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Dans l’épaisseur du temps

 | 
Arnaud Hurel
, 
Noël Coye

Regards croisés sur deux fondateurs de la préhistoire française : Édouard Lartet & Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes

Sébastien Dubois

Texte intégral

  • 1 Aufrère (Léon), « Figures de préhistoriens, I. Boucher de Perthes », Préhistoire, 1940, T. 7, p. 1 (...)
  • 2 Coye (Noël), « L’Invention du document archéologique », in Mohen (Jean-Pierre) (sous la dir.), Le (...)

1« Ils étaient faits pour s’entendre et ils s’entendirent extrêmement bien, comme deux chercheurs maudits faisant marcher la science malgré elle »1. C’est en ces termes que Léon Aufrère (1889-1977) décrit en 1940 la rencontre entre Édouard Lartet (1801-1871) et Jacques Boucher de Perthes (1788-1868). La relation entre ces « chercheurs maudits », prend en effet corps à un moment particulier de l’histoire de la discipline préhistorique. Elle a pour toile de fond le débat autour de l’ancienneté géologique de l’espèce humaine, controverse qui dure près d’un tiers de siècle et dont l’un des principaux enjeux est la définition des méthodes de ce nouveau champ disciplinaire qu’est l’archéologie préhistorique. Dès ses débuts, la préhistoire se définit comme une science de la nature et trouve dans des disciplines connexes que sont pour elle la géologie et la paléontologie les fondements méthodologiques de sa pratique, tandis que les textes historiques et sacrés constituent une base documentaire sur laquelle elle va longtemps s’appuyer pour développer son discours. Or, passé de la Terre et passé humain étant alors inconciliables, c’est à partir d’un autre type de document que va s’opérer la jonction entre ces deux champs de savoir. Et c’est précisément autour de ce nouveau document, le vestige archéologique2, que vont se définir les grandes lignes de cette discussion débutée à la fin des années 1820 en France.

2C’est à cette période que des naturalistes du Midi, Marcel Toussaint de Serres (1782-1862), Paul Tournal (1805-1872) et Jules de Christol (1802-1861) ouvrent à l’Académie des sciences le débat sur l’homme fossile. Lorsqu’ils abordent la question, l’objet archéologique est projeté d’emblée au cœur de leur démonstration. Proposé comme un équivalent des restes humains fossiles, il ne semble cependant pas à même de répondre à une problématique d’ordre paléontologique.

  • 3 Schmerling (Philippe-Charles), Recherches sur les ossements fossiles découverts dans les cavernes (...)
  • 4 Ibid., p. 63.
  • 5 Ibid., p. 178.
  • 6 Ibid., p. 179.

3Ces recherches vont trouver un certain écho dans ceux de Philippe-Charles Schmerling (1791-1836), un médecin belge qui a entrepris depuis 1829 de fouiller une quarantaine de cavernes de la province de Liège. Rallié aux thèses catastrophistes, Schmerling tente de concilier déluge biblique et ancienneté géologique de l’homme3. Il insiste particulièrement sur la fiabilité et l’intégrité des remplissages qu’il a étudiés et cherche à écarter tout doute quant à d’éventuels remaniements. Il expose ensuite les conditions de dépôt de ces remplissages. Sa démonstration rejoint en de nombreux points les observations réalisées par Tournal et Christol. Dans un contexte géologique révélant d’identiques conditions de décomposition des ossements, Schmerling note que les restes humains et ceux d’espèces fossiles se côtoient « sans distinction »4. La présence d’une « quantité plus ou moins considérable de silex »5 l’interpelle également et il lui semble même qu’après examen, certains de ces objets « ont été taillés par la main de l’homme ». On retrouve alors de nouveau le document archéologique au cœur de la démonstration et Schmerling restaure ainsi la notion d’équivalent géognostique proposée par Christol ; « Comme j’ose garantir qu’aucune de ces pièces n’a été introduite après coup, j’attache un grand prix à leur présence dans les cavernes ; car, si même nous n’avions pas trouvé des ossements humains, dans des conditions tout à fait favorables pour les considérer comme appartenant à l’époque antédiluvienne, ces preuves nous auraient été fournies par les os taillés et les silex façonnés. »6 Replacé dans un constat d’association stratigraphique, l’indice archéologique revêt donc une importance comparable dans les deux démonstrations et permet d’établir un premier lien entre archéologie et géologie.

FIGURE 1. 6 Figures présentant les éléments d’un crâne humain fossile, planche extraite de Schmerling (Philippe-Charles), Recherches sur les ossements fossiles découverts dans les cavernes de la province de Liège, vol. III : Atlas des planches, Liège : P. J. Collardin, 1833, planche I.

4Mais pas plus que ceux de ses confrères du Sud de la France, les travaux de Schmerling n’emportent l’adhésion. Les différents éléments sont en place mais les milieux académiques ne reviennent pas sur leurs objections et le débat semble se figer. La question sur l’existence de l’homme antédiluvien demeurant en suspens, ce dernier n’est, de fait, pas encore intégré au passé de la Terre. Seuls des indices paléontologiques recueillis en un contexte suffisamment fiable pourraient alors donner substance à cet homme fossile.

5Le programme énoncé par Tournal et Christol – et repris par Schmerling qui le mobilise dans une conception catastrophiste de l’histoire de la Terre – mène donc à une impasse méthodologique. Les restes humains sont là mais rien ne permet pour le moment de confirmer leur caractère antédiluvien. La tentative de substitution des indices paléontologiques par des documents archéologiques a également échoué.

L’homme fossile, entre paléontologie et archéogéologie

6C’est au cours du deuxième acte de cette controverse que la relation entre Lartet et Boucher de Perthes trouve son origine. À première vue, leurs approches, exposées à une dizaine d’années d’intervalle, ainsi que leurs statures au sein même de la discipline ne laissent pas présager la rencontre qui s’opèrera à la fin des années 1850.

7Lartet, paléontologue autodidacte, se rapproche assez tôt des milieux académiques et politiques parisiens qui lui offrent la possibilité de poursuivre ses recherches en couvrant une partie des frais qu’occasionnent ses travaux de fouilles à Sansan (Gers). C’est ainsi que François Guizot (1787-1874), lorsqu’il occupe les fonctions de ministre de l’Instruction publique, finance ses recherches puis assurera la pérennité du site grâce au vote d’une loi en 1847 permettant l’acquisition par l’État au profit du Muséum national d’histoire naturelle des 4 hectares du gisement paléontologique. En échange, une partie des découvertes de Lartet est envoyée à Paris pour enrichir les galeries du Muséum. Au cœur d’un réseau où se retrouvent plusieurs grands noms de savants parisiens, sa renommée croît rapidement. Boucher de Perthes, naturaliste amateur, finance à ses frais des travaux dont les résultats ne suscitent que la méfiance, voire l’indifférence du milieu scientifique parisien. Membre actif de la Société d’émulation d’Abbeville, au sein de laquelle se sont pourtant illustrés des naturalistes de la première moitié du xixe siècle, Boucher de Perthes ne parvient pas à intégrer complètement ce paysage malgré les efforts déployés en ce sens. Sur un plan théorique, la jonction paraît également difficile tant les conceptions respectives semblent différer. Mais en observant d’un peu plus près, certains points de convergence apparaissent néanmoins et qui s’affirmeront lors de la parution de la seconde édition des Antiquités de Boucher de Perthes, en 1857.

