Notices sur les ouvrages de Galien d’où sont tirés les souvenirs
p. 157-178
Texte intégral
Avertissement
1Dans les Souvenirs, les références à Galien ont été faites d’après la grande édition de C.G. Kühn, en 20 volumes (dont deux doubles), parue à Leipzig de 1821 à 1833 (réimpression Hildesheim 1964-1965). Le volume de Kühn est donné en chiffres romains avant le titre ; après celui-ci viennent le livre, le chapitre, la page et la ligne. Mais le texte de Kühn laisse souvent à désirer. Heureusement, plusieurs traités sont maintenant accessibles dans des éditions critiques modernes. Le cas échéant, c’est sur le texte de celles-ci qu’est fondée ma traduction. Deux collections sont particulièrement importantes : les Galeni scripta minora (= Scr. min.), 3 volumes, Leipzig 1884-1893 (réimpression Amsterdam 1967), et le Corpus medicorum Graecorum (= CMG), en cours de publication. Dans tous les cas, les éditeurs modernes reproduisent en marge la pagination de Kühn ; les concordances sont donc faciles à établir. On trouvera, à la fin de chaque notice, la liste des éditions du traité en question.
I. De ses propres ouvrages
2Vers la fin de sa vie, Galien a établi, à la demande de son ami Bassus, une sorte de catalogue raisonné de ses propres ouvrages. Il y souligne notamment qu’à l’origine, plusieurs de ses livres n’étaient pas destinés à la publication. Certains d’entre eux devaient simplement servir d’aide-mémoire à des collègues ou amis ; d’autres contenaient les procès-verbaux de démonstrations d’anatomie, de colloques ou de cours publics donnés par Galien. Quand des copies, souvent remaniées maladroitement, commencèrent à circuler, Galien se vit amené à en opérer lui-même la révision ou à en procurer une version plus complète. Pour le reste, il classe ses ouvrages d’après les matières traitées, et non sans donner parfois d’intéressantes précisions sur les circonstances de leur composition. Outre ses ouvrages relatifs à la théorie et à la pratique médicales – anatomie et physiologie, nosologie, thérapeutique et prognostique – il avait beaucoup écrit sur les œuvres d’autres médecins, surtout des commentaires à Hippocrate et des polémiques contre Erasistrate, les empiristes et les méthodiques. La philosophie est également fort bien représentée dans la liste, surtout avec de nombreux ouvrages de logique et d’épistémologie, des traités de morale, des monographies consacrées à Platon et Aristote, aux Stoïciens et aux Épicuriens. Même les problèmes relatifs au langage avaient retenu son attention ; les ouvrages qu’il leur a consacrés comportaient plus de soixante livres.
3Éditions : Kühn XIX 8-48. I. Müller, Scr. min. II 91-124.
II. Sur l’ordre de ses ouvrages
4Répondant à un désir d’Eugénianos, Galien explique à celui-ci dans quel ordre il conseille de lire ses ouvrages. Ces pages précieuses nous indiquent comment Galien conçoit la formation du futur médecin. Celui-ci devra se garder de tout sectarisme. Plutôt que d’adhérer aveuglément aux théories de l’une ou l’autre école, il commencera par s’exercer au jugement critique, de manière à pouvoir distinguer par lui-même le vrai du faux. Puis il lira les ouvrages d’initiation que Galien a spécialement conçus pour les débutants. Après cela, il passera à l’étude de l’anatomie et à celle de la physiologie. Il se familiarisera avec les constituants matériels du corps en approfondissant ses connaissances sur les quatre éléments et leurs mélanges. Cela lui permettra, du reste, de bien comprendre les ouvrages sur les médicaments simples et les médicaments composés, et aussi d’aborder avec fruit l’examen de la constitution normale du corps humain et celui des complexions maladives. A cette étude fera suite celle de l’hygiène. Une lacune d’à peu près une page dans les manuscrits nous prive malheureusement de la suite de ce programme. Quand le texte reprend, Galien conseille à ses lecteurs de se familiariser avec l’œuvre d’Hippocrate, en recourant notamment aux commentaires que lui, Galien, lui a consacrés. Parmi les nombreux ouvrages de logique qu’il avait composés, c’est surtout l’important traité De la démonstration dont Galien recommande la lecture au futur médecin. Enfin, suivant la mode de son temps, il s’était beaucoup occupé des problèmes relatifs à la correction du langage attique. Sans vouloir imposer au médecin un purisme rigoureux, il constate que, souvent, médecins et philosophes aiment à donner aux mots des significations nouvelles et se rendent ainsi coupables d’entorses au bon usage. La lecture des pages qu’il a consacrées à ces questions pourra leur être salutaire.
