1 Voir notamment les propos de Tite-Live lui-même (Liv. Praef. 10).
2 Voir Walsh 1961, p. 82-109 ; Pitcher 2007. Voir aussi Meunier 2011a, p. 96-98. Sur la caractérisation du récit historiographique par Denys d’Halicarnasse et les différences et convergences avec Tite-Live, voir récemment Poletti 2023.
3 Sur le portrait chez Tite-Live, voir Bernard 2000 et 2015.
4 Sur ce jeu d’opposition narrative appliquée aux tribuns, voir aussi Bernard 2000, p. 203-205, qui est toutefois très laconique et se contente de mentionner les types de schémas contraires sans développement.
5 L’on trouvera dans Lanfranchi 2012, et Lanfranchi 2015, p. 551-598, une étude détaillée de différentes variantes du tribun dans sa version négative (l’agitateur, le démagogue et le tyran principalement) et de certains procédés employés pour développer ces stéréotypes tribuniciens.
6 Liv. II.42.6. Voir aussi Liv. III.11.7 ou III.69.1, ainsi que Lanfranchi 2015, p. 561-570, et Vasaly 2015, p. 113-116.
8 Liv. IV.43.6 (la 15) ; la loi sur le pouvoir consulaire évoquée ici est la lic 21.
10 Voir l’extrait de Cicéron cité ci-dessus, p. 54. Ce lieu commun se retrouve aussi chez Denys d’Halicarnasse, un bel exemple étant le comportement des tribuns de la plèbe et d’Icilius en particulier lors de la proposition d’attribution de l’Aventin à la plèbe (DH X.31-32 passim), un épisode sur lequel Tite-Live est quant à lui par contraste étrangement discret (Forsythe 2005, p. 205-206). Dans l’ensemble de l’œuvre livienne, toutefois, les Icilii ont la même charge symbolique, incarnant en famille la défense des intérêts plébéiens et étant indissociables du tribunat de la plèbe, au point de devenir les archétypes du tribun turbulent (Bernard 2000, p.179).
12 Liv. III.10.2-3, 5-8 et 11.1, 3 (lic 2). Il est en outre à remarquer que cet extrait présente un bel exemple du schéma du bon consul, qui reporte son triomphe pour le bien de l’État, afin de combattre un tribun de la plèbe turbulent ; un schéma à mettre en contraste avec celui déjà rencontré précédemment du mauvais consul réclamant le triomphe toutes affaires cessantes en s’appuyant sur la plèbe pour forcer la décision des patriciens (voir supra, p. 89).
13 L’archétype du dux fatalis est le personnage de Camille, nouveau Romulus, second fondateur de Rome et préfigurateur d’Auguste (voir Mineo 2003). La typologie des comportements patriciens sera étudiée à partir de la p. 84 sq.
14 la 3, 4 et 21. Concernant les autres tentatives d’entrave au dilectus dans des contextes différents que celui de la loi agraire, voir Meunier 2011b, p. 354.
16 Liv. II.43.3-4 (la 3).
17 À propos de l’expression per ultimam necessitatem, et le sens que lui donne Tite-Live, voir Bruggisser 2004, p. 489.
18 Nous l’analyserons plus en détail ci-dessous : voir infra, p. 83.
19 Un aspect minimisé par Lanfranchi 2015, p. 598-603, pour qui les « notations laudatives au sujet des tribuns de la plèbe sont peu nombreuses et disséminées dans nos sources à la manière de résidus non contrôlés » (p. 602). Ces représentations tribuniciennes positives ne sont toutefois pas si peu nombreuses que cela et ne sont en tout cas pas « non contrôlées ». En effet, comme nous le verrons au chapitre suivant (voir infra, p. 119 sq), les représentations tribuniciennes positives font partie intégrante de la dialectique livienne, basée sur les oppositions et les effets de contraste.
20 Sur l’apprentissage par la plèbe de cette vertu qui ne lui est pas naturelle, voir Mineo 2006, p. 248 ; voir aussi Lipovsky 1981 p. 30-33.