  • 7 Boucher de Perthes (Jacques), Antiquités celtiques et antédiluviennes, mémoire sur l’industrie pri (...)
  • 8 Lartet (Édouard), « Note sur les ossements fossiles des terrains tertiaires de Simorre, de Sansan, (...)
  • 9 Geoffroy-Saint-Hilaire (Étienne), « Sur la singularité et la haute portée en philosophie naturelle (...)
  • 10 Blainville (Henri de), « Rapport sur la découverte de plusieurs ossements fossiles de quadrumanes, (...)

8Lorsque Boucher de Perthes publie en 1849 les résultats de ses recherches dans le premier tome de ses Antiquités celtiques antédiluviennes7, Lartet a en effet déjà présenté devant l’Académie des sciences (séance du 16 janvier 1837) la première mandibule de singe fossile (Pliopithecus antiquus) découverte par lui sur le coteau de Sansan en 18368. Ce nouvel élément au dossier, recueilli parmi les restes de faune tertiaire, est accueilli avec enthousiasme par les adversaires de Cuvier, Étienne Geoffroy-Saint-Hilaire (1772-1844)9 et Henri Ducrotay de Blainville (1777-1850)10 notamment. Cette pièce relance les débats en posant de nouveau la question de l’ancienneté géologique de l’homme sans pour autant envisager celle de son origine animale.

  • 11 Pour plus de détails concernant le fixisme de Blainville et son interprétation par Lartet, nous re (...)

9En effet, pour Blainville comme pour Lartet, la Création est perçue comme un acte unique au cours duquel l’homme et les espèces animales seraient d’apparition synchrone. Selon ce schéma, existence et disparition progressive des espèces sont régies par une loi d’appauvrissement inéluctable qui dicte la durée de vie de chacune et explique les lacunes observées dans la chaîne de la vie. Chez Lartet, très proche des idées développées par Blainville, l’homme est donc pleinement, et depuis le début, intégré à cette chaîne. La rhétorique catastrophiste, le recours au déluge universel et aux créations multiples, ne trouve donc ici plus de sens, l’existence de l’homme fossile se présente comme une évidence, indice paléontologique à l’appui11.

  • 12 Lartet (Édouard), « Note sur les ossements fossiles des terrains tertiaires de Simorre, de Sansan, (...)

10Pour les tenants de l’homme fossile, la poursuite des recherches permettra assurément, à terme, d’apporter la preuve irréfutable de l’ancienneté géologique de l’homme. Acquis à cette certitude, Lartet conclut en 1837 sa première communication sur cette découverte par une interrogation qui traduit assez clairement cette conviction : « Voilà donc un mammifère de la famille des singes, […] contemporain de ces palæotherium, de ces anoplotherium, genres perdus que l’on a longtemps regardés comme les plus anciens habitants de nos continents dans la classe des mammifères. Ces types de certains genres ne sont pas si nouveaux qu’on le pense généralement. Que sait-on si des observations ultérieures ne viendront pas tôt ou tard nous apprendre que cette nature ancienne, encore si peu connue, n’était pas moins complète, ni moins avancée dans l’échelle organique que celle où nous vivons ?… »12.

FIGURE 2.
« Coupe géologique de la colline de Sansan ». L’élévation du sommet de la colline au-dessus du niveau de la rivière du Gers, sous le pont de Sansan, est de 80 mètres. L’altitude baromètrique relevée sous ce même pont par M. Raulin, étant de 155 mètres, la hauteur de la colline de Sansan au-dessus du niveau de la mer, serait donc de 235 mètres. Dans la coupe ci-contre, le relief du mammelon principal a été exagéré, afin de rendre. plus distinctes la disposition et l’épaisseur relatives des couches diverses dont se compose le dépôt ossifère. A, Grès ou molasse d’eau douce des géologues. Cette molasse est quequefois assez dure pour se prêter à la taiIle ; on y a point trouvé de fossiles organiques. B, Marne à structure sensiblement schistoïde, également sans fossiles. C, Ensemble des couches ossifères. a, Marne avec massifs, plaques tabulaires et rognons disséminés de calcaire compact. Cette marne renferme beaucoup d’ossements de mammifères, des débris de tortues et des moules pétrifiés de coquilles terrestres et aquatiques. Ces moules sont le plus souvent· à l’état de calcaire spathique ; b, Assise très-mince de calcaire à structure cristalline, d’un rose pâle, empâtant des coquilles et quelquefois des ossements. ce marbre d’eau douce dont les nuances sont ternes et peu variées, est cependant susceptible de prendre un beau poli ; c, Marne argileuse avec ossements et coquille disséminés ; d, Amas détritique de coquilles dont les débris sont quelquefois agglutinés par la marne. La plupart de ces coquilles paraissent avoir été écrasées par le poids des couches superposées. On obtient par le lavage de ce détritus une infinité d’ossements fragmentés de petits mammifères, oiseaux, reptiles et poissons. On y trouve aussi quelquefois intactes des coquilles de petites dimensions de certaines espèces des genres Hélice, Maillot, Carychie, Testacelle, Lymnée, Planorbe, etc., parmi lesquelles, MM. l’abbé Dupuy et Toulet ont reconnu les identiques de trois ou quatre espèces vivantes ; e, Concrétions marneuses et galets de même nature avec graviers quartzeux, tantôt libres, tantôt cimentés en poudingues, et renfermant principalement des ossements de grands herbivores ; f, Calcaire marneux compacte qui se montre dans l’escarpement du sud, en deux bancs d’épaisseur variable et quelquefois séparés par un lit très-mince de marne. Ce calcaire n’a point été rencontré dans les tranchées pratiquées sur les affleurements du versant (nord) de la colline, où il est remplacé par des marnes et par le détritus coquillier. D, Assise de marne et de calcaire marneux qui forme ici l’assiette inférieure du dépôt ossifère proprement dit. On la retrouve à un niveau correspondant, sur la pente de toutes nos collines, où elle fournit a l’observateur une sorte d’horizon géognostique. Cette formation particulière presque partout caractérisée par la présence d’un nombre infini de moules terreux ou marneux d’Hélices avec ceux plus rares d’autres coquilles également terrestres, paraît constituer, comme on l’a déjà dit, la limite inférieure des fossiles dans une assez grande étendue de notre terrain tertiaire. E, Alternances de grès, de marnes, de calcaires marneux et de poudingues sans stratification distincte. Ces roches diverses qui passent souvent de l’une à l’autre dans le prolongement horizontal de leurs assises irrégulières, constituent le massif inférieur du terrain tertiaire dans les collines à l’entour de Sansan. La proportion des marnes augmente en amont de la vallée, à mesure qu’on remonte vers les Pyrénées, tandis que les calcaires dominent aux environs d’Auch et dans le bas-Gers. Figure extraite de Lartet (Édouard), Notice sur la colline de Sansan, suivie d’une récapitulation des diverses espèces d’animaux vertébrés fossiles, trouvés soit à Sansan, soit dans d’autres gisements du terrain tertiaire du miocène dans le bassin sous-pyrénéen, Auch : imp. J. A. Portes, 1851, 46 p.

11Malgré la disparition de Cuvier intervenue cinq ans auparavant, la position de l’Académie des sciences n’est pas pour autant déverrouillée ; Léonce Élie de Beaumont (1798-1874), secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, se posant en héritier du grand paléontologue des vertébrés et nouveau chef de file des catastrophistes, entend faire valoir les positions du défunt maître en opposant une farouche résistance à l’argumentation des partisans de l’homme fossile. Ses positions restent les mêmes : sans véritables preuves anthropologiques recueillies en contexte géologique indéniablement fiable, la question demeure insoluble. La découverte de Lartet ne convainc donc pas les opposants.