5Éditions : Kühn XIX 49-61. I. Müller, Scr. min. II 80-90.
III. La pratique de l’anatomie
6Le grand traité Sur la pratique de l’anatomie comportait quinze livres à l’origine. Seuls les livres I à VIII et les premiers chapitres du livre IX nous sont parvenus dans le texte grec original. La partie perdue en grec nous est accessible dans une traduction arabe du Moyen Age.
7A la demande d’auditeurs qui avaient assisté à Rome à ses démonstrations d’anatomie, Galien avait écrit, au début du règne de Marc Aurèle, un petit ouvrage d’anatomie en deux livres, où étaient consignés les procès-verbaux des démonstrations en question. Cet opuscule, dont Galien ne cache pas les faiblesses et les lacunes, disparut dans un incendie. Quelques années plus tard, Galien revint sur le sujet et rédigea l’ouvrage beaucoup plus détaillé qui nous est parvenu. Les matières y sont présentées à peu près dans le même ordre que dans le traité (plus ancien) Sur l’usage des parties. Mais, tandis que dans ce dernier, l’auteur s’attache surtout à expliquer le fonctionnement des organes, il donne, dans le traité qui nous occupe, une description proprement anatomique des parties du corps. Dans les livres conservés en grec, il étudie successivement la main et le bras, le pied et la jambe, la tête, le cou et le tronc, le système digestif, l’appareil respiratoire et les organes de la cage thoracique, et finalement le cerveau. Les livres conservés en arabe portent sur la moelle épinière, les yeux, la langue, la trachée-artère, les vaisseaux sanguins, les nerfs et les organes sexuels.
8Éditions : Kühn II 214-371 (livres I-IX 5). M. Simon, Galens Anatomie. 7 Bücher veröff. nach den Hss. einer arabischen Übersetzung, 2 vol., Leipzig 1906 (texte arabe, traduction et commentaire des livres perdus en grec). Voir aussi la traduction anglaise de C. Singer, G. On Anatomical Procedures (I-IX 6), Londres, 1956.
IV. Les facultés naturelles
9Ce traité, en trois livres, est consacré surtout aux « puissances » ou « forces » de l’organisme qui président aux phénomènes de la croissance et de la nutrition. A différents niveaux, on peut observer une « force d’attirance », en vertu de laquelle l’organisme tend à se pourvoir des substances qui lui conviennent. Ces substances, il se les attache et les transforme pour se les assimiler et les conserver en lui, grâce à son « pouvoir de rétention ». A l’inverse, l’organisme comporte aussi un « pouvoir de répulsion », qui le détourne des substances non appropriées et le fait rejeter les déchets non assimilés.
10Comme souvent chez Galien, l’ouvrage a un caractère polémique très marqué. L’auteur s’oppose surtout aux vues de ceux qui ne voient dans la nutrition et la croissance que des phénomènes purement physiques. Pour lui, ces phénomènes s’expliquent par l’action de forces propres au vivant, et non par le seul jeu de forces mécaniques sur des matériaux inertes.
11Il est assez probable que le traité a été rédigé dans les débuts du second séjour de Galien à Rome, pendant les loisirs que lui laissait l’absence de Marc Aurèle, qui faisait campagne contre les Marcomans.
12Éditions : Kühn II 1-214. G. Helmreich, Scr. min. III 101-257. A.J. Brock, Galen On the Natural Faculties, Londres, 1916.
V. La formation des embryons
13Ce petit traité date certainement des dernières années de l’activité scientifique de Galien. Longtemps auparavant, Galien s’était déjà penché, avec son traité Du sperme, sur les problèmes des origines de la vie. Dans La formation des embryons, il s’attache naturellement à établir dans quel ordre et à quel moment apparaissent les divers organes du jeune vivant. Mais il se demande aussi quelles forces président à ce développement, qui fait toute son admiration. Après avoir présenté diverses hypothèses, il finit par considérer le problème comme à peu près insoluble.
14Édition : Kühn IV 652-702.
