'émission Ça me révolte, présentée par Bernard de la Villardière, diffusée en première partie de soirée, le 14 janvier 2003 sur M6. Son objet visait à aborder la thématique suivante : « Gourous, sectes, escrocs : ces jeunes qu'on manipule », en prenant appui sur un reportage intitulé « Ados sous l'influence des satanistes »79. Comme on a pu le constater sur le forum Internet de l'émission, ce sujet à suscité nombre de réactions d'amateurs de metal80, indignés de se voir caricaturés aussi arbitrairement. D'autres, prenant davantage de recul s'amusent de ces simplismes et considèrent ce type d'émissions comme des farces grotesques. Au final, l'impact massif de ce genre d'émission, plutôt que d'éclairer le débat ne contribue souvent qu'à l'obscurcir et dans un certain sens, à construire une stigmatisation des amateurs de metal. Toutefois ces moyens de propagation restent diffus. Dans d'autres pays, les représentations sociales sont soutenues par une série d'oppositions frontales, certaines fois radicales, s'exerçant sous les traits d'un travail de censure.
Le travail de la censure
40L'année 1985 voit émerger, aux Etats-Unis, le PMRC (Parent's Music Ressource Center) dont l'objet est de lutter contre l'obscénité et la pornographie dans la musique rock. Selon l'historienne Anne Benetollo, le PMRC « naît dans un contexte de renaissance religieuse et de puritanisme. Les idées que le groupe développe vont remporter une large audience car il choisit de se battre contre des fléaux qu'une majorité d'Américains rejette alors, tels que la pornographie, la consommation de drogues, le satanisme et la violence81 ».
Ce groupe de pression, essentiellement constitué des épouses de membres du Congrès82, n'ayant pu obtenir la censure de certaines productions discographiques, est néanmoins parvenu à obtenir83 auprès de la majorité de l'industrie du disque, l'apposition de la mention « Parental guidance – Explicit lyrics » sur certains enregistrements considérés comme « dangereux ». Il a de plus œuvré pour interdire l'accès du territoire américain à certains groupes étrangers en leur refusant un permis de travail prétextant qu'ils n'avaient « aucun mérite artistique84 ». Bien évidemment, ce lobbying a eu pour effet de générer un certain nombre d'effets pervers. Certains groupes se sont soumis à l'autocensure, tandis que d'autres exagéraient délibérément leurs provocations, qui leur ont valu un succès proportionnel à la nature des outrages commis. On peut citer à ce titre l'exemple des musiciens du groupe Rage Against The Machine, qui, pour protester contre le PMRC, se sont produits dans le plus simple appareil lors du Festival Lollapalooza en juillet 1993. Au final, s'il fonctionne toujours, le PMRC a perdu de son influence et cède aujourd'hui du terrain à d'autres groupes de pression, plus extrémistes encore.
41Notons avec Anne Benetollo, que la volonté de censure américaine à l'endroit du rock relève d'un étonnant paradoxe. On lui reproche d'une part son caractère ignominieux alors que d'autre part, un certain nombre d'artistes se mobilisent pour mener des actions (disques et concerts notamment) visant à récolter des fonds pour lutter contre certains maux de la planète85. L'enregistrement du titre We are the world (1985, A&M) et l'organisation du festival Live Aid de juillet 85, sous l'égide de Bob Geldof, en constituent les exemples les plus marquants.
42La contribution du hard rock et du heavy metal s'est quant à elle traduite plus particulièrement sous la forme d'opérations visant à lutter contre la famine en Afrique86 et à récolter des fonds destinés à la recherche contre le Sida87.
