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Akh Purattim 3

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Jean-Claude Margueron
, 
Olivier Rouault
, 
Pascal Butterlin
, 
et al.

Terqa et sa région

Rapport sur les travaux de la mission archéologique française à tell Masaïkh en 2007 (MK12)

Maria Grazia Masetti-Rouault, Sabrina Salmon, Benedetta Bellucci et Bianca Maria Tomassini Pieri

Texte intégral

LE CHANTIER G

Introduction (fig. 1)

1Les fouilles dans le chantier G, sous la direction de M. Gr. Masetti-Rouault, ont été confiées à N. Mahy, A. Toima et M. Tatulescu. Les travaux réalisés en 2006 nous avaient déjà permis d’établir une première stratigraphie de cette partie du tell, 10 m au sud de chantier E, et à l’est du rempart qui en forme le côté occidental. Nous avons donc pu commencer nos fouilles dans les nouveaux loci sans effectuer de sondages directeurs. En effet, les surfaces à étudier sont toutes adjacentes aux espaces déjà connus : le locus k205, de 16 x12 m se trouve juste au sud du k192 – où par la suite nous avons identifié un niveau romain tardif/récent (k197, k202, k203 et k204) et un niveau néo-assyrien (k199, k200, k201). Nous avons élargi d’un mètre l’espace de 10 m sur 15 m prévu au départ pour la fouille afin de nous rapprocher le plus possible de la limite sud de la terrasse qui semble correspondre à la présence de la grande cour dallée néo-assyrienne (k199), avant une pente prononcée vers le sud.

2Le locus k206 (10 × 10 m) est situé à l’ouest de k192, donc au nord-ouest de k205. Nous avons décidé de reprendre le travail également dans le locus k193, à l’est de k192, où une première surface de cinq mètres sur dix avait déjà été fouillée, seulement jusqu’au début du niveau romain tardif (RT), afin d’avoir à notre disposition la surface la plus large possible pour étudier le développement vers le sud de la grande cour dallée (k199), que nous pensons aujourd’hui être le babanu du palais assyrien.

3La disposition des espaces de fouille de cette année, intégrant la surface dégagée en 2006, a été choisie afin de permettre l’exploration de plus de la moitié de cette cour, en particulier de son secteur occidental, parallèle à l’enceinte. Tenant compte de l’exemple fourni par l’architecture d’autres palais assyriens en Syrie, la perspective était aussi d’identifier sa limite méridionale, ainsi que d’étudier les locaux l’entourant à l’ouest. En 2006, pendant l’exploration des loci k192 et k197, nous avions mis au jour d’abord les restes de l’occupation d’époque romaine tardive, en trois phases différentes dont aucune ne comportait de bâtiments structurés. Ils recouvraient les vestiges de l’époque néo-assyrienne, et notamment le mur limitant à l’ouest la grande cour et son sol dallé de briques cuites (module 40 × 40 × 8 cm), appelés respectivement cette année e67 et e111. On avait en outre relevé, à l’ouest de ce mur, la présence d’un espace de grandes dimensions (k201), avec un dallage également très raffiné (e75), bien que différent de e111. Tenant compte du fait que la cote moyenne (191,80) du sol dallé e75 dans k201 est plus élevée d’environ 30 cm que celle du sol dallé e111 (191,51 en moyenne) de la cour k199, ainsi que d’autres éléments stratigraphiques, nous avions attribué l’espace k201 à la phase NA2, celle de la restructuration du palais après un changement politique majeur et sans doute une attaque militaire. Cette phase de construction est également visible, dans l’ensemble de la cour k199, par l’ajout d’une couche de terre argileuse et compacte scellant partout le dallage e111, constituant un nouveau niveau d’occupation, caractérisé par la présence d’activités de type artisanal, comme un four à poterie dans la partie nord de la cour. Le contraste est évident avec la qualité de la première construction de la cour – outre le dallage, nous avons retrouvé les restes d’un décor peint sur la face est de la base du mur e67 – qui reflète les fonctions originales de prestige de cet espace.

Le locus k206 (fig. 1 et 2)

4Le locus k206 correspond donc à un espace de 10 × 10 m immédiatement à l’ouest du mur e67, et au reste du locus k201. Sachant que la fouille de ce locus n’aurait pas donné d’informations directes sur la grande cour k199, nous avons néanmoins décidé de poursuivre les recherches dans cette direction. Il s’agissait non seulement de comprendre l’organisation de l’espace entre la face interne du rempart et la limite de cette cour, mais aussi d’essayer de résoudre le problème posé par la contradiction apparente, pendant la phase NA2, entre l’effacement de l’aspect et des fonctions de prestige de la cour k199 et l’aménagement de qualité d’un local annexe ou associé k201.

Les niveaux islamiques anciens (fig. 3)

5Après avoir enlevé nos déblais provenant du chantier E déposés dans cette partie du tell lors de différentes campagnes précédentes, nous avons commencé à fouiller les couches de surface (e2 et e4), à partir de la cote moyenne de 192,73. La terre, très meuble, ne contient aucun type de matériel, mais seulement les traces de quelques foyers. Une surface ancienne du tell, caractérisée par la présence d’une couche argileuse plus compacte (e12, à 192,62), couvre une série de sols non construits et de remplissages, vers l’est e14 (192,46) et e26 (192,21), vers l’ouest e22 (192,47), e23 (192,40) et e81 (192,20), séparés par une surface particulièrement dure, argileuse, qui s’est révélée être un mur de grandes dimensions, e21, orienté nord-ouest - sud-est, donc parallèle au mur assyrien en briques crues e67 (NA1). Reconnues dès une cote élevée (192,55), les limites mêmes de ce mur sont restées longtemps indéchiffrables, puisque ses faces est et ouest, très érodées, sont englobées dans les couches qui les entourent, argileuses et formées par des fragments de briques et occasionnellement de briques cuites. Ces sols successifs présentent les mêmes caractéristiques : aucune structure bâtie ne paraît leur être associée, à l’exception d’un petit mur de refend en briques crues, e33 (192,46 max.), orienté est-ouest sur e22.

Fig. 1a – Plan montrant l’extension du chantier G

Fig. 1b et 1c – Reconstitutions 3D des niveaux assyriens du plan 1a (O. Rouault)

Fig. 2 – Vue du locus k206 dans le chantier G

Fig. 3 – Tell Masaïkh, vue du niveau islamique

6Ces niveaux d’occupation sont identifiables seulement grâce à la présence de foyers, de terre brûlée, et d’une grande quantité de fosses, destinées à des usages divers. L’une (e22) contenait une petite jarre enterrée ; d’autres correspondent à des sépultures en pleine terre, comme e34 (192,35), e54 (192,30), e55 (192,30), e58 (192,04), e59 (192,29), e77 (191,96), souvent partiellement intrusives dans la masse du mur e21, manifestement préférée pour sa solidité. Ces tombes, d’adultes et d’enfants, ne livrent aucun type de matériel, mais elles sont identifiables comme étant d’époque islamique de par la position du squelette (nord-ouest - sud-est ou ouest-est), avec le crâne vers le sud-ouest, et souvent disposé sur le côté droit.

7Une autre série de fosses, de forme plutôt circulaire, avec des diamètres de plus d’un mètre, comme e52 (192,26 max., 191,85 min.), fermée par un amoncellement de pierres et de fragments de briques cuites, et e62 (192,22 max., 191,66 min.), ont été retrouvées avec des remplissages mixtes, limoneux, contenant cendres, os animaux, tessons et fragments de verre, qui permettent de les dater de l’époque islamique ancienne. Dans quelques cas, ces fosses perturbent et coupent les sépultures en pleine terre qui remontent manifestement à une époque légèrement plus ancienne.

8Mais les plus intéressantes ont été de grandes fosses ou structures enterrées : e38 (192,37, min. 191,90), e39 (192,31, min. 191,99), intrusives dans le mur e21, et e43 (192,36, min. 191,90), qui semblent correspondre ou être associées, de par leurs contenus, à des fours artisanaux contenant des cendres et charbons en grande quantité, mais aussi des galets et des fragments de basalte manifestement utilisés comme outils. Les vestiges très érodés de ces installations ont été retrouvés peut-être au niveau du sol e81 (192,20), rubéfié, marqué par la présence de foyers construits et de petites canalisations, et par une grande quantité de cendres. C’est le matériel qui a été recueilli dans ces contextes qui nous pousse à interpréter ces structures comme les restes d’ateliers artisanaux destinés à la production de céramique, mais aussi à la métallurgie. En effet, nous avons retrouvé dans ces couches une importante quantité d’objets en fer, des lames de couteaux et de faucilles, des clous, des pointes de flèche, et aussi des objets plus complexes, parfois difficiles à reconnaître, comme un éperon, ou une structure ronde pour soutenir les marmites, ainsi que de nombreux fragments de céramique surcuite avec des traces de fer et de bronze, peut-être les restes de creusets. Au niveau des sols les plus récents, nous avons par ailleurs retrouvé une quantité importante de tessons de céramique incisée ou glaçurée, ainsi que les formes entières de trois lampes à huile glaçurées, jamais utilisées, ce qui pourrait laisser penser à un lieu de production de ces objets à proximité. S. McPhillips, qui a pu examiner ces objets, en propose une datation autour du xe siècle, avant l’époque ayyoubide.

Les niveaux de l’époque romaine tardive (fig. 4)

9Les niveaux d’occupation e81, à l’ouest, et e26, son équivalent à l’est, posent directement sur des couches couvrant les premiers sols néo-assyriens, respectivement e60 (192,18 max.) à l’est du mur e21 – une couche très dure et compacte scellant le sol dallé e75 dans les loci k201 –, et e106 (191,98) à l’ouest, qui recouvre le sol e117 (191,57) dans le local k228. Dans cette situation stratigraphique, il n’y a plus de place, dans le locus k206, pour des niveaux RT (romain tardif), pourtant largement attestés, avec plusieurs phases, dans les espaces k197, k203 et k193 situés immédiatement à l’est du mur e67. Il est clair qu’il y a eu des sols de cette époque dans ce secteur du tell, installés sur le sommet des ruines assyriennes, comme le démontrent, entre autres, la quantité de matériel céramique RT dans les couches « islamiques » ainsi que la présence de quelques tombes en pleine terre, surtout d’enfants (e25, 192,43 m ; e36, 192,41), sûrement d’époque romaine, intrusives dans le mur e21. Toutefois, l’érosion a manifestement emporté ces sols et l’occupation islamique ultérieure a fini de les effacer.

Fig. 4 – Tell Masaïkh, chantier G, plan des niveaux romains tardifs

Les niveaux assyriens (Fer II) : les phases NA2 et NA1b (k201, k228 et k232) [fig. 2 et 5]

10Pour les mêmes raisons – érosion et destruction – la phase NA2 ne semble pas avoir été conservée dans les espaces déterminés dans le locus k206, au niveau néo-assyrien, par les murs parallèles e21 et e67, orientés nord-ouest - sud-est, et par les murs orientés nord-est - sud-ouest e125 (192,55 max.) et e116 (192,31 max.), à l’ouest de e21, ainsi que e91 (192,33 max.) et e76 (192,03 max.). Dans les loci appelés respectivement à ce niveau, à l’ouest du mur e21, k232 au nord et k228 au sud, séparés par e116, et k201 à l’est, nous n’avons pas pu identifier un seul sol correspondant à la phase de reconstruction lourde du palais après sa destruction, à moins de prendre en considération comme telle la surface de la couche e60 (192,18). Cette cote est d’ailleurs vraisemblable, puisque des sols NA2 ont été retrouvés à l’est et au sud, dans k199, la grande cour dallée (cote moyenne 191,90). On peut donc supposer que, durant la phase NA2, les sols associés aux espaces délimités par les murs encore existants étaient en terre.

11La surélévation des éventuels sols NA2 peut s’expliquer comme une conséquence de la situation stratigraphique constatée dans ces loci : en effet, les sols recouverts par les remplissages à la phase NA2 ne sont pas ceux de la phase NA1a, c’est-à-dire les sols originels établis au moment de la fondation du palais, comme c’est le cas dans le locus k199, où le sol dallé e111 a conservé sa première structure. Au contraire, des sondages effectués tant dans k201 (k231) que dans k228 (k241) nous ont permis de vérifier que le sol dallé e75 et le sol en terre e117 – sans doute dallé à l’origine –, correspondent à un niveau de construction nouveau, NA1b, tout en étant associés aux mêmes murs – e21 et e67 – que les sols de la phase précédente.

