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Droites et catholicisme en France et en Europe des années 1960 à nos jours

 | 
Olivier Dard
, 
Bruno Dumons

Expériences nationales

La droite catholique belge francophone après 1945 : une minorité en résistance ?

The French-speaking Belgian Catholic right after 1945 : a minority in resistance ?

Cécile Vanderpelen-Diagre et Caroline Sägesser

Résumé

Ce chapitre peint à grands traits les principales caractéristiques de la droite catholique belge francophone de 1945 à aujourd’hui. À partir d’un examen des déclarations des hommes et des femmes qui s’en réclament ainsi que de leurs trajectoires et mobilisations, il s’interroge sur la faible pérennité, visibilité et structuration de ce courant. La principale hypothèse proposée pour l’expliquer est que dans ce pays organisé depuis le XIXe siècle en « piliers » (structuration globale tant de la société que de la scène politique selon le clivage philosophique et religieux), le monde catholique trouve des relais et des places fortes dans tous les rouages du système (à commencer par les mandats politiques et l’administration). Les élites catholiques conservatrices s’attachent dès lors davantage à sauvegarder leurs positions au sein du monde catholique qu’à revendiquer des réformes sociopolitiques au nom d’une identité non représentée ou reconnue. Les intellectuels et hauts-fonctionnaires qui s’expriment dans le principal organe de presse de la droite catholique belge de langue française La Revue générale défendent le parti social-chrétien et espèrent trouver dans l’organisation européenne l’occasion d’élargir leur champ d’action. Les mouvements plus radicaux tentés par l’extrême-droite ou une orientation plus libérale en matière économique (la défense des patrons, une fiscalité plus favorable au capital) trouvent difficilement à se faire entendre d’une manière durable au sein du pilier catholique et sont obligés de trouver ailleurs, en France principalement, des relais pour leurs revendications. 

Texte intégral

  • 1 Bruno Dumons et Frédéric Gugelot (dir.), Catholicisme d’identité. Regards croisés sur le catholicis (...)
  • 2 Lynn Bruyère, Anne-Sophie Crosetti, Jean Faniel et Caroline Sägesser, Piliers, dépilarisation et cl (...)
  • 3 Le Parti social-chrétien s’est scindé sur une base linguistique en 1968, donnant naissance au Chris (...)
  • 4 La Confédération des syndicats chrétiens (CSC), en néerlandais Algemeen Christelijk Vakverbond (ACV (...)
  • 5 L’Alliance nationale des mutualités chrétiennes est la plus grande caisse d’assurance-maladie du pa (...)
  • 6 Outre le pilier chrétien, le plus important, on distingue un pilier socialiste et un pilier libéral (...)

1On cherchera en vain en Belgique francophone des mouvements visibles correspondant à des mobilisations durables d’un catholicisme que l’on pourrait qualifier de radical, intégral, intégraliste, extrémiste, intransigeant ou d’identité1. Certes, il existe bien une droite catholique belge de langue française. Située à la droite du Parti catholique – appelé Parti social-chrétien de 1945 à 2002, date à laquelle il devient Centre démocrate humaniste -, elle professe une vision conservatrice du monde, nationaliste et hostile à la plupart des politiques sociales et économiques marquées à gauche. Cependant, elle reste structurellement intégrée au « pilier » catholique. En Belgique, l’organisation socio-politique est en effet marquée par un clivage défini par la confession religieuse et philosophique2. Ce clivage a été historiquement déterminant tant pour l’organisation de la vie sociale, l’enseignement se partageant entre des écoles privées catholiques et des écoles publiques pluralistes, que pour celle de la vie politique. Le premier parti politique créé en Belgique est le Parti libéral qui en 1846 s’accorde sur un programme de laïcisation des institutions ; face à lui va se constituer un Parti catholique. À la fin du xixe siècle, le clivage socio-économique va donner naissance à un parti ouvrier (Parti ouvrier belge : POB) qui deviendra plus tard le Parti socialiste, et le xxe siècle verra le clivage linguistique s’imposer, provoquant la scission des partis politiques catholique, libéral et socialiste, et la création de partis régionalistes (tels la Volksunie, le FDF ou le Rassemblement wallon, plus récemment la N-VA). Toutefois, le clivage philosophique séparant catholiques et laïques demeure prégnant. Il a donné vie à une organisation « pilarisée » de la société qui subsiste encore aujourd’hui, même si ces différents piliers ne sont plus aussi étanches qu’autrefois. Ainsi, le pilier catholique, qu’on appelle aujourd’hui plus volontiers le pilier chrétien, comprend deux partis politiques3, un syndicat4, des écoles, une mutualité5 et des organisations d’encadrement basées sur l’âge, le sexe et la profession. Pour expliquer les choses d’une manière un peu imagée, chaque pilier6 ressemble à un arbre aux branches multiples, mais qui rejoignent toutes un tronc commun. Il arrive qu’un surgeon se développe à la racine de l’arbre catholique mais, très vite, il est, soit absorbé par le tronc commun, soit arraché pour prendre racine dans un autre pays. Ce chapitre vise à décrire dans les grandes lignes la dynamique qui agite la branche la plus à droite de l’arbre catholique. Il n’a aucune prétention à l’exhaustivité car l’histoire de la droite catholique belge francophone de l’après-guerre reste, à ce jour, à écrire.

De l’unionisme au pilier

  • 7 Hervé Hasquin (dir.), La Belgique française (1792-1815), Bruxelles, Crédit Communal, 1993.
  • 8 Kurt Jürgensen, Lamennais und Belgien. Das Ringen um den liberalen Katholizismus in Belgien bis zur (...)
  • 9 Aloïs Simon, L’Église catholique et les débuts de la Belgique indépendante, Wetteren, Scaldis, 1949
  • 10 Els Witte, La construction de la Belgique (1828-1847), Bruxelles, Complexe, 2005.
  • 11 Si l’article 16 (aujourd’hui 21) de la Constitution belge interdit à l’État d’intervenir dans la no (...)
  • 12 Cité notamment par Roger Aubert, « L’Église et l’État en Belgique au xixe siècle », Res Publica, 19 (...)
  • 13 Cette alliance entre catholiques et libéraux est à l’origine de la devise nationale de la Belgique (...)

2La Belgique et ses institutions, nées en 1830-1831, doivent beaucoup au régime français sous lequel s’est trouvé le territoire de 1795 à 1815. Ces vingt années ont laissé au pays une matrice institutionnelle7, et ont également posé les bases de ce qui allait se révéler une fracture politique structurante entre les catholiques et les libéraux. Après le Congrès de Vienne, la reconstitution du royaume des Pays-Bas unira temporairement les factions dans une volonté de mettre sur pied une Belgique indépendante, au profit d’une bourgeoisie francophone, catholique ou libérale. Dès 1828, catholiques et libéraux vont conclure une alliance. Les premiers, en réaction au césaropapisme du régime concordataire français et à l’autoritarisme du roi des Pays-Bas Guillaume II, un roi protestant, avaient développé une réflexion originale fortement influencée
par les idées de Lamennais8. Rompant avec la volonté de rétablissement de l’Église dans ses prérogatives d’Ancien Régime, l’école de Malines – ainsi que l’historien de l’Église de Belgique Aloïs Simon la baptisera – s’était résolue à revendiquer avec les libéraux un régime de liberté dont elle estimait qu’elle serait bénéfique à l’Église9. Les libéraux, minoritaires, ne pouvaient espérer réussir à instaurer et maintenir seuls le nouvel État. En outre, ils n’étaient alors ni antireligieux, ni même souvent anticléricaux : l’anticléricalisme se développa après 1831 devant l’usage fait par l’Église du régime de liberté instauré10. La Constitution belge adoptée en février 1831, et qui demeura largement inchangée jusqu’à la fin du xxe siècle (lorsqu’elle sera adaptée à la nouvelle forme fédérale de l’État), était un texte moderne et libéral, qui garantissait notamment les libertés publiques, d’association, de presse, d’enseignement et de culte. Si elle émancipe totalement l’Église – et les autres cultes, peu répandus à l’époque – de la tutelle de l’État, mettant implicitement fin au Concordat, elle conserve toutefois du régime concordataire le principe du financement public11. C’est ainsi que la Belgique instaura, et conserve aujourd’hui, un régime des cultes qui, selon les mots du pape Léon XIII, « cumule les avantages de l’union avec les bénéfices de l’indépendance »12. Cette alliance de l’Église et de l’État, doublée de celle de l’autel et du trône, car la dynastie belge se montra dès l’origine proche d’une institution qu’elle estimait être la meilleure garante de la sécurité publique puis de la paix sociale, laissa aux institutions catholiques un vaste espace pour se développer et prospérer avec le soutien financier de l’État. Avant que l’avènement de l’État Providence ne transforme ces institutions en un véritable pilier catholique, c’est le champ de l’enseignement que l’Église investit prioritairement et qui allait devenir le principal sujet de conflit avec les libéraux. À partir de 1846, l’union sacrée13 est terminée.
Un Parti libéral se rassemble autour d’un programme de laïcisation des institutions et de défense de l’enseignement public. Jusqu’à la Première Guerre mondiale (et l’adoption du suffrage universel qui fera entrer le parti ouvrier au Parlement), la vie politique belge se résume à une opposition entre catholiques et libéraux, et est rythmée par une alternance de cabinets de l’une ou l’autre couleur, même si, globalement, le Parti catholique est dominant et occupera en particulier le pouvoir sans discontinuité entre 1884 et 1914. Auparavant, en 1879, une véritable « guerre scolaire » a déchiré le pays. La volonté d’un cabinet libéral d’instaurer un enseignement public laïque suscite une opposition féroce de l’Église ; excommunications des responsables et rupture des relations diplomatiques avec le Vatican marqueront le paroxysme d’un État laïc éphémère dont la victoire électorale catholique de 1884 sonnera le glas définitif. La Belgique maintiendra l’enseignement de la religion dans ses écoles, soutiendra ses écoles catholiques et, laissant intacts les mécanismes hérités de l’époque napoléonienne, ne connaîtra jamais d’équivalent à la loi française de séparation des Églises et de l’État adoptée en 1905.

