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La République naturaliste

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Pierre-Yves Lacour

Premier contrepoint

La place des autres

Artefacts exotiques & momies

Texte intégral

  • 1 Pickstone (John V.), « Museological Science ? The Place of the Analytical/Comparative in Ninenteen (...)
  • 2 Poulot (Dominique), « Surveiller et s’instruire »…, op. cit., p. 321.
  • 3 Cité in Ibid., p. 320.
  • 4 Ibid., p. 254.
  • 5 Sur la notion proche d’objet-frontière, voir Star (Susan Leigh) & Griesemer (James R.), « Institut (...)
  • 6 Sur la « biographie des objets scientifiques », voir Daston (Lorraine), « The Coming into Being of (...)

1Entre 1792 et 1797, du fait des confiscations françaises et étrangères, on assiste à un afflux considérable d’objets dans les dépôts parisiens qui sont à la fois des lieux de stockage et des centres de triage. La période 1793-1795, sous le Gouvernement révolutionnaire puis sous le Directoire, est marquée par une véritable refonte des lieux de conservation et l’apparition de nouveaux musées dans l’espace parisien. Le grand « moment muséologique », comme l’appelle John V. Pickstone, est notamment caractérisé par la création ou la refondation de trois grandes institutions jumelles revêtues du titre de « national » ou de « central » : le Muséum national d’Histoire naturelle (1793), le Muséum central des Arts (1794, officiellement qualifié de « central » en janvier 1797) et la Bibliothèque nationale (1795)1. Chacune de ces institutions doit rassembler des objets selon leur nature : les œuvres d’art sont destinées au Muséum central des arts, les livres à la Bibliothèque nationale, et les spécimens naturalistes au Muséum national d’Histoire naturelle. À l’occasion d’un premier tri, les objets confisqués sont ainsi redistribués entre les différentes collections institutionnelles de la capitale. Les sources le disent assez : il faut en finir avec un ancien régime des collections qui entasse les objets au fur et à mesure qu’ils entrent dans les cabinets. Désormais, seul l’exercice de la raison doit commander au placement de chaque chose. Le 8 avril 1796, le ministre Pierre Bénézech écrit à Lenoir, conservateur du Musée des monuments français : « Je vous recommande, ainsi que je le recommande aux conservateurs du Muséum national de ne chercher que le mérite de vos collections, et non à entasser des objets qui sont sans caractère dans tel musée et qui en ont un décidé dans tel autre »2. Le même écrit aux conservateurs de la Bibliothèque nationale le 1er mai 1796 : « Mon intention est que désormais chaque Muséum spécial ne contienne que des objets analogues au but de son établissement et qu’ils soient placés dans un ordre méthodique »3. Pour Dominique Poulot, « d’une manière générale, les changements de lieux tentent de substituer des critères rationnels de classement aux habitudes, aux héritages des établissements, aux hasards des legs et fondations »4. Tout pourrait dès lors paraître simple : pour chaque chose, une place serait déterminée à l’avance au sein d’une des collections nationales. Pourtant, ce projet de rationalisation achoppe, aux marges, sur quelques objets ou ensembles matériels comme les ustensiles domestiques du cabinet stathoudérien, les caractères d’imprimerie de la Propagande de Rome, les armures de Condé à Chantilly, un Christ à la colonne en jade sanguin ou les artefacts exotiques. Quand elles ne sont pas démembrées, ces « choses ambivalentes » comme on voudrait les appeler, migrent d’une collection à l’autre en fonction de l’intensité des investissements cognitifs5. Les institutions s’échangent alors des populations d’objets selon leurs horizons d’attente. Les conservateurs se posent en effet toujours les mêmes questions : comment cet objet s’insère-t-il dans ma démarche de savoir ? ; ne serait-il pas plus utile ailleurs d’autant qu’il m’encombre ? En partant de la « biographie » des choses6, il serait alors possible de proposer une histoire matérielle des partages intellectuels en s’interrogeant sur la place des exotica entre le Cabinet national d’histoire naturelle et le Muséum des antiques et sur les passages de momies entre le Cabinet d’anatomie comparée et ce même Muséum des antiques.

Arte facta
Page 242 extraite du Museum Gronovianum de Gronovius (1778) Cliché Université de Strasbourg, Service Commun de la Documentation (dépôt BNU).

LES ARTEFACTS EXOTIQUES

  • 7 Gronovius (Laurentius Theodor), Museum Gronovianum : sive Index rerum naturalium, Leyde : Haak, 17 (...)
  • 8 Dezallier d’Argenville (Antoine-Joseph), Histoire naturelle éclaircie dans deux de ses parties pri (...)
  • 9 Dezallier d’Argenville (Antoine-Joseph), La Conchyliologie…, op. cit., 1780, vol. 1, pp. 209-220.

2Le terme « artefact » n’est pas anachronique. Dans le catalogue de naturalia (« rerum naturalium ») de la collection Grovonius publié à Leyde en 1778, on peut repérer ce qui est peut-être la première énonciation du mot7. Sous la rubrique « Arte Facta » sont rassemblés des objets de la main de l’Homme issus de diverses origines : Japon, Chine, Ceylan, Indes orientales, Amérique du Nord, Indes occidentales, Palmyre ou des peuples Tartares et Hottentots. Les artefacts exotiques prennent ainsi place dans un inventaire de choses naturelles tout en étant rassemblés sous une rubrique spécifique qui est aussi la dernière. De tels objets sont très présents dans les cabinets naturalistes du xviiie siècle, à Paris comme ailleurs. Par exemple, au milieu du xviiie siècle, la première travée du Cabinet du roi arrangé par Buffon « est remplie d’armes, de raquettes, de lits & autres équipages de Sauvages, attachés au platfond [sic] » tandis que les deux armoires qui jouxtent la porte d’entrée sont surmontées de « différens habillemens & plumages des Indiens »8. Mais en 1780, dans la dernière édition de la Conchyliologie, la plupart des collections connues pour avoir abrité des exotica — celles du duc de Chaulnes, de Henin, de Bois-Jourdain ou de Pajot d’Ozembray — sont réputées disparues tandis que la description du Cabinet du roi ne mentionne plus leur existence tout en rappelant leur présence passée dans une référence aux éditions précédentes9. Pourtant, à cette date, le Cabinet possède encore des artificialia, même s’ils n’ont visiblement plus une place aussi importante dans l’aménagement de la collection.

  • 10 Décade philosophique, vol. 9, mars à mai 1796, pp. 398-412 puis pp. 454-464 : « Voyage à la recher (...)
  • 11 AN, AJ/15/836 : Liste des objets d’Histoire naturelle confisqués à l’abbaye Saint-Victor par Cadot (...)
  • 12 Décade philosophique, vol. 5, mars à mai 1795, pp. 534-537 : « Objets d’histoire naturelle recueil (...)
  • 13 AN, AJ/15/836 : « Catalogue des objets composant le cabinet d’histoire naturelle de Chantilly » pa (...)

3Pendant la Révolution, les collections rassemblées sur le terrain puis chargées sur les navires comme les cabinets naturalistes saisis par les commissaires révolutionnaires mêlent encore naturalia et artificialia, spécimens naturels et artefacts humains. Prenons quelques exemples. Les collections réunies par Labillardière au cours de son voyage à la recherche de La Pérouse rassemblent des plantes et des insectes, des oiseaux et des quadrupèdes, des poissons et des minéraux, mais aussi « beaucoup d’instrumens des insulaires des mers du Sud »10. Il en va de même pour les cabinets. La petite collection de la bibliothèque de l’abbaye Saint-Victor présente aux côtés de pièces zoologiques curieuses « un modèle de vingt pouces de long d’un canot de sauvage »11. La grande collection du Stathouder est formée « des trois règnes de la Nature, d’une infinité d’objets curieux, pris dans toutes les mers, chez les peuples policés et sauvages de l’autre hémisphère ; de modèles d’ustensiles, d’outils de navigation samyoèdes, indiens, chinois, japonais, européens etc. »12. Le cabinet d’histoire naturelle de Condé renferme également « 49 objets offrant divers vêtements et ornemens de Sauvages et d’Indiens avec quelques parties d’armure de Sauvage comme un carquois plein de flèches et une masse, quelques ustensiles à leur usage ; un hamac des amazones, un portemanteau du Roi de Juda, des évantails [sic] de feuilles de palmier, &c », tous disposés hors des armoires de la première salle et mêlés avec des objets du règne végétal13.