Pour en finir avec cette question, il est intéressant de noter qu'un certain nombre de pays prohibent le metal de manière extrêmement radicale. Ainsi, on a pu voir des amateurs de metal égyptiens ou malais condamnés pour leur goûts musicaux88 Par ailleurs, en février 2003, quatorze jeunes marocains ont été condamnés par leur pays à des peines de prison ferme (de un mois à un an) pour avoir joué et écouté du hard rock. Leurs juges ont estimé qu'il avaient mené une « tentative d'ébranler la foi des musulmans ». Onze d'entre eux ont bénéficié d'une liberté provisoire, tandis que les trois autres ont été incarcérés jusqu'au 4 avril de la même année89
Notes de bas de page
1 Jodelet, D. 1991. Les représentations sociales. Paris : Presses Universitaires de France, coll. Sociologie d'aujourd'hui. 1ère éd. 1989, p. 36.
2 Jodelet, D. 1991. op. cit., p. 43.
3 A titre d'exemple, on peut lire dans l'éditorial de James Petit, Hard N'Heavy, no 1, 1994, p. 5, les propos suivants : « Malgré le succès de ce style musical, les grands médias et la plupart des radios ignorent ce nombreux public, c'est-à-dire vous qui me lisez. Le hard rock est rejeté ou oublié, voire censuré ».
4 Le dossier en question est introduit par la phrase suivante : « De tous les styles musicaux, le metal semble le mieux parti en ce début de millénaire », p. 53
5 Par exemple, on a pu lire dans l'édition du 31 octobre 2000 du Monde, les propos suivants au sujet d'AC/DC : « Illetré et voyou, ce rock prolétarien est pourtant profondément ancré dans l’histoire, celle du blues et du boogie ».
6 Ces quotidiens couvrent évidemment les faits divers les plus spectaculaires liés au metal. S'il arrive que Libération traite de l'actualité metal dans ses pages « culture », Le Monde limite ses papiers aux événements importants de type concerts ou festivals.
7 Pat Boone. 1997. In a metal mood. No more Mr. Nice guy. Hip Records.
8 Le titre en question est « The memory remains », Metallica. 1997. Reload. Elektra.
9 Rock Hard, no 17, 2002, p. 16.
10 Cité dans Enfer Magazine, no 15, 1984, p. 3. Le titre du journal en question n'est hélas pas mentionné.
11 Courrier des lecteurs de Rock Hard, no 10, 2002, p. 8.
12 Seca, J.-M. 2001. Les représentations sociales. Paris : Armand Colin, coll. Cursus, série Sociologie, p. 34.
13 Selon Robert Walser, le heavy metal adopte rarement des positions nihilistes. Au contraire, il cherche souvent à trouver du sens au monde. WALSER, R. 1993. Running with the devil : power, gender & madness in heavy metal music. Delaware, Ohio : Wesleyan University Press, p. 162. Je ne peux qu'abonder dans son sens, en signalant toutefois qu'une fraction infime de groupes black metal tient des discours nihilistes (Carpathian Forest ou Dissection par exemple).
14 Shank, B. 1996. Fears of the white unconscious : music, race and identification in the censorship of « cop killer ». Radical History Review, no 66. Disponible sur : http://chnm.gmu.edu/rhr/article1.htm, p. 5. L'auteur cite près d'une dizaine d'articles en référence pour étayer ses propos.
15 Becker, H. S. 1985. Outsiders. Paris : Métailié. Ed. orig. 1963, p. 171-188.
16 Becker, H. S. 1985. op. cit.
17 Weinstein, D. 2000. Heavy Metal. The music and its culture. New York : Da Capo Press. 1ère éd. 1991, p. 273-274.
18 L'auteur parle de « proud pariahs » : Weinstein, D. 2000. op. cit., p. 93.
19 Walser, R. 1993. op. cit., p. Introduction / xvii
20 Bourdieu, P. 1979. La distinction. Paris : Minuit.
21 Alarie, S., Brochu, S. 1996. Audition de musique « Heavy Metal » et déviance : un lien complexe. Revue internationale de criminologie et de police technique, no XLIX, p. 308.