VI. Les habitudes
15Ce petit ouvrage est consacré au problème de l’accoutumance. Pour Galien comme déjà pour Hippocrate et pour Érasistrate, les habitudes du malade sont un facteur dont le médecin doit tenir compte pour établir son traitement. Mais comment s’explique la puissance de l’habitude ? La cause en est-elle la même dans tous les domaines ? En ce qui concerne les habitudes alimentaires, Galien souligne d’abord qu’en raison de leur naturel, certaines personnes se sentent portées vers telle ou telle nourriture, qu’elles trouvent agréable et digèrent facilement. Si, peu à peu, elles s’accoutument à une autre alimentation, celle-ci a pour effet de modifier leur complexion, si bien qu’elles finissent par aimer des choses qui leur déplaisaient à l’origine. La même explication vaut pour les agents extérieurs, comme le chaud ou le froid, que nous finissons par bien supporter quand l’habitude a modifié notre naturel. Quant aux exercices, tant physiques qu’intellectuels, ils fortifient le corps et les facultés mentales, à condition d’être bien dosés. Leur abus peut s’avérer nuisible, tandis qu’un entraînement insuffisant est sans utilité. Restent enfin les évacuations, telles que saignements de nez, vomissements, diarrhées, etc. Galien ne croit pas qu’elles fassent l’objet d’une accoutumance. Si elles se répètent, c’est que la cause qui les a déclenchées à l’origine réapparaît plus ou moins régulièrement.
16Cet opuscule, qui, par certains côtés, rappelle le grand traité d’hygiène de Galien, se fonde sur des catégories sans doute établies par l’hygiéniste Antyllos (nourriture, exercices, évacuations, agents externes). Il semble avoir été rédigé assez tard.
17Éditions : Le texte grec de cet opuscule manque dans l’édition de Kühn. Il a été édité pour la première fois en 1832 par F.R. Dietz. Il est accessible maintenant dans les éditions d’I. Müller, Scr. min. II 9-31 et de J.-M. Schmutte, CMG suppl. III (1941).
VII. Les doctrines d’Hippocrate et de Platon
18De tous les traités de Galien qui nous sont parvenus, le plus philosophique est celui où les doctrines d’Hippocrate sont comparées à celles de Platon. C’est surtout des problèmes relatifs à l’âme qu’entend s’occuper l’auteur. Plus précisément, il se propose d’exposer et de critiquer diverses théories relatives aux « forces » ou « puissances » qui, dans l’être vivant, sont à l’origine des diverses manifestations de la vie, depuis la reproduction, la nutrition et la croissance jusqu’à la pensée, en passant par la sensation, les émotions et les passions. On sait que les philosophes s’étaient vivement intéressés à ces questions. Ils étaient divisés sur bien des points. Y a-t-il dans l’homme, comme le croyait Platon, trois âmes, ayant chacune son siège propre ? Ou faut-il admettre, avec Aristote, que le principe de vie est unique, mais comporte des facultés diverses ? Où est situé le « principe directeur » de l’être humain ? Est-ce dans le cœur ou dans le cerveau ? Ces problèmes et bien d’autres, sur lesquels s’étaient penchés Hippocrate, Platon, Aristote, Chrysippe et Posidonius, pour ne nommer que des grands noms, Galien veut les examiner en homme de science, en spécialiste du corps humain plutôt qu’en philosophe. C’est en se fondant sur l’anatomie et la physiologie qu’il distribue ses éloges et ses blâmes. Ainsi, il établit que les nerfs sensitifs et les nerfs moteurs aboutissent au cerveau ou en partent : c’est donc bien dans le cerveau qu’il faut situer le « principe directeur » de l’organisme humain. Dans l’ensemble, Galien estime que c’est Platon et Hippocrate qui ont présenté les vues les plus satisfaisantes sur ces différents problèmes.
19L’ouvrage a été rédigé en deux étapes. Les six premiers livres datent du premier séjour à Rome. Les livres VII à IX ont vu le jour plusieurs années plus tard, durant le second séjour à Rome.
20Éditions : Kühn V 181-805. Ph. De Lacy, CMG V 4, 1, 2 (1978- 1984).
VIII. La méthode thérapeutique
21Ce grand traité, en quatorze livres, a été rédigé en deux étapes. Les six premiers livres sont dédiés à Hiéron, qui avait pressé Galien d’exposer sa méthode par écrit. La mort inattendue d’Hiéron amena Galien à laisser tomber provisoirement son projet. Celui-ci ne fut repris que sous le règne de Septime Sévère ; alors furent rédigés, d’après de brèves notes plus anciennes, les livres VII à XIV, dédiés à Eugénianos.
