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La politique des chaires au Collège de France

 | 
Wolf Feuerhahn

Idéaux et pratiques de la transformation des intitulés

Le crédit des chaires

Inertie disciplinaire et ascension des sciences au Collège de France (1800-2000)

Yann Renisio

Texte intégral

1La remise en cause de la scientificité de différents domaines de la connaissance savante jalonne l’histoire moderne des disciplines et témoigne de l’importance de la légitimité scientifique comme ressource dans le champ académique (Gieryn, 1983 ; Gemme et Gingras, 2006). Ce phénomène est le produit d’un long processus historique qui s’est concrétisé, à la fin du xixe siècle en France, par une inflexion de la hiérarchie entre disciplines littéraires et scientifiques, en faveur de ces dernières. En témoigne notamment l’impératif croissant d’activités de recherche pour accéder aux carrières de l’enseignement supérieur et l’autonomisation progressive de ces dernières, tout particulièrement dans la faculté des sciences, vis-à-vis des logiques de l’enseignement secondaire (Karady, 1985, p. 39). Christophe Charle a bien mis en évidence l’importance de la période allant de 1870 à 1940 dans ce processus : du point de vue du budget, des créations de postes, du taux d’encadrement des étudiants, de l’accroissement du personnel d’aide à la recherche ou du financement de la recherche par les pouvoirs publics et les donateurs privés, les disciplines de la faculté des sciences sont avantagées sur cette période et se démarquent ainsi progressivement de celles de médecine, de droit et de lettres. La promotion internationale de la science, la concurrence qu’elle génère et l’adéquation de ses valeurs à l’idéologie républicaine officielle s’articulent dans ce que C. Charle analyse comme un « culte de la science » qui consacre cette faculté dont les membres se distinguent par une plus grande solidarité interne et une division du travail plus opérante (Charle, 1994, p. 137-188).

  • 1  Ernest Renan, Questions contemporaines, Paris, Michel-Lévy frères, 1868, p. 144. Sur l’émergence d (...)
  • 2  Texte de l’article 15, cf. p. 124.

2Si cet accroissement du poids des sciences et de la légitimité scientifique a été mis en évidence pour le cas de la Sorbonne, il ne l’a pas été pour celui de l’établissement qui en constitue le contrepoint historique, le Collège de France. Ce dernier affiche pourtant à cette même époque une nouvelle autodéfinition de sa spécificité consacrée par la formule de Renan selon laquelle « à côté des établissements où se garde le dépôt des connaissances acquises », il soit le lieu où « il y ait des chaires indépendantes où s’enseignent, non les branches de la Science qui sont faites, mais celles qui sont en voie de se faire »1. En 1911, cela se traduira par un nouveau règlement pour lequel, lors du décès ou de la retraite d’un professeur, ce ne sont plus des « enseignements » qui devront être renouvelés, mais des « crédits » qui, temporairement affectés à un enseignement, redeviendraient « libres »2. L’absence d’inertie disciplinaire devenait ainsi la nouvelle devise de l’institution. Même si, d’une devise à la réalité, il est un pas qu’on ne saurait franchir aisément, il n’en reste pas moins que le Collège de France offre, à ce titre ainsi qu’à cause de sa volonté plus ancienne de représenter tous les savoirs (docet omnia), un terrain particulièrement propice à une enquête sur les transformations de l’espace savant, des rapports entre sciences et lettres autant que sur l’inertie disciplinaire.

  • 3  Cette recherche, issue d’une thèse en cours, a été initiée dans le cadre du groupe de travail diri (...)

3Pour le Collège de France, cette transformation se traduit par trois caractéristiques principales : accentuation de la variabilité disciplinaire, banalisation des contacts entre professeurs de toutes les disciplines, homogénéisation des conditions de travail d’une discipline à l’autre3.

  • 4  Nous nous appuyons ici sur les données de Huguet et Noguès, 2011, accessibles sur http://facultes1 (...)
  • 5  À savoir « Archéologie », « Chimie », « Chimie organique », « Éloquence latine », « Grammaire comp (...)
  • 6  L’Université de Paris propose, entre 1800 et 1880, 249 enseignements pour 40 intitulés distincts ; (...)
  • 7  Article 16 du décret du 1er février 1873 portant règlement pour le Collège de France (12 CDF J23). (...)

4Au xixe siècle4, la Sorbonne et le Collège de France se distinguent encore nettement, en premier lieu par les enseignements qui y sont professés : sur 73 intitulés d’enseignement dans ces établissements entre 1800 et 1880, seuls 8 sont communs aux deux5. Un autre trait distinctif tient au changement plus fréquent des intitulés de cours au Collège de France : sur cette même période, un intitulé donné y rassemble en moyenne 3 professeurs, contre 6 professeurs à l’Université de Paris6. Cette variabilité plus importante des intitulés des chaires du Collège de France résulte d’une pratique spécifique, dont l’officialisation remonte à 18737, relative à l’élection des professeurs : lorsqu’une chaire devient vacante suite au décès, à la retraite ou à la démission d’un professeur titulaire, le processus d’élection débute par une première assemblée des professeurs devant mener à la décision, à la majorité des présents, sur le maintien ou la transformation de la chaire, c’est-à-dire de son intitulé. En cas de transformation, une deuxième délibération a lieu selon le même principe pour statuer sur le nouvel intitulé à attribuer à la chaire. Une fois ces décisions prises et que sont communiquées au ministre « les raisons scientifiques justifiant le maintien ou la transformation » s’ouvre une période d’un mois dédiée aux dépôts officiels de candidatures, puis les professeurs se réunissent à nouveau pour élire un candidat. Ce mode de délibération fournit donc un cas d’étude où la distribution des domaines de connaissances au sein d’un établissement peut être modifiée sans avoir recours à la procédure, plus rare, de création ou de suppression d’une chaire. Illustrons les effets de ce fonctionnement à partir de deux débats quant à la vacance d’une chaire. Le premier a lieu en 1873 au sujet du maintien de l’intitulé de la chaire de Chinois.

  • 8  Les indications entre crochets dans les citations sont utilisées dans ce chapitre pour signaler l’ (...)
  • 9  Procès-verbal de l’assemblée des professeurs du 16 mars 1873, 2 AP 6, p. 171-172.

L’assemblée passe à la question de la chaire de Chinois
M. Mohl [Persan]8 dit qu’il s’est préoccupé de cette grave question ; qu’il avait songé à un candidat, mais que ce candidat vient de mourir. Il est impossible, avant d’y avoir de nouveau réfléchi, de trancher aujourd’hui la question.
M. Serret [Mécanique céleste] dit qu’il y a certaines chaires qui sont fondamentales et qui en aucun cas ne doivent être rayées de notre affiche. Telle est la chaire de Mathématiques ; telle est aussi la chaire de Chinois. Il faut en premier lieu maintenir le titre, et, en second lieu, s’il n’y a pas de professeur capable, laisser la chaire vacante.
M.M. Berthelot [Chimie organique] et Havet [Éloquence latine] disent que pour le second point on a encore près d’un mois à attendre avant d’avoir à se décider.
M. Franck [Droit de la nature et des gens] pense que les deux questions sont inséparables : à quoi bon maintenir une chaire si l’on n’a pas de professeur à y placer. L’enseignement du Collège de France est un enseignement varié, qui doit être toujours en mouvement et s’ouvrir pour les talents nouveaux et les études nouvelles. Qu’on modifie donc l’enseignement, c’est à dire le titre, si l’on n’a pas un talent suffisant pour enseigner.
M. Levasseur [Histoire des doctrines économiques] pense comme M. Serret [Mécanique céleste] que la chaire de Chinois a une grande importance ; nos relations commerciales avec la Chine se développent ; il ne serait pas bon que l’enseignement de la langue chinoise fût supprimé. On rétablira, dit-on, la chaire quand on trouvera un professeur de talent ; sera-ce alors chose facile ? Et l’existence de la chaire n’est-elle pas bien plutôt faite pour pousser des savants dans la voie de cette étude ?
L’assemblée décide que la chaire de chinois sera maintenue9.

