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Droites et catholicisme en France et en Europe des années 1960 à nos jours

 | 
Olivier Dard
, 
Bruno Dumons

Expériences nationales

Catholicisme et vie politique en Italie : la tentation conservatrice ?

Catholicism and political life in Italy: the conservative temptation?

Jean-Dominique Durand

Abstract

In this context, the Italian case, where the political commitment of Catholics was embodied for nearly fifty years, from 1944 to the 1990s, by the Christian Democracy, is quite emblematic of a conservative evolution of Italian Catholicism. Was the Christian Democrat party just a parenthesis in the history of Catholicism in Italy? But Italy offers a very particular case compared to other European countries because of the presence on its territory of the Holy See; Rome is at the same time the capital of the State and the capital of Catholicism; the Pope is the Bishop of Rome, and he is the Primate of Italy, with a very particular authority over the bishops of the peninsula. At the same time, Italy at the beginning of the 21st century appears to be one of the lands of choice, and even a "laboratory" for populist theories that tries to instrumentalize religion in a country where it occupies a unique place. In order to understand the current evolution, it is necessary to retrace the complex history of the political presence of Catholicism in the 20th century through fascism, war, and the Republic in a permanent interaction with the Vatican.

Full text

Je dirai sans ambages que personne n’a le droit, du moins dans notre famille politique, de s’attaquer à la démocratie libérale et à ses fondements […]
Je serai on ne peut plus clair :

Si vous êtes opposé à l’État de droit et à l’indépendance
de la justice, vous n’êtes pas un démocrate-chrétien.

Si vous n’aimez pas la presse libre et les ONG, si vous tolérez la xénophobie, le nationalisme et l’antisémitisme, vous n’êtes pas un démocrate-chrétien.
Si pour vous, l’État et la nation sont opposés ou supérieurs à la liberté ou à la dignité des individus, vous n’êtes pas un démocrate-chrétien.
Si vous souhaitez le conflit et la division, dans le monde ou au sein de l’Union européenne, vous n’êtes pas un démocrate-chrétien […]

Si vous voulez remplacer le modèle occidental de démocratie libérale par un modèle oriental de “démocratie autoritaire”, vous n’êtes pas un démocrate-chrétien.

Je veux croire que chacun ici présent souhaite demeurer fidèle aux idéaux de la véritable démocratie chrétienne.

  • 1 Conseil Européen, Discours prononcé par le président Donald Tusk au sommet 2018 du PPE à Helsinki, (...)

Nous voulons tous remporter les prochaines élections. Mais souvenons-nous que l’enjeu de ces élections ce ne sont pas les prestations sociales et les emplois, mais la protection de nos valeurs fondamentales. Parce que sans elles, notre victoire n’aura aucun sens1.

  • 2 Yann Raison du Cleuziou, Une contre-révolution catholique. Aux origines de la Manif pour tous, Pari (...)
  • 3 Benoît Pellistrandi, Le labyrinthe catalan, Paris, Desclée de Brouwer, 2019.
  • 4 Jan Erk, « Alles voor Vlaanderen, Vlaanderen voor kristus. Le nationalisme flamand et la démocratie (...)
  • 5 Voir les réflexions de Tzvetan Todorov, L’homme dépaysé, Paris, Seuil, 1996.
  • 6 Agostino Giovagnoli, Storia e globalizzazione, Roma-Bari, Laterza, 2003 ; Wouter Beke, « L’identité (...)

Cette vigoureuse admonestation a été adressée le 8 novembre 2018 au Congrès du Parti Populaire Européen (PPE) tenu à Helsinki, dans la perspective des élections européennes de l’année suivante. Elle visait principalement Viktor Orban et son parti, membre indiscipliné du PPE. Elle révèle la transformation que traverse l’expression du catholicisme en politique, notamment dans son engagement démocrate chrétien, en même temps que l’Église catholique elle-même. Elle paraît pour une partie de ses membres, se replier sur elle-même, dans une quête identitaire dont témoignent en France des mouvements comme Sens Commun2 mais que l’on observe dans toute l’Europe. Le repli sur soi, le retour des nationalismes, parfois même des nationalismes locaux comme en Catalogne3 ou en Flandre4, la peur de la mondialisation, cherchent à s’appuyer sur la tradition, donc à récupérer le christianisme, comme la religion de toujours, face à une « invasion » musulmane fantasmée, à un dépaysement global5, à un multiculturalisme qui dilue l’identité propre6.

  • 7 Francesco Sportelli, La Conferenza Episcopale Italiana (1952-1972), Galatina, Congedo, 1994 ; Luigi (...)
  • 8 Marco Tarchi, Italia populista. Dal qualunquismo a Beppe Grillo, Bologna, Il Mulino, 2015, p. 8.
  • 9 Ilvo Diamanti e Marc Lazar, Popolocrazia. La metamorfosi delle nostre democrazie, Bari-Roma, Laterz (...)
  • 10 Sur le populisme, dans une bibliographie très abondante : Guy Hermet, Les populismes dans le monde. (...)
  • 11 Marco Impagliazzo (a cura di), La nazione cattolica. Chiesa e società in italia dal 1958 a oggi, Mi (...)

1Dans ce contexte, le cas italien, où l’engagement politique des catholiques a été incarné durant près de cinquante ans, de 1944 aux années 1990, par la Démocratie chrétienne (DC), est assez emblématique de cette évolution. Aussi est-il possible de penser que le parti démocrate-chrétien, qui répond aux exigences de Donald Tusk, a été une parenthèse dans l’histoire du catholicisme italien. Mais l’Italie offre un cas très particulier au regard des autres pays européens du fait de la présence sur son territoire du Saint-Siège ; Rome est tout à la fois capitale de l’État et capitale de la catholicité ; le Pape est l’évêque de Rome et il est Primat d’Italie, avec une autorité toute particulière sur les évêques de la péninsule, au point que le président de la Conférence épiscopale, érigée seulement en 1954, est désigné par le Souverain Pontife7. Or l’Italie du début du xxie siècle, apparaît comme une des terres d’élection, et même un « laboratoire » du populisme8. Elle offre un « catalogue » des nouveaux populismes et des « néo-populistes », des populismes aux matrices et aux contenus divers : « Berlusconi, Bossi, Salvini, Grillo, l’antipolitique, la xénophobie, l’antiglobalisme et le localisme »9. Il ne s’agit pas ici de traiter des différentes formes d’expression du populisme10 en Italie mais de voir comment celles-ci cherchent à récupérer la religion dans un pays réputé catholique11, même si la réalité est beaucoup plus complexe, et comment les catholiques répondent. Pour comprendre la situation actuelle, il convient de retracer l’histoire du courant démocrate-chrétien au xxe siècle.

  • 12 Jean-Marie Mayeur, « Catholicisme intransigeant, catholicisme social, démocratie chrétienne », Anna (...)
  • 13 Francesco Traniello e Giorgio Campanini (a cura di), Dizionario storico del movimento cattolico in (...)