22Dans les deux premiers livres, qui constituent une sorte d’introduction générale, l’auteur souligne l’importance que présente pour le médecin la bonne connaissance de la méthode philosophique de la démonstration. Il propose de distinguer quatre types de dérangements en rapport avec la maladie : les troubles des fonctions physiologiques, les affections dont procèdent ces troubles, les causes qui ont provoqué ces affections, enfin les conséquences (symptômes) qui font obligatoirement suite à ces affections. Dans le reste du traité, les maladies sont groupées en trois grandes catégories. Les unes apparaissent comme des solutions de continuité dans les tissus ou les organes (livres III-VI). D’autres, notamment les fièvres, découlent d’un mélange incorrect (dyscrasie) des composants corporels (livres VII-XII). D’autres enfin, comme les tumeurs, se manifestent par un accroissement non naturel du volume de certains tissus ou de certaines parties du corps.
23Édition : Kühn X 1-1021.
IX. A Glaucon, sur la méthode thérapeutique
24Glaucon, un philosophe dont Galien avait fait la connaissance pendant son premier séjour à Rome, avait, avant de partir pour un long voyage, prié Galien d’écrire à son intention un ouvrage exposant les aspects fondamentaux de sa méthode thérapeutique. Galien accéda à son désir avant même d’avoir terminé son grand ouvrage sur le même sujet. Dans le premier des deux livres à Glaucon, il s’occupe surtout du diagnostic et du traitement des fièvres. Le second est consacré aux inflammations et aux humeurs.
25Édition : Kühn XI 1-146.
X. Les endroits affectés
26Ce traité en six livres est l’un des tout derniers qu’ait écrits Galien, sous le règne de Septime Sévère. Le vieux médecin dispose d’un savoir et d’une expérience remarquables. Il rappelle non sans fierté qu’il a soigné à Rome les personnages les plus éminents, même les empereurs.
27Comme l’indique son titre, l’ouvrage est une longue initiation à la pathologie topographique. Galien commence (livres I-II) par discuter de questions de méthode. Il souligne notamment la nécessité d’une bonne connaissance de l’anatomie et de la physiologie humaines. Puis, dans les quatre livres suivants, il passe en revue les divers sièges des maladies, pour ouvrir ainsi la voie à des diagnostics précis et à une thérapeutique efficace. Il parle tout d’abord de la tête, où, d’après lui, est située la partie directrice (« hégémonique ») de l’homme. Il examine les divers troubles non liés à la fièvre, folie, léthargie, épilepsie, migraine, etc. Ensuite il passe au visage, parle des maladies des yeux, de la langue et de l’ouïe. Puis il traite de la colonne vertébrale et de la moelle épinière, des organes de la respiration, du cœur, du diaphragme, de l’estomac, du foie, de la rate et des intestins, pour s’occuper finalement des organes urinaires (reins, vessie) et des organes sexuels.
28Édition : Kühn VIII 1-452.
XI. Les traités sur le pouls
29Dans la diagnostique de Galien, l’examen du pouls joue un rôle de tout premier plan. Galien n’est certainement pas le premier à en avoir reconnu l’importance et à lui avoir consacré de nombreux traités. Nous savons, par exemple, qu’Archigène d’Apamée, un médecin de l’école dite pneumatique, qui pratiquait à Rome à l’époque de Trajan, avait étudié dans le détail les diverses qualités du pouls. Bien qu’il le critique souvent, Galien lui doit certainement beaucoup. Parmi les ouvrages de Galien lui-même, il y a lieu de mentionner avant tout quatre grands traités, chacun en quatre livres, qui forment, pour ainsi dire, la somme de la pulsologie galénienne.
Les différences du pouls. L’auteur établit un classement systématique des multiples particularités que peut présenter le pouls, et il désigne chacune d’elles par un nom précis. Philosophe en même temps que médecin, il entend préciser, mieux que ne l’avait fait Archigène, quels sont les genres suprêmes auxquels se subordonnent ces particularités. Il distingue a) la rapidité ou la lenteur relative du mouvement, b) l’intensité ou la faiblesse de la pulsation, c) les qualités dues à la souplesse ou à la rigidité de l’artère, d) la longueur ou la brièveté de la diastole artérielle, et e) la durée de la systole, c’est-à-dire de l’intervalle entre deux diastoles artérielles. Notons que d’après lui, les pulsations ne sont pas dues uniquement aux contractions du cœur, mais aussi à des mouvements propres aux artères, mouvements qui sont synchrones de ceux du cœur.