Fig. 5 – Tell Masaïkh, chantier G, plan du niveau NA2, NA1b

12De ce point de vue, la fouille de cette année nous a amenés à modifier l’attribution stratigraphique de l’espace correspondant au locus k201, que nous avions en 2006 daté de la phase NA2, tout en étant alors conscients des problèmes impliqués par cette lecture de la situation. Il apparaît maintenant clairement que les espaces et les sols des loci k201, k228 et k232 correspondent à un nouvel aménagement du bâtiment à l’ouest du mur occidental (e67) de la grande cour dallée. Ces modifications sont sans doute contemporaines de la construction, plus au nord, de la terrasse MK11ENe16, et de la possible « tour » associée, actuellement fouillées dans le chantier E Nord. Le nouveau projet architectural de la phase de construction NA1b remodèle complètement les espaces et la circulation au nord de la cour dallée k199, notamment la pièce k108, parallèle à la « salle du Trône » (k61), qui est alors remplie et utilisée comme rampe pour accéder à la terrasse. Tandis que la grande cour dallée k199 semble rester inchangée, les locaux situés à l’ouest ont été profondément modifiés par le même projet architectural, changeant les limites de certaines pièces, et relevant de façon significative le niveau des sols. Dans le locus k201, le sol dallé NA1b e75 (191,70) scelle un remplissage (e112) recouvrant un sol NA1a (e118, cote 190,80) qui se trouve donc presque 90 cm plus bas (fig. 6).

13Après la phase de construction NA1b, l’espace à l’ouest de e67, probablement limité par la face est du rempart, se présentait donc comme une double série de pièces entourant la grande cour dallée k199. La première est constituée par k201, limité au nord par le mur e91, au sud par e76, à l’est par e67 et à l’ouest par e21. Nous avons mis au jour deux passages ; le premier (e93), s’ouvrant vers le nord dans le mur e67, permet la communication entre k201 et k199, sans doute contrôlable par la présence d’une porte, attestée grâce à la trouvaille d’une crapaudine en pierre noire encastrée dans le sol e75. Le deuxième passage (e94), crée dans le mur e21, établit la communication entre k201 et k228. Nous ne pouvons pas exclure a priori l’existence d’un autre passage vers le nord dans le mur e92, au-delà des limites de la fouille actuelle.

14Un très beau sol dallé e75, construit avec des briques cuites dont la taille (45 × 45 x10 cm) est supérieure à celle des briques de la cour k199, couvre non seulement tout l’espace de k201, mais aussi les passages e93 et e94. Sans compter les perturbations provenant des fosses islamiques ou romaines, la couverture de briques cuites de k201 montre les signes d’une destruction, et peut-être aussi d’incendies, à associer sans doute à l’attaque du palais précédant la phase NA2. Toutefois, le sol a été nettoyé de tout type de matériel avant d’être recouvert par le remplissage e60. Nous avions déjà remarqué que la pièce k201 avait été élargie en recoupant la face du mur e67, de façon telle que les dalles en terre cuite du sol recouvrent directement une partie de sa largeur. Ce même traitement est visible sur la face est du mur e21, agrandissant ainsi, dans sa largeur, la pièce de la phase NA1b de presque 2 mpar rapport au même espace à la phase NA1a. La forte surélévation du sol e75, en particulier dans la partie sud du locus, en face du passage e94, s’explique parce que le sol recouvre ici un mur de la phase NA1a, perpendiculaire à e21 et e67, qui avait été arasé à la cote de 191,50, et remplacé par le mur e76, repoussé plus au sud.

15La deuxième série d’espaces bâtis à la phase NA1b, situés à l’ouest du locus k201 et du mur e21, est constituée par deux pièces, k228 au sud et k232 au nord. Leur limite orientale est le mur e21, tandis que nous n’avons pas encore retrouvé son parallèle à l’ouest ; il est possible qu’il s’agisse de l’enceinte elle-même, mais il faut remarquer que pendant la phase NA1a cet espace était fermé par un mur (e140), coupé par la suite. Les deux loci sont séparés par le mur e116, sans ouverture visible ; k228 est fermé au sud par la probable suite du mur e76, ici très perturbé par des fosses et des tombes, tandis que le mur e125 constitue la limite de k232 au nord. L’espace k232 a conservé les restes d’un sol en briques cuites, e122 (191,54), tandis que dans k228 des fosses et des intrusions provenant des niveaux d’occupation RT et islamique ont détruit les sols correspondants, jusqu’à une couche de terre très argileuse et compacte, e117 (191,57), qu’il faut peut-être interpréter comme la préparation pour un sol dallé disparu. Dans l’ensemble, toute la zone à l’ouest de la cour dallée k199 était bâtie avec soin et même une certaine élégance à l’époque NA1b, avec des sols en briques cuites pratiquement à la même cote que le sol dallé e111 (191,50 en moyenne), à l’exception du sol de k201, dont on comprend mieux, maintenant, la raison du rehaussement au sud. La circulation était possible de la cour k199 vers l’ouest et le rempart, à travers les passages e93 et e94, toutefois non alignés, avec un arrêt possible par la porte sur e92.

  • 1 Voir l’article de P. Poli, dans ce volume, p. 404.

16Sols et remplissages relatifs à ces phases n’ont donné pratiquement aucun matériel diagnostique d’époque néo-assyrienne, sans doute parce que l’ensemble de l’espace a été lourdement perturbé par les occupations ultérieures, et aussi parce que les reconstructions ont été précédées par des nettoyages intensifs. Seuls quelques petits objets en bronze, parmi lesquels une petite cloche complète1, proviennent du remplissage e60, sans que leur datation puisse être absolument assurée.

Les niveaux assyriens (Fer II) : la phase NA1a (k242, k235) [fig. 2, 6 et 7]

17Comme nous l’avons déjà mentionné, les deux sondages k241 et k231, réalisés respectivement dans k228 et dans k201, en profitant de la présence de fosses creusées à partir des sols NA1b, ont permis de mettre au jour des structures bâties plus anciennes, sans doute à comprendre comme éléments de la fondation NA1. Tandis que les grands murs e21 et e67, orientés nord-ouest - sud-est, sont utilisés dans leur épaisseur d’origine (3,20 m environ), et qu’un autre mur parallèle e140 a été identifié à l’ouest de e21, les murs perpendiculaires nord-est - sud-ouest étaient manifestement disposés autrement. Nous en avons identifié deux, alignés et séparés par e21 : le premier (e113, cote 191,58 max.) dans k231, doté d’une porte vers le sud (e124) avec un seuil en briques cuites, dont les battants portaient la trace d’un enduit blanc, et le deuxième (e134, cote 191,17 max.), dans k241.

18Nous avons ainsi pu définir au moins deux espaces bâtis contigus de la phase NA1a (fig. 7) : k242 (plus à l’ouest), est limité au sud par e134 et à l’est par e21, tandis que k235 (plus à l’est) est fermé au sud par e113, à l’ouest par e21 et à l’est par e67. Ce n’est que dans k235 que nous avons pu identifier clairement un sol en briques crues, e118, à la cote de 190,80, recouvert par une couche de remplissage (e112), faite de fragments de briques cassées, ne contenant aucun matériel, et comblant l’espace jusqu’au sol NA1b e75. Ce type de remplissage se retrouve aussi dans le locus k242 : e139, sous le sol e117, tout en ayant apparemment la même nature que e112, sans inclusions, a tout de même conservé deux tablettes cunéiformes, une complète et une fragmentaire, qui semblent être des textes économiques, malheureusement non datés. Si e21 et e67 ont été réutilisés à la phase NA1b, en réduisant simplement leur épaisseur, les autres murs ont été coupés, recouverts du même remplissage et enfin scellés par des sols de la phase NA1b, tandis que la nouvelle limite méridionale était déplacée vers le sud, par la construction du mur e76.

Fig. 6 – Tell Masaïkh, chantier G, k200 et 201, phase NA1b

Fig. 7 – Tell Masaïkh, chantier G, plan du niveau NA1a

19S’il semble clair que ces loci k242 et k235 correspondent à l’organisation originale de cet espace à la phase NA1a, leurs sols (e118) sont par ailleurs situés environ un mètre plus bas que le sol contemporain e111 dans la cour dallée k199, ainsi que du sol NA1a e131 (191,45) dans le locus k200, au sud de k201, probablement communicant par la porte e124. Nous ne pouvons pas, pour le moment, expliquer cette différence de cote, mais il est possible que les espaces situés à l’ouest, donc à proximité immédiate du rempart, et éventuellement d’une porte dans l’enceinte, aient été bâtis, dans le plan initial, avec une pente, dans des terrasses montant de l’extérieur et de la berge de l’Euphrate vers le centre du tell et du palais. Par la suite cette organisation se serait montrée peu fonctionnelle, et on l’aurait remplacée par le système de circulation de la phase NA1b, rehaussant nettement le niveau des sols pour les aligner sur la situation de la cour centrale k199, aux alentours de la cote 191,50.

Le locus k205 (fig. 1 et 8)

20Le locus k205, de 12 m sur 16 m, se trouve au sud de k192/k199. Les fouilles y ont été ouvertes dans la perspective de suivre le développement vers le sud de la cour dallée k199 et de retrouver sa limite méridionale. La surface de début de fouille est relativement horizontale (cote 192,70), limitée au sud par une forte pente qui s’accentue vers l’extrémité occidentale du tell.

Les niveaux d’époque islamique

21Les premières couches de terre de surface (e2, e3), à partir de cotes aux alentours de 192,70, marquées par des petits foyers et par des traces limitées de cendres, recouvrent la couche e11 (192,60 en moyenne) constituée, surtout dans la partie SE du locus, par de vastes dépôts de cendres, de djuss blanc et de charbon, stratifiés en laminations successives d’une façon plutôt régulière, correspondant sans doute à des vidanges de fours artisanaux situés plus à l’ouest. Dans ce contexte, nous avons recueilli une grande quantité de tessons d’époque islamique ancienne, dont une partie est glaçurée (vert/bleu), et une partie est plutôt lissée, avec un décor géométrique incisé. On trouve aussi des fragments de fer ou de bronze, tandis que manquent les éléments limoneux, les restes osseux ou végétaux provenant des habitats domestiques.

22Ces couches recouvrent presque partout, dans la partie méridionale du locus, un niveau d’occupation, e30 (192,47) et un sol, e35 (192,29), qui semblent constituer une sorte d’interface entre les plus récents vestiges d’époque romaine tardive et ceux d’époque islamique. Bien qu’aucune structure bâtie ne puisse être associée clairement à ce niveau – à l’exception, peut-être, d’un muret de refend en briques crues (e96, cote 192,34) orienté sud-ouest - nord-est, construit avec un petit tannour (e100) et un sol (e101, cote 192,14) – c’est sans doute d’ici que provient une série des fosses de dimensions et de fonctions différentes, peut-être d’ailleurs d’époques diverses. Nous avons retrouvé plusieurs tombes islamiques, d’adultes et d’enfants (e70, à 191,91 ; e71, à 192,32 ; e78, à 191,97 ; e99, à 192,30 et e137, à 191,93), parfois perturbées par d’autres fosses postérieures. C’est dans cet espace qu’ont été identifiées des fosses (e97, e130, e141, e142, e145) particulièrement grandes et profondes, campaniformes, caractérisées par des ouvertures rondes, d’un diamètre dépassant souvent 1,50 m. Dans au moins un cas (e142, cotes 191,90 max. et 190,31 min.), le fond de la fosse était couvert par une épaisse couche de djuss blanc, l’imperméabilisant, ce qui laisse penser qu’elle avait à l’origine une fonction liée au stockage, sans doute pour une population de nomades fréquentant le tell. Le remplissage de ces fosses est constitué de terre assez limoneuse, incluant de nombreux tessons, ainsi que de fragments de verre et de formes entières en verre de qualités différentes, indiquant dans l’ensemble des dates plutôt anciennes de l’époque islamique. Parmi la céramique, nous avons remarqué une série de tessons provenant de petits récipients en céramique blanchâtre, très dure, portant un décor assez complexe, incisé ou imprimé, ainsi que des lignes d’écriture arabe, des fragments de versets du Coran, qui pourraient être datés de l’époque abbasside.

