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Droites et catholicisme en France et en Europe des années 1960 à nos jours

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Olivier Dard
, 
Bruno Dumons

Le cas français

Trois publicistes catholiques face à Vatican II : Marcel Clément, Jean Madiran et Michel de Saint Pierre

Three Catholic publicists facing Vatican II : Marcel Clément, Jean Madiran and Michel de Saint Pierre

Olivier Dard

Résumé

Cette contribution s’attache à l’itinéraire croisé d’un trio de publicistes catholiques face à Vatican II : Marcel Clément (1921-2005), universitaire et journaliste passé par le Québec, Jean Madiran (1920-2013), venu de l’Action française et fondateur d’Itinéraires, et l’écrivain Michel de Saint Pierre (1916-1987), issu de Témoignage chrétien et l’auteur de best sellers antiprogressistes comme Les nouveaux prêtres. Une première partie met en scène leurs parcours politiques et religieux respectifs jusqu’au concile en insistant sur leur singularité comme sur leurs relations. La seconde analyse leurs positions respectives et critiques sur à Vatican II pour en souligner les convergences mais aussi les divergences. Ainsi, Marcel Clément et L’Homme Nouveau sont sur une ligne bien différente de celle prônée par Madiran qui, relaie alors les thèses de Michel de Saint Pierre, lequel reste cependant en contact avec Marcel Clément.

Texte intégral

  • 1 Témoignage cité par Béatrice Le Conte, Jean Madiran et la revue Itinéraires, mémoire de master 2, S (...)

1Rapprocher Marcel Clément (1921-2005), Jean Madiran (1920-2013) et Michel de Saint Pierre (1916-1987) n’a rien de fortuit par-delà la question du concile Vatican II et leurs attitudes et analyses, différenciées à son égard. Contemporains, nés à cinq années d’intervalle, ils ont entretenu des liens parfois étroits entre le milieu des années 1950 et celui des années 1960. Plus exactement, Marcel Clément et Michel de Saint Pierre ont fréquenté assidûment Jean Madiran, et ce à des moments différents de leurs itinéraires respectifs. Quant à eux deux, ils ne se contentent pas de se lire puisqu’André Clément, le frère de Marcel, souligne que « Marcel Clément était un bon ami de Michel de Saint Pierre » et qu’ils se tutoyaient1.

2Les hommes ont des parcours et des profils différents, y compris comme publicistes. La dénomination vaut assurément pour Jean Madiran, journaliste et essayiste, maître d’œuvre bien connu d’Itinéraires. Elle paraît moins évidente pour les deux autres. Marcel Clément est durant les années 1950 un sociologue, engagé pour un temps dans une carrière universitaire à l’université Laval de Québec, tandis que Michel de Saint Pierre est d’abord un écrivain dont les romans ont connu un incontestable succès, débouchant même en 1955 pour Les aristocrates sur une adaptation cinématographique conduite par Roland Laudenbach, le patron des éditions de la Table Ronde et Denys de La Patellière qui s’est aussi chargé de la mise en scène. À d’autres moments, Clément et Saint Pierre incarnent des profils de publicistes avec les expériences de L’Homme Nouveau ou d’Aujourd’hui Québec pour le premier, et des textes engagés dans les débats de son temps pour le second, comme son Plaidoyer pour l’amnistie en faveur des condamnés de l’Algérie Française et son célèbre Sainte colère publié en 1965.

  • 2 Danièle Masson, Jean Madiran, Maule, Difralivre, 1989 ; Rémi Fontaine, Itinéraires de chrétienté av (...)
  • 3 André Clément, Marcel Clément (1921-2005). Esquisse inédite d’une autobiographie. Vie et œuvre, Par (...)
  • 4 Jean Paulhac, Michel de Saint Pierre, témoin de son temps, Paris, La Table ronde, 1972.
  • 5 Archives Nationales, 664 AP : fonds Michel de Saint Pierre. Il s’agit de deux cartons contenant de (...)
  • 6 Itinéraires, n° 138, décembre 1969. Cité par Béatrice Le Conte, Jean Madiran et la revue Itinéraire (...)

3Étudier ces trois figures pose un problème de sources et de bibliographie. Il n’existe pour l’heure guère de travaux à leur sujet si on excepte un mémoire de master précité sur Madiran et des biographies laudatives émanant de ses proches2, l’esquisse inédite d’une autobiographie de Marcel Clément par son frère André3 et un essai de Jean Paulhac, écrivain et psychologue sur son ami Michel de Saint Pierre4. Quant aux archives, pour l’heure, seuls des papiers Michel de Saint Pierre sont déposés aux Archives Nationales5. De nombreuses sources imprimées permettent cependant de suivre le cheminement de ces trois hommes face à un concile qui voit le duo Madiran/Clément se déliter tandis que se noue, dans cette conjoncture, une relation étroite entre Madiran et Saint-Pierre. La prose de Jean Madiran donne le ton. Il écrit ainsi à propos de Clément : « Il milite pour “pour le Concile”, interprété certes en un sens catholique, sans s’inquiéter autant que nous des dangereuses ambiguïtés insinuées dans plusieurs de ses décrets. Il s’impose, non par crainte, mais par l’effet d’une conviction morale que nous respectons sans la partager, de tenir silencieuse la réprobation qu’appellent les documents souvent scandaleux, et parfois matériellement hérétiques, publiés par l’épiscopat français avec l’apparence d’une approbation, pas toujours tacite, du Saint-Siège »6. Quant au second, chroniquant son livre Sainte colère dans Itinéraires en novembre 1965, il souligne : « Il répond à notre attente et même la dépasse ».

Trois itinéraires et des rencontres avant Vatican II

Jean Madiran : le maurrassien thomiste devenu patron de revue

  • 7 Jean Madiran, Maurras toujours là, Paris, Éditions Consep, 2004, p. 7.
  • 8 L’Action Française, 2 juin 1943.
  • 9 Rémi Fontaine, « Maurras à la lumière de la philosophie chrétienne », La Nouvelle Revue Universelle(...)
  • 10 L’ouvrage fut publié aux Nouvelles Éditions Latines.
  • 11 Pierre Rigoulot, Georges Albertini, socialiste, collaborateur, gaulliste, Paris, Perrin, 2012, p. 2 (...)

4Le parcours de Jean Madiran (né Jean Arfel) est jalonné de quelques temps forts. Le premier est une enfance et une adolescence marquées par le scoutisme. Il faut y ajouter la découverte de Maurras en classe de seconde et de Saint-Thomas d’Aquin, en khâgne à Bordeaux. À la lecture de la prose du chef de L’Action Française, l’adolescent est conquis : « Maurras était un penseur irréfutable ». Sept décennies plus tard, il reste catégorique : « Je l’ai cru. Je le crois toujours »7. Saint-Thomas, auquel il consacre son premier livre, publié en 1944 sous le pseudonyme de Jean-Louis Lagor, est préfacé par le Martégal. Le jeune homme l’a rencontré en avril 1943 à Pau dans le sillage d’une conférence prononcée par Maurras sur Barrès et s’est vu proposer d’écrire dans L’Action Française où certains de ses textes avaient déjà été repris et commentés, en particulier pour louer sa « “bataille de l’intelligence” »8. Le jeune Jean Arfel est alors, comme son « maître », un pétainiste convaincu. Mais le maurrassisme de Madiran se veut autant religieux que politique ou plus exactement considère ces deux versants comme indissociables : « Je dois à la pensée maurrassienne d’être entrée comme chez moi dans la philosophie chrétienne » soulignait Madiran qui se définissait comme « un maurrassien interprétant sa pensée politique à la lumière de la pensée et de la prière de l’Église »9. Avec le journalisme, l’enseignement est la seconde voie professionnelle empruntée par le jeune Arfel qui se retrouve en octobre 1944 à enseigner la philosophie à l’École des Roches. L’établissement, replié de Verneuil-sur-Avre au château de Maslacq, est alors dirigé par André et Henri Charlier que l’on retrouve ensuite à Itinéraires. Jean Arfel passe plusieurs années à Maslacq qu’il quitte au printemps de 1950. Entre temps, il a tenté, sans véritable succès de mettre sur pied des revues d’inspiration maurrassienne comme L’Indépendance Française mais c’est finalement Aspects de la France dirigé par Pierre Boutang et soutenu par Maurras qui s’est imposé comme l’héritier légitime de L’Action Française. En 1949 Jean-Louis Lagor publie également un essai Une autre chevalerie naîtra10, véritable manifeste contre la « barbarie moderne » et la « politique moderne » où se marque de l’influence de Péguy. Les temps changent : l’enseignement n’est plus d’actualité. À partir de l’été 1950, Jean-Louis Lagor devenu Jean Madiran se consacre à des activités journalistiques pour le compte du Bulletin d’études et d’informations de politique internationale (BEIPI) de Georges Albertini où il est chargé de traiter du PCF et du communisme dans le monde11. Madiran s’emploie aussi à dénoncer Le Monde de Beuve-Méry ou la complaisance d’Esprit et des catholiques de gauche envers le communisme dans deux essais virulents parus en 1955 : Ils ne savent pas ce qu’ils font et Ils ne savent pas ce qu’ils disent. Les temps sont mûrs pour la création de la revue Itinéraires dont le premier numéro paraît en mars 1956.

  • 12 Béatrice Le Conte, Jean Madiran et la revue Itinéraires, op. cit., p. 213.

5Sa genèse en est connue. André Clément a rappelé comment c’est au Petit-Basque, près de la place Saint-Sulpice, que Jean Madiran et Marcel Clément se sont rencontrés par le truchement de Fernand Sorlot, le patron des Nouvelles Éditions Latines qui organisait des déjeuners. L’éditeur accueille la jeune revue dans ses locaux, 1 rue Palatine à Paris12. Si Madiran est le maître d’œuvre d’Itinéraires, Marcel Clément en est plusieurs années une cheville ouvrière de premier plan ; en particulier grâce à des enquêtes sur le corporatisme ou le nationalisme. Malgré certaines sympathies originelles communes, en particulier pour le maurrassisme, il a un parcours et une personnalité différents de ceux de Jean Madiran.

