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Le spécimen et le collecteur

 | 
Vincent Leblan
, 
Dominique Juhé-Beaulaton

Spécimens à l’aune des politiques muséales

Safari et collectes naturalistes

L’animal de musée comme trophée

Maxime Michaud

Texto completo

La charge de l’éléphant
Dessin de Philip R. Goodwin d’après les photographies et descriptions de Théodore Roosevelt. Illustration extraite d’African game trails… (1910).

CHASSE ET MUSÉUM : UNE RELATION HISTORIQUE

  • 1 L’Estoile (Benoît de), Le goût des Autres : de l’exposition coloniale aux Arts premiers, Paris : F (...)
  • 2 Descola (Philippe), « Par-delà la nature et la culture », Le Débat, vol. 2001/2, no 114, mars-avri (...)
  • 3 Ricard (Alain), Voyages de découvertes en Afrique : anthologie 1790-1890, Paris : R. Laffont, 2000 (...)
  • 4 Idem, p. VIII.
  • 5 Date à laquelle Alain Ricard fait démarrer le « grand siècle des explorations » (Voyages de découv (...)
  • 6 Cf. MacKenzie (John M.), The Empire of Nature : hunting, conservation, and British imperialism, Ma (...)

1Observés avec un regard naïf, les muséums d’histoire naturelle semblent mettre en avant une vision du monde anhistorique, valable en tout temps car s’appuyant sur les lois (et le temps) de la nature et de l’évolution, et non celles des hommes. Cependant, et malgré sa vocation universelle, le « microcosme », la « mise en ordre » du monde qui est proposée1 reflète bien une vision située tant spatialement qu’historiquement, comme l’évoque Philippe Descola dans sa description du muséum de La Plata en Argentine, témoin selon lui d’une vision « naturaliste » du monde ordonnée autour de l’antagonisme entre nature et culture2. Il est particulièrement intéressant de noter que la création des muséums est contemporaine d’un autre fait historique, également révélateur d’un rapport particulier entre l’Europe et le reste du monde, qu’est le voyage d’exploration. « Œuvre collective »3 qui débute dans la seconde moitié du xviiie siècle, ces voyages constituent selon Alain Ricard « un projet scientifique — celui de “remplir les blancs de la carte” — issu du siècle des Lumières »4. Les voyages de Cook et de Bougainville (1768) précèdent de cinq ans l’ouverture du premier musée d’histoire naturelle à Charleston (USA) et la création du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris se fera cinq ans après celle de l’African Association de Londres (1788)5. Mais au-delà de ce lien historique et du partage d’un même projet scientifique, exploration et création des muséums sont également liées en ce qu’elles participent — même de façon généralement non-intentionnelle — d’un projet politique de conquête, en la préparant par l’exploration et en l’affirmant symboliquement par le muséum. En outre, il existe entre ces deux phénomènes historiques un autre lien plus concret, plus pragmatique : les voyages d’exploration sont, dans leurs premiers temps, les principaux pourvoyeurs de spécimens zoologiques et botaniques exotiques à exposer dans les muséums. La pratique de la chasse a en effet accompagné les voyages d’exploration dès leurs débuts, constituant souvent l’activité principale des participants6. Il s’agit tout autant de nourrir l’expédition que de rapporter les éléments permettant la naturalisation des spécimens remarquables. Les récits issus de ces voyages laissant une large place à la description de ces exploits cynégétiques, ils vont populariser l’image de continents particulièrement propices à des chasses extraordinaires, notamment en ce qui concerne l’Afrique.

Chasse aux morses Gravure extraite du Voyage to the Pacific Ocean… de James Cook (1785) Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.

Le docteur Livingstone terrassé par un lion. Dessin de Bayard extrait du Tour du monde (1866) Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.

  • 7 Itzkowitz (David C.), Peculiar privilege : a social history of English foxhunting 1753-1885, Hasso (...)
  • 8 Gordon-Cumming (Roualeyn), Five years of a hunter’s Life in the far Interior of South Africa : wit (...)

2Vont ainsi se développer, parallèlement à ces voyages d’exploration et de collecte naturaliste, des « voyages de chasse », c’est-à-dire des séjours de quelques mois réalisés par des aristocrates, majoritairement britanniques à leur origine, qui se sentent à l’étroit dans les métropoles, où les territoires de chasse commencent à être de plus en plus restreints. Ce phénomène, en Angleterre, est notamment lié à la crise alimentaire de la seconde moitié du xixe siècle, qui a conduit les populations rurales à voir d’un mauvais œil les passages ravageurs de la meute et des poursuivants, et à éliminer de façon plus systématique les renards, qui deviennent plus rares pour la chasse7. À cela s’ajoute, avec l’industrialisation, la prise d’importance de la « gentry urbaine » sur la landed gentry. Celle-ci s’accompagne en effet d’une baisse d’importance de la pratique de la chasse sportive comme marqueur de prestige social. Cet essor du voyage de chasse peut être daté de la publication du récit de Roualeyn Gordon Cumming (1820-1866), Five years of a hunter’s Life in the far Interior of South Africa, en 18508.

« Baker chassant la giraffe » Dessin extrait du Tour du monde (1867) Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.

  • 9 Pour plus de détails sur les origines du voyage de chasse en Afrique, cf. Michaud (Maxime), « L’œu (...)

