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Disorder

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Paul Edwards
, 
Élodie Grossi
, 
Paul Schor

Faire l’histoire d’un groupe de rock OTH, 1976-1991

Thomas Loué

Full text

1L’histoire du punk-rock français, de la scène indépendante et/ou alternative des années 1970-1980, reste encore largement à écrire même si les mémoires et les analyses des acteurs et des témoins de l’époque ne manquent pas. Le champ historique demeure encore l’objet d’une connaissance essentiellement mémorielle, intuitive et pragmatique. L’histoire de ce champ, de ses rapports de force, de ses enjeux, de ses polarisations, demeurent en grande partie méconnus, et elle n’a guère, aujourd’hui encore, de légitimité dans le monde académique.

  • 1 À partir de fin 1977, le groupe se compose de Motch (Gilbert Valentin) et Domi (Dominique Villebrun (...)
  • 2 OTH est passé, semble-t-il, à côté de la première vague punk, sans s’en imprégner. C’est à partir d (...)

2On développera ici quelques réflexions sur une recherche en cours, initiée il y a trois ans et portant sur l’histoire d’OTH, un groupe montpelliérain formé en 1976 et qui traversa les années 1980 jusqu’à sa dissolution le 13 décembre 19911. Dans cette connaissance intuitive des acteurs/témoins de la scène, la légitimité de l’objet OTH va de soi. « Ce qu’est OTH, ce que sont les OTH, ce qu’ils offrent à la concupiscence publique – ou à l’effarouchement du même spectre quand il a froid au yeux – lorsque d’aventure s’ouvre leur grand manteau, n’a pas d’équivalent en France. », écrivait François Ducray (1988), chroniquant la sortie de leur troisième album, Sauvagerie. La remarque vaut d’autant plus qu’OTH n’a guère bénéficié de l’attention de la presse musicale nationale. Il est à noter d’emblée que le groupe cumule une double marginalité : géographique-historique et sociale-esthétique. La première se marque par l’antériorité du groupe dans la construction d’un espace autonome punk-rock français qui se structure surtout dans la seconde moitié des années 19802 et par le fait d’être provincial ; la seconde parce que le groupe s’institua dans les marges à la fois sociale et esthétique du punk tout en produisant une musique qui ne s’y identifie pas totalement.

3En fait, il existe déjà une histoire d’OTH : celle que les acteurs ont écrite. Une histoire racontée, avec des nuances, par les cinq membres du groupe et leurs proches ; une histoire qui s’expose essentiellement en une succession de « tranches de vie », de « moments » forts construisant in fine une trajectoire sur le mode du « rise and fall ». Il s’agit, dès lors d’examiner cet objet construit a priori, c’est-à-dire, dans une démarche monographique, de le déconstruire. Cette démarche monographique procède d’un travail de terrain sur lequel on reviendra et dont l’empirisme pleinement assumé constitue l’une des pierres angulaires. Cet empirisme de la recherche complète une démarche à la fois historienne et ethnologique et l’on pourrait même aller jusqu’à dire que la seconde est la condition de la première. En effet, pénétrer aujourd’hui en historien le microcosme othien commande d’aller au contact des acteurs et des témoins et produit ce que l’on appellera ici une « économie morale de la recherche » singulière, mettant en jeu une méthodologie, une socialisation et des affects dont les influences sont lourdes sur la manière de pratiquer le « métier d’historien ». La démarche monographique, comme tout autre perspective, mais avec ses spécificités, demeure tributaire de sources et d’hypothèses qui en sont en partie les produits et que l’on passera en revue.

4Ce travail est sous-tendu par l’idée que l’approche monographique est l’une – mais sans exclusive – des plus productives. D’une part parce qu’un groupe est un objet qui s’y prête particulièrement bien ; ensuite parce que les individualités y constituent ici des agents particulièrement structurants ; enfin parce que l’approche macroscopique se nourrit de la fine connaissance des objets qui en composent les structures.

Un groupe

5Un groupe est autre chose que la somme des individualités qui le composent ; il est à la fois extérieur et profondément intériorisé par les acteurs qui en subissent les contraintes et, plus globalement, les processus de socialisation en même temps qu’ils cherchent à lui donner une réalité et du sens (Lordon, 2013). Il semble bien que, dans le cas d’OTH, l’emprise du groupe sur les individus ait été très forte, qu’elle est non seulement constitutive de son identité mais aussi de celle de ses membres. L’exemple du guitariste Motch est assez emblématique : l’homme est pour le moins réservé et peu bavard. Le « Mozart de la Stratocaster » apparaît très souvent dans un positionnement en retrait par rapport à la visibilité du groupe : on le voit ainsi, avant les concerts, isolé et silencieux, occupé à changer ses cordes et accorder sa guitare. Sur scène, là encore, Motch adopte une position (isolé, à gauche de Spi, souvent tourné vers sa propre gauche) et une posture (courbée, centrée sur lui-même, regard en direction du sol) très singulières. Cette position de retrait, qui par certains traits correspond aussi à celle de l’autre guitariste, Domi, est révélatrice de la relation de l’individu au groupe. Étienne Imer, le second manager du groupe la résume très clairement :

  • 3 Entretien avec Étienne Imer en date du 11 décembre 2013.