  • 14 Karel van Isacker, Het Daensisme : de teleurgang van een onafhankelijke, christelijke, arbeidersbew (...)

3Durant tout le xixe siècle, la droite, incarnée par la noblesse terrienne, qui, en raison de conditions très strictes d’accès à la haute assemblée, domine largement le Sénat, est assimilée au catholicisme, conservateur sur pratiquement tous les dossiers. À la fin du siècle, toutefois, alors même que le Parti catholique construit une identité plus marquée, il connaît ses premières lézardes. En 1891, la publication de l’encyclique Rerum Novarum incite des militants croyants, convaincus de l’urgence de créer une législation en faveur de la justice sociale, de fonder la démocratie chrétienne. Cette Jeune droite, comme elle s’intitule alors, est à l’initiative des premiers affrontements catholico-chrétiens, notamment au sujet du suffrage universel. La défense du monde ouvrier met temporairement l’unité du Parti catholique en péril, avec le développement du daensisme, un mouvement politique né autour de la personnalité du prêtre Adolf Daens, élu à la Chambre sur une liste sociale-chrétienne dissidente en 189414. Ce mouvement est alors exclusivement flamand, il puise ses racines tant dans la catholicité profonde des Flandres que dans la misère ouvrière et rurale de la région. Plus précocement industrialisée, la Wallonie voit davantage l’implantation et le développement des structures syndicales et politiques d’inspiration socialiste et anticléricale.

  • 15 Henk de Smaele, « Henry Carton de Wiart (1869-1905) : christen-democratisch politicus en literator  (...)
  • 16 Éric Defoort, « L’Action Française dans le nationalisme belge (1914-1918) », Revue belge d’histoire (...)
  • 17 Cécile Vanderpelen-Diagre, Écrire en Belgique sous le regard de Dieu. La littérature catholique bel (...)

4Sur le plan religieux, le courant progressiste est surtout désireux de voir l’Église s’engager dans un rapprochement avec les formes culturelles plus « modernes » (le symbolisme notamment)15. Dans le même temps, un courant issu de la droite catholique traditionnelle est gagné, comme d’autres élites européennes, par un sentiment ardent à dénoncer la décadence des mœurs et l’altération des valeurs morales. Pour une partie croissante de la noblesse et de la haute bourgeoisie, le remède à la « crise morale » se trouve dans le rétablissement de l’Ancien Régime. Les classes sociales privilégiées issues de ces temps révolus parviennent en effet difficilement à se reconnaître dans le régime politique libéral. Ce phénomène d’aspiration à un retour à l’ordre ancien s’observe dans plusieurs pays européens. S’il porte des noms différents – conservatisme, radicalisme helvétique, droite réactionnaire –, il se caractérise par un dénominateur commun : la remise en question du libéralisme politique, le nationalisme, l’obsession de la décadence des mœurs, l’antisémitisme et la xénophobie, l’aspiration à un renforcement du pouvoir exécutif, de préférence monarchique16. À partir de la fin du xixe siècle et durant tout l’entre-deux-guerres, la droite catholique belge de langue française puise son inspiration dans les œuvres des penseurs de l’Action Française, Charles Maurras en tête. L’influence française est d’autant plus forte que ces nationalistes royalistes défendent une Belgique unitaire et francophone contre les assauts régionalistes flamands et, dans une moindre mesure, wallons. Cette position trouve des relais efficaces auprès du Parti catholique et de l’Église17.

  • 18 Martin Conway, Collaboration in Belgium : Leon Degrelle and the Rexist movement (1940-1944), New Ha (...)
  • 19 Emmanuel Gérard et Paul Wynants, Histoire du mouvement ouvrier chrétien en Belgique, Louvain, Leuve (...)
  • 20 Emiel Lamberts, « Les catholiques libéraux en Belgique à l’époque contemporaine » Jacques Prévotat (...)

5Après le suffrage universel masculin acquis en 1919, le Parti catholique perd l’hégémonie qu’il avait depuis 1884. Le nombre grandissant de sièges acquis par le Parti ouvrier belge dans les assemblées incite une grande partie des membres du Parti catholique à se réorienter vers des positions plus conservatrices, voire réactionnaires. Ce mouvement trouve sa matérialisation dans la création du Rexisme, mouvement politique d’extrême droite, fondé par Léon Degrelle, né dans le giron de l’Action catholique. Mais, tout au long des années 1930, le mouvement rexiste, trop jaloux de son indépendance, perd la confiance à la fois de l’Église et du Parti catholique, jusqu’à être complètement désavoué par l’un et par l’autre en 1937. Le Rexisme sombrera ensuite dans la collaboration avec l’occupant nazi18. Mais l’entre-deux-guerres se caractérise également par le développement de la démocratie chrétienne. Sous l’impulsion de Mgr Joseph Cardijn, se créent le Mouvement ouvrier chrétien (MOC) et la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Si leur objectif principal est de ramener vers l’Église ou d’y maintenir la classe ouvrière, le second objectif, qui prendra ultérieurement le pas sur le premier, est bien l’action sociale afin d’améliorer les conditions matérielles des travailleurs ; le mouvement connaîtra à partir de son ancrage belge un large développement international19. Le lien entre religion et politique se détend, dans le contexte de la crise des années 1930, où la classe politique rencontre un certain discrédit et où de nombreux catholiques insistent sur la nécessité d’une « régénération morale ». Cette approche était notamment diffusée par la revue La Cité Chrétienne : « désormais, il ne s’agissait plus de construire la cité chrétienne, mais bien d’être simplement chrétien dans la cité des hommes »20. L’importance de la démocratie chrétienne, qui devient progressivement le courant majoritaire au sein du monde catholique belge, se renforce pendant la période 1939-1945.

Des catholiques pluriels dans une société pluraliste

6Sous l’Occupation, dans la Résistance, puis à la sortie du conflit, de nombreux catholiques remettent en question la pertinence du clivage confessionnel en Belgique. En septembre 1944, l’Union démocratique belge est créée. Elle se veut à l’origine un groupe de pression au sein du vieux parti catholique qui a entamé sa mutation vers la formation d’un parti démocrate-chrétien. Toutefois, le Parti social-chrétien (PSC), héritier du Parti catholique, qui est porté sur les fonts baptismaux à la Noël 1945, paraîtra à l’UDB trop conservateur. Se transformant en parti politique dissident, elle essuiera un échec aux élections de 1946 qui conduira à sa disparition.

  • 21 Francis Balace, « “Plus royalistes que le Roi  ?” Les mouvements léopoldistes », Michel Dumoulin, M (...)
  • 22 Loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l’enseignement.
  • 23 Sur cet épisode : Jeffrey Tyssens, Guerre et paix scolaires (1950-1958), Bruxelles, De Boeck Univer (...)