21 Liv. IV.6.11-12 (lic 14). Voir aussi infra, p. 176.
22 Liv. III.9.2-5 (lic 1).
23 Liv. III.9.7 et 10. Voir infra, p. 97.
25 Liv. III.31.7-8 (lic 10).
29 Dans son élaboration narrative de la phase de discorde croissante entre Servius Tullius et Camille, Tite-Live partage la responsabilité de la dégradation des mœurs politiques entre les patriciens et les plébéiens. Le décemvirat devient ainsi le symbole de l’accentuation de la superbia des dirigeants (Mineo 2006, p. 206-207). Tite-Live a toutefois une tendance instinctive à atténuer in fine la responsabilité des patriciens, au contraire de celle des plébéiens.
30 Liv. III.36.7 et 37.1-3.
32 Liv. VI.37.10. À comparer avec le discours de Terentilius cité supra, p. 76-77.
33 Liv. VI.38.8. Le comportement de Camille dans ce contexte est assez inhabituel par rapport à son image consacrée. Sur la figure de Camille et son élaboration idéologique et narrative, voir Coudry 2001 ; Mineo 2003 ; Piel et Mineo 2010.
36 la [1], [2], 3, 4, 18, 21, 24 et 31. Les crochets indiquent les lois agraires pour lesquelles l’opposition tribunicienne n’est attestée que chez Denys d’Halicarnasse.
37 Liv. II.43.3-4 (la 3). Déjà cité supra, p. 74.
38 Sur les principes moraux reconnus comme inhérents à l’ordo des patriciens, de même que sur l’incapacité naturelle des plébéiens à se tempérer et à opter pour la bonne voie sans le modèle des patriciens, voir Mineo 2006, p. 49 sq.
39 Liv. II.44.1-6 (la 4).
41 Ce principe est clairement affirmé par Tite-Live (IV.2.1) : Eodem tempore et consules senatum in tribunum et tribunus populum in consules incitabat (pour une analyse plus détaillée, voir infra, p. 173).
42 læ 1b (Liv. II.24.3-4 et 6). Denys d’Halicarnasse fait débuter la crise des dettes trois ans plus tôt, en 498 av. J.-C., et attribue à un simple sénateur, M. Valerius, le privilège de lancer le débat sur l’assouplissement des exigences des créanciers (læ 1a).
43 Le schéma du consul généreux n’est applicable à Sp. Cassius que dans la première partie du récit le concernant, avant que le récit ne le transforme en aspirant à la tyrannie, le narrateur opérant à ce moment un changement de schéma destiné à expliquer la fin tragique du personnage (voir infra, p. 159 sq).
44 la 1, 5, 5b, 10 et 35.
45 Liv. II.48.1-2 (la 5).
46 Voir la citation précédente.
47 la 5 et 10. La modération et le désintéressement dans l’exercice des fonctions publiques est d’ailleurs une caractéristique distinctive du portrait des Fabii que dresse Tite-Live dans l’ensemble de son œuvre (Bernard 2000, p. 185-188), mais c’est clairement à l’occasion de la proposition d’une loi agraire que ce trait est le mieux mis en exergue.
48 La mémoire des Claudii a de toute évidence fait l’objet d’une rivalité entre pro- et anti-claudiens lors de la formation des traditions historiographiques (voir à ce sujet Alföldi 1965, p. 159-164 ; Humm 2005, p. 73-94). Tite-Live se fait souvent l’écho de la tradition anti-claudienne (dont l’origine est d’ailleurs assez débattue : voir Wiseman 1979a, p. 104-139), en reprenant le motif des Appii Claudii incarnant les excès des patriciens (voir Bernard 2000, p. 183-184 ; Forsythe 2005, p. 223), ces personnages à l’orgueil et à la démesure si caractéristiques trouvant une place de choix dans la fresque narrative de l’historien padouan lorsqu’il s’agissait de dépeindre une phase de discordia. Sur la notion de superbia dans la littérature latine, voir Baraz 2008, en particulier p. 379 sq, qui analyse la transformation de cette anti-valeur républicaine en un concept pouvant revêtir un aspect positif à partir de l’époque augustéenne.