2En Italie comme ailleurs en Europe, il puise ses racines dans l’opposition intransigeante à la Révolution française et en même temps dans le catholicisme libéral tel que le prônait en France Charles de Montalembert. Il se situe à la confluence de plusieurs courants façonnés au cours du xixe siècle, entre aspiration à la liberté, défense de l’Église, intransigeantisme, préoccupations sociales renouvelées par la révolution industrielle et la lecture que fit Léon XIII de la misère ouvrière avec l’encyclique Rerum Novarum, et l’adoption des valeurs démocratiques. Jean-Marie Mayeur l’a noté : « Par-delà une frontière idéologique apparemment bien délimitée et au long de laquelle la guerre fut inexpiable, les racines se rejoignent pour s’alimenter à un même sol »12. Cette synthèse ne pouvait pas déboucher sur un parti monolithique. Dans son essence même, la Démocratie chrétienne est à la fois conservatrice et attachée au progrès social. Confrontée à l’action politique concrète, elle peut se trouver écartelée. l’opposition à l’unification politique de la péninsule, avec l’interdiction faite aux catholiques par Pie IX en 1864 de participer aux élections politiques (Non expedit) et la mise en œuvre d’un Movimento cattolico, ont façonné durablement le rapport du catholicisme aux pouvoirs publics. Il s’agissait de donner une réponse intransigeante à la laïcisation de l’État et de la société, et de lui opposer un programme politique et une certaine vision de la société, sous l’autorité de l’Église. En 1874 l’Opera dei Congressi (Œuvre des Congrès) fondée à Venise par Giovanni Battista Paganuzzi unifia les organisations catholiques, les structura d’une manière unitaire et pyramidale pour animer depuis Rome, les diocèses jusqu’aux paroisses. Les tensions ne manquèrent pas, les démocrates chrétiens rassemblés autour de Romolo Murri posant la question de l’engagement politique autonome des laïcs. L’Œuvre fut remplacée en 1904 par l’Action Catholique placée sous le contrôle strict des évêques. Celle-ci reprit et intensifia maillage serré des organisations de jeunesse, des femmes, des hommes, des diplômés universitaires, des unions professionnelles, des banques, des coopératives de production, des caisses rurales, des sociétés ouvrières, des caisses de secours mutuel. Ces initiatives permirent d’organiser durablement l’influence de l’Église dans la société italienne13.

Le Parti Populaire Italien et le clérico-fascisme

  • 14 Jean-Dominique Durand, L’Europe de la Démocratie chrétienne, Bruxelles, Complexe, 1995 : voir la 2e(...)
  • 15 Gabriele De Rosa, Storia del movimento cattolico in Italia. II, Il partito popolare italiano, Bari, (...)

3Il fallut attendre la levée progressive du Non expedit et l’épreuve de la guerre pour qu’un courant politique d’inspiration chrétienne émergeât. Il pouvait s’appuyer sur des bases culturelles et idéologiques solides, venues de l’inspiration évangélique de ses membres, du magistère pontifical portant notamment sur les questions sociales et sur la paix mais aussi sur une doctrine philosophique telle que le personnalisme et sur la doctrine politique du popularisme définie par Luigi Sturzo14. Celui-ci lança le 18 janvier 1919 son appel fondateur « aux hommes libres et forts ». Il voulut un parti démocratique, aconfessionnel et autonome par rapport à la hiérarchie ecclésiastique. Son dessein était de réconcilier les catholiques avec l’État unitaire et avec la démocratie15.

  • 16 « restauration morale de l’esprit italien ».
  • 17 Renato Moro, Il mito dell’’Italia cattolica. Nazione, religione e cattolicesimo negli anni del fasc (...)
  • 18 Alberto Melloni, Tutto e niente. I cristiani d’Italia alla prova della storia, Roma-Bari, Laterza, (...)
  • 19 Alberto Guasco, Cattolici e fascisti. La Santa Sede e la politica italiana all’albo del regime (191 (...)
  • 20 Jean-Dominique Durand, « L’interprétation du fascisme par Luigi Sturzo », Isabelle Chareire et Dani (...)
  • 21 Emilio Gentile, Le religioni della politica. Fra democrazia e totalitarismo, Roma-Bari, Laterza, 20 (...)

4Il pouvait s’appuyer sur un pôle centriste majoritaire mais avec l’arrivée au pouvoir du fascisme, il dut faire face à l’affirmation du courant clérico-modéré, soucieux de l’ordre social et traditionaliste. Ce dernier fut renforcé par la politique de Mussolini qui voulut dès les premiers mois de son gouvernement, séduire les catholiques, et en premier lieu le Saint-Siège en rompant avec la politique libérale anticléricale du Risorgimento : instruction religieuse dans les écoles, égalité de traitement entre les écoles confessionnelles et les écoles publiques, installation de crucifix dans les salles de classe et les tribunaux, reconnaissance de l’Université du Sacré-Cœur de Milan, avec la volonté d’une « restaurazione morale dello spirito italiano »16 selon les mots de Giovanni Gentile, le ministre de l’Instruction publique17. Le nouveau régime couvrit les évêques d’honneurs, il s’occupa de l’entretien des églises et de la restauration des édifices ravagés dans les zones de combat de 1915-1918. Il chercha à récupérer à son profit les grandes figures de l’histoire catholique du pays, tel que saint François d’Assise à l’occasion du centenaire franciscain de 1926, ou encore en 1934, saint Jean Bosco, à l’occasion de sa canonisation. Le pape Pie XI souhaitait avant tout régler la question romaine et régulariser les relations entre l’Église et l’État. Il se satisfaisait alors de la multiplication de faveurs pour l’Église jusqu’à « l’apothéose de la Conciliazione »18. Les Accords du Latran signés le 11 février 1929 portaient création de l’État de la Cité du Vatican, et comportaient un concordat qui faisait du catholicisme la religion d’État de l’Italie et reconnaissait le caractère sacré de Rome. Les évêques et de nombreux catholiques se réjouissaient de voir la religion replacée dans la vie nationale. Luigi Sturzo fut sacrifié par le Vatican sur injonction des fascistes19, contraint à l’abandonner de ses responsabilités au sein du parti, puis à l’exil. Le fondateur du PPI se montrait de fait particulièrement lucide quant au caractère du fascisme, y voyant un objet politique radicalement nouveau20, fondé tout à la fois sur la destruction des libertés, l’écrasement de la personne, l’agressivité nationaliste et la déification de l’État21.

  • 22 Jean-Dominique Durand, « Don Luigi Sturzo et l’Action Française : une opposition démocrate chrétien (...)

5S’affirma alors un soutien catholique au régime, expression du clérico-fascisme, dont le représentant le plus significatif était Egilberto Martire. Il dirigea de 1929 à 1938 la revue La Rassegna romana, qui développait l’idée de « romanité » comme thème commun au catholicisme et au fascisme. Ce courant se manifesta avec force, avec de nombreux évêques séduits par cette rhétorique, au moment des grandes « batailles » économico-politiques (batailles démographique, du blé…) et lors du déclenchement de la guerre d’Éthiopie présentée aux fidèles comme une nouvelle croisade. De même, l’idéologie de croisade imprégna l’intervention italienne en Espagne. Sturzo, quant à lui, s’engageait dans un nouveau combat autour de la guerre d’Espagne, avec la création du Comité pour la paix civile et religieuse en Espagne et la co-signature en 1937 d’un appel « Pour le peuple basque », et bataillait contre le nationalisme de Maurras22.

6Le clérico-fascisme s’épuisa à mesure que le régime adoptait des lois antisémites et alignait le pays sur la politique nazie, au point de rejoindre l’Allemagne dans la guerre. Issu d’une tradition de modérantisme, il correspond à un courant profond du catholicisme italien qui, avec la guerre et les nécessités de la reconstruction, devait se trouver bridé par le Vatican et même congelé sous l’effet de la Guerre froide.

L’unité des catholiques imposée par le Vatican

  • 23 Agostino Giovagnoli, Il Partito italiano. La Democrazia cristiana dal 1942 al 1994, Roma-Bari, Late (...)

