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Le spécimen et le collecteur

 | 
Vincent Leblan
, 
Dominique Juhé-Beaulaton

Conclusion

Les collections naturalistes : une histoire renouvelée, un patrimoine à questionner

Dominique Juhé-Beaulaton et Vincent Leblan

Texte intégral

  • 1 Chrétien (Jean-Pierre), « Les premiers voyageurs étrangers au Burundi et au Rwanda : les “compagno (...)

1Au terme de cet ouvrage, les outils de la méthode historique apparaissent désormais incontournables pour cerner la composante matérielle des collections naturalistes et les transformer en objets de recherche sur l’évolution, dans le temps et dans l’espace, de communautés humaines, végétales et animales, et ce en deux sens différents : non seulement dans une optique relativement classique mobilisant les spécimens pour témoigner d’environnements passés mais aussi, de façon plus novatrice, comme significatifs de rapports sociaux propres aux circonstances de leur prélèvement sur le terrain, qui correspondent à la première étape de leur muséification. Retracer l’itinéraire des spécimens entre le lieu de la collecte et celui de la conservation a révélé la fluidité des différentes catégories d’acteurs, du « simple collecteur » resté anonyme aux scientifiques des musées, savants métropolitains, qui ont parfois eux-mêmes collecté sur le terrain tout en ayant recours aux échanges ou achats de spécimens pour enrichir leur collection, à titre privé ou pour une institution. De même qu’il n’y a pas à proprement parler de « métier d’explorateur », cette activité se dérobant à toute tentative de définition par une série d’intérêts qui seraient uniformes et communs à l’ensemble de ses protagonistes1, la figure du « collecteur » apparaît comme une catégorie imaginée de toute pièce par ceux réceptionnant les spécimens au musée, loin du terrain, en fonction de leurs intérêts propres, c’est-à-dire en subsumant sous un seul terme les pratiques et les réseaux d’interconnaissance de militaires, d’administrateurs, d’aventuriers, de missionnaires et de commerçants, européens ou non, s’adonnant à la quête de spécimens.

  • 2 Quenet (Gregory), Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?, Seyssel : Champ Vallon, 2014, 298 p (...)

2Le suivi des trajectoires de spécimens et de personnes, dans un va-et-vient permanent entre le terrain et le musée, rend visible un aspect de la fabrication et de la transmission de la connaissance naturaliste ainsi que la diversité des relations à l’environnement et des intérêts en jeu. Leurs histoires de vies, indissociables les unes des autres, et loin de se limiter à la sphère scientifique, renseignent sur les motivations et le contexte des collectes. Elles représentent un fil conducteur suivi tout au long de l’ouvrage et dégagent aussi des pistes de recherches autour de questions sur l’environnement, l’économie ou le patrimoine. Si la plupart des contributions ne relèvent pas de l’histoire environnementale à proprement parler, beaucoup s’en approchent par la relation à l’environnement induite par le commerce, l’exploration et la collecte, ce qui ouvre une façon renouvelée de participer à ce courant historiographique en plein essor2. L’économie de la circulation des spécimens relève d’un autre champ de recherche à élaborer à partir des cas d’études réunis dans ce livre, en s’interrogeant sur la pertinence de la notion d’une « traite des spécimens ». Enfin, les spécimens apparaissent comme objet d’ambiguïtés patrimoniales selon les modalités de leur collecte, leur conservation et leur statut au sein des collections.

Collectes et histoire environnementale

  • 3 Grove (Richard H.), Green Imperialism, Colonial Expansion, Tropical Island Edens and the Origins o (...)

3L’histoire environnementale, issue en premier lieu de l’histoire rurale et de la géographie historique, contemporaine de l’émergence des préoccupations écologistes, s’est développée en étudiant les facteurs écologiques et les enjeux politiques, économiques et symboliques de la conservation et de l’exploitation de la nature3. Elle ne se contente pas de décrire l’évolution dans le temps des rapports réciproques entre les sociétés et leur milieu, elle englobe aussi une histoire des pratiques et des sensibilités relatives à l’environnement ; les collectes de spécimens, en ce qu’elles ordonnent le monde naturel, font partie de ces pratiques et participent ainsi de la perception par les voyageurs et explorateurs des contrées parcourues.

  • 4 Benson (Étienne), « Endangered birds and epistemic concerns. The California condor », in Vidal (Fe (...)

4Certaines modalités d’échantillonnage de spécimens sur le terrain relevaient de formes de pensée et d’action sur l’environnement imbriquées avec les politiques préservationnistes mises en œuvre dans la plupart des colonies africaines au début du xxe siècle. En d’autres termes, les préoccupations environnementalistes ont aussi contribué à façonner les collections, en justifiant d’inventorier le monde et de l’ordonner. C’est ce qu’a avancé Lancelot Arzel à propos de l’expédition naturaliste de l’American Museum of Natural History de 1909 à 1914, revenant d’Afrique centrale avec des milliers de spécimens de mammifères, d’oiseaux, de reptiles, d’amphibiens et de poissons, et des dizaines de milliers d’invertébrés. Il souligne que Carl Akeley, célèbre chasseur de trophées de gorilles au Congo Belge pour le compte de la même institution, une dizaine d’années plus tard, avait des motivations similaires. Les mammifères qu’il abattait étaient taxidermisés par ses soins, leur offrant ainsi, de son point de vue, une « nouvelle vie » au muséum dans un contexte où les chances de survie de l’espèce étaient jugées minces, comme l’indique pour sa part M. Michaud. Il n’y a là rien de paradoxal dans le contexte du début du xxe siècle, durant lequel les ferments d’une « biologie de sauvetage », pour reprendre l’expression d’Étienne Benson, ont été à l’œuvre dans différentes régions du globe investies par des scientifiques états-uniens. Il s’agissait alors d’intensifier les recherches sur les espèces sauvages perçues comme menacées par l’avancée de la civilisation, quitte à naturaliser les derniers individus de telle espèce (ou supposés tels), les transformant ainsi en archives dont la science pourrait toujours tirer parti4.

