Chapitre 16
Formes médiatiques de l’essayisme pro-sexe (Virginie Despentes, Ovidie)
p. 307-328
Note de l’éditeur
Émeline Chauvet est l’autrice d’une thèse sur les représentations postmodernes (littéraires et photographiques) de la pornographie. Après avoir travaillé sur Michel Houellebecq, Kathy Acker, Cindy Sherman, Édouard Levé et Andres Serrano, elle poursuit ses recherches sur les caractéristiques d’une métapornographie artistique et questionne également la pensée de l’anthropocène dans l’art contemporain. Elle enseigne la langue française et la littérature comparée à l’université de Limoges.
Chloé Conant-Ouaked est maîtresse de conférences en littérature comparée à l’université de Limoges et membre de l’équipe de recherche EHIC (Espaces humains et Interactions culturelles). Ses travaux portent sur l’intermédialité contemporaine, et plus précisément sur la rencontre entre texte et photographie. Elle a publié des articles sur le phototexte, sur les liens entre la performance ou le document et la littérature, abordant par exemple les œuvres de Sophie Calle, W. G. Sebald, Nan Goldin, Cindy Sherman ou Jacques Roubaud.
Texte intégral
1Ovidie peut être décrite de plusieurs façons : actrice, réalisatrice, documentariste, militante, autrice, formatrice. Sa carrière d’actrice (au tout début des années 2000) est une carrière de hardeuse1. Quant à son activité de réalisatrice, elle connaît deux phases : réalisatrice de films pornographiques (définis par elle comme éthiques, féministes et inclusifs), puis réalisatrice de documentaires concernant la violence à l’égard des femmes. La préoccupation militante sous-tend l’ensemble de ses productions, qui comprennent également des interventions dans les médias ou auprès des pouvoirs publics. En tant qu’autrice, sa palette est également très large : l’on compte, entre autres, deux essais au sujet de la pornographie (Porno Manifesto en 2002, À un clic du pire en 2018), un scénario de bande dessinée (Histoires inavouables en 2013), un essai dessiné en collaboration (Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels en 2017), une série de livres d’éducation sexuelle pour adultes (aux éditions La Musardine) ou, si l’on pense à l’écriture radiophonique, un certain nombre de podcasts (L’Éducation sexuelle des enfants d’internet, Juste avant, Vivre sans sexualité, La Dialectique du calbute sale).
2Virginie Despentes semble mener une carrière moins contrastée, mais tout aussi prolifique. Majoritairement écrivaine (des essais, des romans, des nouvelles, des préfaces, des articles, des critiques, des paroles de chansons – pour le groupe A.S. Dragon fondé par Bertrand Burgalat –, des traductions, des scénarios de bande dessinée), mais aussi réalisatrice ainsi qu’éditrice, elle occupe une place importante dans le champ littéraire français contemporain. Si « l’affaire Baise-moi »2 la fait connaître du grand public, via la censure, c’est King Kong Théorie3 qui assied sa notoriété littéraire. Cet essai est un manifeste féministe, souvent qualifié de punk ou de trash (ces termes, qui réfèrent via la comparaison avec les « ordures » ou le « jetable » à des registres musicaux populaires des années 1960 et 1970, et qui se sont étendus à certaines productions visuelles, ont été commentés dans leur dimension provocatrice, mais également politique, par les Subcultural Studies, par le prisme d’une approche de la culture des groupes dominés). Le livre est régulièrement lu, repris, commenté et cité depuis sa parution en 2006 : il est adapté au théâtre par Émilie Charriot, Vanessa Larré ou Julie Nayer, il est pastiché par l’autrice féministe Chloé Delaume dans son propre essai4, et quand le magazine culturel Télérama lui consacre un article, c’est pour suggérer de le « relire »5, à la manière d’un classique.
3C’est également la publication d’un essai qui marque un moment clé dans la carrière d’Ovidie : Porno Manifesto6 est paru en 2002. Ce texte revendicatif et informatif (sa structure très lisible réfère au genre du manuel) est écrit alors qu’Ovidie travaille encore dans le X. En ce sens, il serait la mise en perspective, ou le sous-texte, des films pornographiques de son autrice.
4Ces deux femmes ont souvent été associées au féminisme pro-sexe, que Virginie Despentes fait remonter aux années 1980 et qualifie de « pro-pute »7, de « féminisme porno, SM, ou lesbien », qui défend et définit le corps, le plaisir, le désir, la pornographie et la prostitution comme des outils politiques8. Cette proximité de pensée militante, qui articule de façon critique normes, genres et sexualités, se déploie chez elles sous la forme de constellations médiatiques variées. L’essayisme médiatique de Virginie Despentes et d’Ovidie désignerait alors la dynamique dialectique de leur propos au gré des différents supports, des différents arguments et de l’évolution de leur pensée.
5Afin d’en rendre compte, nous retiendrons trois productions de Virginie Despentes, outre King Kong Théorie :
la bande dessinée Trois étoiles9, publiée en 2002. Scénarisée par Virginie Despentes et dessinée par Nora Hamdi, elle s’attache à la narration du destin violent et tragique de trois prostituées. Cette bande dessinée peut être vue comme une réécriture du film Baise-moi ;
le documentaire Mutantes. Féminisme porno punk, sorti en 2009. Il donne la parole aux participantes (qu’elles soient prostituées, artistes, chercheuses, activistes, etc.) du mouvement pro-sexe, aux États-Unis, en France ou en Espagne ;
les quatre épisodes du podcast Les Couilles sur la table10 qui lui sont consacrés entre 2018 et 2019. Ce podcast, produit et animé par la journaliste Victoire Tuaillon, se propose de réfléchir sur les « masculinités contemporaines » grâce à des entretiens avec des penseurs et des penseuses, et des artistes contemporains.
