De Saumur à Mer, les tribulations du pasteur Élie Péju
dans la première moitié du xviie siècle
From Saumur to Mer, the tribulations of Pastor Élie Péju. in the first half of the 17th century
p. 81-96
Résumés
Cette contribution vise à étudier la carrière d’un pasteur qui exerce dans des conditions « normales », c’est-à-dire sous le régime de l’édit de Nantes, loin des querelles théologiques et n’appartenant pas à une grande famille pastorale. Il s’agit d’Élie Péju, né à Saumur, mort à Mer en 1651 et qui a exercé trois Églises de la province d’Orléanais-Berry, Mer, Beaugency et Argenton-sur Creuse. Cette carrière met en relief trois éléments fondamentaux : le déclassement que connait le pasteur, commençant ses fonctions dans une importante Église ligérienne et les terminant dans une petite Église de fief loin de toute ville importante ; une activité de pasteur sans relief particulier si ce n’est l’écriture d’un ouvrage de controverse qu’il met dix ans à publier ; et de multiples conflits, tant avec les autres pasteurs de Mer que le consistoire de l’Église.
This contribution aims to study the career of a pastor who practiced under "normal" conditions, that is, under the regime of the Edict of Nantes, far from theological quarrels and not belonging to a large pastoral family. He was Élie Péju, born in Saumur, died in Mer in 1651, and served in three churches of the province of Orléans-Berry, Mer, Beaugency and Argenton-sur-Creuse. This career highlights three fundamental elements: the downgrading of the pastor, who began his functions in an important church in the Loire region and ended them in a small fiefdom church far from any important city; a pastor's activity without any particular relief, except for the writing of a controversial work that took him ten years to publish; and multiple conflicts, both with the other pastors of Mer and with the consistory of the church.
Texte intégral
1Depuis plusieurs années l’intérêt des chercheurs et chercheuses à l’égard des pasteurs, de leurs carrières et des courants théologiques qui traversent les académies et les temples ne s’est pas démenti. Des études ont ainsi été publiées principalement sur les xviie et xviiie siècles1, mais, comme le constatait récemment Julien Léonard pour les pasteurs du siècle de l’édit de Nantes :
Les pasteurs du xviie siècle restent mal connus […]. Cela peut s’expliquer à la fois par leur grand nombre (environ 700 simultanément), et par les conditions finalement « normales » de l’exercice de leur ministère, moins dramatiques que lors de la Réformation, des guerres de Religion, du Désert ou du Refuge, alors même que cette « installation » (É.-G. Léonard) est utile à l’historien pour comprendre comment fonctionnent les Églises en situation ordinaire2.
2L’objectif de cet article est d’essayer de comprendre la carrière d’un pasteur qui exerce ainsi dans des conditions « normales », en temps de paix principalement, loin a priori des querelles théologiques qui opposent les ministres et des carrières des grandes familles pastorales, et dont la réputation n’a pas véritablement franchi les limites de la province synode d’Orléanais-Berry, même si son nom a été évoqué lors de synodes nationaux. Ce pasteur est Élie Péju, originaire de l’Anjou, et qui a passé une grande partie de sa carrière dans la petite ville de Mer située sur les bords de la Loire entre Blois et Orléans, où il est nommé en 1613 et où il meurt en 1651, après avoir exercé également auprès de la communauté réformée ligérienne de Beaugency en 1632-1633, puis de celle d’Argenton-sur-Creuse dans le Bas-Berry (1635-1651), après un bref retour à Mer. C’est surtout comme pasteur de Mer qu’Élie Péju est connu. De quelles sources disposons-nous pour étudier ce parcours ? Outre les registres d’état civil des communautés où il a vécu, ce sont principalement les sources des institutions réformées conservées – actes de synodes nationaux, des synodes provinciaux et colloques de la province, mais pas de registres des consistoires –, un ouvrage de controverse qu’il a publié3, et des actes notariés. Si Élie Péju exerce ses fonctions de pasteur dans des conditions « normales », cela n’en fait peut-être pas pour autant un pasteur « ordinaire », tant il semble avoir été en conflit avec tous ceux qu’il a pu côtoyer, et tout particulièrement pasteurs, anciens et fidèles réformés de Mer et des autres Églises. Pour comprendre son parcours, nous nous intéresserons donc à l’environnement dans lequel il a vécu, à l’exercice de sa fonction pastorale et aux conflits dont il a été l’un des acteurs.
Un Angevin en Orléanais-Berry
3Nos connaissances sur la famille Péju sont très lacunaires. Dans l’ouvrage de controverse qu’il publie en 1630, Élie Péju se présente comme « Angevin et ministre du S[aint] Évangile ». Les registres d’état civil des communautés de Saumur et d’Angers nous donnent cependant quelques indications4. Élie Péju n’a pas été retrouvé, mais deux femmes apparaissent sous ce patronyme dans les registres saumurois, deux sœurs d’Élie5. Il s’agit de :
4- Marie Péju qui épouse Claude Amyrault et qui donne naissance entre 1592 et 1615 à au moins sept enfants, dont Claude, maître apothicaire, qui lui épouse à Angers en 1629 Marguerite Colpin6 ; et Marguerite, baptisée le 30 janvier 15997, qui épouse en 1624 Matthieu Cottière, pasteur de Tours. Un des enfants de Matthieu Cottière et de Marguerite Péju, Isaac, devient ministre de l’Église de Pau, puis de celle d’Angoulême8.
5- Renée Péju qui épouse Nicolas Cougnet. Le couple a sept enfants, dont Renée, née en 1606 et décédée en 1661, qui épouse le 27 mai 1630 Samuel Périlleau, demi-frère de Philippe Vincent, pasteur de l’Église de La Rochelle.
6Élie Péju a donc des liens familiaux directs ou plus indirects avec plusieurs pasteurs, tant de la province synodale d’Anjou-Touraine-Maine que de provinces voisines. Ces alliances se constatent en particulier par les noms qui apparaissent dans son testament rédigé le 25 octobre 1651, la veille de sa mort. Ce testament a été consulté par Paul de Félice qui l’a en partie transcrit dans son ouvrage sur l’Église de Mer, mais il n’a pas pu être retrouvé aux archives départementales du Loir-et-Cher9. Étant originaire de Saumur, on peut être surpris qu’il ne fasse pas ses études dans cette ville qui dispose d’un collège de plein exercice et d’une académie. Peut-être est-il allé au collège, mais il a été inscrit à l’académie de Montauban où il suit les enseignements au moins en 1610 et 161110. Ce choix s’explique peut-être, non pas par des écoles théologiques différentes entres les deux établissements, car ce n’est pas encore le cas, mais davantage par une plus grande ancienneté de l’académie languedocienne11, alors que celle de Saumur n’en est qu’à ses débuts puisqu’elle a ouvert en 160712.
