Technomedia
|Les cultures jeunes, du rock aux danses électro
Chapitre 2. La marque Tecktonik et les industries du loisir
Texte intégral
Tecktonik : une marque déposée, un concept décliné
1Alexandre Barouzdin et Cyril Blanc sont les fondateurs de la marque Tecktonik. Directeurs artistiques du Metropolis, ils organisent en 2002 les premières soirées « Tecktonik Killer » dans cette vaste discothèque située à Rungis, dans le Val-de-Marne. Alexandre et Cyril sont eux-mêmes adeptes du clubbing. Pour ce nouveau concept de soirée, ils s’inspirent de leur expérience du monde de la nuit à l’étranger. Ils invitent de grands Djs belges et hollandais de hard style à mixer : Philippe B, Shakedown, Dj Furax, Dj Sisma, A*S*Y*S, Dominique Van Der Niet, Max B Grant… Alors que la musique hard style a déjà un grand succès en Belgique et en Hollande, c’est la première fois qu’une soirée en France lui est dédiée. Les soirées Tecktonik Killer ont un grand succès : 4 000 à 6 000 jeunes viennent danser au Metropolis au son du hard style.
- 1 Entretien avec Mathieu Solard et interview d’A. Barouzdin par G. Solard, C. Naïmi, Mémoire disco, (...)
2C’est en partie sur la piste de danse du Metropolis que la danse électro a pris son essor. Au travers des soirées Tecktonik Killers (autour du hard style) et Black Out (consacrées à l’électro), de voyages en bus organisés pour faire découvrir aux jeunes les clubs en Belgique et en Hollande, puis des soirées Dance floor où les danseurs s’affrontent sur un ring aménagé dans la discothèque, le Metropolis a popularisé le hard style et a joué un rôle important dans le développement de ces danses. Alexandre Barouzdin et Cyril Blanc se présentent d’ailleurs volontiers comme les inventeurs de ce courant, ayant impulsé les coiffures stylisées et la danse dans leur club, mélangeant plusieurs influences (le hard style, le voguing, le jean slim, etc.) pour donner naissance à un nouveau style1. Ce discours est à relativiser.
« On essaie de développer Tecktonik partout dans le monde, notamment au Maroc, au Japon, en Espagne, au Portugal, on espère aussi aux États-Unis. Pour cela, on développe de nombreux booking, on participe à de nombreux festivals, en recréant l’esprit de notre soirée avec Djs, danseurs, décoration des lieux. On peut compter sur le soutien de notre maison de disque EMI qui développe les compilations à l’international. »
Mathieu Solard, directeur marketing et licence de Tecktonik
- 2 Entretien avec M. Solard, responsable marketing de Tecktonik. Voir aussi M. Kessous, « Tecktonik ( (...)
3Quoi qu’il en soit, forts du succès de leurs soirées, et sur les conseils de David Guetta qui avait déjà lui-même protégé ses soirées Scream, Alexandre Barouzdin et Cyril Blanc déposent Tecktonik à l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) dès 2002, afin que personne ne puisse utiliser le nom. Peu après, ils fondent une société (Tecktonik Event, qui sera ensuite remplacée par Tecktonik) et déclinent le concept en compilations et produits dérivés. L’industrie du disque s’y intéresse rapidement. Les deux premiers volumes des compilations Tecktonik, mixées par Dj Dess et Dj R.V.B, produites sur un label indépendant et distribuées par Sony en 2006, se vendent bien. Mais le décollage se fait vraiment avec les deux volumes suivants, dans le cadre d’un contrat international d’édition et de distribution avec EMI : ce sont cette fois 500 000 exemplaires qui s’écoulent en France, et quelques dizaines de milliers à l’étranger. Vient ensuite, toujours chez EMI, le DVD Dance Contest Tecktonik. Un partenariat est noué avec Erikson, qui propose des téléphones portables ornés du logo de la marque, comprenant des musiques et sonneries Tecktonik, ainsi qu’avec la marque de chewing-gum Airways. On peut également trouver des tee-shirts à l’effigie de la marque ainsi que des boissons énergisantes. Des cours de danse officiels sont proposés dans un centre de fitness à Paris. Des tournées sont organisées un peu partout dans le monde, les danseurs et Djs officiels représentant ainsi la marque en Espagne, au Portugal, au Maroc… En 2008, TF1 devient agent commercial pour la France. Son rôle : promouvoir et développer la marque en signant des contrats de licence, c’est-à-dire en trouvant des partenaires pour décliner la marque en produits dérivés aptes à séduire une clientèle jeune2. L’arrivée de la Tecktonik sur les consoles de jeu Nintendo DS en 2008 est le fruit de cette collaboration : avec « Tecktonik World Tour », l’électro se danse désormais aussi virtuellement. Mais le concept s’est aussi décliné dans la papeterie, le textile, la bagagerie, la maroquinerie, les accessoires de téléphonie mobile, le linge de maison…
« Si Cyril et Alexandre n’avaient pas organisé des soirées Tecktonik au sein du Metropolis, la danse n’aurait pas pris cette ampleur. Plus tard, on pourra dire que si ça danse électro ou Tecktonik à New York, Tokyo ou Mexico, ce sera grâce à tout ce qu’ils ont réalisé pendant 7 ans. »
Mathieu Solard, directeur marketing et licence de Tecktonik
4En 2008, à l’heure de la commercialisation de la sixième compilation, on ne peut que constater le succès de la marque Tecktonik. Des clubbers, des adolescents, mais aussi des plus jeunes, arborent l’aigle stylisé et l’étoile, les vêtements aux couleurs fluo sur fond noir, les brassards et chaussettes rayées. Les danseurs de la team officielle, Ecclesiast, représentent la marque et suscitent l’admiration des danseurs. Va-Van, Treaxy et les autres sont adulés comme des stars. En 2009, la team est rebaptisée Iconic Crew. Composée de Jey Jey, Lili Asian, Treaxy et Naim, le groupe enchaîne les shows de démonstrations, dans des discothèques et clubs de loisirs, et les tournées à l’étranger. Pour les fondateurs de Tecktonik, il s’agit de développer leur marque tout en réalisant des projets de qualité à l’intention des clubbers et des plus jeunes, et de répondre à leur demande d’identification avec les tee-shirts et les produits dérivés. Certes, les partenariats sont choisis : une boisson énergisante et pas une marque d’alcool, une salle de sport et pas un fabricant de cigarettes. Il n’en reste pas moins que Tecktonik est une entreprise, et vise une expansion mondiale. Cet état de fait suscite des réactions contrastées : l’essor des danses électro n’est-il que le résultat d’une stratégie commerciale ?
« On est aidé par des partenaires assez solides, qui sont TF1 en tant qu’agent commercial pour la France, EMI pour la partie musicale. Ils sont là pour nous mettre en contact avec des licenciés ou pour développer la partie merchandising. »
Mathieu Solard, directeur marketing et licence de Tecktonik
Un coup marketing ?
- 3 R. Khelifi, « Tecktonik, la nouvelle vague », Libération.fr, 14 juin 2007 ; C. Couvez, « Jumpstyle (...)
