« Nous fismes ce complot lequel a tres bien reussi avec le secours de Dieu »
Les évasions de détenus protestants du Vivarais (1721-1765)
"We made this plot which succeeded very well with the help of God". Escapes of Protestant prisoners from the Vivarais (1721-1765)
p. 139-155
Résumés
À la Révocation de l’Édit de Nantes, le culte protestant est interdit en France. Se rendre aux cultes clandestins, posséder des livres religieux ou ne pas faire baptiser ses enfants à l’Église catholique sont autant de délits passibles d’emprisonnement. En Languedoc, au moins 1 500 personnes sont emprisonnées pour des crimes de religion entre 1715 et 1765 ; 29 de ces détenus s’évadent de leurs lieux d’incarcération (prisons, couvents ou lieux temporaires de détention) en Vivarais entre 1724 et 1765. Parmi les évadés, âgés de 11 à 72 ans, se trouve une majorité de femmes. En effet, elles bénéficient parfois de conditions d’emprisonnement moins strictes et peuvent donc s’échapper plus facilement. L’étude des modes d’évasion employés par les détenus suggère que la communauté protestante du Vivarais n’élabore pas de stratégie globale d’évasion. Les prisonniers bénéficient d’ailleurs rarement d’une aide extérieure.
After the Revocation of the Edict of Nantes, Protestant worship was prohibited in France. Going to clandestine services, possessing religious books or not having one’s children baptized in the Catholic Church were all offenses punishable by imprisonment. In Languedoc, at least 1,500 people were imprisoned for religious crimes between 1715 and 1765; 29 of these prisoners escaped from their places of incarceration (prisons, convents, or temporary detention facilities) in the Vivarais between 1724 and 1765. Among the escapees, aged between 11 and 72, were a majority of women. Indeed, they sometimes benefited from less strict conditions of imprisonment and could therefore escape more easily. The study of the methods of escape used by the prisoners suggests that the Protestant community of the Vivarais did not develop a global escape strategy. Moreover, prisoners rarely received outside help.
Texte intégral
1Après la révocation de l’édit de Nantes, les protestants, officiellement convertis au catholicisme et appelés « Nouveaux Convertis » par les autorités, se réunissent pour célébrer des cultes clandestins. Si ces assemblées dites du « Désert » sont initialement animées par des laïcs (certains se disant prophètes et messagers divins), elles sont, à partir de 1721 en Vivarais, encadrées par des pasteurs ou prédicateurs ayant reçu une formation théologique. Cette date marque un tournant dans l’organisation de la résistance protestante qui s’institutionnalise dans la province. Les Églises clandestines opèrent ainsi dans un réseau organisé, qui s’inscrit lui-même dans un réseau plus large, regroupant de nombreuses provinces1. Cette restructuration des Églises du Désert vise notamment à éradiquer le prophétisme, qui subsiste malgré tout, mais devient un courant très minoritaire en Vivarais. En 1757, une tolérance de fait est établie en Languedoc, territoire s’étendant « de la Garonne au Rhône, du piémont pyrénéen au Viaur et de la Méditerranée aux hautes vallées de la Loire et de ses premiers affluents, prenant en tenaille les plateaux rouergats »2. Si cette tolérance est mise en pratique sans interruption en Vivarais jusqu’à l’édit de tolérance de 1787, des fidèles restent encore emprisonnés jusqu’à la libération de Marie Durand en 1768.
2Les principales raisons d’emprisonnement des protestants sont l’assistance aux assemblées, la célébration de baptêmes et mariages au Désert, le départ vers le Refuge huguenot (ou le retour en France) et la possession de livres religieux3. De plus, toute complicité avec un pasteur ou prédicateur est évidemment passible d’incarcération. De 1715 à 1765, les hommes laïcs risquent la condamnation aux galères, les femmes, la prison à perpétuité. Seuls les pasteurs et prédicateurs subissent la peine de mort, sauf de très rares exceptions4. Notons qu’à l’époque, « la peine de prison est rarement utilisée comme punition »5 ; ceux qui s’y trouvent à vie le sont afin « d’éliminer des individus considérés comme dangereux »6. Quant aux peines d’incarcération courtes, elles sont attribuées pour les « délits de religion mineurs »7, lorsque les autorités considèrent « qu’une simple amende n’est pas assez dissuasive »8. Il arrive également que des personnes soient placées en détention le temps qu’elles règlent une amende. Nous n’aborderons pas leur cas ici.
3À l’emprisonnement s’offrent trois issues : l’abjuration, qui est vécue comme une trahison par la communauté ; le refus de se convertir au catholicisme, qui s’accompagne d’une prolongation de la peine pouvant aller jusqu’à la perpétuité ; l’évasion. Seules les deux dernières alternatives permettent de rester fidèle à la communauté. À l’inverse des criminels ayant commis une offense portant atteinte à la dignité humaine (tel un meurtre), les protestants considèrent que leur sentence n’a pas de légitimité, puisqu’ils ont désobéi à une loi injuste, mais n’ont pas enfreint la loi suprême, c’est-à-dire la loi divine. Face à cette peine non méritée, la résilience et le refus de se convertir constituent un acte de résistance. Néanmoins, étant donné les conditions de vie difficiles et l’isolation, un long séjour en prison représente une menace pour la foi des détenus : il augmente le risque de céder à la facilité en abjurant pour retrouver la liberté. C’est cette tentation que décrit, en 1734, une jeune femme enfermée en couvent, lorsqu’elle demande à sa sœur de l’aider à s’évader :
J’ai peur qu’il me faille rendre je ne puis pas faire d’avantage depuis le matin jusquau soir on ne me laisse jamais en repos […] je voudrois men sauver & laisser tout pour éviter ce pas & au plutôt envoyez moi quelcun pour cela9.
4Ne réussissant à s’enfuir, cette femme finira par abjurer, au désespoir de sa famille10. Ainsi, les captifs cherchent à s’évader non seulement pour la liberté individuelle, mais aussi pour limiter leur risque de conversion et rester fidèle à leur religion. Par ailleurs, pour ces prisonniers faisant partie d’un mouvement de résistance, la fuite serait une façon inconsciente de contester l’injustice de la répression, comme le suggère une « sociologie de l’évasion »11.