6Concernant Ovidie, nous mettrons en lumière, aux côtés de Porno Manifesto :
l’essai dessiné Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels11, publié en 2017, en collaboration avec la dessinatrice Diglee. L’ouvrage se compose de textes écrits par Ovidie, ainsi que d’un double regard graphique pris en charge par Diglee : deux vignettes autonomes ancrées dans chaque texte, et une planche dessinée se constituant en saynète, autour du même thème que le texte ;
le livre de 2018 À un clic du pire. La protection des mineurs à l’épreuve d’Internet12, qui entend faire le point de façon nuancée sur les effets de la porn culture, en évitant la panique morale tout comme le déni ;
trois documentaires produits pour des diffusions sur France 2, Canal+ et Arte, mais qui connaîtront par la suite des diffusions dans d’autres contextes (festivals, etc.) : À quoi rêvent les jeunes filles ? (2014), Pornocratie (2017) et Là où les putains n’existent pas (2018).
7Ce corpus intermédial comprend deux textes écrits, King Kong Théorie et Porno Manifesto, pour lesquels peut se poser la question de la dimension légitimante de l’appellation « essai ». Mais au-delà de cet effet de valorisation symbolique lié à l’écrit et à l’exercice argumentatif, cet ensemble permet d’observer la façon dont de véritables « arcs essayistes » se constituent en son sein. L’utilisation du concept narratologique d’« arc » ou d’« arche », plutôt utilisé dans l’univers de la fiction pour décrire une partie de l’intrigue qui se boucle dans une relative autonomie par rapport à d’autres, qui adoptent leurs propres rythmes, peut aider à observer la circulation des idées et des revendications qui surgissent, sont reprises ou disparaissent au sein d’une médiagraphie foisonnante. Celle-ci est produite par deux créatrices aux positionnements différents mais aux préoccupations communes.
Les idées communes de deux féministes pro-sexe
8Comme certains de leurs titres le montrent, ces productions visent à exposer des idées générales, à avancer des arguments. L’ouvrage d’Ovidie et de Diglee (hybride entre le livre illustré et la bande dessinée) s’intitule Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels, réemployant le terme utilisé par l’autrice pour son livre de 2002, Porno Manifesto. Ce heurt entre deux registres, celui du politique et celui du sexuel, est comparable au titre de Virginie Despentes King Kong Théorie, dont le premier mot est le nom d’un personnage du cinéma populaire, et dont le dernier annonce un texte d’idées (idées propres à être exprimées avec force et conviction, à l’image du nom du podcast Les Couilles sur la table). Pour en revenir à Ovidie, on peut souligner la dimension pédagogique et explicative des tournures syntaxiques À quoi rêvent les jeunes filles ? et Là où les putains n’existent pas. Quant au titre de son documentaire Pornocratie, il souligne par son suffixe que c’est un système de pouvoir qui est décrit. La démonstration est menée en mettant en avant les codes du journalisme d’investigation, impliquant un déplacement sur les lieux, des questions posées par une enquêtrice lucide, un certain nombre d’effets de style, et l’énoncé de la question qui permettra d’avancer sur le chemin de la vérité : « Qui gagne de l’argent si tout est gratuit ? » La montée en généralité du propos est illustrée par l’écart entre des aperçus de tournages X semblant relativement artisanaux et le dévoilement d’un fonctionnement globalisé et mafieux, celui des « multinationales du sexe » (c’est le sous-titre du film). L’exposé des idées fonctionne différemment pour la bande dessinée scénarisée par Virginie Despentes et les planches de bandes dessinées accompagnant les textes d’Ovidie pour Libres !, les arguments pouvant sembler plus diffus en contexte fictionnel. Ils s’incarnent néanmoins dans des personnages, dans des récits, qui acquièrent de fait une dimension théorique et idéologique. Cette hybridité peut référer à des catégories dialectiques telles que l’essai fictionnel ou romanesque, la fiction heuristique ou critique13, etc.
9Une première idée clé de ce corpus militant est celle de la déstigmatisation du travail sexuel (pornographie et prostitution). Dans Porno Manifesto, Ovidie défend un porno éthique et féministe, et décrit son métier comme possiblement positif et épanouissant. Virginie Despentes elle-même, qui fait le constat d’un « sexe agressif »14 dont elle ne s’explique pas les raisons, en appelle à la construction d’autres imaginaires érotiques : il faut plus de femmes, plus d’argent et des sexualités plus variées dans le porno et dans l’art, dit-elle dans Les Couilles sur la table, réclamant une « pornographie joyeuse »15. Son discours s’oriente également vers les conditions de travail. Dans King Kong Théorie, elle défend les actrices X :
Les conditions dans lesquelles travaillent les actrices, les contrats aberrants qu’elles signent, l’impossibilité qu’elles ont de contrôler leur image quand elles quittent le métier, ou d’être rétribuées quand on s’en sert, cette dimension de leur dignité n’intéresse pas les censeurs.16
10Ovidie le disait déjà avec son premier documentaire, clairement appelé Rhabillage, et le redit dans Pornocratie (au sujet des prix tirés vers le bas par les camgirls chinoises) :
Avec l’arrivée des multinationales du sexe, ce qu’on connaissait du porno a laissé place à un secteur soumis aux mêmes règles que l’ensemble du monde ultralibéral : un capitalisme sauvage, une politique de la terre brûlée, un mépris pour les travailleurs.17
11Elles réaffirment constamment une position anti-censure, qui s’étend à leur conception de la prostitution18 : chez Ovidie, le thème est abordé dans le documentaire Là où les putains n’existent pas. La logique collective et mondialisée examinée dans Pornocratie s’incarne dans la trajectoire tragique d’Eva-Marree, prostituée occasionnelle maltraitée par les services sociaux suédois, avant d’être assassinée par son ancien compagnon. Cette femme n’a pas été victime de son activité, mais bien d’une société abolitionniste : « Stigma Kills », comme le proclament les panneaux d’une manifestation montrée dans le documentaire. Virginie Despentes affirme qu’il faut sortir la prostitution de l’illégalité. Cette approche apparaît dans la bande dessinée Trois étoiles, dans laquelle la violence extrême des situations qui impliquent les trois prostituées fictionnelles Suzanne, Marcelle et Jennifer est celle de la société dans son ensemble envers les femmes, et non spécifiquement envers leur métier. Dans le film Mutantes, le parti pris est différent, joyeux et revendicatif, et nourri (entre autres) par les propos de travailleuses du sexe qui assument leur activité. Dans King Kong Théorie, l’autrice témoigne au sujet d’une prostituée qu’elle a rencontrée : « difficile de la plaindre ou de s’apitoyer sur cette créature. […] Je l’ai trouvée solide, travailleuse, décidée »19.