3Dans l’abondante littérature constituée par les récits de chasse en Afrique qui vont se succéder du xixe siècle à nos jours, il est courant pour l’auteur-chasseur de citer les récits des chasseurs précédents, afin de se placer symboliquement dans leur lignée. Or le récit de Gordon Cumming constitue l’élément le plus ancien de cette succession de références récurrentes9. Le principal objectif de ces voyages est la collecte de trophées qui font toujours l’objet d’une naturalisation. Ces voyages de chasse vont se développer tout au long du xixe siècle et prendre la forme, au début du xxe siècle, en Afrique, du safari, dans lequel la collecte de trophées joue un rôle central. On observe donc à une même période deux phénomènes différents mais liés. D’une part se développent les muséums, en s’appuyant sur des collectes naturalistes prenant progressivement la forme d’expéditions pour présenter au public des animaux naturalisés, mettant en avant les plus exotiques. D’autre part, se constate un engouement croissant pour le voyage de chasse, dont l’objectif premier est, pour le chasseur, la constitution d’une collection d’animaux naturalisés qui constituent autant de trophées.

  • 10 Cette réflexion s’appuie sur des observations de terrains réalisées dans des zones de chasse du no (...)

4Cela conduit à interroger les liens entre ces animaux de muséums et les trophées rapportés par les chasseurs. Autrement dit, peut-on considérer les animaux de muséum comme des « trophées » ? Quelles sont les conséquences induites pour ces objets ? Cela éclaire-t-il d’un jour nouveau les processus scientifiques à l’œuvre dans le développement des muséums ?10

UNE SIMILARITÉ TROUBLANTE

  • 11 Cf. à ce sujet Madden (Dave), The authentic animal : inside the odd and obsessive world of taxider (...)

5Au-delà du lien historique qui vient d’être présenté, les connexions entre trophées de chasse et animal de musée sont troublantes. L’aspect formel, en premier lieu, est souvent similaire. Les trophées ont pris au cours de leur histoire des formes très variées, parmi lesquelles le simple massacre (le crâne nu avec les cornes), le tapis avec la tête reconstituée, ou trophée en cape (c’est-à-dire avec la tête et l’encolure jusqu’au départ des pattes avant). Mais le trophée le plus remarquable et le plus valorisé reste la reconstitution par la taxidermie de l’animal entier. Ce n’est pas la forme la plus fréquente, sans doute parce qu’elle est très coûteuse à faire réaliser et qu’elle nécessite de la place pour être installée. Mais ces trophées correspondent en tous points aux animaux présentés dans les muséums ; ce sont d’ailleurs bien souvent les mêmes taxidermistes qui travaillaient au service des musées et des chasseurs les plus célèbres11. Toutefois, ne peut-on pas voir une différence de posture ? En effet, si le muséum est censé présenter l’animal dans son existence du point de vue scientifique, le trophée va pour sa part être valorisé pour sa dimension spectaculaire. Il devra donc, concernant par exemple les carnivores, être en position agressive, en ouvrant la gueule, voire même être en train de dévorer ou d’attaquer un autre animal. Au muséum, à l’inverse, on s’attend à voir les animaux dans des postures plus neutres. Or une simple visite du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris suffit à montrer que l’opposition est moins tranchée. De nombreux carnivores sont en effet présentés en posture de chasse, prêts à fondre sur leurs proies, notamment dans la caravane des animaux de la savane africaine.

6L’exemple du tigre attaquant l’éléphant du duc d’Orléans, dans ce même Muséum, est encore plus éloquent. Il présente tous les codes du trophée de chasse, et pour cause : c’est à l’origine une partie de la très importante collection de trophées du duc Philippe d’Orléans (1869-1926) qui est aujourd’hui partiellement exposée dans l’exposition permanente. Il témoigne d’une réalité très simple : nombre des animaux présentés dans les muséums ne sont pas seulement similaire à des trophées : ce sont à l’origine des trophées, « recyclés » en quelque sorte comme objets de musée. Certains sont même des célébrités, comme les fameux lions mangeurs d’hommes du Tsavo exposés au Field Museum de Chicago. Dès lors, doit-on considérer que le musée expose des trophées, ou bien que l’objet a plusieurs vies et perd son statut de trophée lorsqu’il entre au musée ?

Caracal taxidermisé Caravane africaine de la Grande Galerie de l’Évolution au muséum de Paris Cliché Agnès Iatzoura, MNHN.

  • 12 C’est-à-dire la chasse des cinq animaux considérés comme les plus prestigieux du continent africai (...)
  • 13 Roosevelt (Theodore), African game trails : an account of the African wanderings of an American hu (...)
  • 14 Le verbe swahili kusafiri, « voyager » et le substantif msafiri, « voyageur », étaient souvent uti (...)
  • 15 Cf. Akeley (Carl), In brightest Africa, New York : Garden City Publishing, 1920, xiii + 267 p., [6 (...)

