Akh Purattim 3
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La céramique des fouilles de Mari : campagnes de 2005 et 20061
Texte intégral
- 1 Les dessins des planches I. 14-15, II. 1-7, II. 9-10, III. 3-5 et III. 7 ont été réalisés par Élise (...)
1Au cours des campagnes de 2005 et 2006, les fouilles se sont déroulées ont eu lieu dans plusieurs emplacements de la cité et ont permis d’étudier ses différentes phases d’occupation. Chacun de ces chantiers a fourni des lots de tessons et de formes entières. Le but de cet article est de présenter les ensembles les plus significatifs exhumés pendant ces deux campagnes. C’est la raison pour laquelle nous insistons ici sur les formes mises au jour à l’occasion de la fouille de tombes, qui offrent des ensembles clos de céramiques complètes ou dont la forme est aisément reconstituable.
LA CÉRAMIQUE DE LA PÉRIODE VILLE I
2Les dernières fouilles dans le chantier L ont eu lieu pendant la campagne de 2005. Elles se sont limitées à la fouille de deux tombes et des espaces avoisinants. C’est dans l’une de ces tombes que fut découvert un intéressant ensemble de céramiques datant de la période Ville I. Toutes ces céramiques se trouvaient dans la fosse VII W 50 NE F-2, dans laquelle était installé le caveau en briques crues contenant le corps du défunt de la tombe VII W 50 NE T-2.
3Les types composant ce dépôt funéraire sont peu variés : un gobelet représenté par sept exemplaires (VII W 50 NE 97 à 100 [pl. I. 1-4] et VII W 50 NE 104 à 106 [pl. I. 5-7]), un bol hémisphérique représenté par trois exemplaires (VII W 50 NE 101, 102 [pl. I. 8-9] et 103 très endommagé et non illustré ici). Tous ces récipients ont été produits à l’aide d’une pâte assez fine à dégraissant minéral de petites dimensions.
- 2 Lebeau 1985. Voir les tableaux pour les comparaisons.
4De tels bols et gobelets sont des formes très courantes dans l’assemblage de la période Ville I. Ils trouvent de nombreux parallèles dans la céramique exhumée dans les couches profondes du chantier B et étudiée par Marc Lebeau2. Il semble nécessaire de souligner un trait frappant de ce lot de céramiques très anciennes : la standardisation des gobelets atteint déjà un degré très important (leurs dimensions sont identiques à 0,5 cm près et ils ont vraisemblablement été cuits en même temps, du fait de l’apparence de leur surface, qui présente les mêmes variations de couleur sur tous les exemplaires.)
LA CÉRAMIQUE DE LA PÉRIODE VILLE II
5Des niveaux datant de la deuxième grande période d’occupation de Mari ont été fouillés au cours des campagnes 2005 et 2006, principalement dans le chantier N 1. Les fouilles de ce secteur ont mis au jour un quartier domestique ayant connu deux phases distinctes d’occupation au cours de la période Ville II. Les différentes tombes exhumées en N 1 ont donc été rattachées à l’une ou l’autre de ces phases.
6C’est la tombe IX N 24 SO T-1 (pl. I. 10-15, II et III), la plus profondément enfouie du chantier N 1, se rattachant à la phase ancienne de la Ville II, qui a fourni le plus bel ensemble de céramiques entières, ainsi que d’autres objets de valeur en métal. Sa datation est confirmée par la présence de types céramiques déjà découverts à Mari au chantier B, dans des niveaux qu’il est possible de rattacher au début de la période Ville II, et aussi de la gargoulette à panse globulaire IX N 24 SO 72 (pl. III. 4), comparable à un type connu pour la période Ville I. Les formes qui semblent plus typiques des débuts de la Ville II sont les petites jarres en céramique fine à bandes rouges IX N 24 SO 56 (pl. III. 3) et IX N 24 SO 61 (pl. III. 2), la gargoulette à panse cylindrique IX N 24 NO 29 (pl. III. 5) et certaines bouteilles (notamment IX N 24 SO 57 [pl. III. 7] qui se distingue par son décor incisé de deux capridés sur l’épaule). Il faut aussi y ajouter la grande coupe à piédestal IX N 24 SO 60 (pl. III. 8), qui semble être un récipient commun dans l’inventaire de céramique funéraire de la partie ancienne de la Ville II. À côté de ces types, nous retrouvons aussi un nombre important de formes bien documentées pour l’ensemble de la période Ville II de Mari : ce sont les nombreuses coupes évasées et aussi les deux gobelets IX N 24 SO 92 et IX N 24 SO 93 (pl. II. 5-6). Le matériel de cette tombe comprend même une version miniature de la coupe évasée : ce petit récipient (IX N 24 SO 62 [pl. III. 1]) servait de couvercle à la petite jarre en céramique fine IX N 24 SO 61.