La connaissance du pouls. Les différentes qualités du pouls une fois définies, il s’agit pour le médecin d’apprendre à bien les reconnaître.
Les causes du pouls. L’auteur se propose de rechercher à quelles causes remontent les battements du pouls et leurs altérations éventuelles. Trois genres de causes sont envisagés : les causes « cohésives » ou principales, qui sont d’ordre organique, les causes « initiales », à chercher dans des facteurs externes à l’organisme (un bain chaud, par exemple), et les causes « antécédentes », qui résident dans les prédispositions de l’organisme à réagir de telle façon ou de telle autre à certaines influences extérieures.
Le diagnostic par le pouls. C’est, naturellement, le but vers lequel sont orientés les trois traités précédents : le médecin doit savoir quelles altérations du pouls naissent des diverses maladies, et s’il constate à l’examen que le pouls présente telle ou telle particularité, il doit pouvoir remonter jusqu’à l’affection qui en est la cause.
30Le vaste ensemble consacré à l’étude du pouls remonte aux premières années du second séjour de Galien à Rome, environ à l’époque où Marc Aurèle guerroyait contre les Marcomans. Prévoyant que beaucoup de médecins n’auraient ni le temps ni le courage de s’assimiler la matière de ces seize livres, Galien décida d’en rédiger lui-même un condensé, une synopsis, que nous possédons encore et où sont présentés les aspects principaux de la doctrine.
31Par ailleurs, sans doute alors qu’il avait déjà rédigé une bonne partie du grand corpus, il composa, à l’intention des débutants, un bref manuel d’initiation à l’examen du pouls, qui nous est parvenu.
32Mais ce n’est pas tout. Probablement avant même la mise en chantier du grand corpus, Galien avait écrit une petite monographie sur L’utilité du pouls. L’ouvrage est consacré à un problème physiologique : il s’agit d’établir à quoi sert la pulsation dans le vivant. D’après Galien, elle est destinée, comme la respiration, à entretenir et à régler la chaleur vitale indispensable à l’organisme.
33Enfin, toujours avant la rédaction du grand corpus, Galien avait étudié l’ouvrage d’Archigène, le grand spécialiste de la pulsologie, et il lui avait consacré un commentaire critique en huit livres, qui ne nous est pas parvenu.
34Éditions : 1. Différences du pouls Kühn VIII 493 – 765. 2. Connaissance du pouls Kühn VIII 766-961. 3. Causes du pouls Kühn IX 1 – 204. 4. Diagnostic par le pouls Kühn IX 205-430. 5. Synopse Kühn IX 431-549. 6. Pour les débutants Kühn VIII 453-492. Voir en outre R. Trifogli, G. de pulsibus ad tirones, Rome, 1958 (traduction et commentaire). 7. Utilité du pouls Kühn V 149-180.
XII. La pléthore
35Avec bon nombre d’autres médecins, Galien partage l’opinion qu’un mélange bien équilibré des quatre qualités fondamentales (chaud, froid, sec, humide) est indispensable au fonctionnement correct de l’organisme. Celui-ci sera dérangé si l’une ou l’autre des « humeurs », et notamment le sang, se trouve être surabondante. Dans ce cas, le traitement classique était la saignée. Galien s’attache à réfuter, dans son traité, les vues de certains autres médecins, qu’il estime trop superficielles, incomplètes ou tout à fait fausses.
36L’ouvrage, où l’auteur renvoie notamment à son grand traité d’Hygiène, semble bien avoir été écrit à Rome, dans la seconde moitié du règne de Marc Aurèle.
37Édition : Kühn VII 513-583.
XIII. Le tremblement
38Dans ce petit ouvrage, Galien s’attache à décrire et à bien différencier quatre affections ayant leur siège dans les muscles : le tremblement, qui apparaît parfois dans l’exécution de mouvements volontaires, la palpitation, qui peut affecter un muscle indépendamment de tout mouvement volontaire, le frisson et la crampe.
39Édition : Kühn VII 584-642.
XIV. Médicaments simples
40Galien a consacré à la pharmacologie des ouvrages très étendus. Dans ce domaine, son œuvre nous apparaît à la fois comme une somme de la science et de l’expérience pharmaceutiques de son temps – il reproduit des centaines de formules dues à des prédécesseurs ou à des contemporains – et comme une vaste tentative de classer systématiquement les médicaments et d’expliquer scientifiquement le mécanisme de leur action. Le médecin devra bien connaître les qualités propres des médicaments et la manière de les préparer. Tenant compte de l’état du patient, de la nature et de la gravité de sa maladie, il devra déterminer en outre la quantité du médicament la mieux indiquée en l’occurrence, ainsi que les modalités de son application.