5L’été 2007, les grands médias s’intéressent à une nouvelle culture jeune en plein essor. Les articles de presse se succèdent. Le 11 juin, Libération.fr annonce : « Tecktonik, la nouvelle vague ». Le 11 juillet, 20 minutes fait paraître un article « Jumpstyle vs. Tecktonik ». Le 16 août, Le journal du dimanche déclare que « La tecktonik fait vibrer les ados », tandis que, le 23 août, Le Nouvel Observateur parle de « La tecktonik, danse sismique » et que Libération titre le 31 août « La tecktonik dépote3 ». De même dans les journaux et programmes télévisés. Sur Internet, les vidéos de danse circulent. Sur YouTube et Dailymotion, les jeunes postent des démonstrations titrées tecktonik. Ainsi, le nom de la marque perd sa majuscule, glisse vers le nom commun et devient le terme générique pour désigner le mouvement tout entier. C’est la première fois qu’une culture jeune est à ce point associée à une marque. Les amateurs de rock, de rap, de techno, avaient bien leurs marques fétiches, mais aucun des noms de ces courants n’a jamais été déposé ! Tecktonik cristallise toutes les passions : on voit d’un côté l’engouement des jeunes, le succès des compilations et produits dérivés, et de l’autre des critiques cinglantes (jusqu’aux « brigades anti-tecktonik » !) de la part de ceux qui perçoivent ce phénomène comme une vaste opération commerciale et ses amateurs comme de jeunes consommateurs manipulés.
6En réalité, les médias ont un peu vite diffusé le terme Tecktonik, favorisant le flou entre la marque et le mouvement. On comprend que les fondateurs n’aient vu aucune objection à ce que le nom de leur marque se popularise et en vienne à désigner ce phénomène juvénile naissant. Contre le discours de Tecktonik se présentant comme l’inventeur de la danse et du style, mais aussi contre le discours critique réduisant le mouvement à une opération marketing, il convient de porter un regard plus analytique et moins passionné.
- 4 N. Tosches, Héros oubliés du rock’n’roll, Paris, 10/18, 2003, notamment p. 19-34.
7Tecktonik a en effet une place importante dans le développement de cette danse, mais il est peu probable que la marque soit elle seule à l’origine du mouvement. Bien qu’il y ait toujours des personnages exceptionnels, des lieux mythiques, des événements clefs, les cultures populaires naissent de manière diffuse, par prolongement de courants existants et par métissage de formes connues. On peut affirmer que Bill Haley et Elvis Presley ont joué un rôle capital dans l’apparition du rock’n’roll, mais ils ne l’ont pas inventé à eux seuls. Le rock est né du métissage du blues et du rythm and blues de la culture noire, et de la musique country de la culture blanche, avec des précurseurs comme Glenn Miller et Fats Domino, et bien d’autres musiciens encore que l’histoire n’a pas retenus4. Les formes culturelles nouvelles apparaissent sous l’impulsion d’artistes de génie, mais sont aussi le fruit d’une créativité diffuse, d’expérimentations de groupes plus ou moins connus, la cristallisation d’un esprit du temps. Dans le cas des danses électro, on peut faire l’hypothèse d’une naissance en partie spontanée dans les clubs, dans le prolongement du jump style. La danse s’est codifiée et s’est popularisée sur la piste du Metropolis, mais aussi sur celles du Mix Club et du Redlight, deux autres discothèques parisiennes. C’est aussi de cette façon spontanée que sont apparues les teams de danseurs, dont les premières semblent s’être constituées l’année 2005. Si les regroupements existent depuis longtemps dans les cultures jeunes – pensons aux groupes rock ou aux crew du hip hop – elles ont pris avec les teams de nouveaux contours. Les fondateurs de Tecktonik, pour créer leur team officielle en 2007, ont rassemblé les meilleurs danseurs des équipes existantes : voilà bien une preuve que la marque ne peut se réclamer de l’entière paternité du mouvement !
« Tecktonik n’est pas une danse mais une entreprise. Cette danse se nomme la danse électro. »
Blog de Dance Generation
- 5 Plateforme depuis renommée Skyrock.
- 6 Entretien avec Fozzie Bear. Voir aussi S. Koly, « La tecktonik dépote », Libération, 31 août 2007.
8Tous ne se reconnaissent pas dans la marque. Certains adoptent le look et la danse sans pour autant arborer l’aigle et l’étoile Tecktonik. Dance Generation fait partie de ces jeunes qui cherchent à imposer le terme de danse électro. Ce petit groupe d’activistes a largement contribué à l’essor de la danse en créant le blog Dance Generation sur la plateforme Skyblog5. Le collectif rassemble Fozzie Bear, Dj et compositeur, Ristourne, jeune réalisateur, et plusieurs danseurs. Sur leur blog, ils font le récit de la récente histoire de cette danse, diffusent des vidéos de performance, des musiques, postent des sujets d’actualité sur la danse électro, proposent des vidéos de cours pour apprendre les mouvements. Dance Generation est aussi à l’origine des « aprems électro », ces rassemblements de danseurs dans l’espace public, qui sont aussi l’occasion de réaliser des vidéos ensuite diffusées sur le web. La première aprem, simplement annoncée sur le blog, réunit 200 personnes. La troisième, lors de la fête de la musique en juin 2007, rassemble plus de 1 000 amateurs et curieux6. Des collectifs éponymes se sont constitués dans de nombreuses villes de France et à l’étranger. Le principe des aprems électro a également essaimé, et les jeunes se rassemblent pour danser dans les villes françaises, mais aussi à la Réunion, en Italie, au Portugal, en Belgique, en Suisse, au Maroc, au Sénégal…
9Dance Generation, tout en promouvant le terme de danse électro et en refusant l’amalgame avec Tecktonik, ne se situe pas comme une culture alternative. Les courants underground, comme le punk par exemple, se positionnent en marge de l’économie de la culture. Les musiciens portent une critique du « système » et refusent de faire du « commercial » (même si ce positionnement peut être ambivalent). Dans la danse électro au contraire, la dimension commerciale n’est pas rejetée. Plus encore, le marketing qui entoure les activités culturelles se fait valeur, ses qualités peuvent être appréciées.
« Moi visuellement, esthétiquement j’ai rien contre la marque Tecktonik, ce qu’ils font c’est super beau, c’est du beau marketing. […] En fait ça m’ennuie que tous les médias disent ‘‘Tecktonik, c’est un style, si t’es un Tecktonik t’es fluo, t’as une crête, tu vas au Metropolis’’, moi je n’ai pas de fluo, je n’ai pas une grosse crête au gel, je ne vais pas au Metropolis, et pourtant voilà je fais aussi partie du mouvement. »
Fozzie Bear, 18 ans, Dance Generation
Les danses électro : un phénomène économiquement intégré
10Si les danses électro ne résultent pas d’un pur coup marketing lancé par Tecktonik, il est vrai qu’il s’agit là d’un phénomène bien intégré dans l’économie de la culture. La danse électro s’affiche dans des clips, des DVD, des films. Durant les années 2007 et 2008, les projets commerciaux se multiplient.
11Les grandes entreprises de l’industrie du loisir se sont vite intéressées à la danse électro. Ainsi, Universal a produit en 2007 le projet Mondotek, imaginé par trois danseurs et chorégraphes. On peut parler d’un nouveau concept dans l’industrie du disque car ce sont les danseurs qui sont mis en avant dans la promotion du CD-DVD. Les musiciens à l’origine du morceau du CD single « Alive » s’effacent derrière le nom du projet et les danseurs – les musiciens ont d’ailleurs ensuite intenté une poursuite judiciaire à l’encontre d’Universal. Génération Mondotek remporte un franc succès commercial : environ 350 000 exemplaires écoulés en France pour le single et 100 000 pour le CD-DVD. Les mêmes chorégraphes poursuivent avec le projet Electro-Tek, cette fois avec Sony BMG : trois DVD sont commercialisés, où les danseurs Jey Jey et Lecktra décomposent les phases à l’intention des jeunes amateurs d’électro. Une marque de vêtements est également lancée, Trinitek, disponible dans les magasins de grande distribution et supportée par les danseurs Jey Jey, Lili Asian et Karmapa. Warner Music France, branche française d’une autre grande firme de l’industrie du loisir, a signé les danseurs de la team SMDB et produit le CD-DVD « Electro Mix vol. 1/Vertifight : le battle électro de référence ». Commercialisé en 2008, il contient un CD mixé et des images de danseurs et de teams s’affrontant pour les sélections du championnat de France de danse électro.
