La fouille1

1La découverte inattendue des cales à bateaux au nord de la colline de Bamboula a commencé lors de la campagne de 1984, lorsqu’il a été décidé d’étendre les recherches dans ce secteur de la colline que nous n’avions pas encore exploré. Dans les derniers jours de la fouille, l’extension vers le nord du chantier dirigé par A. Caubet a dégagé la face sud d’un gros mur à contreforts (432) conservé sur plus de 3 m de haut2, qui traversait tout le chantier d’ouest en est (en I‑J 8), longé au sud par une très profonde tranchée moderne. Cette tranchée (436), large d’environ 2 m, correspond vraisemblablement à la tranchée « N » qui figure sur le croquis – malheureusement très approximatif et impossible à replacer avec exactitude sur le terrain – levé par le lieutenant Sinclair au moment des terrassements de 18793. Le dégagement de la tranchée a été poursuivi lors des campagnes 1985 et 1987, tandis que l’espace situé au nord était progressivement fouillé, permettant de déterminer finalement la fonction exacte de ce mur (comme on le verra plus loin).

2L’exploration dirigée par M. Yon a connu trois grandes étapes. Une première phase (entre 1984 et 1988) a consisté dans l’extension de la fouille vers le nord par J.‑Fr. Salles. L’identification du bâtiment en a ensuite entraîné la fouille systématique : d’abord sous la supervision de J.‑Fr. Salles, O. Callot et P.‑L. Gatier entre 1989 et 1993, puis sous celle de J.‑Chr. Sourisseau et O. Callot entre 1995 et 1999. C’est aux deux dernières phases de l’exploration que se rattachent les études géomorphologiques, réalisées d’abord par R. Dalongeville et P. Sanlaville, puis par Chr. Morhange et J.‑Ph. Goiran4.

L’extension de la fouille de la Bamboula vers le nord (1984‑1988)

3Trois campagnes suivies d’un sondage de vérification (1984‑1988) constituent cette première étape de l’exploration du secteur nord de la Bamboula (il n’y a pas eu de fouille en 1986). Les travaux ont essentiellement porté sur le dégagement de la tranchée 436 et du mur 432.

4La tranchée 436, qu’on propose d’expliquer par les travaux britanniques de 1879, est remarquable par ses dimensions : profonde d’environ 3 m du côté ouest, elle possède une largeur moyenne d’environ 1,5 à 2 m. Comme on le verra, elle a entraîné une rupture totale entre la terrasse du sanctuaire, au sud, et la zone des docks, au nord, supprimant tout lien physique entre les deux. L’interprétation des phases d’occupation de la fouille et la mise en rapport des différentes constructions de la zone sud avec celles de la zone nord reposent donc sur des « appariements », sans qu’on puisse en apporter la preuve stratigraphique.

5Clairement identifiée lors de la campagne 1984, la tranchée 436 a fait l’objet de dégagements mécaniques en fin de fouille, depuis le haut de la colline (côté ouest) jusqu’au carré I 8, à l’est, où elle avait été repérée en surface (fig. 1). Ce dégagement a fait partiellement apparaître le mur 432, avec les contreforts de sa face sud. La face nord a été également mise au jour par endroits (jusqu’au sol où reposent les « bassins » de gypse de l’état I, ainsi dans le carré J 8/1‑2). La campagne de l’année suivante a donc eu pour objectif de vider la tranchée et de mettre complètement en évidence les deux faces du mur.

Fig. 1 – La fouille après la campagne de 1984. À droite : tranchée 436 et face sud du mur 432.

6Cette grande tranchée n’a livré que peu d’objets modernes ; son remplissage, fait d’un matériel très mélangé, est vraisemblablement constitué de l’effondrement progressif de ses parois par érosion naturelle.

7Le mur 432, progressivement mis au jour au fur et à mesure de la fouille, a d’abord résisté à l’interprétation ; bien identifié comme matérialisant la limite nord du sanctuaire d’époque classique, il a été interprété comme appartenant à un bâtiment de grandes dimensions, de type orthogonal5. Sa date a été assez vite établie, et fixée à l’époque classique. Par ailleurs, sa construction a été associée à celle du Bâtiment sud, malgré leur différence d’implantation : les cales à bateaux (que ferme au sud le mur 432) suivent en effet l’orientation des bâtiments du sanctuaire (constante depuis l’époque géométrique)6, contrairement au Bâtiment sud qui est placé en oblique par rapport à eux. Ce n’est qu’au terme de la campagne de 1987 que l’hypothèse d’installations portuaires a été formulée, et que la fonction de ce gros mur (0,80 m d’épaisseur), muni sur ses deux faces de puissants contreforts et conservé sur plus de 35 m de long, a été reconnue : il constitue à la fois le mur de soutènement de la terrasse du sanctuaire (face sud : mur sans enduit et contreforts enterrés et cachés dans le remblai de la terrasse)7, et le mur de fond d’un bâtiment (face nord : mur recouvert d’un enduit de plâtre et contreforts visibles). La présence entre les contreforts de la face nord de petits bassins dallés de plaques de gypse (fig. 2) confirme qu’il s’agit d’une face visible et utilisable. Il y a donc une différence de 3 m entre le niveau du sol de la cour du sanctuaire classique (5,10 m d’altitude absolue) et le niveau du sol du bâtiment situé en contrebas.

Fig. 2 – La fouille après la campagne de 1985. Restes du mur 432 et série de petits « bassins » en gypse accolés sur sa face nord.

8Bien conservé à l’ouest sur plus de 3 m de haut, avec le retour vers le nord du mur 724 qui ferme le bâtiment, le mur disparaît à l’est où il a été arraché, mais sa trace au sol reste bien visible – terre tassée, traînée blanche, poussières de blocs – jusque dans le carré H 8/3, où subsiste partiellement la série de « bassins » à fond de dalle de gypse qui le bordait sur sa face nord (fig. 2). Mais plus à l’est, du côté où tous les restes antiques de la Bamboula ont été anéantis, on le perd complètement ; contrairement à l’ouest, aucun retour vers le nord n’a été mis au jour. Il est sûr que les maigres restes loci 453 et 474 appartenaient à des piliers et non pas à un mur.

9La fouille au nord du mur 432 a commencé dès 1985 dans les carrés J 8 à H 8. Plusieurs fosses perturbaient la zone. Deux raccords ont été trouvés entre ce matériel issu de la fouille au nord de la tranchée 436, et des fragments provenant de la zone sud : skyphos attique à figures rouges de type « conversation » (K85‑347+403, fig. 3a) et cratère à colonnettes à figures rouges (K85‑521+523, fig. 3b).

Fig. 3 – Raccords entre des fragments provenant de niveaux situés au nord et au sud de la tranchée 436.

10Progressant d’est en ouest, la fouille de 1987 s’est attachée à dégager la tête des rampes en pente vers le nord (fig. 4), disposées de façon répétitive dans l’axe des contreforts, comme la fouille de 1985 avait déjà permis de le constater avant que l’on ait compris leur nature8. L’interprétation du bâtiment n’était pas encore établie et on cherchait des refends au grand mur 432. Mais entre les rampes apparaissaient peu à peu dans l’axe des contreforts de ce mur 432 de petits murets (d’environ 2,50 x 0,80 m), où l’on a vu la base de piliers destinés à soutenir une toiture.

Fig. 4 – Le bâtiment, après la campagne de 1987.

11La fouille s’est étendue vers le nord (carré H 9/3), au niveau de la rampe 459, jusqu’au deuxième pilier (474). C’est dans le même but qu’un sondage, qui s’est révélé infructueux, a été implanté vers le nord‑est, en G 10/4. L’hypothèse de hangars à bateaux a été émise à l’issue de la campagne, et publiée pour la première fois dans le rapport9. L’année suivante, une semaine de fouilles a été planifiée pour « vérification de l’hypothèse “hangars” » (fig. 5).

Fig. 5 – Le bâtiment après la campagne de 1988.

Le dégagement des cales à bateaux (1989‑1995)

12Une fois l’identification du bâtiment acquise, la fouille s’est attachée à explorer les loges et à les dégager, pour définir leur longueur et leur mode d’accès à la mer. Le premier sondage de 1989 a été implanté dans le prolongement de la rampe 491 (en J 9‑10/2‑3), au nord des zones déjà fouillées. Il a permis de mettre en évidence le sol des rampes et les murets servant de bases de piliers, mais nous avons dû très vite arrêter de creuser en raison de la présence de la nappe phréatique saumâtre qui occupe le sous‑sol de toute cette zone de Larnaca, et qui noyait le sondage à mesure qu’on l’approfondissait ; d’une altitude variable selon les années – elle apparaissait en 1989 à 1,50 m d’altitude absolue, à 1,70 m en octobre 1993, descendant à 0,94 m en automne 199810 – l’eau ne permettait pas l’accès aux restes antiques qu’elle recouvrait. Elle rendait nécessaire l’utilisation de pompes pour assécher le fond chaque jour pour quelques heures. C’est également à l’issue de cette campagne que différents états du bâtiment (avec exhaussement des sols et élargissement des rampes) ont été reconnus.

13Il a donc fallu établir une autre logistique. Dès l’année suivante, grâce à l’aide de la municipalité de Larnaca qui a gracieusement fourni le matériel, les premiers pompages ont eu lieu (fig. 6). Limitée dans le temps – elle s’est déroulée du 24 septembre au 6 octobre – la campagne 1990 visait à déterminer l’extension de la rampe 491 (carré J 10/3) vers le nord. Mais la fouille est restée difficile : les sondages, trop grands pour les possibilités des pompes utilisées, se remplissaient très vite.

Fig. 6 – Les premiers pompages en 1990 : rampes 494 et 731.

14La recherche géomorphologique (P. Sanlaville) a permis en 1990 de reconnaître au fond des sondages la présence d’une plage fossile11 et de prélever des échantillons destinés à être analysés pour obtenir des précisions chronologiques et déterminer le niveau de l’eau au iv^e s.

15Après deux années d’interruption, la fouille a repris en 1993, dans les carrés I 10/4 et I 9/1‑4, dans le prolongement nord de la rampe 490 dégagée lors des années précédentes. Parallèlement, la fouille de la maison hellénistique a été étendue vers le nord12, pour étudier l’articulation entre cette dernière et le bâtiment (carrés K 8‑9).

16En 1995, l’exploration du hangar s’est poursuivie à la fois vers le nord et vers l’ouest. Une nouvelle technique de fouille « humide », plus efficace, a été mise en place par J.‑Chr. Sourisseau, privilégiant de petits sondages, plus faciles à vider quotidiennement pour permettre la fouille. L’analyse des restes déjà découverts avait permis de définir l’alternance des rangées de piliers séparant les rampes, et le rythme des lignes de piliers, ce qui permettait de déterminer théoriquement l’emplacement de chaque pilier à leur intersection, et donc de localiser avec précision l’emplacement du sondage à effectuer pour découvrir une base de pilier13.

17Des sondages ont donc été implantés d’une part dans la partie nord du terrain, dans l’axe des rampes, à l’emplacement supposé de bases pour repérer de nouveaux piliers de soutènement de la toiture et donc définir la longueur du bâtiment, et d’autre part sur la limite ouest du bâtiment : il s’agissait de mettre en évidence le mur 759, très abîmé par une fosse de récupération de pierres, et la tranchée d’arrachement du mur 757, qui marque le retour vers le nord du mur de fond des neosoikoi/mur de soutènement de la terrasse ouest. Deux sondages (13 et 14) ont été pratiqués dans l’un des terrains de tennis voisins, provisoirement disponible pour cette recherche (pour leur localisation précise, voir infra fig. 8 et 63). Au nord, fouillés à l’aide de pompes, plusieurs sondages étroits de 4 x 2 m, à l’emplacement supposé de bases de piliers dans le carré I 11, ont révélé un pilier (764) d’une sixième rangée, ainsi qu’un épais comblement qu’on a pu dater de l’époque impériale (voir ci‑dessous, troisième partie).

L’achèvement de la fouille (1996‑1999)

18La dernière phase de la fouille s’est attachée à définir l’extension des rampes et du bâtiment vers le nord (en recherchant de nouvelles rangées de piliers de soutènement de la toiture selon les critères et la procédure indiqués plus haut), et à fouiller l’angle sud‑ouest du bâtiment, en particulier la dernière rampe (731), la mieux conservée. La même méthode d’exploration, éprouvée sur le terrain dès 1995, a été suivie : les sondages, étroits et profonds, permettaient un pompage efficace et une fouille stratigraphique même en zone inondée. En 1996, un nouveau pilier (780) de la sixième rangée a été repéré (fig. 7). Parallèlement à la fouille, la recherche géomorphologique s’est poursuivie ; des carottages, à l’intérieur et à l’extérieur de l’emprise supposée du bassin portuaire, ont été effectués en 1996 et 1997 (voir chap. 1 et 4). Par ailleurs, les campagnes de 1996 et 1997 ont de nouveau atteint en J‑K 11‑12 un épais comblement d’époque impériale (voir le matériel étudié ci‑dessous, troisième partie). Dans le même secteur, l’exploration de 1997 (fig. 9) a permis de dégager un empierrement (locus 801), qui pouvait être le reste d’un pilier de la septième rangée, entre les rampes 491 et 494, mais trop mal conservé pour assurer à lui seul l’existence de cette nouvelle rangée.

Fig. 7 – Les restes du pilier 780 dans un sondage en I 11/3‑4, 1996.

Fig. 8 – Plan simplifié des vestiges découverts, après la campagne de 2021. Les zones fouillées sont encadrées en rouge (A. Rabot).

Fig. 9 – Les sondages implantés dans la partie nord des neoria en 1997.

19Ce n’est qu’en 1998 que l’existence de cette septième rangée a été définitivement établie avec la découverte dans le sondage 16 (de 3 x 4 m) de quelques blocs, restes d’un septième pilier – locus 818 – de la ligne des bases entre les loges 494 et 731 : le bâtiment atteignait ainsi une dimension d’au moins 37 m du sud au nord. Cette septième rangée était la dernière : en effet, un sondage ouvert plus au nord (sondage 17) donne dans le bassin du port. On avait donc enfin la limite nord du hangar et sa dimension nord‑sud.

20La même année a vu la fouille de la rampe 731 : on a démonté les constructions de l’état III pour mettre en évidence l’état II14 (fig. 10). D’autre part, la baisse du niveau de l’eau, jusqu’à moins de 1 m d’altitude absolue après une période de sécheresse, découvrait les bases 752 et 754, qui avaient été déjà aperçues en 1993 à la suite des pompages15.

Fig. 10 – Fouille de la tête de rampe 731, en 1998. États III (briques) et II.

21L’exploration s’est achevée en 1999, avec la fouille stratigraphique des rampes 494 et 731 (les plus occidentales) ; quelques sondages ponctuels sur le bâtiment ont aidé à préciser la chronologie de ses différents états, et à définir les phases I, II et III de son utilisation. Une découverte notable concerne la couverture du bâtiment, faite de tuiles de la période classique dont on avait déjà trouvé de nombreux fragments les années précédentes ; pour la première fois, il a été possible d’assembler les fragments d’une même tuile et d’en donner les dimensions complètes16 (infra, fig. 20e).

22Par la suite, plusieurs campagnes de restauration ont été consacrées à la consolidation des murs et à la construction d’une couverture partielle du bâtiment pour protéger des intempéries l’angle sud‑ouest où la fouille avait mis au jour d’importants restes en briques crues.