41Galien distingue deux grandes catégories de médicaments. Les médicaments simples sont ceux que la nature nous offre, pour ainsi dire, tout préparés : des plantes, pour la plupart, mais aussi des substances minérales, et d’autres tirées des animaux ou produites par eux. Les médicaments composés sont réalisés par le spécialiste, qui mélange, dans les proportions requises, plusieurs médicaments simples.
42Aux médicaments simples est consacré un vaste ouvrage en onze livres, intitulé Sur le tempérament et l’efficacité des médicaments simples. Les huit premiers livres, écrits sous le règne de Marc Aurèle, comportent une longue introduction théorique et méthodologique (livres I-V), dans laquelle l’auteur s’efforce surtout, en se fondant sur la théorie des qualités, d’expliquer comment les médicaments agissent sur l’organisme. Après cela (livres VI-VIII), il passe en revue les médicaments d’origine végétale, qui sont les plus utilisés. Le reste de l’ouvrage (livres IX-XI) ne verra le jour que vingt ans plus tard, sous le règne de Septime Sévère. Dans l’intervalle, Galien, de son propre aveu, avait été pris par d’autres obligations, et surtout certaines sources d’information lui faisaient défaut à l’origine : il n’avait ni vu ni expérimenté certaines substances minérales dont il se proposait de parler. Au cours de plusieurs voyages scientifiques (en Palestine, en Phénicie, à Chypre, sur la côte lycienne et ailleurs), il put compléter ses connaissances et, alors seulement, il rédigea les trois derniers livres de son traité. Ceux-ci portent sur les remèdes tirés du sol (livre IX), puis sur les substances d’origine animale (sang, lait et produits laitiers, bile, sueur, urine, salive, excréments, chair, graisse, moelle, foie, os, etc.), sur certains mollusques et fruits de mer, et enfin sur des substances non vivantes tirées de la mer ou de l’eau douce (livres X et XI).
43L’étude des médicaments composés (voir notice XV) fait suite à celle des médicaments simples.
44Édition : Kühn XI 379-892 + XII 1-377.
XV. Médicaments composés
45Après avoir longuement étudié les médicaments simples (voir Notice XIV), Galien consacra deux ouvrages distincts aux médicaments composés. L’un et l’autre ont été rédigés sous le règne de Septime Sévère. Le premier est intitulé La composition des médicaments, d’après leur genre. Il comporte sept livres. Galien en avait déjà écrit deux quand un incendie ravagea son cabinet, où se trouvait le manuscrit, si bien qu’il dut rédiger ces livres une seconde fois ; la version que nous en lisons se trouve donc être la deuxième. Comme l’indique le titre, les médicaments étudiés dans l’ouvrage y sont groupés par catégories.
46Une seconde collection de remèdes fait suite à la précédente. Elle a comme titre La composition des médicaments, d’après les lieux, et est faite de dix livres. Les médicaments décrits sont groupés, cette fois, d’après les parties du corps auxquelles ils sont destinés.
47En raison du grand nombre des formules qu’ils contiennent, ces deux ouvrages constituent l’un des monuments les plus précieux de la pharmacopée antique.
48Éditions : 1. D’après les genres Kühn XIII 362-1058. 2. D’après les lieux Kühn XII 378 – XIII 361.
XVI. Les antidotes
49Par le terme général d’antidote, les médecins anciens désignaient les médicaments absorbés par voie buccale, par opposition aux médicaments appliqués de l’extérieur sur le corps ou la partie malade. Ils distinguaient trois grandes catégories d’antidotes : ceux qu’on prend comme contrepoisons, ceux qui doivent combattre les morsures ou piqûres d’animaux venimeux, et ceux qui fortifient l’organisme contre les effets néfastes d’une alimentation malsaine. Il existait, dans la pharmacopée antique, des médicaments compliqués, auxquels on attribuait ces trois effets à la fois. Ainsi la fameuse thériaque, traditionnellement liée au nom de Mithridate. C’est de sa composition et de ses multiples variétés que parle Galien dans le premier livre de son traité sur les antidotes. Le second livre n’est guère qu’une compilation, dans laquelle Galien reproduit les formules de contrepoisons réalisés par Andromaque, qui fut médecin-chef de l’empereur Néron.
