Chantiers et matériaux de construction
| ,Outils stratégiques et techniques pour la conservation des sites archéologiques en terre
L’exemple de Merv, site du patrimoine mondial au Turkménistan
Texte intégral
Introduction
1Dans la vaste steppe turkmène, au cœur du pays, le site archéologique de l’Ancienne Merv se confond parfaitement dans le paysage. Couleur terre, les vestiges d’architecture gisent ici et là dans des états de dégradation différemment avancés. Les hivers rigoureux autant que les étés torrides n’épargnent guère les bâtiments abandonnés depuis des siècles. Les fouilles archéologiques engagées pour une meilleure connaissance de l’histoire de l’Asie centrale ont également endommagé les vestiges, laissant à nu des structures fragiles.
- 1 State Archaeological Park « Ancient Merv » Management Plan 2010‑2015, p. 54.
- 2 Dossier de nomination : http://whc.unesco.org/uploads/nominations/886.pdf (consulté le 27/05/2016)
- 3 https://www.wmf.org/project/ancient-merv-archaeological-site (consulté le 27/05/2016).
- 4 Les auteurs souhaitent remercier ici la direction de la Protection, de l’Étude et de la Conservati (...)
2La conscience nationale d’un héritage exceptionnel a néanmoins poussé les autorités à créer dès 1987 une réserve archéologique, parmi six autres dans le pays : le Parc historique et culturel de l’Ancienne Merv. La volonté de coopérer avec des instances internationales en a découlé puisqu’en 1992, peu de temps après l’indépendance et donc l’affranchissement institutionnel de Moscou, les chercheurs du University College of London (UCL) ont été invités à poursuivre des fouilles dans le cadre du projet International Merv Project1. La nomination du site sur deux des listes les plus importantes au monde concernant le patrimoine a également été déterminante : en 1999, le patrimoine mondial de l’Unesco2 et en 2000 le World Monuments Watch3. Depuis lors, le laboratoire CRAterre-ENSAG est partenaire des projets de conservation du site4.
- 5 http://turkmenistan.usembassy.gov/pr20121107.html (consulté le 27/05/2016).
3En 2012, après cent ans de fouilles et vingt ans de conservation, l’histoire du site a pris un nouveau tournant grâce au soutien d’un nouveau partenaire, l’Ambassador’s Fund for Cultural Heritage (AFCP)5, et la concentration des efforts sur un bâtiment emblématique de l’Ancienne Merv, le Grand Kyz Kala.
Problématiques de terrain
- 6 Gandreau, Moriset 1991, p. 68‑69.
4Travailler sur le site de Merv peut se révéler d’une complexité inattendue, en raison de la diversité de typologie des vestiges. Organiser des recherches autant que des travaux de préservation sur des structures soit fouillées, soit abandonnées mais toujours en élévation, soit encore cachées (par l’érosion ou par des réfections postérieures), le tout sur un espace couvrant 1 200 hectares, offre un vrai casse-tête de gestion. Depuis 2001, la stratégie d’intervention menée par les différents partenaires a donc été fixée selon plusieurs critères fondamentaux6 :
- comprendre le plus possible en intervenant le moins possible7. L’analyse des processus de dégradation des vestiges et l’observation minutieuse de la construction permettent d’apprendre plus sur l’histoire du site, son environnement, ses pathologies, etc. Du fait de l’immensité du site, les interventions quant à elles doivent se concentrer sur les zones d’urgences, celles qui menacent la stabilité du vestige ;
- respecter les valeurs du site, en particulier le fait que l’on veuille représenter les vestiges à l’état de ruines. Restaurer ou restituer la totalité des structures n’est pas une option envisagée car l’entreprise serait non seulement titanesque, mais également en désaccord avec la représentation que les parties prenantes ont du site. On privilégie donc la conservation préventive ;
- respecter le matériau d’origine. Contrairement à ce qui avait été pratiqué jusqu’alors, l’utilisation de terre crue pour la conservation est devenue systématique. Quelques zones ont été renforcées par du géotextile, matériau moderne mais sans influence sur les propriétés intrinsèques de la terre crue ;
- utiliser des procédés réversibles. Toute action de conservation engagée directement sur le vestige doit pouvoir être retirée sans que ce dernier ne soit altéré ;
- éviter la confusion entre la structure originale et les interventions de conservation. Les procédés utilisés doivent être discrets mais pas invisibles, notamment en ce qui concerne les ajouts et réparations. L’utilisation de briques modernes doit être distinguable ;
- s’adapter à la réalité du terrain. Appliquer des procédés de conservation à des centaines de bâtiments sur plus de 1200 hectares nécessite l’utilisation de techniques simples mais efficaces, facilement reproductibles par les partenaires locaux.