Marcel Clément, le sociologue catholique contrarié devenu journaliste

  • 13 Bernard Laguerre, « Marianne et Vendredi : deux générations ? », Vingtième Siècle, no 22, avril-jui (...)

6Marcel Clément a suivi ses études secondaires dans des lycées parisiens, Montaigne puis Louis-Le-Grand à partir de la 4e. C’est là qu’il découvre L’Action Française mais aussi la presse de gauche, en seconde, à travers la lecture de l’hebdomadaire Vendredi publié de 1935 à 1938 et réunissant derrière Jean Guéhenno nombre de jeunes intellectuels favorables au Front Populaire13. Sa première partie de bachot manquée, l’adolescent atterrit dans une « boîte à bac », l’École Chauvot, où il croise Hervé Bainville. Ce dernier, fils de l’historien d’Action Française décédé en 1936, l’introduit dans le milieu maurrassien. Le 4 février 1938, au cercle Jacques Bainville, le jeune homme de 18 ans prononce sa première conférence sur la pensée allemande. Son deuxième bac en poche, Marcel Clément entame une hypokhâgne et des études de philosophie à Poitiers. Il y rencontre l’avocat Marie de Roux, une figure historique de l’Action Française, qui lui demande de reprendre sa conférence parisienne pour le public poitevin. De retour à Paris après la défaite, Marcel Clément y poursuit ses études de philosophie et s’inscrit aussi en droit. Marié en 1942 et père l’année suivante, il choisit de se rendre à Vichy pour échapper au STO et y retrouver le futur ministre Raymond Marcellin. Marcel Clément devient alors chargé de mission à l’Économie Nationale et travaille dans ses services parisiens, à l’Institut de Conjoncture. Il y côtoie quotidiennement Alfred Sauvy et Jacques Dumontier et y traite principalement de la question des déportations de main d’œuvre en Allemagne. C’est aussi dans ce cadre que Marcel Clément a été la cheville ouvrière d’une étude publiée sous l’égide de François Perroux et de l’Institut de Science Economique Appliquée (ISEA), Salaire et rendement. L’économiste bien connu la présente ainsi :

  • 14 Salaire et rendement, Paris, PUF, 1947, p. 1-2 : les italiques figurent dans le texte original.

Cette étude atteindra son but si elle contribue à permettre à l’homme de garder, ou de reconquérir, le contrôle de l’évolution technique et de l’évolution économique de la production des services. Elle a exigé le concours de compétences complémentaires. Au centre de l’équipe de travail, il fallait un homme qui, averti des problèmes économiques, eût une habileté particulière à manier les réalités psychologiques, une fine compréhension des relations de l’ouvrier à son œuvre, une bonne connaissance de l’Histoire des conditions du travail dans les différents secteurs de l’activité humaine. Nous avons eu la bonne fortune de trouver cet homme en la personne de notre ami, M. Marcel Clément, à l’époque chargé de mission à l’Institut de Conjoncture et aujourd’hui expert auprès de la Commission des Réparations pour l’Extrême-Orient, qui siège à Washington. Apportant, à chacune des réunions de travail qu’il avait avec le Directeur Adjoint de l’I.S.E.A., le fruit de recherches étendues et de fécondes méditations sur sa propre expérience, il a contribué plus que quiconque à l’orientation générale de l’étude et à la précision de ses détails. Il a rédigé un important mémoire qui, à très peu près, a constitué le Cahier lui-même […] »14.

  • 15 Nous avons suivi son propre récit : Marcel Clément, « Autobiographie inédite et non achevée », Marc (...)

7Lorsque la brochure paraît, Marcel Clément a déjà connu d’autres horizons. En 1945, il s’est vu affecté à une autre mission, effectuer un rapport sur le bilan des dommages français en Extrême-Orient. Parti du Bourget le 3 septembre 1945, il arrive à Saigon près d’un mois plus tard après avoir traversé l’Inde puis la Birmanie15. Une fois pris son service auprès du cabinet de Thierry d’Argenlieu, Marcel Clément boucle son rapport et se retrouve muté à la délégation française de la Commission de l’Extrême-Orient, où il travaille comme expert pour le compte de l’ambassadeur de France aux États-Unis à Washington. Il y reste jusqu’en octobre 1947.

  • 16 Ibid., p. 67.

8Les lignes qui précèdent pourraient dessiner une carrière de technocrate prometteur. Il faut cependant considérer un autre élément dans l’itinéraire de Marcel Clément, sa ferveur catholique (il se rend à la messe quotidiennement à Paris comme à Saigon) et surtout sa rencontre avec Marthe Robin, paysanne drômoise et âme mystique réputée revivre chaque semaine la passion du Christ. Marcel Clément découvre son existence en 1943 par le biais de François de La Noë, ancien directeur de cabinet de l’ancien préfet de police de Paris Jean Chiappe et alors cadre dirigeant du Mouvement de Libération Nationale auquel Marcel Clément transmet des renseignements. Ces premiers échanges sur Marthe Robin réorientent les lectures de Marcel Clément. Il dévore Le Curé d’Ars du chanoine Trochu et, au printemps 1944, le commentaire de L’Apocalypse du père Féret. En mai 1946, il effectue sa première visite à Marthe Robin et rencontre Georges Finet, son père spirituel. Le moment est décisif. Cette première entrevue est en effet le prélude à d’autres qui marquent profondément Marcel Clément, comme celle du 21 août 1947 qui le décide à accepter une proposition d’installation au Canada après que Marthe lui a dit : « Mais il n’y a plus moyen, pour vous, de rester en Amérique ? »16.

  • 17 Ibid., p. 74 : un fac-similé du plan de son cours.
  • 18 Ibid., p. 76.
  • 19 E-Martin Meunier et Jean-Philippe Warren, L’horizon personnaliste de la Révolution tranquille, Sill (...)

9S’ouvre alors, pour une quinzaine d’années, la phase universitaire et canadienne française de l’itinéraire de Marcel Clément qui enseigne « Économique du travail »17 à l’université Laval (il y côtoie Charles de Koninck, alors doyen d’une faculté très attachée à Thomas d’Aquin), aux HEC de Montréal (dirigées alors par Esdras Minville) et au Grand Séminaire de Montréal (il y est le jeune collègue du futur cardinal Gagnon). Cet enseignement permet de valoriser sa triple formation en philosophie, économie et sociologie. Mais il ne s’agit seulement pour lui de transmettre des connaissances. Il entend, dans l’esprit du serment antimoderniste prononcé par chacun des enseignants de l’université Laval, articuler son enseignement à sa foi ; et donc, pour reprendre une de ses formules, « remettre les études que j’avais faites en accord avec l’enseignement de l’Église »18. Une vision des choses qui l’éloigne d’une autre sensibilité présente à Laval et qu’incarne le père dominicain Georges-Henri Lévesque, doyen de la Faculté des sciences sociales, fondateur de « l’École de Laval » et pourfendeur de la « Grande noirceur » dont la dénonciation débouche sur la « Révolution tranquille » des années 196019.

  • 20 Marcel Clément (1921-2005). Esquisse inédite d’une autobiographie…, op. cit., p. 86.
  • 21 Xavier Gélinas, La droite intellectuelle québécoise et la Révolution tranquille, Lévis (Québec), Pr (...)
  • 22 Pour cette citation et les suivantes : Marc Bergère, Vichy au Canada. L’exil québécois des collabor (...)
  • 23 Olivier Dard, « Robert Rumilly passeur des droites nationalistes entre la France et le Canada franç (...)
  • 24 Elle fut publiée en deux tomes aux Nouvelle Éditions Latines.

10La publication par Marcel Clément d’une série d’articles intitulée « Où va l’enseignement des sciences sociales ? »20 dans l’hebdomadaire montréalais Notre Temps met le feu aux poudres. Il faut savoir que Notre Temps, auquel Clément collabore depuis 1949, est un soutien de poids de Maurice Duplessis et de l’Union Nationale. Le journal est exécré par les progressistes qui l’ont surnommé L’Autre Temps et le prennent régulièrement pour cible21. Le support comme le contenu de la prose de Marcel Clément le marginalisent donc au sein de la faculté des sciences sociales où, selon une note manuscrite de l’ambassade de France datée du 13 décembre 1949, « le RP Levesque l’a liquidé »22. Une lettre de l’Ambassadeur de France adressée au Quai d’Orsay livre des éléments instructifs sur les motifs, politiques, de son exclusion voulue et obtenue par le doyen à « l’unanimité du conseil de faculté ». Elle rappelle que Marcel Clément avait été recommandé par François Perroux, indique que l’universitaire « n’aurait pas donné satisfaction dans son enseignement » mais surtout qu’il « aurait émis de vives critiques à l’égard de l’esprit de renouveau chrétien qui inspire l’action du père Levesque » et « n’aurait pas dissimulé sa sympathie pour les milieux de Québec qui ont fait campagne en faveur des collaborateurs français réfugiés au Canada ». La note manuscrite est plus expéditive et parle de « pétainisme », de « rumillysme » et de « bernonvillisme ». Le « rumillysme » fait écho à Robert Rumilly, un Français installé à Montréal depuis l’entre-deux-guerres et qui a milité dans les années 1920 à l’Action Française de Paris. Rumilly est devenu une plume très en vue au Canada français et son Histoire du Canada y a obtenu un grand succès. Rumilly est aussi engagé dans le débat politique où il soutient Maurice Duplessis et combat Esprit avec l’énergie d’un Madiran qu’il recycle (sans le citer) dans ses brochures comme L’infiltration gauchiste au Canada français23. Le « bernonvillisme » fait référence à la figure du comte Jacques de Bernonville, maurrassien et pétainiste, dont l’arrivée au Québec provoque une véritable « affaire », divisant le monde universitaire, entre l’université de Montréal qui le soutient tandis que celle de Laval le combat. Chassé de cette dernière, Marcel Clément se replie donc sur Montréal et y enseigne jusqu’en 1962 aux HEC un cours qui porte sur la conjoncture économique. Entre temps, il a obtenu en 1953 un doctorat de l’université d’Ottawa intitulé L’économie sociale selon Pie XII24.