7Cependant, le nouveau Parti social-chrétien (« Un nouveau parti, une nouvelle pensée, de jeunes équipes, voilà ce qu’est le PSC-CVP ») avait donné à de nombreux égards - à commencer par son titre - des gages à l’aile gauche de ses partisans en renforçant son assise auprès du Mouvement ouvrier chrétien. Désormais déconfessionnalisé, il proclame les valeurs personnalistes et pluralistes. La guerre, qui a vu de nombreux catholiques se commettre avec l’occupant nazi (en collaborant directement ou en tentant des expériences de type ordre nouveau), provoque une mise à distance des militants les plus à droite. Ceux-ci trouvent très vite une raison de se mobiliser lors de la « Question royale », affaire qui agite la Belgique, de 1945 à 1950, et qui oppose les partisans du retour de Léopold III sur le trône aux partisans de son abdication. De nombreux groupuscules monarchistes se rassemblent autour de la défense du roi, de la patrie et de l’Église21. La solution de la Question royale et l’abdication du Roi Léopold III au profit de son fils constituent toutefois un échec pour ces groupes, et plus largement, pour l’opinion catholique et pour le PSC qui avaient globalement soutenu l’ancien roi. Leurs énergies vont ensuite se mobiliser dans la défense de l’école catholique. Le combat en faveur de l’école privée catholique, que l’on appelle en Belgique l’enseignement libre, et qui scolarise en fait une majorité des élèves, va galvaniser les énergies du PSC, et contribuer au succès électoral du parti : la victoire des sociaux-chrétiens aux élections du 4 juin 1950 leur permet de gouverner seuls pendant la législature 1950-1954. Ce sera la dernière expérience de gouvernement constitué par un seul parti que connaîtra la Belgique, et elle sera suivie d’un gouvernement anticlérical composé par le Parti socialiste et le Parti libéral, aux manettes de 1954 à 1958. Les années 1950 sont ainsi le cadre du dernier grand affrontement autour de la question philosophique en Belgique. Cette véritable guerre scolaire prendra fin avec une loi de compromis en 1959, un Pacte scolaire22, qui assure la pérennisation des subventions en faveur de l’enseignement confessionnel et est considéré plutôt comme une victoire au sein du monde catholique23.

8Dans les décennies qui suivent, les autorités du Parti social-chrétien auront fort à faire pour « garder l’église au milieu du village », tiraillés entre leurs ailes droite et gauche, et travaillés par le mouvement flamand, qui provoquera un conflit perçu comme fratricide en 1968 lors de la scission de l’Université catholique de Louvain entre les deux communautés linguistiques. On constate, par ailleurs, que la poussée à droite de l’avant-guerre provoquée par l’arrivée des socialistes se renverse à partir des années 1950. Le Parti libéral, traditionnellement constitué de deux ailes, l’une progressiste et l’autre conservatrice, tend de plus en plus à canaliser toutes les voix de la droite politique. Le Parti social-chrétien, positionné au centre, éprouve des difficultés à mobiliser les « troupes » de la droite catholique traditionnelle. Le renversement des forces au sein du Parti catholique à la faveur des catholiques progressistes et la victoire des mouvements flamands qui parviennent à imposer le fédéralisme de la Belgique contraignent la droite catholique à se déployer ailleurs que dans ce giron.

Les résistants politiques à la démocratie chrétienne

  • 24 « Structures et évolution du “monde catholique” en Belgique », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1967 (...)

9La vie politique de l’après-guerre tourne donc autour de trois formations politiques : la percée électorale du parti communiste aux élections de 1946 ne se maintient pas dans les années 1950. À la gauche de l’échiquier politique on trouve le Parti socialiste belge (PSB), à sa droite le Parti libéral, qui deviendra en 1961 le Parti de la Liberté et du Progrès (PLP), et au centre le Parti social-chrétien (PSC). Les membres de ce parti continuent à avoir pour commun dénominateur leurs convictions religieuses : en dépit de la déconfessionnalisation proclamée du parti, et de la distanciation des liens étroits autrefois entretenus avec l’épiscopat, le PSC continue jusque dans les années 1960 à réaliser ses meilleurs scores électoraux dans les cantons où la pratique religieuse est la plus élevée24. Alors que le Parti socialiste est un parti de masse fortement implanté en milieu ouvrier, et que le Parti libéral est un parti bourgeois bien enraciné dans les villes commerçantes, le PSC est un parti multiforme, qui doit réaliser la synthèse d’aspirations de toutes les classes sociales, et auquel on s’affilie, ou pour lequel simplement on vote, après y avoir été convié par un corps intermédiaire. Et ce, même si le PSC a rompu avec l’affiliation collective qui était la règle de l’ancien Parti catholique, qui reposait sur des organisations sœurs, les standen, avec lesquels les liens organiques ont disparu des statuts en 1945.

  • 25 Noël Hirson, Paul Vanden Boeynants, sa carrière, Bruxelles, Éditions Capitales, 1969, p. 12.
  • 26 Jozef Smits, « Les standen dans les partis sociaux-chrétiens », Courrier hebdomadaire du CRISP, 198 (...)

10Inévitablement, cette synthèse génère des frustrations chez ceux qui estiment que leurs aspirations ne sont pas suffisamment prises en compte. C’est le cas des membres du PSC qui ne se retrouvent pas au sein de la démocratie chrétienne. Le Parti libéral étant demeuré, formellement jusqu’en 1961, et pratiquement encore au-delà, anticlérical, dirigé par des notables souvent proches des loges maçonniques et/ou de l’Université libre de Bruxelles, il ne constitue pas encore, dans les décennies de l’après-guerre, un point de chute acceptable pour la haute bourgeoisie ou la noblesse catholiques, qui doivent s’accommoder du PSC. L’aile droite va donc déployer des efforts pour influencer le programme du parti. C’est ainsi que le député et futur premier ministre Paul Vanden Boeynants et l’historien amateur et figure médiatique Jo Gérard lancent dès 1949 un « Comité pour le redressement du PSC » qui vise en fait à le déplacer vers la droite sur l’échiquier politique25. Il s’élève « contre la politique ouvriériste du PSC » et demande que le parti accorde plus d’attention aux classes moyennes26.

  • 27 « Les structures catholiques belges. Le Mouvement des Indépendants et des Cadres (MIC) », Courrier (...)

11Les membres de l’aile droite du PSC ont alors cherché à se structurer pour mieux défendre leurs intérêts ou leurs priorités. Une de ces structures est constituée par l’Association des patrons et ingénieurs catholiques (APIC) qui prend en 1962 le nom de l’Association des dirigeants et cadres chrétiens (ADIC). Il s’agit d’un groupe de pression patronal, qui n’a pas vocation à limiter son action à l’intérieur du Parti social-chrétien, mais dont les représentants défendent les intérêts des employeurs y compris en son sein. Le Mouvement chrétien des indépendants et des cadres (MIC) est lui créé en 1955, à l’initiative de Jean-Pierre de Crayencourt et du député de Bruxelles André Saint-Rémy avec l’appui de Paul Vanden Boeynants. Les membres du MIC appartenaient tous à l’aile droite du parti et parmi eux figuraient trois collaborateurs réguliers du quotidien catholique alors plutôt conservateur La Libre Belgique27.

  • 28 Jacques Moden et Jean Sloover, « Le Centre politique des indépendants et cadres chrétiens (CEPIC) » (...)
  • 29 « Manifeste du CEPIC » Solidarités Nouvelles, décembre 1975, p. 2, 4 et 31.
  • 30 Jacques Moden et Jean Sloover, Art. cit., p. 22 ; Daniel Dustin, « Les structures du parti social-c (...)
  • 31 Philippe Brewaeys, Véra Dahaut et Anaïs Tolbiac, « L’extrême droite francophone face aux élections  (...)
  • 32 Ironiquement, le même Gérard Deprez plaidera pour une alliance du PSC avec le PRL à la fin des anné (...)