Le second, en 1887, porte cette fois sur le maintien de la chaire de Droit de la nature et des gens.

  • 10  Procès-verbal de l’assemblée des professeurs du 14 décembre 1887, 2 AP 6, p. 59-61.

L’ordre du jour appelle la discussion sur le maintien du titre de la chaire de Droit de la nature et des gens.
M. Lévêque [Histoire et morale] et M. Flach [Histoire des législations comparées] insistent sur la nécessité d’un enseignement philosophique du droit. M. d’Arbois de Jubainville [Langue et littérature celtiques] croit que le droit naturel ne diffère pas du droit comparé et que l’enseignement du droit naturel est suffisamment représenté par l’enseignement donné dans la chaire de Législations comparées par M. Flach. M. Albert [Langue et littérature françaises modernes] voudrait maintenir la chaire dans son esprit mais en modifier le titre. M. Gaston Paris [Langue et littérature française du Moyen Âge] croit qu’on devrait surtout s’occuper de la question : y-a-t-il un candidat capable de remplir un tel enseignement ? M. Guizot [Langues et littératures d’origine germanique] verrait avec regret disparaitre de l’enseignement du Collège de France les généralités métaphysiques du droit.
M. Berthelot [Chimie organique] insiste sur le caractère spécial du Collège de France qui n’est nullement obligé de remplir un cadre complet. Il pense que le mérite des personnes qui sont à la disposition du Collège et l’actualité de leurs travaux sont la principale préoccupation dont on doit tenir compte.
M. Leroy Beaulieu [Économie politique], M. Levasseur [Histoire des doctrines économiques] et M. Lévêque [Philosophie grecque et latine] pensent que si la chaire était maintenue il se rencontrerait des hommes de talent pour l’occuper.
M. Gaston Paris [Langue et littérature française du Moyen Âge] fait ressortir la nécessité de discuter le mérite des candidats. M. Boissier [Poésie latine] partage cette opinion et croit qu’il ne faut tenir compte que de la valeur individuelle des hommes qu’il s’agit de présenter.
M. Renan [Langues hébraïque, chaldaïque et syriaque] essaye de montrer la nécessité des transformations, surtout depuis que le nombre des chaires étant porté à 40, la création de nouveaux enseignements deviendra, on peut le supposer, assez rare. La science qui a marché depuis le commencement du siècle par des créations de chaires nouvelles se trouverait barrée, si on ne suppléait pas des transformations aux créations d’autrefois. Il expose les vœux fréquemment émis dans ce sens par la commission du budget, par l’administration, par les personnes qui ont le mieux compris le Collège, M.M. Dumont, du Mesnil. Il pense que la meilleure solution serait de transformer la chaire en question en une chaire de Psychologie expérimentale pour M. Th. Ribot, qui représente par son enseignement à la Sorbonne, par la Revue philosophique qu’il dirige des recherches d’un caractère nouveau et original.
La discussion s’engage sur le titre exact qu’il conviendrait de donner à la chaire nouvelle.
Après diverses observations de M.M. Maury [Histoire et morale], Bertrand [Physique générale et mathématique], Berthelot [Chimie organique], Mascart [Physique générale et expérimentale], Lévêque [Philosophie grecque et latine], l’assemblée s’arrête au titre de : Psychologie expérimentale et comparée10.

  • 11  Pour un retour détaillé autour des enjeux de cette nomination, voir Nicolas et Murray, 2000, le ch (...)

Le maintien de la chaire de Chinois est discuté du fait de l’absence de candidat potentiel, mais est finalement adopté au motif de l’importance de la chaire, conçue comme fondamentale mais aussi politiquement utile. La transformation de la chaire de Droit de la nature et des gens en Psychologie expérimentale et comparée, quant à elle, est principalement motivée par le risque de redondance avec celle la chaire de Législations comparées et par le souhait d’accueillir Théodule Ribot11. Par son organisation capable de remettre en jeu le devenir d’une chaire à chaque vacance, le Collège de France dispose donc de moyens pour réduire l’inertie disciplinaire, propre aux établissements d’enseignement supérieur.

  • 12  Pour donner un ordre d’idée concret de cette mise en présence disciplinaire, on décompte sur la pé (...)
  • 13  Ces « campagnes » impliquent en effet un grand nombre de rencontres entre les professeurs (Loisy, (...)

5Ces deux cas montrent également que ce mode d’élection génère l’échange régulier d’arguments entre savants issus de domaines variés : se retrouvent confrontés en ces deux occasions les points de vue de juristes, de chimistes, d’économistes, de spécialistes de littérature, de physiciens, d’historiens et de philosophes. Ainsi, à la différence du fonctionnement sectorisé des universités ou des académies, où les modes de régulation et de promotion excluent des débats certains domaines de connaissances historiquement disjoints, chaque professeur du Collège de France peut discuter du devenir de l’établissement dans son ensemble et prendre part aux débats sur des disciplines très éloignées de sa spécialité12. Le fonctionnement même de l’établissement favorise par d’autres moyens les rencontres et échanges entre disciplines. Depuis leur candidature à une chaire13 jusqu’aux négociations, lors de leur départ à la retraite, pour la perpétuer, les professeurs sont incités à dialoguer avec des savants de multiples disciplines. À ces éléments tactiques vient s’ajouter la morphologie plus générale de l’établissement où « enseignent […] côte à côte, en des proportions variables, des scientifiques, des médecins, des juristes, des érudits, des professeurs classiques et des hommes inclassables venus d’autres horizons » (Charle, 1993, p. 405).

  • 14  Qui fera dire à Renan : « Quand il s’agit au Collège de choisir entre des candidats scientifiques, (...)
  • 15  À l’échelle de l’établissement, représenter les domaines ou savants les plus essentiels ou novateu (...)

6Cette configuration singulière14 permet, dans le cas d’une étude sur l’évolution du poids des sciences dans le champ académique, d’appréhender les échanges et évolutions d’un microcosme qui, par la diversité des domaines qu’il représente et les types d’enjeux qui l’animent15 concentre les principaux enjeux du champ académique.

  • 16  « La mission qui a été confiée au Collège de France diffère essentiellement de celle des autres co (...)

7Une troisième spécificité du Collège de France est celle de l’égalité des professeurs du point de vue de la charge de travail imposée. En effet, à la différence des universités où, comme nous l’indiquions plus haut, le taux d’encadrement des étudiants et la masse de travail hors recherche constitue une part plus importante dans les activités des professeurs de la Faculté des lettres que dans celle des sciences, le Collège de France homogénéise ces conditions de travail. Cette particularité tient à l’absence de fonction de collation des grades de l’établissement : aucun diplôme n’étant attribué, les professeurs se retrouvent statutairement dégagés des fonctions d’évaluation et de surveillance d’examens16. Dès lors, en annulant une propriété expliquant l’asymétrie disciplinaire entre les disciplines scientifiques et celles des autres facultés, le Collège de France constitue un point d’entrée intéressant pour déceler d’autres modalités de production d’une telle asymétrie.