5Sur l’ensemble du Languedoc, Pierre Rolland recense, entre 1715 et 1765, 1419 prisonniers, parmi lesquels 28 % sont des femmes12. Ce chiffre est un minimum, puisqu’il est difficile d’estimer le nombre précis de personnes détenues pour motifs religieux. En Vivarais, notamment, nous ne pouvons « dresser un état des prisonniers »13, car les registres ne sont pas tenus à jour de manière rigoureuse. Après leurs arrestations, les protestants vivarois sont emmenés dans des « prisons-relais »14, où ils sont jugés. Ils peuvent ensuite être transférés dans d’autres lieux d’emprisonnement. En chemin vers ces lieux, les convois de prisonniers peuvent faire étape dans des « prisons de transit »15. En Vivarais, les protestants sont principalement incarcérés dans les prisons de Vernoux, de Tournon (où habitent de la Devèze, commandant militaire de la province, et Dumolard, subdélégué de l’intendant de Languedoc), du château de Beauregard à Saint-Péray et du château de La Voulte-sur- Rhône16. Nous avons recensé 29 évasions de prisonniers vivarois entre 1721 et 1765. Ces hommes et femmes, âgés de 11 à 72ans, s’enfuient de prisons, de couvents ou de lieux de détention domestiques en Vivarais, dans le Gard ou l’Hérault. Ces évasions sont-elles organisées par la résistance ? Qui sont les prisonniers qui parviennent à s’échapper ? Nous proposons d’étudier ces exemples, afin de comprendre s’il existe, dans la résistance vivaroise, une stratégie globale d’évasion.
Les évasions de prison
6Le château de Beauregard semble être la prison d’où s’évadent le plus de captifs. Le 16mars 1729, Jean-Louis Mercier, un colporteur emprisonné en 1728 parce qu’il « portait à manger aux prisonniers de Beauregard par charité »17, s’échappe du château de Beauregard avec Jean Blache et Jean-Jacques Bogniard, condamnés aux galères pour des crimes d’assemblées prophétiques18. Deux ans plus tard, un curé dénonce le mariage au Désert de Jacques Fauriel, frère du pasteur Jean-Gabriel Fauriel dit Lassagne. Le jeune marié est alors emprisonné au château de Beauregard, où il profite « de la liberté quon lui donnoit daller au jardin pour en escalader les murailles et se sauver19 ». Ce n’est d’ailleurs que lorsqu’il est interrogé au sujet de l’arrestation de son frère huit ans plus tard que les autorités apprennent la manière dont il s’est lui-même échappé. Sa belle-sœur Paule Escoulens-Fauriel, épouse de Lassagne, est sans doute la plus célèbre évadée de cette prison, avec sa compagne d’incarcération Anne Lapra-Espinas. Il faut dire que les circonstances de leur évasion sont plutôt spectaculaires. En août 1739, Lassagne et son épouse logent chez le couple Espinas lorsqu’ils sont dénoncés par « une petite fille que […] Espinas gardoit chez lui par charité de […] 7-a-8-ans »20. Le couple pastoral et leurs hôtes, ainsi que d’autres personnes qui se trouvaient alors dans la maison Espinas, sont arrêtés et emmenés à la prison de Tournon où Lassagne, blessé lors de son arrestation, décède. Jean-Pierre Espinas est condamné aux galères. Son épouse et Paule Escoulens-Fauriel sont transférées au château de Beauregard, d’où elles s’échappent le 14 septembre 1739 : « sur les 8 heures du soir, qui est le tems qu’on releve les gardes, elles firent semblant de s’aller coucher, mais au contraire elles passerent au jardin & en sauterent la muraille haute d’environ 12 pieds »21.
7Ce n’est que le lendemain que leur absence est remarquée22. Leurs sabots sont retrouvés par un soldat « dans le jardin ou elles les avoient laissé pour pouvoir plus aisement sauter par-dessus les murailles »23. Les autorités ont initialement du mal à croire qu’elles aient pu s’évader de la sorte. Une sentinelle estime que les prisonnières ont pu s’échapper « par le haut des fenestres quy donnent sur le chemin allant au presant chateau a Saint-Peray sans que la garde ny les sentinelles eussent peu les entandre a cause de la distance des lieux »24. Si les autorités sont incrédules, c’est parce que la veuve du ministre est à ce moment enceinte « d’environ six mois »25, et que son hôtesse, elle, a accouché moins d’un mois plus tôt, pendant leur séjour au château de Tournon ! Leur « exploit » semble en tout cas confirmé26, puisqu’elles expliquent au pasteur Ladreyt qu’elles ont sauté depuis le haut du mur d’enceinte27. Elles trouvent refuge en Haut-Vivarais ou dans le Velay, où Paule Escoulens-Fauriel accouche de son fils, puis elles s’enfuient en Suisse28. Suite à leur évasion, une enquête interne est menée au château de Beauregard et des sentinelles, accusées de complicité, sont emprisonnées29. Avant la fin du mois de septembre 1739, Anne Lapra-Espinas écrit à M. De Laroue, commandant du château de Beauregard, afin d’expliquer la manière dont les deux prisonnières se sont sauvées et ainsi éviter les « faux soupsons », qui feraient « un tort infini » aux personnes injustement accusées :
du temt que les soldats faisent la visite des prisonnier au prisons nous nous derobames au jardin avant quon y eut plase les sentinelles et nous desandimes par la muralie a coté du puy a main droite sans les soldas ni consentement de personne que celuy que nous nous pretames lune a lautre pour desandre et cela vers les huis heures du soir dudit jour voila monsieur dans la verite comme nous nous sommes sauvees30.
8Cette version correspond d’ailleurs à celle donnée à Ladreyt par Paule Escoulens-Fauriel, qui ne fait mention d’aucun complice. Deux ans plus tard, Pierre Dortial, fils de prédicateur prophétique, est arrêté avec ses parents. Il s’évade du château de Beauregard « en plein jour »31, en août 1741. Le geôlier étant absent, le sergent de garde l’autorise à sortir de la prison, tout en restant dans l’enceinte du château, pour « aller tremper sa soupe »32. Dortial arrive à se faufiler sur la terrasse et à escalader le mur d’enceinte33. Le sergent l’a-t-il volontairement aidé à s’évader ? Nous ne le savons pas. Jean Dejours, arrêté en 1746 après avoir participé à une émeute réclamant la libération d’un pasteur, s’échappe la même année lors d’une évasion collective, puis gagne la Suisse34. Enfin, Jean Trenchat s’enfuit du château de Beauregard après avoir été arrêté en 1752 lors de la campagne de rebaptisation, qui exige que les parents d’enfants baptisés au Désert les fassent baptiser une nouvelle fois à l’Église catholique sous peine d’emprisonnement35.