23Enfin, le déménagement des terrains de tennis a offert la possibilité d’une dernière campagne de terrain, en 2021, avant la mise en œuvre du plan de valorisation du site. Cette fouille a porté à la fois sur la limite nord du bassin portuaire et sur la limite est des hangars. Concernant le premier point, les sondages implantés contre le grillage nord du site protégé n’ont pas révélé d’affleurement rocheux susceptible de correspondre à un bord de bassin. Il faut en supposer l’existence encore plus au nord, sous l’actuelle rue Gjerstad, au pied de la colline de Bamboulos. Concernant le second point, on a dégagé une base de pilier prouvant l’existence d’une septième loge, et un retour probable du bâtiment matérialisé par une ligne de murets (fig. 8 et infra).

Les phases du bâtiment17

24Comme dans l’ensemble de la Bamboula, les niveaux situés dans la partie occidentale du site sont mieux conservés que vers l’est, où les surfaces supérieures ont été arrachées par des travaux de terrassement modernes, en particulier lors du démantèlement d’une grande partie de la colline par l’administration britannique en 187918. Dans la partie orientale, les phases les plus anciennes (états I et II) sont seules représentées, et les limites du bâtiment vers l’est sont inconnues : dans la partie sud, tous les vestiges éventuels ont été détruits ; dans la partie basse, vers le nord, la présence de terrains de tennis a interdit, jusqu’en 2021, la fouille.

25Trois phases (états I à III), que marquent dans la stratigraphie trois niveaux de sols, illustrent la période d’utilisation du bâtiment. On les caractérise ci‑dessous en présentant de manière synthétique le faciès des UF (= Unités de Fouille) qui s’y rattachent. On ne commente qu’une sélection d’UF, représentatives de l’ensemble. De manière générale, le matériel est peu abondant et bien connu par ailleurs : contrairement au dépôt d’époque impériale qui constitue un ensemble de référence à l’échelle de la Méditerranée orientale et qui est étudié en détail ci‑dessous (chap. 7), les formes céramiques attestées trouvent de nombreuses comparaisons parmi le matériel mis au jour sur le site, et déjà bien publié19. Il était inutile d’en dresser le catalogue complet. On présente également dans ce chapitre le matériel de niveaux antérieurs à la construction du bâtiment et postérieurs à son abandon. Ces derniers ont été choisis en fonction de l’intérêt qu’ils présentent pour l’histoire portuaire du site (en particulier un assemblage du Bronze récent, qu’on présente ci‑dessous en détail) : ils n’en illustrent évidemment pas de manière exhaustive l’occupation.

Niveaux antérieurs à la construction du bâtiment (fig. 11‑13)

Partie haute (sud) du bâtiment : UF 4 (1990) ; UF 32 et 35 (1999)

26La fouille n’a guère progressé sous les niveaux du bâtiment. Un sondage limité, pratiqué à sa limite sud‑ouest en 1999, sous le mur 724, a permis de recueillir un petit lot de matériel (UF 32 [1999] et 35 [1999]). Ce dernier reposait directement sur le substrat naturel, qui a été retaillé pour offrir une surface plane. On peut raisonnablement supposer que ces aménagements sont contemporains du moment de construction du bâtiment, pour lequel l’assemblage céramique fournit un terminus post quem.

27Le lot se compose de quelques tessons archaïques résiduels (fragments de bols Red Slip et White Painted, cruchon Black‑on‑Red), de formes Plain White caractéristiques de l’époque classique (cruchons à corps en sac et fond plat, bol à lèvre carénée)20, et de rares fragments de bols à vernis noir importés d’Attique. L’ensemble est trop réduit et fragmentaire pour établir une datation précise. Quelques formes évoluées invitent toutefois à placer la constitution de ces couches au cours de la première moitié du iv^e s. av. J.‑C. Ce terminus post quem pour la construction du bâtiment, quoique vague, correspond à peu près à la date d’édification de la première terrasse du sanctuaire classique21 et à celle du Bâtiment sud22. La construction des neosoikoi s’inscrit donc dans un programme général de remodelage topographique de la zone.

28L’UF 4 (1990) provient d’un sondage profond, pratiqué immédiatement au nord de la partie construite conservée de la rampe 491 (carré J 9/3). Ce sondage, sous le niveau de l’état I, a livré un matériel nombreux, exclusivement datable du Bronze récent, très semblable à celui qui est publié ci‑dessous en détail. Il comprend des fabriques locales chypriotes (White Slip, Base‑Ring, Plain White) ainsi que des importations égéennes et levantines. Il montre que l’installation des rampes a profondément entaillé dans les couches d’occupation antérieures, jusqu’au substrat.

Partie basse (nord) du bâtiment : UF 110 (1996)

29Lors de la campagne de fouille 1996, un sondage profond (sondage 15), dans le carré I 11/3‑4, a permis de passer sous le niveau de sol de la loge 490. Dans sa partie basse, vers le nord, cette dernière a été installée en retaillant des niveaux plus anciens. Ne subsiste, sous la rampe, qu’un niveau homogène datable de la fin du Bronze récent (Chypriote récent IIC‑IIIA, xiii^e‑xii^e s. av. J.‑C.), qui reposait sur le substrat : UF 110 (1996). Il est probable que les niveaux successifs de l’âge du Fer ont été arrachés lors des travaux de construction, faisant disparaître toute trace d’occupation dans la zone entre la fin du Bronze récent (période que documente cette UF) et la seconde partie de l’époque classique (période d’installation des neosoikoi). Cette succession stratigraphique abrupte permet de mesurer l’ampleur des travaux suscités par l’aménagement du port de guerre, qui ont oblitéré les vestiges antérieurs, soit par remblaiement (au sud), soit par décaissement (au nord).

30La présence en un point de Kition de vestiges de cette phase de son histoire n’est pas pour surprendre, puisqu’il est bien établi que la ville a été fondée au xiii^e s., et que son activité commerciale a conditionné son développement et son enrichissement au point d’en faire pour des siècles une cité majeure dans l’histoire antique de l’île. Le sondage, très réduit, n’a pas révélé de vestige construit associé, interdisant toute interprétation concernant la nature de l’occupation. Un matériel contemporain et de composition similaire, quoique bien plus riche, a été découvert lors d’une fouille dans la partie nord‑ouest du site de Bamboula, sur le côté occidental du bassin portuaire23. La reprise des fouilles dans cette zone, entre 2016 et 2018, a montré que ce matériel provient de niveaux d’occupation, en place sur le rocher naturel (et qu’il n’a pas été rejeté là en position secondaire)24.

31Le petit lot homogène de l’UF 110 (1996) est fragmentaire, mais relativement bien conservé malgré un séjour prolongé dans un milieu saumâtre. Il faudrait y adjoindre quelques éléments de la même période qui ont été retrouvés avec du mobilier archaïque, dans des couches remaniées au moment de la mise en place de la rampe de l’état I (UF 107 [1996] : K96‑1357 à 1362), ou dans des niveaux supérieurs (par exemple, UF 105 [1996], état III ci‑dessous : K96‑1343). On doit également le rapprocher du matériel assez nombreux recueilli lors du sondage de 1990 sous le niveau de la rampe 491, mentionné ci‑dessus (K90‑36 à 93).

32Avec les fragments de céramiques se trouvaient quelques restes de faune, qui ont été expertisés par A. Gardeisen. Les ossements présentent une surface très altérée, caractéristique d’un séjour prolongé dans l’eau. Ils comprennent un fragment de vertèbre de bœuf, deux chevilles osseuses de mouton (dont au moins un mâle), un talus de chèvre et une dent isolée (première molaire supérieure) de capriné.

33A. Georgiadou a bien voulu revoir l’ensemble de tessons et aider à en préciser le classement, et nous l’en remercions vivement. L’état très fragmentaire de ce mobilier rend difficile un classement typologique rigoureux. Son intérêt ici réside essentiellement dans sa présence en ce point du site, et il a paru utile de le présenter en détail dans son ensemble, en relation avec le contexte de fouille.

Céramique « mycénienne »

34Une proportion importante des tessons retrouvés dans l’UF 110 provient de céramiques de technique dite « mycénienne »25. Il s’agit dans la plupart des cas de tessons de panse difficiles à interpréter ; mais certains fragments (de bord, de pied, etc.) se rattachent à des formes reconnaissables, tels par exemple des cratères amphoroïdes, des cratères en cloche ou des kylix à pied. Quelques fragments portent des éléments de décor figuré (taureaux ?). Il est souvent impossible de préciser s’il s’agit de vases importés ou de productions d’ateliers « mycéniens » établis dans l’île comme on sait qu’il en existait.

Cratères

Cratères amphoroïdes (Furumark 53‑55)26

351. K96‑1462+1463. Fragments de rebord et d’anse plate de cratère amphoroïde. Mycénien (fig. 11a).

Pâte beige orangé ; engobe crème ; décor peint orangé à brun. Haut. cons. 10 ; diam. restitué 25,5 cm. Rebord plat et départ d’une anse plate verticale. Décor de feston sur le rebord.

362. K96‑1469. Rebord et col de cratère amphoroïde. Mycénien (fig. 11b).

Pâte chamois ; engobe verdâtre ; décor peint en brun‑noir, un peu écaillé. Diam. restitué 25 cm.

Cratères en cloche (Furumark 281)27

373. Fragments de panse et de bord appartenant probablement à un même cratère en cloche. Mycénien.

• K96‑1496. Fragment de panse ; pâte beige ; décor peint brun‑rouge.
• K96‑1497. Fragments de panse ; pâte beige, décor peint brun.
• K96‑1509. Deux fragments recollés de panse (fig. 11c).

Pâte beige fine ; décor peint brun à surface un peu craquelée. Larg. frg. principal 10 ; ép. 0,5‑0,6 à 1 cm. Motif de taureau (poitrail et pattes antérieures), avec remplissage de motifs de petites croix.

• K96‑1510. Fragments de panse ; pâte beige.
• K96‑1357. Bord de cratère provenant de l’UF 107 (1996). Raccord avec K96‑1509.
• Il faut sans doute y joindre le fragment K96‑1357 (trouvé dans l’UF 107 [1996]), de technique semblable, sur lequel on voit le dos d’un taureau au remplissage de petits motifs semblables.

Il s’agit probablement d’une importation mycénienne, de belle qualité.

384. K96‑1515. Fragment de cratère. Mycénien (fig. 12d).

Pâte beige fine ; engobe crème ; décor peint orangé. Haut. cons. 5,5 ; larg. cons. 5 cm. Décor intérieur : trois bandes parallèles sous le bord ; décor extérieur : personnage de profil dont il reste le bas du corps et les jambes en silhouette sombre.

Formes ouvertes

395. K96‑1508. Pied de kylix. Mycénien (fig. 12e).

Pâte beige rosé fine ; engobe crème ; peinture brun‑rouge. Haut. cons. 7,6 ; diam. base 7 cm. Pied creux évasé en bas. Décor de bandes horizontales.

Probablement importé.

406. K96‑1464+1465. Fragments de bol évasé. Mycénien.

Pâte beige rosé ; engobe crème ; peinture brun‑noir. Bol à lèvre arrondie, décorée d’une ligne, intérieur et extérieur.

417. K96‑1466. Fragment de coupe évasée. Mycénien (fig. 12c).

Pâte beige fine ; peinture rouge orangé. Haut. cons. 3 ; larg. cons. 5 cm. Tesson de panse. À l’intérieur, motifs de losanges entourant un losange quadrillé.

Importation probable (?).

428. K96‑1481. Fragment de bol. Mycénien.

Pâte beige fine ; peinture brune à noire. Fragment de bord.

439. K96‑1483. Fragment de bol à anse(s ?) horizontale(s ?). Mycénien.

Pâte orangée fine ; peinture rouge. Bord plat et départ d’anse horizontale sous la lèvre.

4410. K96‑1490. Fragment de bol. Mycénien.

Pâte beige ; peinture brune à noire. Bord. Décor de bandes horizontales.

4511. K96‑1492. Fragment de bol ? Mycénien.

Pâte beige orangé ; engobe semblable ; peinture brun‑noir. Frg. de panse ; décor figuré : deux fines pattes antérieures de quadrupède sur une bande horizontale.

4612. K96‑1511. Fragment de bol ou de cratère ? Mycénien.

Pâte beige rosé ; engobe crème ; peinture noire. Bord épaissi en bourrelet extérieur. Bande peinte à l’intérieur sous le bord.

4713. K96‑1514. Fragment de bol ou de cratère ? Mycénien.

Pâte orangée ; engobe semblable ; peinture brun‑noir. Larg. cons. 5 ; haut. cons. 2,5 ; diam. restitué ca 20 cm. Rebord à lèvre étalée. Décor de bande noire sous la lèvre à l’intérieur, et à l’extérieur reste d’un décor sans doute figuré (impossible à identifier).

4814. K96‑1471. Fragments (sans recollage) de vase ouvert. Mycénien.

Pâte orange ; engobe crème intérieur et extérieur. Diam. base 12 cm. Base annulaire.

Formes fermées

4915. K96‑1479. Fragment de cruche (ou de cratère ?). Mycénien.

Pâte beige ; engobe crème ; peinture noire. Départ d’une anse et une partie du bord et du col. Anse perforée de petits trous. Haut. cons. 14,5 cm.

Importation probable.

Fragments informes de petits vases « mycéniens » fermés, probablement importés

5016. K96‑1467. Fragment. Mycénien.

Pâte orangée ; engobe crème ; peinture marron. Belle qualité.

5117. K96‑1468. Fragment. Mycénien.

Pâte beige orangé ; engobe crème.

5218. K96‑1493. Fragment. Mycénien.

Pâte beige ; décor brun orangé. Petits traits obliques.

5319. K96‑1512. Fragment. Mycénien.

Pâte orangée ; peinture marron clair. Bandes.

Jarres commerciales minoennes

54On note la présence de restes de jarres à étrier de grande taille de provenance crétoise, destinées au transport de produits d’exportation (huile par exemple). Elles portent souvent des signes, soit peints sur le pseudo‑col, soit incisés sur l’une des anses.

5520. K96‑1473. Haut de jarre à étrier. Minoen (fig. 11d).

Pâte chamois avec de nombreux dégraissants qui ressortent en surface ; engobe beige ; peinture brune à noire, craquelée. Graffite incisé sur une anse. Haut. cons. 7,5 ; larg. cons. 17 cm. Il reste le faux col et le départ des anses.

5621. K96‑1505. Fragments de jarre à étrier. Minoen (fig. 13a).

Pâte rouge orangé ; gros dégraissant (chamotte) ; engobe crème ; peinture brunâtre. Restes de décor effacé : bandes. Faux col et anses, fragments de fond, de panse.

5722. K96‑1480. Fragment de jarre à étrier ? Minoen ? (fig. 12a).

Pâte orangée, dégraissants. Peinture noire à brune, écaillée. Diam. 12 cm. Fond plat un peu débordant.

Céramique de fabrique chypriote

58Les ateliers chypriotes sont représentés par quelques fragments de techniques Base‑Ring (ou Coarse Monochrome) et White Slip, et surtout par des fragments de céramique claire sans décor (Plain White) ou de céramique utilitaire, ou portant des traces d’un décor peint réduit à des lignes ou des bandes (White Painted), et de formes parfois difficiles à identifier.

Base‑Ring

5923. K96‑1485. Fragment de cruchon Base‑Ring.

Pâte orange à cœur gris. Rebord à lèvre évasée.

6024. K96‑1517. Fragment de cruchon (?) Base‑Ring.

Pâte grise ; engobe brun. Diam. restitué 7 cm. Base annulaire de petit vase fermé.