7Un autre élément venant renforcer cette confusion réside dans le fait que certains animaux sont chassés dès l’origine au nom et sur les fonds des muséums, par des chasseurs qui en profitent pour inscrire leur nom dans les palmarès en réalisant ce qui sera plus tard appelé le « big five »12. En effet, si le mot « safari » est aujourd’hui associé à des séjours touristiques privés, l’origine du terme est plus singulière. Alors que les voyages de chasses trouvent leur origine au milieu du xixe siècle, l’avènement du safari, c’est-à-dire d’une forme plus commerciale et démocratisée de la pratique, peut être daté du séjour de chasse du président américain Théodore Roosevelt (1858-1919) en 1909. C’est en effet son récit, African Game Trails, publié en 191013, qui popularisera le terme safari sous le sens d’un voyage de chasse en Afrique14. Or cette expédition n’est en rien une initiative privée de M. Roosevelt : il est officiellement missionné par le National Museum of Natural History de Washington pour collecter des spécimens destinés à enrichir ses collections. Si bien que ce safari est tout autant une expédition scientifique de collecte naturaliste qu’un voyage de chasse privé — il était d’ailleurs accompagné de son fils. Que penser, dès lors, du statut de ces animaux chassés « pour le sport » par un homme en quête de trophées, mais aussitôt transformés en objets de musée ? Ce safari est parti de Nairobi, au Kenya, qui va devenir le point névralgique de cette industrie du safari. Plusieurs colons locaux se professionnalisent dans le guidage au début du xxe siècle, et les expéditions des muséums vont grandement contribuer au développement de cette activité. Un homme en particulier, Carl Akeley (1854-1926), incarne à lui seul l’ambiguïté du statut de ces animaux. Taxidermiste au Museum of Natural History de New York, il fut également un chasseur passionné qui allait lui-même chasser les animaux en Afrique. Ainsi, d’un même mouvement, il montait à la fois les taxidermies destinées au Museum et ses propres trophées. Carl Akeley était par ailleurs ami avec le couple de cinéastes américains Osa (1894-1953) et Martin Johnson (1884-1937), pionniers du cinéma animalier. Ils partageaient avec lui cette idée d’un « paradis perdu » qui allait disparaître et qu’il fallait « sauvegarder », si besoin par la naturalisation ou par la mise en image15. Si les films des Johnson ne sont pas destinés aux muséums, on peut relever que tout en revendiquant cette dimension conservationniste, ils mettent en scène les exploits cynégétiques d’Osa qui, fusil à la main, affronte les charges de nombreux animaux. On est ici dans cette même ambiguïté entre l’animal que l’on veut préserver et présenter avec une prétention scientifique, et celui dont l’abattage en glorifie l’auteur.

Trophée de chasse Tigre attaquant l’éléphant du duc d’Orléans (premier étage de la Grande Galerie de l’Évolution) Cliché Agnès Iatzoura, MNHN.

Lions mangeurs d’hommes Vitrine exposant les lions du Tsavo au Field Museum de Chicago (2011) Cliché mdk.

Premier buffle
Théodore Roosevelt et son fils Kermit. Photographie extraite d’African game trails… (1910).

8On voit donc à travers ces quelques exemples que de nombreux animaux naturalisés présentés dans les collections des muséums d’histoire naturelle peuvent également être considérés comme des trophées mis en musée. Dès lors, sont-ils des témoins de la morphologie de leur espèce participant à reconstituer dans les murs de l’institution la diversité du vivant, ou sont-ils les souvenirs de quelques exploits individuels dont la mise en musée a permis le financement préalable ou la survie après l’usage privé ?

DE L’OBJET-SOUVENIR AU TÉMOIN UNIVERSEL

  • 16 Dias (Nélia), « Les trophées de chasse au Musée du Duc d’Orléans », in Cros (Michèle), Bondaz (Jul (...)
  • 17 Collomb (Olivier), « Trophée », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 5 mai 2016. URL : (...)

9Il convient après ce constat, et pour en mesurer la portée, d’examiner de plus près la nature de l’objet « trophée » et ses spécificités. L’utilisation du terme « trophée » dans le domaine de la chasse est relativement récente et date, une nouvelle fois, du milieu du xixe siècle, c’est-à-dire précisément du développement des chasses exotiques. Si le terme est aujourd’hui largement utilisé pour tout type de naturalisation, y compris d’animaux plus communs tels le chevreuil, le cerf, le sanglier ou le renard, cette conjonction temporelle laisse à penser que c’est bien pour désigner ces animaux chassés dans les contrées lointaines qu’il a été valorisé. L’historienne et anthropologue Nélia Dias rappelle que le terme désigne à l’origine la présentation des armes des vaincus sur un tronc de chêne16. Si la signification est donc clairement guerrière, Nélia Dias souligne également la vocation religieuse de l’objet : il constitue une offrande destinée à remercier les entités ayant permis la victoire. Cette coutume est probablement très ancienne : Olivier Collomb, dans l’Encyclopoedia Universalis, la rapporte aux Grecs et aux Romains, du fait probablement de l’origine latine du terme17 et Jules César lui-même utilise le terme dans la Guerre des Gaules pour décrire des coutumes similaires chez certains peuples gaulois. Collomb ne manque pas lui aussi de ramener cette pratique non pas seulement à une manifestation de puissance, mais également à une offrande religieuse.

  • 18 Idée également développée par Sergio Dalla-Bernardina : Dalla Bernardina (Sergio), « De l’emblème (...)

10L’usage de ce terme pour désigner l’animal chassé puis naturalisé laisse donc à penser que c’est bien la dimension de l’affrontement qui est ici centrale, l’acte de chasse étant vécu comme une victoire du chasseur sur sa proie. D’ailleurs, si à l’origine le mot trophée désignait la présentation des armes des vaincus, cela tend à expliquer la raison de la valorisation des parties les plus dangereuses de l’animal : ses crocs (présentation des prédateurs la gueule ouverte), ses griffes (quand l’animal est exposé lacérant ou tenant sa proie) ou ses bois (outil de combat entre les mâles). Le trophée n’a ainsi de sens que parce qu’il est lié à un individu, le chasseur, qui en est également propriétaire et ne peut être séparé de l’acte de chasse qu’il commémore18. Cette dimension est fortement ressortie des observations et des entretiens réalisés avec des adeptes du safari. La critique du « trophéiste » constitue une constante : il s’agit de dénoncer celui qui ne chasserait « que pour le trophée », sans se soucier des modalités d’obtention. Voici un extrait d’entretien révélateur :

  • 19 Extrait d’un entretien réalisé en France en 2010 sur son lieu de travail avec un passionné de safa (...)

