1Bien qu’éloigné de la mer Rouge, le plateau de Hatnoub, haut lieu de l’exploitation de l’albâtre calcite notamment sous l’Ancien Empire, n’en est pas moins proche par les problématiques qu’il partage avec certains espaces miniers contemporains des côtes du désert Oriental égyptien, comme le Ouadi Hammamat, Ayn Soukhna ou plus encore le Ouadi el‑Jarf. Comme ces sites, Hatnoub a livré de nombreuses inscriptions qui permettent de retracer l’activité de sa carrière principale, la carrière P. Mais le plateau de Hatnoub forme aussi un vaste réseau de voies, pistes et sentiers reliant à la fois les carrières entre elles et les carrières au Nil, lieu d’embarquement des blocs d’albâtre pour des destinations variées, au nord comme au sud vers les commanditaires des expéditions (rois ou hauts fonctionnaires locaux). Tout au long de ce réseau viaire et à proximité de ces carrières gravitent plus d’un millier d’installations et de structures plus ou moins denses, de nature, de taille et de fonction diverses, qui contribuent elles aussi à la structuration du territoire. Aussi, ce n’est pas d’épigraphie dont il sera question dans cette contribution, mais bien de dynamiques spatiales et de maillage territorial, deux thématiques à la fois étudiées pour les sites précédemment mentionnés, mais également au Porphyrites ou au Mons Claudianus, pour des périodes plus récentes, et qui sont au cœur des problématiques abordées dans ce neuvième colloque « Red Sea ».

Historique des travaux à Hatnoub

2Découverte en 1891 par P. Newberry et H. Carter1, à 1  km au sud-est de l’ancienne ville d’El‑Amarna, la carrière P de Hatnoub était réputée dès le III^e millénaire av. J.‑C. pour la qualité de son albâtre calcite et est encore célèbre de nos jours grâce à ses nombreuses inscriptions rupestres et autres stèles. Soixante et une d’entre elles furent étudiées par G. Möller en 1907 et publiées par R. Anthes en 19282. Dans le sillage de la découverte de la carrière P, trois autres carrières antiques (Ra, Rb et T) furent rapidement identifiées sur le plateau de Hatnoub par M.W. Blackden et G.W. Fraser3, puis par W.M. Flinders Petrie4. En 1911, P. Timme effectua des prospections dans la région d’Amarna ainsi que sur le plateau de Hatnoub5. Il fournit ainsi la première carte topographique du site révélant l’existence de plusieurs voies antiques et de nombreuses structures attenantes. Ce n’est ensuite qu’entre 1985 et 1994 que les premiers travaux archéologiques furent menés dans la région sous la direction de I. Shaw (Université de Liverpool)6. Ce dernier a ainsi prospecté et documenté les centaines de structures environnant la voie antique menant à la carrière P, qui elle-même n’a pas été fouillée. Les travaux épigraphiques, topographiques et archéologiques menés sur l’ensemble du plateau de Hatnoub depuis 2012, sous la codirection de l’auteur de ces lignes et de R. Enmarch (Ifao, Université de Liverpool) ont déjà produit des résultats remarquables7. Parmi ceux-ci, les fouilles et les diverses prospections effectuées jusqu’à présent ont permis de repérer des centaines de nouvelles structures plus ou moins directement connectées aux voies antiques.

La cartographie du site

3Le plateau de Hatnoub (fig. 1), qui s’étend sur plus de 100 km², abrite un vaste réseau antique de carrières (P, Ra, Rb et T), de voies, de pistes et de sentiers ainsi que plus d’un millier d’installations diverses : huttes, ateliers, structures cultuelles, bâtiments administratifs… La période d’occupation s’étendait de manière discontinue du III^e millénaire av. J.‑C. au v^e siècle de notre ère8, avec un pic situé entre les III^e et II^e millénaires av. J.‑C. Depuis 2017, H. Pethen (Université de Liverpool), égyptologue et topographe de la mission, a entrepris l’inventaire de toutes les structures archéologiques présentes sur le plateau de Hatnoub afin de les intégrer dans un SIG9 (fig. 2). La plupart de ces structures sont d’abord cataloguées « hors site » à l’aide des prises de vues du satellite à haute définition Worldview 3 acquises auprès de European Space Imaging (fig. 3). Ces repérages sont ensuite confrontés aux données de terrain, collectées via une grille de prospection. Au total, ce sont 512 structures anthropiques simples (huttes, cairns et chapelles) ainsi que 62 structures linéaires (sentiers, pistes, chemins et voies) qui ont été enregistrées. Sur l’ensemble, seules 10 préalablement repérées hors site correspondent à des faux positifs, tandis que 172 sont des faux négatifs10. Nous avons également découvert 35 nouvelles structures dans des carrés qui n’avaient pas été examinés hors site, en des endroits qui ont particulièrement souffert de l’activité anthropique moderne.