7Élie Péju a été ministre du culte dans trois Églises bien différentes. Alors qu’il est jeune pasteur, il est nommé à Mer dans la plus importante Église du Blaisois. En 1561, l’Église de Mer groupait environ 2 000 personnes et, comme l’écrit Yves Guéneau, « c’est du moins ce qu’indique une lettre écrite à cette date pour réclamer un pasteur à Genève »13. Paul de Félice estime quant à lui que dans les années 1620 la ville de Mer comptait 1 500 réformés pour 1 660 catholiques14. Une des caractéristiques de cette communauté est l’importance des catégories populaires, à l’image des Églises de Châtillon-sur-Loire et de Sancerre à la même époque. À côté d’une élite sociale composée de familles nobles disséminées et de bourgeois, la place des vignerons et des ouvriers du textile est prédominante à Mer et dans le village d’Aulnay15. L’Église de Beaugency qu’il rejoint ensuite contre son gré est alors en fort déclin, même si nous ne pouvons pas nous faire une idée exacte du nombre de feux la composant en raison de l’absence de registres. Les actes de synodes provinciaux mentionnent au cours des décennies précédentes la demande de la part de certains fidèles de rejoindre les Églises de Lorges-Marchenoir ou de Mer16. C’est lors du synode provincial de 1634, réuni à Mer, que cette Église apparaît pour la dernière fois comme lieu d’exercice public, les fidèles sont alors rattachés à celle de Lorges-Marchenoir. La composition socioprofessionnelle de cette communauté dans les premières décennies du xviie siècle nous est également inconnue. La situation n’est guère plus brillante dans la troisième Église où Péju exerce. En effet, à Argenton-sur-Creuse, aux lendemains de l’édit de Nantes, les fidèles peuvent se rendre soit au culte public qui se tient jusque dans les années 1620 selon Yves Guéneau17, soit dans un exercice de fief, auprès de la famille Pierre-Buffière, seigneurs de Prunget et de Chabenet. Les registres de l’Église ayant disparu, il est impossible d’avoir une idée exacte de l’importance de cette communauté dans la période 1635-1651. Toutefois, dans les années 1680, on peut estimer que cette Église comporte une quarantaine de feux dispersés entre la ville même d’Argenton-sur-Creuse et les bourgs et villages de Saint-Marcel, du Vigou, de Saint-Gauthier et de Ciron entre autres. Rien à voir donc avec l’Église de Mer. L’Église d’Argenton-sur-Creuse, comme nombre de celles de la province, peut être qualifiée d’Église de notables. En effet, à la veille de la révocation de l’édit de Nantes, sur les 21 chefs de famille mentionnés, outre le pasteur, 16 sont qualifiés de bourgeois, auxquels il faut ajouter 5 artisans, et les familles des alentours sont soit de la noblesse soit de la bourgeoisie18.
8Dans cet environnement que connaît Élie Péju, il faut noter les conditions matérielles d’un pasteur. S’il ne se plaint pas de ne pas recevoir ses gages et que ses conditions d’existence paraissent satisfaisantes quand il est à Mer19, ce n’est pas le cas à Argenton-sur-Creuse où, malgré la composition sociale de la communauté, mais probablement davantage en raison de son faible effectif, il peut être difficile de recevoir la somme prévue. Il faut signaler tout de même le faible montant qui est versé au pasteur de cette Église, comme le constate le synode provincial de 1634 : il doit « se contenter de la somme de deux cens livres »20. À cela s’ajoutent les difficiles conditions de logement dans la mesure où il lui est interdit de résider dans la ville même d’Argenton-sur Creuse, et il s’en plaint en 1636 :
Au subjet du com[m]andemt qui luy avoit esté fait par une puissance superieure de quitter la demeure de la ville d’Argenton, il avoit esté contraint de se retirer par l’advis de l’Egl[ise] en un lieu esloigné d’Argenton d’une lieue et incom[m]ode po[ur] sa demeure qui luy avoit causé des fraits extraord[inai]res qui surpassent ce qu’il reçoit de ladite Egl[ise], de sorte que il luy est impossible de la servir sous ceste condition partant, a requis la compagnie d’ordon[n]er qu’il soit pourveu d’un convenable entretien21.
9Élie Péju obtient gain de cause. Le synode national d’Alençon de 1637 puis le synode provincial de 1638 exigent que ce soit désormais la somme de 350 livres qui lui soit versée, et l’Église doit en outre faire « transporter les meubles de sondit pasteur de Mer à Argenton à ses despens ». Est réitérée la menace – très classique – que l’Église soit privée de pasteur si elle n’obéit pas22. Toutefois, lors du synode provincial de 1641, Péju se plaint de nouveau de ne pas recevoir ses gages, et l’Église est une nouvelle fois menacée23. Et en 1643, Péju demande « à la compagnie qu’elle le fist payer par l’eglise d’Argenton de ce qu’elle luy doibt pour ses gaiges, et mesmes que la somme de trois cents cinquante livres n’estoit suffisante pour son entretien, et que ladite eglise luy fournist plus grande somme ». La question ne peut être réglée en l’absence du député ancien de l’Église au synode provincial, alors Péju « est mis en liberté »24, mais il y reste encore huit ans, faute probablement d’Église qui veuille l’accueillir ! Passer ainsi de Mer à Argenton-sur-Creuse montre le déclassement que subit Élie Péju au cours de sa carrière.
L’exercice du pastorat
10Élie Péju a donc exercé auprès de trois Églises de la province d’Orléanais-Berry. Il débute ainsi sa carrière à Mer en 1613 :
Maistre Élie Peju ayant esté presenté à cette compagnie par messieurs Bourguignon, pasteur de l’eglise de Mer, et Jacquemain, ancien, requerantz que ledit Peju soit envoyé à ladite eglise de Mer pour pasteur. Après un suffisant examen et selon toutes les formes prescriptes au synode de Saint Maixent, la compagnie luy a donné la main d’association et luy a declaré le don de sa charge, avec prieres à Dieu, l’assignant pour pasteur à l’eglise de Mer, et ha deputé le sieur Vignier pour luy imposer les mains en ladite eglise de Mer le mardy prochain suivant la Pentecoste25.
11Il devient le deuxième pasteur de cette Église. Mais lors du synode provincial de 1632, étant donné « la grande misere et calamité de laquelle [l’Église de Mer] elle a esté affligée par les maladies contagieuses qui l’ont reduite à la moitié, et ce qui est resté en vie à grande povreté », il est fait le constat qu’elle ne peut plus entretenir deux pasteurs. Il est donc décidé :
Les deux pasteurs ayans esté ouys l’un après l’autre, et tout ce qu’ils ont voulu deduire et representer examiné et consideré, et que le ministere du sieur Jurieu soit continué et confirmé, comme il a fait apparoir par acte du 12 avril dernier passé 1632 portant que ledit sieur Peju n’a point voulu faire la charge entiere. La compagnie a jugé que le sieur Jurieu demeurera pasteur propre à l’eglise de Mer. […] Dont ledit Peju s’est porté pour appellant au prochain synode national26.