Les niveaux d’époque romaine tardive (fig. 4 et 8)

23Comme on l’a vu, c’est des premières couches de surface, e30 et e35 – correspondant sans doute à une surface ancienne du tell, après l’abandon du village d’époque romaine tardive et avant l’occupation islamique – que provient une grande quantité de céramique RT. La couche e41 et surtout les sols en terre e50 (192,08), tout en étant encore marqués par la présence de nombreux tessons glaçurés provenant aussi des fosses, semblent représenter déjà un niveau romain plus clair, identifiable par la présence dans la partie ouest du locus d’un tannour (e49) et par les cendres qu’il a produites, formant la couche e61 (191,75). Bien que cette zone soit restée marginale par rapport à l’habitat domestique et villageois découvert dans le chantier F et dans le chantier E Nord, l’espace correspondant au locus k205 couvert par e50 a connu pendant cette phase une forme d’organisation et de partage, attestée par la présence d’une série de petits murs dont ne restent que quelques assises de briques crues (e66, à 192,30 max. ; e79, à 192,15, et e129, à 191,90) et de murets construits avec les matériaux les plus hétérogènes, comme des fragments de briques cuites, de meules en basalte, de grosses pierres ou par des tessons (e47, 192,29 et e56, à 192,60). Ces murs et murets ont manifestement une orientation bien établie, nord-ouest - sud-est/sud-ouest - nord-est, correspondant d’ailleurs à celle des structures romaines bien visible grâce aux limites du locus k203 (RT3), qui suit à son tour l’organisation des murs du niveau assyrien. Ils sont grosso modo parallèles les uns aux autres, mais, à la limite sud du k205, on peut peut-être déceler une structure plus allongée, faite de segments en briques crues alternant avec des segments en matériaux de récupération (MK11Ge75, e129, e47), séparant virtuellement k205 de k192.

24S’il est possible que les murs e66 et e79, à l’est, représentent les vestiges en briques crues d’occupations domestiques, marquées par des sols construits en terre et djuss – comme e107 (192,05) entre les deux, avec deux foyers e108 et e109 –, ou par un vrai sol en briques crues, e152 (191,82), au sud de e66, en général on a l’impression que les locaux définis par ces structures n’étaient pas des habitations, mais plutôt des annexes, ou bien des espaces utilisés d’une façon secondaire ou intermittente. Dans ces mêmes contextes nous avons par ailleurs recueilli une quantité de boules en argile, avec un trou central, ainsi que des aiguilles et pointes en os, qui pourraient indiquer des activités liées au tissage. C’est également de ce même niveau d’occupation que partent une série de fosses de vastes dimensions (e138, 192,04 max., 190,85 min. ; e151, 191,48 max., 190,81 min. ; e153, 191,38 max., 190,80 min.) qui traversent et perturbent les niveaux assyriens. Ces fosses contiennent une grande quantité de récipients et de jarres RT en céramique rouge, en forme de silure, avec base pointue, col rond, et sans anses (fig. 8). Si la fosse e138 contient une vingtaine de ces jarres en fragments, cassées et renversées sur plusieurs niveaux, et se configure donc comme un vaste dépotoir, la fosse e151, à proximité immédiate et sans doute associée à la structure représentée par le mur e66, présente quant à elle une série de 6 jarres en bon état de conservation, enterrées, montrant ainsi peut-être que la fonction originale de ces cavités creusées dans les couches plus anciennes était, encore une fois, le stockage de jarres de grande capacité (fig. 8). Nous avons également retrouvé des tombes en pleine terre d’époque romaine tardive (e86, 191,89 ; e114, 191,86 ; e132, 191,96), sans aucun type de matériel associé, mais en moins grande quantité par rapport à la situation constatée plus au nord : en effet, l’espace k205 semble ne semble pas avoir été utilisé de façon intensive comme cimetière, contrairement à k197 et k203 (phase RT1).

25Cette phase d’occupation RT3, avec des structures bâties légères, paraît avoir été précédée par un autre niveau de sols, que nous n’avons pas identifié plus au nord, où les structures bâties de la phase RT3 posent directement sur le sommet des vestiges assyriens. Dans le locus k205, à l’est, les sols plus anciens (phase RT4 ?) e84 (192,10), e87 (191,75) et e146 (191,40), marqués essentiellement par des foyers, des cendres et des remplissages limoneux, se sont établis directement sur les ruines assyriennes, déjà largement érodées et coupées par d’autres fosses, suivant une pente remontant vers le nord. Dans la partie ouest du locus (fig. 8), au-delà de la ligne théorique représentée par la continuité du mur NA e67 – retrouvé pourtant ici à une cote bien inférieure – les couches e119 (191,60), formées de dépôts lacustres ou éoliens et de couches d’argile très fine et pure, et e149 (191,40), et séparées par un niveau de sol marqué par un grand foyer circulaire, e155 (191,41), couvrent la couche de terre e150 (191,27), équivalant au niveau de la fondation des murs assyriens de la phase NA1a.

Le niveau assyrien : les phases NA2, NA1b et NA1a (k199, k200, k240) [fig. 5, 7 et 8]

26Le mur e67 (= MK11Ge33), qui constitue la limite occidentale de la cour dallée k199, est large de 3,30 m, et apparaît sur plus de 23 m dans le seul chantier G. Il est attesté à toutes les phases de construction de l’époque néo-assyrienne. Il continue manifestement dans le chantier E, bien qu’avec une orientation différente, ce qui pose problème. Dans la partie sud du chantier, il est très érodé et coupé par plusieurs fosses, islamiques et romaines, tant sur sa face est que sur sa face ouest. Dans ses derniers 10 m il n’en reste que quelques assises de briques au-dessus du niveau du sol dallé e111 (191,15). Contrairement à nos attentes, la fouille n’a pas non plus mis au jour le mur perpendiculaire fermant k199 au sud, montrant ainsi que cette cour, de forme rectangulaire, avait une extension beaucoup plus grande que nous ne l’avions envisagé – plus de 1 200 m 2 de dallage en briques cuites –, et correspondait sans doute plus probablement au babanu qu’au bitanu du palais.

27Le mur e67 établit la séparation entre k199 et k240, l’espace à l’ouest, limité lui-même au nord par le locus k200 (fig. 8). Les espaces k201, k200 et k240 bordent la grande cour vers l’ouest depuis la phase NA1a mais, tandis que k201 et k200 ont été relativement bien conservés, k240, comme nous l’avons vu, semble avoir subi un processus d’érosion violente dès une époque ancienne, qui a effacé en grande partie les restes de l’architecture de l’âge du Fer II-III, remplacés par des couches présentant du matériel RT. Cette situation pourrait être la conséquence de l’absence de structures bâties massives dès la fondation, mais elle pourrait aussi avoir été provoquée par leur destruction volontaire pendant la phase NA2. Ce n’est que sur une petite surface du locus k240, près de la section sud, à proximité d’un passage vers la cour k199, qu’un dallage en briques cuites a survécu (e156, à la cote 191,14), dans la continuité avec la couverture du seuil.

28Les loci k199, la cour dallée et k200 présentent deux séquences stratigraphiques différentes mais comparables. Dans le locus k200, les sols correspondant tant à la phase NA2 que NA1b ne sont pas conservés, remplacés par le niveau d’occupation RT (sols e50 et e61), qui recouvre un remplissage en briques crues e64 (191,70), peut-être restes du remblai amassé ici à la phase NA2. Pendant la phase NA1b, tandis que la cour k199 n’a apparemment pas subi de modifications, dans l’espace k200 le sol a sans doute été reconstruit (e131, à 191,45), probablement avec un dallage en briques cuites semblable à celui de k201 maintenant disparu. À ce sol était associée une canalisation en briques cuites avec son puisard (e65, cote 191,17), encore en place. De la même façon, le mur constituant sa limite nord à la phase NA1a, e113, a été coupé et remplacé par le mur e76, tandis que les murs e21 et e129, aux limites ouest et sud, sont restés en usage. Il est possible que, dans le mur e67, il y ait eu un passage (e148, 191,60) permettant l’accès depuis la cour k199 à k200 – une salle de bain à l’époque NA1b –, accès qui pourrait ensuite avoir été bloqué.

  • 2 Voir l’article de P. Poli, dans ce volume, p. 406-407.

29Dans le remplissage e128, entre le sol (virtuel) e131 et le remblai/sol ( ?) e64, nous avons retrouvé une grande quantité de fragments de scellements en argile, dont deux au moins portaient des empreintes de sceaux assyriens classiques, ainsi qu’un objet en terre cuite de forme à peu près triangulaire avec un bord modelé2. Sa surface présente, sur plusieurs registres, un décor imprimé formé par des symboles typiques de l’art assyrien : des tours à degrés, des grenades, une pomme de pin, une fleur et un motif en arc représentant peut-être de l’eau jaillissante.

  • 3 Voir l’article de P. Poli, dans ce volume, p. 406-407.

30Selon la séquence déjà identifiée en 2006 dans la partie nord du chantier, dans la partie sud de k199 les premières couches et sols RT reposent directement sur le sommet de la couche de remplissage de la phase NA2 (e135). Cette couche est formée en grande partie de briques crues ou d’argile à briques, amassés sur le sol en briques cuites e111, jusqu’à une cote moyenne de 191,90, où se trouve un sol très compact, en terre et en djuss (e136, cote 191,95), qui constitue très probablement la limite du niveau d’occupation NA2. Ni matériel, ni aucune structure bâtie contemporaine n’ont survécu sur cette surface, qui a été nettoyée puis réutilisée en étant intégrée dans des sols d’époque RT4. Par contre, la couche e135 elle-même, pourtant pratiquement stérile, a livré un fragment significatif d’une figurine en terre cuite, la tête d’un démon, peut-être Pazuzu3.

31L’étude du développement dans cette zone du sol e111 et du mur e67, très perturbés tant par l’érosion ancienne que par des fosses romaines et islamiques, s’est révélée particulièrement difficile pour la phase NA1a. Nous avons constaté que le mur e67, dès la limite nord du chantier, perdait environ un tiers de son épaisseur en élévation, tout en la gardant au niveau de sa fondation, formant à la surface un redan d’un mètre vers l’ouest. Progressant vers le sud, l’épaisseur du mur pourrait avoir été encore plus réduite. En effet, huit mètres après le premier rétrécissement du mur, à proximité immédiate du passage menant vers k240, nous avons constaté un second rétrécissement – souligné par la présence des briques cuites du sol – réduisant l’épaisseur du mur à moins d’un mètre. Les restes du mur e67 dans k205, ainsi que le sol dallé e111, ont été détruits ici par une fosse (e105), creusée à l’époque RT ou à la fin de l’époque néo-assyrienne. Dans cette situation, il est impossible de décrire avec plus de précision l’aspect du mur et sa relation exacte avec les dalles couvrant le sol. Ces retraits successifs du mur pourraient, comme des feuillures de très grande dimension, avoir des raisons architecturales et décoratives, annonçant la présence d’une porte ouvrant la cour vers le sud-ouest, en direction de la rive de l’Euphrate. Le mur occidental du babanu, à la phase NA1a, était par ailleurs aussi décoré par une peinture murale avec un motif géométrique opposant le blanc et le noir (fig. 9).

Fig. 8 – Tell Masaïkh, vue générale du chantier G (k240 et 199, phase NA1a)

32Les fosses romaines e151 et e153 rendent pratiquement illisible l’emplacement du passage lui-même, mais nous avons remarqué que le dallage, couvrant l’épaisseur restante du mur e67 à ce niveau, semblait avoir été détruit et remplacé par des fragments de briques cuites non alignés et non jointifs, abîmant l’élégant aspect général de e111. Par ailleurs, un dallage de bonne qualité (e156, cote 191,14) prolonge celui de k199 dans la même direction, dans le locus k240, laissant imaginer qu’à la phase NA1, le sol de cet espace était peut-être semblable à celui de k199. La situation du locus k240, comme on l’a vu, ne permet pas de définir avec plus de précision sa relation avec k199 dans le cadre de l’architecture du palais. Dans ces conditions, il est difficile de déterminer la nature ou la fonction du décor du passage qui les réunit, et d’expliquer la raison ou la date de la destruction partielle du seuil dallé et de sa reconstruction « bricolée », qui s’accorde mal avec l’aspect général et l’esprit de la phase NA1.

Fig. 9 – Tell Masaïkh, chantier G, essai de reconstruction du babanu (P. Azara)

Le locus k197 (fig. 1, 4, 5 et 10)

33La fouille de ce locus, de 5 m sur 10 m, à l’est et au nord-est de k193 et k203, avait commencé en 2006, mais elle avait été arrêtée sur un remplissage que le matériel céramique et quelques tombes d’enfants avaient permis d’attribuer à la phase RT1. Nous avons repris nos recherches à partir de la couche e5 (arrêt de fouille de la campagne précédente), à la cote de 192,58.