Fig. 1 – Localisation des carrières d’albâtre calcite sur le plateau de Hatnoub (H. Pethen, d’après les données de l’Open source Landsat 8 de la US Geological Survey).

Fig. 2 – Mailles de la grille de la prospection pédestre de 2017 (H. Pethen, d’après les données ArcGIS/Worldview 3).

Fig. 3 – Répartition des éléments anthropiques autour de la carrière P (H. Pethen, d’après les données de la télédétection de Worldview 3).

Les carrières et l’exploitation de l’albâtre de Hatnoub

4Les carrières de Hatnoub se répartissent en deux groupes : le groupe nord avec la carrière P et le groupe sud avec les carrières Ra, Rb et T.

5La carrière P est de loin la mieux préservée, en raison de l’épuisement quasi total de ses ressources durant le II^e millénaire av. J.‑C. Elle se présente sous l’aspect d’une gigantesque excavation à ciel ouvert, remplie de débris (fig. 4). Une descenderie, longue d’une centaine de mètres et large de 6 à 9 m, s’ouvre sur un espace ovoïde d’environ 75 x 45 m et profond d’une vingtaine de mètres. Ce cirque constitue la partie principale de la carrière d’où l’albâtre était extrait durant l’époque pharaonique. Réparties en différents secteurs de la carrière, les quelque 160 inscriptions que nous avons pu identifier présentent une grande variété, tant dans leur réalisation que dans leur contenu, qui va de la simple représentation anonyme d’un personnage, à des panneaux affichant le protocole d’un roi et aux récits développés d’expéditions, en passant par des autobiographies idéalisées d’un individu. Leur datation s’étend de l’Ancien au Nouvel Empire, avec un pic situé entre les VI^e et XI^e dynasties. Durant cette période, nombre de ces textes, qu’ils émanent du pouvoir central ou du pouvoir régional, soulignent, à défaut de l’expliciter, le rôle majeur qu’a joué la 15^e province de Haute-Égypte dans la gestion de l’exploitation des carrières de Hatnoub.

Fig. 4 – Vue aérienne de la carrière P et de ses environs (T. Sagory).

6Outre l’épigraphie, l’archéologie apporte également des informations essentielles sur les moyens mis en œuvre par les Égyptiens pour maîtriser les difficultés inhérentes à l’exploitation de ce territoire hostile. Les dégagements que nous avons entrepris dans la partie supérieure de la descenderie ont mis au jour un système de halage des blocs sur une longueur d’environ 20 m et une largeur maximale d’au moins 8 m (fig. 5). Celui-ci comprend une rampe centrale concave d’une largeur variant entre 3 et 3,60 m, flanquée d’un large escalier sud de 17 marches et d’un escalier nord plus étroit de 14 marches. Ces escaliers présentent respectivement une pente de 18,5 et de 22 %. Par endroits, les marches sont pourvues d’imposants trous de poteaux, dont certains mesurent 80 cm de diamètre et 1 m de profondeur. Un ingénieux système de fixations constitué d’étais de bois insérés dans des encoches hautes et basses aménagées dans les parois latérales permettait d’assurer la stabilité des poteaux et d’éviter qu’ils ne chassent sous l’action des haleurs. Le sondage que nous avons pratiqué dans la partie basse de la descenderie a confirmé la présence d’éléments de ce dispositif (marches, trous de poteaux, encoches hautes et basses), ce qui laisse supposer que le système de halage que nous avons commencé à dégager est continu sur l’ensemble de la descenderie et pourrait présenter une pente elle-même continue de l’ordre de 29 %. L’étude des traces d’outils, conduite par O. Lavigne, maître tailleur de pierres, et celle des inscriptions portent à croire que ce dispositif date au plus tard du roi Khéops (IV^e dynastie). Par son ampleur et les travaux qu’a nécessité sa mise en place, ce système de halage relève clairement d’une entreprise étatique11.