« Nous on voulait mettre en avant des danseurs électro. Pas un Dj, pas un chanteur avec des danseurs derrière, mais vraiment des danseurs. Ça ne s’était jamais fait. Aujourd’hui les artistes Mondotek sont les trois danseurs, Jey Jey, Lili Asian et Karmapa, et donc Universal a bien voulu nous suivre sur ce projet, étant conscient de l’engouement populaire de ce mouvement, et ça a fait un carton. Au mois de novembre on a été premiers des ventes de single, on a été premiers des passages en club, on a été premiers des téléchargements de sonneries, premiers sur les radios. »
Ken, danseur, chorégraphe et manager
12Les jeunes acteurs du mouvement se lancent également dans des projets. Le collectif Dance Generation est ainsi à l’origine des deux volumes du CD-DVD Electro Dance Generation. Produits par Warner et commercialisés en 2007 et 2008, ils se sont écoulés à environ 50000 exemplaires. Parmi les productions culturelles autour de cette danse, citons encore le film Génération Electro sorti en 2008, réalisé par Patrick Chevalier et mettant en scène des danseurs de la team SMDB. La radio et la télévision ne sont pas en reste : la chaîne Canal J a intégré dans son émission Kid Tonik des modules de cours de danse électro, Radio FG a proposé des émissions Tecktonik, NRJ a porté le projet Iniclubbing et a diffusé des battles sur la chaîne TNT NRJ 12… Les danseurs électro ont aussi suscité l’intérêt des artistes de variétés, comme Yelle qui les a fait apparaître dans le clip d’« À cause des garçons », ou encore Lorie dans le clip de « Je vais vite ». Les marques se sont elles aussi emparées de ce nouveau phénomène juvénile : on a pu ainsi voir danser Jey Jey dans des pubs web de M6 Mobile et Microsoft, tandis que la marque de téléphone portable Sony Ericsson et les chewing gum Airways se sont fait supporter par le danseur Treaxy. Ce dernier a également été sollicité pour le jeu vidéo « Tecktonik World Tour » sur Nintendo DS, les joueurs pouvant ainsi être « coachés » par son effigie.
- 7 Entretiens avec Youval et Steady et « Le Vertifight, première compétition de danse électro », Oues (...)
13Les danses électro se sont très vite insérées dans un monde professionnel et économique déjà bien structuré : celui du spectacle vivant et du disque, déjà peuplé de promoteurs, de tourneurs, d’éditeurs, de producteurs, d’organisateurs, de distributeurs, de managers, de festivals et lieux de diffusion. Chaque nouveau courant apparu depuis le rock’n’roll initial s’intègre à ce monde tout en participant à sa reconfiguration. Depuis 2007, des organisateurs d’événements hip hop ont intégré ces danses à leur palette d’activités. Hagson, Youval et Steady, jusque-là investis dans le hip hop, se sont en effet saisis de l’opportunité de ces nouvelles expressions et de ce nouveau public pour organiser un championnat spécialement dédié à ces danses. À partir d’octobre 2007, l’équipe Vertifight organise un événement par mois. Le principe fait des émules et des battles Vertifight voient le jour un peu partout en France. Comme Tecktonik, l’équipe dépose le nom Vertifight à l’INPI pour se protéger contre une appropriation de leur nom. Malgré cela, les événements se multiplient. L’équipe décide alors de s’imposer par l’envergure de ses événements, et d’organiser un championnat de France. La finale à Paris du premier opus, en décembre 2008, a clôturé des sessions de sélection dans différentes villes de province, où les danseurs se sont affrontés devant un jury. Mais là encore, le principe essaime, dans le monde cette fois : des événements Vertifight fleurissent ça et là, de la Tunisie à la Russie. Pour ramener ces événements dans leur giron, l’équipe du Vertifight contacte les organisateurs pour leur proposer des licences, et organisent un championnat d’envergure internationale. L’équipe a aujourd’hui à son actif deux championnats de France et un championnat du Monde, dont la finale s’est déroulée en janvier 2010 à Paris. Celui-ci a rassemblé environ 1 500 personnes, et l’équipe est déjà tournée vers les événements nationaux et internationaux à venir. Les danses électro se donnent aujourd’hui à voir dans de nombreux pays : Maroc, Algérie, Tunisie, Italie, Espagne, ou encore Mexique, Corée, Brésil, Mongolie… y restant malgré tout confidentielles, sauf semble-t-il en Russie7.
« Dans le hip hop, un nom se fait sur une battle et pas sur une vidéo mise sur YouTube. […] Avec le Vertifight, c’est la première fois qu’il y avait des juges dans l’électro. En fait, on a apporté tout notre savoir du hip hop dans l’électro. »
Steady, créateur du Vertifight.
« L’objectif était de développer Vertifight partout dans le monde. J’ai vendu ou donné des licences partout, et je suis fier de dire qu’on existe partout : on est même en Corée. »
Steady, créateur du Vertifight.
14En 2008, des sociétés de booking, intermédiaires entre les organisateurs et responsables d’événements culturels et les artistes, travaillent avec des danseurs électro. Côté festivals, le Printemps de Bourges a proposé cette année-là une scène « battle Tecktonik », tout comme Art Rock à Saint Brieuc. Si le Metropolis, le Redlight et le Mix Club ont fait figure de pionniers, d’autres boîtes de nuit ont ensuite intégré la danse électro à leur programmation. S’adaptant à une clientèle plus jeune, souvent mineure, des clubs ont ouvert leurs portes les après-midis. Les discothèques suivent ainsi l’évolution des tendances culturelles : le Gibus par exemple, à Paris, après avoir été un haut lieu du rock dans les années 1980, puis des musiques électroniques dans les années 1990, s’est à nouveau reconverti et a accueilli les jeunes danseurs pour des « aprems danse électro » et des battles dans le cadre du Vertifight. En 2009, sentant le vent tourner, les clubs de la capitale se sont désinvestis des danses électro, allant même pour certains jusqu’à interdire de danser sur leurs pistes. Suivant encore l’évolution des modes, les clubs ont jugé que les danseurs électro prenaient subitement trop de place sur les dance floor…
- 8 Voir « La tecktonik des marques », Musique Info Hebdo sur http://musiqueinfo.com/tmpl_index.php?pa (...)
- 9 O. De Plas, « Les liaisons fructueuses », Le Monde, 24 décembre 2008.