  • 14 La Rochefoucauld d’Anville (Louis Alexandre de), Instruction concernant la conservation des manusc (...)

4En 1790, une instruction rédigée en vue des premières saisies consacre un chapitre aux Habillemens, costumes, armures, ustensiles de différens peuples, tant anciens que modernes, d’Europe & autres parties du monde14 :

Les habillemens, armures & autres ustensiles à l’usage de différens peuples, tant anciens que modernes, ne doivent pas être considérés comme un objet de pure curiosité. Les étoffes & habillemens des Chinois, leurs vases de porcelaine, leurs teintures, leur papier & diverses productions de leur pays, quoiqu’employés par eux souvent sans goût, peuvent répandre un nouveau jour sur l’histoire naturelle, ou contribuer à la perfection de nos arts & de nos manufactures. On peut en dire autant des armures & des costumes apportés de l’Inde, de l’Amérique & des autres contrées, habitées par des peuples sauvages. C’est sans doute ce qui a engagé plusieurs curieux à en former des collections. L’expérience a démontré qu’elles ont été plus d’une fois utiles à des savans & à des artistes dont l’esprit observateur a su mettre à profit des productions de la nature ou de l’art qui paroissent les plus indifférentes au vulgaire. Tous les objets de ce genre qu’on trouveroit parmi le mobilier des maisons ecclésiastiques supprimées, seront rassemblés & placés avec précaution dans les dépôts destinés à recevoir les échantillons d’histoire naturelle.

  • 15 Bourguet (Marie-Noëlle), « La Collecte du monde… », art. cit., p. 165, n. 6.
  • 16 Sur cette question, voir Kury (Lorelai), « André Thouin et la nature exotique… », art. cit., pp. 2 (...)

5Les chinoiseries et les sauvageries confisquées dans les institutions religieuses doivent ainsi être réunies aux spécimens d’histoire naturelle. C’est ainsi que, de 1794 à 1797, tous les artefacts exotiques saisis par les commissaires en France et à l’étranger, convergent vers le Muséum d’Histoire naturelle mêlés aux productions de la nature. À la fin du xviiie siècle, la présence des sauvageries dans les collections naturalistes s’explique toujours de la même manière. Marie-Noëlle Bourguet indique que « la présentation des outils, parures et instruments de musique des peuples sauvages au milieu des vitrines de coquillages, madrépores et autres curiosités naturelles, souligne la matière dont ils sont faits (plume, bois, pierre ou corne), plutôt que l’art de leur fabrication. Au regard du visiteur, ces objets — et par là les peuples qui les ont confectionnés — semblent appartenir au règne de la nature, plus qu’à celui de l’histoire des civilisations »15. Le grand partage qui s’opère entre collections naturalistes et artistiques en révèle bien un autre, plus profond, celui qui oppose l’homme naturel à l’homme européen, le Sauvage au Civilisé. Or c’est bien dans le rapport à la nature que se joue cette distinction entre les deux pôles de l’Humanité : le naturel est l’homme de la première nature, la nature sauvage d’où il tire sa subsistance par la chasse et la cueillette ; l’Européen est l’homme de la mise en valeur agricole de la terre et, parfois, dans ses jardins, il recrée un ordre naturel à sa convenance. On retrouve là un des thèmes majeurs de l’anthropologie des Lumières, la théorie des stades de l’Homme qui fait notamment dépendre le degré d’évolution d’une société de sa domestication du monde naturel : à une extrémité, le Sauvage, dont le type est fourni par l’insulaire du Pacifique ; à l’autre, le Civilisé, dont l’Européen propose le modèle16. Entre les deux, une gradation confuse où l’on retrouve le Chinois, dont les objets réunis dans des collections comme celle de Bertin sont appelées « chinoiseries », mais aussi l’ancien Égyptien dans lequel on cherche l’antiquité de l’Europe.

  • 17 AN, F/17/1277 : Lettre de Thouin. La Haye, le 26 pluviôse an III. En deux exemplaires : l’un au Co (...)
  • 18 AN, AJ/15/837, sous-dossier de l’École centrale de la Dyle ; AN, AJ/15/838, sous-dossiers des Écol (...)
  • 19 Gain (André), L’École centrale de la Meurthe à Nancy, Nancy : Berger-Levrault, 1922, p. 107.
  • 20 Marcours (F.), « L’École centrale du département de l’Ourthe à Liège (1797-1804) », Bulletin de l’ (...)
  • 21 Coirault (Gaston), Les Écoles centrales dans le Centre-Ouest, c’est-à-dire dans le ressort de l’ac (...)
  • 22 Troux (Albert), L’École centrale du Doubs à Besançon. An IV-an XI, Paris : Félix Alcan, 1926, p. 1 (...)
  • 23 Inventaire du cabinet réalisé le 20 prairial an X reproduit in Reinhard (Marcel), Le Département d (...)

6Pourtant, entre 1797 et 1801, le Muséum national d’Histoire naturelle envoie quantité d’artefacts aux cabinets naturalistes des Écoles centrales et au Muséum des antiques de la Bibliothèque nationale. Dès février 1795, lors de la mission septentrionale, Thouin indique à propos de la collection Hoffman et Roux achetée pour ses pétrifications : « Je me contenterai de vous présenter ici sous le no 4 la liste des productions végétales sèches qui se sont trouvées dans cette collection. Il s’y trouve des semences, des fruits, des bois et des produits des arts faits avec des substances végétales, le tout apporté des pays étrangers et propres à la composition des Muséums qui doivent servir à l’Instruction publique dans les départements »17. À partir de 1797, le Muséum envoie ses exotica, principalement des « sauvageries », à plusieurs Écoles centrales nouvellement formées : « racine figurée de la Chine imitant un coq », « épiderme du bouleau […] dont on se sert pour écrire », « petit bateau d’écorce de bouleau des canadiens », « modèle de chausses dont se servent les sauvages pour pressurer le manioc », « casse-tête de sauvage », « panier des sauvages », et surtout « flèches de sauvages », souvent empoisonnées etc.18 Ces objets sont envoyés par Desfontaines, professeur de botanique au Muséum et, dans les catalogues d’envois, ils sont mentionnés dans la rubrique « Botanique » où ils occupent une place incertaine entre les sous-rubriques « Racines, bois, écorces », comme à Bruxelles, et « Supplément », comme à Mons. Les Écoles centrales disposent par ailleurs de nombreuses curiosités exotiques arrivées dans les collections par des biais divers : « une embarcation des Esquimaux avec tout l’attirail de guerre et de pêche » est offerte par les héritiers de la veuve Villiez au cabinet d’histoire naturelle de Nancy19 ; à Liège, le jury d’instruction fait acheter la collection de Jacques-Philippe Preston dont « une case indienne, avec plusieurs ornements des sauvages »20 ; à Angoulême, le cabinet départemental dispose de « tissus, carquois et flèches de sauvages » confisqués à des émigrés21 ; à Besançon, on y trouve des flèches, des sabres, un casse-tête, quatre « gibessières [sic] de sauvages », des bibelots chinois22 ; au Mans, la collection renferme six « travaux de sauvages : casse-tête, panier, flèche, bateau, etc. » alors classés dans la section « collection végétale »23. On trouverait d’autres exemples. Ainsi, dans la province révolutionnaire, les œuvres d’art européennes rejoignent les musées artistiques tandis que les « sauvageries » et, dans une moindre mesure, les chinoiseries et les antiquités égyptiennes sont destinées aux collections naturalistes.