12Le deuxième ensemble d’idées concerne le problème des normes de genre, telles qu’elles s’imposent aux femmes. Le constat irrigue tous les documentaires d’Ovidie, et est au centre de Libres !, où l’adresse aux autres femmes se formule par le pronom « nous ». C’est l’accablant constat du double standard qui s’impose, et que fait également Virginie Despentes dans le champ de l’art (elle précise dans Les Couilles sur la table n’avoir rien contre le fait qu’Abdellatif Kechiche fasse un film macho, mais qu’une femme devrait pouvoir faire la même chose ; ou encore – malicieusement – qu’« un Michel Houellebecq femme aussi moche, ça n’aurait jamais pu arriver »). Cet appel à la fin des normes de genre explique le titre King Kong Théorie :
Ce King Kong20 […] n’a ni bite, ni couilles, ni seins. […] King Kong, ici, fonctionne comme la métaphore d’une sexualité d’avant la distinction des genres telle qu’imposée politiquement autour de la fin du xixe siècle. King Kong est au-delà de la femelle et au-delà du mâle. Il est à la charnière entre l’homme et l’animal, l’adulte et l’enfant, le bon et le méchant, le primitif et le civilisé, le blanc et le noir. Hybride, avant l’obligation du binaire.21
13Il faut noter, ici, que ces propos féministes sont un propos d’opposition à double titre. En effet, s’ils émargent à la volonté de remettre en question la société patriarcale, ils s’inscrivent également dans l’antagonisme entre deux conceptions du féminisme (dans le monde anglophone, on a parlé de Porn Wars ou de Sex Wars pour décrire ce débat22). À un féminisme radical, straight ou abolitionniste (d’une Catharine MacKinnon ou d’une Andrea Dworkin), qui assimile toute image pornographique à une atteinte à la dignité de la femme et toute situation de prostitution à une violence, courant représenté en France par exemple par les Chiennes de garde, s’oppose une approche dite « pro-sexe » (parfois qualifiée sur un plan plus juridique de « néo-réglementariste »). Ovidie, dans Porno Manifesto, utilise à ce titre les termes « activisme du plaisir », « post-porn-modernisme » en art et « sex work activism » s’il est question de travail23. Elle précise :
« Pro-sexe » sert à marquer une différence avec ce que l’on appelle communément « féminisme » […]. Dire « Je suis féministe pro-sexe » revient à dire « Je suis féministe, mais pas comme celles qui se disent féministes et que vous connaissez. Non, une vraie féministe ! »24
14Les deux femmes ne sont pas tendres avec leurs opposantes : Virginie Despentes critique dans l’entretien podcasté la « pureté militante française »25 (« C’est pas mon féminisme »26). Ovidie, dans son manifeste, multiplie les appellations, entre autres « faux féminisme »27, « féminisme politiquement correct », ou encore « mouvement féministe répressif »28. Sur la pornographie conçue comme pratique dégradante, l’autrice pose une question rhétorique : les militants antipornographie « leur ont-ils demandé leur avis ne serait-ce qu’une fois ? Nous, actrices X, ne désirons pas être défendues par ces gens-là […] »29. Cette importance accordée à la parole des personnes directement concernées, cette description d’un collectif horizontal et solidaire, le refus de diaboliser a priori certaines productions des industries culturelles (fussent-elles les plus illégitimes), conduisent de toute façon à placer ce texte, comme King Kong Théorie, au rang des premiers jalons d’une possible quatrième vague féministe30. Or récemment, la visibilité et l’accélération de la circulation de revendications féministes plus intersectionnelles, plus queer, plus visibles dans le concert des médias et dans l’espace public31, et liées à l’efficacité des réseaux sociaux, ont provoqué un nouveau backlash32 dont les formes sont variées mais qui a plutôt conduit, ces dernières années, à l’expression d’un renoncement à des débats trop vifs entre femmes : ainsi Chloé Delaume33 et Alice Coffin34, dans leurs essais féministes, évoquent-elles cette préoccupation de sororité, ou pour le moins de relative solidarité.