Fig. 5 – Vue aérienne du système de halage des blocs de la carrière P (T. Sagory).

7Les carrières Ra, Rb et T sont en revanche très mal conservées. Elles ont en effet été confrontées à une reprise intensive de l’extraction de l’albâtre à l’époque moderne, reprise qui s’est poursuivie jusque très récemment12 et qui a profondément altéré leur faciès d’origine. Malgré cela, quelques nouvelles inscriptions ont pu être identifiées dans la carrière Ra13. En outre, quelques structures pharaoniques ont pu être repérées alentour. Ainsi, à proximité de la carrière T, une carrière antique assez similaire à la carrière P a pu être identifiée. Malheureusement, sa réexploitation à l’époque moderne a fait disparaître une bonne partie de ses fronts de taille si bien qu’il est difficile à l’heure actuelle de déterminer sa période d’activité ancienne. Non loin de la carrière T toujours, les vestiges d’une structure quadrangulaire pourraient être contemporains de la carrière et dater de l’époque romaine14.

8En dépit de ces maigres résultats, une nouvelle donnée textuelle issue de la carrière P (fig. 6) est venue apporter un élément important quant à l’organisation du maillage du plateau à l’Ancien Empire. L’inscription DS 12, qui date probablement du règne de Pépy II, semble en effet désigner la carrière P et ses proches environs comme « l’Hatnoub du nord du nome de la Hase ». Outre qu’elle apporte une nouvelle confirmation de la tutelle administrative du 15^e nome de Haute-Égypte sur la carrière P15, cette mention évoque pour la première fois une « Hatnoub du nord », ce qui suppose implicitement l’existence d’une « Hatnoub du sud », non encore attestée dans les textes. Ainsi, à la fin de l’Ancien Empire, il semble avoir existé un réseau de carrières au sein du plateau de Hatnoub16. L’hypothèse est d’autant plus vraisemblable que la carrière P se trouve effectivement au nord des carrières Ra, Rb et T. Si, à ce jour, aucune des inscriptions découvertes dans cette zone n’atteste que ces dernières aient été exploitées ou même connues à l’Ancien Empire, la céramique observée autour des carrières Ra et Rb montre que celles-ci étaient en activité dès cette haute époque.

Fig. 6 – Détail de la nouvelle inscription (DS 12) mentionnant « l’Hatnoub du nord du nome de la Hase » (G. Pollin, photo rehaussée dans DStretch).

Le transport des blocs par voie de terre et les structures attenantes

9Si les sources antiques qui évoquent les expéditions aux carrières de Hatnoub insistent souvent sur le transport des blocs d’albâtre calcite par voie fluviale17, l’archéologie n’a, à ce jour, livré aucun élément concret relatif à l’endroit où furent implantés les ports ou autres embarcadères connectés aux carrières, comme l’énigmatique Ro‑mou (littéralement « la bouche de l’eau »)18, qui devait se situer sur le Nil, sans doute au débouché de la voie principale de Hatnoub. Certains textes de la VI^e dynastie montrent également que l’albâtre n’embarquait pas nécessairement vers le nord, vers la capitale royale, mais qu’il pouvait aussi prendre la direction du sud, vers des commanditaires privés19.

10À l’inverse, les textes ne mentionnent que très rarement l’acheminement des blocs par voie de terre20. Plusieurs voies terrestres antiques, de longueurs inégales, ont cependant été repérées entre la fin du xix^e siècle et la fin du siècle suivant. À ce jour, on en compte sept, dont la plupart ne subsistent qu’à l’état de piste. C’est en premier lieu sur la voie antique principale qui relie la carrière P et la vallée du Nil (fig. 1‑2) que nous avons concentré nos prospections. Toute la portion assurant la jonction avec le Nil a aujourd’hui disparu, mais une grande partie de son tracé est conservé sur une douzaine de kilomètres et montre qu’elle était construite sur presque toute sa longueur, ce qui en fait l’une des voies d’époque pharaonique les plus longues et les mieux préservées d’Égypte. S’adaptant à la physionomie du relief, elle peut prendre l’aspect d’une simple piste sur un terrain plat et stable ou celui d’une véritable voie construite formée d’un épais radier en pierre sèche (voir plus loin fig. 7, 9), en présence d’un terrain moins favorable, d’une déclivité naturelle ou d’un escarpement. Sur ce solide radier peu propice à la circulation devait être appliqué, selon la proximité du Nil ou des carrières, une couche de limon ou de terra rossa21 que l’on humidifiait afin de faciliter le transport des blocs d’albâtre et des hommes. Mêlés aux blocs de calcaire de la voie antique se trouvaient des tessons de céramique pharaonique et de petits fragments d’albâtre, confirmant l’ancienneté de cette voie. À première vue, ces poteries peuvent être datées de l’Ancien au Moyen Empire, tout comme les tessons observés à l’intérieur des huttes et des structures tout au long de la voie. On notera toutefois que la route, sur le plateau, fut encore pratiquée à l’époque romaine, ainsi que le montrent des fragments d’amphores vinaires romaines que l’on a pu observer en plusieurs endroits22.