9Plus rarement, des prisonniers protestants sont emmenés au château de Privas36. C’est le cas de Sarah Lacombe-Gleyzal et sa fille Françoise Gleyzal, arrêtées en 1744 à leur retour d’un séjour à Genève. Leur voyage ne semble pas avoir de motivations religieuses : elles disent être parties en Suisse dans l’espoir d’y trouver une meilleure situation financière, même si elles admettent être protestantes37. À leur départ de Privas, elles ont vendu leurs biens et sont parties sans passeport38, ce qui est une violation de l’ordonnance royale de 1729, « défendant aux Nouveaux Convertis de passer en pays étranger » sans autorisation préalable39. Elles sont ainsi condamnées à deux mois d’emprisonnement, en plus d’une amende, qu’elles ne peuvent régler40. Mère et fille s’évadent au bout d’un mois d’incarcération en enlevant « trois grosses pierres » de la voute41, et en creusant un trou donnant sur le corps de garde, où aucun soldat ne semble avoir été posté cette nuit-là. Le mode opératoire de cette évasion, nécessitant une certaine force physique, est étonnant puisque Sarah Lacombe-Gleyzal était âgée de 65 ans et que sa fille, « ayant pris mal en se forçant à porter de gros fraix » à Genève42, ne pouvait plus gagner sa vie à cause de cela. Pourtant, l’enquête menée par les autorités ne laisse aucun doute. Seule la question de l’identité des complices leur ayant fourni des outils n’est pas résolue43. Il est estimé que les personnes qui leur portaient la « charité »44, car ces prisonnières étaient trop pauvres pour subvenir à leurs besoins, ont « furtivement lasché quelque ciseau ou pince de fer »45.
10Nous l’avons vu, certains protestants vivarois sont incarcérés dans des prisons hors de la province. Si aucune femme ne semble s’être échappée de la Tour de Constance, des hommes parviennent à s’évader de prisons non-vivaroises. La citadelle Saint-Esprit est fréquemment utilisée lors du transit de prisonniers du Vivarais vers des lieux de détention à perpétuité. Le 29 mars 1735, des fidèles se rassemblent dans la grange de Feyssier, proche de Bruzac en Vivarais, pour y écouter le proposant Pradon prêcher46. De nombreuses personnes sont arrêtées, dont Louis Trapier, « portant un fusil »47, Jacques Clergue dit Nodon et Noël (ou Noé) Vey48. Si un ordre de De Bernage condamne les hommes arrêtés lors de cette assemblée aux galères49, Louis Trapier, à l’inverse de Jacques Clergue et Noël Vey, ne figure pas sur la liste des prisonniers transférés à la citadelle de Saint-Esprit50. Il y est pourtant emmené, puisqu’il s’en évade en juin 1736. « Simulant la maladie et se disant proche de la mort »51, Louis Trapier demande à ce que son frère, Jean, puisse lui rendre visite. Ce dernier réclame alors la libération de son frère, « se portant garant pour lui »52. Le 9 juin 1736, Louis « force un barreau et se sauve au moyen d’une corde »53. Son frère disparaît également. Si Louis réussit à ne pas être repris par les autorités et se réfugie a priori en Suisse, Jean, lui, est rattrapé et emprisonné dans la citadelle54. Il s’en évade à son tour en avril 1737 avec un codétenu, incarcéré pour assassinat55. Quelques semaines plus tard, le 23 juin, Jacques Clergue s’échappe lui aussi de la citadelle56. Enfin, Noël Vey, malgré son âge avancé, parvient également à s’enfuir « à une date inconnue »57. Jacques Clergue et Noël Vey seront tous deux repris en novembre 1736 et envoyés aux galères58. Il est courant que des pasteurs soient emprisonnés à Montpellier. Il est rare, cependant, que des laïcs vivarois y soient incarcérés ; c’est pourtant le cas de Jean-Pierre Espinas. Le premier pasteur du Désert vivarois, Pierre Durand, est arrêté en février 1732 et transféré à Montpellier. Espinas, ancien d’une paroisse en Vivarais, « organise une collecte pour solliciter sa grâce »59, et suit le pasteur jusqu’à Montpellier. C’est là qu’il est arrêté et incarcéré. Il s’évade le 6 janvier 1733, après avoir passé cinq heures à couper un barreau avec une pierre et utilisé « la corde d’un puits pour passer le rempart »60. Il se réfugie en Suisse, puis revient en France61. En 1736, il se marie avec Anne Lapra. Nous l’avons vu, il sera à nouveau arrêté, avec son épouse, pour avoir hébergé le pasteur Lassagne, et condamné aux galères.
Les évasions de couvent
11Le Vivarais est particulièrement touché, surtout dans les années 173062, par une vague d’emprisonnements de jeunes femmes en couvent : « on ne cesse de travailler à prendre des filles pour les couvents »63, explique le pasteur Mathieu Morel dit Duvernet en 1737. Le 30 juin 1734, trois jeunes filles s’évadent du couvent de Privas64. Il s’agit de « la Chovet du Vignal, l’henriette de Durand de Cordier, & la fille de Boissy de St Jean Chambre »65. Un mois plus tard, Madeleine Fuzier organise avec Jacques Boyer dit Dubos, un pasteur, l’évasion de sa sœur Antoinette Fuzier-Coulongin du couvent Sainte-Claire à Aubenas : « nous fimes ce complot lequel a tres bien reussi avec le secours de Dieu, de Monsieur Peirot & d’un autre Monsieur que je ne vous nomme pas »66. Peirot, un prédicateur qui sera consacré pasteur quelques années plus tard, et l’homme anonyme rendent visite à Antoinette Fuzier-Coulongin au couvent : « ils lui remirent un memoire pour lui enseigner de quelle maniere elle devoit se conduire »67. Ils lui remettent également une ficelle qu’elle aurait fait pendre de sa fenêtre pour remonter une corde : « environ une heure avant jour ils la dessendirent par une corde quelle tira par le moyen d’une fissele qu’on lui avoit donné »68. Cela lui permet de sortir par « une fenêtre qui a pour le moins trente six pieds de hauteur69 ». Les deux hommes la font ensuite « monter sur un cheval qu’ils avoient outre les leurs »70, et l’emmènent en sécurité. La troisième sœur Fuzier est également enfermée dans un couvent à Saint-Esprit, mais Madilon estime qu’il est « impossible de lui mander un secours » comme à Antoinette71. Trois ans plus tard, Mlle Juventin et Françoise de Delhomme s’enfuient d’un couvent, « ne voulant pas consentir à abjurer leur religion » :
Ayant fait des cordes avec leurs draps de lit et les ayant fixées aux barreaux de la fenêtre, lesquels étaient heureusement assez espacés pour leur livrer passage, elles descendirent de nuit dans le jardin de leur prison… Elles le firent sans accident ; elles franchirent de même le mur d’enceinte, s’échappèrent ainsi et se réfugièrent dans les bois… Il s’agissait alors pour elles de donner de leurs nouvelles à leurs parents. Comment le faire ? Elles n’avaient ni plume ni encre à leur portée. Mais le malheur rend ingénieux ; elles se percèrent les veines avec une épingle et tracèrent avec leur sang quelques mots sur un papier, qu’un messager [c’était un berger] se chargea de leur transmettre. On put ainsi pourvoir à leurs besoins et leur préparer les moyens de fuir en pays étranger. Un fidèle domestique fut chargé de les accompagner et, comme cela avait été pratiqué dans plus d’une occasion pareille, voiturées dans des tonneaux, elles arrivèrent heureusement à Genève72.