12Le synode provincial décide alors de le nommer comme pasteur de l’Église voisine de Beaugency, une petite communauté bien différente de celle de Mer, « estant aussi besoin de pourvoir à l’eglise de Beaugency, la compagnie luy donne par prest le ministere du sieur Peju »27. Lors du synode provincial suivant tenu en 1634, Élie Péju est présent à l’assemblée en tant que pasteur de Mer. Quand y est-il retourné ? Il est difficile de le savoir. Les derniers actes de baptême qu’il signe avant son départ pour Beaugency datent du dimanche 24 août 1631, puis on retrouve sa signature uniquement le dimanche 17 juillet 1633, ensuite ce n’est que Daniel Jurieu28. En tout état de cause, cette même assemblée le nomme pasteur de l’Église d’Argenton-sur-Creuse, et c’est là qu’il termine sa carrière en 1651, après dix-sept années passées dans cette petite ville, avant de retourner à Mer et d’y mourir en octobre. Nous disposons de peu de sources sur cette dernière période.
13Sur les trente-huit années de carrière pastorale, ce sont les vingt premières années – quand il est à Mer – qui nous sont les mieux connues. L’Église de Mer étant une communauté importante comprise sur plusieurs bourgs et villages des alentours, deux pasteurs sont nécessaires pour l’exercice du culte. Durant cette période, plusieurs pasteurs se succèdent. Quand il est nommé ministre en 1613, Laurent Bourguignon est en fonction. C’est un pasteur alors âgé qui a semble-t-il commencé sa carrière à la fin des années 1560 à Châtillon-sur-Loing auprès de la famille Châtillon : il est nommé en 1601 à Mer29, et il reste en fonction jusqu’en 1617-1618. Lors du synode provincial de 1618, l’Église demande « d’estre pourveue d’un second pasteur à cause de la vieillesse et infirmité de monsieur Bourguignon »30. Outre ces raisons, il faut également rappeler qu’en 1617 son fils Daniel, ancien pasteur des Églises de Gien, Jargeau et La Celle-Saint-Cyr-Dollot, se convertit au catholicisme et publie cette même année 1617 plusieurs ouvrages de controverse31. Il est remplacé par Philippe Delapierre, un proposant de l’académie de Saumur dont les frais d’études sont pris en charge par la province d’Orléanais-Berry de 1611 à 1617 ; cette année-là, le synode provincial « l’a jugé capable de pouvoir édifier l’Église de Dieu » et le met entre les mains de la province de Bourgogne32. Manifestement, cela n’a pas lieu et c’est à Mer qu’il débute sa carrière. Philippe Delapierre y demeure cinq années et lors du synode provincial de 1623, il est mis « à la distribution des pasteurs du consentement de l’église de Mer et ne se présentant aulcune eglise pour le pourveoir, la compagnie l’a mis en sa liberté pour demeurer en ceste province ou se retirer en une autres »33. Le même synode nomme pour le remplacer Étienne de Monsanglard34, pasteur au profil bien différent, dont la carrière a commencé en 1599 dans l’Église de Corbigny et qui y a exercé continuellement jusqu’en 1623. Il reste à Mer trois années et, en 1626, « desirant partir de l’eglise de Mer avec paix »35, les relations étant difficiles avec Élie Péju, il retourne à Corbigny où il exerce jusqu’en 164736 ! Élie Péju est alors le seul ministre de Mer pendant trois ans. Ce n’est que le synode provincial de 1629 qui procède à la nomination d’un second pasteur :
14Le sieur Le Noir, deputé des chefs de famille de l’eglise de Mer, pour demander que ladite eglise soit pourveue d’un second pasteur, le sieur Peju, pasteur, et le sieur de la Borde, ancien, s’estans joints à ceste demande, ont requis que le sieur Daniel Jurieu, proposant de la province, lui fust donné pour pasteur, la compagnie ordonne qu’il sera donné texte audit sieur Jurieu afin qu’ensuite estant examiné suivant la discipline s’il est jugé capable, il soit envoié en ladite eglise pour y estre receu au saint ministere, et y estant admis l’exercer conjointement avec ledit sieur Peju37.
15Malgré de nouveau des rapports difficiles avec Élie Péju, Daniel Jurieu, fils de l’ancien pasteur de Châtillon-sur-Loing Siméon Jurieu, demeure auprès des fidèles de Mer jusqu’en 166438.
16Par bien des aspects, Péju participe comme de nombreux autres pasteurs à la vie institutionnelle de sa province. Il est présent aux assemblées convoquées par les synodes provinciaux et les colloques. Il dessert des Églises dont les pasteurs sont absents, soit qu’aucun pasteur ne soit encore nommé39, soit qu’ils participent à des synodes nationaux ou des assemblées politiques40. En revanche, il ne représente jamais la province dans des institutions nationales. De son rôle au sein du consistoire pour faire respecter la discipline ecclésiastique, peu d’éléments nous sont parvenus en raison principalement de la disparition des registres consistoriaux. Quelques affaires sont traitées en appel par les synodes provinciaux et ce sont des affaires très classiques d’ordre moral ou de rapports des fidèles avec l’Église catholique. Ainsi en 1614 :
Sur la demande de l’eglise de Mer, comment ils se doivent comporter envers Maturin Gentil et Marie Huchet mariez par les mains d’un prestre, donnant par ce mariage un grand scandale à l’eglise de Dieu, la compagnie se tenant aux termes de la discipline ordonne que les dessus dits seront appellez au consistoire, et après des remonstrances confesseront leur faute publiquement, et ce faisant seront receus à la sainte cene du Seigneur41.
17Ou en 1626 :
Jean Noé, habitant de Mer, ayant fait recognoissance en ceste compagnie de la faute qu’il a faite allant à la messe et rendu tesmoignage du regret et repentance de son peché, a esté receu à la paix de l’eglise42.
18Enfin, Péju apparaît également comme un controversiste. Il faut distinguer nettement deux polémiques. Une première oppose l’Église de Mer au prieur-curé du bourg, Thomas Ravenel. Péju n’écrit pas contre ce personnage et c’est Étienne de Monsanglard qui s’en charge en 162443. Les démarches contre Ravenel se poursuivent après cette date et, en 1626, le consistoire s’adresse au gouverneur de l’Orléanais, le comte de Saint-Pol, se plaignant que « le prieur de Mer ne laisse pas de continuer ses predications au marché et place publique, à six heures du soir, pour esmouvoir sedition »44. Il est cependant reproché à Péju « d’avoir retardé ce voyage », mais nous ne connaissons pas la raison45.
19Élie Péju est également au cœur d’une controverse qui dure dix ans. Lors du colloque du Blaisois de 1621, il est indiqué : « l’escrit de monsieur Peju contre un certain personage de Mer presenté à cette compagnie par le diacre de lad[ite] Eglise, et messieurs Vignier, Imbert et Garnier qui l’ont leu en aiant rendu bon tesmoignage, il a esté ordonné que pour la consolation de lad[ite] Eglise, il peut estre imprimé »46. Cinq ans plus tard, le synode provincial de 1626 fait mention d’une nouvelle publication :
Les sieurs Guerin et Lamy sont nommez commissaires pour voir le livre qu’a composé et presenté le sieur Peju, afin de juger s’il doit estre imprimé. Et s’ils estiment qu’il le doive estre, il sera en la liberté de l’eglise de Mer de contribuer aux frais de l’impression ou de n’y contribuer pas47.