7Au lendemain de la guerre, la Démocratie chrétienne italienne (DCI), fondée dans la clandestinité en 1943, s’imposa comme le parti des catholiques. Elle a représenté l’expression politique des catholiques durant un demi-siècle, jusqu’en 1994. Elle s’est en quelque sorte identifiée à l’Italie, elle était « le vrai parti italien » pour l’historien Agostino Giovagnoli, parce que selon lui, « sur le plan international comme sur le plan intérieur, en bien comme en mal, elle a cherché plus que d’autres à s’adapter aux tensions multiples et contradictoires d’un pays constamment incertain de sa propre identité nationale et de sa propre unité nationale »23.

  • 24 Jean-Dominique Durand, L’Église catholique dans la crise de l’Italie (1943-1948), Rome, École Franç (...)
  • 25 Enzo Pace, La nation italienne en crise. Perspectives européennes, Paris, Bayard, 1998, p. 85.
  • 26 Sandro Setta, L’Uomo qualunque (1944-1948), Bari, Laterza, 1975. Dans le contexte du retour du popu (...)
  • 27 Angelo Michele Imbriani, Vento del Sud. Moderati, reazionari, qualunquisti (1943-1948), Bologna, Il (...)
  • 28 Andrea Riccardi, Il Partito romano nel secondo dopoguerra (1945-1954), Brescia, Morcelliana, 1983, (...)

8La DCI fut soutenue par le Vatican, inquiet de la puissance nouvelle du Parti communiste24. En même temps, s’imposait le « mythe sociologique de l’unité des catholiques en politique »25. Il y eut pourtant des tentatives de création de mouvements populistes capables d’attirer un électorat catholique. Le plus important fut le Fronte dell’Uomo qualunque26. La guerre non encore terminée, il fut fondé par Guglielmo Giannini dans les régions à peine libérées du Sud de l’Italie27, dès décembre 1944. Le journal L’Uomo Qualunque tirait à 850.000 exemplaires à l’automne 1945, signe d’une réelle influence. Il exaltait l’homme de la rue, hostile aux partis politiques, et réputé détenir le bon sens et savoir où est le bien. Il recrutait essentiellement dans la petite bourgeoisie. L’idéologie démagogique de ce parti était exposée dans un manifeste au titre évocateur, La Folla. Seimila anni di lotta contro la tirannide (en fait la tyrannie des élites). Il a pu séduire les catholiques un temps, et même une partie du clergé. Giannini était proche par exemple de Mgr Roberto Ronca, recteur du Séminaire romain, fort influent dans la Rome d’après-guerre. Au centre d’une nébuleuse qu’Andrea Riccardi a identifiée comme le « parti romain », ce dernier voyait dans l’Uomo Qualunque, un parti national, catholique et modéré, une alternative conservatrice à la Démocratie chrétienne jugée trop faible face au communisme28. L’UQ rencontra un succès remarquable lors des élections municipales de novembre 1946, dépassant souvent la Démocratie chrétienne. Mais il ne put prolonger ces succès. L’ambassadeur de France près le Saint-Siège signalait :

  • 29 Archives du Ministère des Affaires Étrangères (AMAE), dépêche de Jacques Maritain du 13 novembre 19 (...)

Il est de notoriété publique que si le pape soutient fermement la DC et voulait son triomphe, en revanche nombre de catholiques italiens et, dit-on, quelques uns au Vatican même, sympathisent avec le parti de l’UQ. Le pape lui est opposé : il craint son esprit réactionnaire et les violences qu’il contient en germe29.

9Il y avait bien une tentation qualunquiste au sein de l’Église mais Pie XII l’a bloquée. À l’automne 1947, lors du Congrès du parti à Rome, ce dernier refusa d’accorder une audience à Giannini. Toute la presse catholique, qu’il s’agisse des publications dépendant du Vatican, des organisations d’Action catholique, ou des diocèses, multiplia dans le courant de l’année 1947, des articles de mise en garde contre l’Uomo Qualunque, au nom de l’unité nécessaire autour de la Démocratie chrétienne. L’UQ se dégonfla aussi vite qu’il s’était développé.

  • 30 Jean-Dominique Durand, L’Église catholique dans la crise de l’Italie, op. cit., p. 625-629.
  • 31 Francesco Malgeri, La sinistra cristiana (1937-1945), Brescia, Morcelliana, 1982 ; Carlo Felice Cas (...)
  • 32 Antonio Parisella, Gerardo Bruni e i cristiano-sociali, Roma, Edizioni del Lavoro, 1984.
  • 33 AMAE, Série Z (1944-1949), Italie, n. 237, dépêche de Jacques Maritain, « Création d’un parti chrét (...)

10Il en fut de même pour d’autres partis éphémères se réclamant du catholicisme, de droite (monarchistes), libéraux, ou de gauche, voire même proches du Parti communiste comme le courant des catholiques communistes30. Le Partito della Sinistra cristiana se résolut à la dissolution en décembre 1945 et ses principaux leaders, Franco Rodano, Adriano Ossicini, Gabriele De Rosa rejoignirent le Parti communiste31. De même, le petit parti des chrétiens sociaux de Gerardo Bruni resta isolé32. Un Parti Chrétien National, de tendance monarchiste et conservatrice, fut créé en 1946, porteur d’une inquiétude face à l’alliance gouvernementale de la Démocratie chrétienne avec le Parti communiste. Il fut condamné par Il Quotidiano, journal de l’Action catholique. Le 29 août 1946, L’Osservatore Romano publia un article intitulé « Le sens de l’Unité » : l’unité des catholiques était un devoir essentiel. Selon Jacques Maritain, le Saint-Siège s’inquiétait du risque de division, Mgr Giovanni Battista Montini, proche de la DC, et le pape personnellement étaient hostiles à une telle initiative : « l’on assure que des conseils très appuyés venus du Vatican ont remis en question son existence »33.

  • 34 Jean-Dominique Durand, L’Église catholique dans la crise de l’Italie, op. cit.
  • 35 Giancarlo Zizola, Il microfono di Dio. Pio XII, Padre Lombardi e i cattolici italiani, Milano, Mond (...)
  • 36 Jean-Dominique Durand, « Il cattolicesimo italiano dopo la guerra. Un tempo di novità ? », Daniela (...)

11Dans le contexte de la Guerre froide, les premières élections de l’Assemblée constituante le 2 juin 1946, puis de la première législature républicaine le 18 avril 1948, ont mis en confrontation Rome et Moscou, « Roma o Mosca » : il fallait choisir, et ceux qui choisissaient le Parti communiste, étaient frappés en principe par le décret d’excommunication du 1er juillet 1949. Une mobilisation sans précédent de l’Église et de tout l’appareil ecclésial, des paroisses aux diocèses, des organisations de laïcs de tout genre aux congrégations religieuses, s’organisa en faveur de la Démocratie chrétienne34. C’était le temps des prédications enflammées du jésuite Riccardo Lombardi, le « microfono di Dio », sur les places d’Italie35. C’était le temps des grandes manifestations de masse organisées par les Comités civiques qui coordonnait les actions de toutes les organisations catholiques. La victoire électorale de la DC fut celle de l’Église. Pourtant le parti n’entendait pas bâtir un État confessionnel. En 1948, commença « l’hégémonie catholique » sur la vie politique du pays mais le gouvernement fut ouvert par Alcide de Gasperi aux partis « laïcs »36.

  • 37 AMAE, Série Z (1944-1949), Italie, n. 237, dépêche de Jacques Maritain, « A.S. du Vatican et de l’o (...)
  • 38 « Le parti qui interprète la tendance la plus large et commune de notre pays » : Luigi Sturzo, « Il (...)
  • 39 Giuseppe Rossini (a cura di), De Gasperi e l’età del centrismo (1947-1953), Roma, Edizioni Cinque L (...)