  • 25 À propos de l’enquête sur la corporation : Olivier Dard, « Le corporatisme dans les droites nationa (...)

11Du début des années 1950 au tournant des années 1960, Marcel Clément partage son temps entre les deux rives de l’océan. En France, en 1955, il se lance avec Gustave Thibon dans la création du Centre Français de Sociologie, basé à Beaumont-Monteux dans la Drôme. Débute aussi l’aventure d’Itinéraires. Marcel Clément, que Madiran présente comme « le premier des sociologues catholiques de sa génération », ne se contente pas de lui donner des articles mais prend en charge la mise sur pied d’enquêtes sur la corporation (1956) puis le nationalisme (1957), enquêtes dont les réponses françaises et étrangères, publiées dans la revue et également en volume pour la seconde, positionnent Itinéraires contre ses adversaires (Georges Hourdin, Joseph Folliet), élargissent l’assise du mensuel et le font connaître hors de la sphère catholique25.

12À la veille de l’ouverture du Concile, Clément et Madiran sont proches. Ils s’accordent sur la défense d’un catholicisme antimoderne opposé au progressisme chrétien et aux catholiques tentés par le marxisme. Les combats de l’heure les soudent. Il faut y ajouter une admiration partagée pour Maurras, même si elle se traduit différemment. Bien connue dans le cas de Madiran, elle l’est moins dans celui de Marcel Clément. On retiendra cependant l’hommage qu’il rend à l’auteur de L’avenir de l’intelligence dans Notre Temps, le 22 novembre 1952 quelques jours après sa mort de celui qui fut un « maître » :

Au moment de le voir partir, je dois confesser qu’il marqua fortement ma vie intellectuelle naissante, au point même de me servir de relais jusqu’à celui qui est aujourd’hui le maître de ma pensée comme de celle de tant d’autres : le pape Pie XII ; Charles Maurras fut incontestablement pour moi ce qu’il fut pour les hommes de trois ou quatre générations françaises : le restaurateur des valeurs humaines, intellectuelles, esthétiques et politiques.

13Après avoir rappelé en quoi, grâce à Maurras, il n’a pas été « victime de l’individualisme […] de l’égalitarisme […] du Romantisme », Marcel Clément marque sa dette avec une formule que n’aurait nullement désavouée
Madiran : « En un mot je dois à Maurras les cadres intellectuels à travers lesquels ma foi s’est trouvée préservée des poisons qui dans l’intelligence du chrétien, s’insinuent si fréquemment lorsque l’existentialisme et le progressisme sont à la mode ». À lire Marcel Clément, qui parle au nom « d’une partie de la génération » qui a eu vingt ans en 1939, Maurras doit être considéré comme « un rempart contre l’erreur ». Mais un « rempart » seulement, à cause des « limites » qu’il pointe chez le chef de l’Action Française dont la pensée « ne peut constituer une nourriture » :

  • 26 Un fac-similé de l’article est publié dans Marcel Clément (1921-2005)…, op. cit., p. 84.

Car Maurras, génie hellène aimait la mesure. Il ne comprenait pas l’infini. Maurras, génie romain, aimait l’ordre. Il ne comprenait pas le fondement divin de l’ordre. Maurras, poète provençal, aimait la lumière douce et forte de son pays. Il n’a que trop tard retrouvé l’intimité de Celui qui est Lumière…26.

14Au tournant des années soixante, la défense de l’héritage du maître s’étend aussi à celle d’un de ses disciples qui s’est voulu son mémorialiste, Henri Massis. À l’occasion de l’élection de celui-ci à l’Académie Française, Itinéraires lui a consacré, en janvier 1961, un numéro spécial d’hommage dont l’avant-propos est signé de Madiran et le texte d’ouverture de Clément.

Michel de Saint Pierre, de l’expérience du progressisme à son rejet sur fond de guerre d’Algérie

  • 27 Il s’agit de la rosette de la Résistance Française et de la Médaille Militaire et de la Croix de Gu (...)

15Lorsque Madiran et Clément mettent sur pied Itinéraires, Michel de Saint Pierre n’en est pas, ni de près, ni de loin. Il n’a rejoint le mensuel qu’à partir du numéro 88 pour y traiter des Nouveaux prêtres. Le parcours de Michel de Saint Pierre est bien différent de celui du duo Clément/Madiran. Il a choisi d’aller travailler aux Chantiers de Saint-Nazaire à la veille du Front Populaire (il y reste un an) puis de s’engager dans la Marine. Décisives, ces expériences ont inspiré ses premiers romans à tonalité autobiographique (Ce monde ancien !, La Mer à boire) dont les personnages principaux l’ouvrier Le Steyr dans Ce monde ancien ! et Gilles de Lointrain dans La Mer à boire ne sont pas sans faire songer au jeune aristocrate en rupture de ban. Dans la foulée de la guerre et de la Résistance (pour lesquelles il fut décoré27) il rejoint Témoignage Chrétien où il tient la chronique cinématographique. Saint Pierre a collaboré aussi à Etudes (pendant onze ans) et y a publié des articles sur l’art sacré, sa vie d’ouvrier, ses voyages ou des chroniques cinématographiques.

  • 28 Jean Paulhac, Michel de Saint Pierre, témoin de son temps, op. cit., p. 12-13.
  • 29 Patrick Louis, La Table Ronde : une aventure singulière, Paris, La Table Ronde, 1992, p. 126.

16C’est dans la salle de rédaction de Témoignage Chrétien que son ami et biographe Jean Paulhac fait sa connaissance. Saint Pierre travaille alors à mi-temps dans une maison d’import-export et n’a publié que deux minces ouvrages, Vagabondages et Contes pour les sceptiques. Il est un parfait inconnu du monde des lettres28. Si La Mer à boire a obtenu le Grand Prix de la Société des Gens de Lettres, c’est surtout Les aristocrates, publié en 1954 aux éditions de La Table Ronde et récompensé par le Prix des Libraires de France et le Grand Prix du Roman de l’Académie Française qui lance sa carrière littéraire. Michel de Saint Pierre a été amené à la Table Ronde par le futur ministre Jacques Duhamel et y avait publié l’année précédente Bernadette et Lourdes. Avec la Table Ronde, Michel de Saint Pierre a trouvé sa maison d’édition à laquelle il donne régulièrement ses œuvres tout en prenant la direction de la collection « Sous le signe de la Croix »29.

  • 30 Jacques Laurent, Les années 50, Lyon, La Manufacture, 1989, p. 129-155 ; Michel de Saint Pierre, «  (...)
  • 31 Olivier Dard, Bertrand de Jouvenel, Paris, Perrin, 2008, p. 262.
  • 32 Patrick Louis, Histoire des royalistes de la Libération à nos jours, Paris, Jacques Grancher, 1994, (...)
  • 33 Amitiés Françaises Universitaires, n° 8, décembre 1955 : Patrick Louis, La Table Ronde : une aventu (...)
  • 34 Michel de Saint Pierre, Plaidoyer pour l’amnistie, op. cit., p. 56.

17Ce milieu des années 1950 est aussi le moment où, avec la parution de son livre Les écrivains, Saint Pierre s’inscrit dans les débats sur le bien-fondé d’une droite littéraire, prenant avec Louis Pauwels le parti de Jacques Laurent dans une controverse sur « le style littéraire de droite » qui se fait jour aussi bien à La Parisienne qu’à la Nation Française de Boutang. Saint Pierre appuie Laurent et exprime des positions en faveur d’une littérature « dégagée » des contingences politiques30. Les contacts de Michel de Saint Pierre avec certains milieux de droite sont en réalité plus anciens qu’il y paraît puisqu’il a participé au printemps 1947 à la mise sur pied d’une nouvelle mouture d’Ici France, hebdomadaire patronné par le comte de Paris et où se croisent Pierre Boutang, Gustave Thibon ou Bertrand de Jouvenel31. Cette initiative est alors mal vue du côté maurrassien, en particulier de Jean-Louis Lagor qui tempête contre elle dans L’Indépendance Française en dénonçant le 18 octobre 1947 la dimension « démocrate et parlementaire » d’un prétendant qui ne cache pas en effet ses sympathies pour la démocratie-chrétienne32. Michel de Saint Pierre, dont le voisinage avec Témoignage Chrétien et le comte de Paris a marqué sa proximité avec ces milieux, est sans doute en train d’évoluer au milieu des années 1950 dans la foulée de la publication des Aristocrates. Interrogé par les Amitiés Françaises Universitaires, mensuel maurrassien, il fait siennes les valeurs de la France d’Ancien Régime tout en les accommodant, lorsqu’on lui demande de définir son modèle d’homme. S’il admet que le marquis de Maubrun est son « personnage préféré », il présente ainsi les choses : « […] l’idéal serait un mélange du marquis de Maubrun et du Turc. L’homme d’honneur, le chef ayant le sens du devoir, de l’ordre, de l’autorité supérieure, celui qui veut conserver l’Héritage, le Patrimoine, mais aussi l’homme d’affaires, qui développera, protègera ce patrimoine, grâce à l’argent qu’il s’efforcera de gagner et qui lui donnera la puissance »33. Qu’on ne se trompe pas sur Michel de Saint Pierre, sa relation à Maurras a peu à voir avec celle entretenue par Madiran ou Clément : « Je vous livre cette confidence que je ne suis pas maurrassien - tout en admirant le courage de Maurras bien sûr »34.

  • 35 Jean-François Sirinelli, « Guerre d’Algérie, guerre des pétitions ? », Jean-Pierre Rioux et Jean-Fr (...)
  • 36 Alain Cresciucci, Jacques Laurent à l’œuvre. Itinéraire d’un enfant du siècle, Paris, Pierre-Guilla (...)