Et le verdict tombe lors du synode provincial de 1627 :
Ouy le rapport que les sieurs Lamy et Guerin ont fait touchant l’escrit du sieur Peju, qu’ils avoient esté chargés d’examiner et qu’ils ont exactement leu et approuvé, hormis quelques choses un peu aigres qui pourroient alterer les esprits des adversaires si presentement ledit escrit est mis sous la presse en la forme qu’il est, la compagnie ordonne que ledit sieur Peju reverra son escrit et en ostera lesdites choses et qu’il mettra ès mains des sieurs Vignier et Testard, pasteurs à Bloys, lesquels en l’autorité de ce synode sont chargés de le veoir et examiner, et selon le tesmoignage qu’ils en rendront, ledit sieur Peju le pourra faire imprimer48.
20L’ouvrage, Antidote contre les vains prétextes des apostats, ne paraît qu’en 1630 à Saumur, probablement en raison des relations conflictuelles entre le consistoire et le pasteur. L’origine de cette controverse, d’après Péju lui-même, vient de « 19 demandes » faites par un Mérois « qui ne cherchoit que pretextes pour changer sa religion ». Péju répond à ces demandes, « mon but, écrit-il, tendoit à r’affermir ce qui chanceloit […], & l’esloigner de l’Église Romaine »49. Trois ans plus tard, selon le pasteur, « cette revolte auroit enfanté après un livre contre mon escrit, sans père, car l’autheur ne se nomme point, sans mère, car le lieu de l’impression ne se trouve point, intitulé le Sage bouffonnant ». Ce Sage bouffonnant est en vérité La suite du Rabelais reformé sur les impertinentes responses de M. Pejus aux demandes de M. Durand. Avec la coupelle mystique des ministres au sieur de la Pierre deministré50, livre publié en 1624 et attribué au jésuite François Garasse51. Nous pouvons donc en conclure que l’écrit de Péju, les « 19 demandes » de 1621, est probablement demeuré sous forme manuscrite et n’a jamais été publié. Garasse y répond en 1624 et exprime avec ironie tout son mépris à l’égard d’Élie Péju, « minist’amer » comme il le désigne52. La réponse de Péju n’est publiée que six ans plus tard et le ministre y rejette les « sarcasmes, railleries, boufonneries indignes » ou encore les « boufonneries, farceries, proverbes & quolibets de cuisine, de la taverne »53. Garasse, qui décède en juin de l’année 1631, n’a pas répondu à l’ouvrage de Péju.
Un homme de conflits
La compagnie voyant que tels deportemens aportent prejudice aux Eglises de la province, consommant le temps de plusieurs seances à chercher qui ne sentent que la chicane, scandalisant la plus part des assistans, a ordonné que le sieur Peju seroit exclu du present sinode, sauf à representer ce qui le concerneroit et à respondre aux plaintes d’aulcuns de la compagnie et qu’acte seroit dressé auquel ses deportemens seroient inserez pour estre envoyez au sinode prochain de la province d’Anjou. A laquelle sera declaré les actes et parce que ledit sieur Peju ne peut estre avec ediffication en aulcune Eglise de cette province, ny se trouver sans trouble ès assemblées d’icelle54.
21N’ont été conservés que quelques extraits du synode provincial de 1637, et ils concernent justement Élie Péju qui semble ainsi faire l’unanimité contre lui. En effet, cela fait désormais plus de vingt ans qu’il est toujours en conflit avec tel ou tel pasteur de Mer ou d’ailleurs, tel ou tel ancien, telle ou telle partie de l’Église où il exerce. Et, comme se plaint ce synode provincial, il occupe régulièrement une part non négligeable des actes de ces assemblées et de celles des colloques. Le cas Péju n’est en rien une exception, des conflits éclatent dans des Églises de cette province comme dans d’autres. Il semble n’y avoir aucun motif théologique ou politique dans cette situation – à la différence par exemple de l’exemple connu de l’opposition entre deux pasteurs de Saumur dans les années 1650, Moïse Amyrault et Isaac d’Huisseau55 – simplement le comportement d’un homme.
22Retraçons les adversaires et les étapes qui aboutissent à une telle exaspération de ses collègues. Pas de conflit apparent avec Bourguignon ni avec celui qui le remplace, Philippe Delapierre. Ce dernier débute dans la carrière pastorale quand il est nommé à Mer, en part au bout de seulement cinq années, probablement en raison des difficultés rencontrées dans la fonction car, par la suite, il ne peut retrouver rapidement une place dans une Église56. Étienne de Monsanglard est nommé en 1623 et, lors du synode provincial suivant de 1626, l’opposition entre les deux hommes apparaît au grand jour :
Sur le differend survenu entre les sieurs de Monsenglard et Peju, pasteurs de l’eglise de Mer, après avoir ouy tout ce que l’un et l’autre a voulu declarer, et receu les plaintes et justifications mutuelles de l’un et de l’autre en leur presence, et par icelles recogneus leurs esprits tellement enaigris qu’il ne se peut faire que l’edification d’une si notable eglise n’en soit interrompue ; ledit sieur de Monsenglard mesme ayant protesté de ne pouvoir avec paix de conscience exercer son ministere avec ledit sieur Peju57.
23Les motifs du conflit entre les deux hommes semblent une question de procédure de nomination des anciens à ce synode provincial, procédure contestée par Monsanglard. La situation apparaît suffisamment grave au synode provincial pour décider de mettre « lesdits sieurs de Monsenglard et Peju à la distribution pour disposer de leur personne comme elle jugera bon, selon l’ordre qu’il sera necessaire, exhortant tous les chefs de famille d’icelle à une sainte concorde »58. Toutefois, seul Monsanglard quitte Mer et Péju demeure le seul ministre de Mer pendant trois années, jusqu’à la nomination de Daniel Jurieu. Dès le synode provincial de 1632, on comprend que les relations entre les deux hommes sont tendues, même si officiellement les arguments des épidémies de peste, de l’appauvrissement de l’Église et de la demande de Péju de ne pas « faire charge entière » sont les seuls retenus par le synode provincial. Le ministère de Jurieu est confirmé et celui de Péju doit s’interrompre59. C’est dans ces conditions que Péju se voit contraint d’accepter le ministère de l’Église de Beaugency. Lors du synode provincial de 1634, alors que Péju est retourné à Mer, il est fait état des « paroles aigres » tenues par Péju à l’égard de son confrère60. C’est probablement en très mauvais termes avec Jurieu que Péju quitte Mer pour Argenton-sur-Creuse où il se retrouve seul pasteur.