6125. K96‑1482. Fragment de bord, Base‑Ring ?

6226. K96‑1484. Base de forme fermée, Base‑Ring.

6327. K96‑1487. Fragment de bord, Coarse Monochrome ?

White Slip

6428. K96‑1488. Fragment de milk‑bowl, White Slip.

Pâte orange ; engobe beige ; peinture brune. Diam. bord 20 cm. Bord rentrant. Traces de décor.

6529. K96‑1498. Fragment de panse de milk‑bowl, White Slip (II ?).

Pâte grise ; engobe beige ; peinture orangée. Traces de décor.

6630. K96‑1522. Fragment de panse de bol. White Slip ?

Pâte grise.

White Painted

6731. K96‑1520. Fragment de bord. White Painted Wheelmade III ? (fig. 13b).

Pâte orange. Traces de peinture à l’intérieur. Diam. 20 ; haut. cons. 5 cm.

6832. K96‑1536. Base. White Painted (fig. 13c).

Pâte beige ; dégraissants. Traces d’une bande horizontale sur la partie inférieure de la panse. Diam. fond 7 cm.

6933. K96‑1494. Fragment de panse de forme ouverte. White Painted.

7034. K96‑1495. Fragment de panse de cratère ? White Painted.

7135. K96‑1489. Fragment de panse de petit vase fermé. White Painted ?

Pâte beige verdâtre ; peinture noire effacée.

7236. K96‑1491. Fragment de panse de petit vase fermé White Painted ?

Pâte chamois ; restes d’engobe.

7337. K96‑1531. Fragment de panse de petit vase fermé White Painted ?

Pâte chamois ; restes d’engobe.

Plain White et céramiques utilitaires

74D’assez nombreux fragments relèvent de catégories de céramiques utilitaires, qui vont des vases sans décor dits Plain White, aux grandes cuvettes plus ou moins grossières ou aux marmites dites Coarse Ware.

7538. K96‑1518. Fragments de pied creux d’une large coupe. Plain White (fig. 13e).

Pâte orange avec de nombreux petits dégraissants. Engobe crème. Haut. cons. 10 ; diam. fond 9,5 cm.

7639. K96‑1474. Grande cuvette.

Pâte orange à gros dégraissant ; engobe crème à l’extérieur ; le vase a séché sur un lit de sable. Fond plat. Diam. 25 cm.

7740. K96‑1475. Grande cuvette.

Pâte orange ; gros dégraissant. Diam. fond 20 cm. Base annulaire.

7841. K96‑1526. Grande cuvette.

Pâte beige orangé ; gros dégraissant ; fond plat épais.

7942. K96‑1500. Fragment de grande cuvette ?

Pâte grise à gris mauve ; engobe rouge intérieur. Tesson de panse ; ép. 1 cm.

8043. K96‑1537. Bord de cratère à lèvre étalée. Plain White ?

8144. K96‑1532. Fragment de cruche (?). Plain White (fig. 12g).

Pâte blanchâtre ; petits dégraissants. Diam. 11 ; haut. cons. 8 cm. Col large et rebord.

Fabrique chypriote.

8245. K96‑1516. Fragment de cruchon (?). Plain White ?

Pâte chamois. Panse et départ d’anse verticale d’un cruchon à panse globulaire aplatie ; surface endommagée. Haut. cons. 3,5 cm.

8346. K96‑1501. Fragment de panse de grand vase fermé (amphore ?). Plain White.

Pâte orange assez fine ; engobe crème extérieur.

8447. K96‑1525. Fragment de panse de grand vase fermé (amphore ?). Plain White.

Pâte verdâtre à gros dégraissant ; traces d’engobe crème extérieur.

8548. K96‑1521. Fragment de cratérisque amphoroïde (?).

Pâte ocre un peu friable. Haut. cons. 7 cm. Col et épaule ; anse du bord à l’épaule.

Probablement même vase que K96‑1530 (fragment de panse).

Pithoi ou mortiers

8649. Tessons de panse de grands vases (pithoi de stockage ? ou mortiers ?) à paroi épaisse :

• K96‑1476. Pâte rouge à brun‑noir. Ép. paroi 1,5 cm.
• K96‑1478. Pâte verdâtre ; dégraissants végétaux et minéraux.
• K96‑1502. Pâte orangée ; engobe extérieur crème ; dégraissant abondant.
• K96‑1533. Pâte beige rosé ; petits dégraissants. Ép. paroi 2 cm.

Coarse Ware

8750. K96‑1523. Marmite (fig. 13d).

Pâte grise à marron. Diam. 15 ; haut. cons. 6,8 cm.

8851. K96‑1527. Marmite ?

Pâte grise ; surface extérieure noircie par le feu. Fragment d’épaule.

8952. K96‑1486. Bol évasé ?

Pâte gris‑noir.

Jarres commerciales dites « cananéennes »

90Comme on peut s’y attendre dans une zone où se pratiquaient vraisemblablement des activités commerciales portuaires, on a trouvé des restes de jarres dites « cananéennes ». Aucune jarre complète n’est conservée, ni même des restes très représentatifs de la forme complète. On ne peut se fonder que sur l’observation matérielle de la pâte et de la surface et sur quelques caractères morphologiques parfois reconnaissables. Mais ils suffisent à démontrer la présence de ce type de récipient de transport, caractéristique pendant longtemps du commerce international de Méditerranée orientale28. Sa dimension moyenne (environ 50 à 60 cm de haut, pour une contenance qui en faisait une mesure de capacité assez régulière), la forme générale – facile à transporter pour les chargements dans les navires –, le col assez large pour faciliter le remplissage, mais relativement étroit pour être facile à obturer, le rendait indispensable dans le commerce des liquides ou des fluides (vins, huiles, grains, encens, etc.) au Bronze récent. Les cargaisons des navires en contenaient en grandes quantités, comme le montrent avec évidence à Ougarit le « dépôt aux 80 jarres » trouvé en 1931 dans un entrepôt portuaire de Minet el‑Beida, ou le chargement de 149 jarres répertoriées dans l’épave d’Uluburun au large de la côte turque29.

91Un programme d’analyses et d’étude de jarres de ce type trouvées à Memphis ou à Tell el‑Amarna, dans l’Égypte du Nouvel Empire, a été mené par l’équipe de M. Serpico, au laboratoire de l’université de Londres. Il a permis d’identifier plusieurs zones de fabrication au Levant : cinq groupes ont été déterminés en Syrie du Nord côtière, au Liban, dans la région de Megiddo et Akko, et un sixième a été localisé à Chypre, à proximité de la côte sud‑est de l’île30. Les fragments du dépôt de l’UF 110 sont un peu plus récents que le mobilier d’Amarna, mais la permanence de la forme et la diffusion géographique de ces emballages rendent crédibles des localisations dans les mêmes régions. Nous n’essaierons pas de replacer les misérables restes de l’UF 110 dans l’un ou l’autre de ces groupes, mais ils attestent au moins de la place de Kition sur les routes commerciales internationales.

9253. K96‑1472. Tesson de panse.

Pâte grise à marron ; engobe crème virant à l’orange.

9354. K96‑1477. Fragment d’épaule.

Pâte brune ; engobe extérieur beige.

9455. K96‑1499. Fragment d’épaule.

Pâte grise ; engobe crème ; dégraissants.

9556. K96‑1503. Fond de jarre (fig. 12f).

Pâte gris foncé à orange ; nombreux dégraissants. Engobe crème à l’extérieur.

9657. K96‑1504. Fragment d’anse.

Pâte ocre à cœur gris ; dégraissants.

9758. K96‑1507. Fragment de col.

Pâte ocre à cœur gris. Diam. ouverture 10 cm. Col court légèrement évasé ; lèvre épaissie extérieurement.

9859. K96‑1519. Anse.

Pâte orange à petits dégraissants.

9960. K96‑1524. Tesson d’épaule et départ du col.

Pâte noirâtre. Ép. paroi 1 à 1,5 cm.

10061. K96‑1528. Tesson de panse.

Pâte rouge à orange ; dégraissants. Engobe crème extérieur.

10162. K96‑1529. Tesson d’épaule.

Pâte ocre à orangé ; dégraissants. Engobe crème extérieur.

10263. K96‑1534. Tesson de panse.

Pâte rouge à ocre.

10364. K96‑1535. Tesson de panse.

Pâte rouge.

Autre céramique importée

Grey ware

104Un fragment de céramique grise relève probablement d’une catégorie de céramique importée, déjà attestée à Kition et dans la région31, originaire de la région côtière nord de l’Anatolie.

10565. K96‑1470. Fond annulaire de bol. Grey ware ? (fig. 12b).

Pâte grise ; lissée à l’extérieur et à l’intérieur. Diam. base 4 ; haut. cons. 3 cm.

106En définitive, si l’on fait abstraction d’une intrusion hellénistique – K96‑1525bis : fragment West Slope –, peu significative, le mobilier retrouvé au niveau le plus ancien posé sur le substrat au sud du bassin du port est tout à fait homogène. Il indique une date à la fin du xiii^e s. (Chypriote récent IIC et Chypriote récent IIIA). Qu’il s’agisse de céramique importée (Grèce, Crète, Levant, Anatolie côtière, etc.) ou de productions des ateliers chypriotes, les tessons sont malheureusement réduits à des fragments de petites dimensions provenant de récipients dont la forme est parfois impossible à restituer, éventuellement ornés de décors mutilés dont on constate au moins l’existence à défaut de pouvoir les interpréter.

107Quelques rares céramiques Base‑Ring ou White Slip, typiques des ateliers chypriotes au cours du Bronze récent, mais plus rares à la fin du xiii^e s., ont été relevées. De fabrique locale également, beaucoup de tessons appartiennent à des vases Plain White de formes peu reconnaissables.

108Les céramiques dites « mycéniennes » sont particulièrement abondantes. On y retrouve le répertoire ordinaire de cratères, de bols, de cruches, qui caractérisent aussi bien le mobilier funéraire que le mobilier domestique de la vie ordinaire dans l’habitat, et sont attestés à Kition en grandes quantités. Certains de ces fragments appartiennent à des objets d’assez belle qualité, mais leur état de conservation rend difficile dans la plupart des cas de déterminer avec certitude s’il s’agit d’importations, depuis l’Argolide ou ailleurs – le Dodécanèse par exemple –, ou s’ils proviennent d’ateliers « mycéniens », dont on sait que plusieurs étaient installés dans l’île à la fin de l’âge du Bronze.

109Il s’y ajoute les vestiges de grands vases de transport que sont les jarres à étrier provenant de Crète, dont la présence dans les sites de Chypre est bien attestée, à Kition comme ailleurs. De la même manière, les activités d’importation ou de transport se traduisent par la présence de restes de « jarres cananéennes » qu’on trouve dans les sites de toute la Méditerranée orientale au Bronze récent (Chypre, côte syro‑palestinienne, Grèce, Crète, Égypte, etc.) ; elles jalonnaient la circulation des produits alimentaires ou industriels, non seulement dans les sites côtiers levantins, anatoliens, grecs, égyptiens reliés par la mer – la cargaison de l’épave d’Uluburun en apporte le témoignage –, mais loin dans l’intérieur des terres, comme le montre l’exemple d’Amarna.

110On a donc là un reflet de ce que pouvait être l’activité d’une ville portuaire ouverte sur le monde extérieur à la fin du Bronze récent en Méditerranée orientale.

Fig. 11 – Mobilier des niveaux antérieurs au bâtiment.

Fig. 12 – Mobilier des niveaux antérieurs au bâtiment.

Fig. 13 – Mobilier des niveaux antérieurs au bâtiment.

État I (fig. 14)

UF 119 (1985) ; UF 6, 10 et 15 (1988)

111Le sol qui correspond à cet état (sol 477) a été retrouvé dans la partie sud du bâtiment : il a été dégagé dans le couloir qui borde, au nord, le mur 432. Ce niveau – auquel correspondent des sortes de bassins (de fonction inconnue) occupant les espaces entre les contreforts au pied du mur et séparés du couloir par des dalles de gypse placées de chant – est en terre battue. Il a été remblayé sur plus d’1 m à l’état II. Plusieurs UF correspondent à la fouille de ce remblai, qui fournit donc un terminus ante quem pour l’état I (UF 119 [1985] ; UF 6, 10, 15 [1988]). Le matériel est peu abondant. Il comprend des formes et fabriques géométriques et archaïques : assiette et bol White Painted (K88‑78 et K88‑80, fig. 14a‑b) et Bichrome, cruchons et bols Black‑on‑Red (K88‑55, fig. 14c), amphore à anses de panier Plain White (probablement importées de Salamine) et « bols perses », amphores commerciales importées du Levant et d’Égée. Les éléments les plus récents sont des vases à vernis noir attique dont un bol F 2232 (milieu du iv^e s.) et coupelles F 10933 (datable du iv^e s.). Parmi les importations attiques, on illustre un fragment à figures noires (K85‑317, fig. 14d). Mentionnons également des fragments de tuiles classiques et un clou de charpentier en bronze34.

112Des sondages dans le sol des rampes (sous le niveau de l’état II) ont livré un matériel peu nombreux, mais qui donne un terminus ante quem approximatif : on en présente le faciès ci‑dessous, avec l’état II.

Fig. 14 – Faciès céramique de l’état I.

État II (fig. 15)

UF 3 (1990) ; UF 51 et 56+57 (1993) ; UF 13, 14, 15 et 23 (1999)

113Le niveau de sol de l’état II (sol 827) a été mis en évidence dans la partie haute des loges, dans le secteur sud‑ouest du bâtiment (loges 494 et 731), sous celui de l’état III. Il recouvre plusieurs sols de chantier qui correspondent à la mise en place progressive de la surface d’utilisation de cette phase. On le retrouve également dans le décrochement occidental du bâtiment, à l’ouest du mur 724 (il y est inventorié comme sol 760). Un sol de l’état II, de couleur jaunâtre à grise, avec une surface de petits graviers, a également été dégagé sur la rampe 491 en 1989 (sol 710). Il était percé de fosses et les couches qui le recouvraient, perturbées, ont livré un matériel mélangé, sans intérêt pour la définition d’un terminus ante quem. Un sondage pratiqué l’année suivante dans la recharge qui supportait le sol a livré un matériel peu nombreux mais homogène : il donne un terminus post quem pour l’état II, ante quem pour l’état I.

114L’UF 3 (1990) contient le matériel recueilli dans la recharge de sol de la rampe 491, sous le niveau de l’état II (sol 710). Parmi les rares tessons on trouve quelques importations attiques : fragment de cratère à figures rouges, bol à vernis noir F 109 (iv^e s.). Un même faciès est donné par les UF 51 et 56+57 (1993), qui correspondent au remplissage de l’état II de la rampe 490 : en plus de quelques tessons résiduels (White Painted et Bichrome archaïque, dont un bord de jarre phénicienne importée : K93‑269, fig. 15d), on y a découvert des fragments de bols à vernis noir d’importation attique, d’amphores commerciales levantines et de céramique Plain White classique (dont un bord de « bol perse »35 K93‑271, fig. 15c).