15Ces idées communes réapparaissent d’un support à l’autre chez nos deux créatrices, chacune avec son mix médiatique propre. Virginie Despentes fait d’ailleurs de la circulation des idées la nature même de son documentaire Mutantes, chambre d’écho de paroles et montage d’images d’activistes et d’artistes pro-sexe. En outre, le livret du DVD présente le film comme un « complément audiovisuel » de King Kong Théorie. Ovidie est prolixe, puisqu’on peut également mentionner dans sa vaste production des blogs, des passages radio, des vidéos ou des conférences en tant que formatrice, des podcasts, etc. Il est alors possible de parler de « convergence médiatique »35 non-fictionnelle, tant ses idées traversent les différents supports. À un clic du pire est la version écrite de Pornocratie. Il y a des liens entre Porno Manifesto, À quoi rêvent les jeunes filles ? et Libres !, au point qu’on puisse utiliser les notions d’adaptation, de novélisation ou de feuilletonnisation pour décrire la dynamique des arguments qui structurent sa production, à l’image des arcs narratifs de la culture sérielle. Cette saturation vise l’objectif pédagogique, incarne une expérimentation esthétique, mais poursuit également un objectif d’efficacité militante.
16Il s’agit maintenant, après avoir observé l’arrimage des idées aux médiums, de s’intéresser à la particularité de ces productions, qui est d’évoquer les questions sexuelles à la lumière du genre. La sexualité étant ce cocktail (explosif) de politique et d’intime, ne fonctionnerait-elle pas quasiment comme une mise en abyme de l’expression essayiste, au croisement du Moi et du dehors ?
Subjectivités
17Ovidie et Virginie Despentes parlent à la première personne, disent « je ». Mais cette subjectivité, voire cette part d’autobiographie dans leurs productions est exploitée de manière différente. Ovidie se fonde sur son expérience, que ce soit dans Porno Manifesto, dont le prologue est un souvenir d’adolescence (son premier visionnage de film pornographique), dans Libres !, où ses textes de dénonciation des « diktats sexuels » se fondent explicitement sur ses expériences, ou dans ses documentaires. Libres ! est par ailleurs intéressant dans la mesure où c’est une œuvre à double circuit : aux textes essayistes d’Ovidie répondent les dessins de Diglee, qui sont aussi bien des vignettes isolées que des planches fictionnelles d’une page. Dans ses documentaires, l’implication d’Ovidie est particulièrement construite. Dans À quoi rêvent les jeunes filles ?, il y a coexistence, à travers le montage, du corps de l’actrice, de la pratique de la réalisatrice et de l’habitus de la journaliste. Son histoire personnelle est également très présente en commentaire. Pour Pornocratie, elle incarne le stéréotype de l’investigatrice globe-trotteuse autour de laquelle tout le récit se structure, là où Virginie Despentes, elle, n’apparaît que très rapidement au début de son voyage à la recherche des féministes pro-sexe. Dans les deux autres documentaires, Ovidie n’apparaît plus qu’en tant que voix over. Il serait tentant d’y voir une évolution signifiante, mais les choses sont plus complexes, Ovidie travaillant à fusionner les diverses dimensions de ses activités. En effet, au début d’À quoi rêvent les jeunes filles ?, elle assimile sa carrière d’actrice à une pratique militante, et à une application de ses idées. Ce parti pris était déjà présent dans Porno Manifesto, où elle nuançait les clichés d’« intello du X », qui s’y livrerait dans un but alternatif. Elle affirme qu’être actrice porno, c’est être militante, et refuse de distinguer les deux pratiques, en un discours argumenté, très construit et démonstratif. Tandis que son discours, donc, s’adapte, en fonction des contextes (de production et de réception), son personnage, lui, ne change pas. Toujours sobre et sérieux, il est remarquable par sa stabilité. Nous sommes dans l’exposition et l’exploitation d’une part de sa vie, mais pas au sens de Philippe Lejeune, qui indiquait comme critère de l’autobiographie (dans Le Pacte autobiographique) le fait de mettre l’accent sur l’histoire de la personnalité. Cette constance se retrouve aussi dans sa présence visuelle, quasi systématique, sur les couvertures ou présentations de ses parutions. Virginie Despentes, elle, n’apparaît presque jamais.
18Cette dernière fonctionnerait plutôt de façon « sensible », au sens chimique du terme. Elle se cherche, se trouve (parfois), et évolue au fil de ses productions sous les yeux des lecteurs/spectateurs. Sa démarche serait donc plus initiatique que démonstrative. Virginie Despentes expose bien sa vie privée : son passé, ses expériences et ses errances dans les milieux punks, lesbiens et transgenres. Elle en tire trois événements notables : son viol à l’âge de 17 ans, son expérience de la prostitution et son coming out libérateur à 35 ans, qui sont « fondateur[s] »36. Ils nourrissent et motivent son écriture, et inversement, leur écriture devient un processus de reconstruction, alors qu’elle décrit son expérience de prostituée comme un événement qui, après le viol, lui redonne un pouvoir (cette fois-ci, elle décide pour son corps et en tire un avantage). Elle souhaite ensuite la publication de Baise-moi pour reprendre la parole, alors étouffée par l’atteinte qu’elle a subie.