22 C'est ce que confirment également les études américaines et allemandes sur le sujet.
23 Une étude du GEMA a permis d'observer que la fréquentation des concerts de la famille hard rock était féminine à hauteur d'un tiers du public total : Développement culturel. 1998. Le public des concerts de musiques amplifiées, no 122. Par ailleurs, Bettina Roccor note que beaucoup d'amatrices de metal ne cherchent à nouer aucun contact avec cette scène et qu'elles "pratiquent" la musique en privé. Roccor, B. 2002. Heavy Metal. Kunst, Kommerz, Ketzerei. Berlin : I.P. Verlag Jeske/Mader GbR. 1ère éd. 1998, p. 185.
24 En règle générale, les équipes de rédaction des magazines français sont constituées d'une dizaine de personnes qui, dans le meilleur des cas, comptent deux à trois femmes parmi elles. Fait remarquable, c'est une femme, Nathalie Noguera-Vera, qui dirige la rédaction du mensuel Hard Rock.
25 Outre cette liste d'activité, Bettina Roccor identifie trois types de rôles dévolus aux femmes dans le monde du metal : les groupies qui cherchent à obtenir les faveurs des musiciens, les amies ou femmes des amateurs ou pratiquants de metal et les fans que rien ne distingue de leurs homologues masculins. Roccor, B. 2002. op. cit., p. 186-192.
26 Pour Robert Walser, le heavy metal repose sur un discours patriarcal. Walser, R. 1993. op. cit., p. 109.
27 Marie-Christine Bonzom a relevé qu'entre 1973 et 1979, seules cinq femmes ont eu droit à la première de couverture du mensuel Rock & Folk. Elles sont huit à obtenir cet honneur entre 1980 et 1985. Soit 13 couvertures sur 144 numéros. Des chiffres qui parlent d'eux-mêmes. Bonzom, M.-C. 1991. Le Noir, la Femme et le Sudiste. Une mythologie du rock sous presse. In Mignon, R, Hennion, A. Sous la dir. 1991. Rock. De l’histoire au mythe. Paris : Anthropos, coll. Vibrations, p. 69-72.
28 Article « Les groupies », dans Enfer Magazine, no 44, 1987, p. 24-27.
29 Metal Attack, no 12, 1984, Spécial : les nanas du hard, p. 3 et 51.
30 Walser, R. 1993. op. cit., p. 135-136.
31 On retrouve cette analyse dans les ouvrages suivants : Le Bart, C. 2000. Les fans des Beatles. Sociologie d'une passion. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, coll. Le sens social, p. 198 ; Roccor, B. 2002. op. cit., p. 176.
32 Walser, R. 1993. op. cit., p. 131.
33 Roccor, B. 2002. op. cit., p. 199.
34 Le Bon, G. 1963. La psychologie des foules. Paris : Presses Universitaires de France, p. 18. Cité par BENETOLLO, A. 1999. Rock et politique : censure, opposition, intégration. Paris : L'Harmattan. Coll. Logiques Sociales, p. 133.
35 C'est un point de vue que partage également Deena Weinstein qui a interrogé des agents de sécurité de Chicago. Ces derniers déclarent par exemple préférer le public metal à celui de la country music car moins enclin à la violence aussi bien au sein de la communauté qu'à l'endroit des agents de sécurité. Weinstein, D. 2000. op. cit., p. 181.
36 Hennion, A. 1993. La passion musicale. Une sociologie de la médiation. Paris : Métailié, p. 323-324.
37 Hennion, A. 1993. op. cit., p. 323.
38 Voici par exemple un extrait de l'analyse du concert d'Opeth (9 février 2003 à la Locomotive à Paris), rédigée par Tonton, du webzine Violent Solutions : « Quand on entend Opeth, on n'a pas envie de sauter dans tous les sens mais plutôt de s'asseoir et d'écouter afin de profiter au mieux de leur magie musicale » : http://vsolutions.free.fr/iliste.php3?url=http://vsolutions.free.fr/frame_livereport_bas_opeth2.htm
39 Berger, H. M. 1999. Metal, rock and jazz. Perception and the phenomenology of musical experience. Delaware, Ohio : Wesleyan University Press, p. 72.