- 8 Les rapports de mission, non publiés, sont disponibles sur demande spécifique au Centre de documen (...)
5Dans cette logique, des missions se sont tenues régulièrement à Merv pour établir ces principes, renforcer les savoir-faire déjà présents et divulguer cette expérience à d’autres professionnels du pays8. À ce titre, une formation s’est tenue sur le site en 2007 avec les directeurs de tous les parcs archéologiques du Turkménistan, reprenant des enseignements théoriques mais également pratiques.
Le projet du grand Kyz Kala
- 9 State Archaeological Park « Ancient Merv » Management Plan 2010‑2015, p. 36‑53.
6Au cours de l’histoire du site de Merv, qui s’étend de l’Antiquité à la fin du Moyen Âge en quatre villes successives (fig. 1), la période seldjoukide (xie-xiie siècle ap. J.‑C.) est la période la mieux connue. Par conséquent, l’identité turkmène d’aujourd’hui s’y rattache fortement. Le sultan Sanjar, souverain charismatique, fit embellir la cité médiévale construite après la conquête arabe (ixe siècle ap. J.‑C.) à l’écart de la ville antique de Gyaur Kala et de son reliquat achéménide ceint dans la ville haute (Erk Kala, vie siècle av. J.‑C.)9.
- 10 Herrmann 1999, p. 79‑94.
7Cette immense cité de Sultan Kala, entourée de fortifications, devint un important centre d’échanges commerciaux entre des peuples parfois très éloignés, et le foyer d’une civilisation sédentaire au contact perpétuel des nomades. De nombreux bâtiments de cette époque subsistent aujourd’hui, encore en élévation. Le mausolée renfermant la tombe du sultan, au milieu de la ville, a notamment fait l’objet d’une restauration complète (en dehors de notre intervention) et est devenu un lieu de pèlerinage important. Disséminées à l’intérieur de l’enceinte mais également hors les murs, de nombreuses structures, dont l’architecture est atypique, sont visibles. Bien qu’énigmatiques, ces « maisons fortes » ou köshk10 se reconnaissent facilement à leurs façades aveugles, composées de colonnes semi-engagées formant un mur dont la section est ondulée en parement extérieur et alignée à l’intérieur.
8Le Grand Kyz Kala est l’un de ces bâtiments (fig. 2).
- 11 Rapport interne en russe, non publié, vu par les auteurs sur place et consultable auprès du direct (...)
- 12 Herrmann 1999, p. 81‑86.
9Située à l’ouest et à l’extérieur de la ville, sa silhouette haute de plus de 12 m se dégage nettement dans le paysage. De plan quasi carré, les côtés mesurent environ 40 m de long et renferment à l’intérieur des pièces distribuées autour d’une vaste cour. Le bâtiment est associé à un Petit Kyz Kala, plus réduit en dimensions. L’originalité réside essentiellement dans sa forme et sa bonne préservation et, dans une certaine mesure, dans l’absence notoire de connaissances. En effet, à l’exception d’une tranchée effectuée en 1989 par l’archéologue russe Khodjaniasov11 à l’extérieur du mur sud, aucune fouille n’a été réalisée. La datation est par conséquent discutée, certains l’attribuant aux périodes préislamiques alors qu’une étude stylistique effectuée par G. Hermann le rapproche des autres structures de ce type et verrait plutôt une attribution médiévale (ixe siècle ap. J.‑C.)12.
- 13 Il ne s’agit nullement ici de restauration ou de restitution, comme cela a été effectué au mausolé (...)
10Le projet du Grand Kyz Kala réunit autour de lui les institutions patrimoniales turkmènes, les archéologues de UCL travaillant sur le site depuis les années 1990, le laboratoire CRAterre-ENSAG fort de ses expériences locales et avec les archéologues depuis 2001, et l’ambassade des États-Unis d’Amérique par le biais de la fondation AFCP. L’objectif commun de tous ces partenaires est de mieux connaître l’histoire du Grand Kyz Kala et de le préserver tout en poursuivant des recherches. La stratégie de conservation est donc celle de la conservation préventive13, à savoir qu’à chaque campagne de fouilles une campagne de protection immédiate est envisagée. La coopération entre les différents corps de métier est indispensable : l’avis des conservateurs est essentiel pour anticiper les dégradations liées à la fouille et la logistique de préservation, et inversement, les données trouvées en fouilles sont majeures pour que les travaux de conservation puissent redonner l’aspect le plus proche de l’original au bâtiment.