  • 24 Voir Sarmant (Thierry), Le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. 1661-1848, Paris : (...)
  • 25 AN, AJ/15/839 et CMBNF, 5 AMC : « Catalogue des objets enlevés au Muséum d’Histoire naturelle pour (...)
  • 26 Pour ce qui suit, voir Pujoulx (Jean-Baptiste), Promenades au Jardin des plantes…, op. cit., vol.  (...)
  • 27 Jaume Saint-Hilaire (Jean-Henri), Notice des principaux objets d’histoire naturelle conservés dans (...)

7Le Muséum national d’Histoire naturelle se débarrasse aussi des artefacts qui l’encombrent en les cédant au Cabinet des Médailles devenu Muséum des antiques de la Bibliothèque nationale24. On dispose des deux inventaires d’envoi, le premier datant du 21 juillet 1797 et le second du 2 septembre 179725. On y trouve divers objets : divinités indiennes en bois, « idoles en espèce de jonc recouvert jadis de plumes avec des yeux de nacre et des dents de cétacés », « œufs d’autruches peints », panier, instruments de musique, carquois en cuir, flèches, « arcs de Sauvages », casse-tête, ornements et chaussures des Indiens, « quatre grands tabliers ou manteaux de peaux ornés de figure à l’usage des Illinois », « habit de guerre en écailles de pangolin », chapeaux et bonnets, coiffure de plumes, manteaux, tuniques, « bouteille à l’usage des Orientaux », « petite bourse de cuir du Sénégal », « cinq chaussures à l’usage des habitants du Canada », « souliers chinois », « paire d’étriers du Chili », « collier de guerre des Indiens », « tête de momie » etc. En 1803, Pujoulx publie un guide très détaillé du Muséum d’Histoire naturelle26. Dans le cabinet national, on rencontre alors quelques rares curiosités naturelles, notamment au plafond de la salle des végétaux, et même quelques artificialia dans la salle des minéraux, vraisemblablement issus de trésor de Lorette, mais aucune « sauvagerie », à la différence d’autres cabinets parisiens d’histoire naturelle comme celui de Gaillard. Les autres guides du début du siècle ne font pas davantage état de la présence d’artefacts exotiques dans la collection naturaliste27. Cela laisse entendre, soit qu’ils ont été liquidés avant 1801, soit qu’ils ont été remisés dans les greniers.

  • 28 Voir Cointreau (André Louis), Histoire abrégée du cabinet des médailles et antiques de la Biblioth (...)
  • 29 Lefebvre de Villebrune (Jean-Baptiste), « Projet de réorganisation de la Bibliothèque nationale. 2 (...)
  • 30 CMBNF, 5 AMC : pour les artefacts exotiques : Note par [Bathélemy de Courçay]. Paris, le 12 messid (...)

8Pendant quelques années, une expérience originale est tentée au Muséum des antiques, sous la conduite de ses conservateurs Barthélemy de Courçay et Aubin-Louis Millin de Grandmaison28. Il s’agit alors de réunir en un même lieu des objets manufacturés des différents peuples de la Terre. Dans son projet de réforme de la Bibliothèque daté de la fin 1794, Jean-Baptiste Lefebvre de Villebrune indique qu’il est annexé à la bibliothèque un « cabinet des médailles, bronzes, marbres etc. » et qu’il s’agit d’un « dépôt infiniment précieux de bronzes antiques et de pièces extrêmement curieuses de l’industrie des peuples des deux hémisphères »29. La suspension finale dans la description du cabinet laisse entendre que la liste des objets qu’il pourrait accueillir n’est pas close. Et la volonté de rassembler en un même lieu les objets des « deux hémisphères » abolirait ce grand partage entre artefacts européens et exotiques. Le Muséum des antiques, refondé par un décret du 20 prairial an III (8 juin 1795), s’est enrichi de nombreux artefacts exotiques venus du Muséum d’Histoire naturelle, mais il reçoit aussi des objets du Musée central des Arts, du dépôt de la rue de Beaune, de celui de Nesle, du Garde-Meuble, du dépôt d’artillerie, de la Fabrique des assignats, de la Monnaie ou bien encore de la collection Gauthier30. Parmi ces objets, on trouve encore des « armes et divers ouvrages de l’art chez les Indiens » ou des « curiosités indiennes », mais aussi des petites statuettes antiques ou médiévales, les matrices des assignats, les armures de Condé ou bien une gravure anglaise du Camp du Drap d’Or etc.

  • 31 Daugeron (Bertrand), « Entre l’Antique et l’Exotique… », art. cit., pp. 143-176.
  • 32 CMBNF, 5 AMC : Lettre des conservateurs du Muséum des antiques au Comité de l’Instruction publique (...)
  • 33 Certeau (Michel de), Le Lieu de l’autre. Histoire religieuse et mystique [éd. établie par Giard Lu (...)

9L’interprétation de cet ensemble bigarré d’objets est de fait assez complexe. Bertrand Daugeron y voit un « projet comparatiste » des peuples31. Une brève note rédigée par Barthélemy de Courçay à l’occasion de la visite du dépôt de la rue de Beaune le confirme bien : « Empressés […] de faire refleurir l’étude de l’antiquité en réunissant le plus promptement possible les monuments qui peuvent conduire à l’explication des anciens auteurs et à la connaissance des mœurs et des usages des différents peuples, nous avons déjà visité quelques dépôts […] »32. L’analyse par Michel de Certeau du frontispice des Mœurs des sauvages publié par Lafitau en 1724 permet d’éclairer ces quelques lignes. La gravure représente l’historien au travail au milieu d’une collection rassemblant antiques et exotica. Les uns et les autres sont autant d’archives mais ils n’ont pas le même sens : « l’‘altération’ des monuments antiques et l’obscurcissement de leur sens à cause de leur distance obligent à utiliser le supplément que fournissent les sauvages : Algonquins, Hurons, Iroquois viennent au deuxième rang, comme un substitut du premier. Ils ‘ suppléent’, c’est-à-dire qu’ils tiennent la place de ce qui manque aux trésors anciens. Ils en comblent les trous et il en ‘éclaircissent’ les obscurités. Mais il y a une différence de fonction entre les choses antiques et les coutumes sauvages : les premières ont surtout valeur de reliques ; les secondes, surtout de ‘lumières’ »33. Il s’agirait en somme de mieux comprendre l’antiquité de l’humanité grâce à ses monuments, en étudiant ensemble, et comme en miroir, les objets antiques et les artefacts exotiques. L’Antiquité annexe ainsi momentanément les Sauvages abandonnés par la nature.

  • 34 Harten (Elke), Museen und Museumprojekte der französischen Revolution. Ein Beitrag zur Entstehungs (...)
  • 35 Diot-Duriatti (Marie-Renée), « Jérémie Jacques Oberlin correspondant d’Aubin-Louis Millin », in Es (...)
  • 36 Lacour (Pierre-Yves), « Encyclopédisme et distribution des savoirs dans le Magasin encyclopédique  (...)
  • 37 Kotzebue (Auguste), Souvenirs de Paris en 1804, Paris : Imprimerie de Chaignieau Aîné, 1805, vol.  (...)