18Beaucoup plus déterminant est chez l’auteur des Nouveaux aristocrates (1960) son engagement en faveur de l’Algérie Française. Michel de Saint Pierre compte ainsi parmi les 300 signataires du Manifeste des intellectuels français d’octobre 1960 qui s’oppose vivement à celui des 12135. L’écrivain est aussi un soutien affiché de l’hebdomadaire L’Esprit Public lancé en décembre 1960, son nom figurant parmi la déclaration signée par « plusieurs écrivains français » (Blondin, Déon, Nimier, Perret) qui figurait en dernière page du journal et qui affirmait leur engagement « à lutter par tous les moyens pour le maintien, dans la République, de l’Algérie, terre pleinement française »36.

  • 37 Michel de Saint-Pierre, Plaidoyer pour l’amnistie, op. cit., p. 13 et p. 54.
  • 38 Sylvaine Guine-Lorinet, « Robert Davezies, prêtre engagé et l’expérience carcérale », Béatrice Fleu (...)
  • 39 Michel de Saint Pierre, Plaidoyer pour l’amnistie, op. cit., p. 15-16.
  • 40 L’Humanité, 13 janvier 1962 : Michel de Saint Pierre, Plaidoyer pour l’amnistie, op. cit., p. 17 : (...)
  • 41 Michel de Saint Pierre, Plaidoyer pour l’amnistie, op. cit., p. 57.

19On retiendra surtout du positionnement de Saint Pierre face à l’Algérie sa dénonciation des catholiques engagés dans l’aide au FLN. Robert Davezies (1923-2007), prêtre de la Mission de France lié aux « porteurs de valises » du réseau Jeanson et emprisonné à ce titre en 1961-1962, compte parmi ses cibles favorites ; Saint Pierre ironise à leur sujet sur François Mauriac qui proclame que « les amis de Robert Davezies […] appartiennent à « l’élite humaine ». Il dénonce le silence de l’auteur du « Bloc-Notes » sur le sort des condamnés de l’Algérie Française et lui oppose son article du Figaro du 10 juin 1947 intitulé : « La Cour sans justice »37. Les positions de Davezies sont assumées et sont restées constantes puisqu’il déclarait au milieu des années 2000 que « Libérer l’Algérie, c’était libérer la France » et « qu’il était du devoir de tout homme, de tout prêtre par conséquent, tant que sur la terre ne régnerait pas la justice, de prendre parti pour les opprimés, les exploités, les humiliés et de partager leurs luttes »38. De telles vues sont aux antipodes de celles Michel de Saint Pierre pour qui Davezies fait partie des « Français coupables de complicité avec l’ennemi FLN » ; un FLN dont les « combats » sur le sol métropolitain sont ainsi résumés : « viols, pillages, tortures, égorgements »39. Davezies n’est pas seulement considéré comme un complice des terroristes. Il est aussi assimilé aux communistes qui soutiennent dans L’Humanité « des chrétiens comme Davezies avec qui nous luttons la main dans la main »40. Enfin, Davezies, comme le R. P. Lelong, est jugé indigne de pouvoir parler au nom du clergé français, un clergé contre lequel Michel de Saint Pierre dresse un réquisitoire en invoquant « l’amour de la Patrie » que lui a transmis son père, militaire : « Or cet amour de la Patrie, je n’en trouve plus guère de traces chez bien des chrétiens d’aujourd’hui, clercs ou laïcs. La dégradation du sentiment national est inquiétante – et d’autant plus qu’elle se poursuit à l’ombre des églises ». Et Michel de Saint Pierre d’ajouter : « il n’en est pas moins vrai que l’attitude antinationale d’un certain clergé reste pour moi – pour moi qui suis chrétien – profondément inexplicable41 ».

20Si Madiran, plus encore que Marcel Clément compte parmi les défenseurs de l’Algérie Française, l’engagement de Michel de Saint Pierre dans ce combat est nettement plus prononcé. On retiendra surtout qu’il est un levier majeur de sa dénonciation du clergé progressiste et de ses désillusions face à l’Église de son temps, à veille d’un Concile que le trio aborde dans des conditions différentes.

Le trio à l’heure du Concile

Marcel Clément, un chroniqueur romain du Concile

21À la veille de l’ouverture de sa première session, en octobre 1962, Marcel Clément est sur le point de quitter Itinéraires. Le dernier article qu’il y publie, au début de 1963, est intitulé : « Un laïc attend du concile ». Un titre prémonitoire de sa dissension à venir avec Madiran. Dorénavant professeur de doctrine sociale à l’Institut Catholique de Paris, auteur d’un commentaire publié en septembre 1962 de Mater et Magistra du pape Jean XXIII, Marcel Clément est en train de rejoindre une autre publication, L’Homme Nouveau, qui deviendra sa principale activité des décennies durant. C’est l’abbé André Richard qui l’a recruté comme éditorialiste avant de lui confier la totalité de la couverture du Concile puis la rédaction en chef de la revue qui, durant les sessions du Concile, fut hebdomadaire.

22Marcel Clément s’est ainsi rendu à quatre reprises à Rome pour y suivre les sessions du Concile. Il est présent à la seconde, ouverte à la fin de septembre 1963. Depuis Rome, Marcel Clément adresse à l’Homme Nouveau une chronique hebdomadaire où, tout en marquant sa distance avec des plumes progressistes comme Georges Suffert de L’Express ou Henri Fesquet du Monde il s’efforce de garder un ton modéré, affirmant ainsi son souci de prendre de la hauteur. Il s’attache aussi à équilibrer la revue de presse qu’il publie sous le pseudonyme de Saint-Gilles. Marcel Clément s’efforce de lire et d’analyser le travail du Concile sous l’angle de l’unité et de l’inspiration du Saint-Esprit. Ou, pour le dire autrement, il refuse de l’interpréter en termes de tendances, opposant des « modernistes » qui tiendraient le manche à leurs adversaires « traditionalistes » qui seraient sur la défensive pour être finalement vaincus. Le Concile ne saurait donc être tenu pour lui, Marcel Clément, comme le triomphe du progressisme catholique. Et ce, nonobstant certaines lectures qui peuvent en être faites en France, les unes, en s’appuyant sur le Concile pour souligner ses potentialités d’« ouverture » tandis que d’autres dénoncent un concile dévoyé et une Église de France à la dérive.

  • 42 André Richard, L’Unité d’Action des Catholiques cité dans Philippe Alméras, Les catholiques françai (...)

23En prenant de telles positions, Marcel Clément reste fidèle à l’orientation constante de L’Homme Nouveau et à sa vocation d’être l’organe du Mouvement pour l’unité du Monde par l’Église catholique lancé avant le second conflit mondial par le père Fillère et l’abbé Richard. Ce dernier a d’ailleurs dressé un programme dans des termes nets : « Il s’agit avant tout de développer ce qu’on pourrait appeler la mystique de l’unité chrétienne »42. Mais en assumant, logiquement, au vu de ses fonctions à L’Homme Nouveau ce choix éditorial et ce refus de la politisation, Marcel Clément marque sa distance avec Madiran et Itinéraires, beaucoup plus critiques sur la situation et surtout vent debout contre la presse catholique progressiste française, de grands médias comme Le Monde ou encore de larges secteurs du clergé acquis à ces « nouveaux prêtres » que met en cause Michel de Saint Pierre dans son roman éponyme. S’il vaut à son auteur les foudres du camp progressiste, il lui apporte au contraire l’appui chaleureux de Jean Madiran.

Michel de Saint Pierre, le procureur des « Nouveaux Prêtres »

  • 43 Michel de Saint Pierre, Sainte colère, Paris, La Table Ronde, 1965, p. 89.
  • 44 Feuille publicitaire proposée par la maison d’édition pour présenter certains de ses ouvrages de 19 (...)

24En 1964, Michel de Saint Pierre publie Les Nouveaux Prêtres, un « roman sur le sacerdoce »43 selon ses propres mots et dont il a campé le décor dans la « banlieue rouge ». Vendu à 200 000 exemplaires selon son éditeur La Table Ronde44, le livre rencontre l’appui, parfois enthousiaste, de la presse nationaliste et catholique conservatrice (Écrits de Paris, Le Monde et La Vie d’André Giovanni, La France Catholique). En revanche, du côté des progressistes, c’est une volée de bois vert.

  • 45 Tangi Cavalin et Nathalie Viet-Depaule, « La mission ouvrière : la justification religieuse d’un dé (...)
  • 46 Il est reproduit dans Pierre Debray, Dossier des Nouveaux Prêtres, Paris, La Table Ronde, 1965, p.  (...)

25Témoignage Chrétien a confié à l’abbé Michonneau le soin de réagir et son propos est particulièrement vindicatif. Engagé depuis les années 1950 dans la « paroisse missionnaire »45 (Colombes), Georges Michonneau est lui-même l’auteur d’ouvrages parmi lesquels L’esprit missionnaire, publié au Cerf en 1950, et dont la thématique n’est pas sans lien avec celle des Nouveaux Prêtres que sont dans le roman de Saint Pierre les abbés Delance et Reissman. À cette différence près que Michonneau a mis en scène son propre apostolat en banlieue. L’abbé se sent directement mis en cause et dans un article du 22 octobre 1964 fustige le romancier : « Quand on a commis une calomnie, si l’on est chrétien - ou tout simplement un homme d’honneur - on la répare ». Saint Pierre et son éditeur ne se laissent pas impressionner et assignent le 26 novembre 1964 le directeur de Témoignage Chrétien en diffamation. Une rencontre entre les deux parties se solde par un communiqué cosigné où l’auteur et l’éditeur se désistent de la procédure engagée tandis que Georges Michonneau fait publiquement machine arrière : il « a tenu à assurer à M. Michel de Saint Pierre qu’il s’excusait des termes qui auraient pu porter atteinte à son honneur d’écrivain chrétien. Il retire les expressions qu’il a employées à son égard et à l’égard de ses lecteurs, et lui exprime ses regrets, affirmant publiquement qu’il ne doute pas de la sincérité de ses intentions »46.