Je l’ai vu. J’ai vu des gens tirer de la voiture parce qu’ils voulaient un trophée. Alors ça… Alors si vous voulez y a, euh… vous avez euh… ça dépend aussi des gens, des pays d’origine. L’Américain est un trophéiste. Il veut avoir un trophée haut avec le plus grand gros gros gros animal qui existe sur la planète. Donc lui à la limite il s’en fout de la chasse, il s’en fout des conditions de chasse, si jamais il a un buffle de 50 inch devant lui pas d’ailleurs à 20 mètres de la bagnole, c’est pas compliqué, on arrête le 4x4 il trouve la carabine, il met la balle : boum, terminé, hop, c’est fini. C’est pas ce que j’appelle de la chasse. Là, c’est de la collection, c’est faire de la collection. Ça peut se concevoir, moi c’est pas ce que je vois d’intéressant dans la chasse. J’préfère tirer un 40 inch ou un 32 inch, en lui ayant collé aux basques pendant trois heures plutôt que de tirer un 50 inch de la bagnole. Sachant que si j’ai un 50 inch devant moi j’aimerai bien, mais je... je descendrai, j’essayerai de m’approcher, j’essayerai de faire un truc. C’est un peu con peut-être, mais c’est comme ça.19

11On voit ici exprimée une distinction nette entre chasse et collection. La critique vise non pas le fait de vouloir un trophée, mais plutôt le fait de négliger l’action de chasse qui l’accompagne. La distinction est souvent subtile, et peut se réduire, comme le souligne ce chasseur, à descendre de la voiture et faire quelques pas, plutôt que de tirer simplement de la voiture, cette démarche, plutôt symbolique, suffisant à distinguer le chasseur véritable du trophéiste.

  • 20 Cette question a fait l’objet de plus amples développements dans Michaud (Maxime), « De l’animal a (...)

12Pour entrer en possession d’un trophée véritable, il faut également que certaines conditions soient réunies20. C’est ce que semble révéler la notion de « souvenir » parfois associée par les chasseurs à leur trophée :

  • 21 Extrait d’un entretien réalisé au Bénin en 2006, avec un chasseur français en safari, dans le cadr (...)

Mais moi, à chaque trophée, qu’il soit beau par rapport à la norme ou moins beau par rapport à la norme, c’qui m’intéresse quand j’regarde mon trophée c’est les souvenirs qu’il représente qui est un moment de ma vie, un moment de ma vie où j’ai ôté la vie à un animal, donc je me dois de le respecter, c’est un peu pour moi un respect de l’animal que d’avoir un beau trophée et de pouvoir le regarder et l’admirer.21

— Et qu’est-ce que tu apprécies dans le trophée ?

— Les souvenirs.

— Les souvenirs que ça évoque ?

— Voilà.

— Et l’animal lui-même ?

— Bah l’animal… J’ai un immense respect pour ces… ces grands bestiaux.

— C’est une façon de le glorifier.

— Bah entre autres oui. J’voulais dire que mon premier trophée c’était un buffle qu’était pas énorme par sa qualité de trophée, mais c’est la plus belle pièce que j’ai jamais eue.

— C’est ta préférée…

  • 22 Extrait d’un entretien réalisé au Bénin en 2006 avec un autre chasseur français en safari, dans le (...)

— Parce que c’est le premier.22

  • 23 Derlon (Brigitte) & Jeudy-Ballini (Monique), La passion de l’art primitif : enquête sur les collec (...)

13On retrouve ici un élément qui a été mis en valeur par Brigitte Derlon et Monique Jeudy-Ballini dans leur ouvrage sur les collectionneurs d’art primitif : ceux-ci distinguent volontiers parmi eux les véritables collectionneurs de ceux qui ne seraient motivés que par l’appât du gain23.

  • 24 Connaissance de la chasse, Hors-série vol. 28, mars 2006, p. 38.

14Par ailleurs, l’animal lui-même est individualisé : il devient unique par sa mise en trophée. Certains animaux particulièrement difficiles à chasser finissent même par porter des noms, comme le révèle cette phrase lue dans un magazine de chasse : « Michel Coatmellec raconte l’histoire de Ouatou, un superbe buffle de 85 cm qu’il vient de faire tirer au Bénin après deux années de “cache-cache.” »24

  • 25 Cf. Patterson (John Henry), The Man-Eaters of Tsavo and other African Adventures [préf. par Selous (...)

15Il en est de même pour les célèbres lions mangeurs d’hommes du Tsavo. En 1898, le colonel John Henry Patterson (1867-1947), ingénieur et officier de l’armée britannique, est nommé pour diriger la construction d’un pont destiné au passage du train au-dessus de la rivière Tsavo, non loin de la localité du même nom au Kenya. Rapidement, on lui signale que deux lions viennent s’emparer d’ouvriers, la nuit, dans leurs tentes, pour les traîner plus loin et les dévorer. Ces attaques se multipliant, les ouvriers commencent à se rebeller : certains s’enfuient, d’autres refusent de travailler. Patterson, en tant qu’officier colonial, avait acquis une certaine expérience de la chasse aux tigres en Inde. Aussi se donna-t-il pour mission de chasser ces lions, et y consacra une grande partie de son temps pendant plusieurs mois, élaborant des pièges ou chassant à l’affût la nuit. Il lui faudra près de neuf mois pour venir à bout des deux animaux, les premières attaques ayant été signalées en mars tandis que l’abattage eut lieu en décembre. Or ces deux lions ont à l’époque été nommés « Ghost » et « Darkness » par les ouvriers25.