12Jacques Maritain notait au sein de la DC, deux tendances marquées, une droite conservatrice, une gauche sociale, mais selon lui, « les deux fractions entendent garder à la Démocratie Chrétienne sa physionomie de grand parti de Centre ». C’était le point de vue du Vatican : « le parti destiné à stabiliser la vie politique italienne tout en guidant le pays vers les institutions démocratiques et les réformes sociales que les circonstances imposent »37. Dans un article de 1946, Luigi Sturzo estimait que ces tendances étaient une garantie de « dynamisme vital », qui devait faire de la DC « il partito che interpreta la tendenza più larga e comune del nostro paese », en se situant résolument au centre38. Le courant de gauche prônant la mise en œuvre d’une économie dirigée, avec notamment Giuseppe Dossetti, était actif mais Alcide de Gasperi incarna le centrisme de la DC tout en étant conscient du tropisme conservateur que portait en lui le catholicisme39.

  • 40 Andrea Riccardi, Pio XII e Alcide de Gasperi, Roma-Bari, Laterza, 2003 ; Augusto D’Angelo, De Gaspe (...)
  • 41 Pietro Di Loreto, La difficile transizione. Dalla fine del centrismo al centro-sinistra (1953-1960) (...)
  • 42 Pietro Scoppola, La repubblica dei partiti. Evoluzione e crisi di un sistema politico (1945-1996), (...)

13En fait, le soutien du monde catholique à la DC était circonstanciel, lié au contexte de la Guerre froide. En 1952, Pie XII, inquiet d’une victoire du Parti communiste à Rome, voulut contraindre la DC à une alliance avec les néo-fascistes du Mouvement social italien. De Gasperi s’y opposa, ce qui lui coûta la confiance du pape et de certains milieux du Saint-Siège40. Une tentative d’entente avec le MSI en 1960, autour du gouvernement de Fernando Tambroni investi avec le soutien des députés néofascistes, fit long feu : formé le 25 mars 1960, il tomba dès le 26 juillet, à la suite du scandale d’avoir autorisé la tenue du congrès du MSI à Gênes, ville médaillée d’Or de la Résistance. Longtemps le Vatican et les évêques s’opposèrent à toute alliance de centre-gauche41, avec le Parti socialiste au plan local comme au plan national. La condamnation fut rappelée par L’Osservatore Romano le 19 mars 1957. Il fallut l’énergie de personnalités comme Amintore Fanfani puis Aldo Moro, et l’évolution de l’Église sous l’effet du concile Vatican II, pour surmonter les préventions et parvenir à une alliance politique avec la gauche non communiste42. Toute ouverture politique resta bloquée jusqu’à la formation du premier gouvernement Aldo Moro en décembre 1963.

  • 43 Sur l’évolution politique de l’Italie, parmi de nombreuses études : Pietro Scoppola, La repubblica (...)

14La DC, avec ses courants, montra une grande capacité de médiation entre des acteurs politiques différents, en externe avec les alliances, les partis laïcs et même dans un second temps, avec l’ouverture à gauche, en interne avec les « courants » qui exprimaient un grand pluralisme interne, avec une dialectique très vivace, qui montre que les catholiques n’ont jamais été fondamentalement unis en politique. Les impératifs de pouvoir parvenaient toujours à éviter les ruptures. Le journaliste Giampaolo Pansa a traduit cette aptitude à rassembler toutes sortes de votes et à gagner les batailles électorales en lui donnant le nom de « baleine blanche », en référence à la voracité de Moby Dick, la baleine poursuivie en vain par le capitaine Achab. L’hégémonie du parti catholique sur la vie politique du pays, put ainsi se maintenir dans le contexte international de la logique des deux blocs jusqu’en 198943.

Le temps des bouleversements

La perte de légitimité de la Démocratie Chrétienne

15La chute du communisme dans l’Europe dominée par l’Union soviétique depuis 1945, le démantèlement du rideau de fer en 1989, ont constitué pour la Démocratie chrétienne, une éclatante victoire politique et spirituelle. Elle avait remporté les élections du 18 avril 1948 en faisant de l’anticommunisme un élément majeur de son identité, et depuis lors, elle avait fonctionné comme digue anticommuniste. La chute du totalitarisme soviétique lui ôtait en quelque sorte une part de sa légitimité.

  • 44 Selon l’expression de Giorgio Galli, Il bipartitismo imperfetto. Comunisti e democristiani in Itali (...)
  • 45 Tiziana Maiolo, Tangentopoli, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2011.
  • 46 Roberto Cartocci, Fra Lega e Chiesa. L’Italia in cerca di integrazione, Bologna, Il Mulino, 1994, p (...)

16C’est en cette même année 1989 que la Lega Nord, mouvement jusque-là plutôt marginal, voire folklorique, parvint à unifier l’action d’une série de formations autonomistes locales qui s’étaient développées notamment en Vénétie (Liga Vèneta), en Lombardie (Lega autonomista lombarda) mais aussi au Piémont (Unione Piemontèisa) en vue des élections régionales de 1990. Il s’agissait de mouvements ethnorégionalistes qui mettaient en avant dans leur propagande, les spécificités culturelles locales et remettaient en cause tout à la fois l’identité italienne, la question méridionale, le mauvais fonctionnement des services publics, les questions fiscales, le système politique fondé sur la double hégémonie de la Démocratie chrétienne et du Parti communiste, dans un « bipartisme imparfait » qui ne permettait pas l’alternance au pouvoir44. En février 1992, des juges milanais découvrirent un système de corruption et de financement illégal des partis politiques. Ce fut l’opération « Mains propres »45. Tangentopoli (littéralement la Cité des pots-de-vin) renforça le thème de « Roma ladrona », Rome la voleuse, la remise en cause de l’unité du pays et en même temps, l’Union européenne. Le pape Jean-Paul II s’en inquiéta suffisamment pour adresser le 6 janvier 1994 une lettre aux évêques italiens : Il soulignait « cet héritage de valeurs humaines et chrétiennes qui représente le patrimoine le plus précieux du peuple italien ». Il invitait à l’unité et proposait sa « Grande prière pour l’Italie », pour l’unité des catholiques, dans la foi et dans la réalité culturelle et sociale. Il s’opposait frontalement à la Ligue du Nord46. Son chef, Umberto Bossi, communiste dans sa jeunesse, avait des pratiques néo-païennes, exaltant le Soleil des Alpes, les mythes celtiques et le dieu Pô. En septembre 1996, il organisa la « marche du Pô », de la source du fleuve à Venise où il proclama l’indépendance d’un État fictif, la Padanie.

  • 47 Renzo Guolo, Chi impegna la Croce. Lega e Chiesa, Roma-Bari, Laterza, 2011.
  • 48 Augusto Cavadi, Il Dio dei Leghisti. Si può essere cattolici e votare Lega ?, Torino, San Paolo, 20 (...)

17Différente était la Liga Vèneta fondée à Padoue en 1980. À cette époque, la Démocratie chrétienne rassemblait en Vénétie entre 45 et 53 % de l’électorat. Il s’agissait d’un vote d’appartenance locale, la religion catholique faisant partie des traditions locales, dans une région structurée par tout un réseau de petites entreprises familiales, où l’on avait une forte éthique du travail et où la religion était pratiquée plus par tradition que par fidélité aux enseignements de l’Église47. Contre l’immigration, la Liga Vèneta se donna le rôle de défense de la chrétienté, défendant la présence des crucifix dans les salles de classe, non comme signes religieux, mais comme représentatifs de la culture locale, dans une interprétation ethnique et identitaire du catholicisme48. Aujourd’hui, le leader de Ligue, Luca Zaia, qui fut élu président de la province de Trévise en 1998 puis président la région de Vénétie en 2010, a été réélu en septembre 2020 avec 76,79 % des suffrages, au point que l’on parle de la Vénétie comme d’un Zaiastan.