12L’historien du xixe siècle Alexandre Lombard raconte, certes, leur fuite vers la Suisse de manière assez sensationnelle. En tout cas, Eugène Arnaud et Charles Bost confirment que les deux jeunes filles s’établissent à Genève73. Il semble même qu’elles s’y soient rendues avec la cousine de Françoise de Delhomme74, Jeanne Menet, elle-même évadée de captivité (on y reviendra). Huit ans plus tard, une jeune fille, « pensionnaire chez les sœurs de St-Joseph »75, est enlevée du couvent par deux hommes. Rattrapés par les autorités, ils sont emprisonnés ; elle est ramenée au couvent76. Les sœurs Barnouin s’évadent à la même époque : « Une s’est ecorchée la main en se devalant avec une corde »77. Comme plusieurs des évadées citées précédemment, elles se réfugient également en Suisse, où elles arrivent le 7 février 174678. Enfin, deux autres femmes sont enlevées de couvents « à main armée »79. Une femme nommée Françon, dénoncée en 1743 par son amant M. de Villefort qui réside au château de Chassagnes aux Vans80, est finalement délivrée du couvent d’Alès par ce même homme, « le pistolet à la main »81, et ramenée « glorieusement a son château »82. En 1764, Antoine Durand, Jacques et Jean Vareille délivrent « une jeune Nouvelle Convertie »83. Ces derniers sont a priori les frères de la jeune fille84. Les trois hommes sont arrêtés pour leur implication dans cette évasion85 ; nous ne savons pas ce qu’il est advenu de la prisonnière.
Les évasions de domicile
13Très rarement, des personnes s’évadent de domiciles où elles sont détenues : jugées trop jeunes, elles n’ont pas été placées en prison. Jeanne Menet a 17 ans quand elle est arrêtée lors de l’assemblée dans la grange de Feyssier, puis transférée à la citadelle de Saint-Esprit avec les autres prisonniers. Néanmoins, la nièce du commandant de cette prison, « émue par son jeune âge »86, la prend chez elle. Le 1er mars 1737, Jeanne Menet est condamnée à être rasée et incarcérée à la Tour de Constance à perpétuité87. Le 23 mars, elle n’y a pas encore été transférée et s’échappe du domicile de la nièce du commandant, puis se réfugie à Genève88. Deux ans plus tard, les autorités investissent la maison de Suzanne de Rochesauve-de Glo, qui héberge un prédicateur. L’hôtesse ne semble pas avoir été retrouvée par les autorités, mais sa fille de 11 ans, Catherine de Glo, est rattrapée et « gardée a vuë » chez M. de Mercure, son oncle converti au catholicisme, « en attendant qu’il pu la faire mettre dans un couvent »89. Après son évasion, elle est peut-être hébergée chez une femme prénommée Jeanne et habitant à Gamare90. En 1745, Catherine de Glo épouse Peirot, désormais devenu pasteur.
Liste des prisonniers protestants vivarois s’étant évadés entre 1721 et 1765
Nom | Lieu d’incarcération | Date de l’évasion | Âge au moment de l’évasion |
Jean-Louis Mercier | Château de Beauregard | 16 mars 1729 | 52 ans91 |
Jean Blache | 50 ans92 | ||
Jean-Jacques Bogniard | 23 ans93 | ||
Jacques Fauriel | Château de Beauregard | 1731 | 27 ans94 |
Jean-Pierre Espinas | Citadelle de Montpellier | 6 janvier 1733 | 22 ans95 |
Antoinette Fuzier-Coulongin | Couvent d’Aubenas | 3 août 1734 | 21 ans96 |
Mlle Boissy | Couvent de Privas | 1734 | Inconnu (peut-être 8 ans97) |
Mlle Chovert | Inconnu | ||
Henriette Durand | 14 ans98 | ||
Noël/Noé Vey | Citadelle de Saint-Esprit | Entre le 16 août 1735 et le 14 novembre 1736 | 72-73 ans99 |
Jacques Clergues | Citadelle de Saint-Esprit | 23 juin 1736 | 53 ans100 |
Louis Trapier | Citadelle de Saint-Esprit | 9 juin 1736 | 29-30 ans101 |
Mlle Juventin | Couvent | 1737 | 14-15 ans102 |
Françoise de Delhomme | 14-15 ans103 | ||
Jeanne Menet | Domicile de la nièce du commandant de la citadelle de Saint-Esprit | 23 mars 1737 | 19 ans104 |
Jean Trapier | Citadelle de Saint-Esprit | 6-7 avril 1737 | 35 ans105 |
Catherine de Glo-Peirot | Domicile de son oncle | 1739 | 11 ans106 |
Anne Lapra-Espinas | Château de Beauregard | 14 septembre 1739 | 22 ou 23 ans107 |
Paule Escoulens-Fauriel | 32 ans108 | ||
Pierre Dortial | Château de Beauregard | 1741 | 25 ans109 |
Françon | Couvent d’Alès | 1743 | Inconnu |
Sarah Lacombe-Gleyzal | Château de Privas | 6-7 juin 1744 | 65 ans110 |
Françoise Gleyzal | 34 ans111 | ||
Jeune fille anonyme | Couvent des sœurs de Saint-Joseph à Privas | 1745 | Inconnu |
Mlle Barnouin (1ère sœur) | Couvent | 1745 ou début 1746 | Inconnu |
Mlle Barnouin (2nde sœur) | Inconnu | ||
Jean Dejours | Château de Beauregard | 5 avril 1746 | 20 ans112 |
Jean Trenchat | Château de Beauregard | 1752 ou plus tard | 42 ans ou plus113 |
Jeune femme anonyme | Couvent | 1764 | Inconnu |
Modes opératoires
14Ces exemples d’évasions montrent qu’il n’y a pas un mode opératoire commun, hormis la non-violence pour une très grande majorité, et suggèrent donc que l’évasion, pourtant souhaitée et glorifiée, n’est pas un acte de résistance enseigné, mais une opportunité saisie. En effet, sur les 29 évadés vivarois, seuls 8 ont bénéficié d’une assistance avérée pour s’échapper. Cette aide vient principalement des membres de la famille (frères et sœurs ou conjoint) et très rarement des gardes ou soldats ; notons d’ailleurs qu’aucune de ces évasions n’a recours à une corruption financière des sentinelles. La seule évasion s’appuyant sur un soldat, celle de Pierre Dortial, ne suggère pas qu’il ait joué un rôle volontaire, puisqu’il a simplement donné l’autorisation au détenu de sortir de l’enceinte de la prison pour une raison alimentaire. Par ailleurs, ce sont souvent des femmes qui sont délivrées avec un soutien extérieur : seuls deux hommes en bénéficient. Notons tout de même qu’il est difficile de réellement évaluer l’aide qui a été fournie aux prisonniers, puisque des personnes ont pu apporter du soutien extérieur sans que les autorités ne s’en aperçoivent. Par exemple, s’il est très probable que Sarah Lacombe-Gleyzal et sa fille aient été assistées par les personnes leur apportant de la nourriture, nous n’en avons aucune confirmation. Cela a peut-être été le cas pour d’autres prisonniers et prisonnières.