115Les UF 13, 14, 15 et 23 (1999), provenant de la fouille dans le secteur sud‑ouest du bâtiment, sont également représentatives de cette phase. Elles constituent une série de recharges que séparent des sols de chantier, entre le niveau du sol de l’état I et le niveau d’utilisation du sol de l’état II (sol 827). Le matériel céramique, mêlé à de nombreux gravats provenant de la destruction de bâtiments (le premier état des rampes ?), est peu nombreux et homogène. Il comprend quelques tessons résiduels de la fin du Bronze récent (fragments de milk‑bowls White Slip et d’amphore mycénienne importée) et du début de l’âge du Fer (fragment de cruche Black Slip géométrique, bols et amphores White Painted archaïques). Les jalons datants sont donnés par un bel éventail de formes Plain White, assez répétitives : cruches à ouverture ronde (K99‑764, fig. 15a) et cruchons à corps en sac et fond plat ; petits bols peu profonds sans anse36. Les importations comportent quelques fragments d’amphores commerciales levantines (K99‑769, fig. 15b) et grecques, ainsi que des tessons de bols à vernis noir attique. Des tuiles de type classique37, peintes en rouge et qui appartenaient probablement à la couverture du bâtiment de l’état I, ainsi que des clous en bronze38 complètent l’assemblage. Le tout suggère une datation au iv^e s. av. J.‑C., peut‑être vers le milieu du siècle39.

116Il apparaît donc que les états I et II se sont succédé rapidement.

Fig. 15 – Faciès céramique de l’état II.

État III (fig. 16‑21)

Partie haute (sud) du bâtiment : UF 3‑7 et 9‑11 (1999)

117Le sol de l’état III (sol 478) n’est conservé que dans la partie ouest du bâtiment (au niveau des loges 494 et 731). En revanche, il a disparu plus à l’est où la fouille a atteint, immédiatement sous la surface moderne, les niveaux plus anciens du bâtiment (états I et II) : les perturbations modernes qu’a subies le site (et en particulier en 1879 l’arrachement d’une grande partie de la colline lors du comblement de la zone marécageuse correspondant au bassin portuaire antique) l’expliquent.

118Les couches qui documentent cet état et qui permettent de proposer une date sont de natures différentes.

119Un premier ensemble est lié à la destruction de la tête de la rampe 731 (la première à l’ouest) de l’état II, survenue lors de la mise en place de celle de l’état III. Le matériel correspondant (UF 6 et 7 [1999]) livre un faciès datable du iv^e s. av. J.‑C., en tous points semblable à celui des couches de l’état II : ce sont probablement les remblais constitutifs du sol de l’état II qui ont ici servi de recharge au sol de l’état III. On y dénombre un certain nombre de tessons résiduels datant de l’époque archaïque (fabriques White Painted, Bichrome, Red Slip et Bichrome Red), et une majorité de formes Plain White : cruches (en particulier à corps en sac et fond plat, qu’on peut dater de la seconde partie de l’époque classique), cuvettes (dont une belle série de « bols perses », bien attestés dans les niveaux classiques de la partie sud de la Bamboula)40, bols et assiettes à marli41. Un fond plat saillant pourrait appartenir à une cruche de fabrique Stroke Polished II (VII)42 : il s’agit probablement d’une importation amathousienne. Les importations extra‑insulaires comprennent des amphores commerciales levantines et égéennes (en particulier samiennes), des vases à vernis noir attique (essentiellement des bols sans anse mais aussi un fragment de cratérisque cantharoïde à panse godronnée43, K99‑448+772, fig. 16c) ainsi que des cratères à figures rouges de même provenance (fragment du méandre inférieur44 : K99‑445, et rebord à guirlande de feuilles de laurier à nervure centrale et baies45 K99‑609, fig. 16a‑b). On notera également la présence de fragments de tuiles plates d’époque classique peintes en rouge (comme dans les niveaux de l’état II où on les a interprétés comme des restes de la couverture du bâtiment de l’état I), une lampe‑coupelle, et deux fragments de quadrupèdes modelés en plein (appartenant probablement à des cavaliers de terre cuite archaïques déplacés avec la terre de remblai depuis le sanctuaire voisin)46.

120Le second ensemble, beaucoup plus abondant, comprend les remblais noyant les murs de brique, autour de la tête de rampe (UF 3 [1999]) et dans le couloir sud (UF 4 et 5 [1999]), ainsi que les couches constitutives du corps de la rampe 731, au‑dessus du sol de l’état II (UF 9, 10 et 11 [1999]). Ces dépôts renferment un matériel majoritairement classique mais des éléments plus récents invitent à les dater de l’époque hellénistique (début du iii^e s. av. J.‑C. ?).

Remblais noyant les murs de brique autour de la tête de rampe et dans le couloir sud (UF 3, 4 et 5 [1999])

121Le matériel est relativement abondant et varié. La majeure partie est résiduelle, datable de l’époque archaïque et surtout classique : fabriques White Painted (dont un pied de bol géométrique), Bichrome, Red Slip, Black‑on‑Red et Bichrome Red (cette dernière étant encore bien attestée à l’époque classique)47. Parmi les éléments résiduels figure également un certain nombre de fragments de figurines de terre cuite archaïques, provenant vraisemblablement des couches anciennes du sanctuaire voisin (tronc de cavalier modelé en plein K99‑30, fig. 16d ; fragment de dea gravida moulée en plaquette)48. La fabrique Plain White est largement dominante, déclinée en un nombre limité de formes. Parmi les vases fermés, on trouve surtout des cruches à ouverture ronde (certaines à corps en sac et fond plat)49, plus rarement à ouverture pincée. Les formes ouvertes sont nombreuses : cuvettes (dont beaucoup de « bols perses », K99‑109, fig. 17a), bols profonds à anse horizontale, bols à lèvre étalée de différents formats50 (K99‑124 à 126 et 129 à 130, fig. 16f‑j). On signalera, en outre, des fragments d’amphores à anses de panier sans doute importées de Salamine51 (col K99‑304, fond conique percé d’un trou K99‑99 et anse K99‑97, fig. 17c‑e) et des lampes‑coupelles52 (K99‑38, fig. 17g). Les productions chypriotes sont complétées par des fragments de marmites, également datables de l’âge du Fer. Plusieurs fragments appartiennent à des importations attiques d’époque classique. Il s’agit, pour l’essentiel, de bols et d’assiettes à vernis noir : le décor de cercles concentriques d’oves ou perles que surmonte une frise de palmettes liées invite à dater le fragment K99‑48 (fig. 18a) de la fin du v^e s.53 ; le fragment K99‑53 (fig. 18b), sur lequel ne subsiste qu’une frise d’oves, offre un décor plus simple, mais il doit appartenir à la même période54. D’autres fragments sont à placer au iv^e s. : on reconnaît ainsi un bord de skyphos55 (K99‑246, fig. 18c) et une coupelle F 10956 (K99‑250, fig. 18d). Le col de lécythe à fond blanc, du dernier quart du v^e s. av. J.‑C. (K99‑39, fig. 16e), illustre un type rare à Chypre dans des contextes non funéraires57. Quelques tessons appartiennent à des cratères à figures rouges (fragment de draperie K99‑54, fig. 18e). En plus de la céramique fine, les importations comprennent des fragments d’amphores commerciales importées de Grèce de l’Est et du Levant. Parmi les découvertes non céramiques, il faut signaler une tuile de dimensions complètes (55 x 65 cm), entièrement peinte en rouge sur sa face supérieure58 (K99‑311, fig. 20e) et une sculpture en calcaire représentant un bélier allongé sur un socle (KEF‑1135 = K99‑312, fig. 17f). Cette petite œuvre (10 cm de longueur) est de facture peu soignée et manque de parallèle59. L’identification de l’animal paraît à peu près sûre : malgré l’usure de la tête, on en distingue les cornes enroulées. L’objet est apparemment complet : il ne s’agit pas d’un bélier support de thymiatérion, type attesté par ailleurs à Bamboula60, et sur lequel les béliers sont représentés debout61. La datation de cette petite pièce de piètre facture est difficile : elle ne peut toutefois pas être antérieure au iv^e s. av. J.‑C., voire au début de l’époque hellénistique. Une petite statuette de calcaire presque identique provient des fouilles françaises de Salamine62 : longue de 9 cm, elle figure un bélier dans la même position allongée. La facture est si proche qu’on peut suggérer que les deux œuvres sont issues du même atelier. La statuette de Salamine a été découverte en 1966 dans le sondage Z, remployée dans un mur tardif. Elle est inédite.

122Les éléments les plus récents comprennent une panse d’unguentarium, quelques tessons à vernis noir hellénistiques (Black Glazed), des fragments de bol et de cruchon colour‑coated (iii^e s.). Le bol Plain White K99‑598 (fig. 17b) illustre aussi un type évolué, qu’on peut placer au début de l’époque hellénistique63. Mentionnons également deux petits fragments de lampe hellénistique moulée, et une base annulaire de cruche en sigillée orientale qu’il est difficile d’attribuer à une période antérieure à la fin du ii^e‑début du i^er s. av. J.‑C.64. On considère que ce dernier petit lot est intrusif.

Recharges constituant le corps de la rampe, sous le sol 478 (UF 9, 10 et 11 [1999])

123Comme les assemblages précédents, ces couches contiennent un matériel résiduel assez nombreux, des époques archaïque et classique, les éléments datants les plus récents appartenant à la première partie de l’époque hellénistique. Le tout est associé à d’abondants gravats (avec des fragments de mortiers enduits), provenant des bâtiments détruits.

124Des figurines de terre cuite archaïques étaient vraisemblablement déposées à l’origine dans le sanctuaire voisin, d’où elles ont été déplacées avec les terres de remblai. Elles illustrent des types connus, de production locale : cavaliers modelés en plein ; figurines de technique mixte65, à corps modelé et visage imprimé (série dite de Kamilarga : ici une musicienne au tambourin K99‑623, fig. 18g) ; figurines moulées de tradition phénicienne (plusieurs fragments de dea Tyria gravida66). La céramique comprend quelques tessons de fabriques décorées (White Painted, Bichrome, Black‑on‑Red et Bichrome Red).

125La céramique d’époque classique forme un lot abondant. On y dénombre des importations attiques : fragments de cratères à figures rouges (K99‑659, fig. 18f, sur lequel on devine les pieds d’un personnage féminin au‑dessus d’une frise de méandre et croix inscrite67 et pied K99‑1047, fig. 19b), bols à vernis noir. Parmi ces derniers, on note des fragments de skyphoi68 (K99‑790, fig. 19a), de bolsals69 (K99‑821, fig. 19d), ainsi que de godets et coupelles (coupelle F 10970 K99‑712, fig. 19c) et de bols (bol F 2271 K99‑791, fig. 19f). L’ensemble correspond au répertoire d’importations attiques établi à partir du matériel recueilli lors des fouilles de la partie sud de la Bamboula72. La plupart des fragments appartiennent à des bols à vernis noir dont on ne peut pas identifier la forme : le décor que porte le fond K99‑713 (fig. 19e) sur sa face externe invite à le placer dans la seconde moitié du v^e s. ; il en est de même pour le fond K99‑715 (fig. 20a) décoré d’une frise d’oves sur sa face interne ; en revanche, le motif de palmettes qu’entourent plusieurs cercles de guillochages indique une datation au iv^e s. pour le fond K99‑1048 (fig. 20b)73. Des fragments d’amphores commerciales égéennes (dont une anse rhodienne KEF‑1140 portant un timbre circulaire sans emblème à trois lettres ΑΡΕ, fig. 20c) et levantines complètent ce lot d’importations, ainsi qu’un bol (K99‑667, fig. 20d) que sa pâte dure, bien épurée, son engobe brun métallescent et le décor de bandes crème sur la surface interne caractérisent comme une production de la Grèce de l’Est74. Comme attendu, le gros du dépôt est fait de formes Plain White de fabrication chypriote, majoritairement kitienne. Les formes sont toujours les mêmes. Il s’agit essentiellement de formes ouvertes : cuvettes75 (K99‑1084, fig. 21a), auxquelles il faut ajouter une belle série de jattes (« bols perses »), différents types de bols (bols profonds à lèvre amincie, bols peu profonds à lèvre étalée, ronde ou rentrante) et d’assiettes à marli. Quelques fragments de formes fermées sont à mentionner, en particulier des cruches à corps en sac et fond plat et des amphores (dont des amphores à anses de panier de fabrication sans doute salaminienne). L’assemblage comporte enfin des fragments de céramiques à feu, que leur aspect technique (épaisseur des parois et qualité de la pâte) invite à dater de la fin de l’époque classique. La morphologie des deux exemples illustrés, avec un col court et évasé, est évoluée76 : K99‑1073 et K99‑1071 (fig. 21b‑c).

126On placera également à l’époque classique les fragments de lampes‑coupelles recueillis dans ces recharges. Il en est de même pour les fragments de tuile (tuiles plates et couvre‑joints), recouverts de peinture rouge. Les lampes tournées fermées, certaines importées, d’autres de production chypriote sont datables des iv^e‑iii^e s.77.

127Les éléments diagnostiques d’époque hellénistique sont représentés par des bols et des assiettes à engobe (colour‑coated), ainsi que par des céramiques à vernis (Black et Red Glazed), que complètent deux pieds en toupie d’unguentarium. Parmi les vases colour‑coated, les formes ouvertes sont de loin les plus nombreuses : bols à lèvre rentrante78 (K99‑793, fig. 21e) et assiettes à poisson79 (K99‑795, fig. 21f). On notera aussi dans ces couches la présence de tessons probablement intrusifs (deux fragments de sigillée orientale A datables de la fin du ii^e s. av. J.‑C.).

128Des clous en bronze et une monnaie, « probablement ptolémaïque ? »80, complètent l’assemblage.

Partie basse (nord) du bâtiment : UF 105 (1996)

129Dans la partie basse de la fouille, vers le nord (carré I 11/3‑4), un sol de l’état III (enregistré comme sol 766) a été mis en évidence dans un sondage profond réalisé à l’aide de pompes dans le prolongement de la rampe 490. La couche qui constitue la recharge de ce sol sur la rampe 490 (UF 105 [1996]) peut être datée du iii^e s. av. J.‑C. Elle comprend un peu de matériel résiduel (fragments de vase à étrier du Bronze récent et de vases White Painted archaïques), parmi lequel des formes classiques (bol à vernis noir attique K96‑132481, fig. 21g, fragments d’amphores commerciales levantines). L’éventail des formes Plain White est également caractéristique de l’époque classique. Le fragment de vase à feu (« soupière » K96‑1333a+b, fig. 21d) illustre une forme attestée dès la fin de l’époque classique82 : le profil « écrasé » de notre exemple invite cependant plutôt à le dater de l’époque hellénistique83. Les éléments les plus récents sont des fragments de bol colour‑coated à lèvre rentrante et de lagynos.

130L’état III date donc du iii^e s. av. J.‑C., si l’on excepte les quelques tessons plus récents, probablement intrusifs84. Il s’agit d’une période postérieure à la disparition du royaume de Kition (qui coïncide avec la date d’exécution de son dernier roi, Pumayyaton, en 312 av. J.‑C.). Alors que les deux phases précédentes (états I et II) semblent s’être succédé assez rapidement au cours du iv^e s., cette phase est nettement plus récente. Faut‑il supposer que le niveau de l’état II a continué d’être utilisé jusqu’à cette ultime et radicale réfection de l’état III ? ou bien faut‑il supposer une période d’abandon, dont on ne décèle guère de trace dans le bâtiment ? Inversement, comme on le verra, les niveaux qui recouvrent immédiatement ceux de l’état III, ainsi que les fosses qui, creusées depuis les premiers, ont entamé les derniers, offrent un faciès céramique très proche de celui du dernier état. L’état III n’a donc guère duré. L’analyse architecturale (chap. 5, ci‑dessous) conduit au même constat : il n’est même pas assuré que l’état III corresponde à une phase achevée du bâtiment.