12C’est dans ce contexte que Boucher de Perthes aborde la question de l’homme antédiluvien. Initié à la pratique des fouilles et en particulier à l’intérêt de la méthode stratigraphique par le médecin et naturaliste Casimir Picard (1806-1841) prématurément décédé, Boucher de Perthes reprend les travaux débutés par son confrère à Abbeville, dans la vallée de la Somme et, fort des expériences de ses prédécesseurs, tente d’opérer une synthèse des divers éléments mobilisés depuis la fin des années 1820.

13En premier lieu, le contexte de ses recherches semble a priori le mettre à l’abri de la première objection des détracteurs de l’homme fossile, celle portant sur la fiabilité des stratifications. L’étude des grandes terrasses alluviales, contexte bien différent de celui des cavernes, lui permet en effet de contourner cet obstacle méthodologique et d’écarter ainsi les accusations de remaniements et d’associations stratigraphiques fortuites.

  • 13 Pautrat (Jean-Yves), « L’homme antédiluvien : anthropologie et géologie », Bulletins et mémoires d (...)
  • 14 Boucher de Perthes (Jacques), Antiquités celtiques et antédiluviennes, T. 1, op. cit., p. 243.

14Ensuite, et comme chez Schmerling, sa démonstration se déploie sur une trame catastrophiste, fidèle à ses convictions religieuses. Ce cadre permet de surcroît à l’auteur des Antiquités d’éviter toute opposition frontale aux thèses cuviéristes encore très vivaces en ce milieu de xixe siècle. Sur cette toile de fond, qui constitue d’ailleurs un premier élément de divergence avec la conception de Lartet, se mettent en place les différents éléments constitutifs du discours de Boucher de Perthes. Comme l’annonce le titre de son mémoire, le temps se déploie sur deux registres distincts, un temps historique et un temps antédiluvien, c’est-à-dire antérieur à la dernière grande catastrophe biblique. Cette partition se fonde à la fois sur la présence de deux types d’industries bien distinctes que sont d’une part, les objets de pierre taillée et d’autre part, les pièces polies et qui caractérisent selon l’auteur deux « civilisations » distinctes13, et sur des observations stratigraphiques qui mettent en évidence deux entités sédimentaires au sein desquelles prennent place ces industries. En l’absence de vestiges anthropologiques au sein de la séquence stratigraphique, ce regard porté sur l’objet, la place qui lui est assignée dans la construction du discours permettent donc une appréhension mieux cadrée, plus claire de la chronologie des temps antérieurs à l’histoire en même temps qu’une définition archéologique de deux mondes séparés l’un de l’autre par des bouleversements cataclysmiques. Imprégné de la théorie cuviériste des catastrophes, la vision de Boucher de Perthes ne s’en écarte pas moins par la définition de deux types humains appartenant à deux « époques »14 différentes, homme historique, descendant de la race japétique, et homme fossile. Chacun de ces types prend ainsi place de part et d’autre de la dernière grande catastrophe.

  • 15 Ibid., p. 7.
  • 16 Coye (Noël), La préhistoire en paroles et en actes. Méthodes et enjeux de la pratique archéologiqu (...)
  • 17 Ibid., pp. 88-92.

15Une autre notion très importante du discours de Boucher de Perthes est également celle de la récurrence des formes et des « groupements » au sein de la séquence15. Cette récurrence atteste de l’intention de travail et de la recherche de formes spécifiques, argument qui permet d’écarter tout caractère fortuit. De la même manière, les indices sont mis en rapport les uns avec les autres, constituant des associations parlantes. À la lecture verticale de la stratigraphie, vient ainsi s’ajouter une dimension horizontale qui enrichit et renforce d’autant les observations. Comme le souligne Noël Coye, ce réseau d’informations intégrant indices archéologiques et paléontologiques sur fond de géologie est analogue à notre concept moderne de niveau archéologique16. Mais cet auteur a également démontré un évident décalage entre intention chez Boucher de Perthes et pratique de terrain. Celle-ci révèle en effet des faiblesses méthodologiques qui semblent plutôt nuancer, voire infirmer cette impression première17.

16Quoi qu’il en soit, l’introduction des faits archéologiques dans une connexion avec les principes géologiques scelle la rencontre – esquissée par les géologues du Midi à la fin des années 1820 – entre deux sphères disciplinaires, qui constitue une des principales lignes théoriques du programme de l’archéogéologie de Boucher de Perthes. La vocation d’indicateur chronologique de la séquence stratigraphique en géologie est ici mobilisée dans un discours largement appuyé sur les indices archéologiques et qui permet à l’auteur des Antiquités de proposer une véritable chronologie des temps anciens, celtiques ou antédiluviens, consistant en un double niveau de lecture : vertical et chronologique, et horizontal et « culturel » bien que ce terme paraisse ici clairement anachronique.

  • 18 Lartet (Édouard), « Nouvelles recherches sur la coexistence de l’homme et des grands mammifères fo (...)

17Lartet procèdera de même lorsqu’il établira sa chronologie des temps quaternaires en 186118. En effet, comme l’archéogéologie de Boucher de Perthes, sa classification paléontologique repose sur le principe d’association des vestiges. Les « époques » de Lartet s’illustrent en effet par les industries rencontrées sur les différents sites choisis pour cette classification (Massat, Bize…) tandis qu’à chaque « âge » correspond un taxon dominant. Chacun des épisodes de ces temps quaternaires est donc scandé par cette association archéologie-paléontologie. Et au-delà, l’objet chez Lartet comme chez Boucher de Perthes rend compte d’une évolution des outils du simple au complexe. L’objet acquiert alors le statut de témoin de cette progression des industries et, plus largement, de l’homme. Cette progression inscrite dans la continuité est un des aspects essentiels autorisant une histoire de l’homme. Les lignes méthodologiques des deux programmes sont donc en relative adéquation, seul le support théorique diffère ; succession des cycles de créations et disparitions chez l’un, création unique et disparition progressive des espèces par la loi d’appauvrissement chez l’autre.

18L’accueil du premier tome des Antiquités par la communauté scientifique est mauvais. Malgré les efforts de clarté déployés par son auteur dans l’exposé des faits et en dépit d’une apparente rigueur dans la réalisation des travaux, la démonstration ne prend pas et l’homme antédiluvien ne parvient pas à passer les portes des académies parisiennes.

  • 19 Pautrat (Jean-Yves), « L’homme antédiluvien : anthropologie et géologie », op. cit., p. 137. Selon (...)
  • 20 Ibid., p. 147 et la contribution de Jean-Yves Pautrat à cet ouvrage.
  • 21 Coye (Noël), La préhistoire en paroles et en actes, op. cit., pp. 95-99. Richard (Nathalie), Inven (...)

19La réfutation porte une fois de plus sur la fiabilité des terrains et par conséquent, sur la valeur des observations stratigraphiques réalisées par Boucher de Perthes. Décrits par Élie de Beaumont comme des « terrains clysmiens »19, terrains dits de transport (inondations, alluvions…), ils sont d’après lui susceptibles de remaniements et donc d’âge plus récent que le diluvium décrit par Boucher de Perthes. Mais au-delà de cet aspect méthodologique, c’est surtout sur un point particulier du mémoire – que nous n’avons pas exposé ici – que porte la critique. Une importante partie de l’ouvrage du savant abbevillois est en effet consacrée à ses « pierres-figures ». Ces objets recueillis dans les mêmes terrains que les vestiges celtiques et antédiluviens, évoquent pour Boucher de Perthes des représentations figurées de formes animales et humaines et constituent ainsi les premières manifestations artistiques de l’homme premier. Jean-Yves Pautrat a bien montré l’importance et la signification métaphysique de ces pierres-figures chez Boucher de Perthes, notamment dans son appréhension de l’homme comme forme pensante d’un vivant qui, parvenu à un stade de développement physique et intellectuel supérieur, a « l’idée de Dieu »20. Bien entendu, ces objets ne sont que de simples pierres auxquelles la nature a donné des formes plus ou moins évocatrices mais dont aucun caractère ne permet de les rapporter à une intervention anthropique. Cette partie des Antiquités, sur laquelle l’auteur insiste assez longuement, devient alors le point central sur lequel se cristallisent les oppositions et qui justifie en grande partie l’imperméabilité de la communauté à l’égard des travaux de Boucher de Perthes21.