15En tout cas, ces 29 exemples d’évasions démontrent qu’elles ne sont pas organisées par la résistance vivaroise : le réseau d’Églises du Désert ne prévoit pas d’assistance systématique aux fidèles emprisonnés pour qu’ils s’enfuient. Des ministres ou prédicateurs ne sont d’ailleurs impliqués que dans une évasion, celle d’Antoinette Fuzier-Coulongin. Il est possible que les sœurs Fuzier connaissent personnellement plusieurs membres du corps pastoral : elles semblent être des cousines de Pierre Durand, qui estime qu’elles sont « de braves personnes » à qui il a « tant d’obligation »114, et Duvernet correspond avec l’une d’entre elles115. Étonnamment, ce ne sont pas eux qui délivrent la prisonnière, mais cela suggère qu’elles faisaient partie du cercle intime des pasteurs vivarois. Ainsi, les évasions de lieux d’incarcération ne s’inscrivent pas dans une stratégie globale de libération de prisonniers, mais résultent d’initiatives individuelles venant la plupart du temps des prisonniers et, pour une minorité non négligeable, de leurs proches. Cela s’observe aussi dans d’autres réseaux de résistance, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale116 : l’organisation d’évasions mettrait en péril le réseau, déjà fragilisé par les arrestations et le risque que les détenus révèlent les identités d’autres membres. On observe d’ailleurs que Jean Trapier est emprisonné après avoir aidé son frère à s’enfuir de la citadelle de Saint-Esprit.
16Si la libération de prisonniers peut être dangereuse pour ceux qui l’organisent, l’évasion n’est pas anodine pour les détenus : certains, recherchés par les autorités après s’être échappés, sont contraints de fuir en Suisse pour ne pas être à nouveau emprisonnés. Ils sont 9 parmi les prisonniers que nous avons cités : 6 se sont échappés de prisons, 2 de couvents et une d’un lieu domestique. Parmi ceux qui restent en France, 2 sont rattrapés par les autorités et les autres semblent pouvoir reprendre une vie normale. Néanmoins, deux évadées (Antoinette Fuzier-Coulongin et Catherine de Glo) restent cachées pendant une période avant cela117. Nous imaginons que nombre d’entre eux prennent ces précautions.
Un avantage féminin ?
17S’il n’y a pas de stratégie collective d’évasion, tous les prisonniers protestants ont-ils l’opportunité de s’enfuir ? Y a-t-il un profil type de personnes réussissant à s’évader ? Le statut social de ces individus est très varié, allant de Sarah Lacombe-Gleyzal et sa fille, très pauvres et illettrées, à Jean-Pierre Espinas, médecin ayant reçu une excellente éducation. Les âges des évadés sont également disparates, allant de 11 à 72 ans, avec une moyenne à 30 ans (notons tout de même que nous ne connaissons pas les âges de 7 d’entre eux). Seuls 11 captifs ont entre 16 et 49 ans, période de la vie pendant laquelle la condition physique peut être considérée comme optimale et idéale pour s’échapper de prison. Mais la condition physique ne semble pas être un critère déterminant : 2 détenus ont 65 ans ou plus, au moins 4 ont moins de 16 ans ; une prisonnière souffre du dos au point que cela la handicape pour travailler ; une autre est enceinte de plus de six mois ; une dernière, enfin, a accouché quelques jours ou semaines avant son évasion. Les détenus avec une condition physique non optimale sont-ils sous-estimés par les autorités et donc moins surveillés pendant leur emprisonnement ? Nous verrons que cela semble être le cas pour les femmes enceintes. En tout, 9 évadés ont un désavantage physique face aux soldats gardant les prisons ou, pour les personnes détenues en couvent ou à domicile, aux individus qui les surveillent. Cela est assez étonnant, d’autant que leur condition physique moins bonne ne semble pas être un critère pour bénéficier d’assistance extérieure. Parmi ces personnes, seules Françoise Gleyzal, souffrant du dos, et sa mère, âgée de 65 ans, reçoivent a priori une aide extérieure, mais celle-ci prend la forme d’outils leur permettant de creuser un trou ; elles ne reçoivent pas d’assistance pratique au moment de l’évasion. Il est également possible que les jeunes femmes enfermées en couvent et délivrées par leurs proches aient eu moins de 16 ans, mais nous ne pouvons les inclure dans la liste des personnes ayant un désavantage physique, puisque nous n’avons aucune indication sur leur âge.
18Mais alors, sur quel critère des prisonniers reçoivent-ils de l’aide pour s’échapper ? Parmi les 29 évadés que nous avons recensés, 17 (soit 59 %) sont des femmes. Ce chiffre est donc bien au-dessus de la proportion de femmes (28 %) parmi les prisonniers protestants du Languedoc recensés par Pierre Rolland118. Néanmoins, le nombre de prisonnières est « largement sous-estimé »119, notamment au niveau des femmes emmenées en couvent, Pierre Rolland ayant pris le parti de ne mentionner « que les filles et les femmes dont nous sommes certain qu’elles étaient gardées au couvent en leur corps défendant »120 : sur les 18 femmes enfermées en couvent en Languedoc entre 1715 et 1765 et recensées par Pierre Rolland, seules 2 sont vivaroises. Or, selon Samuel Mours, le couvent des sœurs de Saint-Joseph, à Privas, en aurait accueilli à lui seul « jusqu’à trente-six »121. Les femmes emprisonnées représenteraient donc bien plus qu’un quart des captifs.
