Introduction de la première partie

1Le contrôle de la mer constituait au iv^e siècle av. J.‑C. un élément essentiel de l’hégémonie en Grèce1. La longue expérience acquise par Athènes au cours du v^e siècle av. J.‑C. lui donnait les capacités d’obtenir et de gérer les financements et les ressources nécessaires à la guerre sur la mer, mais la situation des puissances terrestres était très différente. La tradition hoplitique de Sparte et de la Confédération béotienne étant longue et bien consolidée, les États disposaient de toutes les ressources requises pour financer leurs armées. Mais le développement de la marine militaire devait faire face à différents besoins parce que ses modalités de financement et de recrutement étaient particulières. La disparité des données sur Athènes et sur le reste du monde grec reste importante, mais elle est encore plus nette en ce qui concerne le rôle de la mer et la façon de la contrôler. En outre, la question que nous avons choisi de traiter dans cette partie du livre est essentiellement technique et elle n’a pas suscité d’intérêt chez les auteurs anciens2 ; bien que les fouilles aient complété nos connaissances sur différents sites portuaires anciens, les données épigraphiques et archéologiques, dont Athènes offre les meilleurs exemples, restent les sources les plus importantes. Malgré la rareté des données, il nous semble nécessaire de chercher à comprendre comment les pouvoirs terrestres traitaient le problème du recrutement et du financement, dont la résolution était indispensable pour le contrôle de la mer, et donc l’hégémonie. Pour faire face à la pénurie des données, nous avons décidé de les présenter en deux sections : une première section générale relativement théorique dédiée aux ressources nécessaires à la flotte, et une deuxième concernant les cas spécifiques de Sparte et du Koinon béotien.

2En ce qui concerne la première section, il semble nécessaire de procéder encore à une clarification. Comme nous venons de le dire, Athènes possède les exemples archéologiques et épigraphiques les plus complets et intéressants, mais nous devons être prudents avant d’utiliser ces données pour dresser un cadre général de l’organisation de la marine militaire et de son financement dans le monde grec puisqu’Athènes et son rôle dans l’histoire navale sont assez spécifiques. À cause de la particularité du cas athénien, il faut d’une part élargir la base des données grâce aux informations provenant d’autre poleis et d’autre part ne pas oublier les spécificités des régions que nous avons décidé d’étudier. Cette remarque est importante, surtout à propos des installations navales et des équipages, puisqu’au iv^e siècle av. J.‑C. les trières athéniennes avaient atteint un tel niveau qu’elles étaient devenues les navires de guerre à valeur de modèle dans tout le monde grec ; par conséquent, il n’y avait probablement pas de différences remarquables dans les techniques des différents chantiers navals3. Les données des différents sites grecs seront donc analysées pour produire une synthèse des matériaux utilisés pour la construction des arsenaux et des trières, ainsi que des moyens de se procurer ces matériaux et du recrutement des hommes pour le travail dans les chantiers et la formation des équipages. Ces données seront ensuite comparées avec ce que l’on connaît des cas particuliers de Sparte et de la Béotie, pour lesquelles les sources sont moins parlantes, afin de comprendre comment ces puissances pouvaient se procurer l’argent, les matériaux et les hommes nécessaires au développement de leur politique navale. Une dernière section sera enfin dédiée aux conditions de la navigation dans l’Antiquité pour discerner comment les navires pouvaient être utilisés et quelles étaient les connaissances nécessaires à la navigation.