15Un autre aspect de l’intégration économique est l’implication des marques. Nintendo DS a commercialisé le jeu vidéo Tecktonik World Tour, Sony Ericsson et M6 Mobile ont signé des contrats publicitaires avec des danseurs, la marque d’équipement sportif Reebok a sponsorisé les danseurs électro du clip « Je vais vite » de Yelle, la marque de gel coiffant Studioline de L’Oréal a lancé en 2007 une chaîne Tecktonik sur YouTube, le distributeur d’équipements sportifs Footlocker a soutenu Tecktonik en installant une scène dédié aux battles de danse électro lors de la Technoparade 2008 et sponsorise les danseurs officiels8… Ces alliances illustrent une tendance très contemporaine, les marques s’impliquant de plus en plus dans les modes juvéniles et le secteur de la musique. Au-delà du placement de produits dans les musiques et les clips, elles n’hésitent pas à solliciter directement les artistes pour qu’ils les soutiennent, voire composent des musiques qui leur sont spécialement dédiées. À l’heure où le marché du disque est en recul, où les supports physiques de la musique se vendent moins, les maisons de disques elles-mêmes font de plus en plus appel aux marques pour nouer des partenariats, trouvant ainsi de nouvelles manières de diffuser largement les productions musicales et de toucher des auditeurs. Elles ont dorénavant des départements spécialisés ou font appel à des intermédiaires pour organiser des partenariats, consistant par exemple à sortir simultanément un album et un nouveau téléphone portable avec sonneries inédites, à soutenir un lancement de produit par des concerts privés, ou encore à mener une campagne marketing commune9.
16Des danseurs comme Jey Jey, Lecktra, Lili Asian, Karmapa, Maestro ou encore Jack Herror ont, en 2007-2008, des agents qui assurent la médiation avec les discothèques, les producteurs, et toutes les personnes désirant les faire venir danser. Les jeunes vont animer des shows dans des boîtes de nuit, font des animations sur des plages, participent aux tournages de clips ou de DVD, partent en tournée aux quatre coins de l’hexagone et à l’étranger, signent des contrats publicitaires avec des marques. Ils sont aussi sollicités par des associations, des collèges ou encore des MJC pour réaliser des stages à l’intention des plus jeunes. De nouveaux horizons s’ouvrent alors pour ces jeunes danseurs : dorénavant rémunérés grâce aux cachets rétribuant leurs prestations, aux royalties générées par la diffusion des disques, clips et DVD, ou encore aux contrats publicitaires, accédant parfois au statut d’intermittent du spectacle, certains envisagent de faire carrière dans la danse.
« Je suis manager depuis maintenant un an, je fais le lien avec toutes les personnes qui veulent travailler avec Jey Jey, et ça se passe bien. Aujourd’hui Jey Jey, Lili Asian et Karmapa sont beaucoup demandés dans les boîtes de France et aussi à l’étranger. Là on revient de l’Ile Maurice, on repart en Tunisie, après on va en Martinique, après on va à Tahiti Nouméa, vraiment une grosse tournée. Après bien sûr, la Suisse, la Belgique, etc. »
Ken, danseur, chorégraphe et manager
Les industries culturelles
17Que la culture soit une marchandise n’est pas un fait nouveau dans notre société. Si elle ne l’a pas été de tous temps, la culture est aujourd’hui un secteur économique. Les objets culturels sont des produits marchands, le rapport à la culture passe par des pratiques d’achat. Par ailleurs, le mouvement électro et la marque Tecktonik sont intégrés dans un paysage culturel et économique qui s’est mis en place il y a deux siècles. C’est en effet à cette époque que les industries culturelles se développent.
- 10 D. Kalifa, La culture de masse en France. 1860-1930, Paris, La Découverte & Syros, 2001, p. 6-37 e (...)
- 11 F. Benhamou, L’économie de la culture, Paris, La Découverte, 2003, p. 71-74.
18Les grandes entreprises internationales qui produisent et diffusent massivement des biens culturels apparaissent au XIXe siècle. C’est à ce moment que de nouvelles techniques et de nouveaux supports matériels apparaissent, qui permettent une production selon des méthodes industrielles. La culture s’insère également dans les circuits du capitalisme industriel : les grosses sociétés anonymes qui produisent les livres, les films, les disques, les spectacles, visent le rendement et la rentabilité. L’histoire de l’industrie culturelle débute avec la presse. C’est le plus ancien des médias : les premières publications périodiques apparaissent au début du xviie siècle. Mais c’est avec l’invention de la presse cylindrique en 1812, puis la mise au point de la rotative par l’Américain Robert Hoe en 1846, que la presse devient une industrie. L’époque des grands tirages commence. Dans une France de plus en plus alphabétisée, les livres, tirés à un grand nombre d’exemplaires, sont diffusés largement. Auparavant centrée sur l’information, la presse multiplie ses thèmes et ses formats : livres standardisés, journaux spécialisés à l’intention d’une catégorie de lecteurs, romans à bon marché, etc.10 À partir du xixe siècle, le secteur de la presse connaît un processus de concentration : des grands groupes s’imposent sur les marchés nationaux et dominent la production et la distribution des livres. Ainsi, en France, en 1998, 16 % des maisons d’édition publiaient 82 % des titres. En 2002, le groupe Lagardère détient 50 % du chiffre d’affaire de l’édition française. Les grands groupes tendent aussi à s’étendre à l’international, comme c’est le cas par exemple de l’Allemand Bertlesmann, premier éditeur mondial11.
- 12 F. Balle, Les médias, op. cit., p. 15-22.
- 13 H. B. Feigenbaum, « Hollywood à l’ère de la production globalisée », Le Monde Diplomatique, août 2 (...)
- 14 F. Benhamou, L’économie de la culture, op. cit., p. 75-81.
19Le cinéma entre dans l’ère industrielle un peu plus tardivement. En Europe, au début du xxe siècle, le cinéma s’intègre d’abord aux spectacles forains, puis cherche à s’imposer comme une expression artistique. Aux États-Unis, il s’oriente dès le départ vers le divertissement et la consommation de masse12. C’est vers 1914 que les studios de production cinématographique sont édifiés à Hollywood, dans la banlieue de Los Angeles, en Californie. Le star system voit le jour : pour assurer le succès des films, les studios misent sur la popularité des acteurs. En s’investissant non seulement dans la production des films mais aussi dans leur distribution et leur exploitation dans les salles, les studios maîtrisent toute la chaîne qui mène aux spectateurs. Cette combinaison donne naissance aux grands studios hollywoodiens : Metro Goldwyn Mayer Incorporated, Warner Bross, Twentieth Century Fox, Paramount, United Artists, RKO et Columbia13. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ces grands groupes contrôlent 90 % des recettes de l’industrie du cinéma. Mais ce système est bouleversé par l’arrêt Paramount, qui contraint les studios à se débarrasser de leurs salles. Les grands studios se reconvertissent alors dans les séries télévisées. Aujourd’hui encore, quelques gros studios maîtrisent la plus grande part de la production, et surtout de la distribution des films : Sony Corporation (Metro Goldwyn Mayer, Paramount, Columbia, DreamWorks, etc.), NBC Universal, Time Warner Company (Walt Disney, Pixar, Miramax, etc.), Fox Entertainment14.
- 15 J. Hains, « Du rouleau de cire au disque compact », dans J.-J. Nattiez (dir.), Musiques. Une encyc (...)
- 16 F. Benhamou, L’économie de la culture, op. cit., p. 66.
20Il faut attendre l’invention de l’enregistrement et de la reproduction sonore, qui permet une diffusion à large échelle, pour que la musique rentre à son tour dans le stade industriel. La première machine à enregistrer de l’histoire est le phonographe, inventé par Thomas Edison en 1877. Si dès le début du xxe siècle, les nouvelles techniques sont employées pour réaliser des enregistrements de musiques populaires et classiques, le véritable essor se réalise avec l’invention de l’enregistrement électrique en 1924 par Bell Telephone. L’industrie du disque ne débute donc vraiment qu’après que le cylindre d’Edison ait été remplacé par le disque à sillons 78 tours15. Le marché se développe à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec le lancement des disques vinyles 33 et 45 tours et l’augmentation de la demande16. La mise en place du droit d’auteur, qui rémunère les auteurs pour l’utilisation et la diffusion de leurs œuvres, réalise l’ouverture d’un marché pour la musique.