12Plus résolument politique est le Centre politique des indépendants et cadres chrétiens (CEPIC), qui représente « une des concrétisations de la volonté de l’aile droite du PSC de contrebalancer l’influence de la tendance “de gauche” du parti »28. Répondant à la création d’une structure représentant l’aile gauche du parti, Démocratie chrétienne, le sénateur André Saint-Rémy, président du MIC, qui est en veilleuse au début des années 1970, lance avec d’autres le CEPIC. Celui-ci sera reconnu par le président du PSC de l’époque, Charles-Ferdinand Nothomb, comme le représentant au sein du parti, des classes moyennes, des professions libérales et des cadres. Toutefois, le CEPIC ne va pas se contenter de représenter les intérêts de cette catégorie de membres. À travers notamment la publication des Cahiers du CEPIC, le mouvement va tenter d’infléchir les positionnements du parti sur des thèmes variés, incluant la politique familiale, (préconisant en la matière une politique nataliste et l’octroi d’un statut à la femme au foyer) avec parfois un certain succès. De nombreux élus du parti affichent leur affiliation au CEPIC. Ils représentent jusqu’à 50 % des élus à Bruxelles, beaucoup moins en Wallonie. En décembre 1975, dans son Manifeste, le CEPIC estime que « les hommes de notre temps ont perdu confiance : la politique les déçoit, les institutions fonctionnent mal, la menace du dirigisme et d’une technocratie contraignante obscurcit l’horizon ». Il faut « rendre confiance aux hommes, […] garantir le respect des libertés et concevoir des solidarités nouvelles ». Le CEPIC professe son « hostilité radicale à toute opposition de classe » : « la véritable solidarité s’exercera d’autant mieux qu’à tous les niveaux de la vie sociale, économique et culturelle […], les plus audacieux, les plus dynamiques, les plus entreprenants, auront été davantage encouragés à créer librement plus de biens et de services »29. Et le Manifeste de préciser que « le péril le plus menaçant procède, à n’en pas douter, de la pensée marxiste ». Le CEPIC incarne résolument l’aile droite du parti. Certains observateurs constatent qu’« une nouvelle composante viendra se greffer sur le nouveau mouvement ; elle est constituée de jeunes militants de mouvements de droite ou d’extrême droite »30. La presse fait état des liens existant entre certains responsables du CEPIC et l’extrême droite dont des groupes seraient financés indirectement par le baron Benoît de Bonvoisin, trésorier du CEPIC31. Cette dérive, ainsi que des prises de positions du CEPIC opposées à la réforme de l’État que négocie alors le PSC au plan national, va sans doute conduire le successeur de Nothomb à la tête du parti, Gérard Deprez32, à entériner la rupture entre le parti et le CEPIC en 1981. Quelques semaines plus tard, sera créé le Rassemblement du Centre (RDC), qui tentera de grouper la « droite modérée » du PSC. Certains réfractaires du CEPIC refusèrent de rentrer dans le rang et créèrent en 1982 un éphémère Parti libéral chrétien, dont l’objectif était de réaliser la synthèse entre une morale d’inspiration chrétienne et des valeurs économiques libérales. La majorité de ses membres rallièrent peu après le Parti réformateur libéral.

  • 33 Philippe Brewaeys, Véra Dahaut et Anaïs Tolbiac, « L’extrême droite francophone face aux élections  (...)
  • 34 Le Front national belge, créé en 1985 sur le modèle du parti français du même nom, n’obtint toutefo (...)

13Un autre groupe, le Parti des forces nouvelles (PFN), va naître dans le milieu des rédacteurs du Nouvel Europe Magazine (cf infra) et tenir son premier congrès dans les locaux du CEPIC en 1975. On y retrouve à côté des catholiques ultra-conservateurs notamment des anti-communistes radicaux et des unitaristes belges33. Ce parti d’extrême droite déposa des listes à Bruxelles et dans le Hainaut lors de différents scrutins dans les années 1980, sans toutefois obtenir d’élus. Le parti prononcera sa dissolution et son ralliement au Front national en 199134.

  • 35 Luc Rowies, « L’UDRT-RAD », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1981, n° 924, p. 32.

14Une autre initiative politique située à la droite du PSC peut encore être mentionnée. En 1978 est créée l’Union démocrate pour le Respect du Travail (UDRT). Ce nouveau parti dispose d’un programme très succinct en six points : « abolir la punition fiscale du travail et de l’initiative », « mettre fin à la ségrégation sociale » (en matière de pensions), « assainir le secteur public », « assainir et réformer le système de sécurité sociale », « relancer l’économie » et « moraliser les rapports politiques et sociaux »35. Il suffit néanmoins à faire élire député le président du parti, Robert Hendrick. Suite à ce modeste mais rapide succès, un certain nombre de mandataires politiques, essentiellement du niveau communal, vont rallier l’UDRT. Ils sont issus tant du PRL que du PSC. Se proclamant « anti-système », ce petit parti flirtant avec le poujadisme et l’extrême droite s’est essentiellement intéressé aux questions économiques, faisant de « l’oppression fiscale » sa cible principale. Il disparaîtra de la scène politique à la fin des années 1980. Certains de ces dirigeants passeront alors au Vlaams Blok, le parti d’extrême droite flamand. Sans revendiquer expressément une étiquette catholique, le conservatisme du parti attira des membres catholiques déçus par le PSC.

15Le malaise des militants de droite du PSC ne s’apaise pas. À la fin des années 1990, l’ex-président du parti Gérard Deprez plaide pour une alliance du PSC avec le PRL, et donc un ancrage du parti social-chrétien vers la droite. Il se heurte à une forte opposition au sein du bureau de son parti qui finit par l’exclure. Il fonde alors un mouvement destiné à fédérer des ex-PSCistes de droite et à les arrimer à l’ancien parti libéral dans le cadre d’une fédération : le Mouvement des citoyens pour le changement (MCC) est né. Aux élections de 1999, ce sont effectivement des listes Fédération PR-FDF-MCC qui se présenteront aux électeurs. L’initiative de G. Deprez connaîtra toutefois un succès mitigé, le MCC ne réussissant pas à siphonner beaucoup de membres du PSC. Cependant, le mouvement existe encore aujourd’hui et Gérard Deprez a poursuivi sa carrière politique en étant désormais élu sur des listes communes avec les libéraux.

16Le PSC traverse alors une crise existentielle ; son électorat n’a cessé de s’éroder depuis les années 1960. Pour la première fois, une femme atteint la présidence. Joëlle Milquet va entamer un processus de rénovation du parti qui va le conduire jusqu’à un changement de nom, le parti devenant le Centre démocrate humaniste (CDH) en 2002. Devant l’abandon de la référence chrétienne, dans le nom comme dans les statuts, des membres du PSC, dont le plus connu est certainement l’ancien ministre régional bruxellois des Transports Dominique Harmel, fils de l’ancien Premier ministre Pierre Harmel, vont quitter le CDH et fonder un nouveau parti, les Chrétiens démocrates fédéraux (CDF). Ils fondent leur action politique sur les valeurs du christianisme et défendent un programme de droite. Ne réussissant guère à rallier plus largement que quelques conseillers communaux, initialement élus sur des listes du PSC, le parti finira par être dissous en 2013. Entre-temps il avait déployé un discours conservateur et belgicain. Certains membres du CDF rejoindront ultérieurement le parti d’ultra-droite de Michaël Modrikamen, le Parti populaire.

  • 36 L’homologue flamand du PSC, le CVP, a longtemps maintenu un électorat plus large et aussi plus cons (...)

17Depuis l’avènement de la démocratie chrétienne, le parti qui l’incarne en Belgique francophone a globalement réussi à contrôler les écarts de sa branche conservatrice et ouvertement de droite. Pratiquant tantôt l’absorption et tantôt l’exclusion, le parti a maintenu contre vents et marées le cap centriste, gouvernant en alliance tantôt avec le Parti socialiste et tantôt avec le Parti libéral jusqu’à la fin du xxe siècle, avant que l’alliance de ses deux ex-partenaires et des écologistes ne conduise à son expulsion du pouvoir en 1999. Depuis 1945, il n’y a pas vraiment eu en Belgique francophone d’espace politique réservé à la droite catholique36. Le PSC se définit résolument comme un parti centriste, et non plus de droite. De manière générale, la droite n’est pas une étiquette politique populaire en Belgique francophone. Le Parti libéral, dont le Mouvement réformateur (MR) est aujourd’hui l’héritier, se définit lui-même systématiquement comme de centre-droit, alors que les éléments de son programme, à l’exception de ce qui concerne les questions éthiques (euthanasie, IVG…) le positionnent clairement à droite. Le milieu catholique ne fait pas exception à cette règle, qui de plus en plus rechigne à se définir comme étant de droite.

Entre l’histoire fantasmée et les rêves technocratiques

  • 37 Serge Berstein, « L’historien et la culture politique », Vingtième Siècle, n° 35, juillet-septembre (...)
  • 38 Jean-Louis Jadoulle, « La Revue nouvelle (1945-1958) » Jean-Louis Jadoulle, Chrétiens modernes, l’e (...)