8Le cas du Collège de France permet donc à la fois de poser une question qui le dépasse et d’observer si la tendance à l’accroissement du poids des disciplines scientifiques dans le champ académique s’y retrouve sur la même période. Nous présentons tout d’abord l’évolution sur deux siècles de la morphologie de cet établissement afin de mettre en évidence que la période retenue pour l’étude constitue, comme c’est le cas pour l’université, un moment d’importantes transformations structurelles. Puis, à l’aide d’une typologie en cohérence avec la période étudiée, nous analysons l’évolution de la proportion des disciplines scientifiques dans cet établissement. Nous nous arrêtons enfin sur la part des chaires dans le budget global de l’établissement afin de montrer que le principal basculement qui se joue dans cette période entre les chaires scientifiques et les autres tient à la création de nombreux laboratoires et des postes de personnels qui leur incombent. Nous fournissons en conclusion des éléments qui corroborent l’hypothèse selon laquelle ce processus de laboratorisation influe sur le devenir des chaires.

Morphologie de l’évolution des chaires (1800-2000)

  • 17  La figure 12 a été réalisée selon les principes suivants : l’élection d’un professeur à une chaire (...)

9Qu’en est-il de l’évolution de la composition des chaires sur le temps long ? Pour répondre à cette question, nous avons produit une représentation synoptique de l’ensemble des transitions de chaires et de leurs intitulés depuis 1800 jusqu’en 2000 (figure 12)17, que nous complétons par quelques statistiques rendant plus accessibles les résultats qu’elle contient. Nous nous concentrons sur deux dimensions caractéristiques des évolutions de la morphologie du Collège de France sur ces deux siècles. Premièrement, nous procédons à une démographie des chaires en étudiant l’évolution de leurs nombres et la période où se concentrent leurs créations ou suppressions. Une telle approche permet d’appréhender une transformation de la position de cet établissement dans le champ académique. Nous nous intéressons dans un deuxième temps à la fréquence des transformations de chaires lors des transitions. Très faible en début de période, elle s’accroît jusqu’à devenir presque systématique dans la deuxième moitié du xxe siècle.

Figure 12. Évolution des chaires du Collège de France 1800-2000.

Figure 12. Évolution des chaires du Collège de France 1800-2000.

1800-2000 : le Collège devient une institution de prestige

  • 18  Chaires créées sans garantie de reconduction lors du départ du professeur.
  • 19  Voir la contribution de Florence Deprest à ce volume.

10Ce graphique met en évidence l’augmentation du nombre de chaires au cours du temps (représentée par la courbe noire). Alors qu’en 1800 le Collège de France compte 18 chaires, ce nombre passe à 24 dès 1831, puis à 40 en 1882, à 45 en 1907 et à 50 en 1925, puis conserve cet ordre de grandeur jusqu’en 2000 avec 48 chaires magistrales. Les processus de suppression et de création (figure 13), à l’origine de l’évolution du nombre de chaires, se concentrent sur une période relativement courte : de 14 (dont une suppression) entre 1800 et 1870, ils passent à 31 (dont 4 chaires temporaires18 et 6 suppressions) entre 1871 et 1940, pour retomber à 7 (dont 1 suppression) entre 1941 et 2000. C’est donc bien sur la période allant de la deuxième moitié du xixe siècle à la première moitié du xxe que se sont joués le plus grand nombre de mouvements à l’échelle de la structuration globale de l’établissement. Sur cette même période apparaissent une série de chaires plus spécifiques, qu’elles soient financées par des fondations privées (Fondation Albert Kahn, Association pour l’enseignement de la coopération) ou par la Ville de Paris, consacrées aux questions coloniales, à la prévoyance sociale ou à la géographie humaine19.

  • 20  Charle, 1993, p. 403.

11Le triplement des effectifs de professeurs sur ces deux siècles, concentré sur une période restreinte, peut sembler considérable à l’échelle de l’établissement. Mais il est très faible en comparaison de l’évolution du nombre de professeurs dans les autres établissements d’enseignement supérieur sur cette même période. En effet, alors qu’au long du xixe siècle persiste une relative équivalence entre le nombre de chaires du Collège de France et celles des Facultés des lettres et de Sciences de l’Université de Paris, dès l’entre-deux-guerres la seule Faculté des lettres compte davantage de chaires que celle de l’établissement étudié20.

Figure 13. Créations et suppressions de chaires (1800-2000).

  • 21  Cette chaire est le produit de la révocation de Szolem Mandelbrojt en 1942. Dans la mesure où il s (...)
  • 22  Cette chaire est déclarée comme « réservée », mais ne sera pas affectée.

Période

Création durable

Création temporaire

Suppression

1800-1810

– Grec moderne
   

1811-1820

– Langues et littératures chinoise et tartare mandchoue

– Langue et littérature sanscrites

1821-1830

1831-1840
   
   
   
   
   

– Économie politique

– Archéologie

– Histoire générale et philosophique des législations comparées

– Histoire naturelle des corps organisés

– Langue et littérature slaves

– Anatomie
   
   
   
   
   
   

1841-1850
   
   
   

– Langues et littératures d’origine germanique

– Langues et littératures de l’Europe méridionale

– Embryogénie comparée

1851-1860
   

– Langue et littérature françaises du Moyen Âge

– Épigraphie et antiquités romaines

1861-1870

– Grammaire comparée

– Chimie organique

1871-1880
   
   
   
   
   
   

– Histoire des doctrines économiques

– Histoire de la philosophie moderne

– Philologie et archéologie assyriennes

– Anatomie générale

– Épigraphie et antiquités grecques

– Esthétique et histoire de l’art

– Histoire des religions

1881-1890

– Langues et littératures celtiques
   

1891-1900

– Histoire générale des sciences

– Philosophie sociale

1901-1910
   
   

– Sociologie et sociographie musulmanes

– Pathologie générale

– Histoire du travail

1911-1920
   
   
   
   

– Prévoyance et assistance sociales

– Histoire et philologie indochinoises
   
   
   
   

– Géographie humaine

– Enseignement de la coopération
   
   

– Histoire générale des sciences

– Philologie et archéologie égyptiennes

– Chimie organique

1921-1930
   
   
   

– Histoire coloniale

– Phonétique expérimentale

– Épidémiologie

– Mécanique animale appliquée
de l’aviation

– Études coloniales
   
   
   
   

1931-1940
   
   
   
   

– Civilisation américaine

– Physique mathématique
   
   
   
   

– Histoire de l’art monumental
   
   
   
   

– Psychologie expérimentale
et comparée

– Histoire de la littérature latine

– Chimie minérale

1941-1950
   
   

– Physique cosmique21

– Civilisations de l’Extrême-Orient

– Histoire et structure sociales
de Paris et de la région parisienne

– Mathématiques22
   
   
   

1951-1960

– Anthropologie sociale
   

1961-1970
   

– Physique théorique des particules élémentaires

– Génétique cellulaire

1971-…

  • 23  Effectifs fondés sur le programme 2015-2016 des enseignements de l’établissement.
  • 24  Source : fichier historique des carrières dans l’enseignement supérieur, calculs faits par nos soi (...)
  • 25  « [D] es transformations profondes se sont accomplies dans l’organisation de notre enseignement su (...)