16Ainsi, dans le cadre de la chasse sportive, les trophées mettent en relation deux individus : le chasseur et l’animal. La valeur du trophée dépend de la relation qui s’est nouée entre ces deux entités lors de la chasse. À l’inverse, lors de sa mise en musée, un animal devient un représentant de son espèce (et par extension d’un territoire ou d’un biotope), un spécimen. Il est désindividualisé. En outre, le muséum correspond certes, comme le trophée, à un marqueur de conquête, notamment du fait de la mise en forme du monde qu’il implique et de son lien avec le processus de colonisation. Toutefois, contrairement au trophée qui témoigne d’une conquête par un individu en particulier, cette conquête se veut universelle. Le muséum marque l’avancée de la civilisation et de la science sur le monde sauvage ; c’est une conquête au nom de l’humanité, ou de sa part la plus « civilisée » selon les représentations coloniales en cours au milieu du xixe siècle. Enfin, si les trophées sont des objets privés, exposés certes, mais montrés uniquement à des individus choisis par le chasseur, le muséum se veut quant à lui ouvert au plus grand nombre. Se dessine ainsi une opposition entre le trophée, qui témoigne d’une relation intime, d’une expérience commune entre deux individus, et l’animal de muséum, qui exprime pour sa part une relation entre une espèce et l’humanité entière. C’est donc dans la nature de la relation à l’objet, plus que dans l’objet lui-même ou son contexte d’acquisition que réside la différence.

DES RELATIONS AMBIGUËS

  • 26 Cf. Roulet (Pierre-Armand), Chasseur blanc, cœur noir ? La chasse sportive en Afrique Centrale. Un (...)
  • 27 MacKenzie (John M.), The Empire of Nature …, op. cit.
  • 28 Cf. notamment L’Estoile (Benoît de), Le goût des Autres…, op. cit. ; MacKenzie (John M.), The Empi (...)

17Cependant, cette opposition posée, on peut constater des mouvements de l’un vers l’autre, qui témoignent du lien qui unit les univers de la chasse sportive et du muséum. En premier lieu, il existe des situations où le trophée va prendre une extension collective dans le cadre d’expositions publiques. Roualeyn Gordon Cumming, évoqué précédemment, est souvent cité comme étant le pionnier du voyage de chasse en Afrique. Or une fois rentré au Royaume-Uni, il va vivre de la présentation de ses trophées au grand public, d’abord grâce à une exposition itinérante, puis par la création d’un musée. De même, lors de l’édition 2006 du Country Show, le salon de la chasse et de la nature à Paris, des trophées (entiers) étaient présentés au public dans leur « biotope ». Les animaux étaient regroupés par continent d’origine et constituaient ainsi une sorte de petit muséum au sein du salon. Une plaque présentait chaque animal avec le nom de l’espèce, mais aussi le nom du chasseur propriétaire du trophée. Cela rejoint en partie le rapprochement entre chasse et protection de la nature, qui participe très largement de la légitimation des activités de chasse par leurs adeptes. Ceux-ci défendent en effet volontiers le fait que leur pratique permet à la fois l’élimination d’animaux en surnombre — donc une certaine régulation — et le financement des activités de protection de la nature26. Ainsi, tout comme Théodore Roosevelt se présentait au début du xxe siècle comme un naturaliste en ce qu’il permettait le progrès de la science en alimentant le futur National Museum of Natural History, les chasseurs actuels considèrent également participer activement aux politiques de conservation. La chasse n’est donc plus uniquement un acte individuel, mais devient une contribution au projet collectif de préservation des espaces naturels. La chasse a par ailleurs, comme l’a montré l’historien John MacKenzie, largement été utilisée par la propagande coloniale27. Sans détailler ici l’argumentation de l’auteur, signalons que la victoire du colonel Patterson sur les mangeurs d’hommes du Tsavo a été saluée jusque dans la chambre des Lords, comme un témoignage de la gloire britannique en terre africaine. Les trophées étaient en outre souvent présentés dans les expositions coloniales28.

  • 29 Mes remerciements à M. Jacques Cuisin pour la visite de cet espace et les précieuses informations (...)

18Si les trophées peuvent parfois prendre une dimension plus collective, les animaux présentés dans les muséums peuvent, à l’inverse, subir un processus d’individualisation. Individualisation de l’animal, d’abord. Le tigre ayant attaqué le duc d’Orléans sur son palanquin est présenté en tant que tel au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris ; son histoire est racontée, faisant de lui un tigre différent des autres. D’ailleurs, on constate qu’ici le chasseur est également cité. On est avec cet éléphant et ce tigre face à un objet de musée particulièrement ambigu, qui n’a pas perdu complètement son statut de trophée en entrant au musée. La tortue des Galapagos présentée dans ce même musée est également nommée et raconte même son histoire à la première personne. Il est vrai que cette personnalisation préexistait à sa mort, puisqu’elle était une « star » de la ménagerie ; mais on peut toutefois être étonné de ce choix muséographique peu commun. On peut également mentionner la naturalisation de Joko, le singe de Buffon exposé à certaines périodes par le Muséum, ou Hans, l’éléphant du muséum de Bourges, autre ancienne célébrité du Jardin des plantes. En outre, le nom du chasseur peut parfois continuer à exister à travers la taxonomie, comme pour la sous-espèce « orleansis » d’éléphant, dont le « type », chassé par le duc, est toujours dans le hangar de taxidermie du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris29.

Trophées « Biotope »
Espace d’exposition au Country Show de 2006 Cliché Maxime Michaud.