7En plus de cette tombe au matériel particulièrement riche, les fouilles du chantier N 1 ont aussi permis de découvrir d’autres inhumations dont le matériel illustre parfaitement certains types datables de la période Ville II. C’est le cas de la tombe d’enfant IX N 25 NE T-2 (pl. IV. 1-4), également atteinte dans les niveaux les plus profonds du secteur, qui contenait un matériel limité mais intéressant. Il se compose de trois types caractéristiques de la période Ville II et bien documentés à Mari : la petite bouteille IX N 25 NE 18 (pl. IV. 1) avec un décor de bandes rouges peintes sur l’épaule, le gobelet IX N 25 NE 20 (pl. IV. 2), la coupe IX N 25 NE 26 (pl. IV. 4) et la petite jarre IX N 25 NE 21 (pl. IV. 3). Les trois premiers récipients ont en commun d’être de petites dimensions, voire des versions miniatures de types déjà identifiés tels que la bouteille à bandes rouges ou la coupe. Quant à la petite jarre IX N 25 NE 21, elle présente la particularité d’avoir été retouchée : en effet, son bord lisse et sa lèvre de forme presque carrée indiquent que la partie supérieure a été brisée au cours de son utilisation, puis arasée avant d’être employée à nouveau. Du fait de sa position stratigraphique, cette tombe se rattache à la phase ancienne de la Ville II : elle vient confirmer le fait que la céramique à bandes rouges de l’Euphrate est bien connue à Mari dès le début de cette période.
LA CÉRAMIQUE DE LA PÉRIODE VILLE III
8Les meilleurs exemples de céramique de la période Ville III découverts au cours des campagnes de 2005 et 2006 proviennent des chantiers N 2 et TN 2.
- 3 Pons 1999a et 1999b.
9Dans le chantier N 2, les tombes découvertes comportaient toutes du matériel se rattachant aux différentes phases de la période Shakkanakku, c’est-à-dire à la première moitié de la période Ville III de Mari. Le matériel céramique de la tombe IX N 13 NE T-3 (pl. IV. 5-9, V et VI. 1-5) peut être réparti en différents groupes. D’une part, nous disposons d’un groupe de coupes évasées (IX N 13 NE 38, IX N 13 NE 53, IX N 13 NE 60 et IX N 13 NE 61 [pl. IV. 5-8]), dont la période d’utilisation, particulièrement longue, couvre l’ensemble de la période Ville II et le début de la période Ville III (jusqu’à la phase Shakkanakku). D’autre part, cette tombe contient aussi deux jarres ovoïdes à base arrondie et lèvre éversée (IX N 13 NE 23 [pl. IV. 9] et IX N 13 NE 24 [pl. V. 1]) : les travaux antérieurs de Nina Pons3 ont montré qu’elles ont été utilisées au cours des phases Shakkanakku Ancien et Shakkanakku Récent. C’est donc l’association, dans un même ensemble clos, de ces deux groupes de céramiques qui indiquent clairement que cette tombe doit être datée de la phase Shakkanakku Ancien. Enfin, cet enterrement contenait aussi un nombre élevé de types nouveaux, principalement des petites formes, qui viennent enrichir notre connaissance de l’assemblage de la phase Shakkanakku Ancien. Nous pouvons mettre en exergue la présence des six petites coupelles à tenons, portant les traces d’une production à la main sans utilisation d’un outil rotatif, mais dont le degré de standardisation s’avère particulièrement élevé (IX N 13 NE 25 à 27, IX N 13 NE 49, IX N 13 NE 57 et IX N 13 NE 67 [pl. V. 4-9]).
10La datation de la tombe IX N 13 NE T-1 (pl. VI. 6-9 et VII. 1-2) procède du même raisonnement. En effet, le matériel céramique funéraire se décompose en deux groupes : le premier est celui des coupes carénées (IX N 13 NE 7 et IX N 13 NE 14 [pl. VI. 6-7]), le second est celui des jarres (IX N 13 NE 8 [pl. VI. 9], IX N 13 NE 10 [pl. VII. 1], IX N 13 NE 12 [pl. VI. 8] et IX N 13 NE 13 [pl. VII. 2] et IX N 13 NE 4, très fragmentaire et non illustrée ici). Les premières sont utilisées pendant les phases Shakkanakku Ancien et Shakkanakku Récent. Par opposition, les jarres sont comparables uniquement à des formes ayant connu une durée d’utilisation plus brève, limitée à la phase Shakkanakku Récent : en conséquence, ce sont elles qui permettent de dater la tombe IX N 13 NE T-1 de la phase Shakkanakku Récent.