« Motch, en fait, est celui qui a la conviction que tout seul, dans son coin, il fera rien et que donc, il y a un prix à payer pour vivre ensemble. Donc très curieusement, Motch malgré son côté sauvage est certainement le plus civilisé du point de vue du collectif3. »

  • 4 Théâtre Louvrais février 1987, Rockstore, janvier 1989.

6Plus généralement, le dispositif scénique du groupe est particulièrement révélateur de sa structure globale : les deux guitaristes muets à chaque extrémité, et au centre un trio (là où sont disposés les micros) composé de Beubeu et Phil (rythmique et chœurs) et Spi (chant, harmo et surtout frontman). C’est exactement la disposition adoptée par le groupe lors des répétitions (du moins très rapidement) mais aussi sur certaines photos « officielles » du groupe. En fait, on peut poser l’hypothèse que la disposition scénique du groupe est l’assez fidèle réplique de sa structure globale telle qu’elle peut s’exprimer par exemple dans certaines photos collectives. La superposition ci-dessous montre à partir de documents très différents (dispositif technique de scène, photographie de concert et photographie posée) cette structuration particulière du groupe, confirmée par ailleurs par de nombreux documents vidéos dans lesquels les interviews sont généralement données par Spi parfois, Phil et Beubeu alors que les deux guitaristes sont absents4. On ne manquera évidemment pas de noter que c’est dans ce trio central, à l’exclusion des deux guitaristes, que s’est progressivement formé, à partir de 1986, un autre groupe, Les Naufragés, qui à partir de 1988-1989 surtout, fonctionne parallèlement à OTH.

  • 5 Didier Banon in OTH. Sur des Charbons ardents, documentaire de Joël Jacobi et Jérôme Prudent, DVD, (...)
  • 6 Philippe Messina, in OTH. Sur des Charbons ardents, op. cit.

7On reviendra plus loin sur les modalités de fonctionnement du groupe mais une rapide esquisse des formes de sociabilités qui le structurent permet aussi d’en approfondir l’étude. Comme dans beaucoup de récits des origines, il y a les histoires. Comment deux (Motch et Beubeu) puis trois (Domi) enfants, tous sont âgés de 8 à 10-11 ans environ, se trouvent, à la fin des années 1960, dans une cité montpelliéraine : jouer au football puis en grandissant faire ensemble de la musique5… ; Domi revenant de colonie de vacances avec une guitare sèche, achetée 90 francs à un curé ; l’arrivée de Spi, harmoniciste devenu chanteur ; le départ finalement empêché de Phil à Paris, etc.… tout cela a été raconté par les othiens eux-mêmes. Lorsqu’on les interroge sur leur histoire, c’est sans doute la force des liens au sein du groupe qui apparaît avec le plus de relief : « On avait la même maladie, on a fait un groupe6 », résume Phil. Une sociabilité quasi-fusionnelle, structurée autour d’un trio d’enfance qui se renforce avec l’adjonction des nouveaux membres. Thierry « Pépone » Patillon, premier bassiste du groupe en 1976- 1977, l’exprime très clairement :

« Ca c’est quelque chose qui m’a marqué… Y avait un côté très très fermé… Y avait une volonté d’appartenir à un groupe… on est ensemble, on est soudé, on fait un bloc… Il y avait ce sentiment là, on débarquait quelque part on était les OTH, pas un tel ou un tel… c’était quelque chose de profondément ancré… Un groupe c’était une entité bien vivante, bien réelle qui passait au-dessus des individualités… »

Fig. 1a. La structure du groupe. Photo d’OTH pendant la tournée Rock en France, janvier 1989 (photographie de Laurent Cassagne).
Fig. 1b. Extrait du press book d’OTH de 1987.
Fig. 1c. Une des dernières photographies posées du groupe en 1991 (auteur inconnu). On retrouve systématiquement de gauche à droite : Domi, Phil/Spi/ Beubeu, Motch.

8Ce qui, sans doute, participe de son remplacement par Phil Messina, vers l’automne 1977 vraisemblablement :

  • 7 Entretien avec Thierry Patillon en date du 13 mai 2016.

« L’alternative m’a été posée de façon très claire… Ils m’ont dit nous on va continuer la musique… on va faire que ça… donc arrête le lycée, arrête tout, on va passer notre temps à répéter… grosso modo, je schématise… on prend une piaule ensemble, on vit ensemble… et on fait que de la musique… Moi… je sais pas… je suis peut-être un peu plus individualiste… ça m’a fait un peu peur de m’engager de façon aussi forte dans un truc… ça me paraissait un peu compliqué de quitter le lycée7… »

Fig. 2. OTH à l’été 1976 au camping de Carnon. Cette photographie appartient à une série dont l’auteur est inconnu. On en possède deux exemplaires : un sur support numérique (Arch. Phil Messina) et un sur support papier (Arch. Sam Poisson). On y reconnaît de gauche à droite : Spi, Pépone, Domi, Beubeu et Motch.

  • 8 Un bon exemple en serait la réalisation « artisanale » des tatouages que se gravent mutuellement su (...)
  • 9 Certains n’hésitent pas du reste à voir là le début de la fin quand Spi a commencé « […] à vouloir (...)