  • 49 Paolo Bertezzolo, Padroni a chiesa nostra. Vent’anni di strategia religiosa della Lega Nord, Bologn (...)

18On a pu parler d’une « stratégie religieuse » de la Ligue49. Elle s’implanta dans des régions de tradition catholique en dehors de la Vénétie, les régions de Bergame, de Cuneo, la Brianza, malgré ses pratiques néo-païennes, en mettant en avant un christianisme sans le Christ, tout en défendant la présence de crucifix dans les salles de classe et en récusant l’universalité du message évangélique. C’était la rencontre d’un catholicisme traditionnel avec l’égoïsme de régions prospères, en exploitant toutes les peurs contemporaines.

Une société sécularisée

  • 50 Antonio Gollini e Marco Valerio Lo Prete, Italia poca gente. Il Paese ai tempi del malessere demogr (...)
  • 51 Sur les transformations de l’Italie : Guido Crainz, Il Paese reale. Dall’assassinio di Moro all’Ita (...)
  • 52 Giannino Piana, « I nuovi temi della morale », Elio Guerriero (a cura di), La Chiesa in Italia dall (...)

19Dans le même temps, la Démocratie chrétienne perdait doublement sa légitimité sur le plan de la moralité publique et de protection contre le communisme et l’Église subissait de plein fouet les effets de la sécularisation de la société. La nécessité de voter pour la DC n’apparaissait plus évidente même pour les catholiques pratiquants, tandis que s’affaiblissait la civilisation paroissiale, et avec elle, la fonction d’intégration sociale de la religion. Cela d’autant plus qu’il y avait une distorsion croissante entre le vote pour le parti des catholiques, la baisse de la pratique et l’éloignement des catholiques, même pratiquants, des lois morales de l’Église. En témoigne l’effondrement du taux de fécondité en quelques années, passant selon l’Istituto Nazionale di Statistica (ISTAT) de 2,68 en 1965 à 1,42 en 1985 et 1,18 en 199550. Les années 1970 ont été marquées par une sécularisation accélérée51. La loi sur le divorce fut votée par le Parlement en 1971 et confirmée par le référendum du 12 mai 1974, défaite cinglante pour l’Église. Elle avait demandé un référendum pour exiger, comme la Constitution italienne le permet, l’abrogation de la loi. Elle y voyait une violation du concordat qui reconnaissait le mariage religieux comme un sacrement (article 34) et une nouvelle avancée de la remise en cause de la morale chrétienne. Avec seulement 40,7 % des suffrages en faveur de l’abrogation de la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse et 59,3 % pour son maintien, la défaite fut rude pour l’Église et pour la Démocratie chrétienne qui s’était clairement impliquée dans la campagne. Surtout, les catholiques s’étaient divisés pour la première fois depuis la Libération avec l’engagement en faveur de l’avortement d’un groupe d’intellectuels et de syndicalistes autour de Pietro Scoppola, Raniero La Valle, Luigi Macario. L’échec fut renouvelé en mai 1981 avec le référendum sur la loi de 1978 sur l’avortement qui vit 68 % des votants se prononcer en faveur du maintien de la loi. Ces deux référendums ont marqué une mutation profonde et durable de l’Italie et constituent une étape majeure de son évolution récente52.

  • 53 Luca Ricolfi, « Il processo di secolarizzazione nell’Italia del dopoguerra : un profilo empirico », (...)

20La pratique religieuse restait relativement élevée mais elle subissait une baisse significative : le nombre de messalisants est passé de 70 % en 1956 à environ 30 % de la population en 199153. Les signes avant-coureurs de cette baisse avaient été perçus dès la fin des années 1950 par Mgr Montini, alors archevêque de Milan :

  • 54 Discours d’ouverture des travaux de la Settimana nazionale di aggiornamento pastorale, 22 septembre (...)

È ancora diffuso da noi il detto che l’Italia è un paese cattolico, perchè, per fortuna, la grande maggioranza dei suoi abitanti riceve ancora il battesimo ; ma non si riflette abbastanza a quanti non vivono in conformità alla dignità e all’impegno morale che il battesimo porta in sè. Molti parrocci, specialmente nelle città, si rassegnano a esercitare il loro ministero verso coloro che frequentano la chiesa, e spesso questo ministero soddisfa e placa il loro zelo pastorale. E gli altri ? Quanti sono ? Manchiamo ancora di un buon sistema, diligente e uniforme di statistica religiosa. I nostri studi di sociologia religiosa e pastorale sono ancora rudimentali. Eppure dobbiamo riconoscere che grandissima parte dei nostri fedeli sono infedeli ; che il numero dei lontani supera quello dei vicini e che il nostro raggio pastorale, in molte parti, va gradatamente restringendosi54.

  • 55 Franco Garelli, « La condizione del clero in Italia oggi », Centro di Orientamento Pastorale, 6 sep (...)

21L’encadrement pastoral reste fort avec une moyenne d’un prêtre pour 1 500 habitants en 2019 mais il tend à diminuer et à s’affaiblir du fait du vieillissement. L’Italie comptait 35 388 prêtres diocésains en 1995 et 32 036 en 2019, la moyenne d’âge passant de 57 ans en 1990 à 62 en 201955. La question des vocations est certainement moins préoccupante que dans d’autres pays européens, du fait d’un grand nombre de religieux (19 218 en 1995) et de nombreux prêtres et séminaristes étrangers en formation ou en études dans les séminaires et les universités catholiques.

  • 56 Giorgio Gracco, Per una storia dei santuari cristiani d’Italia : approcci regionali, Bologna, Il Mu (...)
  • 57 Roberto Cartocci considère que le Sud est la véritable Italie blanche, catholique : Geografia dell’ (...)
  • 58 Padre Pio fut canonisé par Jean-Paul II en 2002 : Yves Chiron, Padre Pio le stigmatisé, Paris, Perr (...)
  • 59 Franco Garelli, La religione dello scenario, Bologna, Il Mulino, 1987 ; Franco Garelli, Chiesa e re (...)
  • 60 Luca Diotallevi, Religione, Chiesa e modernizzazione : il caso italiano, Roma, Borla, 1999, p. 185.

22La religion était présente, visible, elle est toujours une religion du peuple, comme en témoignent la vitalité des innombrables sanctuaires dédiés à Marie ou à des saints, confréries, tiers-ordres56 avec une forte présence dans le Sud57. On peut évoquer de nombreuses dévotions populaires, anciennes comme saint François d’Assise, saint Antoine de Padoue, sainte Rita de Cascia ou plus récentes comme celle de Padre Pio. Capucin de San Giovanni Rotondo dans les Pouilles, connu depuis 1918 pour avoir reçu les stigmates, ce dernier a joui très vite d’une grande popularité et d’une réputation de sainteté dans la population. Il attirait les pèlerins malgré la méfiance des autorités ecclésiastiques, même de son vivant jusqu’en 196858. La religion catholique unit la nation. Mais quel en est le contenu pour les militants politiques et pour une grande partie de la population ? Franco Garelli a parlé de la religion de la mise en scène, du décor, « la religione dello scenario »59 et Luca Diotallevi, de la « pratique rituelle » des Italiens60. On a pu observer ainsi l’évolution d’un catholicisme politique qui devenait, à travers la Démocratie chrétienne, plus politique que catholique, ce qui à terme, ne devait que conduire à une impasse, à une contradiction mortelle.