Fig. 16 – Faciès céramique de l’état III.

Fig. 17 – Faciès céramique de l’état III.

Fig. 18 – Faciès céramique de l’état III.

Fig. 19 – Faciès céramique de l’état III.

Fig. 20 – Faciès céramique de l’état III.

Fig. 21 – Faciès céramique de l’état III.

Niveaux postérieurs à l’usage du bâtiment (fig. 22‑23)

131Dans la partie nord de la fouille (carré I 11/3‑4), un sondage profond pratiqué à l’aide de pompes a permis de mettre en évidence un sol de grève (sol 765) sur lequel a été déposé un comblement d’époque impériale (ce riche matériel est étudié ci‑dessous, chap. 7).

132On se contentera de présenter ici le matériel découvert dans la partie haute (sud) du bâtiment, dans plusieurs contextes qui paraissent, d’après la stratigraphie, avoir succédé assez rapidement à la dernière phase d’utilisation des rampes (état III), et qui sont donc susceptibles de fournir un terminus ante quem. Il s’agit d’un dépotoir qui recouvrait la rampe 731, de plusieurs fosses qui en ont entamé le sol et de tranchées de spoliation destinées à récupérer des blocs du bâtiment dans la même zone. Le faciès céramique est très proche de celui de l’état III, datable du iii^e s. av. J.‑C.

Dépotoir

133Dans la partie sud‑ouest, à l’occasion de l’exploration d’un petit établissement hellénistique (dans les carrés K 7 et J 7), on a fouillé un dépotoir qui recouvrait la rampe 73185. La relation, topographique et stratigraphique, entre cet établissement et le bâtiment des neosoikoi mérite, par ailleurs, quelques remarques. D’après le fouilleur, l’altitude du bâtiment préservé dans l’angle sud‑ouest était supérieure ou égale à celle des sols hellénistiques les plus récents. Il en déduit que, visibles, les murs ont pu être réutilisés dans le bâtiment hellénistique. Quant à la portion supérieure de la rampe 731, située à l’extérieur du bâtiment hellénistique mais à un niveau également supérieur à celui de ses sols, elle était aussi visible et servait de lieu de rejet : les couches du dépotoir en suivaient exactement la pente. Les éléments les plus récents du matériel rejeté datent du iii^e s. av. J.‑C. (bols colour‑coated et base d’unguentarium) mais la majorité est attribuable à l’époque classique (iv^e s.)86. Le fouilleur en conclut que le dépôt a commencé d’être constitué à la fin du iv^e s. (ce qui fournirait donc un terminus ante quem pour l’abandon des neosoikoi), puis que la zone aurait cessé d’être utilisée comme poubelle au cours du iii^e s. Toutefois, on l’a vu, le faciès céramique de l’état III des rampes est similaire à celui de ce dépotoir : il comprend certes une majorité de matériel classique, mais aussi un certain nombre de formes et de productions hellénistiques qui en ancrent la datation au iii^e s. Plutôt qu’un dépôt de constitution progressive, il faut donc envisager un dépôt rejeté en une fois, dans une période qui a suivi de peu l’installation de la rampe elle‑même et son abandon rapide.

Fosses creusées dans le sol de la rampe 731 (UF 16, 17, 19, 22, 24, 25 et 26 [1999])

134Le matériel recueilli dans les UF 16, 17, 19, 22, 24, 25 et 26 (1999) est relativement peu abondant. Il comprend quelques éléments résiduels de l’époque archaïque, parmi lesquels on signalera une tête de figurine modelée en plein de style kitien87 (K99‑849, fig. 22a), ainsi qu’un cruchon Bichrome et une assiette Red Slip d’importation phénicienne.

135La majeure partie de l’assemblage est constituée de céramiques d’époque classique, productions locales et importations. Parmi ces dernières, on trouve des fragments de bols à vernis noir attique, un fragment de cratère attique à figures rouges et des amphores commerciales égéennes et levantines. Les productions chypriotes d’époque classique sont de fabrique Plain White : fragments d’amphores, de cruches, de cuvettes (dont des « bols perses ») et de bols. Quelques tessons appartiennent à des céramiques à feu (marmites et couvercle). Des fragments de tuiles plates peintes en rouge complètent ce lot d’époque classique.

136Les éléments diagnostiques les plus récents datent de l’époque hellénistique : fragments de cruches, bols (K99‑913, fig. 22c) et plats à engobe (colour‑coated) ; bols à lèvre rentrante (K99‑912, fig. 22d) et assiettes88 (K99‑1433, fig. 22b) à vernis noir (Black Glazed) ; unguentarium Plain White. On note aussi un petit fragment de drapé appartenant à une figurine moulée hellénistique89. Ajoutons enfin un tesson de bol en sigillée orientale A (intrusif ?).

Tranchées de spoliation (UF 20 et 29 [1999])

137L’assemblage livré par les UF 20 et 29 (1999) est similaire à celui des fosses. Le matériel résiduel couvre une période plus large, avec non seulement des tessons archaïques mais aussi des fragments du Bronze récent (Base‑Ring et Proto‑White Painted). On illustre ici une assiette Bichrome phénicienne d’époque archaïque90 (K99‑1007, fig. 22e).

138Un grand nombre de formes et fabriques sont datables de l’époque classique. On y dénombre des importations attiques, notamment des bols à vernis noir de type F 2291 (K99‑1003 à 1005, fig. 22f et 23c‑d), ainsi qu’une base que son décor invite à dater de la fin du v^e s.92 (K99‑1006, fig. 23a). Des amphores commerciales grecques et levantines complètent ce lot d’importations. Les formes Plain White d’époque classique comprennent des cuvettes (dont des « bols perses »), différents types de bols et des assiettes à marli. On trouve également dans ces niveaux des tessons de céramique à feu (marmites et couvercle), des fragments de tuiles plates peintes en rouge et plusieurs clous en bronze.

139Le matériel d’époque hellénistique est composé de céramiques à engobe (colour‑coated) et à vernis (Red et Black Glazed), pour l’essentiel des formes ouvertes : une assiette à poisson (K99‑1012, fig. 23f) et un bol à lèvre rentrante (K99‑1014, fig. 23b) appartiennent à la première catégorie technique ; une assiette à lèvre repliée (K99‑1013, fig. 23e) à la seconde. Plusieurs lampes tournées fermées fragmentaires datent des iv^e‑iii^e s. Signalons enfin la présence d’un tesson de sigillée orientale A.

Fig. 22 – Niveaux postérieurs aux neoria.

Fig. 23 – Niveaux postérieurs aux neoria.

Description des ruines93

140Les cales à bateaux de Kition‑Bamboula ont été construites en contrebas de l’extrémité nord d’une grande cour d’époque classique où elles ouvraient sur le bassin du port94. Elles se composent aujourd’hui de sept loges parallèles séparées l’une de l’autre par des lignes de sept piliers destinés à porter une toiture (fig. 8). La limite du bâtiment est assurée du côté ouest, elle demeure plus incertaine à l’est, où les ruines sont fortement dégradées. L’achèvement de la fouille de cette zone, rendue possible par le déménagement des terrains de tennis en 2021, suggère toutefois que le bâtiment ne possédait pas plus de sept loges (infra).

141La description qui va suivre sera simplement celle des vestiges tels qu’ils ont été mis au jour par la fouille, sans tentative de reconstitution (infra, fig. 63‑64)95. On remarquera cependant que la fouille a révélé l’existence de trois états principaux (I, II et III) durant l’utilisation de ces installations (voir supra pour leur datation). On se contentera ici de les mentionner sans toutefois les interpréter. Ce sera fait plus loin dans le chapitre consacré au fonctionnement des neosoikoi (infra, chap. 5).

142Après la description du mur de soutènement ou mur de fond (432) qui les limite au sud, on décrira successivement de l’est vers l’ouest les rampes et les piliers qui les séparent ainsi que différents aménagements situés à l’extrémité ouest et nord‑ouest du bâtiment.

Soutènement sud : le mur 432 et ses aménagements

143Situé du côté sud, le mur 432 est un puissant mur de soutènement destiné à retenir les terres de la grande terrasse méridionale tout en formant le mur de fond de l’ensemble du bâtiment (fig. 24‑25). Ce mur a été utilisé pendant toute la durée d’existence du bâtiment, mais on peut noter que sa face nord a été progressivement remblayée aux différents états (II et III). Il est encore visible sur une longueur de 35,50 m et son épaisseur moyenne est de 0,80 m. Sa hauteur, qui est conservée à l’ouest, est de 3,50 m. Tous les 5 à 5,10 m, il est renforcé par des contreforts placés des deux côtés du mur (au nord, 0,80 x 0,70 m ; au sud 0,80 x 1 m). Ces contreforts marquent la limite entre les différentes travées ou loges dans lesquelles étaient installées les rampes des trois états.

Fig. 24 – Le chantier en 1987. La tranchée de fondation du mur 432 est visible à l’est, sous le fond de la tranché 436.

Fig. 25 – La limite sud des neosoikoi en 1989 : à gauche, le mur 432 et ses contreforts ; à droite, les têtes de rampes séparées du mur par un couloir.

144Du point de vue technique, ce mur est parfaitement homogène. Sa base est directement établie sur le substrat, sans aucune fondation ou, du côté est, dans des restes de couches plus anciennes qui ont été légèrement entaillées (avec une tranchée de fondation de faible profondeur et de 0,70 m de large, locus 442, fig. 24). Sur la face nord, seule visible à l’origine, on trouve d’abord un parement fait de trois assises d’égale hauteur en gros blocs assez réguliers en grès d’origine marine très soigneusement jointoyés au mortier. Les contreforts, chaînés au mur, présentent le même appareil. On trouve ensuite une assise de dalles régulières en gypse (marmaro) qui constituait un premier réglage. Au‑dessus, ce sont trois assises qui, bien qu’un peu plus hautes, sont identiques à celles de la partie inférieure. Enfin, le sommet du mur, ainsi que les contreforts, étaient couronnés par une seconde assise de réglage en dalles de gypse. Tout le côté sud du bâtiment a été endommagé par une longue tranchée est‑ouest correspondant à une fouille ancienne (tranchée 436)96 qui a littéralement coupé le site en deux parties avec comme conséquence la destruction de tous les repères stratigraphiques. Le parement sud du mur 432 et les contreforts qui lui correspondaient n’étaient pas visibles. Ils sont construits en moellons grossiers liés au mortier97. Du côté nord, qui était seul visible, on remarquera, dans la travée en face de la loge 494, des mortaises se faisant face, creusées au sommet des faces internes des contreforts, ainsi que deux trous symétriques dans la paroi du mur (fig. 26‑27). Un tel dispositif a aussi existé dans la travée en face de la loge 491 où une mortaise existe dans le contrefort ouest. Du côté est, le mur 432 est détruit et plus rien n’est visible. En revanche, cet aménagement ne semble pas avoir existé à l’ouest, face à la loge 731. Tout ce dispositif doit donc dater de l’état I. Enfin, on remarquera, sur le contrefort qui sépare l’axe des loges 494 et 731, un bloc scellé sur la seule dalle subsistante de l’assise de réglage en gypse qui couronnait le mur 432 et les contreforts. Ce bloc qui, aujourd’hui, paraît bien isolé est le seul vestige d’un des piliers qui, du côté sud, portait la couverture du bâtiment.

Fig. 26 – Mortaise dans le contrefort nord du mur 432, état en 1993.

Fig. 27 – Mortaise dans le contrefort nord du mur 432, état en 1989. Au fond du couloir (dégagé jusqu’au niveau de sol de l’état I), la rampe 494.

145Dans son ensemble, ce mur 432 est très inégalement conservé. À l’ouest, face aux loges 731 et 494, il est encore à peu près complet en hauteur. L’assise supérieure de dalles de gypse n’existe plus que sous le pilier qui surmonte le contrefort séparant les deux travées, sous le bloc qui devait appartenir au pilier qui supportait la toiture du bâtiment. Face aux loges 491 et 490, les trois assises inférieures sont encore en place. Enfin, plus à l’est, face aux loges 488 et 459, il a entièrement disparu, mais son tracé est parfaitement repérable au sol98.

146Il existait enfin des aménagements qui ne correspondent qu’à l’état I. Ce sont des sortes de bassins ou de cuves situés au pied du mur de soutènement, entre les contreforts (fig. 2). Ils mesurent chacun 5,10 m sur 0,60 m. Leurs parois sud, est et ouest sont formées par le mur et les contreforts. Du côté nord, ils étaient séparés du couloir de circulation est‑ouest par des parapets faits de dalles de gypses placées de chant. Elles ont toutes disparu et seuls leurs arrachements le long des contreforts permettent de les restituer (prof. des bassins 0,80 à 0,90 m). Enfin leurs fonds sont faits de dalles de gypse soigneusement jointoyées.

147Entre le mur de soutènement (432) et les têtes de rampes, on trouve un espace de circulation est‑ouest large d’environ 1,15 m formant une sorte de couloir (fig. 25). À l’état I, le sol de ce couloir était situé à une altitude moyenne de 2,70 à 2,75 m (sol 477) ; il est en terre battue. À l’état II, il sera nettement rehaussé (sol 827) et, à l’ouest, où il subsiste encore (travées 731 et 494) à environ 3,80 m d’altitude, il est en légère pente de l’ouest vers l’est. Enfin, à l’état III, il était à la même altitude que le sommet du mur 432, au moins dans la partie occidentale où il est conservé (sol 478 à 5,75 m).

Les loges

148À présent décrivons successivement les sept loges conservées qui, chacune, abritait une rampe. Peut‑être à l’état I et certainement à l’état II ces rampes étaient longues de 35,80 m99. Quant à l’état III, la seule rampe sûrement conservée (731) devait avoir une longueur de 37,70 m100. Ces loges étaient séparées l’une de l’autre par une série de sept piliers construits dans l’axe des contreforts du mur 432 (fig. 63). Ces piliers ont une forme rectangulaire allongée d’orientation nord‑sud et ils devaient porter la couverture du bâtiment. On notera aussi que les piliers placés à l’extrémité sud de chacune des rangées sont plus longs que les suivants (3,50 m contre 2,60 m en moyenne).

La limite est du bâtiment (fig. 28)

149La campagne de 2021 a permis de dégager la limite orientale probable du bâtiment. Une base de pilier (locus 934), très bien conservée, appartient à une ligne de supports de toiture qui prouve l’existence d’une septième rampe, qu’elle bordait à l’est. Cette base, légèrement trapézoïdale, mesure 0,75 m de large à son extrémité nord, 1 m de large à son extrémité sud, sur une longueur de 3,06 m. Elle est constituée d’un bloc de calcaire monolithe, épais de 0,40 m, avec des excroissances du côté est et qui repose sur un soubassement faisant saillie du côté nord. Ce dernier est lui-même établi sur un radier de petits blocs, probablement destiné à drainer l’eau. Ce massif, très bien construit, montre qu’on devait se trouver dans une zone humide, nécessitant de solides fondations pour éviter que la base ne s’enfonce dans le substrat. C’est un indice que la ligne de rivage devait être proche. La solidité du support s’explique également si, comme on le suppose, la base constituait un angle du bâtiment.

Fig. 28 – Vue générale des sondages ouverts en 2021. De gauche à droite : base de pilier 934, mur 947 et muret 941 (A. Rabot).