- 17 Ibid., p. 77-82.
- 18 SNEP (Syndical National des Éditeurs Phonographiques), Les chiffres clefs de l’année 2005 et Les c (...)
- 19 P. M. Hirsch, « Processing Fads and fashions. An Organization-set Analysis of Cultural Industry Sy (...)
21Au début du siècle, la culture s’insère donc dans les circuits du capitalisme industriel ; de grosses sociétés exploitent les techniques de reproduction et visent à distribuer largement des biens culturels. Ce qui caractérise les secteurs du livre, du disque et du cinéma est d’être fortement concentrés : quelques grandes entreprises internationales en détiennent la plus grande part. Autour des grandes firmes, appelées les « majors », se tiennent des plus petits studios, maisons d’édition et maisons de disques, nommés « indépendants » pour souligner leur autonomie vis-à-vis d’elles. C’est ce que l’on appelle en économie un « oligopole à franges », les indépendants formant la « frange concurrentielle » des grandes multinationales. Mais les majors assoient d’autant plus leur domination qu’au-delà des livres, des musiques et des films qu’elles produisent elles-mêmes, elles distribuent et éditent les productions d’entreprises concurrentes. Dès sa naissance, le marché du disque par exemple est fortement concentré. En 1998, cinq grandes entreprises (Sony Music, Polygram, EMI, WEA, BMG, MCA) concentrent ainsi à elles seules plus de 80 % des parts du marché mondial de disques17. Ces majors ne sont aujourd’hui plus que quatre, suite à la fusion en 2004 de Sony et BMG. Sur le marché français, les filiales de ces groupes sont Universal Music France, Sony Music/BMG, EMI/Virgin, Warner Music France. En 2005, 94,1 % du marché de la distribution des albums et 98,9 % des singles figurant dans les tops est imputable aux majors ! En 2008, les quatre majors détiennent encore plus de 92 % des parts de marché18. Le succès n’étant jamais entièrement prévisible, les industries culturelles développent plusieurs stratégies pour s’assurer d’une large diffusion : présence dans les médias de masse (presse, radio, télévision), publicité, investissement dans les artistes confirmés et les genres à succès, etc19.
- 20 J. Hains, « Du rouleau de cire… », art. cit.
- 21 F. Benhamou, L’économie de la culture, op. cit., p. 85-90. La fusion entre Time Warner et AOL s’es (...)
22De plus, ces firmes cumulent un fort degré « d’intégration verticale » et « horizontale ». D’une part, elles diversifient leurs activités à tous les niveaux de la chaîne, depuis la production des contenus jusqu’à la distribution des supports. Par exemple, dans le domaine de la musique, elles produisent les disques, les distribuent, fabriquent les supports sur lesquels la musique est enregistrée, commercialisent les appareils permettant de les écouter. On comprend que le renouvellement des supports de diffusion soit un enjeu pour ces entreprises. Chaque nouveau support permet la réactualisation du répertoire (musical, filmique), ainsi que le renouvellement de l’équipement permettant de le lire. Du 78 tours au disque compact, de la cassette VHS au DVD, les supports se succèdent ainsi les uns aux autres, entraînant à chaque fois la relance de tout le secteur commercial20. D’autre part, elles multiplient leurs activités dans les autres secteurs culturels, l’électronique, la communication, les finances, et nouent des alliances avec les médias. De plus en plus, des rapprochements se tissent entre les grands groupes de la production et de la distribution culturelle et ceux des télécommunications, des programmes audiovisuels et des fournisseurs d’accès à Internet. Les groupes se diversifient en participant au capital d’autres groupes, en les rachetant ou en fusionnant. Ainsi, le groupe Time Warner, dont les activités étaient déjà diversifiées dans les secteurs du cinéma, de la presse, de la télévision et de la musique, a fusionné en 2000 avec le fournisseur d’accès AOL, tandis que le groupe de presse Bertelsmann participe à une cinquantaine de chaînes et de stations de radio en Europe, pour ne citer que quelques exemples21.
- 22 SNEP, Les chiffres clefs de l’année 2007, Les chiffres clefs de l’année 2008.
23L’industrie du disque connaît depuis quelques années des difficultés. Depuis 2002, on relève chaque année un nouveau recul des ventes de disques. Les ventes de supports physiques (singles, albums, DVD musicaux) reculent ainsi de 19,2 % en 2007 et de 19,9 % en 2008, selon le Syndicat National des Éditeurs Phonographiques (SNEP). La dématérialisation des supports, le téléchargement sur Internet des films et des musiques sur les réseaux de pairs à pairs (Emule, Kazaa, BitTorrent, etc.), sont désignés comme les principaux responsables de ce reflux. En réponse, les majors développent aujourd’hui le commerce en ligne de ces supports dématérialisés. Le marché du disque physique (vente de supports audio et vidéo) est en recul pour la cinquième année consécutive, tandis que le marché numérique (vente sur des plateformes de téléchargement légal de titres, albums, fichiers vidéo et sonneries de téléphone) est en forte et constante progression depuis 2004. Le numérique représente malgré tout toujours une faible part du chiffre d’affaires (7 % en 2007, 12,5 % en 200822).
- 23 « Team SMDB, déni d’initiés » (interview avec les danseurs), Brain Magazine, 20 mai 2008.
24Dans un contexte de crise, la danse électro représente une opportunité pour les majors, et l’on comprend qu’elles se soient rapidement intéressées à ce phénomène émergent. La mise en scène des stars du mouvement et les cours de danse représentent un moyen de relancer le support couplant CD et DVD. La mise en avant des danseurs suscitant l’admiration des fans apparaît comme un nouveau mode de promotion des supports, y compris pour des CD audio qui valorisent eux aussi les danseurs et non les musiciens. Ainsi, Warner 360, filiale du groupe AOL Time Warner spécialisée dans le merchandising, a signé les danseurs de la team SMDB. Pour le single et l’album « We don’t dance, we are the dance », commercialisés en 2008, ce sont les noms de la team et des danseurs (Spoke, Jack Herror et Maestro) qui apparaissent comme les noms d’artiste. La musique du single était d’ailleurs déjà composée avant que les danseurs soient signés par Warner23. Le même procédé de mise en avant des danseurs avait été employé l’année précédente pour le projet Mondotek, produit par Universal.
« Apprends à danser avec les stars de la génération électro », promet le DVD Electrostyle.
« Comme le marché du disque est en crise, l’idée du label c’est d’exploiter d’autres matériaux. […] Nos vidéos sont porteuses d’un marché, aujourd’hui il est possible de vendre de la danse. Au même titre qu’un Johnny Hallyday qui n’écrit pas ses textes, nous on se considère vraiment comme des interprètes au service de la musique. »
« Team SMDB, déni d’initiés » (interview avec les danseurs), Brain Magazine, 20 mai 2008.
Cultures jeunes et industries du loisir
25Les industries du loisir sont des acteurs centraux de la culture aujourd’hui. Les pratiques culturelles des jeunes (pas que des jeunes d’ailleurs) passent en partie par des pratiques d’achat et de consommation de DVD, de films, dans lesquels ils se reconnaissent, et dont une bonne part est produite ou commercialisée par ces grandes multinationales.
- 24 O. Galland, Les jeunes, Paris, La Découverte, 2002, p. 6-20 et 31-37.
- 25 E. Morin, L’esprit du temps 2, Paris, Grasset & Fasquelle, 1975, p. 179-202.