40 Benetollo, A. 1999. op. cit., p. 134-135 ; Enfer Magazine, no 32, 1986, p. 49.
41 La police a effectivement retrouvé un CD du groupe au domicile du jeune homme. Fort de cette information, le Sun a alors inventé de toutes pièces le titre « School wars » – prônant l'assassinat du corps enseignant à coups de fusil à pompe – et l'a ensuite attribué fallacieusement à Slipknot. Rock Hard, no 12, 2002, p. 19.
42 Ce sont particulièrement les groupes Silverchair et Nirvana qui ont fait les frais de cette opération. Hard Rock, no 22, 1997, p. 12.
43 Becker, H. S. 1985. op. cit., p. 171-186.
44 Sur l'album Stained class (1978, CBS).
45 Il est dressé sommairement par Benetollo, A. 1999. op.cit., p. 135-137 et par Walser, R. 1993. op. cit., p. 145-146. Il est relaté plus longuement dans le reportage intitulé Dream Deceivers, de David Van Taylor (1991).
46 L'un d'eux, James Vance, à survécu à la déflagration de l'arme qu'il s'était appuyée sous la gorge. Totalement défiguré, il mourra d'overdose trois ans après son suicide raté.
47 Cette interrogation est valable également pour d'autres formes artistiques comme l'a démontré la polémique récente (juin 2002), engendrée par le meurtre d'une adolescente par un lycéen ayant prétendument agi sous l'influence du film Scream de Wes Craven (2000). Controverse également, lorsqu'en octobre 1994, la police met fin à la dérive meurtrière d'un jeune couple se revendiquant du film Tueurs nés, d'Oliver Stone (1994). Pour la question des images violentes, voir Tisseron, S. 2000. Enfants sous influence. Les écrans rendent-ils les jeunes violents ? Paris : Armand Colin, coll. Renouveaux en psychanalyse. On peut même appliquer cette interrogation à la littérature puisque la publication du livre Les souffrances du jeune Werther (1774) de J. W. Goethe fut suivie d'une vague de suicides au pistolet. Pour imiter le geste du héros du roman ?
48 Durkheim, E. 1960. Le suicide. Etude de sociologie. Presses Universitaires de France. 1ère éd. 1897.
49 Alarie, S., Brochu, S. 1996. Audition de musique « Heavy Metal » et déviance : un lien complexe. Revue internationale de criminologie et de police technique, no XLIX, p. 300-311.
50 Walser, R. 1993. op. cit., p. 150 ; Weinstein, D. 2000. op. cit., p. 253.
51 La publication de ce disque, ressenti comme un véritable sacrilège par certains courants puritains aux Etats-Unis, a donné naissance à un comité visant à boycotter Pat Boone. On peut en avoir une illustration sur : http://www.rossetta.com/patboone.htm
52 Alice Cooper est lui aussi réputé pour avoir pactisé avec le Diable en échange du succès.
53 Lévi, E. 1856. Dogme et rituel de la haute magie. Paris : Germer Bailière. Il est le mage français le plus important du 19ème siècle.
54 Ils seront guidés dans cette voie par Kenneth Anger, un « Mage Noir », héritier de Crowley, proche d'Anton LaVey et cinéaste d'avant-garde ayant notamment réalisé, en hommage à Aleister Crowley, Lucifer rising. Invocation of my demon brother (1972), dont le rôle principal sera tenu par Anton LaVey. Le groupe se soustrait à l'influence d'Anger après le désastreux concert d'Altamont (6 décembre 1969), qui se solde par la mort de deux personnes.
55 Crowley, A. 1938. The Book of the Law. Berlin : Ordo Templi Orientis. Pour une biographie rapide d'Aleister Crowley, on se reportera à Baddeley, G. 1999. Lucifer rising. Sin, devil worship & rock'n'roll. London : Plexus, p. 23-32.