En 2015, avec ses 44 chaires magistrales, ses 3 professeurs invités et ses trois chaires annuelles23, le Collège de France représente moins d’un demi-pourcent des quelque 13 400 professeurs d’université relevant d’un établissement sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche24. La période que nous étudions correspond donc à un déplacement de la position relative du Collège de France dans le champ académique : cet établissement gagne en prestige au xxe siècle ce qu’il perd en poids vis-à-vis de l’université25.

  • 26  2 AP 12, p. 90.
  • 27  Pour une approche sur le plus long terme, voir Leridon, 2010. Ces résultats se fondent sur les 86 (...)
  • 28  Cette évolution se vérifie également au niveau de l’âge médian et des bornes contenant trois quart (...)

12Pour ne donner qu’une indication de l’intrication des enjeux entre nombre de chaires et prestige de l’établissement, un débat a lieu le 14 janvier 1912 au sein de l’assemblée des professeurs autour d’une proposition de Paul Foucart (Épigraphie et antiquités grecques). Ce professeur appelle à ce que le nombre de chaires soit diminué afin que le traitement (salaire) des professeurs soit augmenté. Jacques Flach (Histoire des législations comparées) et Louis Havet (Philologie latine) vont dans le sens de Foucart en se décalant des seules considérations financières : « Supposé même que la question des augmentations de traitement ne fût pas en cause, ils souhaiteraient pour le bon fonctionnement et pour le prestige du Collège de France, que les chaires y fussent ramenées à un nombre moindre, fixé une fois pour toutes26. » En fin de compte, la proposition de diminution du nombre de chaires est rejetée par 21 voix contre 13, et un bulletin nul. Ce vote indique que près de 40 % des votants étaient en faveur d’une réduction du nombre de chaires au profit d’une augmentation des traitements. Un autre indicateur de cette transformation structurelle, qui souligne la fonction de consécration de cet établissement, est celui de l’évolution de l’âge moyen d’accès au poste de professeur27 : de 44 ans entre 1800 et 1870, il passe à 50 ans entre 1871 et 1940 et presqu’à 54 ans entre 1941 et aujourd’hui28.

Transformation des chaires et des intitulés

13Au terme de ces considérations structurelles se pose la question des changements dans la distribution des types de connaissances savantes produites et transmises au sein de l’établissement sur cette période. En effet, outre les évolutions générées par les rares créations ou suppressions d’enseignements, le spectre des domaines de connaissance au sein de l’établissement dépend avant tout du processus de transformation des chaires, décrit en introduction. En partant du principe raisonnable qu’une transformation d’intitulé lors d’une transition a davantage de chances de signaler une discontinuité dans le domaine de connaissances d’une chaire, nous utilisons ce taux de transformation pour évaluer la tendance à l’inertie disciplinaire. Selon cet indicateur, l’accroissement de la variabilité des intitulés de chaire est indéniable (figure 14) : alors qu’entre 1800 et 1880 ce taux reste inférieur à 20 %, il ne cesse d’augmenter à compter de 1880 pour dépasser les 90 % un siècle plus tard.

14L’interprétation de ce résultat doit tenir compte de la pluralité mouvante des logiques à l’œuvre dans la transformation d’un intitulé puisqu’il faut garder à l’esprit que la modification d’un intitulé non seulement n’implique pas nécessairement un véritable changement de contenu, mais encore peut être compensée, « rattrapée », pourrait-on dire, par la création ou la transformation d’une chaire qui perpétue le domaine de la chaire modifiée.

Figure 14. Évolution du taux de transformation des intitulés (1800-2000).

Figure 14. Évolution du taux de transformation des intitulés (1800-2000).
  • 29  Voici la liste de ces transformations : de Chimie à Chimie minérale ; de Physique mathématique à P (...)

15Pour ce qui est des changements d’intitulé sans changement de domaine, prenons l’exemple des évolutions de la ligne de chaire où s’enseigne l’arabe en 1800 (ligne 18 de la figure 12). Cette chaire va être occupée sur ces 200 ans par 11 professeurs sous 5 intitulés différents. Mais ces changements d’intitulés n’indiquent pas tous des transformations dans le registre des connaissances transmises : le passage d’« Arabe » (1784-1908) à « Langue et littérature arabes » (1909-1943), « Histoire du monde arabe » (1946-1950) et « Langue et littérature arabes » (1951-1959) ne laisse que peu de doute quant à la continuité forte qu’a connue cette chaire pendant cent soixante ans, malgré ses quatre transformations. Ce n’est qu’à l’arrivée du dixième professeur, en 1960, que le changement de domaine semble peu discutable ici, avec un passage à un enseignement de Magnétisme nucléaire. Les transformations d’intitulé qui s’opèrent entre les années 1800 à 1870 sont peu nombreuses et tiennent moins à des déplacements dans l’espace des disciplines qu’à des précisions dans les dénominations29.

16Pour ce qui est des rattrapages d’intitulé entre différentes lignes de chaires, relevons l’exemple de la chaire de Langue et littérature sanscrites, transformée en chaire de Chimie nucléaire en 1937 (ligne 21), quand la même année la chaire de Médecine devient chaire de Langue et littérature sanscrites (ligne 10) et celle d’Épidémiologie devient chaire de Médecine (ligne 54). Ces jeux de « chaires musicales » témoignent de la variété des solutions de maintien dans un contexte où les transformations se multiplient.

17Cet ensemble de résultats confirme une tendance à une plasticité accrue des transitions de chaires au cours du temps. Il n’est toutefois pas possible de trancher nettement sur l’évolution des poids respectifs des domaines de connaissances transmis.

  • 30  On notera ainsi les cas de la transition des Langue et littérature arabes vers le Magnétisme nuclé (...)
  • 31  Il est cependant intéressant de noter que ce type de transition s’effectue presque à sens unique, (...)

18Les données montrent malgré tout que les transitions entre chaires de « sciences » (dont les intitulés pourraient s’apparenter à une discipline relevant de la faculté des sciences) et celles d’autres ordres facultaires sont rares sur ces deux siècles : ils représentent moins de 10 cas30 sur les 375 transitions (dont 212 transformations) observées31. Il semblerait donc, malgré l’augmentation du nombre de transformations d’intitulés, qu’une certaine logique continue à guider ces transitions. Mais de tels constats sont, à ce stade, à envisager avec précaution, tant il est aisé de céder à une catégorisation imposant une conception anachronique des proximités entre domaines de connaissance.

Poids des chaires scientifiques et laboratorisation (1870-1940)

  • 32  Pour catégoriser les types de connaissances produites et transmises au Collège de France depuis le(...)

19Résumons. Dans une perspective structurelle au long cours, tant du point de vue de l’évolution du nombre de chaires que du détail des mouvements de création et de suppression de celles-ci, la période 1870-1940, qui caractérise une transformation plus large de l’enseignement supérieur, concentre la majorité de cette dynamique au Collège de France. Du point de vue des transitions d’intitulé, cette période s’apparente à un moment charnière entre une phase de forte inertie et une autre où les intitulés se transforment systématiquement. Mais, comme nous l’évoquions plus haut, l’analyse de l’évolution des domaines de connaissance butte sur le risque d’imposition de catégories contemporaines à une structuration d’enseignements qui ne l’est pas. En introduction, nous avons décrit comme un avantage la propriété du Collège de France de ne pas séparer ses professeurs selon leurs domaines d’études. Mais, dans la perspective d’un classement rigoureux des chaires selon qu’elles relèvent ou non d’une discipline « scientifique », cette propriété devient plutôt embarrassante32. La consultation des archives des assemblées des professeurs a cependant permis de résoudre ce problème.