11Du point de vue de la recherche de terrain, l’objectif principal était d’effectuer des fouilles ponctuelles. Au fil des découvertes et de l’engagement des équipes locales, les fouilles se sont révélées plus importantes afin de dégager l’ensemble de l’intérieur du bâtiment, renfermant plusieurs niveaux contemporains d’habitat (deux étages ?). L’identification de la porte d’entrée est également à confirmer, le côté est ayant fourni une date assez basse par rapport à l’usage supposé du bâtiment. En parallèle, la documentation relative à l’histoire des fouilles et de la conservation est compilée afin de mieux comprendre l’hétérogénéité apparente du bâtiment (contreforts récents à l’intérieur, bases de mur renforcées à l’extérieur).
Mise en œuvre du projet de conservation
- 14 Logiciel de photogrammétrie : Agisoft PhotoScan®.
12La première phase, initiée en 2014, est celle de la documentation. Les données sont collectées à partir d’archives photographiques dont les plus anciennes remontent à la fin du xixe siècle, et les plus récentes sont celles de la campagne en cours. Différents moyens de relevé, outre la méthode manuelle, permettent de préciser nos connaissances, notamment à travers l’outil du Laser Scan, du drone, du théodolite ou encore d’un logiciel de restitution photogrammétrique en trois dimensions14. Nous pouvons ainsi retracer l’évolution des dégradations sur près d’un siècle. L’exemple le plus frappant est celui du mur est. Sur l’image de Zhukovsky prise en 1890 (fig. 3), toutes les colonnes de la façade sont encore debout, seules les deux centrales sont tronquées de la base jusqu’à mi-hauteur. On remarque également qu’à leur sommet la maçonnerie effectue comme un retour, un parapet décoré. En 1971, ces éléments sont toujours visibles sur l’image de Pilyavsky (fig. 4), même si les bases des colonnes centrales sont plus endommagées. Aujourd’hui, la situation est bien différente. D’après les premières images effectuées au moment de la nomination du site, six des colonnes centrales ont entièrement disparu, ainsi que les décorations sommitales (fig. 2).
13Grâce à ces images et aux recherches entreprises avec le directeur du parc archéologique de l’Ancienne Merv, l’historique des opérations de conservation a pu être retracé. Initiées dès 1997, ces dernières se sont attachées principalement à la réfection des bases de mur de façade et au remontage partiel d’une cage d’escalier à l’intérieur du Kyz Kala, effondrée récemment et attestée par les archives photographiques.
14Forts de ces investigations, nous avons amorcé une seconde phase, celle de la compréhension des processus de dégradation. Outre la documentation ancienne qui a permis de poser un état de conservation « avant » et des pistes de réflexion sur les causes de dégradation, nous avons effectué des observations au cours des différentes saisons et tracé un relevé du chemin emprunté par les écoulements d’eau (plan de drainage, fig. 5). Ce dernier a mis en lumière les zones de stagnation de l’eau et les risques d’aggravation des pathologies.
Fig. 5 – Plan schématique des eaux de ruissellement sur le Grand Kyz Kala (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015).

- 15 Non publiées à ce jour.
15Nous en avons conclu que les processus naturels de dégradation du bâtiment liés au temps, stabilisés depuis plusieurs siècles, se sont très nettement accentués dans les années 1970. Après des décennies d’exploitation agricole intensive, la nappe phréatique turkmène est remontée et s’est chargée en sels. L’humidité de la nappe s’est infiltrée par capillarité dans les murs et a provoqué des faiblesses, dont la chute de plusieurs colonnes sur la façade est (fig. 2‑4). D’autre part, les fouilles réalisées à l’intérieur du bâtiment durant les campagnes 2012 et 201315 ont provoqué des zones de stagnation des eaux de pluie. En effet, des carrés correspondant à des pièces ont été ouverts et vidés sur une profondeur importante, sans possibilité d’écoulement (fig. 6).
Fig. 6 – Intérieur du Grand Kyz Kala en cours de fouilles, vue du nord (Parc historique et culturel de l’Ancienne Merv, Dzaparov, 2013).