150On n’a pas recherché à dégager la septième rampe, à l’ouest du locus 934. Mais on rappellera que nous avions pratiqué à un peu plus de deux mètres à l’est du pilier 453 un sondage limité. C’était en 1976, à une époque où nous ignorions absolument tout de la présence voisine des neosoikoi. Le seul résultat de ce sondage fut la mise au jour d’un gros bloc de conglomérat grossier qui peut très bien avoir appartenu à la tête de la rampe.

151La base 934 est située à la hauteur de la deuxième rangée de piliers. Les sondages antérieurs, qui ont porté sur l’emplacement présumé de la base de la première rangée de piliers, ont été infructueux. Il n’est d’ailleurs pas certain qu’il y ait eu à cet endroit une ligne complète de sept supports successifs. Par symétrie avec la fermeture du bâtiment du côté ouest, on en propose six, avec un mur de refend faisant retour vers le nord (fig. 8). Aucune trace de ce dernier n’a toutefois été mise en évidence, et il reste hypothétique. Tel qu’on le restitue sur la fig. 8, ce mur formerait un angle droit avec le mur 947 (conservé) à environ 0,50 m de la base de pilier : l’angle symétrique, du côté ouest, est situé à 1,64 m de la base.

152À l’est de la base 934, un mur d’orientation est-ouest, fait de beaux blocs réguliers de grès sableux (locus 947), forme un angle chaîné avec un muret d’orientation nord-sud (locus 941). Ce dernier pourrait être une base de pilier, appartenant à une hypothétique ligne bordant à l’est une huitième loge. Cela paraît toutefois peu probable. Le muret 941 est, en effet, plus long que les bases dégagées. Son appareil est également bien différent : il s’agit d’un massif de blocailles liées au plâtre, dense et épais (la base n’a pas pu en être dégagée en raison de la présence de la nappe phréatique). Par ailleurs, aucune trace de rampe n’a été décelée dans l’espace compris entre la base 934 et le muret 941, qu’occupe le mur 947. Si l’interprétation proposée est la bonne, il faut donc restituer du côté est un mur discontinu, fait de longs murets supportant des piliers. Il n’y aurait là rien de surprenant : le bâtiment avait besoin d’être bien aéré et du côté est, contrairement au côté ouest, le mur de fermeture ne servait pas également de mur de soutènement de terrasse.

153L’ensemble restitué n’offre pas une symétrie parfaite, mais la configuration du terrain, à l’ouest (terrasse) et à l’est (plage) est dissemblable. Par ailleurs, un dernier sondage implanté à l’est a révélé un comblement entièrement moderne, jusqu’à la nappe phréatique. Il semble donc probable que le bâtiment ne se poursuivait pas davantage, et qu’on se trouvait déjà, à cet endroit, dans l’eau.

Ligne est de la rampe 459 : piliers 453 et 474

154Comme les piliers qui devaient le suivre au nord, le pilier 453 a été édifié dans une longue tranchée de fondation creusée dans un sol de chantier de l’état I. Il est long de 3,70 m et large de 0,80 m. Il est construit en blocs aux calibres variés de carreaux irréguliers et de boutisses. Contrairement aux autres piliers d’extrémité sud, celui‑ci est un peu plus long (3,70 m) et, surtout, par rapport aux autres, il est décalé de 0,70 m vers le sud.

155Le pilier suivant (474) a presque complètement disparu. À son emplacement, on ne voit plus qu’un gros bloc de conglomérat irrégulier qui a pu lui servir de fondation. Par comparaison avec les autres piliers, il aurait dû mesurer environ 2,65 m sur 0,80 m et être placé à 3,10 m au nord du pilier 453. Au‑delà, le terrain n’a pas été fouillé.

Rampe 459 – états I et II (fig. 66)

156La partie construite des rampes de l’état I était courte (10,60 m environ) et étroite, avec un plan légèrement trapézoïdal large de 1,70 m au sud et 1,90 m au nord. En outre, elle était pourvue de profondes feuillures latérales (0,30 m de large).

157La rampe 459 est extrêmement détruite et les quelques vestiges qui en subsistent correspondent uniquement aux états I et II (fig. 29). Aussi, vu son état, elle n’a été dégagée que dans sa partie sud.

Fig. 29 – La tête de la rampe 459 lors de son dégagement en 1987.

158Il ne subsiste aujourd’hui que la base de sa tête faite d’un parement de gros blocs maçonnés avec un remplissage de moellons et de terre noyé dans du mortier. Dans l’axe de sa face sud, le long du couloir est‑ouest, on trouve une console monolithe en saillie.

159De part et d’autre du massif subsistant de la rampe, trois marches reliaient ce dernier aux premiers piliers sud de la couverture (453 et 476). À l’est, il n’y a qu’une seule marche faite de dalles de gypse maçonnées, et on remarquera que le pilier 453 est en partie construit sur cette dernière. À l’ouest, on trouve trois marches qui sont détruites par une fosse avant leur jonction avec le pilier occidental (pilier 476).

160Les rampes du deuxième état étaient des constructions beaucoup plus importantes. Elles consistaient en deux murs de soutènement construits de part et d’autre des premières rampes et se prolongeant sur toute la longueur des installations, soit 35,80 m environ. Ces murs, selon les rampes, étaient construits soit en pierres, soit en briques crues avec, entre eux, un remplissage où se mêlaient les moellons, la terre et le mortier. Elles étaient recouvertes par un sol bombé et damé de terre argileuse bien homogène qui se prolongeait d’une rampe à l’autre entre les piliers, avec pour conséquence une élévation générale des sols intérieurs. À leur extrémité sud, seule la tête très relevée des rampes émergeait au‑dessus de ce nouveau sol.

161Les aménagements de ce deuxième état ne sont plus guère visibles pour la rampe 459. Au sud, de part et d’autre de la tête de la rampe de l’état I, on voit encore deux blocs maçonnés appartenant aux murs latéraux de l’état II. Ils sont plaqués contre le massif et empiètent sur les marches latérales de l’état I. Du côté est, un peu plus au nord, il subsiste un petit tronçon du mur de doublage avec quelques restes du remplissage de petits moellons qui recouvre la rampe à peine visible du premier état. Plus au nord, comme on ne distinguait plus rien dans la paroi, la fouille a été interrompue à 9,50 m au nord de la tête de la rampe.

162Il existait encore d’autres aménagements de l’état II qui ne sont plus visibles ici ; ils seront évoqués plus loin. On notera enfin que, si l’état III a existé ici, il n’en subsiste absolument plus rien.

Pilier commun aux loges 459 et 488 : pilier 476 (fig. 66)

163Un seul pilier commun aux deux loges, le pilier 476, au sud, a été dégagé. Il est presque complètement détruit par une grande fosse tardive qui a endommagé l’escalier ouest de la loge 459, le pilier et une grande partie de la tête de la rampe 488.

164Du pilier, il ne subsiste que deux blocs appartenant à ses fondations. Ils sont situés à 0,40 m sous le niveau du couloir de l’état I. Au nord, la suite de la ligne de piliers, si elle existe encore, n’a pas été dégagée.

Rampe 488 – états I et II (fig. 67)

165La tête de la rampe 488 de l’état I a été presque complètement arrachée, sauf son extrémité sud‑ouest. Le gros bloc de conglomérat qui formait son angle sud‑est subsiste encore, mais il est renversé et, on y voit deux trous faits par les coins utilisés en vue de son débitage par des récupérateurs de pierres (fig. 30). Plus au nord, en revanche, cette rampe est très bien conservée, mais elle n’a pas été complètement dégagée (8,30 m sur 10,60 m qui correspond à la longueur totale de la partie construite des rampes de l’état I). À l’est, l’escalier qui reliait cette rampe au pilier 476 a complètement disparu, arraché par la fosse. En revanche à l’ouest, vers le pilier 707, il est parfaitement conservé.

Fig. 30 – La tête de la rampe 488, en 1987. À droite, le bloc de conglomérat avec les deux trous laissés par les coins de débitage.

166À l’état II, une nouvelle rampe est venue recouvrir celle de l’état I. À l’est, il ne subsiste plus rien sauf au nord où on voit encore, dans la paroi orientale de la fouille, le revers des moellons maçonnés appartenant au soutènement oriental. En revanche, du côté ouest, le soutènement est mieux conservé à la tête de la rampe et il est même à peu près complet dans la partie dégagée au nord. Il est lui aussi construit en moellons solidement maçonnés. Dans cette partie nord de la rampe, le sol de l’état II a été enlevé par la fouille pour mettre en évidence la rampe de l’état I (sol 477). Toutefois, dans la paroi nord, on lit encore très bien la ligne bombée que dessine son sol en terre argileuse (ép. 0,25 m) et le remplissage très dense de terre et de petites pierres qu’il recouvre.

Piliers communs aux loges 488 et 490 : 707 (états I et II), 755, 754, 780

167Sans être complète, c’est l’une des lignes où nous avons dégagé le plus de piliers en place : quatre sur sept.

168Au sud, le pilier 707 est conservé. Sa première assise du côté sud est encore en place. Elle est faite en gros blocs maçonnés et couverts par un lit de mortier au plâtre ; le pilier est construit directement sur la seconde marche de l’escalier qui relie les loges 488 et 490101. En revanche, au nord, ce pilier est détruit jusqu’aux fondations. Tout cet ensemble appartient à l’état I.

169Le long de ses faces est et ouest, le sol de l’état I a été exhaussé par un remblai de terre et de gravats sur lequel on a disposé à plat trois dalles de gypse. Elles sont placées à une altitude supérieure aux marches de l’escalier (altitude 3,30 m ; marches à 3,05 m). À l’extrémité nord du pilier, les dalles sont placées sur des moellons qui étaient masqués par le remblai. Ces aménagements appartiennent à l’état II.

170Le pilier suivant a disparu. Puis vient le pilier 755 dont il ne reste qu’un bloc de l’assise de fondation au nord. Le pilier suivant a aussi disparu. Il est suivi par le pilier 754 dont il subsiste deux assises en gros blocs maçonnés au sud et une seule au nord. Le pilier suivant (780) a été fouillé grâce à des pompes sous le niveau de la nappe phréatique et n’a pas été complètement dégagé (fig. 31). Il en reste trois blocs de la première assise. C’est là qu’un reste du sol de l’état III a été repéré (sol 766). Quant au dernier pilier, correspondant à l’extrémité septentrionale du bâtiment, il n’a pas été fouillé.

Fig. 31 – Sondage ouvert en I 11 en 1996. Au premier plan, le pilier 780 ; à l’arrière-plan, le pilier 764 ; entre les deux : les murs de soutènement de la rampe 490 à l’état II.

Rampe 490 – états I et II (fig. 67‑68)

171La rampe 490 de l’état I est encore à peu près complète (fig. 32). Seule la partie relevée de sa tête est détruite ainsi que la petite console maçonnée placée dans l’axe de sa face sud. Comme les précédentes, cette rampe est construite avec deux parements en blocs solidement maçonnés avec un remplissage très dense de petits moellons, de terre et de mortier. L’ensemble est encore recouvert d’un enduit au mortier de plâtre blanc. On remarquera aussi, au lit d’attente de sa feuillure latérale ouest, la présence d’un bloc perforé qui est peut‑être une petite ancre remployée (fig. 33). Enfin, à l’est et à l’ouest, les petits escaliers de trois marches en gypse qui la reliaient aux piliers 707 (est) et 708 (ouest) sont parfaitement conservés.

Fig. 32 – La rampe 490, état en 1989. On distingue dans la berme nord le sol bombé de l’état II.

Fig. 33 – Ancre remployée dans la rampe 490.

172La rampe de l’état II, bien qu’incomplète, est celle dont on peut le mieux analyser la structure (fig. 34‑35). Elle était formée par deux murs de soutènement en pierres maçonnées plaqués contre la rampe de l’état I. Puis ces murs se prolongeaient, en s’abaissant progressivement jusqu’à l’extrémité nord du bâtiment. Elle avait un plan trapézoïdal très allongé long de près de 36 m, large de 3,20 m au sud et 4,30 m au nord. On remarquera déjà que l’ensemble de ces murs, mise à part la tête de la rampe, n’était qu’une armature complètement masquée par du remblai disposé aussi bien sur la rampe que de part et d’autre de cette dernière. Le tout était recouvert par un sol damé qui constituait le niveau de l’état II (sol 827).

Fig. 34 – Le bâtiment vu du nord en 1997. À gauche, la rampe 490 : partie construite de l’état I et murs de soutènement de la recharge de sol de l’état II ; à droite, la rampe 491.

Fig. 35 – Vue aérienne des rampes 490 (au premier plan) et 491 en 1993. On distingue, de part et d’autre de la partie construite de la tête de la rampe 490 de l’état I, les murets délimitant la rampe de l’état II.

173Au sud, les têtes des murs de l’état II ont disparu de part et d’autre de la rampe de l’état I. Elles devaient être faites de gros blocs de conglomérat qui ont été récupérés. Toutefois, les traces de leurs arrachements sont encore parfaitement visibles sur les marches des escaliers latéraux où les joints de mortier subsistent. Plus au nord, ces soutènements noyés sont encore bien conservés. Ils sont construits en moellons avec, par endroits, des blocs plus importants dont certains sont manifestement des remplois. Ces murs latéraux ont été complètement dégagés sur une longueur de 18,50 m puis, plus au nord, on les retrouve entre les piliers 780 et 764 dans le sondage pratiqué au pied du court de tennis. Naturellement ils se prolongeaient jusqu’à l’extrémité nord du bâtiment.

174C’est dans cette même zone nord qu’a été mise en évidence l’existence d’un sol attribuable à l’état III (sol 766), sur la rampe de l’état II.

Piliers communs aux loges 490 et 491 : 708 (fig. 36 et 69), 751, 752 et 764

175Dans cette ligne aussi on voit encore quatre piliers sur sept. Cette zone permet également une observation intéressante : on remarque ainsi que le bâtiment est scindé en deux parties à l’état II. On constate en effet une rupture dans le niveau du sol correspondant.

176En ce qui concerne l’état I, il n’existe aucune différence avec les lignes situées plus à l’est. Le premier pilier (708) repose lui aussi sur la deuxième marche de l’escalier qui reliait les rampes 490 et 491 avec, là aussi, une fondation en pierre (fig. 36). Au sud, ce pilier est assez bien conservé et on y remarque, à environ 0,25 m au‑dessus de la troisième marche de l’escalier, des logements circulaires creusés dans les deux faces (diam. 0,11 m ; prof. 0,16 m) qui, on le verra, existent ou ont existé à l’état I sur tous les premiers piliers de chaque ligne. Plus au nord, on voit encore le fond d’un de ces logements sur la face ouest.

Fig. 36 – Pilier 708, face ouest (fouilles 1993).