56 Lavey, A. S. 1969. The Satanic Bible. New York : Avon Books.
57 Pour un aperçu biographique de LaVey, on se reportera à Baddeley, G. 1999. op. cit., p. 67-78.
58 On peut prendre connaissance d'une série de faits criminels à connotation satanique sur le site de l'Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l'Individu. Disponible sur : http://www.unadfi.org/actualite/themes/satanisme.htm
59 Certains musiciens américains tels que Glen Benton de Deicide, rappellent souvent que l'utilisation du satanisme est en quelque sorte une réaction à l'omniprésence des télévangélistes.
60 Domergue, B. 2000. Culture barock & Gothic flamboyant. La musique extrême : un écho surgi des abîmes. Paris : François-Xavier de Guibert.
61 Ces propos restent surtout valables en Occident. En 1997, plus d'une centaine de jeunes étudiants égyptiens ont été appréhendés par la police de leur pays sous prétexte d'être à la fois des adorateurs de Satan et des amateurs de heavy metal. Dévoilée en plein ramadan, l'affaire a fait grand bruit en Egypte. Certains commentateurs y ont vu un « complot sioniste », tandis que les autorités religieuses ont réclamé à leur encontre la peine maximale : la décapitation. Le Monde, 12 février 1997.
62 Assayas, M. 2000. Beatles (The). In Assayas, M. Dictionnaire du rock. Paris : Robert Laffont, p. 118.
63 Regimbal, J-P. 1983. Le Rock'n'Roll – Viol de la conscience par les messages subliminaux. Sherbrooke, Quebec : St-Raphaël Inc. Les deux exemples cités plus haut sont extraits de cet ouvrage.
64 Domergue, B. 2000. op. cit., p. 20.
65 Roccor, B. 2002. op. cit., p. 233.
66 Enfer Magazine, no 47, 1987, p. 4.
67 Le groupe a par ailleurs été au centre d'une polémique en 1986, suite à la parution du titre « Angel of death » sur l'album Reign in blood. Selon le groupe, les paroles du morceau mettent en scène le médecin de sinistre mémoire Josef Mengele. Ses détracteurs les dénoncent en tant qu'un manifeste d'inspiration fasciste. Les musiciens déclareront n'avoir jamais compris pourquoi ce titre avait déclenché tant de fureur et d'interprétations.
68 Aborym. 1999. Kali-Yuga bizarre. Scarlet. (ita-hon)
69 Abruptum. 1993. Obscuritatem advoco amplectere me. Death Like Silence. (sué)
70 Moynihan, M., Søderlind, D. 1998. Lords of chaos. The bloody rise of the satanic metal underground. Los Angeles : Feral House, p. 305-306.
71 Le titre incriminé, « Communion », contient les propos suivants : « Qu'ils périssent par le feu, ceux qui refusent de jouir et répandent dans leur messe leurs sermons oniriques. Le blasphème est un choix. Nous prônons l'hérésie... »
72 Présent, no 3761, 25 janvier 1997.
73 Berger, H. M. 1999. op. cit., p. 66 ; 279-282.
74 Un nouveau pas en ce sens semble avoir été franchi avec le groupe suédois Ondskapt qui, dans son premier album, Draco sit mihi dux (2002, Selbstmord), glorifie le meurtre, le suicide, les drogues, le viol, la guerre, l'inceste, le cannibalisme, la pédophilie, l'oppression, la violence, la corruption et le fascisme. On peut avoir un aperçu de ces propos sur : http://www.blackplague.org/antichrist/html/selbstmord/artist-ondskapt.html
75 L'intérêt pour les textes est très peu évoqué au cours des nombreuses conversations d'amateurs auxquelles j'ai pu participer. Il est significatif que les chanteurs soient surtout appréciés pour leur talent de vocaliste, au même titre qu'un musicien. A ma connaissance, ce que les amateurs perçoivent d'un groupe et de ses thématiques, provient pour l'essentiel, des informations qu'ils ont pu recueillir à son sujet au travers de la presse spécialisée (photos, interviews), de l'esthétique des pochettes de disques, du titre du disque et des titres des morceaux qui y figurent. Par ailleurs, n'oublions pas que les groupes ne publient pas systématiquement leurs paroles. En outre, certaines formations nordiques pratiquent fréquemment des langues vernaculaires dont on peut douter qu'elles soient familières à tous leurs auditeurs. Plus qu'à tout autre élément, les amateurs semblent donc être avant tout sensibles au climat se dégageant d'un disque.