24Avec les anciens et les fidèles, le premier conflit apparaît lors de l’assemblée du colloque du Blaisois de 1618, alors que la demande de séances de catéchisme le dimanche après-midi ne semble pas acceptée par le pasteur :
Sur le different survenu en l’eglise de Mer entre le consistoire et quelque partye de l’eglise, la compagnie a jugé qu’il y avoit faute en la procedure des ungs et des autres, au consistoire refusant de convoquer une seconde assemblée, aux autres d’avoir fait signifier leur resolution par un sergent. Et procedant au reste pour un bien de paix de ladicte eglise, ayant ouy monsieur Peju leur pasteur sur la demande des catechismes que desire l’eglise aux après disnées des dimanches, sont les ungs et les autres exhortez de pourvoir à ce qu’un second pasteur luy soit adjoint afin que l’eglise soit commodement servie61.
25Ces conflits sont responsables de divisions au sein du consistoire et entre les chefs de famille de la communauté. Lors du synode provincial qui se tient justement à Mer en 1626, sont « ouys semblablement tous les anciens de ladite eglise qui se sont trouvez sur le lieu, et un grand nombre de personnes de ladite eglise, plusieurs desquels ont esté cy devant en charge d’anciens ou diacres, et recogneu par leur rapport le danger eminent d’une division très prejudiciable à leur tranquillité ». Et le synode provincial exhorte les chefs de famille « à une sainte concorde »62. Toutefois, en 1626, Péju a toujours le soutien d’une partie des anciens et des chefs de famille qui demandent « que le sieur Péju leur soit laissé pour pasteur »63. À la suite de cette assemblée, Péju désormais seul ministre s’en prend aux anciens qui ne l’ont pas soutenu et qui sont censurés devant le consistoire de Mer64.
26Cependant à partir de 1627, les synodes provinciaux critiquent désormais ouvertement les comportements et excès de Péju. Malgré les promesses « de se soumettre aux advis de ceste compagnie », il lui est reproché « ses paroles injurieuses et procedures sans respect », « faisant souvent rebouillir toutes sortes d’affaires qui concernent luy ou son eglise », « poinctillant sur les mots sans besoin et sans charité », « ayant un esprit remuant et implacable, faisant servir à ses passions les choses saintes quand il reproche à ceux qui le contredisent qu’ils crachent contre la compagnie, et offensent Dieu », « ayant protesté de nullité et d’appel contre tout ce que feroit cette assemblée », « s’en prenant souvent aux moderateurs avec offense, menaçant quelques uns de la compagnie d’avoir recours au magistrat seculier ». Le synode provincial décide alors d’exclure Péju de l’assemblée et demande au synode provincial d’Anjou-Touraine-Maine de statuer sur les décisions et sanctions qui doivent être prises dans cette affaire65. Deux ans plus tard, lors du synode provincial de 1629, l’assemblée fait le constat amer qu’elle n’a pas eu gain de cause et décide de porter l’affaire devant le synode national, reprochant au synode provincial d’Anjou-Touraine-Maine d’avoir « monstré plus d’affection envers ledit sieur Peju que ses procedures ne les obligeoient et qu’ils ont agi pour luy plus tost comme mediateur que juge ». Cette attitude s’expliquerait par le fait « que les juges de cest affaire en Anjou estoient tous pour la plus part proches parens dudit sieur Peju »66.
27Cette procédure ne semble pas adoucir les propos de Péju à l’égard de certains fidèles de son Église qui s’opposent à lui puisque, toujours en 1629, il est de nouveau fait état « de parolles excessives à l’encontre de quelques particuliers de l’eglise de Mer, tesmoignant qu’il ne pouvoit oublier en son cours le mal que luy auront fait quelques uns, et qu’on lui a fait grand tort de le censurer comme marchand de vin »67 ! D’où vient donc cette accusation ? Elle semble fondée dans la mesure où dans l’inventaire de ses biens en 1651, il est fait état de quarante barriques de vin68. Cette réputation de « marchand de vin » n’est peut-être pas totalement usurpée. Ainsi, fait-il amende honorable, « promettant ci après de bien faire son profit des advertissemens qui lui ont esté donnez en ceste compagnie et de ne plus manquer de suivre l’ordre de ceste province »69. Mais la trêve est de courte durée. Lors du synode provincial de 1634, statuant sur un conflit entre les Églises de Mer et de Beaugeny, les députés estiment qu’un écrit de Péju « a esté jugé injurieux, calomnieux et indigne de la charité et moderation chretienne et d’estre presenté en ceste compagnie »70. Plus aucun ancien du consistoire de Mer n’est prêt à le soutenir, ils se rangent désormais tous derrière Jurieu qui est confirmé comme seul pasteur de l’Église, et ils affirment que le départ de Péju pour Beaugency leur a permis « de vivre en plus grande concorde ». De nouveaux écrits de Péju contre Jurieu et le consistoire sont jugés « pleins de fiel et indignes de sa vocation », et l’assemblée résume ainsi le ministère de Péju à Mer :
Et considerant tant pour ledit acte des chefs de famille que par les aigreurs que ledit sieur Peju a tesmoignées contre lesdits consistoires par ses deportemens depuis 12 ou 15 ans, soit en l’exercice du saint ministere à l’eglise de Mer, soit aux synodes provinciaux ou colloques où tousjours il s’est monstré contentieux, abondant en son propre sens, ne voulant ceder à aulcune censure ny advertissement de ses freres, injurieux contre tous ceulx qui se sont trouvez d’un sentiment contraire au sien, par la desobeissance qu’il a rendue au sinode en l’envoy qui avoit esté faict de luy à Beaugency pour un an seulement contre le tesmoignage qu’il avoit rendu au synode d’y acquiescer, et par la turbulence insupportable dont il a usé en ceste assemblée, qu’il est impossible qu’il puisse desormais exercer le saint ministere en l’eglise de Mer avec edification contre le gré d’icelle, et s’entretenir avec un consistoire qu’il a troublé depuis un sy long temps par ses riottes71.
28Il lui est donc interdit de prêcher dans l’Église de Mer et il est relégué loin de la ville, dans une Église isolée où il est le seul pasteur, Argenton-sur-Creuse. Le synode provincial de 1637 fait encore état de toute l’animosité des députés à son égard, Péju « se rendant insuportable en ses actions et tellement adonné à son ire qu’il a toujours esté impossible aux compagnies ecclesiastiques de le ranger à ce qui estoit arresté, et mesme confirmé en icelles », mais aussi « pointillant sur les motz sans besoing et sans charité », et « ayant ung exprit remuant et implacable »72.
29Pour conclure, si la carrière d’Élie Péju apparaît à bien des égards comme s’étant déroulée dans des conditions « normales », elle revêt un caractère exceptionnel en raison des comportements du pasteur vis-à-vis de ses collègues, des anciens du consistoire de Mer, et plus généralement de nombreux fidèles. C’est cette caractéristique qui nous permet d’avoir davantage de sources le concernant, et ainsi de mieux le cerner comme aussi l’ensemble de l’Église. Peut-on alors étudier des pasteurs qui exercent dans des conditions « normales » ? Quand cette « normalité » s’interrompt-elle ? Les sources très lacunaires qui ont été conservées ne donnent qu’une vision du personnage, celle principalement de ses adversaires à travers les actes des synodes provinciaux, qui restent souvent assez elliptiques sur tel ou tel conflit. La disparition des registres du consistoire est donc très préjudiciable. Cela confirme que les pasteurs demeurent très mal connus et qu’ils peuvent être encore un objet d’étude pour les chercheuses et chercheurs.