18Tant les valeurs que les familles et les groupes sociaux qui, depuis la naissance de la Belgique, incarnent et défendent le catholicisme le plus traditionnel n’ont pas disparu. La noblesse et la grande bourgeoisie entretiennent des sociabilités qui se perpétuent grâce aux ordres (le plus prestigieux étant l’Ordre souverain militaire hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem de Rhodes et de Malte), aux grands collèges (essentiellement, mais pas exclusivement, jésuites), aux mouvements de jeunesse, aux cercles, aux œuvres et autres associations caritatives et de défense d’intérêts (les patrons, les parents). On trouve un reflet intéressant de la « culture politique » – pour reprendre la notion fort utile de Serge Berstein37 – de cette famille de pensée dans La Revue Générale. Cette dernière, fondée en 1865, est la revue historique des intérêts du monde catholique : l’Église, le parti et l’école (en Belgique, l’école catholique, dite « libre » scolarise la moitié, voire plus de la population). S’y rassemblent les cadres du parti catholique, des hauts-fonctionnaires et des journalistes. Le nombre de noms à particule dans les sommaires est remarquable. Par contraste, l’après-guerre avait vu le lancement de la Revue Nouvelle, qui, succédant à La Cité Chrétienne, s’était d’emblée positionnée à la gauche du monde chrétien et n’avait pas tardé à remporter un grand succès, sous la houlette d’André Molitor, futur chef de cabinet du Roi Baudouin38. Face à elle, son aînée a progressivement glissé vers une posture de résistance. Aujourd’hui, les deux titres continuent de cohabiter, mais la Revue Nouvelle jouit d’une diffusion bien plus large que la Revue Générale.

19L’un des points de convergence idéologique des notables qui animent la Revue Générale est la nation et l’histoire nationale, traitée sous un jour très esthétisant. Les affaires politiques, en revanche, sont exposées d’une manière très technocratique (de nombreux articles concernent la gestion des finances, la fiscalité et l’administration du pays). Cette vision reflète évidemment l’identification non dissimulée aux élites et aux cadres du pays, auxquels appartiennent, ou son liés, nombre d’auteurs. Une part importante des thèmes concerne le Parti social-chrétien, qui, s’il est souvent critiqué, reste l’institution repère.

  • 39 Jacques Willequet, « Gaston Barbanson, promoteur d’une grande Belgique en 1914-1918 », Revue Belge (...)
  • 40 Alain Colignon, « Symboliques néo-bourguignonnes », Pierre Cockshaw (dir.), L’Ordre de la Toison d’ (...)
  • 41 Geneviève Duchenne, Esquisses d’une Europe nouvelle : l’européisme dans la Belgique de l’entre-deux (...)
  • 42 Bruxelles-Paris, Éditions universitaires, 1958.
  • 43 Éric Bousmar, « Siècle de Bourgogne, siècle des grands ducs : variations de mémoire en Belgique et (...)

20Un autre sujet qui inspire beaucoup les auteurs de la Revue Générale est la construction européenne. À les lire, il est évident que le mobile de cet intérêt se trouve dans le désir que la Belgique joue un rôle géopolitique stratégique justifié par sa situation historique de pays-tampon. Il s’agit, pour les esprits qui se sentent étriqués dans les frontières du petit pays, de trouver une manière de se projeter dans des horizons plus vastes. La démarche entre en résonance avec le récit national longtemps partagé selon lequel les racines de la Belgique se trouvent dans le Duché de Bourgogne des xive et xve siècles, âge d’or – catholique, faut-il le préciser – de « nos régions ». Dans l’entre-deux-guerres, certains, tel l’écrivain et homme politique Pierre Nothomb, déjà très présent à la Revue Générale, s’étaient largement investis dans des tractations diplomatiques pour voir « reconstruire » la « Grande Belgique »39. Le mouvement rexiste prétendit lui aussi faire renaître de ses cendres le Duché de Bourgogne40. Notons qu’au même moment, d’autres groupes, pas forcément catholiques, œuvraient également pour construire une Europe dans laquelle la Belgique aurait la première place41. Après-guerre, le fantasme retrouve toute son ardeur sous la plume de François Drion du Chapois, auteur de La vocation européenne des Belges42 qui fonde avec le suisse Gonzague de Reynold le Centre européen d’études burgondes médianes en 195943.

21L’attachement aux organisations internationales, et tout particulièrement à l’Union européenne, se renforce au fur et à mesure que le pays se fédéralise. Peu à peu, en effet, l’ensemble des institutions belges, y compris l’Église, subissent une scission linguistique. Le dernier clou dans le cercueil de qu’on appelle souvent la « Belgique de Papa » est l’indépendance du Congo belge en 1960. À partir de cette date, la droite catholique belge entre dans un long processus de résignation, puis de résilience, qu’elle sublime dans un attachement aux valeurs d’antan et au rêve européen.

  • 44 Vincent Dujardin et Michel Dumoulin, Jean-Charles Snoy, Homme dans la Cité, artisan de l’Europe (19 (...)

22Belle illustration de cette vision du monde, cet article intitulé « La grandeur du pays » paru en novembre 1960. On le doit au baron Jean Charles Snoy et d’Oppuers, homme politique et haut fonctionnaire. Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, il présida notamment la délégation belge lors de la Conférence intergouvernementale pour le Marché commun et la Communauté européenne de l’énergie atomique et fut négociateur et signataire du Traité de Rome en 195744.

La Belgique a perdu le pari congolais et tourné une grande page de son Histoire. Elle s’est sentie humiliée devant le monde et trahie par ses amis. Elle est devenue soudain consciente de la faiblesse de sa position et de l’insuffisance du fonctionnement de ses institutions.

Mais ce qui a été réalisé par elle en Afrique fut une œuvre immense et certes digne d’orgueil. L’échec subi ne peut laisser oublier l’empire qu’en 75 ans le génie d’un grand Roi et l’action créatrice des meilleurs enfants du pays ont bâti sur la terre africaine, ni le développement prodigieux de la civilisation, de la religion, de la science et du progrès social que nous avons apporté à plus de 13 millions d’hommes sur un territoire grand comme l’Europe. […]

  • 45 Jean-Charles Snoy, « La grandeur du pays », La Revue générale belge, 15 novembre 1960, p. 6-8.

Il n’y a pas trente-six chemins pour rester dignes de nous-même. Notre mission d’aujourd’hui est de rassembler les terres de l’Europe par un effort constant et infatigable, de promouvoir l’unité de l’Occident et de trouver avec nos alliés les méthodes généreuses destinées à résoudre l’effroyable problème du sous-développement45.

  • 46 Vincent Moor, « L’œuvre des missionnaires en Afrique », Revue générale belge, octobre 1960, pp. 41- (...)
  • 47 Henri Haag et N. Piepers, « Cent ans de pensée et d’action », Revue générale belge, janvier 1965, p (...)

23L’article invoque également l’œuvre missionnaire, autre outil, en effet, d’exportation des rêves et des désirs46. Cependant, en dépit de son caractère catholique47, les pages religieuses et spirituelles de la Revue Générale sont rares. C’est surtout frappant lorsqu’on la compare avec la Revue Nouvelle, son homologue progressiste. Alors que cette dernière tient une chronique très fouillée sur le Concile Vatican II et s’interroge très régulièrement sur l’avenir de l’Église et du laïcat, la Revue Générale observe avec bienveillance, mais distance, les remous qui agitent l’institution. On ne peut s’empêcher d’avoir une lecture wébérienne du phénomène. Cependant que la Revue Nouvelle évolue vers une logique réformée et tend à, sinon promouvoir, du moins soutenir un christianisme sans Église, la Revue Générale fait confiance à l’autorité cléricale pour cadrer le religieux.

24Au total donc, l’une des tribunes les plus emblématiques de la droite catholique belge est profondément conservatrice. Ce n’est pas de ce côté qu’on trouvera l’expression d’un discours de revanche qui cherche à faire vaciller l’ordre établi afin d’installer la Cité de Dieu ou de revendiquer une place accrue des catholiques dans la Cité. Trouve-t-on un tel discours du côté de l’Église de Belgique ?

Une Église pondérée

25En Belgique, il a donc existé des partis catholiques puis chrétiens. Faut-il en déduire un vrai pouvoir d’influence politique de la part de l’Église ? Dans cette perspective, peut-on supposer un ressentiment très fort des autorités ecclésiastiques du pays à partir de 1945, lorsque les partis se déconfessionnalisent et que leurs succès aux élections suivent la même courbe descendante que la pratique religieuse ?

  • 48 Karim Schelkens et Jürgen Mettepenningen, Godfried Danneels, biographie, Anvers, Uitgeverij Polis, (...)