19Le « je » de Virginie Despentes est brut, apparemment spontané, à l’image du célèbre incipit de King Kong Théorie :
J’écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf.37
20Despentes assume et revendique sa masculinité, véritable leitmotiv de son œuvre :
[…] je parle de ma place de femme toujours trop tout ce qu’elle est, trop agressive, trop bruyante, trop grosse, trop brutale, trop hirsute, toujours trop virile, me dit-on. Ce sont pourtant mes qualités viriles qui font de moi autre chose qu’un cas social parmi les autres. Tout ce que j’aime de ma vie, tout ce qui m’a sauvée, je le dois à ma virilité.38
21On peut noter l’adéquation recherchée entre son ethos discursif, ce que l’on peut appeler le style Despentes, qui est violent, abrupt, et sa « dramaturgie corporelle »39, c’est-à-dire la manière dont elle apparaît publiquement, et qui est reconnaissable : jambes écartées (en référence à ce code de la masculinité surnommé manspreading), voix rauque, langage familier voire grossier, cigarette à la bouche. C’est dans cette posture qu’elle apparaît aux côtés de Nora Hamdi, pour la traditionnelle image d’autrice présente au dos de la bande dessinée Trois étoiles, tandis qu’Ovidie apparaît comme ciselée par le trait de Diglee pour l’avant-propos de Libres ! Ce détail visuel est révélateur des registres différents utilisés par les deux femmes.
Figure 1

Photographie de Virginie Despentes et Nora Hamdi (photo de 4e de couverture de Trois étoiles).
Figure 2

Portrait d’Ovidie par Diglee, Libres !, op. cit., p. 2.
Stratégies argumentatives
22On peut distinguer, dans ces deux séries d’essais médiatiques (au sens de leur retentissement comme de l’expérimentation dont ils relèvent au titre des variations de médiums), deux options discursives sensiblement différentes, mais qui ont pour point commun de déjouer les attentes, de prendre un contrepied, ce qui manifesterait une cohérence certaine au vu de leur ambition de déconstruction des normes.
23Ovidie nie vouloir casser son image de porn star, puisqu’elle conserve pour ses productions d’affinité plus visiblement essayiste son pseudonyme d’actrice. En revanche elle s’emploie à banaliser, à dédramatiser, à « refroidir » cette expérience. Son registre est plutôt celui de la distance : langue relativement neutre, pratique du montage et organisation des textes logique et rationnelle. On ne peut pas parler d’euphémisation des faits décrits : Pornocratie, par exemple, s’ouvre sur une description de tournage crue et insoutenable proférée devant la caméra par le fixeur de la réalisatrice à Budapest. Mais ces réalités brutales sont exposées de manière contrôlée, ironique ou dans le cadre de discours rapportés.
Figure 3

Extrait d’À quoi rêvent les jeunes filles ?, Yami 2 Productions, 2014, 3’54.
Figure 4

Extrait de Pornocratie, Magnéto Presse, 2016, 0’27.
24Aux côtés de cette actrice X pleine de sobriété, se tient une autrice de chez Grasset qui a souvent scandalisé. Virginie Despentes est en effet écrivaine (le plus souvent de fiction), inscrite d’emblée et de façon inconditionnelle dans une démarche esthétique, mais elle s’empare du langage pour le faire exploser, pour installer la violence au sein de l’écriture, et retranscrire par la forme l’agression et la révolte. Cela n’empêche pas la nuance dans le raisonnement, et la volonté de dépasser les lieux communs, y compris sur la question des violences sexuelles : de ce point de vue, la question du viol est abordée dans King Kong Théorie de façon inhabituelle (ce que Virginie Sauzon appelle « dénoncer et dépasser les paradoxes de la victimisation » et créer des « victimes puissantes »40). Parce que « la loi des flics, c’est celle des hommes »41, et que la police est un autre « Papa »42, Virginie Despentes enjoint aux femmes de percevoir la dimension politique de l’événement, et également de ne pas avoir peur, de ne compter que sur soi, et d’user de violence en retour :
Le jour où les hommes auront peur de se faire lacérer la bite à coups de cutter quand ils serrent une fille de force, ils sauront brusquement mieux contrôler leurs pulsions « masculines » et comprendre ce que « non » veut dire.43
25On retrouve l’idée dans la bande dessinée Trois étoiles, où l’un des personnages dit à l’autre :
Tu vas pas nous la jouer traumat’ parce qu’il t’a fourré le zizou dans la bouche… Faut savoir : soit t’es une guerrière, soit t’es une faiblarde et faut rentrer chez maman faire de la couture.44
26Le terme de « guerrière » est un terme transversal à la production féministe. Il est relié dans King Kong Théorie aux écrits de l’Américaine Camille Paglia, qui « nous permettait de nous imaginer en guerrières », et d’aborder lucidement la question du viol : « il ne s’agissait plus de nier, ni de succomber, il s’agissait de faire avec »45. Dans Mutantes, les femmes interviewées répondent à la violence par la liberté (d’expression, de sexualité), mais les choses peuvent être plus brutales : la première scène est un extrait du film A Gun for Jennifer (Todd Morris, 1996), qui décrit des activistes féminines qui assassinent et castrent les hommes. Pour en revenir au registre métaphorique :
La représentation pornographique est une guerre, s’en emparer, c’est modifier l’imaginaire, c’est construire des identités de résistance. Que l’image soit expérimentale, comique, énervée ou excitante, la seule consigne : ne laisser intact aucun code normatif.46
27Cette expression à chaud (grossièreté, goût de la formule, répétitions, phrases courtes) se retrouve dans les traits acérés des dessins de Nora Hamdi (qu’il est intéressant de distinguer, sur le plan du graphisme, de la ligne claire de Diglee). Dans Mutantes, les performances sexuelles sont retranscrites en images hachées, aux couleurs criardes. Cette esthétique de l’excès aurait quelque chose à voir avec le brouillage des frontières sexuelles lié à la pensée queer (dont on peut repérer dans Mutantes une autre incarnation : celle du lien établi entre l’homme et la machine par les objets et prolongements divers utilisés lors des performances) et aux productions underground, terme à prendre également au pied de la lettre : montrer ce que l’on ne voit pas.
Figure 5

Extrait de Trois étoiles, Au diable vauvert, 2002, p. 72-73.