10Pourtant, à y regarder de près, la mise en œuvre concrète du Muséum des antiques donne un sentiment très différent des rares textes dont on dispose et amène à nuancer le projet comparatiste sous deux aspects. D’une part, la collection est un dépôt pour toutes sortes de curiosités de rebut qui n’ont pas leur place dans les grandes institutions muséales parisiennes. La variété presque infinie des objets — la plupart ont comme seul point commun d’être de dimensions modestes — infirme l’hypothèse d’un véritable projet de savoir. D’autre part, d’après deux plans de la Bibliothèque nationale réalisés en l’an VIII par François-Joseph Bélanger, le Musée des Antiques ici désigné sous le terme « Antiques » n’occupe que trois salles du rez-de-chaussée de la bibliothèque qui donne sur la grande cour34. Or l’exiguïté des lieux — à peine 150 mètres carrés pour la salle principale — contredit la nature universaliste du projet. Le projet est sans doute encyclopédique, ce qui ne surprend guère si l’on songe à Millin, rédacteur du Magasin encyclopédique, mais sa réalisation fait davantage penser à un omnium gatherum, à un cabinet de curiosités constitué au gré des opportunités. D’autant que Millin se désintéresse rapidement des artefacts au profit de la connaissance des seules « antiquités », ce qu’il appelle « archéologie »35. Ces antiquités sont autant de traces matérielles qui témoignent du passé de l’Europe et, dans les tables du Magasin encyclopédique, Millin dispose près de la rubrique Antiquités, les rubriques Archéographie, Numismatique, Glyptique, Paléographie etc.36 Si en 1804, l’allemand Kotzebue se montre sensible au projet encyclopédique des « Antiques » observant, dans le cabinet, aux côtés des antiquités nationales, grecques et romaines, des objets chinois ainsi que « des armes, des flèches, des habits, des plumes des nations sauvages et policées »37, ces « sauvageries » n’ont plus chez Millin comme fonction d’éclairer ou de restituer le passé de l’Europe : elles ne servent plus de support à un discours où la différence des espaces est convertible en différence des temps.

LE ROMAN DES MOMIES

  • 38 Olearius (Adam), Gottorffische Kunst-Kammer worinnen allerhand ungemeine Sachen…, [Hamburg] : Auff (...)
  • 39 Schnapper (Antoine), Le Géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 96.
  • 40 Ibid., p. 95.
  • 41 AN, AJ/15/836 : Lettre de Thouin aux professeurs du Muséum. Bologne, le 20 pluviôse an V.

11Les momies sont longtemps présentes dans les Wunderkammern comme, par exemple, dans le cabinet d’Olearius38. Multipliant de tels exemples, Antoine Schnapper remarque qu’elles sont « bien caractéristiques des cabinets de curiosités » du xviie siècle39. Elles sont « à un point de contact caractéristique entre les intérêts des antiquaires, ceux des curieux ordinaires et ceux des médecins. La momie bénéficie en effet d’un double prestige ; objet archéologique enfermé dans un coffre couvert de hiéroglyphes, elle est chargée de tous les passionnants mystères de l’antique Égypte ; mais c’est aussi une substance médicale, aussi précieuse que controversée »40. La momie est à la fois une antiquité exotique et une matière médicale, le pissasphalte, utilisé pour l’embaumement et recommandé comme drogue par la tradition médicale. Curiosité par définition, puisqu’elle est à la fois naturelle et artificielle, la présence de la momie au sein des Wunderkammern ne fait pas problème à la différence de sa place dans les catalogues de cabinets. Avec l’apparition des collections d’histoire naturelle et des cabinets antiquaires au xviiie siècle, sa position est devenue plus incertaine. En 1797, Thouin écrit à propos du deuxième convoi d’Italie quelques remarques saisissantes — ou perturbantes —, pour notre temps de patrimoine41 :

La momie égyptienne en fait la principale prise. Nous l’avons envoyé [sic] non comme une chose très rare mais comme pouvant être utile à différents objets. Les os forment un squelette antique. Les chairs et l’embaumement pourront être donnés aux peintres qui en manquent et s’en serviront utilement dans la composition de leurs tableaux et le cercueil qui est de cicomore [sycomore] (ficus cycomorus L.) donnera une idée de la nature des bois de cet arbre, de ses propriétés incorruptibles, en même temps que sa forme indiquera l’état de la sculpture en bois dans l’antiquité égyptienne.

  • 42 Voir aussi Catalogue d’objets précieux d’Histoire naturelle et des arts qui garnissoient la galeri (...)

12La momie d’Égypte saisie en Italie intéresse autant l’anatomiste que le peintre, et autant le botaniste que l’antiquaire. Dans la momie, tout est utile, dirait Thouin ; tout se transforme, dirait l’adage ; tout se traduit, dirait Latour. Ces investissements pluriels débouchent ici sur la proposition de dépeçage de l’objet : le squelette fera le bonheur de l’anatomiste, et Thouin pense alors à Cuvier ; les chairs et embaumements seront convertis en peinture par les peintres42 ; le sarcophage servira l’étude du botaniste et de l’antiquaire.

Momies du cabinet d’Olearius
Frontispice de l’ouvrage de Olearius (Adam), Gottorffische Kunst-Kammer worinnen allerhand ungemeine Sachen (…), [Hamburg] : Auff Gotttfriedt Schulssens Rosten, 1674 Cliché | Université de Strasbourg, Service Commun de la Documentation (dépôt BNU).

  • 43 Bourguet (Marie-Noëlle), « Landscape with numbers. Natural history, travel and instruments, mid-18 (...)
  • 44 Cuvier (Georges), Lacépède (Bernard) & Lamarck (Jean-Baptiste), « Rapport des professeurs du Muséu (...)
  • 45 Gohau (Gabriel), « La Naissance de la Géologie historique : Les ‘Archives de la Nature’ », Travaux (...)
  • 46 Cuvier (Georges), « Mémoire sur l’Ibis des Anciens Égyptiens », Annales du Muséum d’Histoire natur (...)

13Parfois, le naturaliste se fait également antiquaire de la nature. Il décrit alors des spécimens disparus depuis des millénaires pour proposer une histoire du globe. Au xviiie siècle, ce sont les fossiles qui sont ordinairement mobilisés dans les théories de la terre : les « fossiles sont les médailles du passé » selon Buffon ; ils « sont les thermomètres du passé » pour Giraud-Soulavie43. En 1802, Lacépède et ses confrères observent que la collecte égyptienne de Geoffroy Saint-Hilaire a « cela de particulier, qu’on peut dire qu’elle contient des animaux de tous les siècles. Depuis long-temps on désiroit savoir si les espèces changent de forme par la suite du temps. Cette question, futile en apparence, est cependant essentielle à l’histoire du globe, et par suite à la solution de mille autres questions qui ne sont pas même étrangères aux plus graves objets de la vénération humaine »44. Les momies ont ainsi une valeur monumentale : la comparaison entre les spécimens momifiés et leurs analogues vivants permet aux naturalistes de décider de l’identité des espèces au cours des siècles. Elles relèvent de ce Gabriel Gohau a nommé, à propos des restes fossiles, des « archives-indices »45. Pour un temps, et parce que les momies déballées ressemblent aux espèces vivantes, l’interprétation fixiste de Cuvier semble l’emporter sur celle de son collègue et rival Lamarck46.

  • 47 Magasin encyclopédique, 6e année, vol. 3, 1800, p. 543 : « Musée d’histoire naturelle. Rocher liby (...)
  • 48 Kotzebue (Auguste), Souvenirs de Paris…, 1805, op. cit., vol. 2, pp. 21-22.

14Le cas des collections égyptiennes est particulièrement révélateur des va-et-vient entre le Muséum national d’Histoire naturelle et le Muséum des antiques. Les deux institutions vont réfléchir à la création de lieux de conservation dédiés à ces collections. Vers 1800, à l’occasion du dépôt au Muséum d’Histoire naturelle d’un « rocher lybique [sic], sur lequel sont figurées les pyramides de Ghizé, exécuté sous la direction et d’après le dessin de C. Grobert, chef de brigade d’artillerie », l’administration du Muséum conçoit « le projet d’une salle ægyptienne, dont le modèle en question occupera le milieu ; elle sera décorée par un de nos plus célèbres architectes, d’une manière analogue au sujet. Les momies, les reptiles, et tous les objets relatifs à l’ægypte, que l’on apporteroit au Muséum, seront disposés dans cette salle »47. En 1804, Kotzebue remarque à propos du Cabinet des antiques que sa richesse « consiste principalement en raretés égyptiennes […]. En voyant toutes sortes d’ornemens et d’ustensiles de ménage des Égyptiens, vous vous transportez en idée dans leurs habitations, vous les voyez dans leur intérieur, dans leur vie privée. Voilà des cuillères, des fourchettes, des dés, des tables etc. ; voilà aussi deux ibis embaumés […]. Un des morceaux les plus rares est un autel chargé de hiéroglyphes »48. Les deux salles égyptiennes, très différentes quant à leur contenu, semblent complémentaires : au Muséum des antiques, on reconstitue l’espace de la vie quotidienne des anciens Égyptiens ; au Muséum national d’Histoire naturelle, on propose d’exposer le monde naturel du pays. Le partage des objets entre les deux collections relève bien, à grands traits, de l’ancienne distinction entre artificialia et naturalia.