26Durant tout le xixe siècle et jusqu’en 1914, l’Église catholique belge a la main lourde dans le domaine politique. Après la Deuxième Guerre mondiale, les partis sont de moins en moins téléguidés par les autorités ecclésiastiques, ce qui n’empêche pas certains de leurs membres de consulter les autorités religieuses. Ce fut le cas des mandataires politiques chrétiens lors des grands débats parlementaires sur les questions éthiques de la dépénalisation partielle de l’avortement (1990) et de l’euthanasie (2002). Ainsi, lorsque cette dernière question fut en débat, le président du CD&V, le parti démocrate-chrétien flamand, Stefaan De Clerck adressa les textes des propositions de loi au cardinal Danneels. Le futur Premier ministre et membre de l’aile conservatrice du CD&V Herman Van Rompuy sollicita quant à lui un entretien avec le primat de Belgique48.

27Depuis 1945, sur les questions éthiques et de normes en matière de sexualité et de législation familiale, l’Église catholique belge – par la voix de ses primats successifs – a plutôt eu tendance à chercher à présenter un discours d’apaisement. Dans ce petit pays, l’archevêque a une grande autorité morale auprès des croyants et croyantes. En droit canon, de fait, et de principe, les compétences de l’archevêque – plus exactement du métropolitain –, se limitent au gouvernement (spirituel, judiciaire, exécutif et législatif) de son diocèse (ou archidiocèse), en l’occurrence celui de Malines-Bruxelles pour la Belgique. Or, ce dernier est de loin le plus peuplé du pays. Si le droit canon délègue à l’archevêque un droit de surveillance sur les évêques de sa province, son rôle est essentiellement d’organiser la coopération entre les diocèses. Quant au titre de « primat », s’il a en réalité été aboli par le concile Vatican II, il est très régulièrement utilisé par les journalistes. Au xxe siècle, les archevêques Léon-Joseph Suenens (en charge de 1945 à 1962) et Godefried Danneels (1979-2010) travaillèrent à faire entendre la voix de l’Église lors des débats publics sans heurter l’équilibre pluraliste au cœur de l’organisation politico-sociale.

  • 49 Jean-Louis Jadoulle, « Les visages de l’Église de Belgique à la veille du Concile Vatican II », Cla (...)
  • 50 Léo Declerck, « La réaction du cardinal Suenens et de l’épiscopat belge à l’encyclique Humanæ Vitæ. (...)

28Dans une première étape de sa carrière, Mgr Suenens participa très activement à tenter de faire fléchir le Saint-Siège dans le sens d’une plus grande tolérance à l’égard de la contraception « artificielle ». Lors du concile Vatican II, le clergé belge s’est distingué d’une manière générale pour ses positions progressistes49. Mais la publication de l’encyclique Humanæ Vitæ en 1968 oblige Mgr Suenens à adopter une courbe rentrante et à déployer son énergie dans des chantiers moins « dangereux ». Quant à l’épiscopat belge, il se prononce en faveur de la responsabilité des époux50. Le cardinal Danneels poursuit cette politique. Opposé à la dépénalisation de l’avortement, il exprime ses convictions mais se garde de « souffler sur les braises ». La question suscite en effet la discorde parmi les catholiques. Au sujet de l’euthanasie, il rappelle en effet la position de l’Église mais travaille surtout au développement des soins palliatifs dans les hôpitaux catholiques. Concernant toutes ces affaires, Mgr Danneels tenta d’être le « go between » entre le Saint-Siège et ses interlocuteurs belges. Sa position était peu confortable puisque, comme son prédécesseur Mgr Suenens, il avait été créé cardinal par le pape. À ce titre, le cardinal Danneels siégea dans un nombre important de congrégations et de conseils pontificaux. 

  • 51 Karim Schelkens et Jürgen Mettepenningen, Godfried Danneels, op. cit.

29Mgr Danneels s’éloigna progressivement de la sphère romaine en raison de ses critiques à l’égard de la politique centralisatrice menée par Rome, le peu d’empathie manifestée à l’égard des théologiens de la Libération (dont certains aspects et penseurs lui inspirent toutefois un intérêt soutenu) et son affinité avec la « vertu de l’espérance », éloignée du pessimisme culturel du Saint-Siège, surtout sous Benoît XVI. En outre, la nomination à sa succession de Mgr André-Joseph Léonard en 2010, dont le profil ne correspondait à ses yeux ni aux besoins et souhaits de l’Église locale, ni à l’orientation de la Conférence épiscopale belge, lui aurait profondément déplu. Il faut dire que Mgr Léonard jouissait, lui, et notamment en tant que membre de la Commission théologique internationale dirigée par le cardinal Ratzinger, d’une image positive à Rome. En revanche, pour la Curie romaine, le cardinal Danneels s’est montré trop tolérant à l’égard des dissidents de l’Église et n’a pas pu empêcher le vote de la loi sur l’avortement de 1990. Dès lors, l’élection à la papauté – à laquelle il a vraisemblablement contribué – de Jorge Mario Bergoglio, avec lequel il a beaucoup d’affinités, a représenté pour le cardinal belge un véritable tournant51.

  • 52 Étienne Arcq et Caroline Sägesser, « Le fonctionnement de l’Église catholique dans un contexte de c (...)
  • 53 Nous reprenons ici la notion définie par Yann Raison du Cleuziou pour qualifier « ceux dont la rela (...)
  • 54 Sophie Le Pivain, « Mgr Léonard, primat de Belgique : une arrivée mouvementée », Famille chrétienne(...)
  • 55 Dorian de Meeûs, « L’Opus Dei. Origine, recrutement et organisation (1/2) », La Libre Belgique, 12 (...)

30Les remous causés par la nomination de Mgr Léonard comme archevêque de Malines-Bruxelles en 2010 sont symptomatiques de l’inadéquation entre des positions jugées radicales et celles plus modérées généralement adoptée par l’Église belge et ses fidèles. Durant ses cinq années de charge, le prélat a défrayé la chronique avec des déclarations sur l’homosexualité (une « maladie ») ou le sida (une « justice immanente »). En mars 2010, il rompit le devoir de discrétion de son prédécesseur en participant à la « Marche pour la vie », qui comptait parmi ses organisateurs l’association d’extrême droite Belgique et Chrétienté52. La posture et les prises de position de Mgr Léonard, si elles indisposèrent une grande partie des catholiques, séduisirent les plus « observants »53. Il reçut des courriers de félicitations et d’encouragements, notamment de Véronique Hargot, fondatrice avec son mari de la Fraternité Saint-Nicolas à Bruxelles54. Dans l’état actuel de nos connaissances, on ne saurait toutefois parler d’un vent mobilisateur provoqué par le passage du fougueux archevêque. Ainsi, d’une manière symptomatique, l’Opus Dei ne parvient pas réellement à percer en Belgique, ne comptant en 2013 que 300 membres55. De même, la Fraternité sacerdotale Saint Pie X de Mgr Lefebvre n’a pas réussi son développement en Belgique, où elle compte deux lieux de culte à Bruxelles et un à Gand.

L’itinérante extrême droite catholique

  • 56 Jean-Yves Camus, « Intégrisme catholique et extrême droite en France. Le parti de la contre-révolut (...)

31Il est indéniable que dans le passé, on a pu observer, en Belgique francophone comme ailleurs, une alliance objective entre l’extrême droite et l’Église pour défendre la « civilisation catholique », l’ordre et la tradition sociale et culturelle ainsi que les valeurs familiales. Après-guerre, la convergence entre les deux mouvements se cristallise dans la croisade anticommuniste. Elle est galvanisée dans le monde catholique par les ressentiments générés par les réformes initiées par le concile Vatican II56. En Belgique, ce processus de rapprochement tient cependant à quelques individus isolés, outre les tentatives de structuration déjà mentionnées au sein du CEPIC ou du PFN. 

  • 57 Catherine Lanneau, « Europe-Amérique : Europe-Magazine : un hebdomadaire belge, organe de l’extrême (...)

32Certes, épisodiquement, les mouvements pro-vie parviennent à rassembler suffisamment de personnes pour organiser une manifestation digne de ce nom à Bruxelles mais le succès de l’événement est fortement dépendant de leur capacité à mobiliser des Français (population très importante dans la capitale). Les petites poches d’intégrisme, telle que l’église Sainte-Catherine à Bruxelles, sont également tributaires de leur pouvoir d’attraction d’un personnel français. Le monde médiatique ne fonctionne pas différemment. La seule revue dans laquelle on trouvera une défiance à l’égard de l’Église conciliaire, Europe Magazine fondé en 1945 et devenu Nouvel Europe magazine en 1969 est en grande partie animée par des publicistes français qui veulent réhabiliter le régime de Vichy57. Dans les années 1960, l’hebdomadaire ne parvient pas à attirer plus de cinq rédacteurs. D’une manière symptomatique, les intellectuels et militants belges francophones d’un catholicisme d’extrême droite s’expriment en France. On en voudra pour exemple l’écrivain Alexis Curvers (1906-1992), qui donne ses articles aux magasines français Itinéraires et Présence (de 1964 à 1992). Plus récemment, la trajectoire d’Alain Escada décrit la même tendance. Après avoir milité dans différents groupes d’extrême droite, il décide de s’investir dans l’association Belgique et Chrétienté, (créée en 1989 par l’avocat belge Ghislain Dubois) et dont il prend la présidence. Le groupe est ensuite annexé à Civitas, basé en France, dont Alain Escada devient le président. Son activité en Belgique est principalement tournée vers les institutions européennes, présidant notamment à l’installation d’une crèche au Parlement européen en 2014. Il participe à la fondation de l’association Coalition pour la vie et la famille qui se définit comme « parti européen pro-vie et pro-famille ».