19En tout cas, on observe une claire majorité de femmes parmi les évadés vivarois. Cela peut s’expliquer par leurs conditions de détention, souvent plus faciles que celles des hommes, du moins pour celles qui parviennent à se sauver. En effet, les couvents ne sont pas gardés par des sentinelles ; il est donc a priori plus facile de s’en échapper. Selon Duvernet, « la relation de l’evasion de quelques-unes de ces filles, seroit ce qu’on peut entendre de plus touchant mais la faire ce seroit passer les bornes d’une lettre »122, tant les exemples sont nombreux. Les évasions n’en sont cependant pas moins dangereuses, car ce sont souvent des grands édifices et celles qui s’en enfuient « se sont exposées à mourir […] sortant avec des cordes ou se jettant en bas par des fenêtres d’une hauteur prodigieuse »123. Les femmes qui se sauvent de prison sont moins nombreuses : elles sont 4, dont 2 bénéficient a priori d’une aide extérieure. Si les 2 autres, Anne Lapra-Espinas et Paule Escoulens-Fauriel parviennent à s’échapper, c’est en grande partie grâce au traitement de faveur qu’elles reçoivent. En effet, les autorités, par crainte d’un soulèvement, sont soucieuses de ne pas faire des martyrs de prisonniers vulnérables ; les femmes enceintes semblent donc relativement bien traitées. Au château de Beauregard, Paule Escoulens-Fauriel, « tres avancées dans sa grossesse »124, bénéficie donc d’un traitement plus clément, comme le raconte son beau-frère Ladreyt :
depuis quelle y est, il y est venu deux fois un chirurgien de sa part pour la saigner. Le commendant du cheteau nommé Mr. De la Roüe, les soldats & en general tous ceux qui l’abordent on pour elle toutes les attentions qu’ils pourroient avoir non seulement pour une dame, mais pour une princesse si elle etoit constituée prisonniere. Elle à toute liberté pendant le jour au chateau, au jardin a la basse court a l’exception des rempards […] bordès par la garnison, & le nuit elle a une chambre qu’elle peut fermer & ouvrir quand bon lui semble. Elle peut de meme coucher avec qui elle veut des prisonnieres ou des filles qui vont lui faire visite. & tous ceux qui vont voir les prisonniers, peut rester avec elle en particulier & en public aussi long tems qu’ils le souhaitent. On peut dire en un mot que jamais prisonniers pour cause de religion n’avoient été moins gênez qu’on l’est a Beauregard depuis l’arrivée de ma chere belle sœur & de ses compagnes125.
20Il est possible que Paule Escoulens-Fauriel ait un peu exagéré la clémence des autorités pour rassurer son beau-frère. Les autorités confirment tout de même ce traitement de faveur, qui s’étend également à Anne Lapra-Espinas :
lesd. femmes netoint pas dans les prisons mais seulement dans la chambre qui servoit autres fois de chapelle, laquelle est au dessus des prisons et nest pas renfermée dans la barriere et dont la porte est très aisée a ouvrir126.
21D’après une lettre anonyme relatant la capture de Lassagne, Anne Lapra-Espinas accouche à Tournon, juste avant d’être transférée au château de Beauregard. Nous ne savons pas si sa fille est avec elle lorsqu’elle s’évade ; elle n’est en tout cas mentionnée dans aucun rapport. Lorsqu’Anne Lapra-Espinas et Paule Escoulens-Fauriel se réfugient en Suisse, le fils de cette dernière les accompagne127, mais la fille des Espinas est, elle, en France128. A-t-elle été enlevée à la prisonnière à sa naissance ? Cela ne semble pas être la politique des autorités puisque plusieurs femmes accouchent en prison et peuvent garder leurs nouveau-nés auprès d’elles ; une détenue est même libérée jusqu’à son accouchement129. Néanmoins, il est étrange que la fille du couple Espinas ne soit jamais mentionnée lors du séjour de sa mère au château de Beauregard. Le traitement de faveur de Paule Escoulens-Fauriel et Anne Lapra-Espinas pourrait également être lié au décès de Lassagne, mort des blessures subies lors de son arrestation. En effet, les autorités ont peut-être souhaité démontrer que la volonté n’est pas de s’acharner contre les protestants. Cette clémence ne s’applique cependant pas à l’ensemble des détenus : Jean-Pierre Espinas, arrêté en même temps et mari d’Anne Lapra-Espinas, « a un peu moins de liberté que les autres prisonniers »130. Nous l’avons vu, d’autres détenues bénéficient également d’un traitement de faveur, cette fois-ci à cause de leur âge, et sont placées dans des lieux domestiques. Il est donc plus facile pour elles de s’évader car elles bénéficient d’une surveillance moindre. Ainsi, Jeanne Menet réussit à s’enfuir du domicile de la nièce du commandant de la citadelle de Saint-Esprit mais sa sœur, enfermée dans les prisons de la citadelle, n’aura pas cette opportunité131. Quant à Catherine de Glo, elle n’est a priori « gardée a vuë » que par son oncle132. Les détentions en lieux domestiques semblent être une véritable spécificité féminine : des jeunes hommes sont incarcérés en prison, et ce, sans égard pour leur âge. Par exemple, le neveu du pasteur Duvernet a 14 ans lorsqu’il est arrêté, torturé et condamné aux galères133. Cependant, ce traitement de faveur ne s’applique pas à toutes les femmes : ainsi, Marie Durand a le même âge que Jeanne Menet lorsqu’elle est condamnée à la Tour de Constance.
22Si l’échantillon étudié est trop petit pour en tirer une conclusion statistique, ces exemples d’évasions suggèrent tout de même qu’il existe un véritable avantage féminin : les prisonnières détenues en couvent ont plus de facilité à s’échapper. Ceci explique d’ailleurs la différence entre les moyennes d’âge des évadés féminines (25 ans) et masculins (37 ans) : les femmes emprisonnées en couvent sont jeunes. Cependant cela ne signifie pas que les femmes s’échappent plus facilement d’une manière générale : à conditions de détention égales, rien ne semble indiquer qu’elles conservent cet avantage, puisque seules Sarah Lacombe-Gleyzal et sa fille y parviennent. Nous ne savons d’ailleurs pas si leur condition physique leur a permis d’être moins surveillées.
Notes de bas de page
1 Pauline Duley-Haour, Désert et Refuge : sociohistoire d’une internationale huguenote. Un réseau de soutien aux « Églises sous la croix » (1715-1752), Paris, Honoré Champion, 2017.
2 Élie Pélaquier, « Le relief et l’hydrographie du Languedoc à l’époque moderne (xvie-xviiie s.) », 2004, consulté le 22 avril 2022 [en ligne : https://archives-pierresvives.herault.fr/data/2010_relief_et_hydrographie_i.pdf].
3 Pierre Rolland, Dictionnaire du Désert huguenot : La reconquête protestante, 1715-1765, Paris, Les Éditions de Paris, 2017, p. 216-217.
4 Ibid., p. 217.
5 Ibid., p. 218.
6 Ibid.
7 Ibid., p. 219.
8 Ibid.
9 Bibliothèque de Genève [désormais BGE], ms. Court 17/B, fol. 441, billet d’Anne Fuzier cité dans une lettre de Madilon Fuzier, 22 août 1734.