9À l’évidence, cette sociabilité se prolonge au-delà de l’adolescence : l’apprentissage, très largement autodidactique (par écoute/imitation notamment), de la musique mais aussi, plus largement, la socialisation des individus, se réalisent souvent sur un mode collectif8 : Domi et Motch apprenant ensemble à jouer de la guitare, Beubeu profitant de l’expérience de batteur de Paul Messina (le frère de Phil), avant d’accompagner lui-même Sam (frère de Spi et batteur des Vierges puis des Naufragés), etc. Un des rares apports extérieurs dans les procédures d’apprentissage vient de Spi qui, vers 1988-1989 vraisemblablement, prend des cours de chant9.

  • 10 Entretien avec Motch en date du 21 novembre 2013.
  • 11 Entretien avec Corinne Barbier en date du 20 mai 2016.

10« Famille », « clan », « tribu », etc., ces termes reviennent fréquemment dans la parole des acteurs et témoins. Car, à cette première sociabilité du « noyau dur » du groupe, s’ajoute, à mesure que celui-ci prend de la consistance, une seconde sociabilité élargie dans une double direction : le renforcement des réseaux domestiques d’une part, et des structures professionnelles d’autres part. Il y a incontestablement du « familial » dans l’histoire d’OTH, et ce à plusieurs niveaux. D’abord parce que le groupe primaire qui s’est formé relève de liens domestiques, familiaux ou amicaux : autour du bac à sable et du foot, du collège-lycée Clemenceau de Montpellier, on l’a vu, puis autour du groupe lui-même dont la petite aura grandit au rythme lent des rares concerts donnés dans les boîtes de nuit locales (les Follies). Un type de relations domestiques dans lequel entrent les égéries du groupe, petites amies, copines, musiciens, amis, proches, tels qu’on peut les identifier sur les photographies prises au « local ». Il faut souligner l’importance de ce « local » de répétition, épicentre du phénomène othien sur la ville puis la région de Montpellier. Souligner aussi l’importance de la présence féminine dans l’univers d’OTH ; les premières égéries du groupes, les « petites amies » puis les « compagnes » : Babé, Petite Do, Marie-Jo ou encore Jacotte, Winnie, Zaza, Koko, Véro ou d’autres encore ont été des actrices importantes de la vie du groupe à certaines époques au moins, à commencer par sa survie économique. Ainsi Motch reconnaît : « Mais bon, pour revenir à l’époque ou on galérait, c’est nos copines qui nous ont super aidé elles assuraient la partie financière le loyer… la bouffe10… » ; Corinne « Koko » Barbier, compagne de Spi entre 1984 et 1995 se souvient elle aussi : « […] Spi pendant des années c’est moi qui ait assuré et quand OTH a commencé à fonctionner et ben il m’a dit… bon Koko maintenant c’est mon tour tu peux te poser… et pendant quatre ans j’ai pu rien foutu, moi11. »

11Mais, la famille doit aussi s’entendre au sens littéral du terme, et à plusieurs titres. D’abord parce que chacun des membres du groupe, de par son mode de vie, entretient des relations spécifiques avec sa propre famille : le rôle des fratries est ici particulièrement fort. Ainsi par exemple, des relations de Phil avec son frère Paul (lui-même musicien et fondateur d’Eject puis d’autres formations) ou de celles de Spi et de son petit frère Samy le Crabe qui autorisent à faire de ce dernier le sixième membre du groupe à part entière. La famille encore dans le soutien apporté par la famille Poisson (Sissi et Bertrand, les parents de Spi et Sam). Le lien OTH-Poisson est du reste explicite sur la pochette premier album où l’adresse du fan-club est indiquée chez monsieur et madame Poisson. C’est en effet Bertrand, avec l’aide de Sam, qui répondait à tous les courriers du fan-club ; mais au-delà du visible, du contact pour fans invétérés, il y a aussi ce qui relève d’une socio-histoire du quotidien et presque d’une ethnologie du détail (Piette, 1996). Lorsque Sissi Poisson témoigne des couscous pris en commun avec tous les membres du groupe ou lorsque Phil raconte l’accueil dans la famille de Spi et Sam à quelque Noël solitaire, on perçoit le degré de proximité du groupe et de la famille Poisson. Plus généralement, au gré des témoignages, au détour d’une phrase, on devine la proximité quotidienne des Othiens à partir de la fin de l’année 1977 et au temps des premières compositions datées de janvier 1978 et jusqu’à très tard, vraisemblablement 1986-1987 peut-être 1989, dans la vie du groupe. Habiter ensemble ou se voir quotidiennement pendant des milliers de jours, on comprend qu’aujourd’hui encore OTH demeure une mémoire très vive chez ses membres ou leurs proches (que l’on songe aux managers, roadies, ingénieurs du son, etc.). Plus qu’un réseau organisé autour du pôle othien, il faut imaginer un rhizome, mêlant plusieurs espaces relationnels plus ou moins domestiques et qui évolueront aussi au cours du temps.

Une trajectoire

12Il est clair que la morphologie et les modalités de fonctionnement de ce groupe complexe, à géométrie variable, évoluent aussi en fonction de sa trajectoire. Ernest Labrousse affirmait avec raison que « la conjoncture, c’est la structure en mouvement » (Charle et Labrousse, 1980). Et ce mouvement est multiforme.