50L’ouvrage est l’un des tout derniers qu’ait écrit Galien avant sa mort.
51Édition : Kühn XIV 1-209.
XVII. Les sucs des aliments
52C’est peu de temps après être venu à Rome pour la seconde fois que Galien écrivit le traité d’alimentation en trois livres intitulé Sur la vertu des aliments. Il y parle des farines, des légumineuses, des céréales, des fruits, des légumes, des racines et des diverses nourritures d’origine animale, dont le diététicien doit bien connaître les propriétés. Vers la fin de l’introduction de ce traité, il écrit : « Si l’exposé est trop long ou devait le devenir, nous nous proposons de revenir plus tard sur le sujet dans un autre ouvrage, plus court, mais qui sera tout de même utile aux spécialistes. » L’ouvrage qu’il nous promet ainsi n’est sans doute autre que le petit traité intitulé Sur les sucs bons ou mauvais des aliments. Outre les indications attendues sur les propriétés diététiques et thérapeutiques des aliments, on y trouve quantité de renseignements intéressants sur les grandes famines, les épidémies qui s’abattirent sur certaines provinces de l’empire, et aussi des souvenirs personnels de l’auteur, notamment sur ses jeunes années et sur son père.
53Éditions : Kühn VI 749-815. G. Helmreich, CMG V 4, 2 (1932).
XVIII. Le pronostic
54Galien estime que le médecin doit être capable non seulement de diagnostiquer une maladie, mais aussi d’en prévoir l’évolution aussi exactement que possible. C’est à ce sujet qu’il consacre son ouvrage sur Le pronostic. Contrairement à ce qu’on pourrait peut-être attendre, cet ouvrage n’est pas un traité scientifique où seraient exposés les principes fondamentaux et les observations permettant de préciser scientifiquement quelle sera, dans tel cas donné, l’évolution de la maladie. Galien s’efforce plutôt, en évoquant des souvenirs personnels, de montrer qu’il excellait de façon peu commune dans l’art de la prévision. Il nous raconte plusieurs cas dans lesquels ses pronostics se sont avérés exacts et ont fait l’admiration de tous. A la différence des Épidémies hippocratiques, où l’intérêt est centré sur la maladie et le malade, c’est ici le médecin lui-même qui apparaît au premier plan. L’intention apologétique est évidente et s’explique sans peine par la malveillance et les critiques dont Galien avait été l’objet au début de son activité à Rome. Aussi bien l’auteur nous brosse-t-il un tableau assez sombre des milieux médicaux romains avec lesquels il s’est trouvé en contact. Il raconte comment il a soigné plusieurs hauts personnages de la meilleure société et s’est acquis leur confiance et même leur amitié. Il nous parle longuement des fameuses « démonstrations anatomiques » auxquelles il s’est livré à Rome, surtout dans le courant de l’année 163, devant un public de gens cultivés. Même des membres de la famille impériale, notamment Marc Aurèle lui-même et le jeune Commode, ont été soignés par lui. A peu près chaque page de cet ouvrage très attachant mériterait d’avoir sa place dans les Souvenirs de Galien.
55La plupart des cas racontés remontent au premier séjour de Galien à Rome (de l’automne 162 à l’été 166). D’autres, qui occupent les derniers chapitres (notamment ceux qui concernent les soins donnés à la famille impériale), doivent être datés des années 169 à 176 environ. Galien lui-même note qu’au moment où il écrit, quinze ans se sont écoulés depuis ses démonstrations publiques d’anatomie. L’ouvrage a donc été rédigé durant l’année 178, alors que l’auteur n’avait pas encore atteint la cinquantaine.
56Éditions : Kühn XIV 599-673. V. Nutton, CMG V 8, 1 (1979) (avec un commentaire précis et admirablement documenté, un modèle du genre).
XIX. Connaissance et traitement des affections de l’âme
57Rien de ce qui est humain ne lui étant étranger, Galien s’est penché à plusieurs reprises sur des problèmes de philosophie morale. L’âme, elle aussi, peut souffrir de maladies, qu’il importe de reconnaître et de soigner. Ces « maladies » de l’âme ne sont évidemment ni les psychoses ni les troubles mentaux de la psychiatrie moderne. Galien les classe en deux catégories. Il y a, d’une part, les dérangements dus au fait que la partie irrationnelle de l’âme s’insurge contre la raison et tend à la dominer ou, du moins, à ne pas la suivre : ce sont les passions. Il y a, d’autre part, des fautes qui procèdent de la raison : ce sont des erreurs de jugement, des opinions fausses. Naturellement, les fautes de l’une et l’autre espèce se combinent parfois ; il arrive que l’influence excessive des passions en vienne à fausser notre jugement.