10 BGE, ms. Court 17/B, fol. 443, lettre de Madilon Fuzier, 22 août 1734.
11 Tomas Max Martin et Gilles Chantraine (dir.), Prison Breaks. Toward a Sociology of Escape, Cham, Palgrave Macmillan, 2018.
12 P. Rolland, op. cit., p. 216.
13 Fanny Lalande, Les prisons de Tournon, de 1670 à la fin du xviiie siècle, entre ruptures et permanences, mémoire de maîtrise en histoire, dir. Serge Chassagne, université Lyon 2 – Lumière, 2002, p. 98.
14 Ibid., p. 114.
15 Ibid.
16 Ibid., p. 98.
17 P. Rolland, op. cit., p. 362.
18 Ibid., p. 362.
19 AD Hérault, 2MI 307 R1 (C 207), interrogatoire de Jacques Fauriel, 1739.
20 BGE, ms. Court, 17/F, fol. 177, lettre de Ladreyt, 24 septembre 1739.
21 Ibid., fol. 178.
22 Ibid.
23 AD Hérault, 2MI 307 R1 (C 207), rapport sur l’évasion d’Anne Lapra-Espinas et Paule Escoulens-Fauriel, 28 septembre 1739.
24 Ibid., 16 septembre 1739.
25 BGE, ms. Court, 44, fol. 17, lettre de Blachon à Lacombe, 1739.
26 AD Hérault, 2MI 307 R1 (C 207), rapport sur l’évasion d’Anne Lapra-Espinas et Paule Escoulens-Fauriel, 28 septembre 1739.
27 BGE, ms. Court, 17/F, fol. 178, lettre de Ladreyt, 24 septembre 1739.
28 Sarah Rouvière, « Les mariages des pasteurs en Vivarais (1721-1757) », Chrétiens et Sociétés, n° 28, 2021, p. 93-110.
29 P. Rolland, op. cit., p. 295.
30 AD Hérault, 2MI 307 R1 (C 207), lettre d’Anne Lapra-Espinas à De Laroue, septembre 1739.
31 P. Rolland, op. cit., p. 295.
32 Ibid.
33 Ibid.
34 Ibid., p. 290.
35 Ibid., p. 422.
36 F. Lalande, op. cit., p. 116.
37 AD Hérault, C 211, interrogatoires de Sarah Lacombe-Gleyzal et Françoise Gleyzal, 29 avril 1744.
38 Ibid.
39 P. Rolland, op. cit., p. 29.
40 AD Hérault, C 211, lettre de Tavernol, 23 mai 1744.
41 Ibid., procès-verbal sur l’évasion de Sarah Lacombe-Gleyzal et Françoise Gleyzal, 8 juin 1744.
42 AD Hérault, C 211, interrogatoire de Françoise Gleyzal, 29 avril 1744.
43 Ibid., lettre de Tavernol, 11 juin 1744.
44 Ibid., procès-verbal sur l’évasion de Sarah Lacombe-Gleyzal et Françoise Gleyzal, 8 juin 1744.
45 Ibid.
46 P. Rolland, op. cit., p. 127-128.
47 AD Hérault, 2MI 305 R1 (C 204), n° 206, mémoire de Dumolard sur la procédure contre l’assemblée surprise à Bruzac le 29 mars 1735.
48 Ibid., « État des N.C. accuses davoir assiste a lassemblee qui s’est tenue le 29 mars 1735 dans la Grange de Feissier ».
49 Ibid., ordre de De Bernage, 18 mai 1735.
50 Ibid., « État des prisonniers arretés pour setre trouvé aux deux assemblées qui se sont tenues dans la paroisse de Bruzac en Vivarez, et envoyés a la citadelle de St. Esprit ».
51 P. Rolland, op. cit., p. 421.
52 Ibid.
53 Ibid.
54 Ibid.
55 Ibid.
56 Ibid., p. 280.
57 Ibid., p. 430.
58 Ibid., p. 280, p. 430.
59 Ibid., p. 304.
60 Ibid.
61 Ibid.
62 Samuel Mours, Le protestantisme en Vivarais et en Velay, Montpellier, Valence, Impressions réunies, 1949, [réed., Les Presses du Languedoc et Patrimoine huguenot d’Ardèche, 2001].
63 BGE, ms. Court, 1/XI, fol. 36, lettre de Duvernet à Court, 18 mars 1737.
64 BGE, ms. Court, 17/B, fol. 448, lettre de Lacombe, 24 juillet 1734.
65 Ibid., fol. 445, lettre de M. f. J. G. f., 18 octobre 1734.
66 Ibid., fol. 439, lettre de Madilon Fuzier, 22 août 1734.
67 Ibid., fol. 444, lettre de M. f. J. G. f., 14 août 1734.
68 Ibid.
69 Ibid., fol. 439, lettre de Madilon Fuzier, 22 août 1734.
70 Ibid., fol. 444, lettre de M. f. J. G. f., 14 août 1734.
71 Ibid., fol. 441, lettre de Madilon Fuzier, 22 août 1734.
72 Alexandre Lombard, cité par Eugène Arnaud, Histoire des protestants du Vivrais et du Velay, Paris, Grassart, 1888, t. 2, p. 163-164.
73 Ibid., p. 163 ; Charles Bost, Les martyrs d’Aigues-Mortes, Paris, La Cause, 1922, p. 115.
74 C. Bost, op. cit.
75 P. Rolland, op. cit., p. 384.
76 Ibid.
77 BGE, ms. Court, 17/P, fol. 208, notes d’Antoine Court, 1746.
78 Ibid.
79 P. Rolland, op. cit., p. 301.
80 BGE, ms. Court, 17/Z, fol. 181, « Mémoire ou recueil de ce qui s’est passé de plus remarquable à la ville de Vans touchant la religion sous le règne de Louis XIV jusqu’en 1747 », 27 octobre 1746.
81 Ibid.
82 Ibid.
83 P. Rolland, op. cit., p. 301.
84 Ibid., p. 426.
85 Ibid., p. 301, p. 426.
86 Ibid., p. 362.
87 Ibid.
88 Ibid.
89 BGE, ms. Court, 17/F, fol. 177, lettre de Ladreyt, 24 septembre 1739.
90 Ibid., Lorsque Lassagne est arrêté et qu’une lettre au sujet de l’évasion de Catherine de Glo est trouvée chez lui, Ladreyt s’inquiète que les autorités remontent jusqu’à elle.
91 P. Rolland, op. cit., p. 362.
92 Ibid., p. 245.
93 Ibid., p. 247-248.
94 Ibid., p. 308.
95 Lorsqu’il est à nouveau arrêté en 1739 pour avoir hébergé le pasteur Lassagne, Jean-Pierre Espinas déclare avoir 29 ans ; il serait donc né vers 1710 : AD Hérault, 2MI 307 R1 (C 207), interrogatoire de Jean-Pierre Espinas, 28 octobre 1739.