  • 47 Michel de Saint Pierre, Sainte colère, op. cit., p. 32.

26Comprenons bien que pour Témoignage Chrétien comme pour Études, Saint Pierre est considéré comme un transfuge, pour ne pas dire un traître. Il ironise d’ailleurs sur le sujet : « […] les Pères des Etudes n’ont plus l’air de m’aimer beaucoup. Je ne crois pas qu’ils aient apprécié mes amitiés nouvelles - je pense qu’ils me préféraient du temps où j’appartenais à l’équipe de Témoignage Chrétien »47.

  • 48 Montaurier est un pseudonyme. Michel de Saint Pierre évoque sa correspondance avec lui : Ibid., p.  (...)
  • 49 Ibid., p. 91-92.

27Michel de Saint Pierre s’est nourri de plusieurs sources, dominées par des références à des écrivains et philosophes catholiques. La lecture de Sainte colère donne à voir son panthéon personnel où cohabitent Léon Bloy, George Bernanos, Gustave Thibon ou Simone Weil. Ajoutons-leur des prêtres comme le curé de campagne Jean Montaurier dont il a lu et médité le récit Comme à travers le feu48. Sans se prétendre sociologue, Michel de Saint Pierre s’inscrit dans le sillage d’une histoire intellectuelle catholique marquée par les enquêtes. Il fait état d’une « enquête » étalée sur plusieurs années, expliquant avoir « rassemblé » un matériau conséquent, nourri de sa participation directe mais aussi, de témoignages multiples, arrivés à lui sous la forme de récits oraux ou de lettres. Les Nouveaux Prêtres sont donc à la fois un roman mais aussi le produit d’un « dossier » réuni par un sociologue amateur ayant pratiqué l’observation participante et dont les personnages seraient le fruit de ses observations comme de ses lectures : « Tout ce que disent les prêtres et les laïques mis en scène dans mon roman, je l’ai entendu de mes oreilles ou je l’ai lu sous la plume des “progressistes” chrétiens »49

  • 50 Ibid., p. 65.
  • 51 Ibid., p. 76 : les italiques figurent dans le texte original.
  • 52 Ibid., p. 79. Michel de Saint Pierre se réclame en particulier du père Jean Daniélou : Ibid., p. 54
  • 53 Ibid., p. 92.
  • 54 Ibid., p. 94, 134 et 143.
  • 55 Sabine Rousseau, « Un tiers-mondisme chrétien », Denis Pelletier et Jean-Louis Schlegel (dir), À la (...)

28Le souci de Michel de Saint Pierre n’est pas la neutralité axiologique. Il décrit son propre état d’esprit : « je n’étais pas seulement un témoin effrayé ; j’étais scandalisé jusqu’à la moelle des os »50. Parmi ses motifs d’exaspération, où se marque l’empreinte de la guerre d’Algérie, on retiendra les jugements d’une partie du clergé sur les pieds-noirs. Des propos insupportables : « Quand il y a charité sélective, il n’y a pas charité. Un apostolat sélectif n’est plus un apostolat. Un prêtre sélectif dans sa charité renie et trahit l’essence même de son sacerdoce »51. Lanceur d’alerte avant la lettre, Michel de Saint Pierre justifie sa prise de parole « en tant que laïque » et au nom même de Vatican II : « nous témoignons parce que les plus hautes voix du Concile nous ont invités à le faire »52. Le mot d’ordre pour lui est clair : « lancer un appel au secours contre l’infiltration marxiste dans la France chrétienne » et « dénoncer l’étrange complicité dont trop de prêtres - consciemment ou inconsciemment – se rendent coupables à l’égard du marxisme, négateur et persécuteur de la Foi »53. Michel de Saint Pierre ne se contente pas d’accusations vagues contre « l’infiltration marxiste », le « virus marxiste », ou « l’infiltration communiste »54. Il donne des noms et d’abord celui de son symbole, Pax Christi, mouvement international pour la paix, fondé en 1951 et ancré dans la nébuleuse progressiste et tiers-mondiste chrétienne55.

  • 56 Ibid., p. 96.
  • 57 Ibid., p. 96-97.
  • 58 Olivier Dard et Ana Isabel Sardinha-Desvignes, Célébrer Salazar en France (1930-1974). Du philosala (...)

29Antiprogressiste affiché, Michel de Saint Pierre se voit régulièrement reprocher par ses adversaires sa politisation, certains allant jusqu’à l’accuser de fascisme ou d’antisémitisme, ce qu’il réfute avec force en rappelant ses états de service et ses décorations gagnées durant le second conflit mondial : « ces médailles là, on ne les gagnait pas dans l’antisémitisme… »56. Mais il ne prend pas de gants pour dire ce qu’il pense et ce qu’il est : « […] que personnellement, je ne suis pas un animal politique, ne raisonnant guère en termes de “droite” ou de “gauche” ; que mes options sont nationales – que j’ai défendu et défends de toutes mes forces, moi, résistant, la mémoire du Maréchal Pétain – que je plaide l’amnistie pour les détenus de l’Algérie Française embastillés pour crimes d’amour, d’honneur et de fidélité. Et que tout cela, je le reconnais, doit être difficilement pardonnable »57. Engagé politiquement, Michel de Saint Pierre l’est. Une de ses références majeures est alors le docteur Salazar qui dirige le Portugal depuis les années trente et qui compte de nombreux admirateurs en France dans les milieux maurrassiens et traditionalistes. Saint Pierre a fait remettre au Doutor un exemplaire des Nouveaux Prêtres par Jacques Ploncard d’Assac, l’homme de « la voix de l’Occident », qui a d’ailleurs salué son livre dans la presse portugaise. Saint Pierre s’est aussi rendu à plusieurs reprises sur les bords du Tage entre 1966 et 1968 et y a rencontré le dirigeant portugais58.

  • 59 Michel de Saint Pierre, J’étais à Fatima. De la prière à l’outrage, Paris, La Table Ronde, 1967.
  • 60 Michel de Saint Pierre, Sainte colère, op. cit., p. 92.
  • 61 Ibid., p. 295 : les italiques de la citation figurent dans le texte original.

30Cette politisation suffit-elle à caractériser Michel de Saint Pierre ? On rappellera d’abord qu’il se rend aussi au Portugal pour le cinquantième anniversaire des « évènements de Fatima » et en rapporte un ouvrage enthousiaste59. On constate aussi, en le lisant, à quel point il est immergé dans un milieu clérical qui l’a structuré et le façonne quotidiennement. Pétri de références à Bernanos ou au curé d’Ars, le romancier est ainsi dans un questionnement constant sur la figure et le rôle du prêtre. Il souligne à quel point « un prêtre doit être à la fois présent au monde et séparé de lui »60. La question de la prêtrise est bien centrale pour l’auteur ; en octobre 1966, elle est celle d’un nouveau livre, Ces prêtres qui souffrent, qui donne la parole à ceux d’entre eux qui ne se reconnaissent pas dans Vatican II et qui lui ont adressé des courriers. Surtout, Michel de Saint Pierre entend poursuivre son combat sur le terrain religieux. Il a ainsi publié une « Lettre à nos Évêques et à nos Prêtres » pour souligner qu’il se « désolidarise totalement de ceux qui s’attaquent à la Hiérarchie, à l’Épiscopat, au Concile, à Rome, d’où qu’ils viennent et à quelques bords qu’ils appartiennent ». En cela, il entend s’aligner sur la ligne de ses « amis », en particulier de L’Homme Nouveau61. Il trouve aussi une oreille très attentive en la personne de Jean Madiran qui ferraille contre le Concile dans Itinéraires sans parvenir à susciter avec les progressistes la grande controverse à laquelle il aspire pour démonter leurs arguments.

Jean Madiran, l’imprécateur en quête d’interlocuteurs

  • 62 Jean Madiran, « Réflexions impolitiques », Itinéraires, mai 1962, repris dans Jean Madiran, Éditori (...)
  • 63 Jean Madiran, « Le concile et le jeu normal de l’opinion publique », Itinéraires, novembre 1963, re (...)

31Si Madiran a multiplié ses prises de positions contre « l’ouverture à gauche » et fustigé, à propos des conditions de l’indépendance de l’Algérie, les discours des catholiques progressistes, du « clergé révolutionnaire » et notamment des dominicains de Signe du temps62, l’ouverture du Concile et sa médiatisation l’invitent à en dénoncer « la publicité sans contre-partie » menée par La Croix (le P. Wenger), Le Monde (Henri Fesquet) et les Études (le P. Rouquette)63. Leur « convergence » se résume en un mot : « “teilhardiser” l’Église ». En regard, La France Catholique et L’Homme Nouveau, dotés de correspondants présents à Rome et réputés parler « posément, sans élever la voix, sans chiqué ni publicité obsessionnelle », n’existeraient pas ; ni pour l’opinion, ni même pour L’Osservatore romano, face aux « “trois grands” » soutenus par les Informations Catholiques Internationales, Témoignage Chrétien et la « presse profane, neutre ou anti-catholique ». L’opinion serait ainsi conditionnée à « attendre du concile l’ouverture à gauche, le dialogue amical avec le communisme, la socialisation et la teilhardisation » tandis que les « voix divergentes » sont réputées avoir été « discréditées, insultées, mises en quarantaine » et ravalées au rang d’« intégristes ».

  • 64 Jean-François Petit, « Antoine Wenger, le journaliste du Concile Vatican II ? », Christian Sorrel ( (...)

32Il n’est pas question d’analyser par le menu la « convergence » présentée comme une évidence par Madiran. On relèvera cependant que des travaux récents sur Antoine Wenger ont souligné les différences de vues qu’il pouvait avoir avec un Henri Fesquet par exemple. Tout comme, à travers la lecture du Journal de Wenger, la place qu’accorde le Souverain Pontife à La Croix et le fait que Wenger fut le seul journaliste à siéger à la tribune des experts dans l’aula conciliaire64.