Les niveaux islamiques

34Aucune couche d’époque islamique analogue à celles retrouvées dans les autres loci n’a pu être reconnue dans le locus, qui pourtant se trouve, sur la pente du tell, dans une situation comparable à celle de k206. Seuls les restes les plus récents d’occupations modernes et contemporaines ont été observés, tandis que les couches islamiques plus anciennes ont été érodées. Le niveau est documenté par une série de tombes en pleine terre intrusives dans les couches d’époque romaine tardive. Il s’agit de sépultures d’adultes et d’enfants, sans matériel : e9 (192,37), e16 (192,38), e17 (192,38) et e28 (192,40).

Les niveaux romains tardifs (fig. 4, 8 et 10)

35Nous avons mis au jour un niveau de sols en terre, djuss, et fragments de briques cuites, correspondant à la phase RT2 (e7, e8, e13), compris entre des cotes 192,42 et 192,18. Dans ce contexte, nous avons identifié une installation (e73, e74) comprenant une grande jarre enterrée, de belle qualité, sans anses, avec une lèvre ronde et un décor incisé autour du col. Son ouverture était bloquée, au moment de la découverte, par une brique cuite carrée provenant presque sûrement du sol néo-assyrien e111, perturbé par la fosse dans laquelle elle était enterrée (cote 192,18 max., 191,30 min.). La jarre était protégée par des murets construits avec des matériaux de récupération, e6 (194,74 max.) et e8 (192,39) déjà visibles à la surface de départ. Sur un de ces sols en terre et djuss, e8, nous avons remarqué les trous des poteaux qui devaient soutenir une tente ou un auvent couvrant cet aménagement, dans une situation d’espaces manifestement ouverts, s’élargissant vers le sud et l’ouest, caractérisés par la présence de jarres en céramique grossière rouge, en forme de silure, bitumées à l’intérieur et dont la base était enterrée. Il est probable que l’installation même de la jarre à eau, de belle qualité, provenait d’un de ces sols d’époque RT plus récente, étant donné que la fosse la contenant a coupé d’autres sols romains plus anciens, comme e20 (192,28), confectionné avec des fragments de briques crues. Cette couche intègre d’ailleurs les restes de deux petits murs en briques crues, conservés sur une ou deux assises, e15 (192,36) orienté sud-est - nord-ouest et e19 (129,29) orienté sud-ouest - nord-est, peut-être vestiges d’installations associées au sol NA2 e80. Seulement une tombe d’enfant en bas âge (e37, 192,01), dans une jarre en céramique grossière en forme de silure, posée horizontalement – et donc très certainement d’époque romaine –, a été mise au jour dans cet espace.

36Une couche de remplissage (e27, cote 192,10) recouvre un sol très compact, argileux, de couleur blanchâtre (e45, cote 192,06) qui représente le plus ancien niveau de sol RT3, auquel est associée, dans la partie sud du locus, une structure plutôt carrée (e57, cote 192,24 max., 192,05 min., fig. 10), d’environ deux mètres de côté, constituée de fragments de briques cuites, arrangés en lignes parallèles, orientées comme les structures RT3 du locus k203 voisin, avec une accumulation de grosses pierres et de fragments de rochers. La fonction de cette structure n’est pas claire, mais il pourrait s’agir des restes d’une sorte de plate-forme destinée à soutenir des jarres en forme de silure dont plusieurs fragments ont été retrouvés dans le même contexte.

Les niveaux assyriens : les phases NA2b, NA2a et NA1 (fig. 5, 7 et 10)

37Le sol e45 recouvre une couche de remplissage (e88, cote 191,88), compacte mais limoneuse, scellant à son tour un niveau de sol (e80, cote 191,57), marqué par la présence d’une grande quantité de charbons et de cendres, et identifiable dans toutes les sections du k203. Le sol e80 paraît ainsi être l’équivalent du sol NA2 MK11e43 (locus k199), en terre et djuss, qui recouvrait partout ailleurs dans le chantier le dallage e111. Pour la commodité de la fouille, nous avons redéfini k197, la partie nord-est du chantier et du locus k199, comme un nouveau locus, k204, à partir du niveau des structures néo-assyriennes.

38La fouille a montré qu’au sol e80 sont à associer les petites structures en briques crues e15 et surtout e19 (fig. 10), qui semblent correspondre à un espace à nouveau à vocation artisanale, marqué par la présence de foyers et de cendres. Plus au nord (chantier E), sur le sol e111 a été installé pendant la phase NA2 un four à céramique, partiellement conservé, et il est possible qu’ici le contexte soit le même. Une couche de terre très argileuse e110 (cote 191,48), sans matériel, sépare le sol e80 de e111 (cote 191,50), le dallage original de k199 à la phase NA1a, qui a été partiellement cassé et démantelé à proximité des murets. La présence d’au moins trois tombes en pleine terre, e32 (cote 191,55), e115 (cote 191,24) et e120 (cote 191,36), que le matériel funéraire inclus et le mode de déposition datent sans discussion de l’époque néo-assyrienne, indique l’existence d’au moins un sol postérieur à la phase NA2 (NA2b ?/NA3 ?) : en effet, ces tombes sont intrusives non seulement dans les couches e111 et e110 (NA1a) mais aussi dans la couche NA2, et proviennent probablement d’un niveau d’occupation plus élevé et plus récent. Ces tombes d’adultes ont fourni un matériel intéressant : dans la première, la sépulture d’une femme avec les jambes repliées, nous avons trouvé des céramiques entières, ainsi que quelques bijoux en bronze et en argent, tandis que dans la seconde, celle d’un homme, ont été mis au jour, près du crâne, des filtres en bronze enroulés et formant une sorte de tuyau, ainsi qu’un vase miniature glaçuré.

M. Gr. M.-R.

Fig. 10 – Tell Masaïkh, chantier G, k197, les niveaux romains tardifs et néo-assyriens

LE CHANTIER E NORD (fig. 1)

39Miriam Carminati et Séverine Biettlot ont collaboré à la fouille du secteur E Nord sous la responsabilité de Sabrina Salmon. Lors de la mission précédente, nous avions mis au jour une structure de briques crues, MK11ENe16, de grandes dimensions (33 m de long sur 19,20 m de large, 196,55-192,74) et de forme rectangulaire avec une extension vers l’est. La construction de ce massif de briques crues a été datée de la phase NA1b du palais. Lors de son édification, l’enceinte du palais de l’époque NA1a, dont l’orientation correspond aux courbes de niveau du tell (elle tourne vers le nord-est), a aussi été rénovée et rehaussée à l’endroit où le soubassement MK11ENe16 la chevauche, mais également plus au nord. Les objectifs de cette mission étaient de comprendre les relations entre ce soubassement, l’enceinte et les structures leur étant éventuellement associées, ainsi que de repérer les structures néo-assyriennes antérieures à ce soubassement, alors contemporaines à la fondation du palais.

40Afin d’atteindre ces objectifs, un grand secteur de fouille a été établi dans la partie située directement au nord du soubassement de briques, MK11ENe16 (fig. 11). Dans un premier temps, deux loci, localisés dans un espace superficiellement fouillé durant MK11EN, ont été ouverts : k208 à l’ouest et k211 à l’est, limités au sud par le soubassement de briques MK11ENe16 et séparés dans le sens nord-sud par le mur MK11ENe10. La fouille a débuté dans le locus k208, long de 7/5,70 m dans le sens nord-sud et de 4,70/5,30 m dans le sens est-ouest. Par la suite, un locus k213 de 10 m (est-ouest) sur 5 m (nord-sud) a été ouvert au nord de k208, séparé de celui-ci par une berme au sud. Suite aux résultats, nous avons décidé d’étendre la fouille vers le nord et plusieurs loci ont ainsi été ouverts, donnant une nouvelle définition de la surface étudiée. À la fin de la mission, notre espace de fouille, sur le côté occidental et le long de l’enceinte, comprenant les loci k208, k213, k217, k226, k227, k230, k236, k237, k238, atteignait une longueur de 35 m dans le sens nord-sud, sur environ 10 m dans le sens est-ouest. Suite aux découvertes, le locus k211, correspondant à un espace de fouille situé directement à l’est du locus k208, long de 10 m dans le sens ouest-est et large de 5 m dans le sens nord-sud, a été lui aussi redéfini comme deux espaces nouveaux, k220 et k221.

Niveaux islamiques

41Les niveaux islamiques du chantier se caractérisent essentiellement par quelques fosses, qui semblent d’ailleurs assez récentes, et par plusieurs tombes, tandis qu’aucune occupation n’y a été décelée.

42Les fosses, repérées en k227, directement intrusives dans la couche de surface e45/e69, e86, e89 et e90, contiennent une grande quantité de sable gris, de fragments de verre, quelques rares tessons islamiques et briques cuites. Une fosse islamique e14, localisée au sud du locus k220, est intrusive dans des niveaux d’occupation romains et néo-assyriens et perturbe également la section septentrionale du soubassement MK11ENe16. Cette grande fosse, d’environ 2,60/3,50 m sur 3 m, a cassé une partie de la rampe en pisé, e13/e17 d’époque RT1, la couche de nivellement e19, le niveau de sol d’époque romaine intermédiaire et en grande partie le niveau de sol romain e47, et enfin le haut des murs appartenant à la phase NA2. Cette fosse contient plusieurs couches de remplissage cendreuses et charbonneuses (e39 : 194,76-194,50 ; e78 : 194,35-193,80) alternant avec une couche d’argile limoneuse contenant très peu d’inclusions (e84 : 194,50-194,35). Le matériel très riche et très abondant découvert correspond à de la céramique romaine et néo-assyrienne, provenant des niveaux perturbés (environ 5 000 tessons pour l’espace du k220). La céramique romaine est de très belle qualité : nous avons notamment constaté la présence de très nombreux tessons de coupes à surface polie rouge ou beige rose et à pâte très dense, la lèvre étant très éversée et la panse carénée. Le matériel néo-assyrien, très riche également, est présent en très grande proportion : fragments de céramique fine, Palace Ware, de gobelets à bossettes, de petites jarres à surface jaune beige polie, au col cylindrique et à l’épaule très marquée, présence de petites coupes carénées en céramique commune, fragments d’œuf d’autruche et pigments de peinture bleue.

43Dix-neuf sépultures islamiques (e6, e7, e8, e16, e21, e26, e27, e30, e34, e36, e37, e42, e48, e53, e57, e61, e66, e72, e85) ont été découvertes. Elles sont toutes orientées ouest-est, la tête au sud-ouest. La plupart de ces tombes sont intrusives dans les murs e10, e58 e70, e23 et e87. Quelques détails intéressants sont à relever pour certaines de ces sépultures : ainsi, la tombe e6, tout au moins le crâne, semble avoir été recouverte par une structure en bois dont nous avons retrouvé quelques traces de piquets autour du crâne. On peut aussi remarquer que certains squelettes (e27, e34 et e37), à l’origine posés sur le côté droit, ont subi un basculement et se sont retrouvés sur le ventre, le visage contre le fond de la fosse. Enfin, certaines tombes appartiennent à une époque assez récente, car nous y notons des traces rouges de tissu (e53) ou même des fragments de tissus (tombe non complètement fouillée, intrusive dans le mur e10).

Les niveaux romains (fig. 11 et 12)

Le locus k208

44Dans le locus k208, seules des couches de remplissage, e4, e9 et e12 ont été reconnues, joignant le soubassement MK11ENe16, le mur (l’enceinte ?) e80 et le mur e10. Elles ont livré un matériel céramique assez mélangé. En ce qui concerne les deux couches supérieures (e4, 195,45-194,32 et e9, 195,32-195,10), le matériel céramique date des époques islamique, romaine et néo-assyrienne, mais avec une plus grande proportion de céramique romaine et néo-assyrienne. La couche e12 (195,10-194,26), couverte par e9, livre quant à elle un matériel céramique presque exclusivement néo-assyrien. Une fosse (e5, 195,36-194,68), plus ou moins construite à l’aide de fragments brûlés d’un très grand bassin d’époque romaine, est intrusive dans ces couches et est associée à plusieurs fragments de charbon et de matière brûlée découverts dans tout l’espace du locus k208. Ces différents éléments, ainsi que la fonction des structures mises au jour dans ce locus et ceux plus au nord, nous laissent penser que cet espace a servi de dépotoir dès l’époque NA1b et NA2, puis aux différentes époques romaines.