  • 33  Procès-verbal de l’assemblée des professeurs du 3 avril 1892, 2 AP 9, p. 131-134.

Monsieur Paris, au nom de la commission nommée par l’assemblée, donne lecture du rapport suivant : « Messieurs, La commission que vous avez chargée de vous présenter un projet de règlement au sujet de l’attribution du prix annuel, que M. Saintour a institué au Collège de France, s’est trouvée en présence d’un projet que lui a soumis l’un de ses membres, M. D’Arbois de Jubainville, qui en avait déjà exposé les lignes principales dans notre réunion du 6 mars. Ce projet consistait à répartir les quarante et un professeurs du Collège de France en cinq sections, dont chacune aurait décerné le prix à son tour. La division en sections a été adoptée par la Commission mais il lui a semblé qu’on trouverait pour les constituer une base plus solide qu’un groupement plus ou moins discutable dans l’attribution qui est faite, pour l’élection aux diverses chaires du droit de présentation, concurremment avec l’assemblée des professeurs à chacune des cinq académies qui composent l’Institut de France. Elle a donc pensé, l’Académie française et l’Académie des beaux-arts présentant à une seule chaire, l’académie des sciences morales et politiques à huit chaires, qu’il y aurait lieu de réunir en une seule section ces trois académies et d’en former une autre avec l’Académie des inscriptions (20 chaires) et une avec l’Académie des sciences (12 chaires). […] Les chaires qui n’ont pas encore été l’objet de présentations de la part de l’Institut seront réparties d’après l’objet de leur enseignement […]. » Après quelques observations faites par M.M. Réville, Guizot et Bréal, les conclusions de la commission sont adoptées33.

  • 34  « Une autre considération à savoir l’intérêt tout particulier que le fondateur du prix portait aux (...)
  • 35  Cette procédure apparaît dans un décret de 1852 et l’article 17 du décret du 1er février 1873 : «  (...)
  • 36  Pour mettre en œuvre cette classification, nous avons cherché dans les registres d’assemblée les c (...)

Pris par des difficultés équivalentes dans le cas d’attribution d’un prix pouvant revenir à toutes les disciplines, les professeurs adoptent en 1892 une classification des chaires, dont l’une consacrée « aux sciences proprement dites34 ». Pour ce faire, ils optent pour un regroupement selon l’académie de l’Institut qui est consultée lors de l’élection d’un professeur à une chaire35. Cette pratique permet de reconstituer une classification indigène des chaires, que nous avons taché de systématiser sur la période 1870-194036 (figure 15).

Figure 15. Évolution du nombre de chaires par groupe d’académies (1870-1940).

Figure 15. Évolution du nombre de chaires par groupe d’académies (1870-1940).

Champ : Chaires du Collège de France présentes entre 1870 et 1940 (Les courbes représentent les tendances lissées de chaque groupe).
Lecture : En 1870, 16 chaires sont affiliées à l’Académie des inscriptions, contre 10 à celle des sciences et 6 aux autres académies de l’Institut.

  • 37  Programme de l’établissement pour l’année 2015-2016.

Sur la base de cette classification, on peut effectivement constater que le nombre de chaires du groupe relevant de l’Académie des sciences connaît une augmentation progressive tout au long de la période, s’accélérant à partir des années 1920, à la différence du nombre de chaires du groupe relevant des Inscriptions et Belles Lettres, qui décline dans les années 1930, et de celui des chaires des autres académies dont la progression est plus fluctuante. Du point de vue du poids relatif, ces évolutions sont faibles : sur ces 70 ans, le taux de chaires « scientifiques » passe de 30 % à 35 %, celui des chaires d’inscriptions de 50 à 40 % et celui des trois autres de 19 à 25 %. En 2015, l’établissement distingue 21 chaires de « sciences mathématiques, physiques et naturelles » et 23 chaires de « sciences humaines et sociales », soit un partage presque parfait entre chaires « scientifiques » et autres37. L’hypothèse d’un accroissement du poids des sciences dans cet établissement, entamé sur cette période, est donc confirmée.

20Mais c’est cependant une autre source d’informations, budgétaire, qui permet d’accéder au véritable lieu des transformations de l’équilibre entre sciences et autres chaires sur cette période : les laboratoires. Le recensement systématique des budgets référencés dans les archives du Collège de France témoigne en effet d’une forte transformation de la structure des dépenses : alors que le traitement des professeurs compte pour plus de 80 % du budget annuel entre 1863 et 1900, ce taux baisse progressivement au début du xxe siècle puis chute au lendemain de la Première Guerre mondiale pour osciller entre 50 et 60 % du budget jusqu’en 1936. Parallèlement, le nombre de professeurs (et le montant de leurs traitements) a augmenté puis s’est stabilisé sur la période.

  • 38  2 AP 12, p. 271.

21L’analyse des postes budgétaires créés sur la période permet de comprendre l’inflexion prise par l’établissement, tant du point de vue des dépenses en personnel qu’en matériel. En ce qui concerne les dépenses en personnel (hors professeurs), sont progressivement rémunérés des chefs de travaux, des garçons de laboratoire, des agents temporaires de station scientifique, des sous-directeurs de laboratoire, des préparateurs temporaires, des agents du cadre spécial, des garçons de laboratoire temporaires ainsi que les préparateurs qui se voient rétribués par des indemnités de doctorat. Ainsi, en 1919, en plus de ses 40 professeurs et de ses secrétaires, bibliothécaires et concierges, l’établissement compte également 10 préparateurs et chefs de travaux, 10 préparateurs temporaires, 17 garçons de laboratoire, 5 garçons de salle et 5 appariteurs38. Pour ce qui est des dépenses de matériel, l’intitulé « frais de cours » se subdivise en 1847 en frais de cours de « chimie, histoire naturelle, embryogénie, langue et archéologie, histoire naturelle et médecine, instruments d’archéologie, astronomie et autres cours de sciences et instruments de physique ». En 1874 se distinguent les « frais de cours sciences » des « frais de cours lettres », le ratio entre les montants alloués aux deux types de cours passant de 1 pour 4 en 1874 à 1 pour 75 en 1930 en faveur des sciences. Si l’intitulé « frais de cours lettres » demeure, celui de « frais de cours sciences » devient en 1879 « Frais de cours et de laboratoire, achat d’instruments et d’objets de collection (sciences) ». Le nombre de chaires bénéficiant d’un financement pour un laboratoire va croissant et concerne 17 chaires sur la période, auxquelles s’ajoutent des stations de recherche, telle une station physiologique créée par la loi du 7 août 1882, et annexée à la chaire d’histoire naturelle des corps organisés.

  • 39  Registre de l’assemblée des professeurs du 8 novembre 1874, 2 AP 7, p. 21.
  • 40  Registre de l’assemblée des professeurs du 27 décembre 1874, 2 AP 7, p. 26.