  • 12 On l’a fait par ailleurs, voir Loué (2016).
  • 13 Spi/OTH, « Deux jours », sur l’album Sauvagerie, Art Trafic/New Rose, 1988.
  • 14 Entreprise lyonnaise fondée en 1979 par Frédéric André et qui, après 1987, assure toute l’ingénieri (...)
  • 15 Entretien avec Frédéric André du 9 juin 2016.

13En premier lieu l’histoire d’OTH est multiscalaire : les échelles s’y emboitent les unes dans les autres, du local au régional et du régional au national. OTH reste fondamentalement un groupe du sud (et même montpelliérain) mais connaît une audience qui dépasse progressivement les frontières de l’Hérault puis du Sud-Ouest pour devenir nationale. Ce n’est pas le lieu de décrire ici cette évolution géographique du groupe12, mais il faut insister sur ce qu’elle implique : une organisation et une logistique accrues, un poids plus lourd sans doute des logiques managériales qui informent aussi sur des objectifs nouveaux et différents. Après 1984 surtout, le processus de professionnalisation d’OTH (qui accompagne le processus d’apprentissage sans se confondre avec lui) est assez spectaculaire comme l’indiquent deux éléments parmi d’autres : le choix des studios d’enregistrement par exemple montre le passage d’une échelle locale (Studio Village en 1984 puis Studio de la Loge en 1986 à Montpellier) à une échelle nationale/ « parisienne » (Studio Couleur en 1988 à Auvers-sur-Oise) puis internationale (studio londonien en 1990). Dans le même ordre d’idées, l’infrastructure logistique des tournées croît sensiblement : chauffeurs/roadies, road manager, ingénieurs du son, lumière, etc., on peut raisonnablement penser que les déplacements d’OTH mobilisent une douzaine de personnes au début des années 1990. Le temps des tournées de « Deux jours13 » et du « camion bleu » cède progressivement le pas à une organisation plus complexe gérée essentiellement par Art Trafic, la société d’Étienne Imer (second manager du groupe entre 1984 et 1991), et Fa Musique14 pour la partie technique. Selon Frédéric André, pour la tournée « Explorateur » (automne 1990), onze personnes au moins se déplacent ensemble en minibus suivi d’un 19 tonnes pour le matériel15.

Fig. 3 et 4. Evolution des déplacements d’OTH en 1978-1980 et 1987-1988.

Fig. 5. Le groupe d’OTH en tournée en 1990-1991 (tournée Explorateur). Source : Arch. Phil Messina, auteur inconnu.
On distingue de gauche à droite en haut : Nounours (Fa Musique), Beubeu (OTH), Phil (OTH), Domi (OTH), Agop (Fa Musique), Spi (OTH) et Jean-Paul (Fa Musique) et en bas : Laurent (road manager), Sam (roadie), José (Fa Musique) et Motch (OTH). Les membres de Fa Musique ont été identifiés par Frédéric André (entretien du 9 juin 2016). Sans doute manque-t-il sur le cliché Palus, second roadie d’OTH (en serait-il le photographe ?).

14Bien sûr, ces changements sont à relativiser et l’aspect « roots », « rock’n’roll », voire « ingérable » du groupe aux dires d’Étienne Imer demeure. De même que perdure la structure essentiellement sudiste de ses territorialités, comme l’indique la carte de synthèse suivante : La trajectoire du groupe est donc géographique, sociale, organisationnelle et se traduit aussi dans sa production. Il a été encore peu parlé de « musique » ici, mais il est difficile de ne pas envisager une relation forte entre répertoire et trajectoire. On entend ici par répertoire, l’ensemble de la production musicale d’OTH enregistrée et qui, sous une forme ou sous une autre, nous est parvenue. Il y a plusieurs façons de le structurer. Globalement, la reconstruction du répertoire devient complexe dès que l’on quitte les rivages bien balisés de la production officielle telle qu’elle apparaît ci-dessous :

1980 : K7 – Classé X
1982 : 45t – Musique atteinte/Voyou Vaudou
1983 : K7 – Pain de guerre (Grenoble, novembre 1982)
1984 : LP – Réussite (16 mars)
1985 : K7 – Cœur et cuir (Saint-Étienne, octobre 1984)
1986 : 45t. – Le Rap des rapetou/Le cri de ralliement
1986 : LP – Sur des Charbons ardents
1987 : 45t – Animal fatal/L’école de la rue
1988 : LP – Sauvagerie (11 février)
1989 : LP – Le Live (Saint-Brieuc, août 1988)
1989 : MiniLP – Collector (huit titres, 1982-89)
1990 : LP – Explorateur (septembre)

Fig. 6. Territorialités d’ OTH (1978-1991).

151984 représente là encore une date charnière puisqu’après la production s’organise de manière plus systématique : un album tous les deux ans, et quelques productions intercalaires qui, généralement sont des produits dérivés du répertoire : apparition sur des compilations, sortie de 45 tours, flexis, etc.

16Des informations importantes ressortent de l’analyse de ce premier répertoire immédiatement disponible. La comparaison des quatre albums enregistrés en studio offre une évolution assez claire :

Fig. 7. Évolution de la durée des quatre albums studio (en seconde). À gauche : durée globale. À droite : durée moyenne par titre.