  • 5 En Oubangui-Chari, voir Giles-Vernick (Tamara), Cutting the Vines of the Past. Environmental Histo (...)
  • 6 Pouillard (Violette), En captivité. Politiques humaines et vies animales dans les jardins zoologiq (...)

5Ces observations, ainsi que certains chiffres avancés dans cet ouvrage, soulèvent un questionnement sur les conséquences écologiques de la production de spécimens : les collectes auraient-elles contribué à décimer des populations animales ou végétales, ou à tout le moins modifier des équilibres entre les populations des espèces visées ? Ces pratiques ont-elles eu des conséquences comparables à celles de la surexploitation de certaines ressources recherchées par toutes les puissances coloniales, telle la raréfaction, à la fin du xixe siècle et à l’échelle continentale, des lianes à caoutchouc ?5 Que penser, par exemple, des prélèvements intensifs opérés par l’expédition de l’American Museum of Natural History ? Des recherches récentes concernant l’approvisionnement des parcs zoologiques, dont ceux du MNHN, et à une période plus tardive, durant l’entre-deux guerres, lorsque l’idée d’institutionnaliser et d’internationaliser la protection de la nature s’affirmait de plus en plus, font état de ponctions jugées démesurées dans la faune sauvage des colonies6.

6S’il est difficile de répondre à la question de départ en l’état actuel des connaissances, il convient de garder à l’esprit que l’appréciation des conséquences environnementales des collectes n’est possible qu’en les rapportant à une population totale. Vincent Leblan montre que l’approvisionnement en chimpanzés de l’Institut Pasteur de Guinée, à la même époque, a suscité l’inquiétude des membres de l’Académie des Sciences Coloniales quant à la pérennité de l’espèce, celle-ci étant protégée tant pour des raisons intrinsèques que pour maintenir ce qui était alors une ressource pour la virologie et la médecine hospitalière. Or, même en l’absence d’informations sur la population totale des années vingt, l’importance de ces ponctions peut être relativisée par leur distribution géographique, s’étant déployées de façon plus ou moins équilibrée sur le territoire de la colonie. Et comme le rappelle Lancelot Arzel à propos de l’expédition du Muséum new-yorkais en Afrique centrale, rien, dans les chiffres avancés, ne permet de repérer un « scramble déprédateur », de même que les prélèvements cynégétiques à destination des collections muséales dans l’État indépendant du Congo puis sous la colonisation belge n’ont constitué qu’une faible part des animaux capturés ou tués durant cette période, selon Patricia van Schuylenbergh.

  • 7 Maclaud (Charles), « Guinée Française et Fouta-Djallon », Revue coloniale, vol. 5, no 8, 1899, pp. (...)
  • 8 Chevalier (Auguste), L’Afrique centrale française. Récit du voyage de la mission, Paris : A. Chall (...)

7Il nous semble que l’hypothèse d’une continuité des modes de prédation des ressources coloniales entre collecte naturaliste et autres formes d’exploitation économique et sociale traditionnellement étudiées par les historiens est moins à rechercher sur le plan écologique que dans les formes de mobilisation destinées à produire des spécimens. Par exemple, une mission en Guinée à la fin du xixe siècle équipée par le Muséum national d’Histoire naturelle et financée par le ministère des colonies français, dans le but de rapporter des informations utiles à l’administration de régions nouvellement conquises, fait état d’une caravane de 70 porteurs pour tout le matériel d’observation, d’enregistrement et de conservation des données : peaux animales, poissons, insectes, plantes séchées, et même quelques crânes humains dont l’acquisition, à lire ce texte, paraît avoir été aussi ordinaire qu’un spécimen de végétal ou d’animal inconnu7. Ici, l’acquisition des spécimens s’inscrit dans la continuité du voyage en colonne expéditionnaire propre à cette période, comme on le voit également avec les expéditions d’Auguste Chevalier en Afrique centrale et occidentale8. Encore au xixe siècle, au Gabon, la contribution d’Agnès Laîné illustre la continuité des pratiques de collecte avec d’autres modalités de prédation des ressources, en détaillant comment se structurait l’intrication de réseaux marchands et savants pour acquérir des spécimens. Enfin, dans un contexte tout autre, durant la décennie 1920, une partie des prises de singes effectuées pour le compte de l’Institut Pasteur de Guinée et le Muséum national d’Histoire naturelle a été réalisée au moyen de réquisitions de main d’œuvre.

  • 9 Demmer (Christine), Faugère (Elsa), Bourguet (Marie-Noëlle), Dumoulin (David), Lamy (Denis), Merle (...)
  • 10 Dumoulin Kervran (David), « Comment devient-on un coquillage scientifique ? », Techniques & Cultur (...)

8De nos jours, la « biologie de sauvetage » ou « biologie de la conservation » s’incarne entre autres dans l’organisation, par le MNHN, de « grandes expéditions naturalistes » portées par le programme « Planète Revisitée ». Depuis les années 1980, et l’annonce par les scientifiques de la « 6ème extinction des espèces », de nouvelles expéditions ont été montées dans les « pays du Sud » (Vanuatu en 2006, Mozambique en 2009, Madagascar en 2010, etc.) se donnant pour objectifs d’inventorier les espèces dites « négligées » (invertébrés terrestres et marins), d’archiver ces spécimens dans les grands muséums d’histoire naturelle et d’alerter l’opinion et les pouvoirs publics sur cette érosion9. Il est intéressant de remarquer, avec David Dumoulin Kervran, que la géopolitique de la mise en circulation des spécimens par ces expéditions s’inscrit dans le sillage de celle des anciens rapports coloniaux10. La collecte y intervient non seulement comme un outil d’inventaire mais aussi comme réponse face à une forme d’angoisse environnementale contemporaine.