  • 49 Pour ce qui suit : AN, F/17/3979 : Lettre de Millin et Barthélemy de Courçay, conservateurs du Mus (...)
  • 50 Sur le rôle des monuments dans la méthode historique, voir Certeau (Michel de), « Histoire et anth (...)

15Pourtant, dès juin 1795, le Cabinet des antiques demande au Muséum d’Histoire naturelle trois choses49 : une suite de pierres gemmes pour que les étudiants puissent comparer des échantillons bruts à une « superbe collection de pierres gravées » ; une suite de basaltes égyptiens et de marbres de Grèce et d’Italie car il est « toujours utile pour la parfaite intelligence des monumens de faire connoître la matière dont ils sont faits avant de parler de leur exécution et de leur objet » ; enfin, « vous savez aussi bien que nous, citoyens, que les objets isolés, placés loin des dépôts où ils doivent faire suite, deviennent sans utilité pour les sciences. On a porté à votre Muséum une caisse de Momie d’Égypte qui est reléguée dans un de vos magasins et qui placée parmi les monumens égyptiens que nous possédons, seroit intéressante pour l’instruction ; nous ne doutons pas que vous ne décidiez qu’elle sera reportée au Muséum des antiques qui est véritablement sa place ». Les deux premières demandes concernent les naturalia utiles à la connaissance des Anciens car elles montrent ce qu’étaient les pierres avant qu’elles « ayent subi le travail du touret ». La dernière requête concerne une momie égyptienne que Millin et Barthélemy veulent disposer parmi les « monumens égyptiens ». Pour l’antiquaire comme pour le naturaliste, les momies font office de monuments : pour Cuvier, elles servent d’argument dans une querelle sur l’histoire du globe ; pour Millin et Barthélemy, elles témoignent de l’antiquité de la civilisation égyptienne. Objets-frontières, au point de contact entre deux champs de savoir que l’on a l’habitude d’opposer — parce que l’un traite de la nature et l’autre de l’Homme — les momies révèlent ce que ces savoirs ont en partage : une même démarche cognitive, la méthode historique permettant de reconstituer le passé à partir des traces matérielles laissées dans le présent50.

  • 51 AN, F/17/1229 : État des objets de Saint-Victor par Thouin, Cadot et Lucas. Paris, le 6 thermidor (...)
  • 52 Magasin encyclopédique, 3e année, vol. 3, 1797, p. 281 : « Momie arrivée au Muséum des antiques ».
  • 53 AN, F/17/1276 : Lettre de Millin, conservateur du Muséum des antiques au citoyen Ginguené, directe (...)
  • 54 Kotzebue (Auguste), Souvenirs de Paris…, 1805, op. cit., vol. 2, pp. 18-31 ; pour la citation, pp. (...)
  • 55 Sur cette question, voir Daugeron (Bertrand), Apparition-Disparition des nouveaux mondes …, op. ci (...)

16Les confiscations révolutionnaires et l’expédition d’Égypte ont apporté à Paris des cadavres desséchés et autres momies : certaines ont été saisies en France comme à Saint-Victor, d’autres à l’étranger comme à Turin ou Sinzig51. En mai 1797, lors de sa mission en Europe septentrionale, Keil confisque une momie à Sinzig près de Bonn. Le Magasin encyclopédique rapporte le parcours de la momie entre les collections parisiennes52. D’abord déposée au Cabinet des antiques de la Bibliothèque nationale, elle « n’est autre chose qu’un cadavre desséché comme on en trouve en plusieurs endroits, et à qui on a donné la forme d’un saint comme on le fait aux corps bien conservés qui se trouvent dans les catacombes de Rome ». Rapidement, les conservateurs du Muséum des antiques envoient le cadavre desséché au Muséum d’Histoire naturelle où la « pièce anatomique » sera mieux placée53. Quelques années plus tard, d’autres momies suivent le parcours inverse qui mène du Cabinet national d’histoire naturelle au cabinet des antiques. Rapportées par l’expédition d’Égypte et conservées au Muséum des antiques, elles « sont un peu déchirées, parce que Cuvier les a analysées, pour tâcher de reconnaître les aromates dont on s’est servi pour les embaumer »54. Bertrand Daugeron voit dans ces deux déplacements concomitants un « partage entre historique et naturalisable [qui] fixe la distribution des restes humains entre ces deux institutions » et redoublerait le partage entre « Nous » et « Eux »55. Cette lecture politique des chassés-croisés de momies pourrait être séduisante mais c’est bien la momie allemande qui finit sa course au Muséum d’Histoire naturelle et l’égyptienne qui passe au Muséum des antiques.

  • 56 Bulletin polymathique du Muséum d’instruction publique de Bordeaux, vol. 1, 1802, quatrième cahier (...)

17Pour comprendre ces déplacements de momies, on peut sortir de Paris pour Bordeaux et passer des momies égyptiennes à celles des Canaries. En 1803, le Muséum d’instruction de Bordeaux acquiert deux momies des Guanches apportées des Canaries, l’une découverte dans la grotte du Pic de Ténériffe et l’autre, trouvée enveloppée de peaux d’animaux dans le creux d’un rocher. Le Bulletin polymathique du Muséum de la ville leur consacre un article56 :

On distingue les momies en naturelles et en artificielles. Les dernières sont celles qui paroissent avoir été soumises à quelques préparations de l’art ; les autres sont celles qui se trouvent simplement desséchées par l’action de l’air, ou qui sont conservées dans certains caveaux auxquels on connoît la propriété de garantir les cadavres de la putréfaction, comme le Charnier des ci-devant Cordeliers de Toulouse, et celui du Clocher de St. -Michel, à Bordeaux […].

Les deux momies qui sont au Muséum doivent être arrangées dans la classe des momies artificielles. L’état dans lequel elles sont encore, le lieu où elles ont été découvertes, les traditions qu’on a recueillies alors aux Canaries, tout cela fait présumer que les habitans de ces îles employoient une méthode particulière, pour préserver de la putréfaction les chairs des corps morts, et que l’art de les conserver long-temps n’a pas été exclusivement pratiqué en Égypte.

18Ce détour bordelais permet de comprendre l’assignation d’une place particulière à chacune des deux momies parisiennes. La momie de Sinzig, « simplement desséchée par l’action de l’air » est bien une « momie naturelle », ce que l’on appelait au xviie siècle une « momie blanche » ; celle d’Égypte, « soumise à une préparation de l’art », est une « momie artificielle ». La première, sans qualités pour l’érudition, rejoint le Muséum d’Histoire naturelle où elle pourra faire l’objet d’une dissection ; la momie égyptienne, dont l’intérêt anatomique a été comme épuisé par le scalpel de Cuvier, rejoint finalement le Muséum des antiques. La répartition des momies entre ces deux institutions ne dépend pas de leur origine géographique mais bien de la position du curseur entre usage naturaliste et recherche érudite.

  • 57 Fischer (Gotthelf), Das Nationalmuseum…, 1802-1803, op. cit., vol. 2, pp. 327-330. Voir aussi Sloa (...)
  • 58 Kotzebue (Auguste), Souvenirs de Paris…, 1805, op. cit., vol. 2, p. 154
  • 59 Pujoulx (Jean-Baptiste), Promenades au Jardin des plantes…, 1803, op. cit., vol. 1, p. 72 ; Pinker (...)