  • 30 Yeakel (Justin D.), Patterson (Bruce D.), Fox-Dobbs (Kena), Okumura (Mercedes M.), Cerling (Thure (...)
  • 31 URL : http://archive.fieldmuseum.org/exhibits/exhibit_sites/tsavo/maneaters.html, consulté le 16/0 (...)

19Les lions du Tsavo, encore eux, sont également un exemple de cette personnalisation de l’animal de musée. Ils sont en effet exposés en mode naturaliste dans une vitrine spéciale du Field Museum de Chicago, où leur histoire particulière est racontée. Un paradoxe étonnant sur le nombre de victimes des lions est instructif sur l’ambiguïté du mode de présentation du Muséum. À l’époque où Patterson a vendu les dépouilles au muséum, en 1925, il évoque le nombre de 135 victimes. Mais des analyses réalisées par une équipe du Field Museum et de l’Université de Californie, consistant en un dosage de substances chimiques dans les poils des dépouilles, a réduit l’estimation à environ 35 victimes, ou en tous cas dans une fourchette située entre 4 et 7230. Toutefois, le Field Museum continue à parler, sur son microsite internet consacré à ces animaux, de 135 victimes31. Ce n’est donc pas véritablement la valeur scientifique ou historique des animaux que met en valeur le muséum dans ce cas, mais bien le caractère sensationnel de leur histoire et la sauvagerie qu’ils incarnent.

  • 32 Il semblerait que certains de ces produits ne soient plus disponibles depuis leurs observations su (...)
  • 33 Gautier (Mathilde), Le commerce des musées d’art en Europe : enjeux et fonctionnement, Paris : l’H (...)

20Enfin, c’est également le visiteur qui se voit invité à créer une relation personnalisée avec l’animal, à travers les objets proposés dans la boutique. Les lions du Tsavo, qui étaient des tapis au début de leur carrière de trophée, se retrouvent aujourd’hui, ironie du sort, sur des tapis de souris, que chacun peut acquérir, comme une sorte de nouvelle forme de trophée. On peut également les trouver sous forme de mugs ou de peluches32. Plus largement, les nombreuses peluches et photographies proposées dans les boutiques des muséums ne peuvent-elles pas être considérées comme de mini trophées, que le visiteur peut personnellement acquérir, nommer et ramener chez lui ? Cette hypothèse bénéficie des travaux de Mathilde Gautier qui portent sur les boutiques des musées d’arts et soulignent la « fonction d’appropriation » que jouent ces objets : « L’appropriation de la visite et, par conséquent un meilleur profit tiré de celle-ci, se fait par l’implication des individus dans l’achat d’un produit qui aura une signification unique pour son possesseur. Cette appropriation se réalise notamment par l’objet “souvenir” et l’objet “collectionné” »33.

  • 34 Pierron (Jean-Philippe), « Le musée, mémoire pour l’avenir ? », Hermès, La Revue, vol. 1996/2, no  (...)

21Elle souligne ensuite, en reprenant une argumentation formulée par Jean-Philippe Pierron34, que le visiteur se constitue une sorte de musée propre qui fonctionne pour lui uniquement, en ce que chacun des objets qui le compose lui rappelle sa visite ou le souvenir de sa rencontre avec une œuvre en particulier. Le fonctionnement est donc très similaire à celui décrit par les chasseurs évoquant leur trophée, parlant de ces derniers comme de moyens de rappeler le souvenir d’une « rencontre » singulière avec l’animal. Si ce point de vue sur l’objet de musée comme trophée est certes un peu aventureux, il permet de souligner ce mouvement vers une relation plus personnalisée à l’objet proposé par les muséographies contemporaines.

22Difficile, donc, de qualifier le statut de ces objets ambigus que sont les trophées exposés en muséum. S’ils perdent le plus souvent, une fois entrés dans l’institution, la relation singulière qui les unit aux chasseurs, ils gardent cependant un statut de témoins d’une forme de mise en ordre du monde sauvage. Ils questionnent finalement le statut même de l’objet de muséum, dont la charge symbolique explique la fascination et l’attraction qu’ils exercent sur le public. La question de la relation individuelle que le visiteur est invité à créer avec l’objet, qui n’est pas sans évoquer celle unissant le chasseur et son trophée, permet même d’étendre ce questionnement à toute forme d’exposition muséographique. Cela ne va toutefois pas sans nécessiter une réserve : si une forme d’appropriation individuelle peut être utile dans la construction d’un procédé muséographique, elle peut également constituer une limite en fonction du message que l’exposition souhaite transmettre. Autrement dit, cette question du statut du trophée rejoint finalement celle plus large du discours muséal, tant la relation aux objets dépend de la forme d’exposition ainsi que du processus qui les y a conduits. La réflexion proposée ici se veut donc avant tout une invitation à penser ces objets en prenant en compte leurs contextes de création, mais aussi les relations qui se créent avec les acteurs de leur mise en exposition (chasseur, taxidermiste, conservateur, visiteur, etc.), afin de mieux saisir leurs fonctions historiques et symboliques.

Notas

1 L’Estoile (Benoît de), Le goût des Autres : de l’exposition coloniale aux Arts premiers, Paris : Flammarion, 2007, p. 18 (Champs essais ; 970).

2 Descola (Philippe), « Par-delà la nature et la culture », Le Débat, vol. 2001/2, no 114, mars-avril 2001, pp. 86-101.

3 Ricard (Alain), Voyages de découvertes en Afrique : anthologie 1790-1890, Paris : R. Laffont, 2000, p. XII (Bouquins).

4 Idem, p. VIII.

5 Date à laquelle Alain Ricard fait démarrer le « grand siècle des explorations » (Voyages de découvertes en Afrique…, op. cit., p. X) malgré l’antériorité des voyages de Cook et Bougainville, du fait sans doute de son focus sur le continent Africain.