49 Voir infra, p. 115, où l’on trouvera aussi la bibliographie relative à l’adfectatio regni, n. 121.
50 Liv. II.27.1. Sur la représentation tyrannique d’Appius Claudius dans ce passage, voir aussi Vasaly 2015, p. 59-62.
51 Mineo 2006, p. 204. La même trame narrative se retrouve chez Denys d’Halicarnasse à propos non seulement de la proposition de 495 av. J.-C., objet de contentieux entre Servilius et Appius Claudius, mais aussi de celle de 498 av. J.-C., que l’historien grec est le seul à mentionner et qui, suivant le même principe, voit se diviser sur la question des dettes, non les deux consuls, mais deux sénateurs qui se comportent comme s’ils étaient au timon de l’État : M. Valerius d’un côté, dans le rôle du patricien magnanime, et de l’autre son opposant qui n’est autre que le même Appius Claudius. Les sources suivies par Tite-Live et Denys d’Halicarnasse n’étant manifestement pas les mêmes à ce sujet, le fait de retrouver le même schéma narratif montre que son élaboration est antérieure à ces deux auteurs et donc que le travail de réélaboration narrative de l’Histoire avait déjà été bien entamé auparavant par l’annalistique.
52 Ce qui n’est pas nécessairement le cas, comme on le verra infra, p. 157 sq.
54 Liv. III.1.2-3 (la 10).
55 Liv. VIII.12.9-12 (la 35).
57 Liv. VII.18.3 et 9-10 (lic 32).
58 Sur le thème des « consuls unis », que Tite-Live se plaît souvent à opposer consciemment dans son récit au schéma contraire des « consuls désunis », voir Bernard 2000, p. 202-203.
59 Liv. VII.21.5-8 (læ 14).
62 Liv. III.53.1-2, 5-7 et 10.
63 Liv. III.55.1-2 et 15.
69 Nous reviendrons sur cet épisode infra, p. 111, dans la section consacrée aux patriciens priuati.
74 Liv. III.19.4 et 21.6.
75 Nous préférons revenir à la leçon unanime des manuscrits (peccatis), plutôt que de suivre les corrections des éditeurs modernes (peccate ou peccetis), ces derniers voyant une incompatibilité de l’indicatif présent en principale avec la proposition restrictive introduite par dum qui suit (voir Bayet, III, p. 34 et Ogilvie 1965, p. 433). Une incompatibilité qui relève plus de l’appréciation que de l’erreur grammaticale et qui ne nous semble donc pas justifier la correction de manuscrits en parfait accord les uns avec les autres.
76 Liv. III.21.1 : nec ante mouerunt de sententia consulem quam tribuni se in auctoritate patrum futuros esse polliciti sunt.
77 Sur la construction du personnage de Cincinnatus comme modèle du républicain par excellence, voir Jacotot 2010.
79 Liv. II.30.6 et 31.8-9.
80 Liv. II.30.5. Sur la représentation narrative des Valerii et leur rattachement systématique au comportement défini par le princeps gentis Publicola, voir Bernard 2000, p. 181-182.
83 Liv. VII.22.10 (lic 36).
84 Liv. VII.24.11 (lic 37).
85 Le récit traditionnel de la mutinerie de 342 av. J.-C., truffé d’illogismes et de juxtapositions de versions incompatibles, a lui-même fait l’objet d’une reconstruction qui pose de nombreux problèmes d’interprétation historique. Pour une analyse de l’élaboration de ce récit par la tradition annalistique, voir Poma 1990.
89 lic 32 dont il a été question supra, p. 92.
90 lic 36 ; voir supra, p. 103.
93 læ 5. Voir section suivante, infra p. 115.
101 Les quatre lois agraires en question sont celles qui ordonnèrent la distribution de l’ager Bolanus en 413 av. J.-C. (la 19.), et de territoires confisqués aux Latins, à Priverne et à Falerne après la révolte de 340-338 av. J.C. (la 32, 33 et 34).
102 Liv. VII.19.5-6 (lic 33).
103 Voir supra, p. 91 sq.
104 Liv. II.52.2 et 48.3.
105 Liv. II.16.3 : Namque Attius Clausus, cui postea Appio Claudio fuit Romae nomen, […] magno clientium comitatus manu, Romam transfugit. His ciuitas data agerque trans Anienim.
106 la 1, 3, 4, 8, 18 et 31. L’on peut également ajouter une septième intervention d’Appius Claudius (Liv. III.30 et DH X.30) qui, lorsque l’on envisagea d’augmenter le nombre de tribuns de la plèbe de cinq à dix, prononça un discours qui n’était pas destiné à combattre une proposition de loi agraire, mais dans lequel il évoquait la menace agraire.