11Les premiers éléments visibles de la voie principale se situent à quelques centaines de mètres au sud des tombeaux sud d’Amarna, à l’orée des cultures. Non loin, sur le sommet de longues collines s’étendant du nord au sud, plusieurs structures circulaires ont été découvertes. À flanc de colline, la prospection a également permis d’identifier des huttes semi-circulaires ouvertes au sud, similaires à celles observées sur le plateau de Hatnoub. La voie antique, qui longe plus ou moins la limite occidentale de la partie nord du plateau de Hatnoub, a été sévèrement endommagée par le passage des camions qui traversaient le désert jusqu’à une époque récente. Elle a cependant pu être suivie entre la route agricole et le ouadi de la stèle R d’Akhenaton. Çà et là, on peut noter la présence de quelques structures circulaires. Pour traverser le ouadi de la stèle R d’Akhenaton, la voie a été considérablement élargie au moyen de blocs de calcaire blanc et gris. Certaines parties du radier de cette voie sont encore très bien préservées. Quittant le ouadi de la stèle R d’Akhenaton, la voie s’engage dans un autre ouadi (fig. 7). Puis, à l’approche de l’entrée du plateau de Hatnoub, la voie se divise en deux branches. La plus longue, qui possède quelques portions extrêmement bien conservées, s’enfonce plus au sud et accède au haut plateau désertique en empruntant le fond d’un ouadi en direction de l’est. La plus courte, quant à elle, pénètre plein est directement au cœur de la montagne par un passage pentu et étroit. Ce passage a été élargi au moyen d’une rampe très bien construite en calcaire local. Au sommet de la montagne au nord de ce passage, nous avons découvert des structures d’une facture inhabituelle, aménagées en terrasses pour certaines, à flanc de falaise. Le matériel céramique indique une occupation remontant à l’époque pharaonique, ainsi qu’une réinstallation plus tardive à l’époque byzantine, au cours du v^e siècle de notre ère. Nous ne savons pas si et où ces deux portions de voies se rejoignaient précisément. Toujours est-il que la section nord semble constituer la voie principale qui traverse le plateau de Hatnoub d’ouest en est pour aboutir à la carrière P. La section sud, quant à elle, avant d’éventuellement rejoindre la section nord, était également connectée à une voie secondaire méridionale qui longeait par le sud la voie principale pour rejoindre les carrières Ra et Rb, voire la carrière T.

Fig. 7 – Vue de la voie antique principale au sortir du ouadi de la stèle R (Y. Gourdon).

12Sur environ 2 km après l’entrée du plateau, le faciès de la voie principale alterne, en fonction du terrain, entre de simples pistes et des sections construites, la plus impressionnante étant la chaussée nommée kobri Sidi ‘Abd el‑Samad (fig. 8). À cet endroit, la voie longe un escarpement étroit coupé par un ancien ouadi. Des pluies torrentielles qui se sont écoulées dans l’ancien ouadi ont en partie éventré la chaussée, ce qui permet aujourd’hui d’en voir la structure interne. La voie a été élargie en trois phases. Dans un premier temps, on a appliqué contre l’escarpement un placage de blocs de taille moyenne en calcaire local noirci par oxydation naturelle. On a ensuite appliqué un placage de sable induré et de calcaire grossier ou concassé, lequel est stabilisé par un deuxième placage de calcaire local noirci, qui devait, à l’origine, recouvrir la surface de circulation de la voie et faire office de radier.