Une Église en évolution

  • 61 Voir le numéro spécial de Vingtième Siècle. Revue d’histoire, « Italie : la présence du passé », di (...)
  • 62 Enzo Pace, « I movimenti religiosi nella società contemporanea », Quaderni di Sociologia, 1992, 2, (...)
  • 63 Guido Verucci, « Il dissenso cattolico in Italia », Studi Storici, janvier-mars 2002, p. 215-233 ; (...)
  • 64 Il est notamment l’auteur en 1967 de la fameuse Lettera a una professoressa.
  • 65 Lorenzo Bedeschi, Obbedientissimo in Cristo… Lettere di don Primo Mazzolari al suo vescovo (1917-19 (...)
  • 66 Jean-Dominique Durand, « Catholiques et violence terroriste en Italie durant les années de plomb », (...)

23L’Église elle-même a beaucoup changé61. Enzo Pace identifie, en même temps que la sécularisation de la société italienne, une sécularisation interne de l’Église, en s’appuyant sur les travaux de François Isambert62. Dans ces années 1970, se développa au sein du catholicisme, à la suite du concile de Vatican II, une forme de contestation que l’on a nommé le dissenso cattolico63. Avec des personnalités comme Primo Mazzolari et sa revue Adesso (1949-1951), don Ernesto Balducci qui fonda la revue Testimonianze en 1958, Lorenzo Milani qui créa une « école populaire » aux méthodes pédagogiques peu conformistes64. Tous entendaient offrir d’autres modèles d’évangélisation et de présence dans la société et se situaient dans le rêve réformiste de l’Église. Prêtre fidèle à l’Église, don Milani ne faisait pas de l’obéissance un devoir aveugle (L’obbedienza non è più una virtù, 1965) mais l’expression de la conscience responsable. Ils eurent à souffrir des condamnations répétées du Saint-Office de 195665. Ils annonçaient non sans difficulté, dans les années 1950, les ouvertures du concile Vatican II. D’autres eurent des positions plus radicales, influencées par le marxisme avec l’arrivée du Chili en 1973, du mouvement des Chrétiens pour le socialisme. En novembre 1967, des étudiants avaient occupé l’Université catholique de Milan, début, avec l’agitation des étudiants de la Faculté de Sociologie de Trente, du mouvement étudiant en Italie. En septembre 1968, la cathédrale de Parme fut occupée, provoquant des mouvements de solidarité des communautés de base qui se formèrent sur le modèle sud-américain et le soutien à Florence de don Enzo Mazzi, en conflit ouvert avec l’archevêque pour son expérience d’« Église des pauvres » à l’Isolotto66.

  • 67 Jean-Dominique Durand, « Jacques Maritain et l’Italie », Bernard Hubert (dir.), Jacques Maritain en (...)
  • 68 Mario Toso, Zbigniew Formella, Attilio Danese (a cura di), Emmanuel Mounier. Persona e umanesimo re (...)

24Il y avait des ferments venus de l’étranger, Jacques Maritain évidemment, dont l’influence a été considérable surtout sur une partie de la Démocratie chrétienne67, Emmanuel Mounier68 mais aussi le père René Voillaume dont Au cœur des masses (1951) fut publié en italien en 1953 et développa en Italie la spiritualité de Charles de Foucauld. Ce catholicisme, fut marqué aussi par un don Zeno Saltini fondateur de la communauté Nomadelfia, sorte de phalanstère familial, ou sur le versant politique par l’action de Giorgio La Pira face à l’occupation des usines Pignone en 1953 et sur des versants plus spirituels, Davide Maria Turoldo ou Divo Barsotti. Andrea Riccardi a qualifié de catholicisme de « charismatique » :

  • 69 Andrea Riccardi, « Il caso religioso italiano », Marco Impagliazzo (a cura di), La nazione cattolic (...)

Il y a dans le catholicisme italien un terrain dense, varié, pleinement charismatique […]. Ce terrain charismatique a des racines profondes. Il n’est pas uniforme, mais lié à des traditions et à des spiritualités diverses : intellectuelles ou populaires ou mystiques, jamais unitaires69.

  • 70 Liliana Ferrari, Una storia dell’Azione cattolica, Genova, Marietti, 1989, p. 246.
  • 71 Ernesto Preziosi, Breve profilo storico dell’azione cattolica italiana, Roma, AVE, 1984, p. 63 ; Er (...)
  • 72 Site de l’Azione Cattolica Italiana.

25Ces années de bouillonnement virent la fin de l’engagement systématique des organisations d’Action Catholique en faveur de la DC. Celle-ci représentait une forme de militantisme pour les laïcs très importante. Ses structures verticales prenaient en charge toutes les formes de la vie sociale – femmes, hommes, jeunes gens, jeunes filles, étudiants, diplômés universitaires, enseignants,…, soit une myriade d’œuvres – et horizontales avec l’organisation paroissiale et diocésaine dans tout le pays, une structure capillaire qui permettait de toucher tout le territoire avec 3 millions 400.000 adhérents en 1959. Liliana Ferrari a qualifié sa structure de « système solaire »70. Son influence fut considérable comme lieu de formation sociale et politique mais aussi religieuse et spirituelle71. Partant de très haut, comme organisation de masse, elle a connu un effondrement mais elle reste puissante avec 283.000 adhérents en 201872.

26Les nouveaux statuts adoptés en 1969 ont marqué une rupture avec la politique, la fin de la liaison avec la DC et l’autonomie des choix laissée aux membres. Désormais, dans ces mouvements qui avaient constitué d’efficaces relais électoraux pour la DC, on entendait d’âpres critiques contre un parti qui était accusé de vouloir simplement occuper le pouvoir et de s’éloigner des idéaux chrétiens. On y était tenté par le « choix religieux », un repli sur le spirituel et sur l’action sociale. De plus, le concile de Vatican II avait de fait tourné le dos à toute nostalgie d’un État chrétien. La liberté religieuse, le pluralisme des sociétés modernes étaient reconnus dans le cadre d’une volonté de dialogue avec les chrétiens non catholiques, les religions non chrétiennes et même avec les non croyants. La constitution pastorale Gaudium et Spes sur « l’Église et le monde moderne » amena la hiérarchie à définir un nouveau positionnement de l’Église et des catholiques dans la société moderne et à se dégager progressivement, de l’engagement partisan.

  • 73 Enzo Pace (a cura di), Le religioni nell’Italia che cambia. Mappe e bussole, Roma, Carocci, 2013 ; (...)
  • 74 Maurizio Gentilini, Chiara Lubich. La via dell’unità. Tra storia e profezia, Roma, Città Nuova, 201 (...)
  • 75 Salvatore Abruzzese, Comunione e Liberazione : identité catholique et disqualification du monde, Pa (...)
  • 76 Andrea Riccardi, Sant’Egidio, Rome et le monde. Paris, Beauchesne, 1996.

27Alors que l’Italie se diversifiait grandement sur le plan religieux du fait de l’immigration durable de populations non catholiques73, un double pluralisme s’est introduit dans le catholicisme italien. Le pluralisme religieux s’est traduit par le développement d’associations de laïcs qui ont développé, par rapport à l’Action catholique, des modes d’approche différentes de la société. Chronologiquement, la première a été le mouvement des Focolari, fondé à Trente en 1943 par Chiara Lubich, dans une perspective spirituelle et œcuménique mais aussi sociale et de dialogue interreligieux. Les statuts prévoient que le mouvement doit être dirigé par une femme, ce qui lui donne une singularité certaine dans le paysage ecclésial74. Communion et Libération a été fondé à Milan en 1954 par un aumônier de lycée, don Luigi Giussani pour rechercher précisément hors de l’Action catholique, de nouvelles voies d’engagement et engager une reconquête de la société75. La Communauté Sant’Egidio fondée par Andrea Riccardi à la suite du concile Vatican II et de la crise de 1968 unit à partir de la prière et de la solidarité avec les pauvres, la promotion de la paix, la lutte contre toutes les formes d’exclusion et le dialogue interreligieux76. Elle est un mouvement ancré dans l’action sociale, la solidarité et l’ouverture à toutes les formes d’altérité.