16Ces constats nous ont menés à une troisième phase dans le projet, celle de planification des recherches autant que des travaux de conservation. Dans un premier temps, une série de recommandations a été effectuée pour les fouilles à venir, dont les implantations nécessitent le maintien d’une bande de sécurité le long des murs de façade afin d’éviter leur fragilisation, et le souci de drainage des eaux de pluie pour éviter l’effet « piscine ». Dans un second temps, nous avons choisi de traiter méthodiquement la façade la plus emblématique du bâtiment, la façade sud, pour former l’équipe à la conservation spécifique du Grand Kyz Kala. Pour des raisons pratiques autant que stratégiques, en accord avec les différents partenaires institutionnels autant que les maçons, nous avons choisi de procéder tout d’abord à la réparation des bases de colonne, situées entre 3 et 6 m au-dessus du niveau de circulation actuel, puis de combler les trous et fissures des parties hautes et des têtes de mur, et enfin de consolider la base de la maçonnerie une fois toutes ces opérations effectuées et après le retrait des échafaudages.
17La quatrième phase, de mise en œuvre, a donc débuté selon ces principes.
18– Nous avons commencé par l’installation d’un échafaudage sur toute la longueur de la face externe du mur. Le bâtiment ayant un fruit à sa base, il s’est vite révélé inutile de monter trop haut, le décalage étant de plus de 1 m de profondeur à 3 m de haut (fig. 7).
Fig. 7 – Échafaudage implanté sur la façade extérieure sud du Grand Kyz Kala, vue de l’est (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015).

- 16 Les colonnes ont été numérotées de 1 à 18 d’ouest en est. Il s’agit ici des colonnes 3 à 9, 11, 15 (...)
- 17 Cette étude a été menée par nos soins, or une analyse plus approfondie avec l’aide d’un archéologu (...)
19– Le nettoyage de la base et des espaces entre les colonnes, où de la matière « coulée » provenant des parties hautes s’est accumulée, a été effectué avec soin sur les colonnes les mieux préservées16. Les parties pulvérulentes ont été retirées alors que les parties plus résistantes ont fait l’objet d’une pré-étude17. L’agencement des briques les unes par rapport aux autres, l’épaisseur du mortier dans les joints et l’ensemble de la maçonnerie ont été examinés (fig. 8) afin de retirer le plus d’informations possible.
Fig. 8 – Détail de la maçonnerie d’origine à la base d’une semi-colonne engagée, façade sud du Grand Kyz Kala (CRAterre, D. Gandreau, 2015).

- 18 Pour préserver le vestige nous avons recréé une couche sacrificielle en posant plusieurs couches d (...)
20– Plusieurs propositions de restitution ont été évoquées suite à ces observations. Architecte, conservateur, archéologue et maçon se sont mis d’accord sur une forme légèrement biseautée à la base, où les briques de la colonne reprennent le calepinage des briques de la masse du mur (fig. 9). Elles sont peu saillantes à la base de la colonne et s’alignent avec l’extérieur de celle-ci dans sa partie la plus large. Entre les colonnes, le système d’encorbellement a été repris plus significativement, rentrant et non plus saillant. La forme en triangle de cet espace, et sa position à l’embouchure de la saignée provoquée par l’alternance de deux colonnes suppose, comme un cône de déjection à l’embouchure d’une rivière, que de la matière sacrificielle sous forme visqueuse, voire liquide, venait s’y répandre18 (fig. 10).
Fig. 9 – Détail de la restitution choisie pour la base de colonne, en cours de conservation. Grand Kyz kala, façade sud (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015).

Fig. 10 – Vue rapprochée des bases de colonnes conservées sur la façade sud du Grand Kyz Kala (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015).

21– Sur la face externe du mur sud il n’était guère possible de monter plus haut que les quelques assises de base de colonne, en raison de la distance trop importante entre le mur et l’échafaudage. Dans l’attente de l’utilisation d’un outil plus adapté (nacelle ou autre type d’échafaudage), nous avons concentré nos efforts sur la face interne du mur. Les sédiments accumulés à l’intérieur du Grand Kyz Kala permettent en effet d’avoir accès plus facilement au sommet de ce mur sud. Après avoir monté 6 m d’échafaudage (fig. 11), les têtes de colonnes de la partie la plus à l’ouest (colonnes 2 à 8), partie sur laquelle nous avons mené nos expérimentations de conservation, ont été enduites de deux couches d’enduit sacrificiel (fig. 12). Ce mélange, à base de terre des déblais de fouille et de paille macérée, est sacrificiel en ce sens qu’il reçoit l’usure de l’érosion naturelle au lieu d’endommager le vestige archéologique. Par la même occasion, les fissures visibles sur cette face interne ont été comblées de la même manière.