28Les représentations sexuelles visuelles sont explicites chez Virginie Despentes (dans bien des planches de Trois étoiles, ou à l’occasion des performances de Mutantes, filmées en gros plan). Chez Ovidie, le corps de l’autrice, qui fut à une période exposé au public, et défini comme politique, s’est entièrement transmué en raisonnement et en description. Ses documentaires ciblent le grand public, et elle a recours aux ficelles traditionnelles du cinéma classique pour ne pas montrer (de pénétration, par exemple), en jouant sur les limites du cadre ou les effets de flous. Les pratiques essayistes, au sens de militantes et pédagogiques, d’Ovidie relèvent de dispositifs plus indirects, et visent particulièrement à permettre l’expression de voix tues, ou de témoignages de consœurs (penseuses, militantes, etc.), comme pour construire un réseau. Dans Porno Manifesto, toute une section est consacrée à des « Portraits de femmes pornographes et autres féministes pro-pornographie ». Dans À quoi rêvent les jeunes filles ?, elle délègue certains entretiens à la jeune journaliste Clarence Edgard-Rosa. Dans Là où les putains n’existent pas, elle se livre à une mise en abyme spectrale de la femme assassinée en diffusant des extraits de témoignages vidéo personnels permettant de faire entendre sa voix. Alors même qu’Ovidie critiquait dans Porno Manifesto la façon dont les femmes évoquant les questions de sexualité pouvaient être mises dans le même sac, au mépris de toute complexité47, elle se fait fédératrice. Quant à l’anarchiste Virginie Despentes, elle souscrit à la fin de King Kong Théorie à l’irrésistible solidarité féministe :
Le féminisme est une aventure collective, pour les femmes, pour les hommes, et pour les autres. Une révolution, bien en marche. Une vision du monde, un choix. Il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l’air.48
Figure 6

Extrait de Mutantes, 1’04’’15.
Figure 7

Extrait de Là où les putains n’existent pas, Magneto/Arte France, 2018, 14’21.
Conclusion
29Au terme de ce parcours multimédiatique surgissent donc deux figures militantes essayistes, que l’on pourrait de façon trop schématique décrire ainsi : l’écrivaine-penseuse punk, Virginie Despentes, et la journaliste-sociologue pédagogue, Ovidie. Observer leur travail peut sembler conduire loin des définitions classiques de l’essai. Le terme de « manifeste », qui est apparu, pourrait sembler plus évident, ou plus engagé. Employer la notion d’« essai », néanmoins, permet d’accompagner le terme dans un devenir médiatique qui est un devenir politique, comme le rappelle Irène Langlet49 dans L’Abeille et la Balance, évoquant entre autres les essais féministes.
30Tout comme le féminisme qui les anime ne s’est pas limité à une seule formalisation, n’est pas fixé sur un support unique, la trajectoire de réflexion de ces créatrices ne s’est pas arrêtée. Dans le propos militant double d’Ovidie (pornographique et métapornographique50), un changement de perspective s’est dessiné. Dans une forme de renoncement à l’utopie, elle pointe la persistance du sexisme, suggérant même une possible erreur d’appréciation51. Virginie Despentes, elle, semble s’assagir : elle s’embourgeoise, de son propre aveu52, et s’institutionnalise (elle fut notamment membre de l’Académie Goncourt de 2016 à 2020). Alors que King Kong Théorie évoquait la possibilité de « buter tous les mecs »53, elle admet dans Les Couilles sur la table que, non, ce n’est peut-être pas la solution. De nouvelles propositions de leur part s’enchaînent, se ramifient, leur réflexion se déploie, entre fiction et non-fiction, d’un support l’autre. Ainsi Virginie Despentes laisse-t-elle son grand succès romanesque Vernon Subutex exister sous forme de série télévisée et de bande dessinée. Ainsi Ovidie accompagne-t-elle l’adaptation de Libres ! en série d’animation, et consacre-t-elle de nouveaux documentaires féministes aux pratiques médicales et à un procès pour viol. L’idée est bien de faire mouvement en investissant un vaste réseau médiatique, afin de tracer, de la façon la plus efficace et la plus incisive possible, à l’instar des derniers mots de King Kong Théorie, une « meilleure route »54 aux femmes.
Bibliographie
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Podcast consacré à Virginie Despentes en 4 épisodes (2018-2019) : (47) « Virginie Despentes – Meuf King Kong » ; (48) « Virginie Despentes – Apocalypse maintenant » ; (49) « Virginie Despentes – Les Jolies Choses de l’art » ; (50) « Virginie Despentes – Queen Spirit ».
Zimmer Jacques, « Hardeur, hardeuse », dans Philippe Di Folco (dir.), Dictionnaire de la pornographie, Paris, PUF, 2005, p. 209-210.
Notes de bas de page
1 « Hardeur, hardeuse : […] Il fallut donc attendre les années 1970 et les premières projections publiques de films pornographiques pour que se lève toute une génération d’interprètes spécialisés. De ces films “hard” provient le terme de “hardeur”. […] La génération suivante (des années 1980) fut celle des étoiles filantes, victimes des médiatisations trop hasardeuses. Symbole d’une nouvelle vague de hardeuses fières de l’être, la très féministe et très cultivée Ovidie le constate, qui écrit : “Le cinéma pornographique subit la connerie et le mépris de la part des autres milieux du show business” (Porno Manifesto). » (Jacques Zimmer, « Hardeur, hardeuse », dans Philippe Di Folco (dir.), Dictionnaire de la pornographie, Paris, PUF, 2005, p. 209-210, p. 210.)