  • 65 Antoine Wenger, Vatican II. Première session, Paris, Centurion, 1963.
  • 66 Il faut souligner ici que Madiran (Peregrinus, « Correspondance romaine », Itinéraires, n° 72, avri (...)
  • 67 Jean Madiran, « Le concile et le jeu normal de l’opinion publique », op. cit., p. 214-215.
  • 68 Ibid., p. 219 : Les italiques figurent dans le texte original.
  • 69 Jean Madiran, « Correspondances romaines ? », Itinéraires, novembre 1963, repris dans Jean Madiran, (...)

33Wenger est important pour Madiran qui réagit à sa mise en cause du rôle d’Itinéraires dans son ouvrage en forme de chronique consacré à la première session du Concile65. Les « chefs d’accusation » relevés par Madiran portent sur le fait qu’Itinéraires « a osé remarquer que le Patriarcat de Moscou est la seule institution soviétique ayant échappé à toute “déstalinisation” »66 et « a préféré lire un discours de Jean xxiII dans son texte latin authentique » plutôt que dans une traduction vaticane reproduite par La Croix. Madiran y voit une « flatteuse attention » et l’interprète comme une « contre-attaque »67. En réalité, ce qu’il cherche à mettre en lumière, c’est la « situation » créée par un conditionnement de l’opinion de nature « essentiellement subversive »68. Le mois suivant, face à ces « manigances » médiatiques, Madiran décide une « suppression provisoire » (qui fut définitive) de sa « correspondance romaine » au nom d’une volonté de « protestation contre le faux concile tenu dans la presse en dérision du vrai »69. Ces derniers mots sont importants car à ce moment-là Madiran est encore dans une forme d’expectative vis-à-vis du concile et des interprétations à en retirer.

  • 70 Michel de Saint Pierre, « La bataille continue », Itinéraires, n° 300 : « Trente ans », février 198 (...)
  • 71 Jean Madiran, « Les chiens », repris dans Jean Madiran, Éditoriaux & Chroniques, tome 1, op. cit., (...)
  • 72 Michel de Saint Pierre, Sainte colère, op. cit., p. 147-148 avec le supplément d’Itinéraires.

34Adopter alors une forme de prudence ne signifie pas cesser de lutter. Madiran est un combattant. Il lit donc avec sympathie la lettre de Michel de Saint Pierre et mesure les retombées qu’elle pourrait susciter du fait des polémiques nées de la publication des Nouveaux Prêtres. Madiran se rapproche de son auteur, devient son « ami »70 et décide de la reproduire dans Itinéraires. Il vient aussi prononcer au « “Club de la Culture française” », présidé par Michel de Saint Pierre, une conférence intitulée « Les Nouveaux Prêtres et les Chiens », lesquels doivent être entendus comme les prêtres et les fidèles rejetés sous ce vocable par l’abbé Michonneau alors curé de Belleville71. Organisée le 9 février 1965, la conférence attire un millier de personnes et ambitionne de s’adresser à la hiérarchie ecclésiastique. Le compte-rendu proposé par Itinéraires est instructif de la démarche poursuivie. Il ne s’agit pas de se livrer à une « agitation politico-religieuse et encore moins à une attaque contre la hiérarchie » mais d’escompter une réaction de « l’autorité religieuse légitime agissant en tant que telle ». Les organisateurs en effet marquent les limites de leur volonté de rupture vis-à-vis de l’Église comme celles de leur potentiel mobilisateur : « Il serait non seulement indu, mais entièrement stérile de prétendre se substituer à elle en quelque manière que ce soit. Elle seule peut faire que les catégories entières de prêtres et de fidèles présentement considérées comme des “chiens” et traitées en “pires ennemis de l’Église” soient à tous les niveaux réintégrées dans une communauté normale et apaisée »72.

  • 73 Michel de Saint Pierre, « La bataille continue », op. cit., p. 52.

35Avoir droit de cité, pouvoir prendre part au débat, sont alors des revendications centrales. Michel de Saint Pierre, appuyé par Jean Madiran et Jean Ousset, se lance dans une campagne d’opinion en multipliant, dans le sillage de la réunion des Horticulteurs, des conférences à trois. Elles préoccupent la hiérarchie épiscopale et notamment le futur cardinal Veuillot qui convoque alors Michel de Saint Pierre pour lui demander qui il choisissait de ses « hauts protecteurs romains ou des évêques de France » : l’écrivain lui répond qu’il n’est « pas un catholique parisien » mais « un catholique romain »73.

  • 74 Jean Madiran, « L’appel aux évêques a un an », repris dans Jean Madiran, Éditoriaux & Chroniques, t (...)
  • 75 Jean Madiran, « Ubi caritas et amor », Itinéraires, n° 105, juillet 1966, repris dans Jean Madiran, (...)

36Les réunions organisées entre le printemps 1965 et le début de 1966 n’ont amené aucun résultat. C’en est trop pour Madiran. Il réagit vivement dans Itinéraires en mars 1966 et dénonce le « silence organisé et dirigé » mis en place dans la presse catholique pour étouffer « l’appel aux évêques » et la diffusion de l’ouvrage Sainte colère qui a republié le document. Le patron d’Itinéraires déplore aussi « l’autre silence […] celui des évêques » et réclame de nouveau l’organisation d’un « rassemblement pacifique et résolu dans la ligne de cet appel »74. C’est finalement Madiran qui est mis en cause par le Conseil de l’épiscopat français. Le 29 juin 1966, ce dernier diffuse un communiqué critiquant certains articles parus notamment dans Itinéraires. Madiran le qualifie de « pavé » reçu et réclame réparation dès juillet 1966 dans le supplément d’Itinéraires pour défendre ceux que le secrétariat général de l’épiscopat qualifie de « nostalgiques du passé » (le journal L’Homme Nouveau est réputé en faire partie)75.

  • 76 Ibid., p. 288-290 : les majuscules figurent dans le texte original.

37Madiran n’accepte pas ces accusations. Il y voit « une nouvelle affaire d’Action Française » tramée de longue date, notamment par La Croix dont il cite un éditorial daté du 8 mai 1965 : « Nous sommes à une heure qui rappelle douloureusement ce temps de l’entre-deux-guerres où Pie XI éloigna du troupeau des meneurs redoutables, sans empêcher que telle ou telle brebis soit entraînée avec eux, plus ou moins longtemps sur les chemins de la perdition ». Pour le quotidien, la chose fut bénéfique car sans cela « n’auraient pu se développer ultérieurement en France ni la JOC ni les autres mouvements d’Action Catholique. » Pour le patron d’Itinéraires, la chose est limpide : en 1926, il s’agissait de « faire l’Action Catholique MAIS SANS les catholiques d’Action Française » de même qu’il s’agirait au milieu des années 1960 de faire « la “promotion du laïcat”. La promotion mais. La promotion sans ». À savoir, « sans les laïcs que l’on déclare “de droite”, “intégristes”, d’“un certain milieu”, d’“un certain état d’esprit”, coupables de “papisme”, de “dévotion mariale”, d’“anticommunisme” »76. Par de là ces généralités, Madiran s’emploie en logicien à réfuter point par point les mises en cause le concernant. Surtout, il réclame, à différentes reprises (15 octobre 1966, 12 juin 1967, 12 janvier 1968) d’être entendu par l’Assemblée plénière de la conférence épiscopale française. Sa demande ne débouche sur aucun résultat. Il n’est pas considéré par l’institution épiscopale comme un interlocuteur légitime.

  • 77 Jean Madiran, « Le Paysan et le Ruminant », Itinéraires, avril 1967, repris dans Jean Madiran, Édit (...)
  • 78 Jacques Maritain, Le paysan de la Garonne. Un vieux laïc s’interroge à propos du temps présent, Par (...)
  • 79 Ibid., p. 19.

38Madiran cherche d’autres terrains de controverses et s’en prend notamment à l’ouvrage de Jacques Maritain, Le paysan de la Garonne, publié en 1966 et qui suscite l’acrimonie du père François Biot. Ce dernier, dans Témoignage Chrétien (15 décembre 1966), accuse l’auteur d’Humanisme intégral d’avoir « rejoint le camp des adversaires du concile ». Madiran veut prendre part à la controverse et y consacre tout un article d’Itinéraires en avril 1967. Il commence par évoquer Maritain, dans des termes donnant à penser qu’il serait personnellement mis en cause : « […] j’ai découvert que l’auteur voulait qu’il me soit impossible d’en dire quoi que ce soit et surtout du bien. Il me tient pour un “gros ruminant” et pour un “ intégriste” : et l’intégrisme est la “pire” (il dit la pire, page 235), oui, “la pire offense à la Vérité divine et à l’intelligence humaine”. Pas moins. La pire »77. La consultation de l’ouvrage de Maritain donne à voir que si « l’intégrisme » y est violemment condamné, il n’y est question ni d’Itinéraires ni de Madiran. Plus encore, Maritain précise que « c’est l’intégrisme pris en lui-même » qu’il a « décrit ici ». « Il va de soi », ajoute-t-il, « que bien des esprits plus ou moins touchés par lui sont de bonne foi, et qu’il y en a même qui sont de haute valeur ; c’est dans leur inconscient qu’il travaille et répand son venin. Mais là n’est pas la question »78. Un argument balayé par avance par Madiran convaincu qu’il est « visé » par Maritain qui ne supporterait pas que le directeur d’Itinéraires puisse donner une quelconque « approbation […] à l’une ou l’autre des vérités qu’il enseigne »79.

  • 80 Ibid., p. 21-23 : les italiques figurent dans le texte original.
  • 81 Ibid., p. 31 : les italiques figurent dans le texte original.
  • 82 Ibid., p. 23.
  • 83 Ibid., p. 25 : les majuscules et les italiques figurent dans le texte original.