Les loci k211, k220, k221 (fig. 11)

45Les niveaux d’occupation romaine sont localisés surtout dans le locus k211, long d’environ 13 m (est-ouest) sur 5 m (nord-sud), et situé à l’est du mur néo-assyrien e10. Ce locus est départagé en deux espaces k220 et k221 par le muret e24. Le locus k220 (5 × 5 m) est limité à l’ouest par le mur e10, au sud par le soubassement MK11ENe16, au nord par la limite de la fouille et à l’est par le muret RT e24. K221 (4 à 5 m nord-sud × 5 m est-ouest) correspond à un espace limité à l’ouest par le muret e24, à l’est et au nord par les limites de la fouille, tandis qu’au sud il joint le locus k98, où des structures romaines avaient été dégagées au cours de missions précédentes (MK07 et MK11).

Fig. 11 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, plan général

46Dans les loci excavés durant cette mission, trois niveaux d’occupation et architecturaux romains tardifs ont pu être identifiés : une phase RT 1, la plus récente, caractérisée par la rampe e13/e17 ; une phase intermédiaire RT2, représentée par un niveau de sol et des structures architecturales ; enfin, une phase ancienne RT3, déterminée par la présence d’un sol e47 et par le tannour e32. Certaines structures architecturales fonctionnent durant les trois phases RT.

Phase RT3, phase romaine tardive ancienne

47Dans le locus k220, un sol en terre battue, e47 (194,45), défini par la présence d’un tannour dans l’angle sud-ouest, associé au mur néo-assyrien e10 et au soubassement de briques MK11ENe16 encore visibles à cette époque, constitue le seul vestige de la phase romaine RT3 dans ce secteur. Ce sol e47 a été entièrement perturbé par les fosses islamiques e14 (195,54-193,06) et e31 (195,23-194,94), ainsi que par plusieurs fosses de tombes islamiques (e30, e34, e37). Ce niveau de sol RT est contemporain du sol MK11ENe92 (194,48), déjà dégagé dans le locus k188, et identifié comme sol d’une maison organisée autour de plusieurs espaces ouverts caractérisés par des structures domestiques, tels que des foyers et des tannour.

Phase RT2, phase romaine tardive intermédiaire

48La phase RT2 constitue le second niveau d’occupation constaté dans plusieurs loci situés dans la partie nord du palais, à l’est et en contrebas du soubassement de briques MK11ENe16 (sols e15 en k188 [194,84-194,63] et e81 [194,30] en k202). Dans les loci k220, k221, k98, nous avons constaté aussi la présence d’un mur en briques crues e87 (195,45-194,71), orienté nord-ouest - sud-est et appuyé à la section est du soubassement MK11ENe16. Le mur e81, à mettre en connexion avec la grande maison RT située plus au sud, se prolonge au nord par le muret e24 (195,26-194,56), qui possède une construction particulière mais apparemment typique, puisque la même technique de construction est employée pour les murets romains découverts sur le chantier G. Il est construit, pour les deux assises supérieures, de pierres de calcaire rose, de pierres de basalte parfois récupérées, de briques cuites et de briques crues, ainsi que de pisé pour l’assise inférieure, l’ensemble étant lié par un mortier. Ce muret délimite à l’ouest un espace dans lequel devait à l’origine se trouver le sol de la phase romaine intermédiaire, équivalent au sol e18 encore conservé à l’est de e81 et e24. Dans cette zone, il a toutefois été perturbé par la série des fosses islamiques (e14 et e31) et des tombes de la même époque (e30, e34, e37). À ce niveau d’occupation hypothétique, nous associons un système de récolte des eaux de pluie (e35, 195,62-195,28) situé sur le sommet de la plate-forme MK11ENe16, à l’angle sud-est du mur e10 et de MK11ENe16, et identique à une gouttière (MK11ENe55) présente sur le sommet de la plate-forme et fonctionnant avec le sol e18. À l’est du muret e24, le niveau de sol e18 (195,02), en terre battue – marqué par la présence de tessons de céramique grossière rouge bitumée à l’intérieur, posés à plat sur le sol, des briques cuites et pierres agencées et enfin par du charbon – est associé aussi au mur e81. Ce niveau de sol e18 est équivalent et contemporain des niveaux de sol situés plus à l’est en k202 : e15 en k188 (194,84-194,63) et e81 (194,30), identifiés à une cote d’altitude inférieure en raison de la pente du tell déjà présente à cette époque.

Phase RT1, phase romaine tardive récente

49Attribuée à la phase romaine tardive RT1, une rampe en pisé très compacte et épaisse d’environ 0,50 m, directement couverte par la couche de surface e11, est construite sur les structures de l’époque romaine tardive de la phase RT2. Cette rampe monte depuis l’espace k221 (e17, 195,24-194,73) vers l’ouest (e13, 195,54-195,20), en couvrant les murs e24 et e81, puis le mur e10, pour accéder enfin au soubassement de briques MK11ENe16, encore visible à l’époque romaine. Pour la construction de cette rampe, l’espace compris entre les murs e10 et e24 a été surhaussé par une couche de remblai (e19, 195,03-194,83), caractérisée par un apport de matériau néo-assyrien – un remplissage de briques crues livrant aussi des pigments de peinture bleue, de la céramique néo-assyrienne et des fragments d’œuf d’autruche. Cette couche de nivellement e19 est conservée dans la partie ouest et nord du locus k220 où elle est couverte par une fine couche de remplissage puis directement par la rampe e13 ; une grande partie de ce remblai a été détruite par l’intrusion des fosses et tombes islamiques e14, e31, e30, e34, e37. Dans le locus k221, la rampe couvre un remplissage (e46, 194,74-194,44, arrêt de fouille) de terre argilo-limoneuse compacte, comportant très peu d’inclusions, une petite quantité de céramique romaine, quelques galets et des briques cuites. C’est dans ce remplissage que nous avons découvert un petit fragment d’un bas-relief en pierre, représentant peut-être les ailes d’un lamassu.

50Une partie du sol e18 a été cassé pour la construction de la rampe e13/e17, mais la proximité des vestiges conservés avec la section sud de la rampe laisse penser qu’il était encore utilisé durant la phase RT1 et fonctionnait toujours avec le mur e81.

Les niveaux néo-assyriens (fig. 11, 13 et 14)

51L’objectif de la mission de fouille sur le chantier E Nord était d’appréhender les structures néo-assyriennes situées au-delà de la limite septentrionale de la plate-forme MK11ENe16 et à l’est de l’enceinte, et de comprendre leurs différentes relations stratigraphiques et architecturales.

52Plusieurs loci ont été ouverts, k208, k213, k217, k223 et k227, par la suite renommés après la découverte d’un ensemble de trois casemates, respectivement k226, k236 et k238 du sud au nord, limitées des quatre côtés par des murs sans aucune ouverture. Nous avons reconnu dans ces espaces des casemates en raison de l’absence d’ouverture permettant d’y accéder et de l’absence d’un niveau de sol contemporain de la phase NA1b. La construction de ces casemates est associée (et contemporaine) à celle du soubassement MK11ENe16 et du mur occidental du palais e80 à l’époque NA1b. À la fin de la mission, les limites de fouille des loci comprenant ces casemates atteignaient une longueur de 35 m dans le sens nord-sud sur une largeur variant de 9 à 10 m dans le sens ouest-est. La largeur de ces casemates se rétrécit vers le nord, ce qui s’explique par le fait que le mur e80, à la phase NA1b, est reconstruit sur le tracé d’un mur similaire (peut-être partie de l’enceinte) de la phase NA1a, e100, qui tournait vers l’est. C’est à cette orientation même que correspond le développement des courbes de niveau de cette partie du tell. La structure e100 est visible dans l’angle nord-ouest des murs e80 et e87.

Fig. 12 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, vue générale

Fig. 13 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, vue des casemates, k226, k236 et k238

Fig. 14 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, coupe sud-nord des loci k226, k236 et k238

53Il faut signaler que le système de casemates que nous avons identifié a subi une forte érosion, qui a provoqué la disparition d’une grande partie des couches plus récentes ainsi que, dans une moindre mesure, des niveaux néo-assyriens. L’érosion a créé une situation de pente du sud vers le nord : 195,45 pour l’altitude maximale du k208 situé au sud jusqu’à une cote de 192,38 au nord-est dans le k238, avec une inclinaison vers le nord-ouest (191,32), qui a engendré un phénomène de colluvions assez important. Cette situation explique sans doute les contaminations de matériel céramique islamique ou romain constatées dans des couches néo-assyriennes situées au bas de la pente, ainsi que la présence de nombreux fragments d’argile pure. L’érosion a provoqué aussi la disparition de quelques couches pourtant reconnues dans certains secteurs méridionaux du palais, mais absentes plus au nord. La présence de couches de briques cassées e55 et e82, retrouvées au nord des murs orientés ouest-est (e23 et e77) délimitant les casemates, peut se comprendre de la même manière.

Les loci k208, k213 et k226 (fig. 11 et 14)

54La première casemate k226, localisée directement au nord du soubassement MK11ENe16 et à l’est du mur e80, correspond à la réunion des loci k208 et k213 et est limitée au nord par le mur e23. À l’est, le mur e10 et son prolongement e58 et e70 au nord forment la limite orientale des trois casemates. Cette première casemate est longue 9,65 m (nord-sud) jusqu’au mur e23, et sa largeur (est-ouest) est de 5,50/5 m Nous avons constaté, à l’angle sud-ouest du k226, que le mur e80 est imbriqué à la plate-forme de briques crues datée de l’époque NA1b, montrant ainsi qu’il représente la reconstruction et le surhaussement, à la phase NA1b, d’un mur plus ancien, de la phase NA1a, limitant le palais, et peut-être aussi la ville, vers l’ouest. Sous une couche de surface, déjà dégagée l’année précédente, nous avons identifié une succession de remplissages joignant les quatre structures d’époque néo-assyrienne, phase NA1b : e4 (195,45-195,32) et e9 (195,32-195,10) contenant un matériel céramique assez mélangé, islamique, romain et néo-assyrien en assez grande quantité, et ensuite un remplissage e12 comportant une très grande quantité de céramique néo-assyrienne, et dans une plus faible mesure de matériel céramique romain.

55Un sondage (k216) a été réalisé à l’angle sud-ouest de la plate-forme MK11ENe16 et du mur e10, afin de vérifier l’existence éventuelle d’un niveau de sol contemporain de la phase NA1b. Dans ce sondage, nous avons identifié la suite de la couche e12, ainsi que deux nouveaux remplissages d’une époque néoassyrienne postérieure à la phase NA1b, e40 (194,26-193,93) et e44 (193,93-193,37), contenant une grande quantité de matériel céramique néo-assyrienne, des balles de fronde et des pilons en basalte, ainsi qu’un fragment d’os travaillé, portant un décor de plusieurs cercles. À la cote minimale de 193,37, les fondations du soubassement de briques crues MK11ENe16, ainsi que du mur e10, n’ont pas pu encore être dégagées. Nous avons aussi relevé la présence d’un enduit d’argile fine recouvrant la section nord du soubassement, laissant penser que celle-ci était peut-être visible à l’époque NA1b. Les différents remplissages dateraient d’une époque néo-assyrienne postérieure.

56Le mur e10 est placé au milieu de la largeur de la plate-forme MK11ENe16, situation qui nous a poussés à le définir comme un mur de soutènement de celle-ci. Cette structure a subi une forte érosion dans sa partie nord (e58, au sud 194,92 et au nord 194,20 ; encore plus au nord, e70, 194,10). À l’origine le mur e10 devait s’appuyer au soubassement, mais l’instabilité des couches sur lequel il repose a provoqué son affaissement vers le nord-est, créant un espace vide (e25) à l’endroit même de jonction avec la plate-forme. Ce vide e25 s’est rempli naturellement avec de la terre argilo-limoneuse contenant quelques tessons de céramique et des os. Au nord, la casemate k226 est limitée par un mur e23, parallèle à la section nord de la plate-forme, et perpendiculaire au mur occidental e80 et au mur e10/e58/e70, auquel il s’appuie. Nous avons constaté, dans l’angle sud-est de e23 avec e10/e58, un même phénomène d’affaissement du mur e10/e58 vers le nord-est provoquant un vide (e64) entre ces deux murs.