2 Baise-moi est le premier roman de Virginie Despentes. Il est publié en 1994 par Florent Massot. En 2000, elle collabore avec Coralie Trinh Thi pour l’adapter au cinéma. Le film est classé X quelques jours seulement après sa sortie. Voir Lilian Mathieu, « L’art menacé par le droit ? Retour sur “l’affaire Baise-moi” », Mouvements, 2003/4 (no 29), p. 60-65.
3 Virginie Despentes, King Kong Théorie, Paris, Grasset & Fasquelle, coll. « Le Livre de Poche », 2006.
4 Dans le 2e chapitre de Mes bien chères sœurs (Paris, Seuil/Points, 2020), elle reprend l’incipit « J’écris de chez » de façon anaphorique pour situer son propos : « J’écris de chez les féministes hétéros qui se maquillent […]. J’écris de chez les ex-bonnasses […]. J’écris de chez les tox des boîtes à pharmacie […]. […] » (p. 23-25).
5 Romain Jeanticou, « Pourquoi il est urgent de (re)lire King Kong Théorie, de Virginie Despentes », Télérama, publié le 4 avril 2018, en ligne : https://www.telerama.fr/idees/pourquoi-il-est-urgent-de-(re)lire-king-kong-theorie,-de-virginie-despentes,n5486772.php (consulté en septembre 2022).
6 Ovidie, Porno Manifesto, Paris, La Musardine, coll. « Lectures amoureuses », 2004 [2002].
7 Virginie Despentes, Mutantes. Féminisme porno punk, DVD, Blaq Out, 2010. Citation : voix off de la réalisatrice (2’55).
8 Pour une approche plus précise de l’émergence d’un certain nombre de productions mettant en jeu, à la toute fin du xxe siècle, une forme de porosité entre culture « haute » et pornographie, et des stratégies respectives des créatrices en question (dont Virginie Despentes et Ovidie), voir Marie-Hélène/Sam Bourcier, « Pipe d’auteur. La “nouvelle vague pornographique française” et ses intellectuels (avec Jean-Pierre Léaud et Ovidie, Catherine Millet et son mari, et toute la presse) », L’Esprit créateur. The International Quarterly of French and Francophone Studies, vol. 44, no 3, 2004, « After the Erotic », p. 13-27. Disponible en libre accès sur le site de la revue MEI : https://mei-info.com/wp-content/uploads/revue20/ilovepdf.com_split_3.pdf (consulté en septembre 2022).
9 Virginie Despentes et Nora Hamdi, Trois étoiles, Vauvert, Au diable vauvert, 2002.
10 En ligne : https://www.binge.audio/podcast/les-couilles-sur-la-table (consulté en septembre 2022).
11 Ovidie et Diglee, Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels, Paris, Delcourt, 2017.
12 Ovidie, À un clic du pire. La protection des mineurs à l’épreuve d’Internet, Paris, Anne Carrière, 2018.
13 Pour un point sur les liens entre essai et fiction, voir Irène Langlet, L’Abeille et la Balance. Penser l’essai, Paris, Classiques Garnier, 2015 (en particulier les passages rapprochant les travaux de Vincent Ferré, de Guido Gallerani et de Marielle Macé). L’expression « fiction heuristique » est utilisée par Paul Ricœur, dans La Métaphore vive, pour qualifier le fonctionnement du procédé comme outil de « description ». Sur un tel fonctionnement dans la bande dessinée, voir la table ronde publiée dans le présent volume.
14 Dans le 1er épisode du podcast Les Couilles sur la table consacré à V. Despentes, « Virginie Despentes – Meuf King Kong » (32’27’’).
15 Ibid., 31’48.
16 Virginie Despentes, King Kong Théorie, op. cit., p. 95.
17 Ovidie, Pornocratie, 1h15’37’’.
18 Un rapprochement avec la prostituée et autrice Grisélidis Réal a été proposé : Virginie Sauzon, « La déviance en réseau : Grisélidis Réal, Virginie Despentes et le féminisme pragmatique », Trans, no 13, 2012, « Marges et déviances », en ligne : https://journals.openedition.org/trans/550 (consulté en septembre 2022) (DOI : https://doi.org/10.4000/trans.550).
19 Virginie Despentes, King Kong Théorie, op. cit., p. 68.
20 Il est question ici du film de Peter Jackson de 2005.
21 Virginie Despentes, King Kong Théorie, op. cit., p. 112.
22 Pour un aperçu contextualisé dans le champ des études pornographiques, voir François-Ronan Dubois, Introduction aux Porn Studies, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2014.
23 Ovidie, Porno Manifesto, op. cit., p. 89.
24 Ibid., p. 89-90.
25 Dans le 4e épisode du podcast Les Couilles sur la table consacré à V. Despentes, « Virginie Despentes – Queen Spirit » (26’26).
26 Dans le 3e épisode du podcast cité, « Virginie Despentes – Les Jolies Choses de l’art » (5’36). L’autrice a eu l’occasion d’échanger directement avec l’une des tenantes de cette approche, comme le raconte Joy Sorman : « Dix octobre 2006 sur France 3, Ce soir ou jamais, émission culturelle de 2e partie de soirée, Virginie Despentes est face à Gisèle Halimi […], méprisante, hautaine […]. “Les clés de la boutique, vous pouvez les garder.” Il n’y avait rien d’autre à répondre à une gardienne du temple » (« Virginie Despentes, King Kong Girl », dans Gaëlle Bantegnie, Yamina Benahmed Daho, Joy Sorman et Stéphanie Vincent, 14 femmes. Pour un féminisme pragmatique, Paris, Gallimard, 2007, p. 153-156, p. 153. L’ouvrage contient également un portrait d’Ovidie).