  • 16 Entretien avec Spi en date du 22 novembre 2013.
  • 17 Deux cassettes, d’un accès aujourd’hui difficile, enregistrements live, Pain de guerre (Grenoble, n (...)

17Le premier graphique confirme les analyses des cinq musiciens du groupe : les deux premiers albums sont une sorte de « best-of16 » d’une production qui, début-milieu 1980, est foisonnante, anarchique et quantitativement importante : « On était des forcenés. Il n’y avait pas de répit, c’était un truc de ouf ! Tous les jours pendant trois ans ! En fait, on a raté trois albums parce qu’on sortait un répertoire par an » constate Motch (Messina, 2016 : 42). Réussite (Art Trafic/New Rose, 1984) et Sur des Charbons ardents (Art Trafic/ Kronchtadt, 1986) apparaissent dans une certaine osmose et se sont construits l’un dans l’autre entre 1982 et 198617 : morceaux courts, tempos élevés, textes très agressifs, etc. ; à ces temps « punk » d’OTH répond la période suivante, dans laquelle on voit les titres allonger vers des durées plus longues et des bpm vraisemblablement légèrement ralentis, les textes s’affinent. Bref, les deux derniers albums s’apparentent davantage à une esthétique plus « rock » et moins « punk », une sorte de retour aux origines. Cette évolution globale doit cependant être nuancée par le choix de l’échantillon. Ce dernier ne constitue en effet qu’un répertoire de référence public qui ne donne pas nécessairement un juste aperçu de la pratique effective des titres. Pour cela, il faut construire un autre échantillon à même de refléter l’identité musicale du groupe, c’est-à-dire la manière dont il se présente à son public. C’est à l’analyse de la pratique scénique qu’il faut donc recourir à travers la constitution d’un autre échantillonnage constitué cette fois à partir d’un autre type d’enregistrement : les concerts. Deux cassettes et un album constituent la production officielle live d’OTH mais on peut l’enrichir d’un certain nombre d’autres enregistrements, essentiellement des pirates et des séquences vidéos qui nous sont parvenues. Ainsi au « répertoire large de référence » (studio), on peut opposer un « répertoire restreint de la pratique » (live) qui donne une idée plus juste de l’identité du groupe, parce qu’il permet d’observer la concrétion par répétition d’un répertoire de scène qui aboutit dans la durée à une synthèse de l’ancien et du nouveau.

Fig. 8. Structure du répertoire global.

18La trajectoire du groupe revêt, on l’aura compris, de multiples aspects sociaux, organisationnels ou bien encore discursives ou esthétiques. Ces quelques propositions ne sont pas exclusifs, et dans un travail en cours, la collecte de nouvelles sources est souvent l’occasion de nouveaux questionnements. Plus généralement, cette approche monographique n’a été envisageable que par l’accumulation documentaire, un processus plus complexe qu’il n’y paraît.

Des sources et des hypothèses

  • 18 Sur la question de la collecte documentaire et de la construction des archives, je me permets de re (...)
  • 19 Sur la question des entretiens et de la manière dont ils sont menés, voir Beaud (1996). Notre enquê (...)

19Cette approche monographique, et micro-historienne si l’on veut, n’est possible en effet qu’avec le recueil de sources qui n’existent pas à l’état d’archives18. Il faut donc aller à la source, c’est-à-dire, à la recherche et au contact des acteurs/témoins susceptibles de les conserver. C’est là une démarche ouvertement intrusive mais productrice d’un large réservoir documentaire (documents souvent aimablement prêtés) et de témoignages19 qui, mis en ordre, examinés et organisés par l’historien, constituent ainsi les archives à partir desquels ce travail de recherche devient possible. Les conditions de possibilité de ce type d’enquête relève donc d’une démarche ouvertement intrusive et donc d’une posture a priori plus proche de celle de l’ethnologue. Cette dernière commande une socialisation spécifique du chercheur (même si l’on n’est pas non plus dans la position de l’observation participante) au sein de ce « milieu » rock. À ce stade, les affects sont immédiatement mobilisés et les échanges interpersonnels jouent un rôle central. « C’est bon, il est comme nous », dira Thierry Saltet à Domi à mon propos pour crédibiliser ma démarche.

  • 20 Il faut avoir à l’esprit, pour bien le comprendre, la forte et précoce prégnance d’OTH en région pa (...)

20Les séjours de recherche montpelliérains sont souvent l’occasion de faire rejouer de vieilles sociabilités, émoussées bien souvent par le temps, voire même de remettre en contact des protagonistes qui se sont parfois perdus de vue. De la même manière mais en terres franciliennes cette fois, la fréquentation des « milieux rock » parisiens et montreuillois offrent une collecte d’informations et de données particulièrement riche20. Des relations plus ou moins suivies avec les uns et les autres construisent des liens complexes, dépassant bien souvent le simple registre professionnel et qui autorise en retour une connaissance plus approfondie du groupe ou du champ sociologique.

  • 21 On songe ici bien sûr aux travaux pionniers de Marcel Mauss de 1923-1924 (Mauss, 1989 [1950]).