26Les cultures jeunes telles que nous les connaissons aujourd’hui sont apparues au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Si au xixe siècle on commence à parler d’adolescence, à la faveur de la promotion de l’éducation au sein de la bourgeoisie, si au début de xxe siècle les Apaches et ce que l’on appellera les bandes font leur apparition, ce n’est qu’au milieu du siècle que la scolarisation dans le secondaire se démocratise : pratiquement tous les adolescents accèdent au collège puis au lycée. Alors qu’auparavant les jeunes, notamment dans les milieux populaires, rentraient très vite dans la vie active après un court apprentissage, pratiquement toute une classe d’âge connaît désormais une période d’étude plus longue24. C’est aussi l’époque des Trente Glorieuses, avec des conditions économiques favorables. Les adolescents gagnent ainsi une autonomie : ils ont désormais un univers social qu’ils partagent avec leur classe d’âge, développent une sociabilité au sein et à partir du collège et du lycée, affirment leurs propres goûts qui les distinguent de la génération des parents, peuvent pour beaucoup aller au cinéma, s’acheter des disques, des vêtements. C’est d’abord le cinéma qui focalise l’attention des jeunes : James Dean est le premier héros proprement adolescent. La culture adolescente se développe ensuite autour de la musique : c’est l’époque du rock’n’roll, du yéyé, de Salut les copains. On parle de culture car le goût musical va de pair avec des modes vestimentaires, des attitudes, des modes de sociabilité et de comportements, des valeurs et des significations25. Autour de la musique se tient tout un style de vie. À travers l’affirmation d’un goût propre à leur classe d’âge, qu’ils ont librement choisi, les adolescents affirment leur autonomie. Ils adoptent un look et des attitudes qui les distinguent aussi bien du monde de l’enfance que des adultes. Ils affirment leur singularité, leur manière de voir le monde.
- 26 B. Sabatier, Nous sommes jeunes, nous sommes fiers. La culture jeune d’Elvis à MySpace, Paris, Hac (...)
27Les industries de la culture fournissent aux adolescents des musiques dans lesquelles ils se reconnaissent, des vedettes et des héros auxquels ils s’identifient. Cette culture est bien intégrée au système économique dominant. Les boys bands qui ont fait fureur dans les années 1990 sont un bon exemple de la manière dont les grandes firmes de l’industrie musicale cherchent à répondre aux besoins d’identification des jeunes. Ainsi des 2be3 produits par EMI, ou encore d’Alliage, produit par Universal. Les boys bands relèvent davantage du projet commercial imaginé par des directeurs artistiques que du projet créatif porté par des artistes. Un cas exemplaire est celui des Spice Girls, produites par Virgin, dont le groupe a été constitué à la suite d’un casting26.
- 27 On peut en effet étendre la réflexion de F. De Singly, pour qui « la mode sait utiliser à son prof (...)
28Les industries culturelles ne créent pas de toute pièce la demande. Leur savoir-faire consiste davantage à tirer partie de processus sociaux qui les dépassent largement. Ainsi, si elles parviennent à tirer profit de l’apparition des cultures jeunes, des besoins adolescents d’identification et d’adoption de pratiques culturelles singulières à leur âge, elles n’en sont nullement à l’origine. Les enjeux d’autonomie et de construction identitaire propres à l’adolescence peuvent s’expliquer de manière sociologique et psychologique. Les adolescents trouvent ensuite dans les propositions des industries culturelles des offres qui répondent à leurs besoins. Les industries culturelles parviennent à suivre les évolutions sociales. À l’heure où les préadolescents, à leur tour, revendiquent de plus en plus une autonomie culturelle, on voit apparaître de nouveaux groupes et icônes qui rencontrent un franc succès chez ce jeune public, comme Britney Spears, Alizée, Yelle ou encore Lorie. Là encore, ce n’est pas le marché qui est à l’origine de ce phénomène, mais il en tire partie en parvenant à répondre aux nouveaux enjeux liés à la transformation des âges de la vie27. On peut porter un regard critique sur la manière qu’ont les industries culturelles de transformer des processus sociaux en faits économiques, sur leur propension à créer des groupes de toutes pièces (cas des boys bands), ou encore sur la valeur esthétique et les contenus qu’elles choisissent de diffuser. Mais il faut aussi reconnaître les évolutions sociales qui rendent possible de telles opérations.
- 28 D. Hesmondhalgh, « Industries culturelle et cultural studies », dans H. Glevarec, E. Macé, E. Maig (...)
- 29 D. Pasquier, « La culture comme activité sociale », dans E. Maigret, E. Macé, Penser les médiacult (...)
29Les industries culturelles ne sont pas seulement synonymes de standardisation. Elles savent multiplier les styles, s’adresser aux différents goûts et aux différentes tranches d’âge. Ses productions sont diverses, et peuvent même contenir des thèmes et contenus subversifs pour la société conventionnelle. Il est donc plus juste d’employer le pluriel pour cerner les contours des cultures de masse28. Cette offre multiple des industries culturelles tient aujourd’hui une place centrale dans les modèles culturels des jeunes. Si les cultures de masse sont bien souvent perçues comme inférieures à la culture scolaire et à la culture savante par la société adulte, les jeunes renversent cette hiérarchie : ce sont les modèles issus des cultures de masse qui sont les plus valorisés29. Au moment où les jeunes cherchent à construire leur propre identité, ils vont trouver dans les médias et les propositions des industries culturelles des modèles différents de ceux de leur famille et de la société adulte. Mais les grands groupes de l’industrie culturelle ne sont pas la seule source de dynamisme des cultures jeunes.
Les milieux indépendants
- 30 R. A. Peterson, « Mais pourquoi donc en 1955 ? Comment expliquer la naissance du rock », dans P. M (...)
30Si économiquement parlant les indépendants ne pèsent pas lourd dans le marché de la musique, ce sont eux qui assurent en grande partie l’innovation et la créativité dans le secteur musical. Aux États-Unis, l’apparition successive des grands courants musicaux de la jeunesse a été portée par les maisons de disques indépendantes. Celles-ci ont même, à trois périodes, renversé l’hégémonie des majors en détenant pour un temps la plus grande part du marché du disque. Cela a été le cas lors de l’avènement du rock’n’roll dans la deuxième moitié des années 1950, du rock psychédélique dans la deuxième moitié des années 1960, puis du punk au début des années 1970. Si les indépendants ont pu ébranler les majors lors de l’explosion du rock’n’roll, c’est qu’ils ont joué le rôle de découvreurs de nouveaux talents, mais aussi qu’ils ont exploité le nouveau support, économique, du disque 45 tours. Ils ont également pénétré les radios, délaissées par les grandes maisons de disque au profit de la télévision. Parallèlement, le nombre d’auditeurs augmentaient considérablement avec l’apparition des transistors, petits et peu coûteux. Les majors rattraperont ensuite le rock’n’roll en signant des musiciens révélés par des labels indépendants, en rachetant certains d’entre eux et en distribuant d’autres, et enfin en diversifiant leur enseigne par la création de multiples labels différenciés, d’où une nouvelle période de concentration du marché30.