  • 22 Boucher de Perthes (Jacques), Antiquités celtiques et antédiluviennes, mémoire sur l’industrie pri (...)

20Peu de savants apportent alors leur soutien à ses théories, la prudence et l’incrédulité du public scientifique, largement influencé par l’autorité d’Élie de Beaumont, confinent Boucher de Perthes et ses thèses en marge des milieux académiques. Mais ce dernier n’en reste pas là et, une dizaine d’années plus tard, il fait paraître le deuxième tome des Antiquités celtiques et antédiluviennes22. Ce volume n’apporte pas de nouvelles preuves et replace les découvertes dans un cadre théorique foncièrement différent. Boucher de Perthes prend désormais en compte avec plus de précision certaines avancées de la science de son temps, et notamment celles de la géologie. Et c’est peut-être ce virage qui va lui permettre de s’assurer des appuis de la part de quelques savants parisiens et anglais, appuis qui vont s’avérer déterminants dans le dénouement de ce long débat.

Les effets d’une convergence méthodologique

21Le volume de 1857 montre en effet que l’auteur a bien pris en compte les critiques formulées dix ans plus tôt et qu’il entend désormais y opposer une argumentation ancrée dans un cadre scientifique plus rigoureux. Même s’il ne renonce pas complètement au catastrophisme de 1849, il semble qu’il a entre-temps pris connaissance de certains travaux, ceux des géologues Louis Agassiz (1807-1873) ou William Buckland (1784-1856), et que ceux-ci lui ont fourni une nouvelle base de réflexion pour étayer sa théorie des grands bouleversements diluviens. Ce tournant annonce donc un nouveau visage scientifique des Antiquités en même temps qu’une prise de contact plus affirmée avec un milieu scientifique élargi.

  • 23 Ibid., p. 91.
  • 24 Agassiz (Louis), Études sur les glaciers, Neuchâtel : Jent & Gassmann, 1840, 346 p.
  • 25 Boucher de Perthes (Jacques), Antiquités celtiques et antédiluviennes, mémoire sur l’industrie pri (...)
  • 26 Ibid., p. 17.

22En premier lieu, ce deuxième volume propose un regard nouveau sur la formation des différentes assises et par-là même sur la relative hétérogénéité des couches observées, certains objets reconnus comme « celtiques » sont en effet retrouvés au contact d’artéfacts plus anciens, créant une confusion pour laquelle Boucher de Perthes n’avait pu proposer d’explication claire. Ce regard plus précis sur les phénomènes géologiques entraîne l’abandon de la théorie des créations successives, finalement jugée par l’auteur comme une « complication inutile » et « peu logique »23. Mais la théorie du déluge n’est pas complètement rejetée. La grande catastrophe diluvienne, d’inspiration biblique, fait en effet place à une vision largement influencée par la théorie des glaciations émise à la fin des années 1830 par Agassiz24. Ainsi, le déluge de la théorie cuviériste se change en un « déluge de neige »25 qui suit un abaissement significatif des températures et recouvre la surface du globe, occasionnant la raréfaction voire la disparition d’un grand nombre d’espèces animales. Boucher de Perthes n’exclut alors pas la possibilité de retrouver les restes de l’homme antédiluvien « au fond de quelque glacier, sous quelqu’avalanche ou dans un énorme bloc de glace polaire (…) »26. De même, la fonte de ces masses glacées peut avoir occasionné un gonflement des cours d’eau et un accroissement proportionnel de leur capacité de transport, expliquant alors la présence de vestiges de différentes époques mêlés sans distinction au sein des remplissages.

  • 27 Boucher de Perthes (Jacques), De l’homme antédiluvien et de ses œuvres, Paris : Jung-Treuttel, 186 (...)
  • 28 Boucher de Perthes (Jacques), 1864, Antiquités celtiques et antédiluviennes, mémoire sur l’industr (...)

23Ce revirement dans la théorie signe une évidente conversion à l’actualisme en géologie : les phénomènes passés sont comparables, dans leur vitesse d’action comme dans leurs conséquences, aux phénomènes présents. De plus, l’abandon des créations successives dote l’homme d’une histoire longue dont l’origine est encore repoussée mais affirme également la continuité et l’unité de l’espèce humaine. L’hiatus existant entre homme antédiluvien et homme actuel n’est plus et les deux types de 1849 ne sont plus qu’un dix ans plus tard. Le schéma est donc ici totalement différent de la précédente version et va s’affirmer dans les années qui suivent. Ces nouvelles lignes vont en effet être reprises et poursuivies à l’occasion de la parution en 1860 de l’opuscule De l’homme antédiluvien et de ses œuvres27 puis du troisième et dernier tome des Antiquités en 186428.

  • 29 Coye (Noël), La préhistoire en paroles et en actes, op. cit., p. 99.

24Même si certains éléments discutables des théories de Boucher de Perthes subsistent dans cette nouvelle version, les pierres-figures ou « figures en silex caractérisées par l’œil » n’ont en effet pas disparu, l’adoption de théories plus conformes à la science contemporaine a certainement facilité le contact avec les académies parisiennes. De plus, et comme le souligne Noël Coye, ce rapprochement sensible des savants acquis à la cause de l’homme antédiluvien s’effectue sur des points précis de la démonstration et « de façon sélective », occultant les parties plus contestable29. C’est probablement de cette manière que Lartet appréhende à partir de la fin des années 1850 les apports de Boucher de Perthes. Et c’est aussi probablement par cette inflexion que se confirme la convergence méthodologique de leurs travaux respectifs. Aussi, on est tenté de voir dans l’abandon du cuviérisme par Boucher de Perthes au profit de l’actualisme la levée d’un obstacle théorique qui facilite la pénétration de ses idées auprès d’un certain public.

FIGURE 3.
« Dessins de plusieurs instruments en pierre trouvés dans les terrains de Saint-Acheul », planche VII extraite de Rigollot (Jérôme), « Mémoire sur des instruments en silex trouvés à Saint-Acheul, près d’Amiens et considérés sous les rapports géologique et archéologique », Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, T. 14, 1856, p. 61.

  • 30 Rigollot (Jérôme), Mémoire sur des instruments en silex trouvés à Saint-Acheul, près d’Amiens et c (...)

25Bien sûr, ce revirement ne peut expliquer à lui seul cette tardive conciliation. Et parmi les circonstances favorables à cette dernière, on peut également évoquer les travaux du docteur Marcel Jérôme Rigollot (1786-1854) dans les environs d’Amiens au milieu des années 1850. D’abord sceptique à la lecture des thèses développées dans les Antiquités, l’examen de la collection Boucher de Perthes puis celui de la carrière de Saint-Acheul où des objets en silex avaient auparavant été signalés l’avaient incité à entamer ses propres recherches. Et dans cette entreprise, il s’en était remis aux méthodes de l’archéogéologie ; la séquence stratigraphique montrait alors d’évidents points de comparaison avec celle décrite à Abbeville par Boucher de Perthes tandis que la position et la nature même du gisement semblaient exclure des remaniements postérieurs au dépôt. De la même manière, la confrontation des industries découvertes à Amiens et celles d’Abbeville l’avait amené à conclure sur leurs similitudes formelles et scellait sa conviction sur l’existence de l’homme antédiluvien30.