177Comme le premier pilier de la ligne précédente (pilier 707), ce pilier 708 (fig. 36 et 68) est bordé de chaque côté (est et ouest) par des dalles de gypse correspondant au surhaussement du sol à l’état II. Mais il est intéressant de constater ici une différence de niveau entre ces dalles (fig. 37). À l’est, elles sont placées à une altitude d’environ 3,30 m à 3,40 m et, à l’ouest à 3,90 m, soit une différence de 0,50‑0,60 m. Au sud du pilier, on trouve un mur ou plutôt un massif de moellons liés au mortier de plâtre épais d’environ 1,20 m qui barre en partie le couloir de circulation de l’état I. À l’est, sa base repose directement sur le sol de l’état I (sol 477). En revanche à l’ouest, il est situé à 0,60‑0,65 m au‑dessus de ce sol. En outre, le sommet de ce mur se trouve à peu près à la même altitude que la rangée ouest des dalles placées à l’état II le long du pilier 708 (environ 3,90 m). Dans un premier temps, nous avions considéré qu’il s’agissait d’un blocage de pierres correspondant aux travaux de rehaussement général des sols à l’état III. Toutefois, comme on le verra, les aménagements du troisième état se sont presque toujours faits à partir du sol II. Or, ici ce mur repose à l’est sur le sol de l’état I. Il serait donc préférable de l’attribuer à l’état II où il constituait une sorte de soutènement, probablement noyé, qui renforçait le sol de l’état II là où on constate une différence de niveau à l’intérieur du bâtiment. Dans le même but, on a construit, à l’extrémité nord du pilier 708, des murs qui reliaient entre elles les rampes 490 et 491 de l’état II. Ces murs, qui devaient être eux aussi des soutènements noyés, sont construits en petits moellons à l’est et en blocs plus importants et plus réguliers à l’ouest, marquant ainsi la différence de niveau et de structure entre les deux parties du bâtiment.

Fig. 37 – La rampe 491, état en 1990. À gauche, le pilier 708 cerné des dalles marquant le niveau du trottoir de l’état II : la dalle ouest est située à une altitude plus élevée que la dalle est.

178Enfin, il existe un autre mur, en briques (mur 489, fig. 69), que nous avions peut‑être démonté un peu rapidement au tout début de l’exploration (1987) en l’attribuant à une période plus récente que le bâtiment et qui doit appartenir, lui, aux travaux d’exhaussement des sols de l’état III. Ce mur (ép. env. 0,40 m) barrait le couloir de circulation à environ un mètre à l’est du massif de moellons que nous venons d’attribuer à l’état II. Sa base, située à environ 3,80 m d’altitude, correspond au sol de l’état II (sommet à 4,57 m).

179Le pilier qui suit 708 au nord a disparu. Puis vient le pilier 751 qui est encore bien conservé au sud où il est recouvert d’un lit d’attente de mortier au plâtre pour une dalle de gypse ; le bloc qui forme sa partie nord a basculé en partie. Plus loin, le pilier 752 n’a pas été entièrement dégagé. Son extrémité sud, faite de deux blocs superposés, dépasse de la paroi nord de la fouille. Le pilier suivant, s’il existe, n’a pas été recherché assez profondément (sondage 5, 1995, rebouché). Le sixième pilier (764) a été retrouvé sous le niveau de la nappe phréatique dans la partie ouest du sondage (fig. 31). Il n’en subsiste que la base faite de blocs et de moellons. Quant au dernier pilier au nord, il n’a pas été recherché.

Rampe 491 – états I et II (fig. 67)

180La rampe 491 de l’état I est presque complète (fig. 38‑39). Seul manque le bloc sommital, à section triangulaire, de la partie relevée de sa tête au sud. Comme les autres, elle est construite en grands blocs assez variés solidement maçonnés avec le même remplissage de petits moellons noyés dans du mortier. Du côté sud, la console axiale est en place (fig. 39). L’ensemble est encore en grande partie recouvert par un enduit de plâtre blanc. À l’est et à l’ouest, les escaliers de trois marches qui la reliaient aux rampes 490 (est) et 494 (ouest) sont l’un et l’autre complets.

Fig. 38 – La rampe 491, état en 1989. Au premier plan : la rampe de l’état I ; au fond, le sol de l’état II maintenu par ses deux soutènements latéraux en briques.

Fig. 39 – La rampe 491, en 1989 : la console axiale en place.

181La rampe de l’état II a presque complètement disparu aujourd’hui. D’une part, elle était assez mal conservée du côté sud et, d’autre part, elle a été en grande partie démontée au nord pour dégager celle de l’état I. Au sud, la base de cette rampe reposait sur un socle en pierres plaqué de part et d’autre du massif de la tête de la rampe de l’état I en empiétant sur les marches des escaliers. Au‑dessus, ses soutènements latéraux étaient entièrement construits en briques crues et se prolongeaient avec une pente régulière, probablement jusqu’à l’extrémité nord du bâtiment. On rappellera aussi que les murs latéraux en briques de cette rampe, comme ceux des suivantes d’ailleurs, n’étaient que des soutènements noyés. En effet, à l’origine, le sol de l’état II recouvrait l’ensemble du bâtiment et seuls émergeaient de ce sol les têtes de rampes de l’état II et les piliers qui portaient les couvertures. Plus au nord, la rampe elle‑même n’était visible que grâce à un bombement plus marqué du sol le long de son tracé.

182Au début de la fouille, nous avions dégagé la rampe de l’état I en démontant ce qu’il restait de celle de l’état II sur une longueur d’environ 7,70 m vers le nord. Au‑delà, nous avions conservé la rampe de l’état II encore recouverte de son sol bombé et damé et portée par ses soutènements latéraux en briques crues sur à peu près 7 m. Puis, pensant nous trouver à proximité de la limite des installations le long du bassin du port nous avons démonté ce tronçon de rampe pour explorer le sous‑sol juste au nord de celui‑ci. L’absence de résultats à cet endroit et les difficultés dues à la présence de la nappe phréatique nous ont poussés à effectuer des sondages beaucoup plus au nord et découvrir ainsi que le bâtiment se prolongeait beaucoup plus loin que nous le pensions. Tout ce secteur, passablement perturbé, a été remblayé depuis. En résumé, cette rampe de l’état II n’a été fouillée que sur la moitié de sa longueur, soit environ 18,50 m.

Piliers communs aux loges 491 et 494 : 452 (fig. 70), 458, 460 et 801

183Le pilier 452 de l’état I est un des mieux conservés (fig. 40 et 70). Il est construit directement sur une surface régulière de terre argileuse qui doit correspondre au sol de chantier de l’état I. On trouve d’abord un premier tronçon de trois assises de blocs de pierre soigneusement maçonnés. Il est couronné par une assise de dalles de gypse qui, comme dans le grand soutènement 432 et à la même hauteur, sert d’assise de réglage. Au‑dessus, il subsiste encore une seule assise de bloc au lit d’attente de laquelle on voit des arrachements qui montrent que le pilier se prolongeait plus haut dans le même appareil. Du côté est, le démontage des aménagements de l’état II a permis de voir l’ensemble de sa face orientale. Ainsi, dans l’assise sous les dalles de réglage, on voit trois trous circulaires (diam. 0,10 à 0,12 m ; prof. environ 0,19 m) creusés à la même hauteur (fig. 41 et 70). Comme on le verra, il faut certainement restituer des trous symétriques sur l’autre face de ce pilier.

Fig. 40 – Le pilier 452, en 1989.

Fig. 41 – Pilier 452, face est. Vue prise en 1993.

184Les aménagements de l’état II sont à peu près les mêmes que ceux que nous avons vus pour la rampe précédente (491). Le sol de l’état I a été fortement remblayé et on a installé, de part et d’autre (est et ouest) du pilier 452, des dalles de gypse à une altitude d’environ 3,90 m (fig. 42). Au nord, ces aménagements latéraux sont maintenus par de petits soutènements en moellons qui, à l’origine, étaient masqués dans le remblai (fig. 43).

Fig. 42 – Le pilier 452 en 1989. Au premier plan, l’escalier de l’état I ; de part et d’autre du pilier, les dalles de gypse marquant le niveau des trottoirs de l’état II.

Fig. 43 – Le pilier 452, vu en 1989. De part et d’autre, le soutènement de moellons, posé sur le sol de l’état I et destiné à supporter les trottoirs de l’état II.

185Enfin, nous avons mis au jour, en 1987, un mur (450) de moellons qui relie le pilier 452 au contrefort du mur 432 qui lui fait face (fig. 44 et 70). Ce mur est fondé à 3,60 m d’altitude, ce qui correspond au niveau du sol de l’état II. Il était conservé sur une hauteur d’environ 1,40 m (altitude max. 5 m). Au sud, il est épais de 0,40 m, puis, du côté du pilier, il s’élargit pour former un massif d’environ 1,50 m sur 0,80 m. Plus à l’ouest, face au pilier 496, on retrouve un aménagement tout à fait similaire qui, comme celui‑ci, appartient aux travaux de terrassement de l’état III. On notera aussi que ce mur 450 a été démonté en 1987 pour faciliter la poursuite de la fouille.

Fig. 44 – Le mur 450 reliant le contrefort nord du mur 432, au premier plan, et le pilier 452, au second plan (vue en 1987).

186Au nord du pilier 452, le pilier suivant a disparu. Toutefois, si nous lui avons donné un numéro (458), c’est que par son poids propre, il a laissé sa trace comme imprimée dans le sol de chantier de l’état I.

187Le pilier suivant (460) est encore en place (fig. 45). Sa partie sud est conservée sur deux assises où il remploie un beau bloc de gypse très régulier. En revanche, au nord, il est construit en blocs plus petits et en moellons grossiers. Cette différence dans l’appareil pourrait faire penser à une réfection.

Fig. 45 – Pilier 460 vu en 1990.

188Puis les trois piliers suivants, malgré des recherches, n’ont pas été retrouvés (sondages 1, 2 et 6 de 1995, rebouchés).

189Enfin, dans le sondage 15, pratiqué à l’aide de pompes à l’extrémité nord de cette rangée, nous avons trouvé en 1998 un simple lit de petits moellons qui, comparés aux résultats du sondage voisin 16 (voir plus loin), doit correspondre à la fondation d’un septième pilier (801). Il s’agit donc de l’extrémité nord de notre bâtiment.

Rampe 494 – états I et II (fig. 71)

190Seule une partie de la tête de la rampe 494 de l’état I a été dégagée (fig. 46). Elle a cependant l’avantage d’être absolument complète, y compris sa partie supérieure. En effet, le bloc de section triangulaire de sa partie la plus relevée est encore conservé. Elle est construite en grands blocs soigneusement maçonnés et la console axiale est bien en place du côté sud. La petite portion visible de son lit d’attente, en forte pente vers le nord, est soigneusement enduite au mortier de plâtre blanc. Lors de la fouille, on y voyait encore une tache de peinture rouge qui, plutôt que d’un bateau, doit provenir des tuiles de la toiture qui étaient peintes en rouge après avoir été mises en place102. À l’est, le petit escalier qui la relie à la rampe 491 est parfaitement conservé. Quant à celui qui la relie à la rampe 731, à l’ouest, il est encore masqué sous du remblai.

Fig. 46 – Détail de la berme ouest de la fouille en 1989. À gauche, le mur 432 ; au centre, le couloir avec son sol de l’état I ; à droite, la rampe 494 avec le bloc triangulaire de sa tête et sa console axiale. Dans la berme : remplissage de briques et sol de l’état II.

191En ce qui concerne l’état II, la loge n’a été que partiellement dégagée sur environ 19 m vers le nord (fig. 47). Au sud, la rampe de l’état I est en quelque sorte enchâssée dans celle de l’état II dont les murs de soutènement, en partie noyés à l’origine, sont construits en briques crues. À la tête de la rampe, le soutènement oriental est placé sur une petite fondation de moellons (0,25 à 0,30 m), surmontée par dix assises de briques. Du côté ouest, on trouve la même fondation avec six assises de briques. À 1,50 m plus au nord, les murs de briques sont plus hauts, quinze assises à l’est et onze à l’ouest. Le remplissage intérieur est fait de petits moellons et surtout de gravats de démolition. C’est autour de la partie sud de cette rampe que le sol de l’état II est encore relativement bien conservé (sol 827). Dans le couloir au sud, le sol de l’état I (477) est à une altitude de 2,65 m. Le remblai (ép. 1,20 m environ) qui le recouvre est composé, dans sa partie inférieure, de gravats divers et d’une épaisse couche de terre rouge bien homogène. C’est sur ce remblai qu’a été aménagé le sol de l’état II (sol 827) à la même altitude que les dalles de gypse qui, on l’a vu, longeaient le pilier 452 à l’est, soit 3,90 m environ. Plus au nord, la loge n’a pas été fouillée en profondeur et la surface qu’on voit aujourd’hui correspond à peu près à ce qu’était le sol de l’état II à l’origine : une surface relativement plane qui n’était que légèrement bombée à l’emplacement de la rampe. Ce sol n’a été dégagé que sur environ 19 m vers le nord, après quoi il est en partie détruit par une longue fosse tardive.

Fig. 47 – Rampes 494 et 731 en 1999 : sols de l’état II.

192Au‑dessus du sol 827 de l’état II, on trouve un second remblai (ép. 1,87 m environ) sur lequel est aménagé le sol 478 qui appartient à l’état III. Ce remblai est composé de terre grise où se mêlent des gravats de différentes natures. Dans la coupe verticale que nous y avons effectuée en 1989, on y lit très bien le pendage en forte pente qui correspond aux différentes charretées qui ont été déversées là. Au sommet de ce remblai, le sol 478 de l’état III est à une altitude de 5,77 m qui correspond exactement au sommet du grand soutènement sud 432.

Piliers communs aux loges 494 et 731 : 496, 728 (fig. 73‑74), 830, 834 et 818

193À partir de cette ligne de piliers, on atteint le secteur le mieux conservé du bâtiment dans lequel les aménagements des trois états successifs peuvent encore être analysés (fig. 48).

Fig. 48 – L’angle sud-ouest du bâtiment, vu en 1999.

194Le pilier 496 est fondé sur le sol de l’état I. Sa partie inférieure, complète, est constituée par deux assises de blocs réguliers. L’assise de réglage en dalles de gypse est conservée sur la moitié sud. Elle est elle‑même surmontée par deux assises (trois à l’est) de blocs réguliers et l’ensemble est presque entièrement recouvert de mortier au plâtre. Du côté ouest, à la base du pilier, on voit encore un trou circulaire (diam. 0,10 à 0,12 m ; prof. 0,19 m) dans lequel subsistent les empreintes d’une pièce de bois qui y était scellée. Deux trous identiques doivent exister sur cette face et trois autres sur la face orientale ; ils sont tous masqués par les aménagements de l’état II. Quant aux escaliers qui, à l’est et à l’ouest, reliaient les rampes 494 et 731, ils n’ont pas été dégagés pour conserver les aménagements des états II et III.

195Au‑dessus du remblai, on constate que le niveau du sol de l’état II s’élève progressivement vers l’ouest. De part et d’autre du pilier 496, on a disposé des dalles de gypse comme dans les travées précédentes. On en trouve trois à l’est (altitude environ 4,00 m) et il n’en subsiste qu’une à l’ouest (altitude 4,15 à 4,20 m). À l’extrémité nord du pilier, les terres de remblai de l’état II étaient maintenues par de petits soutènements noyés en moellons.

196Les aménagements de l’état III paraissent beaucoup plus importants dans ce secteur, mais il peut s’agir d’une illusion due au meilleur état de conservation des éléments. En premier lieu, on constate un allongement vers le sud du pilier 496 sur environ 1,50 m (fig. 49). Il a été réalisé en construisant un massif de gros blocs irréguliers calés par de petites pierres (« mur » 480, fig. 73‑74). La tranchée de fondation de ce massif a été pratiquée dans le remblai de l’état II jusqu’au sol de l’état I (sol 477). À l’ouest, le massif est relié au contrefort intérieur du grand soutènement 432 par un mur de briques crues (mur 826) qui, à l’origine, était noyé dans le remblai. Enfin, c’est à une cinquantaine de centimètres au‑dessus de ce soutènement qu’a été installé le sol 478 de l’état III (altitude 5,77 m). Au sud, le « mur » 480 est couronné par deux blocs superposés qui dépassent au‑dessus du sol de l’état III (478) : ils constituent ce qui pourrait être les restes d’un pilier ou d’un mur de l’état III. Face à ce pilier, au sud, le contrefort intérieur du mur 432 est lui aussi couronné par un bloc situé au‑dessus du sol de l’état III. Quant au couloir de circulation est‑ouest, qui était large de deux mètres à cet endroit aux états I et II, il n’a plus que 1,20 m de largeur.