39En réalité, le propos de Madiran n’est pas de traiter du fond du livre de Maritain (d’autres s’en sont chargés dans Itinéraires) mais d’analyser sa réception et d’en tirer des enseignements en partant du constat que dorénavant Maritain « lui aussi est “marqué” » et que malgré quarante ans de « gages », « le jour où la subversion a jugé utile de le “rejeter à droite”, elle l’a fait. » Et Madiran d’ajouter, renvoyant aux allusions à Maurras formulées à propos de l’auteur du Paysan de la Garonne par Henri Fesquet : « Maritain à son tour est traité comme nous le sommes nous-même depuis toujours »80. À travers ce parallèle entre lui-même et Maritain, pimenté par la présence en arrière-plan de Maurras, il entend convaincre ses lecteurs de deux choses. La première est que l’ouvrage de Maritain « était lui aussi, en substance et à sa manière, un Appel aux évêques ». Il a donc connu « le même sort que le nôtre. Essentiellement à cause du poids dominant d’une SITUATION intellectuelle, sociologique, religieuse »81. Madiran entend surtout souligner qu’il n’y a aucun intérêt ni aucun bénéfice pour les détracteurs du camp progressiste à ménager leurs adversaires et qu’« un peu de prudence, de sagesse, de componction », réputé pour certains permettre d’échapper à la « suspicion » et de se faire « entendre » ne sert à rien. « Conseils chimériques » martèle Madiran qui voit dans l’accueil réservé à Maritain la « preuve » de ce qu’il avance82. Car toute tentative de conciliation et d’aménagement serait inutile et vouée à l’échec : « […] ceux qui ont peur d’être accusés d’intégrisme, de réaction, de maurrassisme, d’extrémisme, croient qu’ils l’éviteront en marquant toujours davantage les DIFFERENCES objectives ; au besoin en les fabriquant, en les multipliant, en les feignant. Ils n’ont rien compris au système. […] Ce n’est pas faute d’avoir vu les différences que l’on accuse Maritain d’être Maurras, c’est pour supprimer dans l’opinion publique toute connaissance des différences existant réellement. […] Cette logomachie meurtrière est d’une grande efficacité pour le conditionnement de l’opinion des masses intellectuelles, catholiques, démocrates et mutantes. Toute “habileté” et toute “prudence” sont vaines à ce niveau. Maintenant que Maritain lui-même est passé dans la machine à défigurer les réputations intellectuelles, il devrait être parfaitement clair qu’il n’y a aucun espoir pour personne d’y échapper »83.

  • 84 Ibid., p. 25 (note 6).
  • 85 Marcel Clément, « Les Mo-co-so », chronique du 4 février 1968, reprise dans Combat pour l’espérance (...)
  • 86 Jean Madiran, « Dix ans », Itinéraires, n° 100, février 1966.

40Si dans le texte de 1967 « personne » n’est explicitement visé, seize ans plus tard, lorsqu’il republie ce texte, Madiran y ajoute une note (datée de 1983) plus circonstanciée : « Cet avertissement et les observations qui précèdent s’adressaient, dans ma pensée, notamment à Marcel Clément : mais ni ces remarques, ni la longue expérience (plus de vingt ans) qu’il a personnellement fait de leur exactitude, ne sont arrivées à éclairer sur ce point sa conduite de L’Homme Nouveau »84. Il y aurait à dire sur ce constat abrupt de Madiran qui ne peut ignorer toute l’importance qu’a accordée Marcel Clément à ce qu’il appelait les « Mo-co-so (MOyens de COmmunication SOciale) »85. La divergence entre les deux hommes est donc marquée même si elle n’avait pas empêché Madiran de rendre un hommage appuyé à Marcel Clément à l’occasion des dix ans d’Itinéraires pour souligner « son dynamisme et son sens surnaturel » auxquels il ajoutait la connaissance qu’il lui avait prodiguée de l’importance de l’enseignement de Pie XII86.

  • 87 Marcel Clément y consacre sa chronique du 7 avril 1968 « Insurrection et Résurrection ». Il la conc (...)
  • 88 Entretien réalisé au Pecq en mars 2019 par Béatrice Le Conte, Jean Madiran et la revue Itinéraires, (...)
  • 89 Voir dans ce volume la contribution d’Humberto Cucchetti.
  • 90 L’ouvrage est paru chez Plon en 1984.

41Alors que le Concile s’est achevé et que se développe un « gauchisme chrétien » qui se donne à voir à la veille de mai 1968 à travers le contre-carême prêché à la Mutualité sous les auspices de Témoignage Chrétien par le dominicain Jean-Thomas Cardonnel87, la biographie croisée de nos trois publicistes donne à voir que leurs parcours ne relèvent pas du seul déterminisme. Très proches au début des années 1960, Marcel Clément et Jean Madiran voient leur relation se distendre à l’heure d’un Concile qu’ils observent sans doute d’un point de vue plus différencié qu’il y paraît à l’origine : un point de vue romain et pontifical pour le rédacteur en chef de L’Homme Nouveau et un point de vue beaucoup plus franco-centré pour le patron d’Itinéraires qui poursuit, à l’heure du Concile, le combat qu’il avait entamé une décennie plus tôt dans ses deux ouvrages Car ils ne savent pas ce qu’ils disent et Car ils ne savent pas ce qu’ils font. André Clément, le frère de Marcel, a livré sur leur prise de distance et leur rupture un témoignage instructif en soulignant que si leur « mésentente » trouve son fondement dans des querelles au départ sans importance » liées au retard avec lequel Marcel Clément remettait sa copie à Itinéraires, leur « brouille » fut « accentuée par la question du Concile [et] est progressivement devenue irréversible »88. Entre les deux, Michel de Saint Pierre est sur un autre registre. D’abord, parce que son parcours spirituel et politique n’a pas suivi le même cheminement : il n’a pas de passé maurrassien ; ensuite, parce que s’il est attaché au combat contre les « nouveaux prêtres », il n’en oublie jamais Rome ni l’empreinte de ce qu’il faut considérer chez lui comme une forme d’ultramontanisme et de cléricalisme. En cela, il aurait pu se retrouver du côté de Marcel Clément mais la véhémence de la polémique sur les « nouveaux prêtres » le conduit à un pas de deux avec Madiran au milieu des années 1960. Ce qui n’empêche pas Michel de Saint Pierre d’apprécier le directeur de L’Homme Nouveau et de chercher une forme de conciliation à l’intérieur de l’Église comme le montre le soutien qu’il apporte au lendemain de 1968 au Rassemblement des Silencieux de l’Église de Pierre Debray auquel il participe89. Au cours de la décennie suivante, Michel de Saint Pierre, fervent soutien de la messe de Saint Pie V, préside l’association Credo fondée en 1975 et qui avait comme objectif de réunir l’ensemble des catholiques traditionalistes. C’est donc logiquement qu’il compte parmi les fondateurs du quotidien Présent en 1981. Présent qui fut, avec et après Itinéraires, l’autre grande aventure éditoriale de Jean Madiran. Mais l’auteur des Aristocrates n’a jamais oublié Marcel Clément. Il lui dédie ainsi un des chapitres d’un de ses derniers livres, Sous le soleil de Dieu, intitulé « Les messagers du ciel » et où il est question de Marthe Robin90.

Notes

1 Témoignage cité par Béatrice Le Conte, Jean Madiran et la revue Itinéraires, mémoire de master 2, Sorbonne Université, 2019, p. 212.

2 Danièle Masson, Jean Madiran, Maule, Difralivre, 1989 ; Rémi Fontaine, Itinéraires de chrétienté avec Jean Madiran, préface de Dom Louis-Marie, abbé du Barroux, postface d’Yves Chiron, Paris, Presses de la Délivrance, 2018.

3 André Clément, Marcel Clément (1921-2005). Esquisse inédite d’une autobiographie. Vie et œuvre, Paris, Éditions de L’Homme Nouveau, 2017.

4 Jean Paulhac, Michel de Saint Pierre, témoin de son temps, Paris, La Table ronde, 1972.

5 Archives Nationales, 664 AP : fonds Michel de Saint Pierre. Il s’agit de deux cartons contenant de la correspondance. Ne figure aucune lettre de Madiran ou de Clément.

6 Itinéraires, n° 138, décembre 1969. Cité par Béatrice Le Conte, Jean Madiran et la revue Itinéraires, op. cit., p. 233.

7 Jean Madiran, Maurras toujours là, Paris, Éditions Consep, 2004, p. 7.

8 L’Action Française, 2 juin 1943.

9 Rémi Fontaine, « Maurras à la lumière de la philosophie chrétienne », La Nouvelle Revue Universelle, n° 50, automne 2017, p. 154.

10 L’ouvrage fut publié aux Nouvelles Éditions Latines.

11 Pierre Rigoulot, Georges Albertini, socialiste, collaborateur, gaulliste, Paris, Perrin, 2012, p. 216 et 240.

12 Béatrice Le Conte, Jean Madiran et la revue Itinéraires, op. cit., p. 213.

13 Bernard Laguerre, « Marianne et Vendredi : deux générations ? », Vingtième Siècle, no 22, avril-juin 1989, p. 39-44.

14 Salaire et rendement, Paris, PUF, 1947, p. 1-2 : les italiques figurent dans le texte original.

15 Nous avons suivi son propre récit : Marcel Clément, « Autobiographie inédite et non achevée », Marcel Clément (1921-2005)…, op. cit., p. 13-49.

16 Ibid., p. 67.

17 Ibid., p. 74 : un fac-similé du plan de son cours.

18 Ibid., p. 76.

19 E-Martin Meunier et Jean-Philippe Warren, L’horizon personnaliste de la Révolution tranquille, Sillery, Septentrion, 2002, p. 108 et s.

20 Marcel Clément (1921-2005). Esquisse inédite d’une autobiographie…, op. cit., p. 86.

21 Xavier Gélinas, La droite intellectuelle québécoise et la Révolution tranquille, Lévis (Québec), Presses de l’Université Laval, 2007, p. 96-97.

22 Pour cette citation et les suivantes : Marc Bergère, Vichy au Canada. L’exil québécois des collaborateurs français, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015, p. 156.

23 Olivier Dard, « Robert Rumilly passeur des droites nationalistes entre la France et le Canada français », Mens, volume XI, numéro 2, printemps 2011, p. 7-36.