27 Ovidie, Porno Manifesto, op. cit., p. 38.
28 Ibid., p. 144.
29 Ibid., p. 69.
30 Voir par exemple, et en particulier sur cette hypothèse d’une quatrième vague : Aurore Koechlin, La Révolution féministe, Paris, Éditions Amsterdam, 2019 ; Alexandrine Guyard-Nedelec, « Conclusion : vers une quatrième vague ? Réflexions à partir de la situation états-unienne », dans Karine Bergès et al., Féminismes du xxie siècle : une troisième vague ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 273-276.
31 On pense à la trajectoire de l’essai de Pauline Harmange, intitulé Moi les hommes, je les déteste : paru en août 2020 chez la petite maison d’édition Monstrograph, il bénéficie d’un exemplaire « effet Streisand » quand un chargé de mission ministériel tente de le censurer pour cause de misandrie, sans conséquence autre que son succès et sa reprise aux Éditions du Seuil.
32 Susan Faludi, Backlash. La guerre froide contre les femmes [1991], trad. de l’américain par Lise-Éliane Pommier, Évelyne Châtelain et Thérèse Réveillé, Paris, Éditions des Femmes, 1993.
33 Chloé Delaume, Mes bien chères sœurs, op. cit.
34 Alice Coffin, Le Génie lesbien, Paris, Grasset, 2020.
35 Voir cette notion développée par Henry Jenkins dans La Culture de la convergence. Des médias au transmédia [2006], trad. de l’anglais par C. Jaquet, Paris, A. Colin/Ina éditions, coll. « Médiacultures », 2013.
36 Virginie Despentes, King Kong Théorie, op. cit., p. 53.
37 Ibid., p. 9.
38 Ibid., p. 11.
39 Jérôme Meizoz, « “Postures” d’auteur et poétique (Ajar, Rousseau, Céline, Houellebecq) », vox-poetica.org, 2004, en ligne : http://www.vox-poetica.org/t/articles/meizoz.html (consulté en septembre 2022).
40 Virginie Sauzon, « Virginie Despentes et les récits de la violence sexuelle : une déconstruction littéraire et féministe des rhétoriques de la racialisation », Genre, sexualité & société, no 7, printemps 2012, en ligne : https://journals.openedition.org/gss/2328 (consulté en septembre 2022) (DOI : https://doi.org/10.4000/gss.2328).
41 Virginie Despentes, King Kong Théorie, op. cit., p. 41.
42 Dans le 4e épisode du podcast cité (29’08).
43 Virginie Despentes, King Kong Théorie, op. cit., p. 46.
44 Virginie Despentes et Nora Hamdi, op. cit., p. 112.
45 Virginie Despentes, King Kong Théorie, op. cit., p. 43.
46 Virginie Despentes, Mutantes. Féminisme porno punk, op. cit., 1’01.
47 Ovidie, Porno Manifesto, op. cit., p. 156-157 : « “Catherine Millet, Virginie Despentes, Catherine Breillat, Raphaëlla Anderson, Coralie Trinh Thi, Alina Reyes, Ann Scott, Claire Castillon, Christine Angot, Ovidie…”, des noms que la presse a associés […]. Un extraordinaire “mouvement” de femmes qui parlent de sexe se serait créé à la toute fin des années 90. Le 1er mensonge a été de faire croire que la pornographie, littéraire, visuelle, sonore, ou chorégraphique, n’était exploitée par les femmes que depuis une date récente. […]. La 2e arnaque a été le regroupement de travaux qui n’avaient rien à voir entre eux. Les médias ont sans scrupule mis dans le même sac des femmes qui n’ont guère de choses en commun si ce n’est qu’elles font partie du même sexe. »
48 Virginie Despentes, King Kong Théorie, op. cit., p. 145.
49 Irène Langlet, L’Abeille et la Balance, op. cit., p. 344-345.
50 Sur cette notion : voir Stéphanie Kunert, « Les métadiscours pornographiques », Questions de communication, no 26, 2014, p. 137-152, en ligne : https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/9262 (consulté en septembre 2022) (DOI : https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.9262).
51 À la fin d’À quoi rêvent les jeunes filles ?, Ovidie se demande si elle s’est trompée : la nouvelle génération ne s’intéresse pas à la « pornographie féminine », mais à celle « à laquelle je m’étais radicalement opposée. […] je croyais que les bases de l’égalité hommes-femmes étaient suffisamment consolidées » en commençant dans le porno. « Les luttes des féministes conservatrices me paraissaient ringardes et dépassées » mais « 40 ans c’est trop court pour déconstruire des siècles de domination masculine ». Elle évoque même un « sexisme devenu sexy ».
52 En 2017, le succès annoncé du 3e tome de Vernon Subutex provoque l’omniprésence de la question dans la presse. Tandis que Le JDD se pose la question : « S’est-elle starisée ? S’est-elle embourgeoisée ? S’est-elle assagie ? Sans aucun doute tant il y a un bonheur et une douleur à trahir son milieu », tout comme Le Monde (« Rangée ? »), le magazine d’extrême droite Valeurs actuelles la qualifie de « vieille punk embourgeoisée ». Il y a de sa part une forme de sérénité, et de stratégie de retournement du stigmate, à reprendre le terme à son compte, par exemple dans Marie-Claire, La Presse ou Le Monde.
53 Virginie Despentes, King Kong Théorie, op. cit., p. 136.
54 Ibid., p. 145.
Auteurs
-
Émeline Chauvet
Université de Limoges
-
Chloé Conant-Ouaked
Université de Limoges
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