Fig. 49 – Le pilier 496 avec son extension de l’état III, vu en 1987 ; au sud, le mur 432 et son contrefort intérieur ; le couloir a été fouillé jusqu’au sol de l’état III (sol 478). À l’arrière‑plan, le couloir est barré par le mur 450.

197Le pilier 728 qui suit le pilier 496 au nord est bien conservé (fig. 50‑52). Il n’a pas été fouillé jusqu’à sa base, mais on y voit toutefois deux assises de grands blocs soigneusement maçonnés recouverts par une seule dalle de gypse (2,70 x 0,90 m). Le sol de l’état II (sol 827), qui a été dégagé du côté est présente un dénivelé de près d’1 m depuis le pilier 496. Quant aux aménagements de l’état II, s’ils ont existé, il n’en subsiste rien.

Fig. 50 – Le pilier 728 en 1989 ; à l’arrière‑plan la rampe 731.

Fig. 51 – Ligne est de la loge 731 vue en 1989 : au premier plan, le pilier 728 ; dans son alignement, le pilier 496.

Fig. 52 – Pilier 830, au premier plan, et 728, au second plan. Vue prise en 1999.

198Du pilier suivant (830), il ne reste que l’assise de fondation en blocs maçonnés (fig. 52).

199Plus au nord, le pilier 834 a complètement disparu, mais, à son emplacement, on remarque un trou (prof. 0,40 m) pratiqué dans le substrat rocheux. Il a été creusé pour établir les fondations du pilier.

200Le pilier suivant n’a pas été retrouvé. Quant à celui d’après, un sondage de 1995 (sondage 8, rebouché) a été interrompu à cause de la nappe phréatique.

201Enfin, le dernier pilier (818) a été retrouvé à l’altitude de 0,32 m, grâce aux pompages dans le sondage 16, rebouché depuis (fig. 53). Il n’en subsiste qu’un tout petit fragment, mais il est probable que, comme dans le sondage 15 à l’est (pilier 801), il s’agit de l’extrémité nord du bâtiment devant le bassin du port103.

Fig. 53 – Le pilier 818 au fond du sondage 16 en 1998.

Rampe 731 – états I, II et III (fig. 72)

202C’est la dernière rampe, à l’extrémité ouest du bâtiment et c’est uniquement là que les vestiges permettent de restituer une rampe de l’état III.

203La rampe 731 de l’état I n’a pas été dégagée et doit encore être parfaitement préservée sous les vestiges des états II et III. Il en est de même pour les petits escaliers qui, à l’est, la reliaient à la rampe 494 et, à l’ouest, au mur 724 qui limite le bâtiment du côté occidental. On signalera tout de même un petit sondage effectué à l’ouest, entre le mur occidental du bâtiment (724) et le soutènement de la rampe de l’état II. Au fond de ce sondage, on a trouvé le substrat rocheux (altitude 2,42 m) sur lequel devait être aménagé le sol de l’état I, à dix mètres au nord de l’angle sud‑ouest du bâtiment.

204La rampe de l’état II est bien conservée (fig. 47). Au sud, on ne connaît pas sa partie inférieure, mais à son sommet, seule son extrémité supérieure triangulaire a été arasée pour installer la rampe de l’état III. Ses murs de soutènement latéraux sont entièrement construits en briques crues. À son extrémité sud, c’est même un massif plein en briques renforcé par des blocs de pierres qui constituait sa tête au‑dessus du sol 827 qui correspond à l’état II. Du côté est, ce massif est en partie détruit. En revanche, à l’ouest, il est très bien conservé et sa paroi de briques et de pierres est recouverte par un bel enduit de plâtre blanc (fig. 54). On remarquera aussi, le long du mur 724 qui limite le bâtiment à l’ouest, trois dalles de gypse disposées sur le sol 827 de l’état II (altitude 4,30 m). Elles correspondent aux dalles qui, à l’ouest, sont placées le long des piliers sud de chaque rangée. Au sud du massif de tête, le remplissage de la rampe, entre les soutènements de briques, est fait de petits moellons, de galets et de gravats tassés. Au‑dessus c’est une couche extrêmement dure (ép. 0,17 m) de petites pierres et de galets sur laquelle se trouvait le sol proprement dit en terre damée (ép. 0,15 m) qui comporte des recharges (fig. 55). Plus au nord, les soutènements en brique et le sol de la rampe ont été repérés sur environ 18,50 m jusqu’à la limite de la fouille. Le sol est entamé par endroits par des fosses et, à son extrémité nord, il devait être aménagé juste au‑dessus du substrat rocheux qui affleure à cet endroit.

Fig. 54 – La rampe 731 vue en 1999 : sol de l’état II visible sous l’armature de briques de l’état III. Au premier plan, le mur 724.

Fig. 55 – La rampe 731 en 1989 : les recharges des sols de l’état II et de l’état III.

205La rampe de l’état III présentait une pente encore plus forte que celle de l’état II et sa tête émergeait de près de 1,60 m (altitude environ 6,20 m) au‑dessus de son sol d’utilisation (sol 478, altitude 5,77 m). La construction de la tête de cette rampe III s’est faite à partir d’un sol de chantier correspondant à un remblai à la surface irrégulière (sol 825) et le massif de briques qui la constitue a été édifié au‑dessus de la tête de la rampe de l’état II en partie arasée (fig. 56‑57)104. Les soutènements latéraux, eux aussi en briques, sont couronnés par deux assises en pierres inclinées vers le nord qui devaient retenir le sol de la rampe. Quelques fragments de l’enduit qui recouvrait ce massif subsistent encore. La paroi sud du massif, bien préservée, est entièrement en briques et, de ce côté, elle dépasse l’aplomb de la rampe de l’état II d’environ 1,10 m. Le sol de cette rampe, que nous avions en partie retrouvé en 1989, a été démonté en 1999 pour fouiller celui de la rampe II. Toutefois, à 19,80 m au nord de la tête, on lit très bien sa forme bombée à un peu moins d’un mètre au‑dessus du substrat rocheux qui portait le sol de la rampe de l’état II. Au‑delà de cette limite, les sols des rampes de l’état II et III, qui s’enfonçaient sous le niveau de la nappe phréatique, n’ont pas été dégagés.

Fig. 56 – La tête de la rampe 731 et son massif de briques, sous le niveau du sol 478 de l’état III (fouille 1989).

Fig. 57 – La tête de la rampe 731 en cours de fouille en 1998 : la structure de briques constitutive de l’état III sur le sol de l’état II.

La limite occidentale du bâtiment

Le mur 724 et le pilier 749

206Le mur 724, très inégalement conservé, constitue la limite ouest du bâtiment (fig. 58‑59). Comme le mur 432 au sud, c’était un soutènement qui retenait les terres de la terrasse méridionale. À son extrémité nord, ce mur se retournait vers l’ouest (mur 759) où il continuait à jouer son rôle de soutènement. Ce décrochement créait un angle rentrant, qui renforçait l’angle du bâtiment exposé au poids des terrassements105. Enfin, dans son prolongement, vers le nord, on retrouve le système de piliers allongés qui existait entre chacune des travées qui abritaient les rampes.

Fig. 58 – Rampe 731, mur 724 et pilier 749, en 1999.

Fig. 59 – La limite ouest du bâtiment, en 1993. Au premier plan, le pilier 749 ; dans son prolongement, le mur 724.

207Le premier tronçon de ce mur est long de 8,70 m (ép. 0,80 m). Comme le mur 432, il est construit en assises plus ou moins régulières de blocs soigneusement maçonnés sur deux parements avec, par endroits, des boutisses qui liaient ces parements. Il devait exister au moins une assise de réglage intermédiaire en dalles de gypse ; elle n’a pas été dégagée. À l’angle sud‑ouest du bâtiment, le mur se prolongeait sur environ 0,90 m vers le sud pour former un contrefort noyé dans le remblai de la terrasse. Il semble qu’on n’a pas jugé bon d’en construire un vers l’ouest où il n’était pas vraiment nécessaire, comme tout le long du parement occidental du mur 724 d’ailleurs. Le lit d’attente, comme sur le mur 432, était recouvert par une assise de dalles de gypse ; deux d’entre elles subsistent encore. La première, au sud, dépasse l’aplomb du mur (0,70 m). Un bloc, lui aussi en saillie, est scellé sur son lit d’attente. Cet assemblage pourrait être interprété, avec des réserves, comme le départ d’un mur vers l’ouest. On verra plus loin l’hypothèse que l’on peut proposer à propos de ce dispositif, mais notons déjà qu’il s’agit du seul élément qui subsiste de la superstructure de ce mur. La seconde dalle, un peu plus au nord, a été retrouvée en partie basculée par les pillards de pierres106. Là où le mur se retourne vers l’ouest (mur 759), tout l’angle a été totalement arraché par des récupérateurs de pierres, jusque sous le mur lui‑même. La partie dégagée de la face orientale du mur 724 est couverte par un bel enduit blanc au plâtre. Il doit en être de même jusqu’à la base du mur qui était à découvert à l’état I. En revanche, le peu qu’on voit de son revers, à l’ouest, montre un appareil irrégulier qui devait être masqué par le remblai de la terrasse. À l’ouest, à l’extérieur du bâtiment, la fouille n’a pas été poussée très loin. Elle a cependant permis de montrer que le mur était longé par une large tranchée remplie de galets qui servaient de drain autour du bâtiment107.

208Dans le prolongement du mur 724, à 1,80 m au nord de l’angle qu’il fait avec le mur 759, on trouve un pilier (749) tout à fait semblable à ceux des travées (fig. 58‑60). On ne connaît pas sa base qui doit correspondre au sol de l’état I, auquel il appartenait. À son sommet, il dépasse à peine du niveau du sol de l’état II (760). Il est prolongé au nord par un mur de moellons de la même largeur (835) qui doit être un renforcement souterrain à la limite ouest du bâtiment installé lors des travaux de l’état II. Ce mur 835 s’interrompt brusquement à 2,30 m au nord du pilier 749. Cet arrêt doit correspondre à un second pilier qui n’a pas été retrouvé malgré un petit sondage en 1993. Au‑delà, la limite occidentale du bâtiment n’a pas été fouillée en raison de la proximité de la nappe phréatique.

Fig. 60 – Le pilier 749 en 1999.

Les murs 759 et 757

209Comme on vient de le voir, le mur 724 se retourne vers l’ouest pour devenir le mur 759 (fig. 61). Ce mur a été presque entièrement pillé. En effet, il n’en subsiste aujourd’hui que deux blocs liés au mortier de plâtre108, mais son tracé reste assuré grâce à sa tranchée de fondation. Son rôle était de maintenir les terres de la terrasse ouest située à environ 5,70 à 5,80 m d’altitude (sol 741) et le sol extérieur des hangars à 2,10 m en contrebas vers le nord (sol 760). On remarquera aussi qu’à l’arrière de ce mur, au sud, on retrouve la tranchée de drainage remplie de galets. Long de cinq mètres, le mur 759 se retourne vers le nord pour devenir le mur 757. Il ne subsiste absolument aucune pierre de ce dernier mur et seule sa tranchée de fondation et d’arrachement a été reconnue sur une longueur de près de 16,50 m vers le nord. À l’est, il délimitait un espace étroit et allongé qui longeait le bâtiment le long de sa façade occidentale. Du côté ouest, sa tranchée recoupe des niveaux d’occupation plus anciens (géométriques) montrant qu’au moins sur une partie de son tracé, c’était un mur de soutènement pour des terrasses situées à l’ouest.

Fig. 61 – L’angle ouest des neosoikoi en 1997 : mur 724 (prolongé par le pilier 749), mur 759 et mur 757. Au premier plan, niveau du sol 760 ; à l’arrière‑plan, niveau du sol de terrasse 741.

Les aménagements à l’ouest du mur 757

210Nous ne prendrons en considération ici que ceux qui paraissent contemporains des cales à bateaux. Au préalable, il faut aussi remarquer que la destruction quasi complète des murs 759 et 757 et de leur environnement immédiat a occasionné une profonde coupure entre le bâtiment et les installations que nous allons évoquer à présent.

211On constate d’abord que, conservé sous la forme d’une tranchée, le mur 757 se prolongeait beaucoup plus au nord ; il a été repéré sur près de 10 m et il se poursuivait probablement plus loin. Il constituait la limite occidentale du bâtiment pendant les trois phases de son utilisation.

212Au iv^e s., on a aménagé là une terrasse bétonnée (sol 772) qui, même si elle ne lui est pas liée matériellement, doit être associée à une grande citerne (784). Le sol bétonné 772 (surf. conservée 7,75 m²), en mortier et en petits graviers (ép. 0,10 m), est limité au nord par un mur de soutènement construit en grands blocs maçonnés et recouvert, au même niveau que le sol, par des dalles de gypse (long. conservée 3,50 m). Au sud, il se prolonge sous la berme de fouille où il a été en partie cassé pour y installer plusieurs fours (773 et 774). La citerne 784, située un peu plus à l’ouest, est aujourd’hui profondément détruite par le pillage de ses pierres. Elle est circulaire (diam. 3 m) et profonde d’environ 4,30 m. Sa partie supérieure, peut‑être en forme de bouteille, devait être pourvue d’un orifice qui a disparu, ouvrant sur la terrasse bétonnée. Ce qu’il reste de sa paroi est construit en grands blocs recouverts d’un épais enduit hydraulique109.

213Au nord de cette terrasse, les niveaux qui lui correspondent semblent avoir complètement disparu110. Le terrain devait descendre en pente douce vers le côté occidental du bassin du port. C’est sur ce niveau qu’a été construite vers la fin du iv^e s. la petite installation artisanale composée de bassins rectangulaires et circulaires (fig. 62) fouillée en 1996‑1997, et dans laquelle on a proposé de reconnaître une foulerie111.

Fig. 62 – L’installation hellénistique fouillée en 1997 au nord‑ouest des neoria.

Fig. 63 – Relevé général des vestiges (O. Callot), https://ark.mom.fr/ark:/76609/srvj5m4z6143g.

Fig. 64 – Coupe est‑ouest sur le bâtiment, depuis le couloir de circulation au nord du mur 432 (O. Callot), https://ark.mom.fr/ark:/76609/srv6nf3qwrmcv.

Fig. 65 – Localisation des coupes (fig. 66‑74) sur le relevé général simplifié (O. Callot et A. Rabot).

Fig. 66 – Rampe 459 et pilier 476, face ouest (O. Callot).

Fig. 67 – Coupe est-ouest sur les rampes 491, 490 et 488 (O. Callot).

Fig. 68 – Rampe 490, face est (O. Callot).

Fig. 69 – Pilier 708, état I, face ouest (O. Callot).

Fig. 70 – Pilier 452, face est, et mur 450 (O. Callot).

Fig. 71 – Rampe 494, partie sud (O. Callot).

Fig. 72 – Coupe nord-sud sur la rampe 731 (O. Callot).

Fig. 73 – Piliers 496 et 728, face est (O. Callot).

Fig. 74 – Piliers 496 et 728, face ouest (O. Callot).