57Dans le mur e10/e58, nous avons noté la présence d’un espace bâti vide (e59) de 0,30 m de large, s’étendant sur toute sa largeur visible. Orienté est-ouest, cette sorte de niche est remplie par de la terre argilo-limoneuse, avec quelques rares tessons et os, et recouverte par trois assises de briques, imbriquées au reste du mur. Il correspond sans doute à l’emplacement d’un tuyau de canalisation, dont des fragments ont été découverts 0,40 m plus bas, dans le remplissage e12.

Les loci k213, k217, k223, k227, k236 et k237 (fig. 11 et 14)

58La seconde casemate, k236 (fig. 11), est située entre le mur e23 au sud, e10/e58/e70 à l’est, le mur e80 à l’ouest et le mur e77 au nord. Elle possède une longueur nord-sud de 7,30/6,90 m, sur une largeur est-ouest de 5,10/4,75 m. Plusieurs loci de fouille, k213, k217, k223 et k227, avaient été ouverts avant que ne soit définie cette seconde casemate. Dans l’espace au nord du mur e23, correspondant aux loci k217, k223, k227, nous avons dégagé une couche de surface, e45, équivalente de la couche e4 dans le locus k208. Cette couche recouvrait la couche e49, elle-même égale à e9 ; sa partie septentrionale ayant été complètement érodée, l’espace vide a été rempli par une couche de colluvions e60, contenant un matériel céramique mélangé. Sous ces niveaux de remplissage de surface, un important phénomène d’érosion des murs est décelable par la présence d’une couche de briques fondues (e82), localisée le long des murs e23 et e80. Le même phénomène d’érosion, concernant le mur e77, peut être observé dans le locus k238 (fig. 14). Dans le locus k223/227, nous avons mis au jour un niveau d’occupation e52 (194,38-194,20), destiné principalement à la fabrication de la céramique, identifiable par la présence de trois fosses contenant de l’argile pure travaillée. Dans le même contexte, dont la partie septentrionale a été emportée par l’érosion, ont été retrouvées plusieurs formes céramiques encore non cuites. Ce niveau artisanal, postérieur à l’érosion des murs e23 et e58/e70 sur lequel il repose, date d’une époque récente, peut-être romaine. Sous ces couches e52 et e55, deux remplissages assez similaires (e71 et e76) ont été reconnus, respectivement équivalents à e12 et e40 en k208 et à e79 et e88 en k238. Nous avons décidé de réaliser un sondage, k237, dans la partie septentrionale du locus k236 afin d’étudier la structure du mur e77. Le matériel céramique provenant des couches de remplissage e71 et e76 est exclusivement néo-assyrien. Plusieurs fragments de coupes néo-assyriennes à panse carénée ont été découverts contenant encore des restes de pigments bleu et rouge.

Le locus k238 (fig. 11 et 14)

59Le locus k238 correspond à la troisième casemate (fig. 11) délimitée au sud par le mur e77, à l’ouest par le mur e80, à l’est par le mur e10/e58/e70 et, au nord, par le mur e87. Dans ce locus, l’érosion, plus importante que dans les autres espaces fouillés, a emporté les couches supérieures, encore présentes ailleurs dans le chantier. Le remplissage e79 (193,25/192,70-192,09), qui couvre la couche de briques érodées des murs e77 et e80 (e82,192,95/192,61), et le remplissage e88 (192,70/192,09-191,59), ont été directement dégagés sous une couche de surface e69 (équivalente à e4 et e45) et sont respectivement équivalents à e12/e71 en k208/k236, à e55 en k217/236 et à e76 en k236/237. Le matériel provenant des couches e79 et e88 consiste en une faible quantité de tessons de céramiques de tradition néo-assyrienne.

60Cette troisième casemate est longue 7 m, sur une largeur se réduisant vers le nord, de 4,50 m au sud du locus et de 3,80 m au nord. En effet, la largeur de la première casemate, k226, est supérieure (5,50 m) à celle de la limite septentrionale du k238. Ce rétrécissement des espaces vers le nord s’explique par le fait que le mur NA1a délimitant vers l’ouest l’acropole et sa reconstruction à l’époque NA1b suivent les courbes du tell ancien, orientées vers le nord-ouest au sud du soubassement MK11ENe16, et vers le nord-est au nord de la même structure, tournant ensuite carrément vers l’est dans le segment correspondant au mur e87, imbriqué dans le mur e80. Tandis que l’orientation du mur e80 penche vers le nord-est, l’orientation du mur e10, limitant les casemates à l’est, qui s’infléchit vers le nord-ouest, reste constante, provoquant ainsi un rétrécissement des espaces du sud au nord (fig. 11). À l’angle nord-ouest, les murs e80 et e87 recouvrent un mur e100 (191,68), dont les briques sont orientées nord-est - sud-ouest, qui pourrait correspondre à la limite occidentale du palais de la phase NA1a, et peut-être aussi à l’enceinte urbaine. La même configuration, désormais articulée par la séquence des murs e80 et e87, serait possible aussi à la phase NA1b/NA2. Du remplissage e88 provient un intéressant scellement avec la représentation d’un cheval ailé.

Le locus k234 (fig. 11, 15 et 16)

61Afin d’appréhender les niveaux d’occupation néo-assyriens contemporains ou postérieurs à l’occupation NA1a du palais, et de comprendre leurs relations stratigraphiques avec le soubassement MK11ENe16 de la phase NA1b, nous avons effectué un petit sondage dans le locus k220. Dans ce sondage k234, de 3 m nord-sud sur 3,60 m est-ouest (194,58-192,53), nous avons terminé le dégagement des derniers remplissages de la fosse islamique e14 (remplissages e39, e78, e84 et e95) dont la cote minimale est de 193,06. Cette fosse est intrusive dans les niveaux romains RT1-3 et dans les niveaux néo-assyriens (e93 et e92). Plusieurs structures en briques crues de l’époque NA2 et peut-être même postérieures ont été découvertes appuyées contre le mur nord du soubassement MK11ENe16. À la phase NA2 appartient un niveau de sol (e98, 192,72), dont les vestiges sont visibles uniquement dans un espace de fouille de 1,50 m sur 1,40 m, bordé à l’ouest et au nord par les limites de fouille du sondage et à l’est par le mur e97. Ce sol, de la phase NA2, caractérisé par la présence d’un foyer, par des vestiges de djuss et par trois tessons d’une jarre de grandes dimensions, est associé au mur e97 (max. 193,11) orienté nord-ouest - sud-est, qui, à une phase ultérieure, a été surhaussé par la construction du mur e92, joint à l’est par une structure en briques crues (e99, 193,56). Peut-être le mur e99 constitue-t-il de fait l’élévation du mur e97, réutilisé par la suite comme niveau de sol, durant une phase plus récente de l’époque NA2. À l’ouest, la structure e93 (193,56-193,35), sol ou bien remplissage, constituée par des briques posées de chant de 0,40 × 0,11 m, recouvre le mur e97 et joint le mur e92. La présence de ces structures néo-assyriennes appartenant à la phase NA2, situées au nord du soubassement de briques MK11ENe16, laisse supposer que l’accès et la circulation jusqu’à ce secteur se faisaient par l’est depuis le palais.

Fig. 15 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, plan du sondage k234

Fig. 16 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, photo d’ensemble du k234

Conclusions

62Au terme de cette mission, un système de trois casemates lié à l’enceinte et au soubassement MK11ENe16 a été mis au jour, nous permettant de mieux comprendre le développement du grand mur occidental du palais (et de l’enceinte urbaine) vers le nord, ainsi que son changement d’orientation vers le nord-est, puis vers l’est, au niveau du segment représenté par le mur e87, qui est orienté sud-ouest - nord-est et ferme apparemment les espaces au nord du palais. La nature de ces constructions a pu être déterminée en raison de l’absence d’ouvertures permettant d’accéder aux différentes pièces, et aussi de niveaux de sols associés aux différents murs des loci k226, k236 et k238. Le sondage k234 a permis de mettre en évidence l’existence de structures et de niveaux de sol appartenant à la phase NA2, et aussi postérieurs (NA3 ?). La partie septentrionale du palais a été occupée après la construction du soubassement/plate-forme, et il faut supposer que l’accès se faisait depuis le sud, le long de la section orientale du soubassement de briques.

63Enfin, nous avons pu affiner nos connaissances sur l’habitat romain et ses différentes phases d’occupation dans ce secteur E Nord. Ainsi, trois phases romaines tardives ont pu être identifiées. Le matériel romain provenant de ces différentes périodes est abondant et de très belle qualité, laissant supposer la présence d’un habitat important et relativement complexe, comme les précédentes fouilles l’avaient déjà montré.

S. S.

LE CHANTIER H (fig. 1)

Introduction

64L’ouverture du chantier H, correspondant à un long sondage de 65 × 3 m situé à 5 m de la limite orientale du chantier F (fig. 17), avait été déterminée dans le cadre des opérations archéologiques destinées à compléter et à vérifier le travail de prospection magnétique accompli dans la partie orientale de tell Masaïkh par les physiciens de notre équipe, en particulier pendant la campagne 2002 (Chr. Benech, CNRS) et les campagnes 2005 et 2006 (V. Mathé, université du Littoral-La Rochelle, M. Martinaud et R. Chapoulie, université de Bordeaux).

65En effet, ces prospections ont produit une série d’images assez claires de l’organisation urbaine des quartiers situés dans la « ville basse » (fig. 18), un rectangle d’environ 13 × 280 m, soudé au tell ancien plus élevé – une sorte d’acropole sur laquelle se trouve le « palais » (chantiers E, E Nord, E Sud, G, F) – par un rempart en briques crues, déterminant encore aujourd’hui la forme générale de Masaïkh. Dans sa partie méridionale, la ville basse fut perturbée récemment par le creusement d’une grande fosse. Des sondages (chantiers A et B) effectués précédemment dans ce secteur tendent à prouver que les vestiges relevés par la prospection magnétique appartiennent essentiellement au niveau néo-assyrien du Fer II. Déjà de grande utilité, l’image fournie montre par ailleurs des éléments qui ne sont pas immédiatement déchiffrables, – des taches plus claires opposées à des zones plus foncées, qui, en général, laissent penser à des structures de grande taille, alignées selon l’orientation usuelle de l’habitat assyrien. L’un des buts du sondage H a donc été d’explorer et de fouiller les surfaces correspondantes, afin de déterminer l’origine et la cause de l’image produite.

66Du point de vue archéologique, le sondage H a été destiné plus spécifiquement à retrouver la limite entre l’« acropole » occupée par le « palais » assyrien avec ses annexes, et les quartiers d’habitation de la « ville basse », que nous supposons fondée en même temps, pendant la phase NA1a. L’image fournie par la prospection montre qu’un grand espace apparemment vide, sans doute une route ou une avenue reliant les portes ouvertes dans l’enceinte au nord-ouest et au sud-est de la ville, séparait les deux zones, et que la partie à l’ouest, donc le « palais », semble limitée, vers le centre du tell, par un mur parallèle à la route. Ce sont la recherche et la vérification sur le terrain de ces structures qui ont constitué l’objectif principal du projet de prospections et sondages, réalisé par B. Bellucci et B. M. Tomassini Pieri, avec la collaboration de M. Habert et de M. Carminati, sous la direction de M. Gr. Masetti-Rouault.

Le niveau romain tardif : les loci k209, k210, k225 (fig. 17 et 19)

67Comme la situation rencontrée dans le chantier F le laissait imaginer, nous avons rapidement identifié les restes de structures en briques crues, des murs d’époque RT, après un simple nettoyage de la surface actuelle (193,15) en légère pente vers l’est ainsi que, dans une moindre mesure, vers le sud. Nous avons reconnu, dans les premiers 10 mètres du sondage, le croisement de deux murs en briques crues, e4 (192,47 max.), orienté nord-ouest - sud-est, et e81, orienté sud-ouest - nord-est, – exactement comme les bâtiments assyriens – larges d’environ 1 m. Ils limitent un espace interne et couvert, la pièce k209, présentant la caractéristique, déjà remarquée dans les autres maisons du village romain du chantier F, d’avoir le sol e9 (192,22) et les faces des murs recouverts par un enduit épais de djuss blanc. Un autre mur, e80, parallèle et mitoyen de e81, limite avec e4 un espace au nord-est, k210, sans doute extérieur, dont le sol en terre, e7 (192,20) a été perturbé par la fosse d’une tombe en pleine terre RT e11 (192,01-191,85), sans matériel, orientée sud-ouest – nord-est. Une sépulture semblable, e13 (192,08), très perturbée, se trouvait dans le même espace. La quantité de matériel céramique recueilli dans les couches de surface est limitée ; les tessons RT sont majoritaires, mais des formes assyriennes apparaissent déjà. Il manque par contre la céramique islamique, bien que la trouvaille de quelques fragments de verre puisse être en relation avec une occupation de cette époque ailleurs sur le tell. Dans ce premier segment de 10 m du sondage nous avons arrêté la fouille au niveau des sols RT jusqu’à la limite constituée par la face est des murs e80 et e81.