21Le fait que les archives n’existent pas et qu’il faille les construire implique donc une méthodologie particulière, largement empirique et pragmatique, mais aussi une « économie morale de la recherche » qui en découle directement. La notion d’économie morale forgée par Thompson dans les années 1960 (Thompson, 2012 [1963]), a été depuis largement enrichie par les apports d’historiens, d’anthropologues ou d’épistémologues (Fassin, 2009). On entend ici par « économie morale de la recherche » un système de réciprocité obligeant les donateurs/acteurs et le récepteur/ chercheur21. Ainsi, dans l’ensemble des entretiens réalisés, le don de la parole s’engage parfois assez profondément dans l’univers intime des témoins : « Bon, tu te le gardes pour toi mais… » (Phil Messina), « Je sais pas si tu peux le dire, ça » (Corinne Barbier), « Ok, là tu coupes le micro » (Étienne Imer), constituent autant d’indications précieuses qui fixent les logiques et les contours de cette réciprocité.

Fig. 9. État de l’enquête orale en février 2016.

22Le départ entre le dicible et l’indicible du chercheur et entre le lisible et l’illisible des acteurs constitue l’axe autour duquel s’articule cette économie morale. Paradoxalement, plus la parole est libre et entière plus la maîtrise d’un silence relatif s’impose à l’écriture.

  • 22 Ma thèse a été soutenue en décembre 1998, voir Loué (1998).

23La construction d’un fond archivistique conséquent est la condition première d’une telle enquête. Celle-ci néanmoins part aussi d’hypothèses. Ces dernières, construites en début d’enquête, sont largement contraintes par le capital d’expériences antérieures du chercheur constitué dans l’historiographie de la vie intellectuelle du xixe siècle22. On chercherait en vain une logique entre deux champs de recherche aussi différents que les grandes revues littéraires et politiques parisiennes du xixe siècle et un groupe de punk montpelliérain de la fin du xxe. Le principe de cette démarche est cependant ouvert par Marcel Détienne pour qui « comparer l’incomparable » constitue une prise de risque heuristique nécessaire voire salutaire (Détienne, 2000). Mettre en regard une culture dominante, imprimée, élitaire, parisienne, conservatrice d’une part et une culture dominée, orale, « de la rue », provinciale et libertaire de l’autre, à un ou deux siècles de distance de surcroît, n’a rien d’une évidence. En fait, plus que de comparer ici, il s’agit de tester la validité transhistorique de deux notions qui viennent en droite ligne de ma recherche dix-neuviémiste : le concept d’« intellectuel collectif » (les revues) d’une part et le paradigme de la « Bohème » (le champ littéraire) d’autre part.

  • 23 Les cinq membres du groupe ont eu un parcours scolaire assez difficile et court. Spi est le seul à (...)

24Le premier renvoie à l’approche monographique du groupe. Motch qualifie d’« alchimie » la production musicale du groupe, un processus d’improvisation en quelque sorte aboutissant progressivement à une construction collective… C’est grosso modo ainsi que chacun des acteurs reconstitue le processus de création. S’impose ici une traduction dans le langage des sciences sociales : on l’a dit, il faut entendre ici le groupe comme autre chose que la somme des individualités qui le composent, c’est-à-dire comme une personne morale autonome, ce que j’appellerai volontiers ici un intellectuel collectif. Intellectuel parce que professionnel de la production et de la manipulation des biens symboliques, au sens de Pierre Bourdieu ; collectif parce que « l’alchimie » othienne peut se comprendre comme une figuration de l’espace relationnel complexe au sein duquel évoluent les individus constituant le groupe. C’est dans cet espace relationnel que se situent les processus de négociation conduisant à la production musicale. Ce fonctionnement collectif à proprement parler me paraît constituer l’une des caractéristiques essentielles d’OTH, le fondement de son éthique libertaire et punk. La notion d’intellectuel collectif peut apparaître paradoxale à la vue du très capital scolaire des Othiens23, qui n’apparaissent en rien comme des intellectuels. Cependant, la production et les performances scéniques du groupe produisent des formes esthétiques et symboliques porteuses de discours, de sens et de représentations. Bien que ce ne soit pas le lieu ici d’analyser l’ordre du discours d’OTH, celui-ci apparaît néanmoins comme un aspect essentiel de l’analyse du répertoire qu’on a esquissée plus haut. En effet, le discours d’OTH dit beaucoup de l’identité du groupe : soit dans l’ordre des représentations (les corps, le bestiaire, les drogues, la sexualité, la musique, etc.), soit, plus directement, dans l’ordre autobiographique (les lieux, les galères, les tournées, l’enfance, mais aussi un mode de vie, etc.).

  • 24 Voir Murger (1988 [1851]) ; Seigel (1991).
  • 25 Voir par exemple Hermes (2014).
  • 26 Une formule lâchée par Spi lors d’une de nos conversations téléphoniques, le 11 janvier 2016.
  • 27 Pour une approche théorique voir Sterne (2015) et pour une approche historique Corbin (1994).