9Parallèlement, l’opposition classique entre le lieu de l’institution muséale, souvent conçue comme un lieu de conservation des spécimens et d’élaboration de théories, et les lieux de la collecte, où les acteurs de terrain agiraient en suivant scrupuleusement les consignes des manuels élaborés à leur intention par les savants, mérite d’être repensée à l’aune d’utilisations nouvelles des collections.

  • 11 L’herbier national est estimé à huit millions de spécimens.
  • 12 Les méthodes des archéosciences appliquées à ces objets ouvrent à l’étude des paléoenvironnements (...)
  • 13 Perrein (Christian), Biohistoire des papillons : diversité et conservation des lépidoptères rhopal (...)
  • 14 Robuchon (Marine), Lamy (Denis), Kervran (Lionel), Dennetière (Bruno), Julliard (Romain) & Le Gall (...)

10Les stocks immenses hébergés par les muséums occidentaux, en zoologie ou en botanique par exemple11, deviennent à leur tour des « terrains » où sont re-collectés les éléments de faunes et de flores anciennes, dont certains n’existent plus dans leur habitat d’origine, dans le but de caractériser les dynamiques du changement environnemental (disparition / apparition de nouvelles espèces, de types de formations végétales, changement climatique, etc.)12 L’inventaire de papillons, dirigé par Christian Perrein, mené dans deux départements français en faisant appel à des entomologues professionnels et de nombreux bénévoles amateurs en est une illustration13 : une comparaison entre données actuelles sur les espèces de lépidoptères recueillies lors d’une prospection systématique sur le terrain et collections anciennes, utilisées comme des archives, a permis de décrire leur évolution spatiale et temporelle se traduisant par une répartition plus restreinte et parfois la disparition de certaines espèces. Le travail réalisé sur l’herbier de Dinard est un autre exemple de la fonction archivistique désormais remplie par les collections naturalistes, révélant ici des changements spatio-temporels de communautés d’algues14, démarche reposant sur le postulat d’une divergence entre la distribution actuelle de certains taxons et celle des collections historiques. Cependant, ce type de données ne suffit pas toujours en lui-même pour mener une étude paléoenvironnementale à bien. Dans ce cas précis, des informations sur l’évolution de la température de la mer en surface sont manquantes pour approfondir l’analyse.

  • 15 Newbold (Tim), « Applications and limitations of museum data for conservation and ecology, with pa (...)

11Certains auteurs expriment d’autres réserves sur l’utilisation des spécimens anciens pour réaliser des modèles prospectifs15. Des erreurs ont pu être commises dans leur identification ou localisation, auxquelles s’ajoutent plusieurs types de biais provenant des opérations de collecte anciennes : spatial (lieux de collectes assujettis aux routes, rivières, côtes ou villes et rarement aléatoires, lieux fréquentés ou pas...), environnemental (altitude, température, précipitations), temporel (périodes intenses de collectes, saisonnalité) et taxonomique (focalisation sur des espèces phare). Le botaniste belge Théophile Durand, cité dans cet ouvrage par Lancelot Arzel, s’interrogeait déjà en 1909 sur ces biais de collecte pour expliquer l’éventuelle disparition de certaines plantes récoltées au bas-Congo par la mission Tuckey, dont l’objectif était de retrouver la source du fleuve Congo et établir sa connexion possible avec le bassin du Niger, et non retrouvées par la suite.

12Les recherches écologiques actuelles sont indispensables pour interpréter les descriptions anciennes et les spécimens conservés dans les collections en prenant en compte ces multiples biais. Ainsi, un retour dans les zones prospectées par Victor Planchat à la fin du xixe siècle permettrait de constater d’éventuels changements dans la répartition de l’avifaune sénégalaise que le travail de Ludovic Besson a permis de préciser, à une époque où l’intensification de la culture de l’arachide et le développement du transport ferroviaire ont induit un impact environnemental avéré par les données climatiques recueillies en parallèle des données ornithologiques. De même, il serait envisageable d’affiner la distribution de l’arbre Synsepalum dulcificum étudiée par Dominique Juhé-Beaulaton en retournant sur les zones de collectes localisées à partir des échantillons d’herbiers et de confirmer l’hypothèse avancée dans cet ouvrage : les experts de l’UICN s’attachant à cartographier aujourd’hui les risques d’extinction encourus par cette espèce ne semblent pas avoir pris en compte le fait que cette plante a souvent été cultivée dans le passé. En conséquence, la raréfaction récente de la plante est attribuée à l’expansion des zones anthropisées alors que ce phénomène est sans doute davantage à mettre en rapport avec des changements d’usage ne justifiant plus sa mise en culture. Par ailleurs, cette espèce déclarée « en danger » est en fait produite en plantations loin de son aire de répartition originelle, en Amérique latine et en Asie. Les échantillons d’herbiers associés aux traces écrites permettent ainsi de dessiner l’évolution de la biogéographie des espèces (en lien avec les changements économiques, climatiques, anthropiques…)

13Ces quelques exemples illustrent ce que l’approche historique des pratiques de collecte peut apporter aux savoirs naturalistes contemporains pour repenser les politiques environnementales actuelles et leur évolution de l’époque coloniale à nos jours. Ils ouvrent aussi une piste de réflexion à propos des états de référence — en termes de savoirs et d’époque historique — à prendre en compte pour la « conservation » d’espèces et d’espaces à l’évolution difficilement prévisible.