Notes de bas de page
1 Mark Greengrass, « The French Pastorate: Confessional Identity and Confessionalization in the Huguenot Minority, 1559-1685 », dans Luise Schorn-Schütte, C. Scott Dixon (dir.), The Protestant Clergy of Early-Modern Europe, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2003, p. 176-195; Karin Maag, « Pulpit and Pen: Pastors and Professors as Shapers of the Huguenot Tradition », dans Raymond A. Mentzer et Bertrand Van Ruymbeke (éd.), A Companion to the Huguenots, Leyde – Boston, Brill, 2016, p. 150-169; Thomas Guillemin et Julien Léonard, « Une identité d’entre-deux. Les proposants sous le régime de l’édit de Nantes », Revue d’histoire du protestantisme, t. 7-1, 2022, p. 9-64 ; Yves Krumenacker (dir.), Dictionnaire des pasteurs dans la France du xviiie siècle, Paris, Honoré Champion, 2008 ; Julien Léonard, Être pasteur au xviie siècle. Le ministère de Paul Ferry à Metz (1612-1669), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015 ; Françoise Chevalier, Prêcher sous l’édit de Nantes. La prédication réformée au xviie siècle en France, Genève, Labor et Fides, 1994 ; Nicolas Schapira, « Carrières de pasteur, carrières d’écrivain au xviie siècle : le cas de Jacques Couët-du-Vivier », Bulletin de la SHPF, t. 150-2, 2004, p. 257-281 ; Céline Borello, Du Désert au Royaume. Parole publique et écriture protestante (1765-1788). Édition critique du Vieux Cévenol et de sermons de Rabaut Saint-Étienne, Paris, Honoré Champion, 2013.
2 Julien Léonard, « Les pasteurs français au xviie siècle : un embourgeoisement ? », Dix-septième siècle, n° 293, 2021, p. 257-270, ici p. 258. La parenthèse renvoie à Émile-Guillaume Léonard, Histoire générale du protestantisme, t. 2, Paris, Presses universitaires de France, 1961.
3 Élie Péju, Antidote contre les vains prétextes des apostats, ou bien Instruction sur les principales controverses de ce temps au sujet de 19 questions proposées à l’auteur, Saumur, Gaucher Collas, 1630.
4 Pour Angers, AD Maine-et-Loire, I 1-2 ; pour Saumur, AD Maine-et-Loire, I 4-6.
5 Concernant la généalogie des familles réformées de Saumur, voir Jean-Luc Tulot, Les réformés de Saumur au temps de l’édit de Nantes, Saumur, Société des Lettres, sciences & arts du Saumurois 148 bis, 1999.
6 Claude Amyrault est inhumé à Saumur le 22 mai 1633 et Marie Péju le 7 février 1651, également à Saumur.
7 Elle est inhumée le 22 décembre 1658 à Saumur.
8 Élisabeth Forlacroix et Olga de Saint-Affrique, Les pasteurs d’Aunis, Saintonge et Angoumois devant la Révocation, Paris, Les Indes savantes, 2010, p. 61-62. Voir aussi Albert Sarrabère, Dictionnaires des pasteurs basques et béarnais, Pau, CEPB, 2001.
9 Ses héritiers sont : noble homme Mathurin Amyrault, avocat en parlement et au présidial de Saumur, tant en son nom que comme fondé de pouvoir de son frère honorable homme Claude Amyrault, maître apothicaire à Saumur, soit les enfants de Marie Péju. Nous trouvons également : Isaac Cottière, ministre de l’Église de Tours, comme père et gardien légitime et naturel de Isaac, Charles, Abraham et Michel Cottière, Marguerite Amyrault leur mère étant décédée ; Samuel Périlleau, marchand à Saumur, veuf de Renée Cougnet, fille de feue Renée Péju, la sœur d’Élie. Paul de Félice, Mer. Son Église réformée, Paris, Grassart, 1885, p. 106-107.
10 Michel Nicolas, Histoire de l’académie de Montauban et de Puylaurens, Montauban, Forestié, 1885, p. 392. Voir aussi Bibliothèque du Protestantisme français, ms. 3971, papiers de Michel Nicolas, liste des étudiants en théologie à l’académie de Montauban et de Puylaurens (1600-1685), fol. 77.
11 Montauban, où les réformés sont très nombreux, avait ouvert un collège en 1579 ; en 1597 on lui construit un bâtiment dans lequel une académie trouve sa place en 1600 : un règlement prévoit l’ouverture d’une véritable université avec des arts, du droit, de la médecine et de la théologie et des professeurs sont nommés. Mais il n’y a sans doute jamais eu que des cours de philosophie, hébreu, grec et théologie. L’Académie a été relativement florissante, mais n’a duré que moins de soixante ans en raison des efforts de reconquête catholique. Le collège en effet est cédé en 1629 pour moitié aux jésuites et la cohabitation entre jeunes catholiques et protestants est difficile ; en 1659, une émeute est le prétexte pour donner le collège tout entier aux jésuites, ce qui oblige à transférer l’Académie à Puylaurens où elle se maintient jusqu’en 1685. Yves Krumenacker, « Les Académies protestantes en France au xviie siècle », Dix-septième siècle, n° 293, 2021, p. 243-256 ; voir aussi Pierre-Daniel Bourchenin, Étude sur les Académies protestantes en France au xvie et au xviie siècle, Paris, Grassart, 1882.
12 http://archives.ville-saumur.fr/r/58/bref-historique-de-l-academie-protestante-de-saumur/ et l’introduction au fonds numérisé de l’Académie par Jean-Paul Pittion : http://archives.ville-saumur.fr/_depot_amsaumur/_depot_arko/articles/793/note-preliminaire_doc.pdf.
13 Yves Guéneau, Protestants du Centre, 1598-1685 (ancienne province synodale d’Orléanais-Berry), approches d’une minorité, thèse de 3e cycle en histoire, dir. Robert Sauzet, université de Tours 1982, p. 122.
14 P. de Félice, Mer, op.cit., p. 32.
15 Y. Guéneau, Protestants du Centre, op. cit., p. 138. Lors de la période du Désert, le village d’Aulnay avec ses vignerons et tonneliers réformés devient le cœur de la communauté.