31Si les maisons de disques indépendantes n’ont plus occupé depuis une place dominante dans le marché de la musique, elles continuent d’assurer un rôle moteur dans l’innovation en musique populaire. Il est en effet certain que les majors ont retenu les leçons du passé, qu’elles ne laissent plus les nouveaux courants musicaux leur échapper comme cela s’est produit avec le rock’n’roll. Elles sont devenues beaucoup plus réactives, et elles se sont elles-mêmes organisées sur le modèle des labels indépendants en multipliant les sous-divisions spécialisées sur des genres spécifiques. EMI Music France, filiale française du groupe EMI/Virgin, par exemple, regroupe quatorze labels, dont certains sont encore divisés en sous-labels : Blue Note (jazz), Capitol (label généraliste), Compilations (compilations multi-artistes et DVD), Delabel (rock et électro), EMI Music France, EMI Classics, EMI Label One, EMI Marketing (catalogue publishing), Hostile Record (Rap), Labels (promotion et distribution de la musique indépendante), Odéon (éclectique), Source (nouveaux courants), Virgin (variété française et internationale), Virgin Classics (tous horizons musicaux).
- 31 S. Frith, « Souvenirs, souvenirs… », dans P. Mignon, A. Hennion, Rock. De l’histoire au mythe, op. (...)
- 32 SNEP, Chiffres clefs de l’année 2008.
32Dans les faits, une coopération s’est mise en place entre majors et indépendants. Les maisons de disques indépendantes repèrent les nouveaux talents, testent les nouveaux marchés, tandis que les majors prennent le relais lorsque les groupes et les courants lancés par les indépendants arrivent à maturité31. Ceci est d’autant plus vrai en période de recul du marché du disque : les nouvelles signatures d’artistes par les majors ont baissé de 30 % en 200832. Les indépendants prennent également en charge les secteurs spécialisés et locaux, tandis que les majors investissent dans les courants à dimension mondiale. Les indépendants sont donc très présents dans certains courants, qui forment des « marchés de niche », comme la world music, le jazz, les musiques électroniques. On peut aussi parler d’une collaboration car les maisons de disque indépendantes sont en grande partie, dans les faits, liés aux majors, par l’intermédiaire de contrats de licence ou de distribution. Autrement dit, elles se lient à des grandes maisons de disque pour assurer la promotion ou la distribution des disques qu’elles produisent. Si les indépendants jouent donc un rôle important dans l’émergence des styles musicaux et la gestion des courants spécialisés, les majors tirent partie de cette capacité d’innovation en se liant à eux et en prenant en charge les musiciens d’envergure nationale ou internationale qu’ils ont révélés.
- 33 G. Guibert, La production de la culture. Le cas des musiques amplifiées en France, Paris, Mélanie (...)
33Si l’explosion du rock’n’roll aux États-Unis a été portée par les maisons de disque indépendantes, cela n’a pas été le cas en France. Les jeunes français écoutent les musiques venues d’Outre-Atlantique ou les artistes yéyé, sur lesquels se concentre l’industrie française du disque. C’est surtout à partir du punk, au tournant des années 1970 et 1980, puis avec le rock alternatif (celui des Bérurier Noir, de la Mano Negra, de Ludwig Von 88…), que le milieu indépendant se structure en France, avec l’éclosion de labels mais aussi de distributeurs. Les réseaux indépendants continuent ensuite de jouer un rôle important dans la vitalité des courants musicaux populaires à partir des années 1990, mais dans cette nouvelle configuration où la plupart se lient aux majors pour l’édition ou la distribution, et où les majors intègrent les nouveaux courants en diversifiant leurs labels33. Les milieux indépendants jouent donc un grand rôle dans la vitalité du rap et des musiques électroniques – pour en rester à deux exemples. L’histoire des musiques électroniques est jalonnée de labels indépendants qui ont marqué une époque ou un style. Ainsi du label Underground Resistance de Detroit et ses musiciens « inventeurs » de la techno (Jeff Mills et Mike Banks), du label Trax de Chicago et ses musiciens « inventeurs » de la house (Marshall Jefferson, Farley Jackmaster Funk, Frankie Knuckles, Larry Heard), des labels anglais Mo Wax (avec notamment Dj Krush, ensuite signé chez Sony) et Ninja Tune (avec notamment Amon Tobin, Dj Food, Dj Vadim, Coldcut, The Herbaliser, Kid Koala, Mr Scruff, etc.) pour l’essor du trip hop. Plus généralement, chaque sous-courant des musiques électroniques possède ses labels indépendants phares, tels que les labels allemands Kompakt et BPitch Control pour le minimal, le label anglais Warp pour l’expérimental (avec notamment Aphex Twin), et en France F-Communication pour la techno (Laurent Garnier, Mr Oizo, Alexkid, Scan X, The Youngsters, etc.), UWE pour le hard core (Laurent Hô, Manu Le Malin, Kraft, Torgull, The Horrorist, etc.)… pour ne citer que quelques labels importants. Car à leurs côtés fourmillent quantité de maisons de disques de plus ou moins grande envergure. Le rôle des indépendants est aussi central dans la production des disques vinyles, supports essentiels dans ce style musical puisqu’ils sont les outils de travail des Djs. Les musiques électroniques sont bien sûr loin d’échapper aux majors de l’industrie musicale. Les stratégies des grandes firmes – « signer » leurs propres musiciens (« contrats d’artiste »), prendre en charge la distribution et l’édition de labels indépendants, participer à leur capital, racheter certains d’entre eux, s’organiser sur le modèle des labels indépendants en fondant des divisions dédiées à des styles musicaux déterminés – sont également appliquées au secteur des musiques électroniques. Ainsi, les musiques électroniques sont, par exemple, représentées dans trois labels d’EMI Music France : Source (avec notamment le groupe Air, mais le label distribue également des labels indépendants de la scène électronique, notamment Warp et Mo Wax), Virgin (avec notamment Cassius, Daft Punk, David Guetta, Ice Cube) et Delabel (avec notamment Massive Attack, Basement Jaxx, Breakbeat Era, Futur Sound of London, The Prodigy, Dj Mehdi). Par ailleurs, Labels – une autre division du groupe – assure la promotion et la distribution de labels indépendants (notamment Soma, Wall of Sound) et de musiciens producteurs indépendants (notamment Richie Hawtin, Luke Slater, Dimitri From Paris, Motorbass, ou encore Miss Kittin).
- 34 T. Blondeau, F. Hanak, Combat rap II, op. cit., notamment p. 13-67.
34Côté hip hop, le mouvement a eu tendance à se faire dans l’autre sens. Les grands groupes de l’industrie culturelle se sont vite intéressés au rap, attirés par les succès commerciaux de ce genre outre-Atlantique, mais ce sont ensuite les labels indépendants qui ont continué d’assurer le principal de la créativité. Ainsi, Virgin France (groupe EMI) signe dès le début des années 1990 les groupes IAM et Assassin, tandis le groupe Sony Music France produit NTM sur son label Epic et qu’Universal signe MC Solaar. Le rap est aussi présent chez BMG, qui fusionnera ensuite avec Sony (avec notamment EJM, Sages poètes de la rue, Fabe, 3e œil, Fonky Family). Une fois l’euphorie passée, les grandes maisons de disque sont de plus en plus réticentes à signer des artistes du rap. Celui-ci a d’ailleurs bien mauvaise presse ; les années 1990 et 2000 sont émaillées de poursuites et de procès intentés à des rappers en raison des propos tenus sur leurs disques ou en concerts, jugés insultants par des personnalités politiques. Depuis le début des années 2000, face à la frilosité des grands groupes de l’industrie culturelle, ce sont les labels indépendants qui continuent de porter la créativité en rap, avec notamment les labels 45 Scientific (fondé par Ali et Booba), Menace Records, Tous Illicites, Néochrome… Des labels qui, conformément à l’organisation en place aujourd’hui dans le secteur musical, s’associent toutefois aux grandes firmes pour la distribution34.