25C’est ici que la seconde perspective transhistorique prend forme dans ce que j’appelle le paradigme de la « Bohême ». La Bohême littéraire, née au xixe siècle, n’est pas seulement une marge sociale et esthétique, en tant que telle mais aussi une esthétisation de celle-ci quand elle prend forme dans le roman d’Henry Murger, Les Scènes de la vie de Bohême, publié en 185124. C’est en ce sens aussi, d’esthétisation de l’expérience sociale que l’on peut parler de Bohème. Globalement, il existe bien sûr une influence connue de la Bohème sur le mouvement punk ainsi que l’illustre certains travaux sur le milieu new-yorkais du milieu des années 197025. Plus globalement, Spi lui-même revendique une influence rimbaldienne. Il y a aussi les lieux (cafés, mansardes), les sociabilités d’interconnaissance, etc. qui sont susceptibles de se répondre d’un siècle à l’autre. Mais surtout, s’il est impossible de séparer l’expérience sociale et l’expression esthétique d’OTH, c’est parce que l’une se nourrit de l’autre et réciproquement. À cet égard, la marginalité sociale revendiquée du groupe se lit dans le discours othien avec une limpidité évidente et jusque dans ce « quelque chose d’assez autodestructeur26... » Il s’agit en quelque sorte d’une Bohème électrique et moderne, qui dessine un paysage sonore27 et circonscrit par là même une identité forte du groupe.

26Bohème aussi car c’est dans l’essence esthétique que se construit la marginalité sociale. On comprend ainsi l’importance de l’autobiographie dans la production esthétique et musicale du groupe. L’expérience nourrit la musique qui la permet en retour. Dans cette dialectique, l’intellectuel collectif fonctionne, on l’a dit, comme un espace interne de négociations complexes où chacun occupe une position singulière : négociation d’un point de vue musical surtout dans la mesure où il ne semble pas y avoir de véritables discussions sur les textes de Spi dans lesquels chacun se retrouve. Et pour cause, dotés d’un faible capital scolaire, peu familiers avec l’écriture, chacun a trouvé en Spi l’auteur des textes qu’il ne pouvait écrire lui-même. Dans ce contexte, la Bohème est un terme adéquat en ce qu’elle est une forme historique qui procède de l’esthétisation d’une expérience sociale de la marginalité sur le modèle des Scènes de la vie de Bohème d’Henry Murger en 1851.

Conclusion

  • 28 Pour les salles, voir par exemple Jérémy Bernède et Éric Delhaye (2006) et pour une salle parisienn (...)

27Une histoire sociale (en est-il d’autres ?) de la scène punk française est difficilement envisageable sans celle de ses principaux acteurs, les groupes eux-mêmes. Les quelques remarques précédentes n’ont d’autres prétentions que de suggérer quelques pistes de travail et quelques réflexions. L’approche monographique et son champ d’application ont des spécificités qui influent directement sur le déroulement de cette enquête et nul doute que l’approche d’un autre groupe en produirait d’autres, au-delà de ce que l’on appellerait volontiers les invariants anthropologiques du punk. Cette approche monographique peut aussi se fonder sur d’autres objet que les groupes, tels que les lieux (villes, salles, etc.28).

  • 29 Optique des travaux de Pierig Humeau (à paraître).

28Néanmoins, elle ne prend sens qu’en ce qu’elle participe d’une histoire globale qui restitue au plus juste l’ensemble social au sein duquel ses acteurs (et d’autres) ont évolué, qu’on l’appelle « scène » (Guibert et Hein, 2006), « champ29 » ou autre. À cet égard, des perspectives comparatistes sont envisageables : entre groupes, entre régions, etc. et surtout dans les interactions et les interrelations que les uns et les autres ont entretenues entre eux. En bref, OTH semble un objet de recherche bienvenu mais qui en appelle d’autres.

Bibliography

Bibliographie

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Notes

1 À partir de fin 1977, le groupe se compose de Motch (Gilbert Valentin) et Domi (Dominique Villebrun) aux guitares, Beubeu (Didier Banon) à la batterie et chœur, Spi (Jean-Michel Poisson) au chant et à l’harmonica et Phil (Philippe Messina) à la basse, en remplacement de Thierry Patillon, dit « Pépone ».

2 OTH est passé, semble-t-il, à côté de la première vague punk, sans s’en imprégner. C’est à partir de 1981 que le groupe prend clairement le virage punk.

3 Entretien avec Étienne Imer en date du 11 décembre 2013.

4 Théâtre Louvrais février 1987, Rockstore, janvier 1989.

5 Didier Banon in OTH. Sur des Charbons ardents, documentaire de Joël Jacobi et Jérôme Prudent, DVD, FR3-Local Prod., 2014.

6 Philippe Messina, in OTH. Sur des Charbons ardents, op. cit.

7 Entretien avec Thierry Patillon en date du 13 mai 2016.

8 Un bon exemple en serait la réalisation « artisanale » des tatouages que se gravent mutuellement sur la peau les membres du groupe. C’est du reste avec l’évocation par Motch des tatouages des uns et des autres que débute le documentaire sur OTH réalisé en 2014 par Joël Jacobi.

9 Certains n’hésitent pas du reste à voir là le début de la fin quand Spi a commencé « […] à vouloir bien chanter […] ça été une catastrophe […] », cf. entretien avec Rémi Ponsar en date 21 mars 2014.

10 Entretien avec Motch en date du 21 novembre 2013.

11 Entretien avec Corinne Barbier en date du 20 mai 2016.

12 On l’a fait par ailleurs, voir Loué (2016).

13 Spi/OTH, « Deux jours », sur l’album Sauvagerie, Art Trafic/New Rose, 1988.

14 Entreprise lyonnaise fondée en 1979 par Frédéric André et qui, après 1987, assure toute l’ingénierie scénique du groupe en tournée.