Fig. 8 – Vue aérienne du kobri Sidi ‘Abd el‑Samad (T. Sagory).

13À une centaine de mètres au sud du kobri Sidi ‘Abd el‑Samad, des structures d’habitat ont été découvertes au ouadi Challalat, sur la pente faisant face au sud ainsi que des aménagements pour gérer les eaux de ruissellement. Un examen préliminaire des céramiques de surface permet de conclure à une présence remontant au plus tard à l’Ancien Empire.

14Après le kobri Sidi ‘Abd el‑Samad, la voie principale alterne de nouveau entre secteurs non aménagés et secteurs construits. Sur la partie la plus élevée du plateau, environ 1,5 km avant l’entrée de la carrière P, la voie est pleinement construite et préservée. Non loin des abords de la carrière P, la voie principale se sépare à nouveau en deux. Une section continue vers l’est en direction de la carrière P sur laquelle elle débouche après, semble-t-il, avoir passé une sorte d’entrée composée de deux édifices complètement ruinés de taille et d’organisation différentes. La seconde section, quant à elle, s’oriente au sud-ouest pour rejoindre une voie parallèle à la voie principale et qui mène à la carrière T.

Les structures antiques à proximité de la carrière P

15La zone située à proximité de la carrière P et qui s’étend à 400 m au sud-ouest et jusqu’à 1 km au nord-ouest de la carrière présente une importante concentration de structures en pierres sèches plus ou moins isolées ou réparties en îlots (fig. 9). À ce jour, nos prospections ont permis d’en géolocaliser 512, la plupart ayant été précédemment inventoriées par I. Shaw et son équipe. Une soixantaine de structures linéaires (sentiers, pistes, chemins et voies) ont également été enregistrées. Les installations sont de nature variée, comprenant de petits cairns, des monticules parfois assez imposants, des abris semi-circulaires généralement ouverts au sud, pour se protéger du vent du nord, et des bâtiments rectangulaires à plusieurs pièces. La destination de ces différentes structures va du simple marquage topographique, jusqu’à des édifices de type religieux ou administratif. L’essentiel du matériel céramique observé sur place date de l’Ancien Empire, mais il est clair qu’une étude approfondie permettra de mieux distinguer les différentes périodes d’activités de la carrière P.

Fig. 9 – Vue aérienne de la voie antique principale et des structures à proximité de la carrière P (T. Sagory).

16Enfin, en dépit de son aspect chaotique, la zone d’éboulis située au sud-ouest de la carrière présente un intérêt majeur pour la compréhension de l’organisation du site. En 2018, nous avions repéré, en bordure ouest du secteur, la coupe d’un mur double présentant un appareillage soigné. La campagne de dégagement que nous avons entreprise en 2019 a mis au jour les vestiges d’un vaste bâtiment (SW 1) de plan carré de 10 m de côté environ (fig. 10) et qui, selon les époques, a évolué de 4 à 6 pièces. L’édifice est au contact direct d’une grande section en coude d’un mur d’enceinte monumental long de 11 m, qui semble délimiter un vaste périmètre pourvu de plusieurs grands bâtiments similaires au SW 1, si l’on en croit les restes de parements encore visibles au milieu des décombres. Le bâtiment SW 1 s’étend vraisemblablement à l’est et au nord-est, comme semble le suggérer le départ de murs chaînés au parement intérieur de l’enceinte nord et orientés vers l’est en direction de la zone d’éboulis. S’il nous est encore difficile de déterminer avec précision la fonction et la datation de cet édifice, il ne fait guère de doute que son ampleur, la qualité remarquable de ses maçonneries et sa localisation à proximité de la carrière P témoignent d’une construction ostentatoire visant à marquer le paysage de l’empreinte du pouvoir royal.

Fig. 10 – Vue générale du bâtiment SW 1 (T. Sagory).

17Le vaste plateau de Hatnoub présente des aménagements nombreux, multiples (voies construites, système de halage des blocs, installations temporaires, voire pérennes pour certaines) et d’envergure, qui tous témoignent des moyens importants investis par la couronne dans cette région. Si beaucoup de questions restent en suspens, l’étude combinée des textes et des données archéologiques apportera certainement de nouvelles informations quant à l’organisation et la gestion de ce territoire désertique, mais essentiel pour l’économie de l’état pharaonique et pour celle de la région administrative du nome de la Hase.