35Les courants musicaux dans lesquels s’investissent les jeunes se renouvellent au cours du temps. Chaque époque est polarisée par un ou plusieurs courants, et on peut rappeler une périodisation grossière : le rock’n’roll occupe la seconde moitié des années 1950, vient ensuite la pop dans les années 1960 et le rock psychédélique, puis le punk et la disco au milieu des années 1970, le rap dans les années 1980 et enfin la techno et les musiques électroniques pour la décennie 1990. L’apparition de chacun de ces grands courants ne résulte pas seulement d’un effort de l’industrie de la musique et de ses grandes maisons de disque. On peut aussi en faire une lecture esthétique, repérer les rapports de filiation, de métissage et d’héritage entre les musiques pour comprendre l’apparition d’une nouvelle expression musicale. Les musiques électroniques par exemple résultent d’une fusion entre la musique disco et la new-wave européenne. On peut également penser à l’évolution des technologies et des instruments, depuis l’électrification du rock’n’roll jusqu’aux instruments électroniques de la techno et à l’informatique musicale. Le dynamisme des cultures musicales trouve aussi ses sources dans les labels indépendants qui produisent les musiques et artistes émergents et les courants spécialisés. Une autre partie de son dynamisme provient de l’activité des jeunes générations elles-mêmes. Pour comprendre les courants culturels des jeunes et leur renouvellement, saisir le rôle des industries du loisir et des milieux indépendants ne suffit donc pas. Il faut aussi se pencher vers la créativité des jeunes.
Notes
1 Entretien avec Mathieu Solard et interview d’A. Barouzdin par G. Solard, C. Naïmi, Mémoire disco, phénomène Tecktonik, Pascal Petiot Éditions, 2008, p. 322-337.
2 Entretien avec M. Solard, responsable marketing de Tecktonik. Voir aussi M. Kessous, « Tecktonik (la danse) : TCK (la marque) », Le Monde, 17 janvier 2008.
3 R. Khelifi, « Tecktonik, la nouvelle vague », Libération.fr, 14 juin 2007 ; C. Couvez, « Jumpstyle vs. Tecktonik », 20 minutes, 11 juillet 2007 ; J. Bouchet-Petersen, « La tecktonik fait vibrer les ados », Le journal du dimanche, 16 août 2007 ; L. Mauger, « La tecktonik, danse sismique », Le Nouvel observateur, no 2233, 23 août 2007 ; S. Koly, « La tecktonik dépote », Libération, 31 août 2007.
4 N. Tosches, Héros oubliés du rock’n’roll, Paris, 10/18, 2003, notamment p. 19-34.
5 Plateforme depuis renommée Skyrock.
6 Entretien avec Fozzie Bear. Voir aussi S. Koly, « La tecktonik dépote », Libération, 31 août 2007.
7 Entretiens avec Youval et Steady et « Le Vertifight, première compétition de danse électro », Ouest France, 3 octobre 2008.
8 Voir « La tecktonik des marques », Musique Info Hebdo sur http://musiqueinfo.com/tmpl_index.php?page=voir-news&idNews=60.
9 O. De Plas, « Les liaisons fructueuses », Le Monde, 24 décembre 2008.
10 D. Kalifa, La culture de masse en France. 1860-1930, Paris, La Découverte & Syros, 2001, p. 6-37 et F. Balle, Les médias, Paris, PUF, 2004, p. 7-14.
11 F. Benhamou, L’économie de la culture, Paris, La Découverte, 2003, p. 71-74.
12 F. Balle, Les médias, op. cit., p. 15-22.
13 H. B. Feigenbaum, « Hollywood à l’ère de la production globalisée », Le Monde Diplomatique, août 2005.
14 F. Benhamou, L’économie de la culture, op. cit., p. 75-81.
15 J. Hains, « Du rouleau de cire au disque compact », dans J.-J. Nattiez (dir.), Musiques. Une encyclopédie pour le xxie siècle, Paris, Actes Sud, vol. 1, 2003, p. 901-938.
16 F. Benhamou, L’économie de la culture, op. cit., p. 66.
17 Ibid., p. 77-82.
18 SNEP (Syndical National des Éditeurs Phonographiques), Les chiffres clefs de l’année 2005 et Les chiffres clefs de l’année 2008.
19 P. M. Hirsch, « Processing Fads and fashions. An Organization-set Analysis of Cultural Industry Systems », in S. Frith, A Goodwin (ed.), On Record, London & New York, Routledge, 2004, p. 127-139.
20 J. Hains, « Du rouleau de cire… », art. cit.
21 F. Benhamou, L’économie de la culture, op. cit., p. 85-90. La fusion entre Time Warner et AOL s’est toutefois soldée par un échec ; voir par exemple C. Alix, « Time Warner se sépare d’AOL », Libération, 30 mai 2009.
22 SNEP, Les chiffres clefs de l’année 2007, Les chiffres clefs de l’année 2008.
23 « Team SMDB, déni d’initiés » (interview avec les danseurs), Brain Magazine, 20 mai 2008.
24 O. Galland, Les jeunes, Paris, La Découverte, 2002, p. 6-20 et 31-37.
25 E. Morin, L’esprit du temps 2, Paris, Grasset & Fasquelle, 1975, p. 179-202.
26 B. Sabatier, Nous sommes jeunes, nous sommes fiers. La culture jeune d’Elvis à MySpace, Paris, Hachettes Littératures, 2007, p. 525.
27 On peut en effet étendre la réflexion de F. De Singly, pour qui « la mode sait utiliser à son profit cette demande [d’autonomie des enfants], elle ne la crée pas », aux différentes offres de les industries culturelles ; voir Les adonaissants, Paris, Hachette, 2006, p. 22.
28 D. Hesmondhalgh, « Industries culturelle et cultural studies », dans H. Glevarec, E. Macé, E. Maigret, Cultural studies. Anthologie, Paris, Armand Colin, 2008, p. 275-294.
29 D. Pasquier, « La culture comme activité sociale », dans E. Maigret, E. Macé, Penser les médiacultures, Paris, Armand Colin/INA, 2005, p. 103-122.
30 R. A. Peterson, « Mais pourquoi donc en 1955 ? Comment expliquer la naissance du rock », dans P. Mignon, A. Hennion, Rock. De l’histoire au mythe, Paris, Anthropos, 1991, p. 9-39, et R. A. Peterson, D. G. Burger, « Cycles in Symbol Production. The Case of Popular Music », in S. Frith, A Goodwin (ed.), On Record, op. cit., p. 140-159.
31 S. Frith, « Souvenirs, souvenirs… », dans P. Mignon, A. Hennion, Rock. De l’histoire au mythe, op. cit., p. 247-268.
32 SNEP, Chiffres clefs de l’année 2008.
33 G. Guibert, La production de la culture. Le cas des musiques amplifiées en France, Paris, Mélanie Seteun/IRMA éditions, 2006, notamment p. 99-325.
34 T. Blondeau, F. Hanak, Combat rap II, op. cit., notamment p. 13-67.
Table des illustrations
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Légende | Fig. 8. Le logo de la marque Tecktonik. |
URL | http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/371/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 55k |
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Légende | Fig. 9. Flyer d’une aprem électro Dance Generation. |
URL | http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/371/img-2.jpg |
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Légende | Fig. 10. Jury du championnat de France Vertifight 2010. |
URL | http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/371/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 215k |
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Légende | Fig. 11. Team SFK, championnat de France Vertifight 2010. |
URL | http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/371/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 196k |
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Légende | Fig. 12. Flyer d’une aprem électro. |
URL | http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/371/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 166k |
© Éditions Mélanie Seteun, 2011