15 Entretien avec Frédéric André du 9 juin 2016.

16 Entretien avec Spi en date du 22 novembre 2013.

17 Deux cassettes, d’un accès aujourd’hui difficile, enregistrements live, Pain de guerre (Grenoble, novembre 1982) et Cœur et cuir (Saint-Étienne, octobre 1984) constituent des jalons fondamentaux puisque c’est sur ces enregistrements que l’on voit apparaître les titres qui formeront les futurs albums. On voit dès lors comment s’emboitent et s’agencent dans le répertoire de scène les titres des deux albums. Cela permet donc de dater plus précisément les titres et donc la construction du répertoire.

18 Sur la question de la collecte documentaire et de la construction des archives, je me permets de renvoyer mon intervention orale : « Aller à la source. Une économie morale de l’archive, l’exemple d’OTH » lors de la journée d’étude PIND (Punk Is Not Dead) du 12 mars 2016 organisée par Solveig Serre et Luc Robène au Centre Barbara-Fleury de la Goutte d’Or.

19 Sur la question des entretiens et de la manière dont ils sont menés, voir Beaud (1996). Notre enquête s’appuie, outre les archives matérielles, sur une série d’entretiens qui prennent essentiellement deux formes : une plus formalisée (rendez-vous, enregistrement, etc.), une autre plus improvisée lors de rencontres généralement fortuites dans des conditions ou des lieux plus ou moins improbables.

20 Il faut avoir à l’esprit, pour bien le comprendre, la forte et précoce prégnance d’OTH en région parisienne, l’un des espaces polarisants les plus forts d’un groupe du Sud dans la France septentrionale – voir Loué (2016).

21 On songe ici bien sûr aux travaux pionniers de Marcel Mauss de 1923-1924 (Mauss, 1989 [1950]).

22 Ma thèse a été soutenue en décembre 1998, voir Loué (1998).

23 Les cinq membres du groupe ont eu un parcours scolaire assez difficile et court. Spi est le seul à avoir passé son bac de français.

24 Voir Murger (1988 [1851]) ; Seigel (1991).

25 Voir par exemple Hermes (2014).

26 Une formule lâchée par Spi lors d’une de nos conversations téléphoniques, le 11 janvier 2016.

27 Pour une approche théorique voir Sterne (2015) et pour une approche historique Corbin (1994).

28 Pour les salles, voir par exemple Jérémy Bernède et Éric Delhaye (2006) et pour une salle parisienne, voir la belle approche photographique de Raphaël Rinaldi (2015) ; pour une approche centrée sur une ville, signalons aussi le remarquable ouvrage de Jean-Marc Quintana (2012).

29 Optique des travaux de Pierig Humeau (à paraître).

List of illustrations

Caption Fig. 1a. La structure du groupe. Photo d’OTH pendant la tournée Rock en France, janvier 1989 (photographie de Laurent Cassagne).Fig. 1b. Extrait du press book d’OTH de 1987.Fig. 1c. Une des dernières photographies posées du groupe en 1991 (auteur inconnu). On retrouve systématiquement de gauche à droite : Domi, Phil/Spi/ Beubeu, Motch.
URL http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/1647/img-1.jpg
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Caption Fig. 2. OTH à l’été 1976 au camping de Carnon. Cette photographie appartient à une série dont l’auteur est inconnu. On en possède deux exemplaires : un sur support numérique (Arch. Phil Messina) et un sur support papier (Arch. Sam Poisson). On y reconnaît de gauche à droite : Spi, Pépone, Domi, Beubeu et Motch.
URL http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/1647/img-2.jpg
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Caption Fig. 3 et 4. Evolution des déplacements d’OTH en 1978-1980 et 1987-1988.
URL http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/1647/img-3.jpg
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Caption Fig. 5. Le groupe d’OTH en tournée en 1990-1991 (tournée Explorateur). Source : Arch. Phil Messina, auteur inconnu.On distingue de gauche à droite en haut : Nounours (Fa Musique), Beubeu (OTH), Phil (OTH), Domi (OTH), Agop (Fa Musique), Spi (OTH) et Jean-Paul (Fa Musique) et en bas : Laurent (road manager), Sam (roadie), José (Fa Musique) et Motch (OTH). Les membres de Fa Musique ont été identifiés par Frédéric André (entretien du 9 juin 2016). Sans doute manque-t-il sur le cliché Palus, second roadie d’OTH (en serait-il le photographe ?).
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Caption Fig. 6. Territorialités d’ OTH (1978-1991).
URL http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/1647/img-5.jpg
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Caption Fig. 7. Évolution de la durée des quatre albums studio (en seconde). À gauche : durée globale. À droite : durée moyenne par titre.
URL http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/1647/img-6.jpg
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Caption Fig. 8. Structure du répertoire global.
URL http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/1647/img-7.jpg
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Caption Fig. 9. État de l’enquête orale en février 2016.
URL http://books.openedition.org/ms/docannexe/image/1647/img-8.jpg
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Author

(CHCSC) est maître de conférences d’histoire à l’université de Strasbourg, spécialiste de l’histoire de l’imprimé et de ses institutions (xix-xxe siècles). Il est l’auteur de La Revue des Deux Mondes par elle-même, Mercure, 2009.
Thomas.loue@uvsq.fr

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