Fig. 11 – Montage de l’échafaudage sur la façade interne sud du Grand Kyz Kala (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015).

Fig. 12 – Pose de couches d’enduit sacrificiel en tête de mur, façade sud du Grand Kyz Kala, vue du sud (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015).

22– Enfin, suite au relevé de circulation des eaux de ruissellement (fig. 6), quelques opérations de drainage ont été effectuées afin de minimiser les pathologies. La grande cuvette d’eau stagnante observée durant l’hiver, au nord-est de l’enclos dans lequel est ceint le monument, a été comblée par des lits de terre damée afin de mieux absorber l’eau et d’éviter un profil en cuvette (fig. 13).
Fig. 13 – Damage de plusieurs lits de terre pour un meilleur drainage, coin nord-est à l’extérieur du Grand Kyz Kala (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015).

23Dans l’attente de trouver des outils plus adaptés à la hauteur du mur et garantissant une sécurité satisfaisante, les travaux que nous avons engagés se sont arrêtés à ce stade. Une équipe de douze ouvriers, dont plusieurs maçons spécialisés dans la conservation des vestiges de l’Ancienne Merv, ont été sensibilisés à cette nouvelle approche, spécifique au Grand Kyz Kala du fait de son exceptionnel état de conservation et des problématiques d’ensemble qu’il suppose.
Conclusion
24En conclusion, l’exposé du contexte institutionnel et celui plus pragmatique des conditions de travail sur le terrain permettent de mieux comprendre les problématiques auxquelles se confrontent archéologues et conservateurs, à travers l’exemple du lointain Turkménistan.
25Le détail des opérations que nous avons menées durant la campagne des 2015 a montré que, à l’instar des questions purement archéologiques que l’on se pose sur les sources d’approvisionnement, l’extraction, la production et enfin l’assemblage des matériaux pour une construction ancienne, nous – conservateurs – tentons d’appliquer une méthode similaire à celle des bâtisseurs des constructions que nous préservons. Notre démarche s’attache à rechercher la carrière la plus appropriée à l’ampleur des travaux de conservation, puis à la manière dont on va extraire et acheminer la terre jusqu’au site, comment et quand elle sera préparée pour la mise en œuvre, et enfin, quel sera l’aspect final de la matière sur le bâtiment préservé.
26Au-delà de ces outils purement techniques, nous nous sommes également attachés à organiser en amont des actions qui répondent à une stratégie commune, discutée avec les différents acteurs du projet de conservation. Afin de ne pas alourdir ce discours parfois théorique à notre auditeur du colloque autant qu’ici à notre lecteur, nous avons choisi parmi nos expériences une étude de cas exceptionnelle, le Grand Kyz Kala, reflet d’un schéma idéal de conservation où archéologues et conservateurs trouvent un terrain d’entente.
Bibliographie
Gandreau D., Moriset S. 1991, « Preventive conservation of the monuments in Merv, Turkmenistan », in H. Hwang, S. Kim, H. Guillaud, D. Gandreau (éd.), TerrAsia 2011. International conference on earthen architecture in Asia, Mokpo, p. 67‑77.
Herrmann G. 1999, Monuments of Merv, Traditional buildings of the Karakum, Report of the Research Committe of the Society of Antiquaries of London 62, Londres.
Joffroy T. 2012, « Preventive conservation : A concept suited to the conservation of earthen architectural heritage ? », in D. Torrealva Davila (éd), Terra 2012. XIth International Conference on the Study and Conservation of Earthen Architecture Heritage (SismoAdobe 2012), Lima, p. 255‑260.
Notes
1 State Archaeological Park « Ancient Merv » Management Plan 2010‑2015, p. 54.
2 Dossier de nomination : http://whc.unesco.org/uploads/nominations/886.pdf (consulté le 27/05/2016).
3 https://www.wmf.org/project/ancient-merv-archaeological-site (consulté le 27/05/2016).