11Un autre ensemble de vaisselles datant de la période Shakkanakku a été découvert en association avec les tombes IX N 12 NO T-1 et IX N 12 NO T-2 (pl. VII. 3-10 et VIII), installées dans la même fosse IX N 12 NO F-1. Au niveau chronologique, cet ensemble peut être scindé en plusieurs groupes. Le premier est celui de formes représentées pour l’ensemble de la période Shakkanakku : la petite jarre en céramique grise avec lèvre à trois bourrelets IX N 12 NO 5 (pl. VIII. 5), la grande jarre à lèvre carrée IX N 12 NO 9 (pl. VIII. 4), deux jarres ovoïdes à base arrondie IX N 12 NO 23 et IX N 12 NO 42 (pl. VIII. 1 et 3), le pot globulaire à base annulaire et lèvre à trois bourrelets IX N 12 NO 24 (pl. VIII. 7) et le petit pot à base aplatie et lèvre en bourrelet aplati IX N 12 NO 37 (pl. VII. 10). Le deuxième groupe concerne des formes dont l’utilisation est théoriquement limitée à la phase Shakkanakku Ancien : il se compose de la petite jarre globulaire à base plate et lèvre à deux bourrelets IX N 12 NO 29 (pl. VIII. 6), d’une jarre ovoïde à base arrondie IX N 12 NO 26 (pl. VIII. 2) et des nombreuses coupes évasées, à la forme héritée de la période Ville II et de la phase Agadé Ancien (IX N 12 NO 22 [pl. VII. 3], IX N 12 NO 31 [pl. VII. 4], IX N 12 NO 40 [pl. VII. 6] et IX N 12 NO 41 [pl. VII. 7]). Le troisième est celui des formes typiques de l’assemblage de la période Shakkanakku Récent : ce sont la coupe carénée avec bord à trois bourrelets IX N 12 NO 21 (pl. VII. 8), la coupe en céramique grise IX N 12 NO 32 (pl. VII. 9) et le pot globulaire avec décor incisé IX N 12 NO 38 (pl. VIII. 8). La présence de ce dernier groupe de céramiques indique clairement que ces enterrements doivent être datés de la phase Shakkanakku Récent. Toutefois, leur découverte en association avec des formes typiques de la phase Shakkanakku Ancien pose un léger problème d’interprétation : soit ces enterrements datent du tout début de la phase Shakkanakku Récent et les poteries du premier groupe doivent être considérées comme des survivances tardives, soit ces enterrements illustrent l’idée que la céramique funéraire connaît une évolution morphologique plus lente que la céramique commune.
- 4 Lebeau 1987 et Pons 1999a et 1999b.
12Enfin, des ensembles de récipients bien représentatifs de la céramique de la phase Lim, à l’extrême fin de la période Ville III, ont été mis au jour dans des tombes du chantier TN 2, immédiatement au nord des vestiges du Massif Rouge. Elles trouvent les parallèles les plus satisfaisants parmi l’inventaire céramique des chantiers E et F, étudié par M. Lebeau et N. Pons4. Ces tombes sont placées dans les soubassements d’un bâtiment d’époque Shakkanakku : leur présence indique donc que son utilisation s’est poursuivie jusqu’à la fin de la période Ville III et la chute de Mari. Leur matériel est toutefois moins riche que celui des tombes de l’époque Shakkanakku. Ainsi la tombe IV J 2 SO T-1, la mieux fournie sur le plan quantitatif, ne contenait que quatre pots : une bouteille (IV J 2 SO 6 [pl. IX. 4]) et trois gobelets (IV J 2 SO 5 et IV J 2 SO 7 [pl. IX. 2-3] à panse globulaire et base annulaire, et IV J 2 SO 4 [pl. IX. 1] à panse cylindrique et base aplatie). Toutes ces vaisselles sont typiques de la phase Lim, du fait de leur forme, mais aussi de certaines de leurs caractéristiques techniques : en particulier la finesse de leur pâte les distingue aisément des productions des phases antérieures, et leur température élevée de cuisson leur donne une couleur verdâtre. Les mêmes remarques peuvent s’appliquer aux céramiques découvertes dans la tombe IV J 2 NO T-1 : en effet les deux petites bouteilles découvertes à cet emplacement (IV J 2 NO 13 et IV J 2 NO 14 [pl. IX. 5-6]) constituent également des formes typiques de la phase Lim de Mari. Elles illustrent encore une fois parfaitement les traits techniques de la céramique de cette phase : pâte fine et cuisson élevée.
CONCLUSION
13La céramique découverte aux cours des campagnes 2005 et 2006 à Mari nous a donc donné un aperçu du matériel se rattachant aux différentes phases d’occupation de la cité. Cette courte présentation souligne d’ores et déjà la richesse, la variété et l’amplitude chronologique de cet ensemble qui devrait entraîner la mise au point d’un cadre chronologique nouveau, en tenant compte à la fois des études antérieures et des recherches en cours. En effet, les données nouvelles récoltées au cours des dernières campagnes devraient permettre d’harmoniser et de préciser les conclusions issues des travaux antérieurs sur la céramique de Mari.
Annexes
Notes
1 Les dessins des planches I. 14-15, II. 1-7, II. 9-10, III. 3-5 et III. 7 ont été réalisés par Élise Devidal au cours de la campagne 2008.
2 Lebeau 1985. Voir les tableaux pour les comparaisons.
3 Pons 1999a et 1999b.
4 Lebeau 1987 et Pons 1999a et 1999b.
Table des illustrations
© MOM Éditions, 2015