68La pente du tell vers l’est et l’érosion ont effacé complètement le niveau RT dans le développement du sondage. Par contre, nous pensons l’avoir retrouvé environ 40 m plus à l’est, à la cote de 191,13 m, dans le locus k225, où nous avons identifié les vestiges d’un muret (e73, 191,27) fait de matériaux de récupération, fragments de briques cuites et de pierres de basalte. Ce mur est installé sur une couche (e75, 191,13) constituée par des briques crues et de l’argile tassée, probablement déjà d’époque néo-assyrienne. Dans ce même contexte, à l’époque romaine plus ancienne, un alignement de briques crues, e77 (191,17), peut-être les restes d’un mur, construit directement sur des sols assyriens, pourrait avoir limité vers l’est cet espace ouvert.

Fig. 17 – Tell Masaïkh, plan du chantier H

Fig. 18 – Tell Masaïkh, plan avec image de la prospection magnétique

Fig. 19 – Tell Masaïkh, chantier H, vue générale de l’est

Le niveau assyrien : les phases NA3/NA2b, NA2 : les loci k214, k218, k219, k222 et k233

69Dans la suite du sondage, environ 7 m vers l’est après les murs e80 et e81, sous la surface, à une cote de 191,60, nous avons commencé à identifier dans les loci k214 et k222 une série de remplissages et de sols en terre e21 (191,60 max.) couvrant e39 (191,24 max., 191,03 min.), caractérisés par la présence de cendres, charbons, et d’une grande quantité d’inclusions, essentiellement des tessons néo-assyriens. Ces couches s’appuient contre un mur de grandes dimensions (e22, 191,88 max.), recouvrant un sol en briques crues, e41 (191,50), associé dès sa construction au même mur. Les couches e21 et e39 représentent donc une occupation d’époque assyrienne qui a suivi la phase de construction principale NA2 – étant même, probablement, postérieure à sa ruine, dans la mesure où elles remplacent et comblent l’espace laissé vide par la destruction et l’abandon du sol e41 (phase NA3 ?/NA2b ?). Il n’est pas possible de dater avec exactitude l’époque correspondant à l’accumulation de ces sols en terre ; le matériel retrouvé dans ces contextes reste largement assyrien, avec une bonne quantité de céramique fine et de palais, surtout dans les couches plus basses. D’ici provient également le fragment d’une figurine en terre cuite, de grandes dimensions, la partie postérieure d’un taureau, avec la trace d’un emplacement pour l’axe des roues situé sur les pattes. La surface des flancs de l’animal, modelé pour rendre les muscles de la cuisse, porte les traces, très érodées, d’au moins deux signes cunéiformes.

70Le mur en briques crues e22, orienté nord-est - sud-ouest (191,88), large d’environ 1,80 m, est perpendiculaire à un autre mur, e23 (max. 191,85), beaucoup plus large (3,50 m) et orienté nord-ouest - sud-est, qui pourrait donc correspondre à la grande structure parallèle à la rue visible dans la prospection. Il s’agirait donc du mur séparant le quartier du palais de la « ville basse ». Les murs e22, e23 et le sol e41 posent leurs fondations sur une couche de cailloux de l’Euphrate (e43, max. 191,26), provenant des berges ou de la terrasse holocène même sur laquelle le tell est installé (fig. 20), de plus ils recouvrent les vestiges de murs plus anciens (e47, max. 191,49, min. 190,17) – de la phase NA1 ? – qui ont été partiellement coupés ou réutilisés dans la phase de construction suivante. La couche de cailloux également recouvre ces restes plus anciens, comblant les vides et permettant de rehausser le niveau des sols de la nouvelle construction. Par ailleurs, le mur e22 est encore connecté à la masse du mur e47. Comme on l’a vu, le sol NA2 e41 a été coupé dans sa partie ouest, et nous n’avons pas de matériel attribuable sûrement à la phase NA2.

71Contre la face est du mur e23, la limite de la zone du palais, nous avons retrouvé, après la surface moderne, une couche argileuse avec charbons et cailloux e28 (191,72) qui scellait directement une vaste surface, large plus de 6 m vers l’est, couverte par des cailloux (e32, e38), de la même nature que ceux identifiés à l’ouest sous les fondations des structures de la phase NA2. Un petit sondage effectué contre la fondation du mur e23 a montré que cette couche de cailloux descend à plus d’un mètre après sa surface, mais en réalité son épaisseur pourrait être beaucoup plus importante. Sa limite à l’est est constituée d’une sorte de plate-forme, apparemment un amas de briques crues et de fragments de briques crues et d’argile e52 (max. 191,23), qui bloque les cailloux dans la pente vers l’est, créant en même temps une surface plane. Ces deux masses, celle des cailloux et celle de briques crues, constituent sans doute la base sur laquelle passait la chaussée de la grande route qui reliait les deux portes perçant les remparts de la ville. La présence des cailloux, au-delà de rehausser le niveau de la route, aurait eu pour but de filtrer et de drainer l’excès d’eau de pluie, stabilisant et consolidant son tracé. Dans la mesure où la voie est très large, on peut supposer que l’espace occupé par le remplissage caillouteux a pu représenter aussi le tracé d’un canal distribuant les eaux dans les quartiers de la ville. Toutefois, les opérations de sondage n’ont pas permis de vérifier pour le moment cette hypothèse.

72La même technique de construction reconnue le long du parcours de la « grande rue » de la ville assyrienne a été utilisée sous les fondations de l’enceinte vers l’ouest pendant la phase NA1a, étudiée dans le chantier D, en correspondance du palais. Nous avons donc déjà vu ailleurs dans le site cette alternance de couche de cailloux, de briques et de terre, bien que dans des dimensions plus réduites qu’ici. D’ailleurs, encore dans la suite du sondage vers l’est, après la limite de la plate-forme e52, nous avons relevé la présence de couches plus fines de cailloux et d’argile compacte e15 et e31, visibles surtout dans les sections, disposées selon une pente contraire à celle du tell, à des cotes élevées (191,92 max., min. 191,36). Elles font manifestement encore partie du dispositif établi pour aménager le contexte de la « grande rue », dont la chaussée, au moins dans sa phase finale, devait de se trouver à une cote autour de 191, 80. C’est sans doute le contraste entre les briques et les cailloux qui génère les tâches visibles dans l’image de la prospection, mais naturellement nous laissons aux spécialistes l’interprétation de possibles effets de cette situation archéologique.

73Après la « plate-forme » e52, large d’environ 15 m, et une surface en terre plus meuble, correspondant peut-être à une phase d’érosion de la même structure, nous avons identifié le niveau d’occupation d’époque RT e75 (k225). Comme on l’a vu, cette couche recouvre des sols d’époque néo-assyrienne, e82 (190,80), associés à un tannour e68, ainsi qu’au mur en briques crues orienté nord-ouest - sud-est e78 (190,81), érodé et coupé à la même cote que le sol adjacent, formant un espace appelé k233 (fig. 21). À l’est du mur e78, on a retrouvé un sol en briques cuites de belle qualité, e70 (190,86), couvert par la suite par un autre sol en argile et djuss e76 (190,94). La séquence de ces sols néo-assyriens est scellée par le mur RT e77.

Le niveau néo-assyrien : la phase NA1 (k222, k229)

74Le sondage a révélé la présence d’une phase de construction plus ancienne que celle représentée par les structures assyriennes retrouvées immédiatement sous la surface à deux endroits différents, tant à l’ouest de la chaussée, sous les murs de la phase NA2 e22 et e23, qu’à l’est, sous le sol e70. Dans cette situation, il est très probable que la construction de la route ait pu avoir lieu à deux époques diverses, en connexion avec la première création et ensuite avec le remodelage des quartiers et de l’urbanisme, sans doute respectivement pendant la phase NA1a et la phase NA2.

75Les fondations des murs e22 et e23 et du sol e41 posent en partie sur une couche de cailloux, et en partie sur les restes nivelés d’un mur en briques crues e47, orienté nord-ouest - sud-est (191,49), qui a été coupé peut-être en même temps que le sol e41 (fig. 20). Aucun sol n’a pas pu être associé à ce mur, ni du matériel, mais il est clair que le contexte reste largement néo-assyrien. La fouille a montré que, comme ses successeurs, le mur e47 pose déjà ses fondations sur une couche de cailloux de l’Euphrate e61 (190,17). En général, et considérant les similitudes dans les techniques de construction, nous pensons que ce mur représente le reste d’une structure plus ancienne, présentant la même orientation que celle de la phase suivante, probablement à attribuer à la phase NA1a. Au moment de la fondation de la ville basse, le comblement massif en cailloux et terre a été déposé afin de faire remonter le niveau des sols des bâtiments et de la chaussée, situés dans un endroit faible et en contrebas, à la soudure entre le tell ancien (niveaux Halaf, Bronze Moyen II-III) sur lequel on bâtissait le palais et la surface de la « ville basse ». La même pratique aurait été utilisée à nouveau à la phase NA2, quand il s’agissait d’éliminer les traces des bâtiments anciens et de les remplacer par de nouvelles constructions, augmentant à nouveau la cote générale du niveau d’occupation.

Fig. 20 – Tell Masaïkh, chantier H, le locus k222, le mur NA1 e47 et les murs e22 et e23, le sol e41 et la couche de cailloux e61

Fig. 21 – Tell Masaïkh, chantier H, le locus k233, structures NA2

76Cette hypothèse d’interprétation semble être confirmée par la situation rencontrée à la fin de notre sondage de cette année vers l’est, dans k229, situé à 60 m du point d’origine, sur le bord de la fosse excavée par des moyens mécaniques avant le début de nos travaux archéologiques à tell Masaïkh. Nous avons décidé d’exploiter la rupture dans la pente pour créer une section transversale. À cette occasion, nous nous sommes rendu compte que le sol néo-assyrien e70 en briques cuites avait été posé directement sur un mur e57 (190,91), orienté nord-ouest - sud-est, coupé et nivelé à la cote même du sol (fig. 22). Ce mur, dont la face est porte encore les traces d’un enduit peint en blanc, est associé à un sol en terre e74 situé à une cote bien inférieure (189,10), marqué par la présence d’une plate-forme en briques cuites. Ils appartiennent manifestement à une autre phase de construction, quoique le matériel céramique attesté dans ces couches reste néo-assyrien. À environ un mètre à l’est du mur e57, de la même phase NA1, un sol en briques crues e79 (189,22), qui recouvre le sol e74, sépare e57 du mur parallèle e69 (190,10 max.). On aurait donc ici les vestiges du premier quartier d’habitation de la ville basse fondé avec le palais, à la phase NA1. Ce quartier aurait subi le même traitement que les structures du palais à la phase NA2, avec effacement de l’architecture originale et reconstruction avec la même orientation à une cote plus élevée. Dans ce cas, ville et palais auraient été prises et traitées par la nouvelle administration assyrienne dans leur ensemble, sans établir une différenciation entre élites et population résidente. Alternativement, on pourrait proposer que la reconstruction visible dans le sondage à l’ouest comme à l’est de la « grande rue » ait été la conséquence d’un événement catastrophique, comme une alluvion ou une inondation, qui aurait rendu nécessaire le rehaussement du niveau d’habitation des quartiers proches de la route et de la porte sud, les plus menacés de la dénivellation existant entre le tell ancien et la ville basse.

B. B., M. Gr. M.-R. et B. M. T. P.

Fig. 22 – Tell Masaïkh, chantier H, le locus k229, structures NA1

AUTRES ACTIVITÉS

77Au-delà des recherches effectuées dans le chantier H de tell Masaïkh, une série de visites et de prospections de surface a eu lieu, à différentes reprises, autour du site et dans ses alentours immédiats. En effet, nous avons constaté que le paysage entourant le tell avait été modifié d’une façon évidente par les grands travaux réalisés récemment dans la plaine et encore en cours, destinés à implanter un nouveau système d’irrigation de grande envergure, par canalisations enterrées. Sans avoir touché ni abîmé la surface ou les limites du tell, ce projet a entraîné l’enlèvement de presque un mètre de terre dans les alentours et le creusement de tranchées profondes, dont nous avons pu inspecter les sections sur toute leur longueur. Ce n’est que dans la zone située au sud du tell, déjà explorée par notre prospection géomagnétique pendant la campagne 2006, que nous avons repéré, dans les sections de la tranchée, deux petites constructions qui avaient été perturbées par les travaux. Il s’agit sans doute de tombes présentant une couverture en briques cuites en encorbellement. En l’absence de céramique diagnostique, il est difficile de proposer une datation pour ces voûtes, dont nous ne connaissons pas de structures réellement comparables parmi les vestiges étudiés sur le tell.