22L’évolution du budget du Collège de France est donc étroitement liée à l’importance accrue des laboratoires qui ne concernent, à l’exception des chaires de grammaire comparée et de phonétique expérimentale, que des disciplines associées au domaine des sciences. L’étude des procès-verbaux d’assemblée fait ressortir l’importance de Marcelin Berthelot dans ce processus. Dès 1872, il défend l’accroissement du budget consacré aux appareils et instruments. En 1874, il demande de faire passer à 12 000 francs les fonds alloués pour ces achats, « pour subvenir aux besoins de la science et au service régulier des laboratoires39 ». Quelques semaines plus tard, c’est encore lui qui, avec Marey, argumente en faveur de l’obtention de « nouveaux terrains pour construire des laboratoires et autres annexes nécessaires à l’enseignement supérieur »40. Le 26 mars 1876, la question est de nouveau soulevée :

  • 41  Registre de l’assemblée des professeurs du 26 mars 1876, 2 AP 7, p. 61-63.

M. Berthelot [Chimie organique] prend la parole et cite comme exemple de l’insuffisance des frais de cours, l’allocation aux chaires de chimie. Cette allocation est de 2 500 francs par an. Elle aurait pu suffire il y a trente ans, quand les salaires des hommes de peine et le prix des produits chimiques étaient moins élevés ; quand la chimie ne réclamait pas le concours des spectroscopes, polarimètres, endiomètres, colorimètres et autres instruments de précision indispensables maintenant à un enseignement même élémentaire et à plus forte raison à l’enseignement du Collège de France. Or aujourd’hui cette allocation est absorbée presque en totalité par les frais d’homme de peine et de chauffage. […] Restent 300 francs seulement pour les frais d’expériences du cours et les recherches scientifiques du professeur et de ses élèves ; somme qu’il suffit d’énoncer pour montrer que l’enseignement expérimental serait impossible à un professeur privé du concours des subventions des autres établissements scientifiques.[…] M.M. Claude Bernard [Médecine], Balbiani [Embryogénie comparée], Mascart [Physique générale et expérimentale], Marey [Histoire naturelle des corps organisés] et Ranvier [Anatomie générale] s’associent en tout point aux considérations exprimées par M. Berthelot ; leur situation est la même et les frais qu’exige leur enseignement, pour être à la hauteur de la science, ne sont pas moins considérables41.

  • 42  Ces demandes continuent à être portées par Berthelot pendant près de vingt ans. Voir par exemple l (...)
  • 43  Registre de l’assemblée des professeurs du 27 janvier1918, 2 AP 12, p. 252-508.

On voit bien ici comment différents professeurs affiliés aux sciences revendiquent, du fait des transformations des besoins en personnel et matériel qu’ils estiment propres à leurs disciplines, un accroissement des moyens mis à leur disposition42. Le succès de cette entreprise tient pour partie aux intérêts des financeurs pour les applications issues de ces recherches, comme en témoigne une lettre du ministre de l’Instruction publique en 1918 « informant que le ministère de la Guerre a accordé au laboratoire de chimie organique une subvention de 50 000 francs en raison de recherches très importantes poursuivies par M. Moureu dans l’intérêt de la défense nationale et des résultats remarquables qu’il a déjà obtenus43 ».

***

23Nous avons mis en évidence dans ce chapitre que le Collège de France, malgré son fonctionnement spécifique, a connu en même temps que l’Université de Paris d’importantes évolutions structurelles entre la fin du xixe siècle et la première moitié du xxe siècle. Ces transformations se sont notamment manifestées par un accroissement modeste du nombre de chaires scientifiques et la création d’importants postes de budgets attribués à ces disciplines par le biais des laboratoires.

24Nous émettons l’hypothèse que les investissements importants que l’établissement a concédé aux disciplines à laboratoire à partir de cette période ont produit une forme spécifique d’inertie disciplinaire qui expliquerait pour partie l’accroissement du taux de chaires scientifiques qu’a connu cet établissement jusqu’à aujourd’hui. En effet, étant donné le mode d’élection propre à l’établissement, qui permet de remettre en jeu une chaire à chaque vacance, décider de transformer radicalement une chaire affiliée à un laboratoire impliquerait de perdre l’utilité du matériel acheté et de se défaire du personnel affilié à celui-ci.

  • 44  « M. Langevin expose les raisons qui l’ont conduit, […] à proposer la création d’une chaire de chi (...)

25Deux éléments décelés dans les procès-verbaux d’assemblées confortent cette hypothèse. Le premier, issu d’une assemblée discutant le nouvel intitulé de la chaire de langue et littérature sanscrite, vacante suite au décès de Sylvain Lévi, conduit, chose rare, à la mise en concurrence d’intitulés littéraires (indianisme) et scientifiques (chimie générale et chimie nucléaire). La victoire in extremis de la chaire de Chimie nucléaire, qui n’est pas étrangère à la question des laboratoires44, entraîne une réaction diplomatique du titulaire de la chaire d’histoire naturelle des corps organisés :

  • 45  Registre de l’assemblée des professeurs du 26 janvier 1936, 2 AP 14, p. 51 (c’est nous qui soulign (...)

M. André Mayer, une fois le vote acquis, tient à déclarer au nom de ses collègues scientifiques, que ceux-ci, à la première vacance d’une chaire scientifique et dût-il s’agir même d’une chaire d’où dépendrait un laboratoire, s’engagent à ne pas demander que ces crédits soient consacrés à une chaire de science. Ils seront mis à la disposition de l’Assemblée pour rétablir une chaire d’Indianisme, si elle le juge nécessaire45.

L’extrait témoigne bien du statut particulier de ce type de chaire et de l’inertie qui en résulte. Le deuxième élément empirique, plus éloquent encore, concerne une période où il a été convenu avec le ministère que, moyennant l’augmentation des traitements des professeurs, les futures chaires déclarées vacantes, quelles qu’elles soient, ne soient pas renouvelées. Cependant,

  • 46  2 AP 12, p. 215.

[à] propos des deux chaires actuellement vacantes, M. l’administrateur informe l’Assemblée qu’il s’est entretenu avec M. le Directeur de l’Enseignement supérieur de l’application du décret du 22 septembre 1913 et qu’il résulte de cette conversation que certaines difficultés semblent s’y opposer. Il pense que l’existence d’un laboratoire ainsi que celle d’un préparateur et d’autre part que l’importance que paraît appelé à prendre l’enseignement de la chimie organique après la guerre permettent difficilement d’envisager la suppression de cet enseignement46.

Ici, la formulation est encore plus nette : l’existence d’un laboratoire est considérée comme une « difficulté » qui contribue par-là au refus du ministère de supprimer ces chaires de chimie.

26Ces éléments tendent ainsi à confirmer que le phénomène de laboratorisation qu’a connu le Collège de France sur la période étudiée constitue, dans sa matérialité, l’un des principes explicatifs de l’accroissement du poids des disciplines des sciences naturelles au sein d’un établissement dont la devise est de représenter tous les savoirs.

27Le déséquilibre dans le rapport de force entre les chaires à laboratoire et les autres a eu une conséquence paradoxale. Une nouvelle règle semble prévaloir, qui vise à rééquilibrer les charges entre professeurs : « Le service d’enseignement d’un professeur au Collège de France est de dix-huit leçons par an pour les professeurs qui ont un laboratoire et de vingt-six leçons par an pour ceux qui n’en ont pas » (Zink, 2009). Au regard de notre étude, cette décision ne manque pas d’ironie. Partant d’une situation, rare, d’égalité entre professeurs des conditions de travail et de temps à consacrer à la recherche, nous avons montré que les titulaires des chaires de sciences naturelles avaient progressivement bénéficié, par le biais des laboratoires, d’un avantage relatif d’inertie qui contribue à expliquer l’accroissement du poids des sciences dans les chaires contemporaines. Mais voilà qu’en retour des charges induites par les laboratoires les professeurs de sciences naturelles se voient aujourd’hui dégagés d’une partie de leurs enseignements.