  • 77 La Repubblica, 17 octobre 2011 : « Les chrétiens sont devenus dans la société civile une masse crit (...)
  • 78 Vincenzo Paglia, Essere cattolici. Dialoghi con Saverio Gaeta, Milano, Morcelliana, 2005.

28Il faut ajouter une multitude d’œuvres et de mouvements catholiques, engagés dans toutes sortes d’activités : jeunesse, social, formation, accompagnement des marginalités, accueil des migrants, syndicats. La diversité est immense et témoigne du poids du catholicisme en Italie, un catholicisme vivace et populaire mais ces mouvements sont divisés. On est loin de l’Opera dei Congressi fondée en 1874 pour unifier les structures catholiques et organiser leurs actions sur le terrain local ; on est loin aussi de l’Action catholique qui l’a remplacée en 1904, placée sous le contrôle strict des évêques, qui a montré son efficacité pour mobiliser les catholiques lors des élections d’après-guerre en faveur de la Démocratie chrétienne. La conférence épiscopale réussit à les réunir lors de grands rassemblements mais non à les unifier. Lors du Forum des Associations catholiques organisé à Todi (Ombrie) en octobre 2011, le président de la CEI, le cardinal Bagnasco, a déclaré : « I cristiani sono diventati nella società civile una massa critica, capace di visione e di reti virtuose per contribuire al bene comune »77. Être catholique signifie en Italie, peut-être plus qu’ailleurs, s’engager sur le plan civil, dans la vie politique, prendre part à une organisation sociale, caritative, syndicale78.

29

Le temps des Partitelli

Une nouvelle pluralité

30Le pluralisme des choix politiques s’est imposé avec la fin de l’ère démocrate chrétienne dans les années 1992-1994. Dès avril 1992, à la suite de l’opération « Mains propres », les quatre partis constituant la majorité parlementaire avec la Démocratie chrétienne (Partis socialiste, social-démocrate, libéral), passèrent au-dessous des 30 % des voix tandis que la Ligue du Nord devenait le premier groupe à la Chambre. En 1993, celle-ci prit la mairie de Milan.

  • 79 Agostino Giovagnoli, La Repubblica degli italiani (1946-2016), Bari-Roma, Laterza, 2016, p. 172-197

31Agostino Giovagnoli a parlé de ces années comme celles du « big bang de la politique italienne »79. L’Italie est alors passée avec les élections de 1994 fondées sur le passage d’un système électoral proportionnel à un système majoritaire bipolaire, à une deuxième République de fait, sans changement institutionnel. L’affirmation du bipolarisme accentua les difficultés pour les catholiques.

  • 80 Enzo Pace, L’unità dei cattolici in Italia. Origini e decadenza di un mito collettivo, Milano, Guer (...)
  • 81 Ibid, p. 178-179.

32Être catholique ne signifiait plus voter pour la Démocratie chrétienne80. En 1987, sur 12 millions d’électeurs DC (30 % des voix), 90 % s’identifiaient encore au catholicisme, 51 % entraient dans la catégorie des messalisants, 40 % étaient membres de mouvements d’Église. En 1994, sur 100 pratiquants réguliers, 17,5 % optèrent pour le Parti populaire héritier de la DC et 30 % pour Forza Italia ; 11,5 % pour Alleanza nazionale (ex MSI), 11 % pour le Partito democratico della sinistra (ex PC), 7 % pour la Ligue du Nord. Près de la moitié pour le centre-droit81.

  • 82 Giovanni Cavera, « La diaspora démocrate chrétienne et les prodromes de la transformation de la rep (...)
  • 83 Jean-Dominique Durand, « Italie : La Démocratie chrétienne entre décomposition et recomposition », (...)

33La voie était ouverte à la diaspora démocrate chrétienne82, avec la fragmentation de la DC83, en diverses formations, que la presse affubla de divers sobriquets comme les partitelli (petites allumettes) ou des cespugli (arbrisseaux), des « sardines » issues de l’implosion de la « baleine blanche ». Quatre partis principaux s’en détachèrent : les Chrétiens-démocrates unis (CDU) et Centre démocrate-chrétien (CCD) au centre-droit, le parti populaire italien (PPI) et les Chrétiens sociaux (CS) au centre gauche.

34Les catholiques se sont partagés entre deux grandes coalitions. L’une, au centre-gauche, rassemblait principalement les anciens communistes du PDS et le PPI ainsi qu’un autre parti issu de la Démocratie chrétienne, la Rete, animée notamment par le maire de Palerme Leoluca Orlando, les Verts et quelques autres groupes mineurs. Ce pôle de l’Olivier a été dirigé par l’économiste catholique Romano Prodi. L’autre, à droite, le pôle des Libertés rassemblait Forza Italia (littéralement, « Allez, l’Italie »), dirigé par une personnalité venue du monde des affaires, Silvio Berlusconi, des partis modérés issus de la DC (le CDU et le CCD) et les anciens néo-fascistes reconvertis en conservatisme avec Gianfranco Fini dans le mouvement Alleanza Nazionale (« Alliance nationale ») mais aussi la Ligue d’Umberto Bossi.

35On observe cependant une certaine tendance au regroupement, notamment au centre avec la formation de deux nouveaux ensembles regroupant les partis issus de la Démocratie chrétienne : au centre droit, le « Biancofiore » qui réunit CDU et CCD, au centre gauche, la « Margherita » dont le cœur est constitué par le Parti populaire. Romano Prodi qui a tenté d’imposer à l’Italie une modernisation de ses mœurs politiques, n’a pu aller jusqu’au bout de son projet. Devenu président du Conseil en 1996, il a été lui aussi victime du manque de cohérence du Parlement. Il a été renversé en cours de législature, dès octobre 1998. Son successeur, le PDS Massimo d’Alema a du revenir à de subtils dosages politiques pour constituer son gouvernement. C’est dire les difficultés en apparence insurmontables que rencontrent les tentatives de rénovation de la vie politique italienne.

  • 84 Sur cette évolution et cette vie politicienne intense marquée par le jeu des alliances et des ruptu (...)
  • 85 Ibid, p. 224.

36Les élections régionales du 16 avril 2000 et surtout les élections législatives du 13 mai 2001 qui ont donné au centre-droit une victoire nette, ont semblé accentuer la bipolarisation de la vie politique italienne. Des coalitions se sont structurées autour de deux grandes formations : l’Ulivo (PDS et Margherita pour l’essentiel) et la Casa delle Libertà (avec Forza Italia et Alleanza Nazionale). Mais s’y agrégeaient nombre de petites formations encouragées par le système proportionnel. Cette bipolarisation inachevée s’est renforcée néanmoins par la personnalisation des campagnes électorales : le printemps 2001 a été marqué par la confrontation entre Francesco Rutelli et Silvio Berlusconi. Elle a pu être soutenue aussi par le rééquilibrage régional marqué par des victoires de la Casa delle Libertà dans le Sud, en Sicile notamment en juin 2001 et par l’élection des maires et des présidents des régions au suffrage universel ainsi que par le renforcement considérable des pouvoirs de ces derniers par une série de lois et de référendums adoptés en 2000 et 200184. Le système des partis né au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, avec en son centre le parti des catholiques a connu une véritable révolution85.

Une liberté de choix limitée

  • 86 Emanuela Poli, Forza Italia : strutture, leadership e radicamento territoriale, Bologna, Il Mulino, (...)