78Dans le même esprit, nous pouvons aussi mentionner les brèves reconnaissances que nous avons effectuées, d’une part en rive droite de l’Euphrate à tell Greya, à environ 4 km en amont de Terqa, et d’autre part à Jemmah, aux alentours de tell Masaïkh. Il s’agit de l’endroit, sur la terrasse pléistocène, où le tracé du Nahr Darwin devient visible, après avoir abandonné la vallée afin d’éviter un méandre de l’Euphrate. La première opération a été justifiée par une discussion ouverte avec nos partenaires syriens qui souhaitent voir se rouvrir les fouilles dans ce site, après la campagne de sondages effectuée au début des années 1980 par la mission américaine de l’université de Los Angeles, sous la direction de G. Buccellati. Ces travaux, auxquels O. Rouault avait d’ailleurs participé, avaient révélé à Greya la présence d’une importante installation d’époque Uruk, précédée par un niveau Obeid, et suivie, après un long abandon, par des niveaux du Bronze Moyen et de l’âge du Fer. Nous avons visité le tell ancien, mais nous avons constaté que sa surface était maintenant complètement couverte par des habitations rurales récentes et qu’une grande partie du tell ancien avait été excavée jusqu’au sol vierge afin de permettre la construction d’une station de pompage d’eau dans l’Euphrate. Nous avons communiqué nos observations et nos données à la direction du musée de Deir-ez-Zor, qui jugera de l’opportunité d’organiser une fouille de sauvetage sur ce site.

79Enfin, nous avons été alertés par nos voisins et amis locaux de la situation du site connu comme le Nahr Dawrin, c’est-à-dire la partie du canal qui coupe la terrasse, sur la rive gauche, à quelques kilomètres en aval de Masaïkh. Bien qu’il ait été déjà étudié et cartographié, il ne s’agit pas d’un site archéologique répertorié et donc protégé. Il est non seulement pittoresque, mais aussi important du point de vue archéologique, puisque c’est le seul endroit où le tracé du canal devient facilement visible. D’autre part, l’aspect même des berges, coupées dans la roche, permet de réaliser l’importance et l’envergure de ce projet de construction d’un système d’irrigation et d’aménagement du territoire dans l’Antiquité. Le site, long d’environ 2 km, situé sur les localités de Jemmah et de Darnaj, commence malheureusement à être exploité comme carrière ou gravière, et un projet de la municipalité de Jemmah risque de l’intégrer dans la zone constructible du village, ce qui mettrait gravement en péril sa conservation. Nous avons constaté la réalité de ces problèmes et sommes intervenus à ce propos auprès des autorités archéologiques syriennes de Deir-ez-Zor et de la Direction générale à Damas, lesquels pourront intervenir en urgence afin de sauvegarder une localité et un paysage qui à notre avis, une fois aménagés, sont susceptibles d’intéresser non seulement archéologues et historiens, mais aussi des touristes cultivés.

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

M. Gr. M.-R.

80Les résultats du programme de fouilles accompli pendant la campagne 2007 nous ont amenés à modifier notre attitude par rapport au site de tell Masaïkh, parce que nous comprenons de mieux en mieux d’une part l’originalité profonde de son architecture et de son urbanisme à l’époque néo-assyrienne – et sa différence par rapport aux autres modèles de palais syriens connus –, et, de l’autre, la complexité de ses séquences stratigraphiques, miroir d’une histoire longue et articulée, se développant en plusieurs directions. Les recherches sur ce site nous offrent une perspective nouvelle non seulement pour l’étude de l’histoire de la présence assyrienne en Syrie au Fer II-III, mais aussi pour la compréhension d’une culture coloniale qui devient progressivement locale par créolisation et acculturation. Une telle situation ne pourra être comprise sous tous ses aspects que par une approche pluridisciplinaire alliant archéologie, philologie et archéométrie.

81Si nous pensons avoir désormais compris en général la stratigraphie des niveaux de l’âge du Fer II, la réflexion sur les séquences rencontrées en particulier dans les chantiers G et H a mis en évidence la nécessité de poursuivre nos recherches sur ce qui concerne la période finale de l’époque néo-assyrienne. Il s’agit d’éclaircir les relations entre les phases théoriques NA2b/NA3 et leur impact sur les niveaux d’occupation plus anciens, avant l’abandon et l’érosion qui ont précédé l’installation du village d’époque romaine tardive.

82Un autre aspect important de notre travail de cette année a été la collaboration avec P. Azara, architecte spécialisé en esthétique, et son équipe. Leurs questions et leurs perspectives nous ont aidés à reconsidérer et à préciser une partie de nos conclusions, en particulier en ce qui concerne les modifications structurales de l’architecture du palais à la phase NA1b, avec la construction de la « tour » qui, de fait, détruit le plan classique du palais assyrien. La fouille dans le chantier G, en particulier dans le locus k206, a montré que les travaux de réaménagement avaient alors impliqué non seulement la partie centrale du palais, mais toute son extension. Ce changement de plan devait avoir, au-delà de l’aspect fonctionnel, une signification importante pour l’élite qui utilisait le palais, et il paraît clair que les modifications apportées éloignent de façon significative le bâtiment de son modèle assyrien. Ainsi, la réaction violente et la nouvelle transformation du palais à la phase NA2 peuvent être mieux justifiées et comprises. D’une façon générale, la découverte de l’aile occidentale du palais, à l’ouest de la grande cour dallée, le babanu – qui s’est révélé avoir des dimensions beaucoup plus vastes et monumentales que nous ne nous y attendions – et à proximité du rempart, avec ses modifications progressives, ouvre une nouvelle perspective de recherche dans cette direction : nous espérons continuer à travailler dans ce secteur et rechercher la porte vers la rive de l’Euphrate. Il reste aussi à découvrir, sur l’« acropole », les temples ou les chapelles annexes au palais.

83Les fouilles dans le chantier E Nord, mettant en lumière le contexte du soubassement de la terrasse sur laquelle devait être érigée une tour avec ses casemates, bâti sur le tracé original de l’enceinte, ont permis de prendre acte de l’importance de la transformation de la phase NA1b, dans la mesure où les structures mises au jour ne trouvent pas de parallèles évidents dans les palais assyriens connus. Au contraire, si on arrive à les interpréter correctement dans leur complexité, elles pourraient documenter le caractère novateur, ou les caractéristiques locales, de cette création architecturale qui a donné au paysage urbain et palatial de tell Masaïkh au Fer II une empreinte particulière et, de notre point de vue, étonnante. D’ailleurs, les ruines de la « tour » de tell Masaïkh dominant le paysage alentour, pourraient avoir été l’endroit choisi comme tombe de l’empereur Gordien III (selon la description donnée par Ammien Marcellin) et par la suite utilisées par Julien pour communiquer avec son armée réunie sur l’Euphrate.

84Quant au sondage H, il nous a permis de nous rapprocher de la réalité de la « ville basse » dans de bonnes conditions, et d’entreprendre ainsi l’étude des quartiers d’habitation et de leur population que nous connaissons d’une façon encore marginale. Nous avons ainsi démontré que la fouille de ces niveaux était possible et rentable pour la compréhension de la ville néo-assyrienne. Si, en effet, on se rend maintenant compte qu’il est important et même nécessaire de continuer à fouiller le palais et l’acropole en général, nous sommes convaincus qu’une étude approfondie et détaillée de l’habitat « ordinaire » de la colonie pourra fournir une documentation nouvelle et indispensable pour évaluer le degré de l’acculturation, les réalités de la déportation, de l’émigration, et aussi de la sédentarisation à l’époque assyrienne, dans le cadre de l’Empire et de ses provinces.

  • 4 Voir dans ce volume p. 331 et suiv.

85Dans tous les chantiers nous avons continué à réunir matériaux et informations relatifs à l’occupation d’époque romaine tardive, avec son village aux murs couverts d’enduit blanc, bien bâti et bien organisé, exploitant au mieux la présence des ruines assyriennes, et ses zones plus marginales, avec des espaces ouverts marqués par des installations plus légères, peut-être utilisées par une population semi-nomade. Nous avons désormais recueilli une collection assez riche de céramiques et autres matériaux de cette époque, mal connus dans la région, que nous nous préparons à analyser et à publier. Mais ce sont surtout les niveaux d’époque islamique ancienne qui nous ont fourni cette année une documentation nouvelle et intéressante. Nous avons souvent affirmé que tell Masaïkh n’avait jamais connu d’occupation islamique stable, à l’exception de l’utilisation du site comme cimetière, commencé dès une époque lointaine et encore en activité aujourd’hui, dans la zone sud-ouest. Les structures et le matériel retrouvés cette année dans le chantier G illustrent au contraire une présence allant bien au-delà du funéraire, dès le ixe-xe siècle, lorsque se sont établis sur le tell une série d’ateliers et de fours destinés à la production céramique spécialisée, mais aussi à la métallurgie du fer. Il est probable que le tell proche de Tayyané était le site d’habitation principal, tandis que Masaïkh était préféré pour tous les types de travail produisant des nuisances, de la fumée et des quantités de cendres et charbon. De ce point de vue, tell Masaïkh paraît appartenir à la catégorie de sites-ateliers bien connus dans la vallée de l’Euphrate, comme aussi tell Marwaniyé4, à une vingtaine de kilomètres en aval.

M. Gr. M.-R.

Notes

1 Voir l’article de P. Poli, dans ce volume, p. 404.

2 Voir l’article de P. Poli, dans ce volume, p. 406-407.

3 Voir l’article de P. Poli, dans ce volume, p. 406-407.

4 Voir dans ce volume p. 331 et suiv.

Table des illustrations

Légende Fig. 1a – Plan montrant l’extension du chantier G
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Légende Fig. 1b et 1c – Reconstitutions 3D des niveaux assyriens du plan 1a (O. Rouault)
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Légende Fig. 2 – Vue du locus k206 dans le chantier G
URL http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/4473/img-3.jpg
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Légende Fig. 3 – Tell Masaïkh, vue du niveau islamique
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Légende Fig. 4 – Tell Masaïkh, chantier G, plan des niveaux romains tardifs
URL http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/4473/img-5.jpg
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Légende Fig. 5 – Tell Masaïkh, chantier G, plan du niveau NA2, NA1b
URL http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/4473/img-6.jpg
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Légende Fig. 6 – Tell Masaïkh, chantier G, k200 et 201, phase NA1b
URL http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/4473/img-7.jpg
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Légende Fig. 7 – Tell Masaïkh, chantier G, plan du niveau NA1a
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Légende Fig. 8 – Tell Masaïkh, vue générale du chantier G (k240 et 199, phase NA1a)
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Légende Fig. 9 – Tell Masaïkh, chantier G, essai de reconstruction du babanu (P. Azara)
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Légende Fig. 10 – Tell Masaïkh, chantier G, k197, les niveaux romains tardifs et néo-assyriens
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Légende Fig. 11 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, plan général
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Légende Fig. 12 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, vue générale
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Légende Fig. 13 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, vue des casemates, k226, k236 et k238
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Légende Fig. 14 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, coupe sud-nord des loci k226, k236 et k238
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Légende Fig. 15 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, plan du sondage k234
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Légende Fig. 16 – Tell Masaïkh, chantier E Nord, photo d’ensemble du k234
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Légende Fig. 17 – Tell Masaïkh, plan du chantier H
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Légende Fig. 18 – Tell Masaïkh, plan avec image de la prospection magnétique
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Légende Fig. 19 – Tell Masaïkh, chantier H, vue générale de l’est
URL http://books.openedition.org/momeditions/docannexe/image/4473/img-20.jpg
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Légende Fig. 20 – Tell Masaïkh, chantier H, le locus k222, le mur NA1 e47 et les murs e22 et e23, le sol e41 et la couche de cailloux e61
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Légende Fig. 21 – Tell Masaïkh, chantier H, le locus k233, structures NA2
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Légende Fig. 22 – Tell Masaïkh, chantier H, le locus k229, structures NA1
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