16 BnF, ms. fr. 15829, synode provincial de 1620, art. 24, fol. 221 v°-222 r° : « Sur le different qui est entre les eglises de Mer et Beaugency pour la contribution de quelques particuliers qui ayant esté quelque temps de l’eglise de Beaugency se rangent à celle de Mer et doibvent des arrerages à celle de Beaugency, la compagnie a ordonné que pour lesdicts arrerages, l’eglise de Mer fera cest acte de charité envers ladicte eglise de Beaugency de les recueillir et recepvoir des particuliers, en usant des voyes permises par la discipline pour les rendre à ladicte eglise, si mieux n’aiment qu’on prenne trente six livres de leur portion afferante des deniers de la liberalité. Et quant à l’advenir, l’eglise de Beaugency ne pourra rien demander. De laquelle ordonnance l’eglise de Mer est encore appellante à la province d’Anjou. »
17 Y. Guéneau, Protestants du Centre, op. cit., p. 63-64.
18 Ibid., p. 151.
19 Sur la situation matérielle d’Élie Péju à son décès, voir Paul de Félice, « Deux intérieurs de pasteurs au xviie siècle », Bulletin de la SHPF, t. 33, 1884, p. 227-234.
20 BnF, ms. fr. 15829, fol. 296 v°, synode provincial de 1634, art. 40.
21 Ibid., fol. 310 r°, synode provincial de 1636, art. 29 : « La co[m]pagnie n’ayant à p[rese]nt autre Egl[ise] à pourvoir a exhorté led[it] Peju de continuer son ministere en lad[ite] Egl[ise] d’Argenton suivant l’arresté du dernier synode, laquelle derechef est exhortée en l’autorité de ceste compagnie de luy don[n]er contentem[ent] et moyen honneste à fournir à son entretien selon l’arrest dud[it] dernier synode, à peine d’estre privé du s[ain]t ministère. »
22 Ibid., fol. 309 r°-309 v°, synode provincial de 1638, art. 41.
23 Ibid., fol. 322 v°-323 r°, synode provincial de 1641, art. 18.
24 Ibid., fol. 334 v°, synode provincial de 1643, art. 29.
25 Ibid., fol. 154 v°, colloque du Blaisois de 1613, art. 22.
26 Ibid., fol. 283 v°, synode provincial de 1632, art. 30.
27 Ibid., fol. 284 r°, art. 31. Il est ajouté : « Conformement à la discipline ecclesiastique et aux synodes nationaux, troisiesme de la Rochelle et denier tenu à Charenton qui a donné pouvoir aux synodes provinciaux de prester le ministere des pasteurs nonobstant l’appel tant des eglises que des pasteurs jusques à un an, après lequel temps se pourra tenir le synode provincial qui pourvoira à l’eglise, et au sieur Peju, lequel fera sa residence actuelle en la ville de Beaugency. À quoy ledit sieur Peju a acquiescé sans prejudicier à son appel cy dessus. »
28 Le dimanche 28 août 1633, il s’agit cependant de « G. Cheron, pasteur » qui signe deux baptêmes. Voir AD Loir-et-Cher, I 34/1.
29 Voir l’art. 18 des appellations du synode national de Jargeau de 1601 : « Sur l’appel de Mr. Bourguignon, du synode de l’Ile de France, lui enjoignant de se retirer en leur province ; ayant égard aux grands services que ledit sieur Bourguignon a rendus à l’Église de Dieu, et attendu ses incommodités, cette compagnie l’a donné purement et simplement à l’Église de Mer ». Jean Aymon (éd.), Tous les synodes nationaux des Eglises Reformées de France, La Haye, Charles Delo, 1710, t. 1, p. 243.
30 BnF, ms. fr. 15829, fol. 200 v°, synode provincial de 1618, art. 25.
31 Daniel Bourguignon, Déclaration du sieur Bourguignon, cy devant ministre de la Religion prétendue réformée sur le sujet de sa conversion à la foy catholique, apostolique et romaine, Paris, René Giffart, 1617 ; Id., L’heureuse conversion du sieur Bourguignon, cy-devant ministre de la Religion prétendue reformée ès ville de Gien et Jargeau et autres lieux prez d’Orleans, à la foy catholique, apostolique et romaine, Paris, s. n., 1617 ; Id., Rencontre et conférence verbale entre le sieur Bourguignon, cy devant ministre des églises prétendues réformées, et le sieur Du Moulin, ministre à Charenton, Paris, René Giffart, 1617 ; Id., Le juste et raisonnable desfy du sieur Bourguignon aux ministres de la province où il estoit, Paris, René Giffart, 1617 ; Id., Response au discours du sieur Jurieu, ministre de Chastillon sur Loing, en laquelle sont descouvertes les pratiques malicieuses de certains huguenots à l’égard des catholiques convertis, Paris, René Giffart, 1617 ; Id., Les impiétés et athéismes evidens des hérésiarches huguenots, Paris, René Giffart, 1617 ; Id., La cabale des ministres huguenots intendans, Paris, René Giffart, 1618.
32 BnF, ms. fr. 15829, fol. 171 r°, synode provincial de 1617, art. 39.
33 Ibid., fol. 242 v°-243 r°, synode provincial de 1623, art. 69.
34 Ibid., fol. 243 r°, synode provincial de 1623, art. 71.
35 Ibid., fol. 252 r°, synode provincial de 1626, art. 55.
36 Il est également un controversiste, publiant un ouvrage : Étienne de Monsanglard, Aspergile chrestien, ou Refutation des erreurs de Thomas Ravenel, Augustin, en son Traicté de l’antiquité, propriété et miraculeux effects de l’eau bénite, Saumur, Thomas Portau, 1624.
37 BnF, ms. fr. 15829, fol. 273 r°-v°, synode provincial de 1629, art. 32.
38 Daniel Jurieu épouse Esther Du Moulin, fille de Pierre Du Moulin. Un de leurs enfants, Pierre, est pasteur de Mer de 1662 à 1674, puis professeur de théologie à l’académie de Sedan jusqu’à sa fermeture en 1681, avant de devenir pasteur de l’Église française de Rotterdam. Il épouse Hélène Du Moulin, fille de Cyrus Du Moulin, pasteur de Châteaudun et fils de Pierre Du Moulin. Sur la réception de Jurieu à Mer, voir Nicolas Vignier, Le pescheur d’hommes ou du devoir des qualitez des ministres de la parole de Dieu, avec le formulaire de la reception & confirmation des pasteurs selon la Discipline des Églises réformées de ce royaume, Blois, Veuve Gaucher Collas, 1632. L’auteur y compare Péju à « un vif flambeau » (p. 4).
39 BnF, ms. fr. 15829, fol. 177 v°-178 r°, synode provincial de 1617, art. 87 : après la mort du pasteur de Lorges-Marchenoir, Samuel de Chambaran : « la compagnie a ordonné que l’eglise de Bloys fournira de quinze en quinze jours à celle de Marchenoir un de ses pasteurs, et les pasteurs voisins, assavoir les sieurs Guerin, Lamy, Peju et Alix, visiteront alternativement ladite eglise les jours que l’eglise de Bloys ne la visitera point, et durera cet ordre jusqu’au prochain colloque ».