Une histoire économique des collectes

14Les aspects économiques et financiers des collectes sont restés peu étudiés jusqu’à présent. La plupart des contributions présentées ici les ont pourtant souvent abordés, plus ou moins explicitement. Agnès Lainé comme Lancelot Arzel montrent que le commerce des spécimens est une modalité incontournable de l’enrichissement de collections d’histoire naturelle. Les sources permettent de repérer des complémentarités, des alliances et des concurrences entre activités savantes et marchandes et entre leurs agents historiques dans le contexte des transformations économiques et politiques.

  • 16 Voir notamment Schiebinger (Londa L.), Plants and Empire. Colonial Bioprospecting in the Atlantic (...)
  • 17 Regourd (François), « Capitale savante, capitale coloniale : sciences et savoirs coloniaux à Paris (...)
  • 18 Staszak (Jean-François), « Rendre les têtes maories, oui, mais à qui ? », Le temps présent [en lig (...)

15À partir du xvie siècle, le développement de la circumnavigation suivi de l’expansion coloniale des nations européennes ont favorisé la circulation d’espèces végétales ou animales, le développement de nouvelles cultures (maïs, manioc, pommes de terre…) et justifié l’organisation sur une vaste échelle de la traite des esclaves pour l’exploitation des territoires nouvellement colonisés aux Amériques mais aussi, dans une moindre mesure, en Océanie. Certains historiens, anglo-saxons pour la plupart, ont montré l’imbrication de l’histoire des pratiques scientifiques et de la traite des esclaves16. Kathleen Murphy a ainsi analysé comment James Petiver, apothicaire à Londres, a réuni des collections d’histoire naturelle grâce à son réseau de collecteurs composé de chirurgiens de marine et de capitaines développé dans ce contexte du commerce négrier britannique atlantique à la fin du xviie et au début du xviiie siècle. Les collectes de spécimens naturels à travers le monde s’inscrivent donc déjà dans cette globalisation des échanges économiques. À titre d’exemple, François Regourd signale l’aspect commercial que revêt la collecte au xviie siècle quand les Indiens Caraïbes confectionnaient des « colibris séchés » pour les équipages des navires, exploitant commercialement le goût qu’en avaient les Français17. Les collections à l’origine des premiers cabinets de curiosités ont été acquises par troc et ce mode d’acquisition s’est poursuivi sans interruption en parallèle du développement de véritables réseaux ou filières de commercialisation. On peut citer le célèbre trafic des têtes maori, interdit par les Anglais en 183118, le commerce de plantes horticoles comme celui des orchidées évoqué ici par Lancelot Arzel, ou encore celui d’animaux avec le réseau Bouvier mis en lumière par Agnès Lainé.

  • 19 L’interdiction de la traite n’a pas fait disparaître la circulation des hommes mais lui a fait pre (...)
  • 20 La traite est une « transaction intervenant entre deux systèmes de production non harmonisés : con (...)

16Les produits locaux intéressant les naturalistes, tels les poissons pêchés par les habitants mentionnés par Patricia Van Schuylenbergh dans l’État Indépendant du Congo, négociés contre des objets de pacotille ou d’autres cadeaux en nature, relèvent avant tout du troc. Ainsi, la nature de ces échanges n’est pas sans rappeler ceux de produits manufacturés de peu de valeur contre des esclaves. Les « razzias » de spécimens traités comme des marchandises peuvent donc être comparées à celles des hommes dans le but d’appréhender le degré de complémentarité économique des deux phénomènes. Le développement de ces transactions a pu ensuite s’inscrire dans le changement économique induit par l’interdiction de la traite humaine au début du xixe siècle par les Danois et les Anglais. Le déclin du commerce des esclaves s’est alors accompagné de l’essor de nouvelles filières et de nouveaux produits, tels que l’huile de palme ou le caoutchouc. Suivant ce mouvement, la marchandisation des spécimens se serait amplifiée après la diminution de celle des hommes et serait devenue une source de revenus complémentaire parmi d’autres pour les intermédiaires africains19. A. Lainé fait d’ailleurs référence au rachat d’esclaves au Gabon financé par la vente d’objets naturalisés par les missionnaires20. Si cette évolution inverse du troc des esclaves et de celui d’objets collectés demeure hypothétique, l’idée de « traite des spécimens » mérite en tous cas d’être interrogée, sans perdre de vue que la valeur économique des esclaves, contrairement à celle des spécimens, a enrichi monétairement les pouvoirs hégémoniques tant européens qu’africains.

  • 21 Archives Municipales de La Rochelle, dossier 2R5. Cabinet ou Muséum d’histoire naturelle. Collecti (...)

17Finalement, les spécimens étaient des produits marchands qui conféraient aux collections une valeur économique s’ajoutant à leur valeur scientifique. Cette dimension était d’ailleurs reconnue par les conservateurs eux-mêmes. Ainsi, le directeur du Muséum de La Rochelle, Étienne Loppé, insiste bien sur cet aspect dans sa correspondance avec le Maire de la ville à propos d’un don du MNHN, en 1931, de grands mammifères d’une nature exceptionnelle : « c’est un enrichissement unique de nos collections, même au point de vue pécuniaire » écrit-il. Ce don comportait en effet plusieurs spécimens « historiques » (la girafe de Charles X) ou rares (le rhinocéros de Sumatra) pour une valeur totale alors estimée à 200 000 francs, dont 50 000 pour le seul rhinocéros21. Le spécimen représente donc un patrimoine non seulement scientifique mais aussi mobilier. La valeur économique de la collection entre en ligne de compte pour estimer sa valeur patrimoniale.