  • 31 Richard (Nathalie), Inventer la préhistoire. Les débuts de l’archéologie préhistorique en France, (...)

26Également favorables à un dénouement positif des interrogations autour de l’existence de l’homme antédiluvien, se trouvent les travaux d’éminents savants britanniques qui s’emparent de la question en 1858-59. De récentes découvertes en grotte ont en effet dynamisé les recherches Outre-Manche et c’est afin de vérifier l’identité de leurs propres découvertes et celles de Boucher de Perthes dans la vallée de la Somme que des scientifiques anglais font le voyage d’Abbeville entre 1858 et 1859. Certains d’entre eux exhument eux-mêmes les silex des bancs d’Abbeville. La cause est donc rapidement entendue et en septembre 1859, le géologue Charles Lyell (1797-1875) se déclare devant l’Association britannique pour l’avancement des sciences convaincu par les découvertes anglaises que confirment les travaux du Nord de la France. L’homme est bien le contemporain des grands mammifères disparus et l’auteur des industries de silex que l’on rencontre au contact des restes paléontologiques. Comme le souligne Nathalie Richard, c’est en premier lieu l’incontestable prestige des scientifiques britanniques qui permet la clôture du débat en Angleterre et qui déverrouille la question en France31.

  • 32 Aufrère (Léon), « Figures de préhistoriens », op. cit., pp. 112-113.
  • 33 Lartet (Édouard), « Sur l’ancienneté géologique de l’espèce humaine en Europe occidentale », Annal (...)

27C’est à partir de cette date que débutent des échanges épistolaires soutenus entre Boucher de Perthes et Lartet. Comme ce dernier le confie à son correspondant dans une lettre de février 1859, leurs recherches « viennent se joindre bout à bout »32. Et alors qu’en Angleterre le débat semble avoir abouti, Lartet présente début 1860 une note dans laquelle il salue la mobilisation des observations géologiques conjointement aux « lumières de l’archéologie », connexion qui a permis de mettre en évidence « les traces de l’habitat successif de l’homme », « véritable stratigraphie de la période humaine »33. La référence aux méthodes de l’archéogéologie est ici suffisamment explicite.

FIGURE 4.
« Silex trouvé à Saint-Acheul Amiens en 1853 par le Dr Rigollot », collections de préhistoire du Muséum national d’Histoire naturelle.

  • 34 Ledieu (Alcius), Boucher de Perthes : sa vie, ses œuvres, sa correspondance, op. cit., p. 258.
  • 35 Boucher de Perthes, Lettre à Édouard Lartet, 12 mai 1861 (Archives Fondation IPH, fonds Cartailhac (...)
  • 36 « Réponse de M. Boucher de Perthes aux observations faites par M. E. Robert sur le diluvium du dép (...)

28Suite à la reconnaissance britannique, le paléontologue prête tout crédit aux travaux de son confrère picard et en faveur desquels il prend ouvertement position. Leur rencontre à la mi-avril 1860, soit quelques semaines seulement après sa communication, et surtout l’examen attentif des collections de Boucher de Perthes assurent davantage Lartet dans son soutien. Les attaques et les critiques n’ont pas cessé et lorsque désormais Boucher de Perthes y répond, il n’omet pas de consulter le paléontologue qui, à l’occasion, reprend certains points de son propos et corrige ses textes34. Il est ainsi, par exemple, lors de la controverse qui oppose Boucher de Perthes à Louis Eugène Robert (1806-1879) au cours de laquelle il « teste » sur Lartet35 les arguments qu’il va développer dans une note présentée à l’Académie qui conclue que « le diluvium du département de la Somme avec ses couches superposées, ses haches, ses os fossiles, ses blocs erratiques, existait avant la révolution qui sépara du continent les terrains qui forment aujourd’hui les îles anglaises. »36

  • 37 Aufrère (Léon), « Figures de préhistoriens », op. cit., p. 120.
  • 38 Ledieu (Alcius), Boucher de Perthes : sa vie, ses œuvres, sa correspondance, op. cit., p. 258.

29Les fréquentes lettres de Lartet à son correspondant picard, les recommandations diverses semblent montrer qu’il s’empare véritablement de l’affaire, en tout cas, Aufrère le souligne également, « C’est pour lui une affaire personnelle. […] C’est lui qui met toute l’affaire en train. […] Il s’occupe de tout »37. Le temps semble en effet presser et rien ne doit être laissé au hasard, la moindre faille doit être rapidement colmatée afin de ne laisser aucun champ libre aux détracteurs. Et alors que sa note de 1860 ne figure pas dans les comptes-rendus de l’Académie tandis qu’une réponse de Robert à cette communication y est, elle, insérée, Lartet confie à Boucher de Perthes à propos de Robert qu’il « serait enchanté de nous donner le croc-en-jambe et de faire ajourner la solution tant redoutée par lui. Il a beau faire, cette solution entrera dans la science sans lui et malgré lui… »38.

  • 39 Lartet (Édouard), « Note sur des os fossiles portant des empreintes ou entailles anciennes et attr (...)

30À ces objections, Lartet oppose d’ailleurs un dernier argument que lui ont peut-être inspiré les apports de Tournal quelque trente ans auparavant, celui d’une action humaine sur les ossements du diluvium. Ces traces de découpe constatées sur les ossements d’espèces disparues et actuelles sont en effet d’un grand poids puisqu’elles réaffirment la contemporanéité de l’homme avec ces espèces tandis que cette association est replacée dans une chronologie géologique39.

31Ces éléments nouveaux viennent ainsi s’ajouter au cortège des preuves mais ne suffisent toujours pas pour solder la question. La preuve indiscutable et décisive, tant attendue par les partisans des deux camps, va pourtant être mise au jour, occasionnant la poursuite des discussions en leur donnant toutefois une orientation différente.

L’épilogue de Moulin-Quignon

32Le 23 mars 1863, un ouvrier apporte à Boucher de Perthes deux nouvelles haches et une dent humaine extraites d’un banc à Moulin-Quignon, près d’Abbeville. Quelques jours plus tard, on lui signale qu’une nouvelle dent a été découverte non loin de la première, et après s’être rendu sur les lieux, Boucher de Perthes extrait lui-même une moitié de mâchoire humaine, deux haches et deux nouvelles dents. Ce fragment de mandibule pourrait bien être l’indice que tous réclament, l’ultime preuve de l’existence de l’homme antédiluvien. Et comme tous les éléments présentés depuis le début du débat sur l’homme fossile, la mâchoire de Moulin-Quignon pose d’emblée, et à juste titre, la question de l’authenticité de la découverte.

33Les enjeux scientifiques soulevés par cette nouvelle pièce sont en effet de taille puisqu’elle permettrait, si la preuve de son authenticité est faite, de valider la thèse de l’ancienneté géologique de l’homme et de solder trente ans de controverse. Dans le cas contraire, c’est l’ensemble des preuves qui pourrait être remis en question, faisant ainsi s’effondrer tout l’édifice argumentaire en faveur de l’homme antédiluvien. Et au-delà de la démonstration de l’ancienneté de l’homme, c’est également la question des méthodes de fouille, de la pratique archéologique qui est implicitement posée ici. Aussi, les partisans de l’homme fossile, conscients de ces enjeux, vont rapidement s’emparer de la découverte.