  • 58 Pascal Delwit, « L’extrême droite en Belgique francophone : (non)positionnements institutionnels et (...)
  • 59 Par exemple www.lebeffroi.eu animé par Pascal de Roubaix.

33En Belgique francophone, l’extrême droite, depuis sa fondation dans le milieu des années 1980, se caractérise par « une faiblesse organisationnelle récurrente, une indolence idéologique et programmatique marquante, et une succession de conflits et de scissions »58. La seule voie d’épanouissement pour ses partisans est dès lors d’établir des relations durables dans des réseaux internationaux. Quant à l’expression de leurs convictions, elle trouve grâce à Internet toute la liberté de se déployer. Les Belges francophones sont alors très actifs dans la cathosphère59.

  • 60 Sur ce phénomène en France : Hervé Serry, « Déclin social et revendication identitaire : “ La Renai (...)

34Comment dès lors expliquer le constat de la faible consistance d’une droite catholique « musclée » en Belgique francophone depuis 1945 par lequel nous avons ouvert cet article ? Nous voudrions ici proposer quelques hypothèses de réponse. La première en appelle à la tradition du pays. Le catholicisme en Belgique s’est inscrit dans les organes étatiques d’une manière non conflictuelle. Cette relative facilité d’intégration a vraisemblablement été rendue possible par l’adhésion d’une grande partie des élites catholiques du pays aux idées de Lamennais. Le catholicisme libéral s’est ainsi installé sans la moindre difficulté. En outre, le maintien d’un système de financement public a permis à l’Église de déployer ses activités sans devoir rechercher des fonds auprès des classes les plus fortunées, traditionnellement plus à droite sur l’échiquier politique. La deuxième, corollaire de la première, est plus sociologique. Les élites catholiques belges, contrairement à leurs homologues françaises par exemple, n’ont jamais été en position de marginalité ou de minorité60. Elles participèrent amplement aux sphères du pouvoir, à la haute fonction publique et à l’économie symbolique et sociale du pays. Il est notable par exemple que l’Université catholique de Louvain délivre des diplômes et une formation équivalente au point de vue juridique aux universités d’État. Dans ces conditions, aucun ressentiment et malaise - un désir de vengeance suffisamment mobilisateur – n’ont pu émerger. Enfin, troisième hypothèse, structurelle, l’organisation en pilier a un effet agrégateur qui produit à la fois un sentiment d’appartenance et d’identité qui affaiblit les velléités d’éloignement. En quelque sorte, le pilier, tel un aimant, produit une force centripète.

  • 61 François Foret, Religion and politics in the European Union. The secular canopy, Cambrigde Universi (...)

35Il est possible, toutefois, que les mouvements migratoires qui travaillent le pays aient un effet sur son organisation traditionnelle. La présence de la Commission dans la capitale de l’Union européenne produit ces dernières années une présence plus affichée de groupes de pression et d’associations fort peu visibles dans le paysage belge traditionnel61. L’installation parfois durable de populations au pédigrée religieux plus marqué induit des habitudes politiques et cultuelles qui peuvent créer de nouveaux types de mobilisations.

Notes

1 Bruno Dumons et Frédéric Gugelot (dir.), Catholicisme d’identité. Regards croisés sur le catholicisme français contemporain (1980-2017), Paris, Karthala, 2017.

2 Lynn Bruyère, Anne-Sophie Crosetti, Jean Faniel et Caroline Sägesser, Piliers, dépilarisation et clivage philosophique en Belgique, Bruxelles, CRISP, 2019.

3 Le Parti social-chrétien s’est scindé sur une base linguistique en 1968, donnant naissance au Christelijke Volkspartij (CVP) côté flamand et au Parti social-chrétien (PSC) côté francophone. Ces deux formations se sont depuis renommées, respectivement en Christen-Democratisch en Vlaams (CD&V) en 2001 et en Centre démocrate humaniste (CDH) en 2002.

4 La Confédération des syndicats chrétiens (CSC), en néerlandais Algemeen Christelijk Vakverbond (ACV), est la plus grande organisation syndicale de Belgique.

5 L’Alliance nationale des mutualités chrétiennes est la plus grande caisse d’assurance-maladie du pays. Il existe également une Union nationale des mutualités socialistes, une Union nationale des mutualités libérales, à côté de mutualités libres ou neutres.

6 Outre le pilier chrétien, le plus important, on distingue un pilier socialiste et un pilier libéral, quelquefois réunis en un pilier laïque (notamment en ce qui concerne l’enseignement).

7 Hervé Hasquin (dir.), La Belgique française (1792-1815), Bruxelles, Crédit Communal, 1993.

8 Kurt Jürgensen, Lamennais und Belgien. Das Ringen um den liberalen Katholizismus in Belgien bis zur Enzyklika “Mirari Vos” des papstes Gregor XVI (august 1832), thèse de doctorat, université de Kiel, 1958.

9 Aloïs Simon, L’Église catholique et les débuts de la Belgique indépendante, Wetteren, Scaldis, 1949.

10 Els Witte, La construction de la Belgique (1828-1847), Bruxelles, Complexe, 2005.

11 Si l’article 16 (aujourd’hui 21) de la Constitution belge interdit à l’État d’intervenir dans la nomination des ministres des cultes, l’article 117 (aujourd’hui 181) lui enjoint de payer leurs traitements et pensions.

12 Cité notamment par Roger Aubert, « L’Église et l’État en Belgique au xixe siècle », Res Publica, 1968, tome X, p. 10.

13 Cette alliance entre catholiques et libéraux est à l’origine de la devise nationale de la Belgique “L’union fait la force” que l’on croit parfois à tort comme étant un appel à l’union des différentes communautés linguistiques !

14 Karel van Isacker, Het Daensisme : de teleurgang van een onafhankelijke, christelijke, arbeidersbeweging in Vlaanderen (1893-1914), Antwerpen, De Nederlandsche Boekhandel, 1959.

15 Henk de Smaele, « Henry Carton de Wiart (1869-1905) : christen-democratisch politicus en literator », Trajecta, 4/1, 1995, p. 22-41 et Françoise Chatelain, « Une revue catholique au tournant du siècle : Durendal 1894-1914 », Bulletin de l’Académie royale de langue et de littérature françaises, Bruxelles, 1983, tome LXI, n° 1, p. 5-54 et n° 2, p. 173-208.

16 Éric Defoort, « L’Action Française dans le nationalisme belge (1914-1918) », Revue belge d’histoire contemporaine, n° VI, 1-2, Bruxelles, 1976, p. 113-152 ; Éric Defoort, « Le courant réactionnaire dans le catholicisme francophone belge (1918-1926). Première approche », Revue belge d’histoire contemporaine, n° VIII, 1-2, Bruxelles, 1977, p. 81-153 ; Hans-Ulrich Jost, Les avant-gardes réactionnaires. La naissance de la nouvelle droite en Suisse (1890-1914), Lausanne, Éditions d’en bas, 1992 ; Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire (1885-1914). Les origines françaises du fascisme, Paris, Seuil, 1981 ; Ernst Nolte et Stéphane Courtois, Fascisme & totalitarisme, Paris, Laffont, 2008.

17 Cécile Vanderpelen-Diagre, Écrire en Belgique sous le regard de Dieu. La littérature catholique belge dans l’entre-deux-guerres, Bruxelles, Éditions Complexe-CEGES, 2004.

18 Martin Conway, Collaboration in Belgium : Leon Degrelle and the Rexist movement (1940-1944), New Haven, Yale University Press, 1993 ; Martin Conway, Catholic politics in Europe (1918-1945), London-New York, Routledge, 1997.

19 Emmanuel Gérard et Paul Wynants, Histoire du mouvement ouvrier chrétien en Belgique, Louvain, Leuven University Press, 1994.