58Comment pourrons-nous reconnaître en nous ces diverses maladies de l’âme, de manière à les combattre efficacement ? Galien consacre à ces problèmes un traité en deux livres intitulé Sur la connaissance des passions et des fautes propres à un chacun. Ces deux livres ont été transmis et parfois édités comme deux ouvrages indépendants. Le premier porte sur les passions. L’auteur insiste entre autres choses sur l’aide que peut nous apporter, pour nous mieux connaître nous-mêmes, un conseiller sage, expérimenté, objectif et franc. Dans le second, où il est question des erreurs de jugement, il met en lumière le danger d’une adhésion trop rapide à des opinions que nous n’avons pas contrôlées et souligne l’importance primordiale d’une connaissance approfondie et d’une longue pratique de la démonstration scientifique.
59Éditions : Kühn V 1-103. I. Marquardt, Scr. min. I 1-81. W. de Boer, CMG V 4, 1.1 (1937).
XX. Commentaires à Hippocrate
60Nous avons expliqué dans l’introduction comment Galien avait conçu et réalisé en partie le projet de commenter l’œuvre d’Hippocrate dans son entièreté. Nous avons vu aussi que certains de ces commentaires ont été rédigés sans que l’auteur tienne compte de la littérature antérieure, tandis que d’autres, destinés à la publication, abondent en références aux autres commentateurs et témoignent de la vaste érudition de leur auteur.
61Le but que doit viser le bon commentateur n’est pas, d’après Galien, de rechercher si le texte commenté renferme des opinions vraies ou si l’auteur s’est trompé. L’exégète doit se donner pour seule mission d’aider le lecteur à comprendre un texte difficile. Or cette difficulté peut tenir à deux choses. Il arrive que le texte soit en lui-même assez obscur. Le commentateur devra rechercher alors ce que l’auteur commenté a voulu dire. Il se peut aussi que le texte semble difficile au lecteur parce que celui-ci ne possède pas toutes les connaissances indispensables à l’intelligence du passage qu’il a sous les yeux. Dans ce cas, il appartiendra au commentateur de fournir au lecteur les connaissances qui lui font défaut.
62Nous avons extrait des « souvenirs » de plusieurs commentaires différents. Galien a consacré sept livres à l’explication de la fameuse collection des Aphorismes. Ces commentaires appartiennent au groupe le plus ancien, celui que, pour faire bref, nous appelons les commentaires non érudits. Mais Galien semble les avoir revus, en y introduisant notamment des renvois à des commentaires plus tardifs. Les quatre livres consacrés au traité des Articulations appartiennent également au groupe ancien ; ils ont fait, eux aussi, l’objet d’une révision postérieure.
63Les commentaires à La nature de l’homme et aux Épidémies rentrent, eux, dans le second groupe, celui des commentaires érudits et destinés dès l’abord à la publication. Galien avait, semble-t-il, commenté les livres I, II, III et VI des Épidémies. Au livre I sont consacrés trois livres de commentaires. Pour le livre II, le texte grec édité par Kühn n’est qu’un faux de la Renaissance, mais la version authentique (cinq livres) nous a été conservée en traduction arabe. Les commentaires au livre III occupent trois livres. Des huit livres consacrés au livre VI, nous ne possédons que les cinq premiers et le tiers du sixième dans l’original grec, mais la partie perdue en grec est conservée dans une traduction latine.
64Éditions : 1. Aphorismes Kühn XVII B 345-887 + XVIII A 1-197. 2. Articulations Kühn XVIII A 300-767. 3. Épidémies, livre I Kühn XVII A 1-302. E. Wenkebach, CMG V 10, 1 (1934) ; livre II Kühn XVII A 303-479 (grec, faux). F. Pfaff, CMG 10, 1 (1934) (traduction de l’arabe) ; livre III Kühn XVII A 480-792. E. Wenkebach, CMG V 10, 2.1 (1936) ; livre VI Kühn XVII A 793-1009 + XVII B 1-344. E. Wenkebach, CMG V 10, 2.2 (1956). F. Pfaff, CMG V 10, 2.2 (1956) (traduction latine des derniers chapitres). 4. Nature de l’homme Kühn XV 1-173. I. Mewaldt, CMG V 9, 1 (1914).
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