  • 22 L’Estoile (Benoît de), Le goût des Autres : de l’exposition coloniale aux Arts premiers, Paris : F (...)

18En situation coloniale, Benoît de l’Estoile explique comment les ethnologues des missions Griaule en Afrique ont pu collecter un nombre très important d’objets en les achetant auprès des habitants. Ayant besoin d’argent pour payer l’impôt, ces derniers acceptaient relativement facilement de les vendre22. Le caractère coercitif de ces transactions est d’autant plus apparent que certains objets ont même été volés, et une indemnité parfois versée en compensation. Les ethnologues ont aussi ouvert la voie au commerce puis au trafic de ces objets requalifiés en œuvres d’art, entrant même en concurrence avec les marchands d’art africain. Enfin, rappelons que nombre de spécimens ont simplement été achetés sur les marchés qui sont des lieux de collecte par excellence, fréquentés par les voyageurs, les explorateurs et les scientifiques. Tous y ont observé et souvent échantillonné les ressources des contrées visitées.

  • 23 Bondaz (Julien), « Entrer en collection. Pour une ethnographie des gestes et des techniques de col (...)
  • 24 Bourguet (Marie-Noëlle), « La collecte du monde : voyage et histoire naturelle (fin xviie siècle-d (...)
  • 25 Les archives des chambres de commerce pourraient se révéler fort instructives. Rappelons que l’exp (...)
  • 26 Borghetti (Maria Novella), L’œuvre d’Ernest Labrousse : genèse d’un modèle d’histoire économique, (...)
  • 27 Pradier (Pierre-Charles), Gardes (François), Greffe (Xavier) & Mendoza (Ileana Miranda), « Autogra (...)

19L’analyse des pratiques commerciales attachées aux collectes de spécimens, biologiques comme ethnographiques, dévoile toutes les ambiguïtés que recouvrent ces différentes actions : vol, troc, don, achat, et qui dissimulent souvent des rapports de pouvoir, comme l’a déjà souligné Julien Bondaz23. Marie-Noëlle Bourguet a relevé que certains transferts de plantes résultaient de l’espionnage, de la contrebande et du pillage24. La perspective économique sur les collectes et le terrain se révèle être, au fil des lectures, une question fondamentale pour mieux comprendre les réseaux d’acteurs et reste à approfondir. Retenons l’idée qu’un même spécimen peut faire l’objet de plusieurs transactions successives qui relèvent de l’économique, du politique et du droit. Les archives des musées regorgent de documents relatant des opérations financières et juridiques. Santiago Aragon, à partir des archives administratives de la Faculté des sciences de Paris contenant les documents comptables de l’institution, a ainsi analysé les conditions d’achats visant à l’enrichissement des collections mais aussi leur traitement conservatoire. Des données sur les moyens attribués aux collectes, les prix attribués aux spécimens, le salaire des préparateurs, la rétribution des intermédiaires, les budgets alloués par les musées aux opération de terrain, le coût des expéditions, les estimations de la valeur financière autant que scientifique des collections apparaissent ainsi au détour de certaines archives25. Leur analyse reste à mener en appliquant les méthodes spécifiques de l’histoire économique initiées par Ernest Labrousse et l’École des Annales aux données quantitatives26 issues de sources inexploitées pour les spécimens naturels, mais déjà abordées pour les œuvres d’art27.

Les spécimens en collection, un patrimoine ambivalent

  • 28 Nous avons vu précédemment que la valeur patrimoniale des collections d’un musée a une connotation (...)

20La diversité des modalités de collecte invite à s’interroger sur le statut et la signification des spécimens conservés dans les musées. Le terme « récolte », revenant souvent sous la plume des collecteurs comme des auteurs de cet ouvrage, fait allusion à une certaine quantité, une accumulation systématique qui a notamment alimenté les réseaux marchands avant d’atterrir dans l’escarcelle de collectionneurs. L’ambivalence entre le spécimen « marchandise » et celui de collection souligné par Agnès Lainé montre combien les frontières sont ténues et les significations accordées à ces objets réversibles28. Dans certaines circonstances, l’accumulation semble être devenue une fin en elle-même. Certains collecteurs ont apparemment perdu de vue leurs objectifs scientifiques au profit d’un rassemblement parfois compulsif d’objets dont ils sont devenus collectionneurs, les amenant même au bord de la faillite ou de la rupture familiale, comme l’ont relaté Agnès Lainé pour Aimé Bouvier et Ludovic Besson pour Victor Planchat.

  • 29 Archives Municipales de La Rochelle, Dossier 2R5.
  • 30 Les collections des herbiers sont d’ailleurs basées sur les échanges et la redistribution des part (...)

21L’accumulation de spécimens caractérise autant la politique des musées que les pratiques commerciales. Le MNHN, confronté au problème de la conservation des immenses collections zoologiques accumulées dans ses réserves, l’a en partie résolu en redistribuant de nombreux spécimens à d’autres institutions muséales. Les archives des muséums en régions font état de ces nombreux dons. Concernant les grands mammifères sus-évoqués, récupérés par celui de La Rochelle, seule la charge de les acheminer et de les restaurer lui revenait, montrant par là que le MNHN n’était pas capable de prendre en charge tous les spécimens en sa possession29. Cette redistribution permet in fine d’assurer leur conservation30.

  • 31 L’Estoile (Benoît de), Le goût des autres..., op. cit., p. 202.