20 Emiel Lamberts, « Les catholiques libéraux en Belgique à l’époque contemporaine » Jacques Prévotat et Jean Vavasseur-Desperriers, Les chrétiens modérés en France et en Europe (1870-1960), Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2013, p. 126.

21 Francis Balace, « “Plus royalistes que le Roi  ?” Les mouvements léopoldistes », Michel Dumoulin, Mark Van den Wijngaert et Vincent Dujardin (éd.), Léopold III, Bruxelles, Complexe, 2001, p. 253-302.

22 Loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l’enseignement.

23 Sur cet épisode : Jeffrey Tyssens, Guerre et paix scolaires (1950-1958), Bruxelles, De Boeck Université, 1997.

24 « Structures et évolution du “monde catholique” en Belgique », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1967, n° 352-353, p. 61.

25 Noël Hirson, Paul Vanden Boeynants, sa carrière, Bruxelles, Éditions Capitales, 1969, p. 12.

26 Jozef Smits, « Les standen dans les partis sociaux-chrétiens », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1986, n° 1134-1135, p. 76. p. 345-346.

27 « Les structures catholiques belges. Le Mouvement des Indépendants et des Cadres (MIC) », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1959, n° 21, p. 7.

28 Jacques Moden et Jean Sloover, « Le Centre politique des indépendants et cadres chrétiens (CEPIC) », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1978, n° 787, p. 8.

29 « Manifeste du CEPIC » Solidarités Nouvelles, décembre 1975, p. 2, 4 et 31.

30 Jacques Moden et Jean Sloover, Art. cit., p. 22 ; Daniel Dustin, « Les structures du parti social-chrétien. De la distanciation de 1968 à nos jours », Un parti dans l’histoire (1945-1995). 50 ans d’action du Parti Social Chrétien, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1996, p. 255.

31 Philippe Brewaeys, Véra Dahaut et Anaïs Tolbiac, « L’extrême droite francophone face aux élections », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1992, n° 1350, p. 13.

32 Ironiquement, le même Gérard Deprez plaidera pour une alliance du PSC avec le PRL à la fin des années 1990.

33 Philippe Brewaeys, Véra Dahaut et Anaïs Tolbiac, « L’extrême droite francophone face aux élections », Art. cit., p. 10.

34 Le Front national belge, créé en 1985 sur le modèle du parti français du même nom, n’obtint toutefois pas le même succès. « en dépit de poussées électorales sporadiques, aucune formation d’extrême droite n’a pu marquer de son empreinte le système politique belge et s’édifier comme un acteur collectif fort en Belgique francophone » : Pascal Delwit, « L’extrême droite en Belgique francophone : (non)positionnements institutionnels et implantations électorales », Fédéralisme Régionalisme [En ligne], volume 2 : 2001-2002 - Extrême droite et fédéralisme, URL : https://popups.uliege.be :443/1374-3864/index.php ?id =248. p. 3.

35 Luc Rowies, « L’UDRT-RAD », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1981, n° 924, p. 32.

36 L’homologue flamand du PSC, le CVP, a longtemps maintenu un électorat plus large et aussi plus conservateur. Il se retrouve toutefois au début du xxe siècle fortement minorisé par les partis nationalistes flamands, dans un contexte où l’ancrage confessionnel a définitivement perdu de son importante.

37 Serge Berstein, « L’historien et la culture politique », Vingtième Siècle, n° 35, juillet-septembre 1992, p. 67-77.

38 Jean-Louis Jadoulle, « La Revue nouvelle (1945-1958) » Jean-Louis Jadoulle, Chrétiens modernes, l’engagement des intellectuels catholiques « progressistes » belges de 1945 à 1958, Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia, 2003, p. 49-67.

39 Jacques Willequet, « Gaston Barbanson, promoteur d’une grande Belgique en 1914-1918 », Revue Belge de Philologie et d’Histoire, 1970, tome XL-VIII, n° 2, p. 335-375 et n° 4, p. 1177-1199.

40 Alain Colignon, « Symboliques néo-bourguignonnes », Pierre Cockshaw (dir.), L’Ordre de la Toison d’Or, Bruxelles-Turnhout, KBR-Brepols, 1996, p. 241-245.

41 Geneviève Duchenne, Esquisses d’une Europe nouvelle : l’européisme dans la Belgique de l’entre-deux-guerres, Bruxelles-Berne, Peter Lang, 2008.

42 Bruxelles-Paris, Éditions universitaires, 1958.

43 Éric Bousmar, « Siècle de Bourgogne, siècle des grands ducs : variations de mémoire en Belgique et en France, du XXe siècle à nos jours », Publications du Centre Européen d’Études Bourguignonnes (XIVe-XVIe siècles). Mémoires conflictuelles et mythes concurrents dans les pays bourguignons (1380-1580), Turnhout, Brepols Publischers, 2012, p. 235‑250 ; Francis Balace, « Les maurrassiens belges après 1945 », Olivier Dard et Michel Grunewald (dir.), Charles Maurras et l’étranger. L’étranger et Charles Maurras, Berne, Peter Lang, 2009, p. 67-96.

44 Vincent Dujardin et Michel Dumoulin, Jean-Charles Snoy, Homme dans la Cité, artisan de l’Europe (1907-1991), Bruxelles, Le Cri, 2010.

45 Jean-Charles Snoy, « La grandeur du pays », La Revue générale belge, 15 novembre 1960, p. 6-8.

46 Vincent Moor, « L’œuvre des missionnaires en Afrique », Revue générale belge, octobre 1960, pp. 41-61.

47 Henri Haag et N. Piepers, « Cent ans de pensée et d’action », Revue générale belge, janvier 1965, p. 3-16.

48 Karim Schelkens et Jürgen Mettepenningen, Godfried Danneels, biographie, Anvers, Uitgeverij Polis, 2015.

49 Jean-Louis Jadoulle, « Les visages de l’Église de Belgique à la veille du Concile Vatican II », Claude Soetens (dir.), Vatican II et la Belgique, Ottignies, Quorum, 1996, p. 11-70.

50 Léo Declerck, « La réaction du cardinal Suenens et de l’épiscopat belge à l’encyclique Humanæ Vitæ. Chronique d’une Déclaration (juillet-décembre 1968) », Ephemerides Theologicae Lovanienses, 84-1, 2008, p. 1-68.

51 Karim Schelkens et Jürgen Mettepenningen, Godfried Danneels, op. cit.

52 Étienne Arcq et Caroline Sägesser, « Le fonctionnement de l’Église catholique dans un contexte de crise », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2011/27 (n° 2112-2113), p. 5-85.

53 Nous reprenons ici la notion définie par Yann Raison du Cleuziou pour qualifier « ceux dont la relation à Dieu passe surtout par la messe et les sacrements et qui, dans la mise en œuvre de la foi, mettent l’accent sur les dévotions : prières, pèlerinage, retraites » : Yann Raison du Cleuziou, « Le cadrage de l’actualité politique dans Famille Chrétienne. Une comparaison des mobilisations catholiques », Bruno Dumons et Frédéric Gugelot (dir.), Catholicisme d’identité…, op. cit., p. 171-191.

54 Sophie Le Pivain, « Mgr Léonard, primat de Belgique : une arrivée mouvementée », Famille chrétienne, 28 janvier 2010.

55 Dorian de Meeûs, « L’Opus Dei. Origine, recrutement et organisation (1/2) », La Libre Belgique, 12 mars 2013.

56 Jean-Yves Camus, « Intégrisme catholique et extrême droite en France. Le parti de la contre-révolution (1945-1988) », Lignes, n 4 (3), 1988, p. 76-89.

57 Catherine Lanneau, « Europe-Amérique : Europe-Magazine : un hebdomadaire belge, organe de l’extrême droite française, 1945-1960 ? », Olivier Dard (dir.), Supports et vecteurs des droites radicales au xxe siècle (Europe-Amériques), Bruxelles, Peter Lang, 2013, p. 65-88.

58 Pascal Delwit, « L’extrême droite en Belgique francophone : (non)positionnements institutionnels et implantations électorales », Fédéralisme Régionalisme [En ligne], volume 2 : 2001-2002 - Extrême droite et fédéralisme, URL : https://popups.uliege.be :443/1374-3864/index.php ?id =248.

59 Par exemple www.lebeffroi.eu animé par Pascal de Roubaix.

60 Sur ce phénomène en France : Hervé Serry, « Déclin social et revendication identitaire : “ La Renaissance littéraire catholique ” de la première moitié du xxe siècle », Sociétés Contemporaines, n° 44, 2002, p. 91-109.

61 François Foret, Religion and politics in the European Union. The secular canopy, Cambrigde University Press, 2015.

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