6 Cf. MacKenzie (John M.), The Empire of Nature : hunting, conservation, and British imperialism, Manchester ; New York : Manchester University Press, 1988, x + 340 p., ill. (Studies in imperialism) ; Gautier (Jean-Pierre) & Christy (Patrice), « Un explorateur chasseur naturaliste », in Hombert (Jean-Marie) & Perrois (Louis), (sous la dir.), Cœur d’Afrique : gorilles, cannibales et pygmées dans le Gabon de Paul Du Chaillu, Paris : CNRS éditions, 2007, pp. 116-127.

7 Itzkowitz (David C.), Peculiar privilege : a social history of English foxhunting 1753-1885, Hassocks : Harvester Press, 1977, 248 p. + [4] pl.

8 Gordon-Cumming (Roualeyn), Five years of a hunter’s Life in the far Interior of South Africa : with notices of the native tribes, and anecdotes of the chase of the lion, elephant, hippopotamus, girrafe, rhinoceros, etc., Londres : John Murray, 1850, 2 vol. (386 p. ; X + 370 p.), ill., in-8°.

9 Pour plus de détails sur les origines du voyage de chasse en Afrique, cf. Michaud (Maxime), « L’œuf ou la pintade ? Safari de chasse et imaginaire sauvage du bestiaire africain », in Cros (Michèle), Bondaz (Julien) & Michaud (Maxime) (sous la dir.), L’Animal cannibalisé : festins d’Afrique, Paris : Éditions des Archives Contemporaines, 2012, pp. 155-170.

10 Cette réflexion s’appuie sur des observations de terrains réalisées dans des zones de chasse du nord Bénin entre 2005 et 2008 et sur des entretiens réalisés en France entre 2007 et 2010 avec des adeptes du voyage de chasse français. S’ajoute l’analyse de récits de chasse et de voyages allant du xviie siècle à nos jours. Ce travail a été mené dans le cadre de la préparation d’une thèse de doctorat en Sociologie et anthropologie soutenue à l’université Lyon II en 2011 sous le titre Chasseurs d’Afrique : safari de chasse et quête du sauvage [Cros Michèle, dir.]

11 Cf. à ce sujet Madden (Dave), The authentic animal : inside the odd and obsessive world of taxidermy, New York : St. Martin’s Griffin, 2013, 274 p.

12 C’est-à-dire la chasse des cinq animaux considérés comme les plus prestigieux du continent africain : éléphant, lion, panthère, rhinocéros, buffle. L’origine précise de l’expression n’est pas connue, mais elle semble concomitante avec le développement du safari commercial au début du xxe siècle : je ne l’ai en effet pas constatée dans des sources datant d’avant les années vingt.

13 Roosevelt (Theodore), African game trails : an account of the African wanderings of an American hunternaturalist, New York : Scribner, 1910, XXIII + 583 p., ill.

14 Le verbe swahili kusafiri, « voyager » et le substantif msafiri, « voyageur », étaient souvent utilisés à propos des caravanes commerciales arabes qui parcouraient le continent à partir des ports de la côte nord-est.

15 Cf. Akeley (Carl), In brightest Africa, New York : Garden City Publishing, 1920, xiii + 267 p., [6] p. de pl., ill., cartes (Star series) et Madden (Dave), The authentic animal…, op. cit.

16 Dias (Nélia), « Les trophées de chasse au Musée du Duc d’Orléans », in Cros (Michèle), Bondaz (Julien) & Michaud (Maxime) (sous la dir.), L’Animal cannibalisé…, op. cit., pp. 99-110.

17 Collomb (Olivier), « Trophée », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 5 mai 2016. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/trophee/.

18 Idée également développée par Sergio Dalla-Bernardina : Dalla Bernardina (Sergio), « De l’emblème au porte-manteau : fastes et déboires du trophée de chasse », in Lizet (Bernadette) & Ravis-Giordani (Georges) (sous la dir.), Des bêtes et des hommes. Le rapport à l’animal : un jeu sur la distance, Paris : Éditions du CTHS, 1995, pp. 175-197.

19 Extrait d’un entretien réalisé en France en 2010 sur son lieu de travail avec un passionné de safari contacté via un forum internet. Soulignons que le fait de parler en « inch » montre la prégnance du modèle britannique dans l’univers du safari, jusque dans l’unité de référence pour la mesure des trophées.

20 Cette question a fait l’objet de plus amples développements dans Michaud (Maxime), « De l’animal au trophée : réification ou relation amoureuse ? », Anthropologie et Sociétés, vol. 39, no 1-2, 2015, pp. 165-178.

21 Extrait d’un entretien réalisé au Bénin en 2006, avec un chasseur français en safari, dans le cadre d’un séjour d’observation participante.

22 Extrait d’un entretien réalisé au Bénin en 2006 avec un autre chasseur français en safari, dans le cadre du même séjour d’observation participante. On voit dans ce dernier exemple que l’idée d’offrande existant dans le trophée au sens historique n’a pas complètement disparu ; seulement l’offrande est cette fois-ci faite à l’animal lui-même.

23 Derlon (Brigitte) & Jeudy-Ballini (Monique), La passion de l’art primitif : enquête sur les collectionneurs, Paris : Gallimard, 2008, 322 p. (Bibliothèque des sciences humaines).