  • 40 Ledieu (Alcius), Boucher de Perthes : sa vie, ses œuvres, sa correspondance, op. cit., p. 258.
  • 41 Ibid., p. 259.
  • 42 Ibid., p. 261.
  • 43 Pour davantage de détails sur les faux et en particulier sur l’affaire de la mâchoire de Moulin-Qu (...)

34Quelques jours après sa mise au jour, Lartet écrit à Boucher de Perthes pour le féliciter et l’encourager à « communiquer cette découverte à l’Académie des sciences »40 avant même qu’aucune expertise ne fut lancée. Le 13 avril, une nouvelle lettre de Lartet annonce la venue à Abbeville de Hugh Falconer (1808-1865), un des acteurs du débat en Angleterre, et Armand de Quatrefages (1810-1892), professeur d’anthropologie au Muséum national d’histoire naturelle afin de mener un premier examen de la mâchoire. Les deux scientifiques repartent convaincus et le 17 avril, Lartet annonce à Boucher de Perthes que « nul doute ne peut être élevé sur l’authenticité de provenance ; l’évidence ressort de toutes les circonstances accessoires »41. Mais l’authenticité du vestige lui-même n’est toujours pas prouvée et le risque d’une éventuelle fraude n’est pas encore écarté. Lartet invite donc Boucher de Perthes à demander conseil à Falconer et lui demande de lui faire discrètement parvenir des exemplaires de haches afin d’y faire de nouvelles vérifications. La mâchoire, confiée à Quatrefages après sa visite, fait l’objet d’une expertise paléontologique à Paris alors que parallèlement, une dent est également examinée par les savants britanniques. Les deux collèges ne parviennent pas aux mêmes conclusions et alors que les experts français concluent à l’authenticité de la découverte, le 25 avril Falconer fait paraître un article dans le Times dans lequel il dénonce une fraude. Lartet, n’écartant pas complètement la possibilité de fraudes concernant certains objets, écrivait pourtant la veille à Boucher de Perthes que « l’authenticité paléontologique de la mâchoire et celle de certaines haches ne peut être mise en suspicion »42. Gêné par les déclarations de Falconer à la presse britannique, Lartet lui écrit pour tenter de le convaincre que l’expertise menée à Paris permet d’écarter les soupçons. Mais Falconer maintient sa position et affirme que les haches trouvées avec la mâchoire sont de facture récente, ce qui laisse supposer que la mandibule est, elle aussi, un faux. Rappelons ici qu’il est alors de notoriété publique que certains objets découverts par Boucher de Perthes à Abbeville sont des pièces fausses, produites et insérées dans les séquences par ses propres ouvriers. L’appât du gain promis par l’antiquaire pour toute découverte importante et la volonté de le satisfaire tant ces objets semblent avoir de valeur à ses yeux paraissent être leurs principales motivations43.

FIGURE 5.
Lettre de Boucher de Perthes à Armand de Quatrefages, 29 avril 1863, folios 1 et 5. Collections d’anthropologie du Muséum national d’Histoire naturelle.

  • 44 Milne-Edwards (Henri), « Note sur les résultats fournis par une enquête relative à l’authenticité (...)
  • 45 Ledieu (Alcius), Boucher de Perthes : sa vie, ses œuvres, sa correspondance, op. cit., p. 265.

35Les savants parisiens organisent alors une commission chargée de faire une nouvelle fois la lumière sur cette mandibule et invitent les savants britanniques à s’y joindre. Celle-ci réunit donc Falconer, George Busk (1807-1886), ancien professeur d’anatomie comparée du Collège Royal de chirurgie à Londres, William Carpenter (1813-1885), professeur de physiologie, Quatrefages, Lartet, Achille Delesse (1817-1881), géologue et maître de conférence à l’École normale supérieure, et Henri Milne-Edwards (1800-1885), physiologiste et professeur de zoologie du Muséum national d’histoire naturelle. L’expertise se déroule du 9 au 13 mai 1863 au Muséum et à Abbeville. Dans un premier temps, Lartet tient Boucher de Perthes informé des avancées de la discussion avec les savants anglais, notamment sur ce qui concerne les haches, point sur lequel les désaccords s’expriment en premier lieu. Puis la commission examine la mâchoire et se rend à Abbeville pour authentifier les terrains d’où les vestiges ont été extraits et, alors qu’elle se sépare, un compromis n’est toujours pas établi : pour les savants britanniques en effet, aucun élément de cette enquête n’a permis de lever les soupçons de fraude tandis que les Français se déclarent une nouvelle fois convaincus de l’authenticité de la découverte. Ne tenant visiblement pas compte des objections de leurs confrères d’Outre-Manche, les spécialistes français font rédiger par Milne-Edwards un rapport d’enquête dans lequel doivent être consignées les différentes étapes et les conclusions de cette expertise. Celui-ci, communiqué à l’Académie des sciences le 18 mai reprend donc les détails de la discussion et conclut que « tous les membres de cette réunion d’amis adoptèrent la même opinion. Écartant toute idée de fraude, ils ont reconnu, de la manière la plus franche, qu’il ne leur paraissait plus y avoir aucune raison pour révoquer en doute l’authenticité de la découverte faite par M. Boucher de Perthes d’une mâchoire humaine dans la partie inférieure du grand dépôt de graviers, d’argile et de cailloux de la carrière de Moulin-Quignon »44. Émettant tout de même quelques réserves sur l’âge précis des assises géologiques au sein desquelles les découvertes ont été faites, Milne-Edwards met, par ce rapport, un terme au grand débat sur l’existence de l’homme aux époques géologiques malgré l’avis pourtant clairement exprimé des scientifiques britanniques. Quatrefages appuie le rapport de Milne-Edwards contre l’avis d’Élie de Beaumont qui persiste à voir dans les bancs d’Abbeville des terrains remaniés dans lesquels toute association stratigraphique est scientifiquement stérile. Le silence de Lartet entre la venue des scientifiques à Abbeville et la communication du rapport devant l’Académie paraît relativement explicite sur les intentions des Français et la démarche particulière, et quelque peu malhonnête, qu’ils adoptent face aux doutes des savants anglais. Aucune lettre ne parvient en effet à Boucher de Perthes durant cette dizaine de jours45.

FIGURE 6.
Relevés de terrain d’Albert Gaudry dans lesquels ce dernier mentionne le site de Moulin-Quignon ainsi que la découverte de la mâchoire humaine. Folios rectos 134, 140 et 141 du manuscrit conservé à la Bibliothèque centrale du MNHN (fonds Marcellin Boule, Ms Bou2, boîte 2).

  • 46 Richard (Nathalie), Inventer la préhistoire. Les débuts de l’archéologie préhistorique en France, (...)

36Mais le fait est finalement acquis pour une majorité de la communauté savante française. Et pour combler le relatif retard qu’affichent les savants français par rapport à leurs homologues anglais dans la résolution de cette question, Quatrefages revient rétrospectivement sur les apports des principaux protagonistes de la discussion, depuis les années 1830, jusqu’aux travaux de Boucher de Perthes. Cette dernière affaire montre assez bien la mise en place au cours de ce dernier acte d’un jeu d’influences entre savants français et britanniques. Il est orchestré depuis Paris par Lartet et Quatrefages et dépasse les questions scientifiques pour prendre une « connotation patriotique ». Comme le souligne Nathalie Richard, tout au long de cette affaire, un évident enjeu de « prestige académique national est engagé »46.