19Au Muséum d’Histoire naturelle, les momies humaines sont réunies dans la deuxième salle du cabinet d’anatomie comparée de Cuvier renfermant les parties humaines, les squelettes de singes et d’autres mammifères57. Elles viennent « en partie de l’Égypte, en partie des Guanches, premiers habitans de l’île de Ténériffe »58. L’anatomiste du Muséum rassemble ainsi dans son cabinet une momie allemande avec des momies égyptiennes et des Guanches. Dans sa collection, on croise également des squelettes de nains dont celui du fameux Bébé, favori du roi de Pologne de Lunéville, et, sur le sol, le cadavre de Turenne mentionné dans de nombreux guides et récits de voyage, que Pinkerton décrit comme une momie desséchée59 :

Comme j’étais occupé dans cette salle à considérer le squelette de quatorze pieds d’une giraffe [sic], une quantité de singes & les os gigantesques d’un éléphant & d’un rhinocéros, mon pied heurta contre une mauvaise caisse de bois appuyée contre la muraille ; je baissai les yeux, & je vis les restes desséchés d’un grand homme d’environ six pieds, à moitié couvert d’un suaire en lambeaux, couché dans cette caisse ouverte, aspect surprenant dans ces lieux ! Quelle est, dis-je à l’inspecteur, cette carcasse pourrie ? Il me répondit avec une voix imposante comme pour me commander le respect, ‘c’est le cadavre du grand Turenne’. Turenne ? comment les os respectables de ce grand homme se trouvent-ils ici, & qui est ce [sic] qui a violé le repos de sa tombe ? — L’inspecteur m’apprit, que lors de la destruction des tombeaux des rois dans l’église Saint-Denis, on avait craint que le tombeau & le cadavre de ce héros ne fussent englobés dans cette destruction, en conséquence on l’avait tiré de son cercueil sous prétexte de l’employer à des démonstrations anatomiques, & on l’avait mis ici en sûreté. La chair et les os s’étaient desséchés sur les os, & on ne pouvait reconnaître aucun des traits du visage. La peau du ventre était déchirée à la place où le boulet de canon avait atteint ce héros. Je considérai avec une vénération muette les restes de ce grand homme, l’image de la grandeur humaine se terminant en rien, & je passai.

20Meyer trébuche sur le corps et s’étonne de la présence du « grand Turenne » au milieu des pièces anatomiques de la collection. Le placement des momies n’est décidément pas une question de dignité du cadavre — dignité des « os respectables [du] grand homme » opposée à celle des anciens Égyptiens — mais bien d’usage même si l’emploi du corps de Turenne à des fins anatomiques sert d’abord de prétexte pour en assurer la sauvegarde.

*

21Les cabinets de curiosités du xviie siècle et encore les collections naturalistes de la fin du xviiie siècle mélangent naturalia et artificialia. Dans l’association entre spécimens naturels et artefacts exotiques, et par contraste avec la réunion des œuvres européennes en un lieu séparé, se découvre une Humanité encore conçue comme échelonnée, répartie entre différents stades de civilisation et partagée entre Sauvage et Civilisé, ce partage s’opérant fondamentalement autour des formes et des degrés de la maîtrise de la nature. À partir de 1797, le Muséum d’Histoire naturelle abandonne ses curiosités au profit des cabinets d’histoire naturelle des départements et du Muséum des antiques de la Bibliothèque nationale. Les premiers vont continuer la tradition de l’Ancien Régime tandis que le second tente une expérience originale au travers de la confrontation des artefacts des « deux hémisphères », confrontation dont l’objectif serait de mieux comprendre l’antiquité de l’Humanité, à moins que l’on interprète cet assemblage d’objets hétéroclites dans une petite salle comme un cabinet de curiosités nouvelle manière. Plus immédiatement interprétable que le parcours des artefacts, la répartition des momies entre le Muséum d’Histoire naturelle et le Muséum des antiques indique qu’in fine, c’est bien l’usage qui détermine le placement des objets : tout dépend alors de la priorité accordée soit à leur façon — à l’art des Hommes — soit aux matériaux — aux choses naturelles — qui les constituent.

  • 60 Almaça (Carlos), A Natural History Museum…, op. cit., p. 21.
  • 61 Lettre de Thouin et Haüy au ministre de l’Intérieur. Paris, le 12 août 1815, citée in Savoy (Bénéd (...)
  • 62 Poulot (Dominique), « Surveiller et s’instruire »…, op. cit., p. 320.
  • 63 Troux (Albert), L’École centrale du Doubs…, op. cit., pp. 131-135 ; pour la citation, p. 131.
  • 64 Derostaing Derivas (Eugène-Pierre), « Notice sur le Musée d’histoire naturelle de la ville de Nant (...)

22Après la Révolution, les artefacts exotiques et les momies humaines sont délaissés par les naturalistes : en 1808, Geoffroy Saint-Hilaire abandonne les objets ethnographiques à Ajuda60 ; en 1815, la momie de Sinzig est restituée sans hésitation, Thouin écrivant alors qu’elle ne présente « aucun intérêt pour la science »61. Le muséum achève alors le processus de « purification » de ses collections qui est le corollaire, dans l’ordre matériel, du processus de formation des disciplines. Cette spécialisation des musées « ne touche cependant que le domaine parisien »62. En province, les collections départementales demeurent très mélangées, sans doute parce qu’elles sont beaucoup plus modestes. À Besançon, en 1796, le bibliothécaire se plaint que le médaillier a été confié au professeur d’histoire naturelle et à celui de dessin avant d’ajouter : « Si c’est l’intention d’en faire orner le Muséum et le cabinet d’histoire naturelle, qui a déterminé ce choix, membre de l’École centrale, je m’opposerai de toute ma force à un mélange hétérogène qui ne pourroit qu’attirer à notre établissement le reproche d’une ignorance crasse ou d’une gaucherie inexcusable »63. Le bibliothécaire a peur de la mauvaise réputation provinciale au regard de la spécialisation des collections de la capitale, peur que l’on retrouve encore exprimée au milieu du xixe siècle à propos du Musée d’histoire naturelle de Nantes64. Pour paraître moderne, il faut alors faire un sort à toutes ces choses ambivalentes — comme le sont les artefacts exotiques ou les momies humaines — en leur trouvant une destination qui mette en adéquation un projet de savoir et la nature des objets.

Notes

1 Pickstone (John V.), « Museological Science ? The Place of the Analytical/Comparative in Ninenteenth-Century Science, Technology and Medecine », History of Science, no 32, 1994, pp. 111-138.

2 Poulot (Dominique), « Surveiller et s’instruire »…, op. cit., p. 321.

3 Cité in Ibid., p. 320.

4 Ibid., p. 254.

5 Sur la notion proche d’objet-frontière, voir Star (Susan Leigh) & Griesemer (James R.), « Institutionnal Ecology. ‘Translations’ and Boundary Objects : Amateurs and Professionals in Berkeley’s Museum of Vertebrate Zoology. 1907-1939 », Social Studies of Science, vol. 19, no 3, 1989, pp. 387-420.

6 Sur la « biographie des objets scientifiques », voir Daston (Lorraine), « The Coming into Being of Scientific Objects », in Daston (Lorraine) (sous la dir.), Biographies of Scientific Objects, Chicago : Chicago University Press, 2000, pp. 1-14.

7 Gronovius (Laurentius Theodor), Museum Gronovianum : sive Index rerum naturalium, Leyde : Haak, 1778, 253 p.

8 Dezallier d’Argenville (Antoine-Joseph), Histoire naturelle éclaircie dans deux de ses parties principales, la lithologie et la conchyliologie, Paris : chez De Bure l’aîné, 1742, pp. 198-200 ; ici, pp. 198-199.

9 Dezallier d’Argenville (Antoine-Joseph), La Conchyliologie…, op. cit., 1780, vol. 1, pp. 209-220.

10 Décade philosophique, vol. 9, mars à mai 1796, pp. 398-412 puis pp. 454-464 : « Voyage à la recherche de La Peyrouse ».

11 AN, AJ/15/836 : Liste des objets d’Histoire naturelle confisqués à l’abbaye Saint-Victor par Cadot et Thouin. Paris, le 6 thermidor an II.