24 Connaissance de la chasse, Hors-série vol. 28, mars 2006, p. 38.

25 Cf. Patterson (John Henry), The Man-Eaters of Tsavo and other African Adventures [préf. par Selous Frederick C.], London : Macmillan & Co, 1907, XX + 338 p., ill., carte, in-8° ; Caputo (Philip), Ghosts of Tsavo. Stalking the mystery lions of East Africa, Washington D. C. : National Geographic Society, 2002, 275 p. + [8] p. de pl., ill., carte. Pour plus de développement : Michaud (Maxime), « De la postérité des lions mangeurs d’hommes du Tsavo (Kenya) », in Cros (Michèle) & Bondaz (Julien) (sous la dir.), Sur la piste du lion : safaris ethnographiques entre images locales et imaginaire global, Paris : L’Harmattan, 2010, pp. 55-69 (Études africaines).

26 Cf. Roulet (Pierre-Armand), Chasseur blanc, cœur noir ? La chasse sportive en Afrique Centrale. Une analyse de son rôle dans la conservation de la faune sauvage et le développement rural au travers des programmes de gestion communautaire. Les cas du nord RCA et du sud-est Cameroun, thèse de doctorat en géographie [Grenand Pierre, dir.], Orléans : Université d’Orléans, 2004, 563 p.

27 MacKenzie (John M.), The Empire of Nature …, op. cit.

28 Cf. notamment L’Estoile (Benoît de), Le goût des Autres…, op. cit. ; MacKenzie (John M.), The Empire of Nature …, op. cit.

29 Mes remerciements à M. Jacques Cuisin pour la visite de cet espace et les précieuses informations transmises. Notons par ailleurs que cet usage n’est pas réservé aux animaux puisqu’il existe également pour les plantes (et même en astronomie, la découverte de certains astres autorisant parfois à les nommer, ce qui se fait souvent en fonction du nom d’une personne que l’on souhaite honorer). Il me semble toutefois, mais cela nécessiterait une investigation spécifique, que les chasseurs ont tendance à plus systématiquement utiliser leur propre nom, tandis que dans les autres domaines on fera plus facilement appelle aux noms de personnes proches (femme, enfants, etc.)

30 Yeakel (Justin D.), Patterson (Bruce D.), Fox-Dobbs (Kena), Okumura (Mercedes M.), Cerling (Thure E.), Moore (Jonathan W.), Koch (Paul L.) & Dominy (Nathaniel J.), « Cooperation and individuality among maneating lions », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 106, no 45, 2009, pp. 19040-19043.

31 URL : http://archive.fieldmuseum.org/exhibits/exhibit_sites/tsavo/maneaters.html, consulté le 16/05/2016.

32 Il semblerait que certains de ces produits ne soient plus disponibles depuis leurs observations sur le site internet de la boutique du musée en 2014.

33 Gautier (Mathilde), Le commerce des musées d’art en Europe : enjeux et fonctionnement, Paris : l’Harmattan, 2014, p. 139.

34 Pierron (Jean-Philippe), « Le musée, mémoire pour l’avenir ? », Hermès, La Revue, vol. 1996/2, no 20, 1996, pp. 125-131.

Índice de ilustraciones

Leyenda La charge de l’éléphantDessin de Philip R. Goodwin d’après les photographies et descriptions de Théodore Roosevelt. Illustration extraite d’African game trails… (1910).
URL http://books.openedition.org/mnhn/docannexe/image/4335/img-1.jpg
Archivo image/jpeg, 2,0M
Leyenda Chasse aux morses Gravure extraite du Voyage to the Pacific Ocean… de James Cook (1785) Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.
URL http://books.openedition.org/mnhn/docannexe/image/4335/img-2.jpg
Archivo image/jpeg, 1,1M
Leyenda Le docteur Livingstone terrassé par un lion. Dessin de Bayard extrait du Tour du monde (1866) Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.
URL http://books.openedition.org/mnhn/docannexe/image/4335/img-3.jpg
Archivo image/jpeg, 762k
Leyenda « Baker chassant la giraffe » Dessin extrait du Tour du monde (1867) Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.
URL http://books.openedition.org/mnhn/docannexe/image/4335/img-4.jpg
Archivo image/jpeg, 514k
Leyenda Caracal taxidermisé Caravane africaine de la Grande Galerie de l’Évolution au muséum de Paris Cliché Agnès Iatzoura, MNHN.
URL http://books.openedition.org/mnhn/docannexe/image/4335/img-5.jpg
Archivo image/jpeg, 562k
Leyenda Trophée de chasse Tigre attaquant l’éléphant du duc d’Orléans (premier étage de la Grande Galerie de l’Évolution) Cliché Agnès Iatzoura, MNHN.
URL http://books.openedition.org/mnhn/docannexe/image/4335/img-6.jpg
Archivo image/jpeg, 1,3M
Leyenda Lions mangeurs d’hommes Vitrine exposant les lions du Tsavo au Field Museum de Chicago (2011) Cliché mdk.
URL http://books.openedition.org/mnhn/docannexe/image/4335/img-7.jpg
Archivo image/jpeg, 484k
Leyenda Premier buffleThéodore Roosevelt et son fils Kermit. Photographie extraite d’African game trails… (1910).
URL http://books.openedition.org/mnhn/docannexe/image/4335/img-8.jpg
Archivo image/jpeg, 1,6M
Leyenda Trophées « Biotope »Espace d’exposition au Country Show de 2006 Cliché Maxime Michaud.
URL http://books.openedition.org/mnhn/docannexe/image/4335/img-9.jpg
Archivo image/jpeg, 266k

Autor

Anthropologue, responsable de l’équipe Sciences Sociales au Centre de recherche de l’Institut Paul Bocuse. Après avoir travaillé sur la pratique du voyage de chasse, il s’intéresse aujourd’hui aux dynamiques sociales et culturelles de l’alimentation contemporaine.

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