4 Les auteurs souhaitent remercier ici la direction de la Protection, de l’Étude et de la Conservation des monuments historiques et culturels du Turkménistan, en particulier M. Mamedov et M. Muradov ; le Parc historique et culturel de l’Ancienne Merv en la personne de M. Djeparov, ainsi que le personnel logistique du parc ; l’ambassade des États-Unis d’Amérique au Turkménistan, en particulier M. Stimmler, M. Cavey et Mme Meredova ; l’institut d’archéologie du University College of London, notamment M. Williams, M. Wordsworth, Mme Campbell, M. Wheeler, Mme Michelsen ; ainsi que les membres du laboratoire CRAterre-ENSAG qui ont permis le bon déroulement de nos opérations depuis 2001.
5 http://turkmenistan.usembassy.gov/pr20121107.html (consulté le 27/05/2016).
6 Gandreau, Moriset 1991, p. 68‑69.
7 Cette approche liée au concept de conservation préventive a été développée dans les années 1970 et appliquée comme méthode préférentielle par la communauté scientifique et les praticiens de la conservation des architectures de terre (Joffroy 2012).
8 Les rapports de mission, non publiés, sont disponibles sur demande spécifique au Centre de documentation de l’association CRAterre, à Villefontaine.
9 State Archaeological Park « Ancient Merv » Management Plan 2010‑2015, p. 36‑53.
10 Herrmann 1999, p. 79‑94.
11 Rapport interne en russe, non publié, vu par les auteurs sur place et consultable auprès du directeur du parc archéologique.
12 Herrmann 1999, p. 81‑86.
13 Il ne s’agit nullement ici de restauration ou de restitution, comme cela a été effectué au mausolée du Sultan Sanjar.
14 Logiciel de photogrammétrie : Agisoft PhotoScan®.
15 Non publiées à ce jour.
16 Les colonnes ont été numérotées de 1 à 18 d’ouest en est. Il s’agit ici des colonnes 3 à 9, 11, 15 et 16.
17 Cette étude a été menée par nos soins, or une analyse plus approfondie avec l’aide d’un archéologue spécialiste du bâti serait à envisager.
18 Pour préserver le vestige nous avons recréé une couche sacrificielle en posant plusieurs couches d’enduit sur cet espace triangulaire.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Plan des différentes villes de Merv et localisation des bâtiments principaux (UCL, 2010). |
URL | http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/9832/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 596k |
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Titre | Fig. 2 – Le Grand Kyz Kala, vue de l’est (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015). |
URL | http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/9832/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 4,8M |
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Titre | Fig. 3 – Le Grand Kyz Kala, vue de l’est (Zhukovsky, 1890). |
URL | http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/9832/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 347k |
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Titre | Fig. 4 – Le Grand Kyz Kala, vue du sud-est (Pilyavsky, 1971). |
URL | http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/9832/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 190k |
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Titre | Fig. 5 – Plan schématique des eaux de ruissellement sur le Grand Kyz Kala (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015). |
URL | http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/9832/img-5.jpg |
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Titre | Fig. 6 – Intérieur du Grand Kyz Kala en cours de fouilles, vue du nord (Parc historique et culturel de l’Ancienne Merv, Dzaparov, 2013). |
URL | http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/9832/img-6.jpg |
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Titre | Fig. 7 – Échafaudage implanté sur la façade extérieure sud du Grand Kyz Kala, vue de l’est (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015). |
URL | http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/9832/img-7.jpg |
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Titre | Fig. 8 – Détail de la maçonnerie d’origine à la base d’une semi-colonne engagée, façade sud du Grand Kyz Kala (CRAterre, D. Gandreau, 2015). |
URL | http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/9832/img-8.jpg |
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Titre | Fig. 9 – Détail de la restitution choisie pour la base de colonne, en cours de conservation. Grand Kyz kala, façade sud (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015). |
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Titre | Fig. 10 – Vue rapprochée des bases de colonnes conservées sur la façade sud du Grand Kyz Kala (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015). |
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Titre | Fig. 11 – Montage de l’échafaudage sur la façade interne sud du Grand Kyz Kala (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015). |
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Titre | Fig. 12 – Pose de couches d’enduit sacrificiel en tête de mur, façade sud du Grand Kyz Kala, vue du sud (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015). |
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Titre | Fig. 13 – Damage de plusieurs lits de terre pour un meilleur drainage, coin nord-est à l’extérieur du Grand Kyz Kala (CRAterre, Ch. Sadozaï, 2015). |
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© MOM Éditions, 2020