76 Roccor, B. 2002. op. cit., p. 233.
77 Lahire, B. 1998. L'homme pluriel. Les ressorts de l'action. Paris : Nathan.
78 L'affaire Cantat-Trintignant ayant défrayé la chronique cet été 2003 est à ce titre particulièrement signifiante. L'actrice a été dépeinte comme une mère idéale, tandis que derrière le rocker se cachait un assassin en latence. Un discours aussi stéréotypé ne peut produire aucune nuance.
79 L'émission entend dénoncer « les dangers des mauvaises fréquentations, des mauvaises influences et des manipulations dont sont victimes certains jeunes. Ils sont la proie de sectes, de bandes de quartiers, d'escrocs du show-biz, mais aussi d'amis, de relations amoureuses ou de proches ». Le reportage en question est résumé comme suit : « De plus en plus d'adolescents, de tous les milieux sociaux, sont fascinés par la mort, le diable et les ténèbres. Certains sont sous l'influence des groupes "satanistes", qui ont leurs rites, leur culture et leurs codes. Mais il y a des risques. Les adolescents les plus fragiles se laissent influencer par les messages que véhicule le satanisme. Et cela peut aller très loin : profanation de cimetières, sacrifices, meurtres, suicides ». Ces propos ont été relevés sur le site Internet de l'émission avant qu'il ne disparaisse avec l'émission elle-même.
80 Parmi les 132 sujets archivés ayant été traités dans l'émission, celui-ci tient la deuxième place en terme de réaction des spectateurs. Il enregistre 247 commentaires, juste derrière le sujet intitulé « Viols et violence entre jeunes » (268 commentaires). A titre de comparaison, aucun autre sujet archivé ne dépasse les 27 commentaires. Le site Internet de l'émission ayant disparu, ces éléments ne sont malheureusement plus disponibles.
81 Benetollo, A. 1999. op. cit., p. 26. Sur le sujet, voir également Weinstein, D. 2000. op. cit., p. 249-275, et Enfer Magazine, no 32, 1985, p. 48-50. et no 35, p.8.
82 Dont Tipper Gore, la femme d'Albert Gore, vice-président sous l'administration Clinton.
83 Le processus de constitution et de cheminement du PMRC est relaté dans la première partie de l'ouvrage de Benetollo, A. 1999. op. cit., et Enfer Magazine, no 32, 1986, p. 48-50. Les attaques contre le metal ont été inspirées à ce groupe de pression par un pamphlet autoédité de 18 pages, rédigées par un professeur de musique nommé Joe Stuessy. Ce dernier souhaite employer « la solution finale » pour éradiquer le heavy metal. Par ailleurs, il oppose le caractère déviant du metal ainsi que sa supposée pauvreté musicale à l'inspiration « mystérieuse et probablement divine » de compositeurs tels que Beethoven. Walser, R. 1993. op. cit., p. 139-141.
84 Enfer Magazine, 1986, no 35, p. 8.
85 Benetollo, A. 1999. op. cit., p. 179.
86 En 1986, sous la direction de Ronnie James Dio, quarante artistes enregistrent le disque Hear'n aid. Stars. Mercury.
87 En 1992, à lieu le Wembley Arena Freddie Mercury Tribute Festival avec Metallica, Extreme, Def Leppard et Guns n'Roses.
88 Voir l'article d'Alexandre Buccianti « Des étudiants égyptiens aisés aimaient le hard rock et "adoraient" Satan. Les autorités religieuses exigent un châtiment exemplaire » paru dans Le Monde, 12 février 1997. Voir également l'article « Le black metal banni en Malaisie » paru dans Libération, 4 août 2001.
89 On peut avoir plus de détails concernant cette affaire sur le site suivant : http://leconomiste.com/article.html?a=46739.
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