24 Elle fut publiée en deux tomes aux Nouvelle Éditions Latines.

25 À propos de l’enquête sur la corporation : Olivier Dard, « Le corporatisme dans les droites nationalistes françaises (1950-1980) », Olivier Dard (dir), Le corporatisme dans l’aire francophone, Berne, Peter Lang, 2011, p. 70-81.

26 Un fac-similé de l’article est publié dans Marcel Clément (1921-2005)…, op. cit., p. 84.

27 Il s’agit de la rosette de la Résistance Française et de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre pour faits de résistance : Michel de Saint Pierre, Plaidoyer pour l’amnistie, Paris, L’Esprit Nouveau, 1963, p. 19.

28 Jean Paulhac, Michel de Saint Pierre, témoin de son temps, op. cit., p. 12-13.

29 Patrick Louis, La Table Ronde : une aventure singulière, Paris, La Table Ronde, 1992, p. 126.

30 Jacques Laurent, Les années 50, Lyon, La Manufacture, 1989, p. 129-155 ; Michel de Saint Pierre, « Les écrivains », Nation Française, n ° 22, 7 mars 1956 ; p. 1. Sur ce débat : Guillaume Gros, Philippe Ariès. Un traditionaliste non-conformiste, de l’Action Française à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, Villeneuve d’Ascq, Presses du Septentrion, 2008, p. 174.

31 Olivier Dard, Bertrand de Jouvenel, Paris, Perrin, 2008, p. 262.

32 Patrick Louis, Histoire des royalistes de la Libération à nos jours, Paris, Jacques Grancher, 1994, p. 39-44.

33 Amitiés Françaises Universitaires, n° 8, décembre 1955 : Patrick Louis, La Table Ronde : une aventure singulière, op. cit., p. 127-128.

34 Michel de Saint Pierre, Plaidoyer pour l’amnistie, op. cit., p. 56.

35 Jean-François Sirinelli, « Guerre d’Algérie, guerre des pétitions ? », Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli (dir), La guerre d’Algérie et les intellectuels français, Bruxelles, Complexe, 1991, p. 293.

36 Alain Cresciucci, Jacques Laurent à l’œuvre. Itinéraire d’un enfant du siècle, Paris, Pierre-Guillaume de Roux, 2014, p. 219, note 1.

37 Michel de Saint-Pierre, Plaidoyer pour l’amnistie, op. cit., p. 13 et p. 54.

38 Sylvaine Guine-Lorinet, « Robert Davezies, prêtre engagé et l’expérience carcérale », Béatrice Fleury et Jacques Walter (dir), Qualifier les lieux de détention et de massacre (3), Figures emblématiques et mobilisations collectives, Questions de communication, n° 9, 2010, p. 146.

39 Michel de Saint Pierre, Plaidoyer pour l’amnistie, op. cit., p. 15-16.

40 L’Humanité, 13 janvier 1962 : Michel de Saint Pierre, Plaidoyer pour l’amnistie, op. cit., p. 17 : les majuscules sont celles du texte.

41 Michel de Saint Pierre, Plaidoyer pour l’amnistie, op. cit., p. 57.

42 André Richard, L’Unité d’Action des Catholiques cité dans Philippe Alméras, Les catholiques français, Paris, La Table Ronde, 1963, p. 240.

43 Michel de Saint Pierre, Sainte colère, Paris, La Table Ronde, 1965, p. 89.

44 Feuille publicitaire proposée par la maison d’édition pour présenter certains de ses ouvrages de 1965.

45 Tangi Cavalin et Nathalie Viet-Depaule, « La mission ouvrière : la justification religieuse d’un déplacement à gauche (1940-1945) », Denis Pelletier et Jean-Louis Schlegel (dir.), À la gauche du Christ. Les chrétiens de gauche en France de 1945 à nos jours, Paris, Seuil, 2012, p. 128.

46 Il est reproduit dans Pierre Debray, Dossier des Nouveaux Prêtres, Paris, La Table Ronde, 1965, p. 14.

47 Michel de Saint Pierre, Sainte colère, op. cit., p. 32.

48 Montaurier est un pseudonyme. Michel de Saint Pierre évoque sa correspondance avec lui : Ibid., p. 57.

49 Ibid., p. 91-92.

50 Ibid., p. 65.

51 Ibid., p. 76 : les italiques figurent dans le texte original.

52 Ibid., p. 79. Michel de Saint Pierre se réclame en particulier du père Jean Daniélou : Ibid., p. 54.

53 Ibid., p. 92.

54 Ibid., p. 94, 134 et 143.

55 Sabine Rousseau, « Un tiers-mondisme chrétien », Denis Pelletier et Jean-Louis Schlegel (dir), À la gauche du Christ…, op. cit., p. 552, 556 et 560.

56 Ibid., p. 96.

57 Ibid., p. 96-97.

58 Olivier Dard et Ana Isabel Sardinha-Desvignes, Célébrer Salazar en France (1930-1974). Du philosalazarisme au salazarisme français, Bruxelles, Peter Lang, 2018, p. 248-251.

59 Michel de Saint Pierre, J’étais à Fatima. De la prière à l’outrage, Paris, La Table Ronde, 1967.

60 Michel de Saint Pierre, Sainte colère, op. cit., p. 92.

61 Ibid., p. 295 : les italiques de la citation figurent dans le texte original.

62 Jean Madiran, « Réflexions impolitiques », Itinéraires, mai 1962, repris dans Jean Madiran, Éditoriaux & Chroniques, tome 1 : De la fondation d’Itinéraires à sa condamnation par l’épiscopat (1956-1966), Bouère, Dominique Martin Morin, 1983, p. 178.

63 Jean Madiran, « Le concile et le jeu normal de l’opinion publique », Itinéraires, novembre 1963, repris dans Ibid., p. 209.

64 Jean-François Petit, « Antoine Wenger, le journaliste du Concile Vatican II ? », Christian Sorrel (dir.), Le concile Vatican II et le monde des religieux (Europe occidentale, Amérique du Nord. 1958-1980), LARHRA, Chrétiens et sociétés, Documents et mémoires, n° 36, 2019, p. 74-86.

65 Antoine Wenger, Vatican II. Première session, Paris, Centurion, 1963.

66 Il faut souligner ici que Madiran (Peregrinus, « Correspondance romaine », Itinéraires, n° 72, avril 1963) s’appuie sur une déclaration publiée le 16 janvier 1963 dans l’organe communiste France Nouvelle qui indiquait que l’Église a « pris l’engagement à l’occasion de son dialogue avec l’Église orthodoxe russe, qu’il n’y aurait pas dans le concile d’attaque directe contre le régime communiste ». Un « accord » sur ce point aurait été conclu à Metz entre le cardinal Tisserand et Mgr Nicodème comme n’a cessé par la suite de le répéter Madiran : L’accord de Metz ou pourquoi notre Mère fut muette, Versailles, Via Romana, 2006.

67 Jean Madiran, « Le concile et le jeu normal de l’opinion publique », op. cit., p. 214-215.

68 Ibid., p. 219 : Les italiques figurent dans le texte original.

69 Jean Madiran, « Correspondances romaines ? », Itinéraires, novembre 1963, repris dans Jean Madiran, Éditoriaux & Chroniques, tome 1, op. cit., p. 225 : les italiques figurent dans le texte original.

70 Michel de Saint Pierre, « La bataille continue », Itinéraires, n° 300 : « Trente ans », février 1986, p. 49.

71 Jean Madiran, « Les chiens », repris dans Jean Madiran, Éditoriaux & Chroniques, tome 1, op. cit., p. 260 et 264.

72 Michel de Saint Pierre, Sainte colère, op. cit., p. 147-148 avec le supplément d’Itinéraires.

73 Michel de Saint Pierre, « La bataille continue », op. cit., p. 52.

74 Jean Madiran, « L’appel aux évêques a un an », repris dans Jean Madiran, Éditoriaux & Chroniques, tome 1, op. cit., p. 275-286.

75 Jean Madiran, « Ubi caritas et amor », Itinéraires, n° 105, juillet 1966, repris dans Jean Madiran, Éditoriaux & Chroniques, tome 1, op. cit., p. 291.

76 Ibid., p. 288-290 : les majuscules figurent dans le texte original.

77 Jean Madiran, « Le Paysan et le Ruminant », Itinéraires, avril 1967, repris dans Jean Madiran, Éditoriaux & Chroniques, tome 2 : Le catéchisme, l’Écriture et la messe (1967-1973), Bouère, Dominique Martin Morin, 1984, p. 18 : les italiques figurent dans le texte original.

78 Jacques Maritain, Le paysan de la Garonne. Un vieux laïc s’interroge à propos du temps présent, Paris, Desclée de Brouwer, 1966, p. 236.

79 Ibid., p. 19.

80 Ibid., p. 21-23 : les italiques figurent dans le texte original.

81 Ibid., p. 31 : les italiques figurent dans le texte original.

82 Ibid., p. 23.

83 Ibid., p. 25 : les majuscules et les italiques figurent dans le texte original.

84 Ibid., p. 25 (note 6).

85 Marcel Clément, « Les Mo-co-so », chronique du 4 février 1968, reprise dans Combat pour l’espérance (1968-1974), Paris, coéditions Éditions de l’Escalade/Albatros, 1975, p. 20-22.

86 Jean Madiran, « Dix ans », Itinéraires, n° 100, février 1966.

87 Marcel Clément y consacre sa chronique du 7 avril 1968 « Insurrection et Résurrection ». Il la conclut par les mots suivants : « Prions avec ferveur, avec une espérance indéfectible pour le Pape, pour les Evêques, pour l’Église. Pour les prêtres, pour tous les prêtres » : Combat pour l’espérance (1968-1974), op. cit., p. 36 : les italiques figurent dans le texte original.

88 Entretien réalisé au Pecq en mars 2019 par Béatrice Le Conte, Jean Madiran et la revue Itinéraires, op. cit., p. 211.

89 Voir dans ce volume la contribution d’Humberto Cucchetti.

90 L’ouvrage est paru chez Plon en 1984.

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