22Cette propension à accumuler toujours plus se retrouve aussi dans les fondements de la pratique ethnographique telle qu’elle s’est développée au Musée de l’Homme : on connaît l’obsession de Griaule et de son équipe à récolter des objets représentatifs de la culture dogon, allant éventuellement jusqu’à laisser de côté tout questionnement scientifique. L’accumulation de masques et de serrures dogons était, semble-t-il, justifiée par l’analyse stylistique qui pouvait en être faite alors que le support photographique aurait été amplement suffisant. Denise Paulme a d’ailleurs elle-même reconnu n’avoir pu résister à la vue « d’une serrure en bois surmontée d’un couple d’ancêtres », s’en expliquant ainsi : « après tout je faisais partie d’un musée dont les intérêts me tenaient à cœur »31.

  • 32 Brousse (Carole), Le rôle des musées ethnographiques dans la production et la circulation des savo (...)
  • 33 Girault (Louis), Kallawaya, guérisseurs itinérants des Andes : recherches sur les pratiques médici (...)

23Dans une perspective autre que celle de l’accumulation pour des raisons esthétiques ou scientifiques, des ethnologues, dont les motivations ne sont pas toujours explicites, ont amassé des spécimens souvent impossibles à identifier que l’on retrouve aujourd’hui dans les musées. Leur présence invite à s’interroger sur le sens qu’ils donnaient à certaines de leurs pratiques de terrain et sur la fonction épistémologique de l’acte de la collecte et de leur muséification. Par exemple, les échantillons de plantes conservés au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac (MQB) sont considérés comme des objets ethnographiques par les conservateurs. Ils ne sont néanmoins pas présentés dans l’exposition permanente en raison d’un manque d’intérêt muséographique directement perceptible et interprétable par les visiteurs32. À titre d’exemple, les collectes réalisées en Bolivie au début des années 1950 par l’ethnologue Louis Girault comprennent des échantillons de plantes médicinales sous la forme de préparations (poudres, écorces, racines…), déposés au Musée de l’Homme puis transférés au MQB et un herbier de 850 parts, conservé dans les collections ethnobotaniques du MNHN. La publication scientifique des résultats de ce travail, réalisée après la mort de l’ethnologue par ses collègues, permet de relier les deux catégories d’objets et de leur donner sens33. Mais leur dissociation en deux musées souligne la difficulté de les valoriser et pose la question de l’intérêt de conserver au MQB les préparations médicinales, déconnectées du contexte scientifique de leur collecte.

24Des objets rapportés de leurs missions par certains chercheurs du laboratoire d’ethnobiologie du MNHN montrent aussi un décalage entre leurs pratiques scientifiques et leur rapport au terrain. Ainsi l’agronome Hubert Gillet a rapporté de ses voyages au Sahel des échantillons d’herbiers bien montés et renseignés, mais aussi un ensemble de calebasses qui ne comporte en revanche aucune indication de localisation, d’usages ou de date de collecte. Cette absence d’information les relègue à une simple collection d’objets atypiques ayant exercé un attrait sur le chercheur, sans rapport évident avec ses recherches de terrain, qui sont néanmoins conservés dans les collections d’ethnobiologie. Au total, ce type de spécimen demeure invisible, ignoré et inutilisé dans les musées qui ne savent qu’en faire, même si leur intérêt pourrait être réévalué par les naturalistes. Leur valeur d’archive pour réinterroger l’histoire des pratiques de terrain des chercheurs paraît également prometteuse.

  • 34 Daugeron (Bertrand) & Le Goff (Armelle) (sous la dir.), Penser, classer, administrer : pour une hi (...)

25L’introduction du volume Penser, Classer, Administrer assigne aux collections scientifiques la fonction de supports de production de savoirs en vue d’une utilisation immédiate34. Or, ces spécimens mal ou faiblement renseignés amènent à s’interroger sur leur raison d’être et, par extension, sur celle des collections qui les accueillent. Les situations décrites ci-dessus ne sont pas isolées. À plus d’une reprise au cours de nos enquêtes menées au sein du Muséum de Paris, nous avons été étonnés par la prolifération d’objets et d’archives en attente de classement, ou seulement partiellement classés ; par l’existence de spécimens qui ne semblent même pas destinés à rejoindre les listes d’inventaire officielles du Muséum, certains trônant dans un bureau tels des trophées de chasse ; par des collections entières dont l’existence est à l’inverse assurée nous dit-on, mais dont on ne sait pas exactement ce qu’elles contiennent et dont la localisation, éventuellement éclatée entre divers bâtiments, est improbable ; par des échantillons eux-mêmes « imparfaits », c’est-à-dire collectés par des personnes non averties et donc non identifiables, mais que des agents du Muséum se donnent la peine de conserver malgré tout ; par des objets « imparfaits » en un autre sens, c’est-à-dire pour un temps au moins renvoyés d’une collection à l’autre parce que situés à la charnière de plusieurs d’entre elles (telle l’ethnobotanique) ; par d’autres objets encore dont l’allure, et les étiquettes qui les accompagnent, suggèrent qu’il s’est écoulé plusieurs décennies entre leur prélèvement sur le terrain et leur entrée en collection.

  • 35 Latour (Bruno), La science en Action [trad. de l’anglais par Biezunski Michel ; texte révisé par l (...)