107 Sur l’emploi des discours pour introduire un exemplum, voir Chaplin 2000, p. 50 sq.
109 Liv. III.11.6-9. Sur l’emploi de la violence par les iuuenes patricii et les adulescentes nobiles, voir Lintott 1968, p. 59 sq, et 1970, p. 24-27.
110 Ce portrait est unique dans la galerie des représentations narratives des Quinctii, ces derniers étant dans tous les autres cas dépeints comme des patriciens modérés sans être populistes, le représentant archétypal de cette gens étant à cet égard Cincinnatus le dictateur (Bernard 2000, p.188-189). Voir aussi Vasaly 2015, p. 82-28, pour qui l’exception de Kaeso parmi les Quinctii (habituellement incarnation de la iustitia et de la moderatio) n’en est pas vraiment une si l’on considère la réhabilitation ultérieure de Kaeso par le témoignage du plébéien Volscius, qui a admis avoir produit un faux témoignage lors du procès du jeune patricien, afin de le faire condamner. Volscius avait en effet prétendu que son frère avait été tué sous les coups violents et arbitraires de Kaeso, ce qui a contribué à faire apparaître celui-ci comme un tyran menaçant la liberté de la cité. Mais en admettant avoir menti, Volscius démontre que le seul crime de Kaeso fut d’avoir succombé à l’impétuosité de la jeunesse, sans jamais toutefois avoir franchi les limites du véritable comportement tyrannique.
112 Liv. III.26.7 sq. Sur Cincinnatus, voir supra, p. 99.
120 Tite-Live applique ainsi l’un des principes qu’il s’était fixés dans sa préface : Hoc illud est praecipue in cognitione rerum salubre ac frugiferum, omnis te exempli documenta in inlustri posita monumento intueri: inde tibi tuaequae rei publicae quod imitere capias, inde foedum inceptu, foedum exitu, quod uites (Liv., Praef. 10).
121 Sur le thème bien connu de l’adfectatio regni, qui fait depuis longtemps l’objet de discussions chez les Modernes, voir entre autres Mommsen 1871 ; Lintott 1970 ; Martin 1982, p. 339-359 ; Id. 1988, p. 16-21 ; Liou-Gille 1996 ; Chassignet 2001 ; Vigourt 2001a et 2001b ; Smith 2006b ; Roller 2010 ; Lowrie 2010 ; Mastrorosa 2013 et Neel 2015a. Sur le personnage de Marcus Manlius Capitolinus en particulier et sur la manière dont Tite-Live l’a narrativement mis en scène, voir le chapitre « The Rise and Fall of Marcus Manlius Capitolinus » que lui a consacré Jaeger 1997, p. 57-93 ; voir aussi Meunier 2019. Plus récemment, Forsythe 2005, p. 260-261, a envisagé que Tite-Live a pu s’inspirer pour dépeindre Capitolinus du personnage de Catilina tel que l’a brossé Cicéron dans sa première catilinaire ou Salluste dans son Bellum Catilinae. Mineo 2006, p. 245-247, a quant à lui montré que le personnage de M. Manlius Capitolinus avait été aussi narrativement construit en contrepoint de celui de Camille, qui incarne la moderatio et le service du bien commun (sur l’opposition narrative des deux héros, voir précédemment Hubaux 1958, p. 322 ; et plus récemment Neel 2015b, p. 207-220). Sur le concept de moderatio et son application à Capitolinus, voir aussi Lipovsky 1981, p. 33-39. Par comparaison, voir Chaplin 2015, p. 109-111, pour l’application de ce même concept au personnage de Camille.
123 Voir supra, p. 42 sq, 87 sq et 96 sq. La construction est toutefois inversée : dans le cas de l’opposition entre Servilius et Appius Claudius, c’est le défenseur des intérêts plébéiens qui est positivement connoté.
124 Par exemple le consul Aemilius qui a « rendu son consulat similaire à un tribunat séditieux » (voir supra, p. 89).
125 Voir par exemple le mot de Cicéron sur Spurius Cassius (Cic., Rep. II.35[60] : Sp. Cassium de occupando regno molientem, summa apud populum gratia florentem).
126 Liv. VI.15.4 et 6 (læ 5).
127 Liv. II.31.9-10 (læ 4). Voir aussi supra, p. 101.
128 la 5, voir supra, p. 86.