Notes

1  Ernest Renan, Questions contemporaines, Paris, Michel-Lévy frères, 1868, p. 144. Sur l’émergence de cette nouvelle autodéfinition du Collège de France, voir le chapitre de W. Feuerhahn dans ce volume.

2  Texte de l’article 15, cf. p. 124.

3  Cette recherche, issue d’une thèse en cours, a été initiée dans le cadre du groupe de travail dirigé par Antoine Compagnon sur le « Passage des disciplines » au Collège de France. Elle s’appuie sur différentes séries d’archives du Collège de France, au premier rang desquelles les procès-verbaux d’assemblée des professeurs (2 AP) et les archives budgétaires de l’établissement (« Affaires financières » – 25 CDF – et « Comptabilité du Collège de France » – 3 CDF). Nous exploitons également une base de données, constituée par l’équipe, qui recense des informations sur les professeurs et chaires depuis le xixe siècle, ainsi qu’un ensemble de données démographiques sur ces professeurs fournies par Henri Léridon. Nous sommes particulièrement reconnaissant à Wolf Feuerhahn, Claire Guttinger, Rémi Sinthon et Céline Surprenant pour leur aide lors des différentes étapes de ce travail.

4  Nous nous appuyons ici sur les données de Huguet et Noguès, 2011, accessibles sur http://facultes19.ish-lyon.cnrs.fr/ (extraites le 22 octobre 2015). Tous les calculs sont les nôtres.

5  À savoir « Archéologie », « Chimie », « Chimie organique », « Éloquence latine », « Grammaire comparée », « Histoire de la philosophie moderne », « Mécanique céleste » et « Poésie latine ».

6  L’Université de Paris propose, entre 1800 et 1880, 249 enseignements pour 40 intitulés distincts ; le Collège de France n’en dispense que 132, mais pour 41 intitulés.

7  Article 16 du décret du 1er février 1873 portant règlement pour le Collège de France (12 CDF J23). Bien qu’instituée, cette pratique a fait l’objet de remises en cause et de débats réguliers entre les professeurs. Voir par exemple les assemblées du 19 janvier 1902 et du 14 novembre 1909 (2 AP 10, p. 186-187 et 2 AP 11, p. 231-233).

8  Les indications entre crochets dans les citations sont utilisées dans ce chapitre pour signaler l’intitulé des chaires des professeurs.

9  Procès-verbal de l’assemblée des professeurs du 16 mars 1873, 2 AP 6, p. 171-172.

10  Procès-verbal de l’assemblée des professeurs du 14 décembre 1887, 2 AP 6, p. 59-61.

11  Pour un retour détaillé autour des enjeux de cette nomination, voir Nicolas et Murray, 2000, le chapitre de J. Carroy, A. Ohayon et R. Plas dans ce volume et l’article récent de Wolf Feuerhahn (2016).

12  Pour donner un ordre d’idée concret de cette mise en présence disciplinaire, on décompte sur la période étudiée une moyenne annuelle de cinq assemblées, réunissant en moyenne 29 professeurs, pour une durée moyenne de deux heures. Il conviendrait cependant de coupler ces résultats à une analyse plus fine des prises de parole effectives lors de ces assemblées.

13  Ces « campagnes » impliquent en effet un grand nombre de rencontres entre les professeurs (Loisy, 1931 ; Halbwachs, 1999).

14  Qui fera dire à Renan : « Quand il s’agit au Collège de choisir entre des candidats scientifiques, ce sont les littéraires qui votent le mieux, et inversement en cas de compétition entre littéraires, ce sont les scientifiques qui votent le mieux », repris dans (Charle, 1993, p. 412).

15  À l’échelle de l’établissement, représenter les domaines ou savants les plus essentiels ou novateurs du moment ; à l’échelle des individus, faire perpétuer son domaine de connaissances.

16  « La mission qui a été confiée au Collège de France diffère essentiellement de celle des autres corps enseignants. Les leçons ne s’adressent pas à des étudiants qui se préparent à prendre leurs grades, mais à un auditoire d’élite où se trouvent représentés tous les âges et toutes les nations de l’Europe. Il est chargé de faire passer de l’enceinte de l’Institut, dans le commerce général des intelligences, ce que les sciences, l’érudition, la critique ont de plus ardu et de plus rare, leurs découvertes les plus hardies et les plus récentes. Aussi dès qu’une science nouvelle a été ajoutée au domaine indéfini des connaissances humaines, aussitôt une nouvelle chaire est créée au Collège de France pour lui servir d’interprète », Lettre des professeurs du Collège de France à l’empereur, reproduite à la fin du procès-verbal de l’assemblée des professeurs du 1er avril 1860 (2 AP 6, p. 28-29).

17  La figure 12 a été réalisée selon les principes suivants : l’élection d’un professeur à une chaire du Collège de France résulte nécessairement d’une des trois possibilités suivantes : création d’une nouvelle chaire ; maintien d’une chaire existante ; transformation d’une chaire existante. À partir du moment où une chaire est créée des professeurs se succèdent à cette chaire. Nous proposons de représenter l’ensemble de ces successions (transitions) comme des « lignes de chaires », composées de segments temporels correspondant chacun à la période pendant laquelle une chaire donnée est occupée par un même professeur. Cette représentation permet d’appréhender à la fois diachroniquement les transitions d’une chaire donnée et, synchroniquement, la composition, année par année, de l’établissement. Pour améliorer la lecture de ce graphique, nous avons agencé verticalement ces différentes lignes par l’ordre de leur apparition et, secondairement, par celui de leur disparition. En avril 1848, 5 chaires sont supprimées et 12 sont créées, mais ces modifications sont annulées dès novembre et ne sont pas prises en compte dans ce chapitre.

18  Chaires créées sans garantie de reconduction lors du départ du professeur.

19  Voir la contribution de Florence Deprest à ce volume.

20  Charle, 1993, p. 403.

21  Cette chaire est le produit de la révocation de Szolem Mandelbrojt en 1942. Dans la mesure où il sera réintégré en 1944 sans supprimer la chaire de son successeur, nous la considérons comme une création.

22  Cette chaire est déclarée comme « réservée », mais ne sera pas affectée.

23  Effectifs fondés sur le programme 2015-2016 des enseignements de l’établissement.

24  Source : fichier historique des carrières dans l’enseignement supérieur, calculs faits par nos soins.

25  « [D] es transformations profondes se sont accomplies dans l’organisation de notre enseignement supérieur. Les Universités ont été créées et se sont rapidement développées. Placé à côté de l’Université de Paris, le Collège de France conserve toute sa raison d’être, non seulement par ses traditions, qui sont glorieuses, mais par le rôle incessant qu’il exerce. J’estime que sa prospérité est indispensable à la prospérité intellectuelle et scientifique de notre pays. Mais je crois aussi qu’il serait utile, dans une refonte du décret de 1873, d’accentuer tout ce qui le différencie des autres établissements d’enseignement supérieur, de fortifier les dispositions qui lui permettront d’accomplir de mieux en mieux, dans toute son étendue, sa fonction propre, c’est-à-dire la recherche et l’exposition des vérités scientifiques, sans aucune préoccupation de préparer ni à des diplômes, ni à des grades, ni à des carrières déterminées », lettre du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, Gaston Doumergue, à l’administrateur du Collège de France, jointe au règlement du Collège de France du 12 novembre 1901, 2 CDF 3-12-t, p.12.