40 Ibid., fol. 214 r°, synode provincial de 1619, art. 55 : « Les eglises desquelles les pasteurs sont nommez pour se trouver ou en l’assemblée generale politique, ou au synode national, seront visitées par les pasteurs des eglises voisines, lesquels seront tenus y aller au mandement qu’ils en auront, s’ils n’ont excuse legitime dont le synode provincial jugera, et ce à peine de suspension. Pour visiter l’eglise d’Orleans pendant la tenue de l’assemblée generale sont nommées les eglises de Jargeau, Chilleurs, Beaugency, Marchenoir, Chasteaudun et Mer. Pour celle de Blois, Chasteaudun, Mer, Ouchamps, Marchenoir, Dangeau ».
41 Ibid., fol. 157 r°, synode provincial de 1614, art. 12.
42 Ibid., fol. 253 v°, synode provincial de 1626, art. 75.
43 É. de Monsanglard, Aspergile chrestien, op. cit.
44 BnF, ms. fr. 15829, fol. 249 v°, synode provincial de 1626, art. 29.
45 Ibid., fol. 248 v°, synode provincial de 1626, art. 10.
46 Ibid., fol. 228 v°, colloque de 1621, art. 12.
47 Ibid., fol. 249 r°, synode provincial de 1626, art. 12.
48 Ibid., fol. 259 r°, synode provincial de 1627, art. 2. Les actes ne mentionnent pas l’intervention du commissaire du roi à ce sujet (Bibliothèque Mazarine, ms. 26142, fol. 109 r°).
49 É. Péju, Antidote, op. cit., « au lecteur ».
50 [François Garasse], La suite du Rabelais Reformé. Sur les impertinentes Responses de M. Pejus, aux demandes de M. Durand. Avec la coupelle Mystique des Ministres au sieur de la Pierre deministré, « Au Palais », « Jouxte la copie imprimée à Mer », 1624. C’est la suite de [F. Garasse], Le Rabelais reformé par les Ministres, et nommément par Pierre du Moulin Ministre de Charanton, pour response aux bouffonneries inserées en son livre de la vocation des Pasteurs, Bruxelles, Christophe Girard, 1619.
51 Voir Mathilde Bombart, « Un antijésuitisme “littéraire” ? La polémique contre François Garasse », dans Pierre-Antoine Fabre et Catherine Maire (dir.), Les Antijésuites. Discours, figures et lieux de l’antijésuitisme à l’époque moderne, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 179-196.
52 [F. Garasse], La suite du Rabelais réformé, op. cit., « Epistre au lecteur ».
53 É. Péju, Antidote, op. cit., « au lecteur ».
54 BnF, ms. fr. 15829, fol. 312, synode provincial de 1637.
55 Françoise Chevalier, « La contestation de l’autorité du pasteur par l’assemblée des chefs de famille : Saumur, 1655-1660 », dans Yves Krumenacker (dir.), L’anticléricalisme intra-protestant en Europe continentale, Lyon, Chrétiens et Sociétés – Documents et mémoires 1, 2003, p. 11-26. Didier Boisson (éd.), Actes des synodes provinciaux des Églises réformées d’Anjou-Touraine-Maine (1594-1683), Genève, Droz, 2012.
56 François Garasse ironise sur ce pasteur qui a été « déministré » dans La suite du Rabelais reformé, op. cit.
57 BnF, ms. fr. 15829, fol. 248 v°-249 r°, synode provincial de 1626, art. 11.
58 Ibid., fol. 248 r°, art. 5, « La compagnie pour terminer ces differends a ordonné que les pasteurs et anciens de ceste eglise s’assembleront presentement et procederont à nouvelle nomination, en presence d’un pasteur de ceste compagnie et par la pluralité des voix des pasteurs qui se sont trouvez presents, a esté confirmée la nomination des sieurs Baignoux et de la Bresche. »
59 Ibid., fol. 283 v°, synode provincial de 1632, art. 30.
60 Ibid., fol. 296 r°, synode provincial de 1634, art. 35.
61 Ibid., fol. 183 v, colloque de 1618, art. 12. En 1621, un autre conflit éclate, sans que nous en connaissions l’origine : « L’affaire de l’Eglise de Mer representée par le sieur Rou tant en son nom que de quelques autres particuliers du corps de lad[ite] Eglise, le sieur Maria diacre en lad[ite] Eglise aiant dit ses raisons et le sieur Peju l’un des pasteurs d’icelle aiant respondu sur ce qui luy a esté demandé la dessus, la compagnie aiant travaillé soigneusement sur ce suject a reconcilié toutes les parties qui pour cet effect se sont mutuellement donné la main de charité et les a exhortées au nom de Dieu de faire en sorte que cette reconciliation fut ratifiée en leur Eglise pour la consolation et edification de tous » (Ibid., fol. 228 r°, colloque de 1621, art. 8).
62 Ibid., fol. 248 v°, synode provincial de 1626, art. 11.
63 Ibid., fol. 250 v°, synode provincial de 1626, art. 37. Voir aussi ibid., fol. 252 v°, art. 65 : « Sur la remonstrance du sieur de la Breche, ancien de l’eglise de Mer, qu’une grande partie de ceux de ladite eglise sont irritez contre luy sur la croyance qu’ils ont qu’il est cause que le peuple n’ait esté convoqué pour estre ouy au synode, et qu’il a tenu contr’eux des paroles de mespris, les appellant gens de neant, dont il luy pourroit advenir de l’inconvenient, la compagnie a trouvé bon de donner tesmoignage audit sieur de la Breche qu’il n’a aucunement empesché que le peuple ait esté convoqué pour estre ouy au synode, et qu’il n’y a aucun de la compagnie qui luy ait ouy tenir tels propos. Cet acte luy est donné pour s’en servir où il verra bon estre ».
64 Ibid., fol. 259 v°-260 r°, synode provincial de 1627, art. 14-15. « Sur l’appel de Jacques Roger, sieur de la Bresche, touchant la censure à luy prononcée au consistoire de Mer par le sieur Peju procedant aux censures devant la cour, quoyque sous le nom d’admonition, attendu qu’en ce dont est blasmé le sieur de la Bresche se trouvoit conformité à l’arresté du dernier synode de Mer renvoyé par le synode national avec autres differends au synode de la province d’Anjou. La compagnie jugeant que ladite censure a esté faite pendant ledit temps auquel on attend le jugement definitif, a declaré nulle ladite censure et ordonné que l’acte sera rayé du livre du consistoire. De quoy ledit sieur Peju a dit qu’il appelloit, encore qu’il luy ait esté dit qu’il ne le pouvoit ».
65 Ibid., fol. 261 v°-262 r°, synode provincial de 1627, art. 32.
66 Ibid., fol. 268 v°, synode provincial de 1629, art. 3.
67 Ibid., fol. 273 r°, synode provincial de 1629, art. 31.
68 P. de Félice, « Deux intérieurs », op. cit., p. 232.
69 BnF, ms. fr. 15829, fol. 275 r°, synode provincial de 1629, art. 41.
70 Ibid., fol. 292 v°, synode provincial de 1634, art. 15.
71 Ibid., fol. 295 r°-295 v°, synode provincial de 1634, art. 34.
72 Ibid., fol. 312, synode provincial de 1637.
Auteur
-
Didier Boisson
Université d’Angers – TEMOS UMR CNRS 9016

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