26Cette liste de situations toutes plus inattendues les unes que les autres révèle que l’activité de la collecte déborde la collection et sa mise en ordre, qu’il est matériellement impossible de toujours unifier les informations et les objets parvenant dans ce « centre de calcul », pour reprendre l’expression de Bruno Latour35. Cet envers du décor met à mal la figure de musées capables de rationaliser la totalité de leur activité : des objets paraissent « inutiles », comme si l’on avait collecté sans but ou sans visée scientifique précise. Ces proliférations rappellent le fait, mis en évidence d’une contribution à l’autre, que l’acte de collecte revêt bien d’autres fonctions que d’amasser des faits à ordonner et à stabiliser dans des classifications. Le caractère scientifiquement inexploitable de la plupart de ces objets qui semblent échapper, pour un temps au moins, aux règles et motivations habituelles des pratiques d’accumulation muséale, invite à poursuivre ces enquêtes en s’interrogeant sur la patrimonialité ambivalente des collections scientifiques.

Notes

1 Chrétien (Jean-Pierre), « Les premiers voyageurs étrangers au Burundi et au Rwanda : les “compagnons obscurs” des “explorateurs” », Afrique et histoire, vol. 4, no 2, 2005, pp. 37-72.

2 Quenet (Gregory), Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?, Seyssel : Champ Vallon, 2014, 298 p. (L’environnement à une histoire).

3 Grove (Richard H.), Green Imperialism, Colonial Expansion, Tropical Island Edens and the Origins of Environmentalism, 1600-1860, Cambridge University Press, 1995, xiv + 540 p., ill. (Studies in environment and history) ; Locher (Fabien) & Quenet (Grégory), « L’histoire environnementale : origines, enjeux et perspectives d’un nouveau chantier », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 56, no 4, 2009, pp. 7-38.

4 Benson (Étienne), « Endangered birds and epistemic concerns. The California condor », in Vidal (Fernando) & Dias (Nélia) (sous la dir.), Endangerment, biodiversity and culture, Londres ; New York : Routledge, 2016, pp. 175-194 (Routledge environmental humanities).

5 En Oubangui-Chari, voir Giles-Vernick (Tamara), Cutting the Vines of the Past. Environmental Histories of the Central African Rain Forest, Charlottesville ; London : University of Virginia Press, 2002, pp. 160-161 ; en Tanzanie, voir Sunseri (Thaddeus), Wielding the Ax. State Forestry and Social Conflict in Tanzania, 1820-2000, Athens : Ohio University Press, 2009, pp. 23-24 (Series in ecology and history).

6 Pouillard (Violette), En captivité. Politiques humaines et vies animales dans les jardins zoologiques du xixe siècle à nos jours, Thèse de Doctorat en Histoire [Baratay Éric, dir.], Bruxelles : Université Libre de Bruxelles ; Lyon : Université Jean Moulin-Lyon III, 2015, pp. 418-419.

7 Maclaud (Charles), « Guinée Française et Fouta-Djallon », Revue coloniale, vol. 5, no 8, 1899, pp. 437-456.

8 Chevalier (Auguste), L’Afrique centrale française. Récit du voyage de la mission, Paris : A. Challamel, 1907, xv + 776 p., 7 pl. h. t., cartes dépl., in-8°.

9 Demmer (Christine), Faugère (Elsa), Bourguet (Marie-Noëlle), Dumoulin (David), Lamy (Denis), Merle (Isabelle) & Ollivier (Guillaume), « Étude en sciences sociales de grandes expéditions naturalistes contemporaines françaises », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [en ligne], 2011, URL : http://vertigo.revues.org/10618.

10 Dumoulin Kervran (David), « Comment devient-on un coquillage scientifique ? », Techniques & Culture, no 59, 2012, pp. 182-205.

11 L’herbier national est estimé à huit millions de spécimens.

12 Les méthodes des archéosciences appliquées à ces objets ouvrent à l’étude des paléoenvironnements en apportant des informations fondamentales sur les relations passées des espèces à leur milieu. Par exemple l’analyse isotopique d’ivoires d’éléphants conservés en musée révèle leur provenance géographique et certains aspects de l’habitat et de la subsistance des populations anciennes, renouvelant l’étude des conséquences humaines et environnementales de la traite de l’ivoire au xixe siècle. Voir Coutu (Ashley N.), « The elephant in the room : mapping the footsteps of historic elephants with big game hunting collections », World Archaeology, vol. 47, no 3, 2015, pp. 486-503.

13 Perrein (Christian), Biohistoire des papillons : diversité et conservation des lépidoptères rhopalocères en Loire-Atlantique et en Vendée, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2012, 621 p., ill.

14 Robuchon (Marine), Lamy (Denis), Kervran (Lionel), Dennetière (Bruno), Julliard (Romain) & Le Gall (Line), « Dinard Herbarium : a source of information to infer temporal changes in seaweed communities ? » Cryptogamie, Algologie, vol. 37, no 1, 2016, pp. 47-60.

15 Newbold (Tim), « Applications and limitations of museum data for conservation and ecology, with particular attention to species distribution models », Progress in Physical Geography, vol. 34, no 1, 2010, pp. 3-22.

16 Voir notamment Schiebinger (Londa L.), Plants and Empire. Colonial Bioprospecting in the Atlantic World, Cambridge (Mass.) ; Londres : Harvard University Press, 2009, 306 p. ; Murphy (Kathleen S.), « Collecting Slave Traders : James Petiver, Natural History, and the British Slave Trade », The William and Mary Quarterly, vol. 70, no 4, october 2013, pp. 637-670.

17 Regourd (François), « Capitale savante, capitale coloniale : sciences et savoirs coloniaux à Paris aux xviie et xviiie siècles », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 55, no 2, 2008, pp. 121-151.

18 Staszak (Jean-François), « Rendre les têtes maories, oui, mais à qui ? », Le temps présent [en ligne], 2009, URL : https:// archive-ou verte.unige.ch/authors/view/24101 ; Roustan (Mélanie), « De l’adieu aux choses au retour des ancêtres. La remise par la France des têtes maori à la Nouvelle-Zélande », Socio-anthropologie, no 30, 2014, pp. 183-198.