12 Décade philosophique, vol. 5, mars à mai 1795, pp. 534-537 : « Objets d’histoire naturelle recueillis en Hollande ».

13 AN, AJ/15/836 : « Catalogue des objets composant le cabinet d’histoire naturelle de Chantilly » par Gaillard, Lefebvre de Villebrune, Lamarck et Geoffroy Saint-Hilaire. Chantilly, le 5 août 1793.

14 La Rochefoucauld d’Anville (Louis Alexandre de), Instruction concernant la conservation des manuscrits, chartes, sceaux, livres imprimés, monuments de l’antiquité et du Moyen Age, statues, tableaux, dessins et autres objets relatifs aux beaux arts, aux arts mécaniques, à l’histoire naturelle, aux mœurs et usages des différents peuples, tant anciens que modernes, provenant du mobilier des maison ecclésiastiques, et faisant partie des biens nationaux, Paris : Imprimerie nationale, 1790, chap. 7.

15 Bourguet (Marie-Noëlle), « La Collecte du monde… », art. cit., p. 165, n. 6.

16 Sur cette question, voir Kury (Lorelai), « André Thouin et la nature exotique… », art. cit., pp. 255-256. En 1775, le physiocrate Dupont de Nemours dans sa Table raisonnée de principes de l’économie politique admet par exemple trois stades : la cueillette ; la chasse et la pêche ; l’agriculture et la domestication animale.

17 AN, F/17/1277 : Lettre de Thouin. La Haye, le 26 pluviôse an III. En deux exemplaires : l’un au Comité de Salut public ; l’autre à la Commission temporaire des arts.

18 AN, AJ/15/837, sous-dossier de l’École centrale de la Dyle ; AN, AJ/15/838, sous-dossiers des Écoles centrales de Jemmapes, Haute-Loire, Oise, Ourthe, Sarthe.

19 Gain (André), L’École centrale de la Meurthe à Nancy, Nancy : Berger-Levrault, 1922, p. 107.

20 Marcours (F.), « L’École centrale du département de l’Ourthe à Liège (1797-1804) », Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, vol. 74, 1961, p. 364.

21 Coirault (Gaston), Les Écoles centrales dans le Centre-Ouest, c’est-à-dire dans le ressort de l’académie de Poitiers (Départements de la Charente, de la Charente-Inférieure, de l’Indre, de l’Indre-et-Loire, des Deux-Sèvres, de la Vendée, de la Vienne et de la Haute-Vienne). An IV à an XII, Tours : Imprimerie Arrault & Cie, 1940, p. 122.

22 Troux (Albert), L’École centrale du Doubs à Besançon. An IV-an XI, Paris : Félix Alcan, 1926, p. 146.

23 Inventaire du cabinet réalisé le 20 prairial an X reproduit in Reinhard (Marcel), Le Département de la Sarthe sous le régime directorial, Saint-Brieuc : Presses bretonnes, 1935, pp. 544-545 ; ici, p. 544.

24 Voir Sarmant (Thierry), Le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. 1661-1848, Paris : École des chartes, 1994, p. 226 (Mémoires et documents de l’École des chartes) ; et surtout Daugeron (Bertrand), Apparition-Disparition des nouveaux mondes en Histoire naturelle. Enregistrement-Épuisement des collections scientifiques (1763-1830), thèse de doctorat [Jurdant Baudouin, dir.], Paris : Éditions de l’EHESS, 2007, pp. 461-471.

25 AN, AJ/15/839 et CMBNF, 5 AMC : « Catalogue des objets enlevés au Muséum d’Histoire naturelle pour le Muséum des antiques de la Bibliothèque nationale » par Millin et François de Neufchâteau. Paris, le 30 fructidor an V ; ACM, 5 : « Catalogue des objets enlevés au Muséum d’Histoire naturelle pour le Muséum des antiques de la Bibliothèque nationale ». Paris, le 3 thermidor an V ; « État des objets enlevés au Muséum d’Histoire naturelle pour le Muséum des antiques ». Paris, Le 22 vendémiaire an VI. Ce dernier état synthétise les deux envois précédents.

26 Pour ce qui suit, voir Pujoulx (Jean-Baptiste), Promenades au Jardin des plantes…, op. cit., vol. 1, pp. 182-183 et pp. 246-247.

27 Jaume Saint-Hilaire (Jean-Henri), Notice des principaux objets d’histoire naturelle conservés dans les galeries du Muséum du jardin des Plantes de Paris, à l’usage des personnes qui les visitent..., Paris : Donnier, An IX [1800/1801], 216 p.

28 Voir Cointreau (André Louis), Histoire abrégée du cabinet des médailles et antiques de la Bibliothèque nationale, ou État succinct des acquisitions et augmentations qui ont eu lieu, à dater de l’année 1754 jusqu’à la fin du siècle (an VIII de la République française), Paris : C. Pougens, An IX (1800), 248 p. ; Hamy (Ernest-Théodore), Les Origines du Musée d’ethnographie. Histoire et documents, Paris : Ernest Leroux, 1890, 321 p. (Publications du Musée d’ethnographie) ; Sarmant (Thierry), Le Cabinet des médailles…, op. cit., 403 p. ; Daugeron (Bertrand), Apparition-Disparition des nouveaux mondes …, op. cit., partie 3 ; Daugeron (Bertrand), « Entre l’Antique et l’Exotique, le projet comparatiste du ‘Muséum des Antiques’ en l’An III », Annales historiques de la Révolution française, n ° 356, 2009, pp. 143-176 ; Daugeron (Bertrand), Collections naturalistes entre science et empires. 1763-1804, op. cit., partie 3. Sur Millin, voir Krafft (Charles-Guillaume), « Notice sur Aubin-Louis Millin », Annales encyclopédiques, vol. 6, 1818, pp. 5-84.

29 Lefebvre de Villebrune (Jean-Baptiste), « Projet de réorganisation de la Bibliothèque nationale. 28 brumaire an III ». Cité in Guillaume (James), Procès-verbaux du Comité d’Instruction publique…, op. cit., vol. 6, p. 916.

30 CMBNF, 5 AMC : pour les artefacts exotiques : Note par [Bathélemy de Courçay]. Paris, le 12 messidor an III ; « Curiosités indiennes ». Paris, le 3 fructidor an IV ; « État des objets d’Antiquité conservés au dépôt national rue de Beaune qui paroissent devoir faire partie du Muséum des Antiquités ». Paris, envoyé au Comité le 3 messidor an III ; « État des objets des Antiquités conservés au dépôt national rue de Beaune qui d’après un arrêté du Comité d’Instruction publique du 20 Messidor an III de la République ont été transportés au Muséum des antiques par le conservateur de ce dépôt ». Sans lieu ni date ; « État des objets enlevés au Dépôt de la Maison de Nesle pour le Muséum des antiques de la Bibliothèque nationale » par Millin, Barthélemy et Naigeon. Paris, le 17 fructidor an V ; « État des objets indiens provenans de la Collection du Cen. Gauthier transportés au Muséum des antiques de la Bibliothèque nationale ». Paris, le 5 messidor an V.

31 Daugeron (Bertrand), « Entre l’Antique et l’Exotique… », art. cit., pp. 143-176.

32 CMBNF, 5 AMC : Lettre des conservateurs du Muséum des antiques au Comité de l’Instruction publique ». Sans lieu ni date. Également cité in Daugeron (Bertrand), Apparition-Disparition des nouveaux mondes …, op. cit., p. 465.

33 Certeau (Michel de), Le Lieu de l’autre. Histoire religieuse et mystique [éd. établie par Giard Luce], Paris : Éditions de l’EHESS ; Gallimard ; Seuil, 2005, voir chap. 4 : Histoire et anthropologie chez Lafitau, pp. 89-111 et notamment pp. 94-97.

34 Harten (Elke), Museen und Museumprojekte der französischen Revolution. Ein Beitrag zur Entstehungsgeschichte einer Institution, Munster : Lit Verlag, 1989, pp. 131-132 et pl. 25 et 26.