96 AD Ardèche, 186-04 (1707-1720), 131, notice de baptême d’Antoinette Fusier le 23 septembre 1712, consulté le 20 avril 2022 [en ligne : https://archives.ardeche.fr/ark :/39673/93ffccf6a877cba39464d2e907f47971/daoloc/0/].
97 AD Ardèche, 244-01 (1690-1790), 163, acte de baptême de Jeanne Élisabeth Boissy dans les registres paroissiaux catholiques de Saint-Jean-Chambre, 27 février 1726, consulté le 20 avril 2022 [en ligne : https://archives.ardeche.fr/ark :/39673/f7d6c26c73b1827f8e37caa31564fa3c/daogrp/0/].
98 AD Ardèche, 198-03 (1687-1784), 16, acte de baptême d’Henriette Durand (fille de Moïse et Susanne Terras habitant Cordier) dans les registres paroissiaux catholiques de Creyssac, 6 octobre 1720, consulté le 20 avril 2022 [en ligne : https://archives.ardeche.fr/ark :/39673/e552a52232b8acf4d3e3f1659fd61edc/daoloc/0/].
99 Il a 72 ans au moment du jugement : AD Hérault, 2MI 305 R1 (C 204), n° 206, interrogatoire de Noël Vey, 16 juillet 1735.
100 Il a 52 ans au moment du jugement : AD Hérault, 2MI 305 R1 (C 204), n° 206, mémoire de Dumolard sur la procédure contre l’assemblée surprise à Bruzac le 29 mars 1735.
101 Il dit avoir 28 ans au moment du jugement (et serait donc né en 1706 ou 1707), mais le seul Louis Trapier originaire de Gilhac-et-Bruzac correspondant à peu près à cet âge est né en novembre 1705. Il a par ailleurs un frère aîné prénommé Jean. Il semble donc qu’il s’agisse bien de lui : AD Hérault, 2MI 305 R1 (C 204), n° 206, mémoire de Dumolard sur la procédure contre l’assemblée surprise à Bruzac le 29 mars 1735 ; AD Ardèche, 094-01 (1692-1735), notice de baptême de Louis Trapier le 15 novembre 1705 dans le registre paroissial catholique de Gilhac-et-Bruzac, consulté le 21 avril 2022 [en ligne : https://archives.ardeche.fr/ark :/39673/c6eb27d7c5b820a2b38585ebf7447792/daoloc/0/].
102 E. Arnaud, op. cit., t. 2, p. 163.
103 Ibid.
104 AD Ardèche, 216A-02 (1711-1759), 93, notice de baptême de Jeanne Menet le 9 mai 1717, consulté le 20 avril 2022 [en ligne : https://archives.ardeche.fr/ark :/39673/a2dd4b65655509c1308299fb2f7c8c7f/daogrp/0/].
105 AD Ardèche, 094-01 (1692-1735), notice de baptême de Jean Trapier le 20 octobre 1701 dans le registre paroissial catholique de Gilhac-et-Bruzac, consulté le 21 avril 2022 [en ligne : https://archives.ardeche.fr/ark :/39673/c6eb27d7c5b820a2b38585ebf7447792/daoloc/0/].
106 P. Rolland, op. cit., p. 396.
107 AD Hérault, 2MI 307 R1 (C 207), interrogatoire d’Anne Lapra, 25 août 1739 ; « Les prisonnières (Lettre L) », Musée du Désert, consulté le 17 avril 2022 [en ligne : http://www.museedudesert.com/article5804.html].
108 P. Rolland, op. cit., p. 303.
109 Ibid., p. 295.
110 AD Hérault, 2MI 307 R1 (C 207), interrogatoire de Sarah Lacombe-Gleyzal, 29 avril 1744.
111 Ibid., interrogatoire de Françoise Gleyzal, 29 avril 1744.
112 P. Rolland, op. cit., p. 290.
113 Ibid., p. 422.
114 Étienne Gamonnet (éd.), Pierre Durand, restaurateur du protestantisme : lettres et écrits, Bez-et-Esparon, Études et communications, 1999, p. 227.
115 BGE, ms. Court, 18/AA, fol. 294, lettre de Dubos à Duvernet, 13 août 1734.
116 Voir notamment: Megan Koreman, The Escape Line: how the ordinary Heroes of Dutch-Paris resisted the Nazi occupation of Western Europe, New York, Oxford University Press, 2018.
117 BGE, ms. Court, respectivement 17/B, fol. 439, lettre de Madilon Fuzier, 22 août 1734, et 17/F, fol. 177, lettre de Ladreyt, 24 septembre 1739.
118 P. Rolland, op. cit., p. 216.
119 Ibid., p. 218.
120 Ibid.
121 S. Mours, op. cit., p. 343.
122 BGE, ms. Court, 1/XI, fol. 36, lettre de Duvernet, 18 mars 1737.
123 BGE, ms. Court, 17/B, fol. 506, « Relation de l’état présent des affaires qui regardent la religion dans le Vivarais pour l’année 1737, dressé par Morel dit Duvernet », 1737.
124 AD Hérault, 2MI 307 R1 (C 207), rapport sur l’évasion d’Anne Lapra-Espinas et Paule Escoulens-Fauriel, 29 septembre 1739.
125 BGE, ms. Court, 17/F, 178, Lettre de Ladreyt, 24 septembre 1739.
126 AD Hérault, 2MI 307 R1 (C 207), rapport sur l’évasion d’Anne Lapra-Espinas et Paule Escoulens-Fauriel, 29 septembre 1739.
127 S. Rouvière, op. cit.
128 BGE, ms. Court, 1/XII, fol. 193 ; 1/XXI, fol. 304, lettres d’Espinas à Anne Lapra-Espinas, 10 mars 1740, 20 mai 1748 ; P. Rolland, op. cit., p. 304.
129 Marie Vey-Degoutet et Isabeau Menet-Fialais accouchent en prison ; Catherine Dupuy est libérée « provisoirement sous caution pour ses couches » : P. Rolland, op. cit., p. 300, p. 362, p. 430.
130 BGE, ms. Court, 17/F, fol. 178, lettre de Ladreyt, 24 septembre 1739.
131 P. Rolland, op. cit., p. 362.
132 BGE, ms. Court, 17/F, fol. 177, lettre de Ladreyt, 24 septembre 1739.
133 BGE, ms. Court, 17/R, fol. 2, « Fait arrivé en Vivarais et en Dauphiné l’an 1738 recueillis de la bouche de Mademoiselle Chatelan », 16 mai 1742.
Auteur
-
Sarah Rouvière
Université de Lyon, LARHRA (UMR 5190)

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