26  2 AP 12, p. 90.

27  Pour une approche sur le plus long terme, voir Leridon, 2010. Ces résultats se fondent sur les 86 professeurs pour lesquels nous disposons des dates de naissance et d’entrée en fonction.

28  Cette évolution se vérifie également au niveau de l’âge médian et des bornes contenant trois quarts de ces entrées. Par comparaison, la moyenne d’âge d’entrée d’un professeur des universités entre 1984 et 2014 est de 45 ans, l’âge médian étant de 45 ans et ses bornes de 40 à 50 ans (source : fichier historique des carrières de l’enseignement supérieur – nos calculs).

29  Voici la liste de ces transformations : de Chimie à Chimie minérale ; de Physique mathématique à Physique générale et mathématique ; d’Histoire naturelle à Histoire naturelle des corps inorganiques ; de Persan et Turc à Persan, de Philosophies grecques et latines à Langue et philosophies grecques, de Littérature française à Langue et littérature françaises modernes ; d’Hébreu à Langues hébraïque, chaldaïque et syriaque ; de Grec moderne à Turc ; d’Histoire et philosophie des législations comparées à Histoire des législations comparées et enfin de Langues et littératures d’origine germanique à Langue et littératures étrangères de l’Europe moderne.

30  On notera ainsi les cas de la transition des Langue et littérature arabes vers le Magnétisme nucléaire (ligne 18 de la figure 12), de la Théorie des équations différentielles et fonctionnelles vers le Droit international (l. 16), de l’Épigraphie et antiquités sémitiques vers la Physiologie des sensations (l. 19), de la Physique mathématique vers l’Analyse économique (l. 19), des Langue et littérature sanscrites vers la Chimie nucléaire (l. 21), de l’Économie politique vers la Chimie organique (l. 23), de la Sociologie des civilisations modernes vers la Chimie des interactions moléculaires (l. 28), de l’Histoire sociale de l’islam contemporain vers la Physique statistique (l. 33) et de la Phonétique expérimentale vers l’Histophysiologie (l. 53).

31  Il est cependant intéressant de noter que ce type de transition s’effectue presque à sens unique, c’est-à-dire vers les sciences. Ce phénomène va donc dans le sens de l’hypothèse d’un accroissement du poids de ces disciplines.

32  Pour catégoriser les types de connaissances produites et transmises au Collège de France depuis le xixe siècle, le Collège de France a récemment mis en ligne un texte qui n’emploie pas moins de 18 domaines : « Le Collège de France. Quelques données sur son histoire et son caractère propre », Annuaire du Collège de France, mis en ligne le 22 novembre 2013, http://annuaire-cdf.revues.org/126.

33  Procès-verbal de l’assemblée des professeurs du 3 avril 1892, 2 AP 9, p. 131-134.

34  « Une autre considération à savoir l’intérêt tout particulier que le fondateur du prix portait aux sciences proprement dites, à faire attribuer le même avantage à la section des sciences », 2 AP 9, p. 130.

35  Cette procédure apparaît dans un décret de 1852 et l’article 17 du décret du 1er février 1873 : « L’administrateur est tenu de communiquer sans délai les résultats du vote au Ministre en joignant à la dépêche : 1° la liste nominative des membres qui ont pris part au scrutin ; 2° l’indication du nombre de voix acquises à chacun des candidats ; 3° un rapport certifié par le conseil d’administration et contenant l’exposé de l’appréciation, des travaux des candidats. Ces documents sont communiqués par le Ministre à la classe de l’Institut qui doit participer à l’élection » (l’italique est de nous).

36  Pour mettre en œuvre cette classification, nous avons cherché dans les registres d’assemblée les copies des décrets de nomination des 184 professeurs présents entre 1870 et 1940, qui figurent généralement à la fin des procès-verbaux des séances. Après avoir recensé les académies pour les 123 cas retrouvés, nous avons attribué une académie aux autres professeurs, 1° selon qu’ils soient membres d’une de ces académies (39 cas) ; 2° sur la base d’intitulés identiques ou très proches de chaires déjà associées à une académie (18 cas) ; et 3° pour les quatre cas restants, sur la base de la trajectoire scolaire, professionnelle et de la bibliographie des individus.

37  Programme de l’établissement pour l’année 2015-2016.

38  2 AP 12, p. 271.

39  Registre de l’assemblée des professeurs du 8 novembre 1874, 2 AP 7, p. 21.

40  Registre de l’assemblée des professeurs du 27 décembre 1874, 2 AP 7, p. 26.

41  Registre de l’assemblée des professeurs du 26 mars 1876, 2 AP 7, p. 61-63.

42  Ces demandes continuent à être portées par Berthelot pendant près de vingt ans. Voir par exemple les assemblées des 9 novembre 1879 (2 AP 7, p. 143), 14 mars 1880 (2 AP 8, p. 3) et 8 novembre 1903 (2 AP 11, p. 24-25).

43  Registre de l’assemblée des professeurs du 27 janvier1918, 2 AP 12, p. 252-508.

44  « M. Langevin expose les raisons qui l’ont conduit, […] à proposer la création d’une chaire de chimie générale disposant du laboratoire que dirigeait M. Matignon. […] Il s’agit donc bien d’une science chimique, […], capable d’utiliser au mieux un laboratoire de chimie auquel devrait seulement être adjointe pour la production de nouveaux éléments, une installation électrique de haute tension », 2 AP 14, p. 49-50.

45  Registre de l’assemblée des professeurs du 26 janvier 1936, 2 AP 14, p. 51 (c’est nous qui soulignons).

46  2 AP 12, p. 215.

Table des illustrations

Titre Figure 12. Évolution des chaires du Collège de France 1800-2000.
URL http://books.openedition.org/lesbelleslettres/docannexe/image/163/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 2,1M
Titre Figure 14. Évolution du taux de transformation des intitulés (1800-2000).
URL http://books.openedition.org/lesbelleslettres/docannexe/image/163/img-2.png
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Titre Figure 15. Évolution du nombre de chaires par groupe d’académies (1870-1940).
Légende Champ : Chaires du Collège de France présentes entre 1870 et 1940 (Les courbes représentent les tendances lissées de chaque groupe). Lecture : En 1870, 16 chaires sont affiliées à l’Académie des inscriptions, contre 10 à celle des sciences et 6 aux autres académies de l’Institut.
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Auteur

Yann Renisio, sociologue, est doctorant à l’EHESS et Ater au Collège de France. Ses principaux travaux visent, d’une part, à décloisonner sociologies de l’éducation, des sciences, et de l’enseignement supérieur et de la recherche (voir « L’origine sociale des disciplines », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 210, 2015) et, d’autre part, à dépasser le clivage entre sociologies quantitative et qualitative (voir, avec Rémi Sinthon, « L’analyse des correspondances multiples au service de l’enquête de terrain : pour en finir avec le dualisme qualitatif/quantitatif », Genèses, n° 97, 2014).

© Les Belles Lettres, 2017

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