35 Diot-Duriatti (Marie-Renée), « Jérémie Jacques Oberlin correspondant d’Aubin-Louis Millin », in Espagne (Geneviève) & Savoy (Bénédicte) (sous la dir.), Aubin-Louis Millin et l’Allemagne. Le Magasin encyclopédique - Les lettres à Karl August Böttiger, Zürich : Hildesheim ; New York : Georg Olms, 2005, p. 105 (Europea memoria).

36 Lacour (Pierre-Yves), « Encyclopédisme et distribution des savoirs dans le Magasin encyclopédique », art. cit., § 7.

37 Kotzebue (Auguste), Souvenirs de Paris en 1804, Paris : Imprimerie de Chaignieau Aîné, 1805, vol. 1, pp. 22-30.

38 Olearius (Adam), Gottorffische Kunst-Kammer worinnen allerhand ungemeine Sachen…, [Hamburg] : Auff Gotttfriedt Schulssens Rosten, 1674, frontispice.

39 Schnapper (Antoine), Le Géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 96.

40 Ibid., p. 95.

41 AN, AJ/15/836 : Lettre de Thouin aux professeurs du Muséum. Bologne, le 20 pluviôse an V.

42 Voir aussi Catalogue d’objets précieux d’Histoire naturelle et des arts qui garnissoient la galerie du feu C. en Poissonnier, An VII, op. cit., p. 5 : dans la rubrique « Histoire naturelle de l’Homme », on rencontre deux momies égyptiennes ; à propos de la première, on lit : « Tout le monde sait qu’outre la rareté de pareils morceaux, les Peintres en achètent les fragments fort cher, pour les employer comme couleur ».

43 Bourguet (Marie-Noëlle), « Landscape with numbers. Natural history, travel and instruments, mid-18th– early 19th centuries », in Bourguet (Marie-Noëlle), Licoppe (Christian) & Sibum (Otto) (sous la dir.), Instruments, Travel and Science. Iitineraries of Precision from the Seventeenth to the Twentieth Century, Londres : Routledge, 2002, p. 108 (Routledge Studies in the History of Science, Technology and Medicine).

44 Cuvier (Georges), Lacépède (Bernard) & Lamarck (Jean-Baptiste), « Rapport des professeurs du Muséum sur les collections d’histoire naturelle rapportées d’Égypte… », art. cit., pp. 235-236 ; ici, p. 235.

45 Gohau (Gabriel), « La Naissance de la Géologie historique : Les ‘Archives de la Nature’ », Travaux du comité français d’histoire de la géologie, 2e série, vol. 4, 1986, pp. 57-65.

46 Cuvier (Georges), « Mémoire sur l’Ibis des Anciens Égyptiens », Annales du Muséum d’Histoire naturelle, vol. 4, 1804, pp. 116-135 ; Drouin (Jean-Marc), « Calculs et circonstances : portée et limites de l’œuvre des savants », in Laissus (Yves) (sous la dir.), Il y a 200 ans, les savants en Égypte, Paris : Nathan ; Muséum national d’Histoire naturelle, 1998, p. 84 ; Taquet (Philippe), « Momies comparées », in Laissus (Yves) (sous la dir.), Il y a 200 ans, les savants en Égypte, op. cit., pp. 82-83.

47 Magasin encyclopédique, 6e année, vol. 3, 1800, p. 543 : « Musée d’histoire naturelle. Rocher libyque [sic] gravé déposé dans la salle de minéralogie du Muséum d’Histoire naturelle ».

48 Kotzebue (Auguste), Souvenirs de Paris…, 1805, op. cit., vol. 2, pp. 21-22.

49 Pour ce qui suit : AN, F/17/3979 : Lettre de Millin et Barthélemy de Courçay, conservateurs du Muséum des antiques, aux professeurs du Muséum d’Histoire naturelle. [Paris], [X] messidor an III.

50 Sur le rôle des monuments dans la méthode historique, voir Certeau (Michel de), « Histoire et anthropologie chez Lafitau », art. cit. Sur l’histoire naturelle comme « science des monuments » voir Hoquet (Thierry), Buffon : Histoire naturelle et philosophie, Paris : Honoré Champion, 2005, chap. 15.

51 AN, F/17/1229 : État des objets de Saint-Victor par Thouin, Cadot et Lucas. Paris, le 6 thermidor an II. Il s’agit ici d’une momie égyptienne ; Magasin encyclopédique, 5e année, vol. 1, 1799, pp. 269-270 : « Nouveau convoi d’objets d’art de Turin » ; AN, F/17/1276 : Lettre de Keil au ministre de l’Intérieur. Griessen, le 14 floréal an V ; Lettre de Keil au ministre de l’Intérieur. Bonn, le 16 thermidor an V.

52 Magasin encyclopédique, 3e année, vol. 3, 1797, p. 281 : « Momie arrivée au Muséum des antiques ».

53 AN, F/17/1276 : Lettre de Millin, conservateur du Muséum des antiques au citoyen Ginguené, directeur de l’Instruction publique. [Paris], le 2 vendémiaire an VI.

54 Kotzebue (Auguste), Souvenirs de Paris…, 1805, op. cit., vol. 2, pp. 18-31 ; pour la citation, pp. 21-30.

55 Sur cette question, voir Daugeron (Bertrand), Apparition-Disparition des nouveaux mondes …, op. cit., p. 560.

56 Bulletin polymathique du Muséum d’instruction publique de Bordeaux, vol. 1, 1802, quatrième cahier, pp. 110-111 : « Avis sur deux momies qui se voient au Muséum d’instruction publique de Bordeaux ».

57 Fischer (Gotthelf), Das Nationalmuseum…, 1802-1803, op. cit., vol. 2, pp. 327-330. Voir aussi Sloan (Philip R.), « Le Muséum de Paris vient à Londres », art. cit., pp. 616-617.

58 Kotzebue (Auguste), Souvenirs de Paris…, 1805, op. cit., vol. 2, p. 154

59 Pujoulx (Jean-Baptiste), Promenades au Jardin des plantes…, 1803, op. cit., vol. 1, p. 72 ; Pinkerton (John), Recollections of Paris in the Years 1802-1805, London : Longman ; Hurst Rees & Orme, 1806, p. 192 ; Bugge (Thomas), Travels in the French Republic containing a Circumstantial View of the Present State of Learning, the Arts, Manufactures, Learned Societies, Manners, & c. in that Country [tr. du danois par Jones John], London : R. Philipps, 1801, pp. 159-160 ; Meyer (Friedrich Johann Lorenz), Fragments sur Paris, 1798, op. cit.,vol. 2, pp. 65-66. Sur le parcours du corps de Turenne, voir Poulot (Dominique), « Surveiller et s’instruire »…, op. cit., p. 249 et p. 389.

60 Almaça (Carlos), A Natural History Museum…, op. cit., p. 21.

61 Lettre de Thouin et Haüy au ministre de l’Intérieur. Paris, le 12 août 1815, citée in Savoy (Bénédicte), Patrimoine annexé…, op. cit., vol. 1, p. 324.

62 Poulot (Dominique), « Surveiller et s’instruire »…, op. cit., p. 320.

63 Troux (Albert), L’École centrale du Doubs…, op. cit., pp. 131-135 ; pour la citation, p. 131.

64 Derostaing Derivas (Eugène-Pierre), « Notice sur le Musée d’histoire naturelle de la ville de Nantes », Annales de la Société royale académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, 2e série, vol. 8, 1847, p. 142.

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Légende Arte factaPage 242 extraite du Museum Gronovianum de Gronovius (1778) Cliché Université de Strasbourg, Service Commun de la Documentation (dépôt BNU).
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Légende Momies du cabinet d’OleariusFrontispice de l’ouvrage de Olearius (Adam), Gottorffische Kunst-Kammer worinnen allerhand ungemeine Sachen (…), [Hamburg] : Auff Gotttfriedt Schulssens Rosten, 1674 Cliché | Université de Strasbourg, Service Commun de la Documentation (dépôt BNU).
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