Une synergie au service de la preuve

37Telle que Boucher de Perthes la définit à la fin des années 1840, la notion de document archéologique va au-delà de celle d’équivalent géognostique formulée en leur temps par Christol ou Tournal. Elle s’extrait ainsi du strict cadre paléontologique pour intégrer une dimension archéologique fondée sur une lecture verticale des séquences stratigraphiques. De même, le principe de groupement des vestiges, promu par Boucher de Perthes, annonce un regard neuf porté sur les différents horizons archéologiques. Cette vision est également celle de Lartet qui voit dans les apports de Boucher de Perthes une confirmation de ses propres observations après ses découvertes de restes de singes fossiles en 1836 et 1856. Le paléontologue suit d’ailleurs une ligne méthodologique analogue dans sa classification chronologique des temps quaternaires en 1861. Plus tard, il confirmera également la fonction d’équivalent géognostique par ses recherches sur les traces de découpes que présentent certains ossements.

38La question de l’authenticité de la mâchoire de Moulin-Quignon soulève quant à elle des problématiques touchant aux fondements mêmes de la préhistoire comme discipline scientifique. Certes, elle permet de clore une longue controverse qui oppose partisans et détracteurs de l’ancienneté géologique de l’homme. Mais elle pose également pour la première fois la question des méthodes de l’archéologie préhistorique, débat qui met face à face milieux académiques et amateurs dans la pratique d’une discipline dont le programme scientifique est en cours d’élaboration.

39Demeuré en marge des discussions jusqu’à la fin des années 1850, Lartet va prendre à son tour une part active aux discussions à la suite de l’intervention des savants anglais. Sans se placer sur le devant de la scène, il va jouer un rôle essentiel d’animateur, avec la collaboration de professeurs du Muséum national d’histoire naturelle dont Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire (1805-1861) et Quatrefages, d’un réseau d’influence dont l’objectif premier est la reconnaissance du passé géologique de l’homme.

40Conscients du peu d’audience de Boucher de Perthes auprès des institutions nationales scientifiques, ces savants vont agir prudemment, choisissant habilement les points à mettre en avant et ceux à estomper. En définitive, c’est bien à une active et efficace campagne de promotion des thèses de Boucher de Perthes qu’ils vont se livrer, participant ainsi à la reconnaissance de son apport décisif aux débats sur l’homme fossile.

Notes

1 Aufrère (Léon), « Figures de préhistoriens, I. Boucher de Perthes », Préhistoire, 1940, T. 7, p. 118.

2 Coye (Noël), « L’Invention du document archéologique », in Mohen (Jean-Pierre) (sous la dir.), Le Temps de la préhistoire, T. 1, Paris : Société préhistorique française ; Dijon : Archéologia, 1989, pp. 71-73.

3 Schmerling (Philippe-Charles), Recherches sur les ossements fossiles découverts dans les cavernes de la province de Liège, Liège : P. J. Collardin, 1833, 195 p.

4 Ibid., p. 63.

5 Ibid., p. 178.

6 Ibid., p. 179.

7 Boucher de Perthes (Jacques), Antiquités celtiques et antédiluviennes, mémoire sur l’industrie primitive et les arts à leurs origines, T. 1, Paris : Treuttel & Wurtz, 1849, 628 p.

8 Lartet (Édouard), « Note sur les ossements fossiles des terrains tertiaires de Simorre, de Sansan, etc., dans le département du Gers, et sur la découverte récente d’une mâchoire de singe fossile », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 1837, T. IV, pp. 85-93.

9 Geoffroy-Saint-Hilaire (Étienne), « Sur la singularité et la haute portée en philosophie naturelle de l’existence d’une espèce de singe trouvée à l’état fossile dans le Midi de la France », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 1837, T. V, pp. 35-42.

10 Blainville (Henri de), « Rapport sur la découverte de plusieurs ossements fossiles de quadrumanes, dans le dépôt tertiaire de Sansan, près d’Auch par M. Lartet », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 1837, T. IV, pp. 981-998.

11 Pour plus de détails concernant le fixisme de Blainville et son interprétation par Lartet, nous renvoyons à la lecture de : Goulven (Laurent), Paléontologie en France de 1800 à 1860, de Cuvier-Lamarck à Darwin, Paris : Éditions du CTHS, 1987, p. 259 et ss.

12 Lartet (Édouard), « Note sur les ossements fossiles des terrains tertiaires de Simorre, de Sansan, etc., dans le département du Gers, et sur la découverte récente d’une mâchoire de singe fossile », op. cit., p. 92.

13 Pautrat (Jean-Yves), « L’homme antédiluvien : anthropologie et géologie », Bulletins et mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, 1989, T. 1, n ° 3-4, p. 133.

14 Boucher de Perthes (Jacques), Antiquités celtiques et antédiluviennes, T. 1, op. cit., p. 243.

15 Ibid., p. 7.

16 Coye (Noël), La préhistoire en paroles et en actes. Méthodes et enjeux de la pratique archéologique (1830-1950), Paris : L’Harmattan, 1997, p. 88.

17 Ibid., pp. 88-92.

18 Lartet (Édouard), « Nouvelles recherches sur la coexistence de l’homme et des grands mammifères fossiles réputés caractéristiques de la dernière époque géologique », Annales des sciences naturelles, Zoologie, 1861, T. 15, pp. 177-253.

19 Pautrat (Jean-Yves), « L’homme antédiluvien : anthropologie et géologie », op. cit., p. 137. Selon le Dictionnaire des sciences naturelles, le terrain clysmien, ou diluvium, est un « terrain superficiel, meuble et peu épais », objet de nombreux remaniements, difficile à différencier des terrains qui le précèdent et dont la nature est propice à l’introduction de « corps qui lui sont étrangers ». Les terrains clysmiens (période saturnienne, terrains neptuniens) sont alors classés en quatre groupes : limoneux, détritiques, clastiques (cavernes à ossements, brèches osseuses), plusiaques. Dictionnaire des sciences naturelles, T. 54, Paris : Levrault & Le Normant, 1829, pp. 3-93.

20 Ibid., p. 147 et la contribution de Jean-Yves Pautrat à cet ouvrage.

21 Coye (Noël), La préhistoire en paroles et en actes, op. cit., pp. 95-99. Richard (Nathalie), Inventer la préhistoire. Les débuts de l’archéologie préhistorique en France, Paris : Vuibert ; Adapt-snes, 2008, pp. 65-66.

22 Boucher de Perthes (Jacques), Antiquités celtiques et antédiluviennes, mémoire sur l’industrie primitive et les arts à leurs origines, T. 2, Paris : Treuttel & Wurtz, 1857, 508 p.

23 Ibid., p. 91.

24 Agassiz (Louis), Études sur les glaciers, Neuchâtel : Jent & Gassmann, 1840, 346 p.

25 Boucher de Perthes (Jacques), Antiquités celtiques et antédiluviennes, mémoire sur l’industrie primitive et les arts à leurs origines, T. 2, op. cit., p. 21.

26 Ibid., p. 17.

27 Boucher de Perthes (Jacques), De l’homme antédiluvien et de ses œuvres, Paris : Jung-Treuttel, 1860, 100 p.

28 Boucher de Perthes (Jacques), 1864, Antiquités celtiques et antédiluviennes, mémoire sur l’industrie primitive et les arts à leurs origines, T. 3, Paris : Treuttel & Wurtz, 681 p.

29 Coye (Noël), La préhistoire en paroles et en actes, op. cit., p. 99.

30 Rigollot (Jérôme), Mémoire sur des instruments en silex trouvés à Saint-Acheul, près d’Amiens et considérés sous les rapports géologique et archéologique, Amiens : Duval & Herment, 1855, 40 p.

31 Richard (Nathalie), Inventer la préhistoire. Les débuts de l’archéologie préhistorique en France, op. cit., p. 69.

32 Aufrère (Léon), « Figures de préhistoriens », op. cit., pp. 112-113.

33 Lartet (Édouard), « Sur l’ancienneté géologique de l’espèce humaine en Europe occidentale », Annales des sciences naturelles, 1860, T. 14, p. 117.