19 L’interdiction de la traite n’a pas fait disparaître la circulation des hommes mais lui a fait prendre d’autres formes comme celle des contrats de travailleurs engagés ou l’exploitation, en Afrique même, d’une main d’oeuvre servile pour la production d’huile de palme ou de caoutchouc.

20 La traite est une « transaction intervenant entre deux systèmes de production non harmonisés : contre des produits bruts ou semi-bruts issus d’une économie de type agricole aux techniques restées traditionnelles sont échangés des biens manufacturés à la consommation immédiate ou courante » selon Coquery-Vidrovitch (Catherine) & Moniot (Henri), L’Afrique Noire de 1800 à nos jours, Paris : Presses Universitaires de France, 1974, pp. 297-298 (Nouvelle Clio ; 46).

21 Archives Municipales de La Rochelle, dossier 2R5. Cabinet ou Muséum d’histoire naturelle. Collections, correspondances, Dons, acquisitions, échanges, legs… 1818-1976.

22 L’Estoile (Benoît de), Le goût des Autres : de l’exposition coloniale aux Arts premiers, Paris : Flammarion, 2007, p. 203 (Champs. Essais ; 970).

23 Bondaz (Julien), « Entrer en collection. Pour une ethnographie des gestes et des techniques de collecte », Cahiers de l’École du Louvre, recherches en histoire de l’art, histoire des civilisations, archéologie, anthropologie et muséologie, no 4, 2014, pp. 24-32.

24 Bourguet (Marie-Noëlle), « La collecte du monde : voyage et histoire naturelle (fin xviie siècle-début xixe siècle) », in Blanckaert (Claude), Cohen (Blandine), Corsi (Pietro) & Fischer (Jean-Louis) (sous la dir.), Le muséum au premier siècle de son histoire, Paris : Muséum national d’histoire naturelle, 1997, pp. 163-196 (Archives ; 1).

25 Les archives des chambres de commerce pourraient se révéler fort instructives. Rappelons que l’expédition dirigée par Savorgnan de Brazza a été en partie financée par celle de Lyon. Des Sociétés de géographie commerciales se sont développées en parallèle des Sociétés de géographie « savantes » qui ont alimenté les expositions universelles et coloniales et les collections de musées coloniaux dont la vocation économique était clairement affichée.

26 Borghetti (Maria Novella), L’œuvre d’Ernest Labrousse : genèse d’un modèle d’histoire économique, Paris : Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2005, 300 p. (Recherches d’histoire et de sciences sociales ; 106).

27 Pradier (Pierre-Charles), Gardes (François), Greffe (Xavier) & Mendoza (Ileana Miranda), « Autographs and the global art market : the case of hedonic prices for French autographs (1960–2005) », Journal of Cultural Economics, vol. 40, no 4, 2016, pp. 453-485. La méthode des prix hédoniques offre une approche intéressante pour évaluer les préférences des acheteurs de collections, les valeurs des pièces de collections entre elles (la rareté ou l’historicité du spécimen, la provenance, la qualité de la préparation, la renommée du collecteur, l’intérêt scientifique…)

28 Nous avons vu précédemment que la valeur patrimoniale des collections d’un musée a une connotation financière importante. Elle est d’ailleurs souvent mesurée par les assureurs contre les différents risques qui pourraient mettre en péril leur intégrité.

29 Archives Municipales de La Rochelle, Dossier 2R5.

30 Les collections des herbiers sont d’ailleurs basées sur les échanges et la redistribution des parts entre les institutions de conservation. Ceci facilite la consultation des types et leur conservation en limitant les pertes en cas de dommage grave, comme par exemple la destruction de l’herbier de Berlin par un incendie pendant la seconde guerre mondiale.

31 L’Estoile (Benoît de), Le goût des autres..., op. cit., p. 202.

32 Brousse (Carole), Le rôle des musées ethnographiques dans la production et la circulation des savoirs sur les plantes médicinales [Rapport de recherche], Paris : Musée du quai Branly, 2014, [en ligne], URL:https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01157158/

33 Girault (Louis), Kallawaya, guérisseurs itinérants des Andes : recherches sur les pratiques médicinales et magiques, Bondy : Éditions de l’ORSTOM, 1984, 668 p. (Mémoires ORSTOM).

34 Daugeron (Bertrand) & Le Goff (Armelle) (sous la dir.), Penser, classer, administrer : pour une histoire croisée des collections scientifiques, Paris : Muséum national d’Histoire naturelle ; CTHS, 2014, p. 8 (Archives ; 18).

35 Latour (Bruno), La science en Action [trad. de l’anglais par Biezunski Michel ; texte révisé par l’auteur], Paris : La Découverte, 1989, 450 p. (Textes à l’appui. Anthropologie des sciences et des techniques).

Auteurs

Historienne au Centre Alexandre Koyré (CNRS-EHESS-MNHN). Elle travaille sur l’histoire des relations des hommes à leur environnement en Afrique de l’Ouest qu’elle revisite à partir de l’étude des collections de muséums. Elle s’intéresse également à l’histoire de l’ethnobotanique au MNHN, à la documentation et la valorisation de cette collection.

Anthropologue à l’IRD (UMR 208 Patrimoines locaux, environnement et globalisation, IRD-MNHN). Ses travaux articulent ethnologie, primatologie et histoire environnementale dans l’étude des relations entre hommes et primates en Afrique de l’Ouest à des fins d’anthropologie fondamentale, d’épistémologie de l’interdisciplinarité et de recherches sur les politiques de patrimonialisation de la nature.

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