34 Ledieu (Alcius), Boucher de Perthes : sa vie, ses œuvres, sa correspondance, op. cit., p. 258.

35 Boucher de Perthes, Lettre à Édouard Lartet, 12 mai 1861 (Archives Fondation IPH, fonds Cartailhac).

36 « Réponse de M. Boucher de Perthes aux observations faites par M. E. Robert sur le diluvium du département de la Somme », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, T. 52, 1861, pp. 1134-1137.

37 Aufrère (Léon), « Figures de préhistoriens », op. cit., p. 120.

38 Ledieu (Alcius), Boucher de Perthes : sa vie, ses œuvres, sa correspondance, op. cit., p. 258.

39 Lartet (Édouard), « Note sur des os fossiles portant des empreintes ou entailles anciennes et attribuées à la main de l’homme », Bulletin de la Société géologique de France, 1859-60, 2e série, T. 17, pp. 492-495.

40 Ledieu (Alcius), Boucher de Perthes : sa vie, ses œuvres, sa correspondance, op. cit., p. 258.

41 Ibid., p. 259.

42 Ibid., p. 261.

43 Pour davantage de détails sur les faux et en particulier sur l’affaire de la mâchoire de Moulin-Quignon, nous renvoyons à la lecture de : Vayson de Pradenne (André), Les fraudes en archéologie préhistorique avec quelques exemples de comparaisons en archéologie générale et en sciences naturelles, Paris : E. Nourry, 1932, 676 p.

44 Milne-Edwards (Henri), « Note sur les résultats fournis par une enquête relative à l’authenticité de la découverte d’une mâchoire humaine et de haches en silex, dans le terrain diluvien de Moulin-Quignon », Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, séance du 18 mai 1863, 1863, T. 56, p. 932.

45 Ledieu (Alcius), Boucher de Perthes : sa vie, ses œuvres, sa correspondance, op. cit., p. 265.

46 Richard (Nathalie), Inventer la préhistoire. Les débuts de l’archéologie préhistorique en France, op. cit., p. 82.

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Légende FIGURE 1. 6 Figures présentant les éléments d’un crâne humain fossile, planche extraite de Schmerling (Philippe-Charles), Recherches sur les ossements fossiles découverts dans les cavernes de la province de Liège, vol. III : Atlas des planches, Liège : P. J. Collardin, 1833, planche I.
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Légende FIGURE 2.« Coupe géologique de la colline de Sansan ». L’élévation du sommet de la colline au-dessus du niveau de la rivière du Gers, sous le pont de Sansan, est de 80 mètres. L’altitude baromètrique relevée sous ce même pont par M. Raulin, étant de 155 mètres, la hauteur de la colline de Sansan au-dessus du niveau de la mer, serait donc de 235 mètres. Dans la coupe ci-contre, le relief du mammelon principal a été exagéré, afin de rendre. plus distinctes la disposition et l’épaisseur relatives des couches diverses dont se compose le dépôt ossifère. A, Grès ou molasse d’eau douce des géologues. Cette molasse est quequefois assez dure pour se prêter à la taiIle ; on y a point trouvé de fossiles organiques. B, Marne à structure sensiblement schistoïde, également sans fossiles. C, Ensemble des couches ossifères. a, Marne avec massifs, plaques tabulaires et rognons disséminés de calcaire compact. Cette marne renferme beaucoup d’ossements de mammifères, des débris de tortues et des moules pétrifiés de coquilles terrestres et aquatiques. Ces moules sont le plus souvent· à l’état de calcaire spathique ; b, Assise très-mince de calcaire à structure cristalline, d’un rose pâle, empâtant des coquilles et quelquefois des ossements. ce marbre d’eau douce dont les nuances sont ternes et peu variées, est cependant susceptible de prendre un beau poli ; c, Marne argileuse avec ossements et coquille disséminés ; d, Amas détritique de coquilles dont les débris sont quelquefois agglutinés par la marne. La plupart de ces coquilles paraissent avoir été écrasées par le poids des couches superposées. On obtient par le lavage de ce détritus une infinité d’ossements fragmentés de petits mammifères, oiseaux, reptiles et poissons. On y trouve aussi quelquefois intactes des coquilles de petites dimensions de certaines espèces des genres Hélice, Maillot, Carychie, Testacelle, Lymnée, Planorbe, etc., parmi lesquelles, MM. l’abbé Dupuy et Toulet ont reconnu les identiques de trois ou quatre espèces vivantes ; e, Concrétions marneuses et galets de même nature avec graviers quartzeux, tantôt libres, tantôt cimentés en poudingues, et renfermant principalement des ossements de grands herbivores ; f, Calcaire marneux compacte qui se montre dans l’escarpement du sud, en deux bancs d’épaisseur variable et quelquefois séparés par un lit très-mince de marne. Ce calcaire n’a point été rencontré dans les tranchées pratiquées sur les affleurements du versant (nord) de la colline, où il est remplacé par des marnes et par le détritus coquillier. D, Assise de marne et de calcaire marneux qui forme ici l’assiette inférieure du dépôt ossifère proprement dit. On la retrouve à un niveau correspondant, sur la pente de toutes nos collines, où elle fournit a l’observateur une sorte d’horizon géognostique. Cette formation particulière presque partout caractérisée par la présence d’un nombre infini de moules terreux ou marneux d’Hélices avec ceux plus rares d’autres coquilles également terrestres, paraît constituer, comme on l’a déjà dit, la limite inférieure des fossiles dans une assez grande étendue de notre terrain tertiaire. E, Alternances de grès, de marnes, de calcaires marneux et de poudingues sans stratification distincte. Ces roches diverses qui passent souvent de l’une à l’autre dans le prolongement horizontal de leurs assises irrégulières, constituent le massif inférieur du terrain tertiaire dans les collines à l’entour de Sansan. La proportion des marnes augmente en amont de la vallée, à mesure qu’on remonte vers les Pyrénées, tandis que les calcaires dominent aux environs d’Auch et dans le bas-Gers. Figure extraite de Lartet (Édouard), Notice sur la colline de Sansan, suivie d’une récapitulation des diverses espèces d’animaux vertébrés fossiles, trouvés soit à Sansan, soit dans d’autres gisements du terrain tertiaire du miocène dans le bassin sous-pyrénéen, Auch : imp. J. A. Portes, 1851, 46 p.
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Légende FIGURE 3.« Dessins de plusieurs instruments en pierre trouvés dans les terrains de Saint-Acheul », planche VII extraite de Rigollot (Jérôme), « Mémoire sur des instruments en silex trouvés à Saint-Acheul, près d’Amiens et considérés sous les rapports géologique et archéologique », Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, T. 14, 1856, p. 61.
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Légende FIGURE 4.« Silex trouvé à Saint-Acheul Amiens en 1853 par le Dr Rigollot », collections de préhistoire du Muséum national d’Histoire naturelle.
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Légende FIGURE 5.Lettre de Boucher de Perthes à Armand de Quatrefages, 29 avril 1863, folios 1 et 5. Collections d’anthropologie du Muséum national d’Histoire naturelle.
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Légende FIGURE 6.Relevés de terrain d’Albert Gaudry dans lesquels ce dernier mentionne le site de Moulin-Quignon ainsi que la découverte de la mâchoire humaine. Folios rectos 134, 140 et 141 du manuscrit conservé à la Bibliothèque centrale du MNHN (fonds Marcellin Boule, Ms Bou2, boîte 2).
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