37Dans ce contexte, la « diaspora » catholique s’est accentuée dans l’ensemble du prisme politique avec une nette préférence pour ceux de la droite modérée. Forza Italia est devenu le parti le plus apprécié par les messalisants86. Les catholiques italiens se trouvaient de plus en plus dans la situation inédite pour eux, mais bien connue en France, de liberté de choix. Le 23 novembre 1996, lors du Congrès ecclésial de Palerme, Jean-Paul II donna une directive complexe : soutenir la liberté des options politiques et en même temps orienter le discernement :

  • 87 Jean-Paul II, Discours à l’Église italienne à l’occasion du IIIème Congrès ecclésial, Palerme, 23 n (...)

La Chiesa non deve e non intende coinvolgersi con alcuna scelta di schieramento politico o di partito, come del resto non esprime preferenze per l’una o per l’altra soluzione istituzionale o costituzionale, che sia rispettosa dell’autentica democrazia. Ma ciò nulla ha a che fare con una ‘diaspora’ culturale dei cattolici [...] o con una loro facile adesione a forze politiche e sociali che si oppongano, o non prestino sufficiente attenzione, ai principi della dottrina sociale della Chiesa sulla persona e sul rispetto della vita umana, sulla famiglia, sulla libertà scolastica, la solidarietà, la promozione della giustizia e della pace.
È più che mai necessario, dunque, educarsi ai principi e ai metodi di un discernimento non solo personale, ma anche comunitario, che consenta ai fratelli di fede, pur collocati in diverse formazioni politiche, di dialogare, aiutandosi reciprocamente a operare in lineare coerenza con i comuni valori professati
87.

  • 88 Sur la politique du cardinal Camillo Ruini : Guido Formigoni, Alla prova della democrazia. Chiesa, (...)
  • 89 Camillo Ruini, Per un progetto culturale orientato in senso cristiano, Milano, Piemme, 1996 ; Giuse (...)
  • 90 Simona Colarizi e Marco Gervasoni, La tela di Penelope. Storia delle seconda Repubblica, Bari-Roma, (...)
  • 91 Andrea Tornielli, Carlo Maria Martini. Il profeta del dialogo, Milano, Piemme, 2012.
  • 92 Carlo Felice Casula, Da credenti nella sinistra. Storia dei cristiano Sociali (1993-2017), Bologna, (...)

38Les évêques ont dès lors multiplié les interventions à travers notes pastorales, lettres et autres documents, visant à donner aux catholiques une unité d’action sur les problèmes de fond de la société et une vision commune de la Cité, par-delà les séparations politiques et les intérêts partisans. L’idée d’un « projet culturel » de l’Église catholique pour l’Italie, lancée par le cardinal Camillo Ruini, président de la Conférence épiscopale de 1991 à 2007, et cardinal-vicaire du diocèse de Rome de 1991 à 2008, a pris corps à travers un dialogue permanent avec les forces laïques88. Avec lui, la Conférence épiscopale est passée de l’unité politique des catholiques à une « unité de type culturel ». Dès 1994, alors que le système politique italien explosait, il avait lancé le Projet culturel de l’Église italienne en vue d’une nouvelle évangélisation, la culture étant vue comme le terrain de rencontre entre la mission de l’Église et les besoins du pays89. Sa stratégie consistait à prendre en considération les divisions des catholiques, leur unité politique appartenant à un passé révolu et à les réunir au-delà des partis, sur des questions très sensibles sur le plan éthique, qui se rassemblaient autour de deux grands pôles : les questions de justice sociale (familles, personnes âgées, accueil des immigrés, chômage notamment) et les questions d’ordre bioéthiques (recherches sur les embryons, défense de la structure familiale, procréation médicalement assistée,...). S’il affirmait une neutralité officielle entre les deux pôles, en réalité le président de la Conférence épiscopale tendait vers Berlusconi, voyant en ce dernier, le responsable politique le plus proche de la conception anthropologique de l’Église90. En revanche, le Centre gauche conduit par Romano Prodi jouissait de nombreuses

sympathies chez des catholiques et chez certains évêques comme le cardinal Martini91 à Milan qui voyaient dans l’Ulivo un mouvement de frontière92.

La préférence conservatrice

  • 93 Agostino Giovagnoli, La Repubblica degli italiani, op. cit., p. 244-245.
  • 94 Avvenire, 13 mai 2007.
  • 95 « Nota dottrinale circa alcune questioni riguardanti l’impegno e il comportamento dei cattolici nel (...)
  • 96 Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum Caritatis, 22 février 2007 ; Joseph R (...)

39La CEI, sous l’impulsion du cardinal Ruini, s’est alignée sur les positions conservatrices93 en réponse aux questions bioéthiques. En 2005, lors du référendum pour l’abrogation de la loi sur la procréation assistée, le Cardinal fort des leçons des référendums perdus sur le divorce et l’avortement, ne prôna pas cette fois un vote négatif mais habilement, l’abstention, afin d’entraîner de fait l’échec de la consultation par manque de quorum. Cette stratégie ancra la CEI dans un rôle politique conservateur, renforcé le 12 mai 2007 par l’organisation du Family Day qui rassembla environ un million de manifestants à Rome, piazza San Giovanni, pour s’opposer à un projet de loi du gouvernement Prodi reconnaissant les droits des couples homosexuels, manifestant l’unité des catholiques de toutes tendances94. La CEI avait publié en mars une note enjoignant les parlementaires catholiques à s’opposer à toute loi contraire à l’anthropologie chrétienne. En 2002, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi avait publié une « note doctrinale »95 pour indiquer aux catholiques la règle d’un refus de tout compromis dans la défense des « exigences éthiques fondamentales auxquelles on ne peut renoncer » car ce qui est en jeu, c’est l’essence même de l’ordre moral. C’est la loi naturelle qui impose le principe des « valeurs non négociables ». On retrouve là les accents de Jean-Paul II qui, en 1988, dans l’exhortation apostolique Christifideles Laici, établissait un véritable programme, une liste étroite qui devait engager absolument le responsable politique catholique : promouvoir la personne humaine, défendre le droit à la vie, la famille, placer l’homme au centre de la vie économique et sociale, soutenir la solidarité, évangéliser la culture. Dans la Note Doctrinale de 2002, le cardinal Joseph Ratzinger déplorait que le relativisme ou pluralisme éthique fût au cœur de la démocratie. Au contraire, selon lui, celle-ci n’est possible « que dans la mesure même où elle est fondée sur une juste conception de la personne ». À partir de là, disait-il, les catholiques ont le devoir de s’opposer à toute loi qui porte atteinte à la vie et de défendre la famille fondée sur le mariage monogame entre personnes de sexes différents. Il ne s’agissait pas d’une remise en cause de la démocratie mais d’exiger des élus chrétiens de rester cohérents avec leur foi et de s’opposer à certaines lois. En 2007, le pape Benoît XVI définissait ainsi des principes éthiques non négociables qui s’imposent aux baptisés occupant un poste de décision politique : « la promotion du bien commun sous toutes ses formes », le respect de la vie, la famille, la liberté de l’enseignement. Pour lui, il s’agissait de faire de la loi naturelle le fondement de la vie démocratique96.

  • 97 Intervista concessa dal Santo Padre ai giornalisti durante il volo verso la Repubblica Ceca, 26 sep (...)

40Le cardinal Angelo Bagnasco, successeur du cardinal Ruini comme président de la Conférence épiscopale, est intervenu publiquement à plusieurs reprises au cours du mois de janvier 2012, à travers des entretiens dans la presse, et surtout le 28 janvier 2012, dans un important discours au Conseil permanent de la Conférence épiscopale, dans lequel il a tracé une ligne de neutralité officielle face aux programmes des partis mais d’engagement fort dans les débats pour rappeler ce qui, au nom de l’Évangile, doit être incontournable et même non négociable pour un catholique. La « biopolitique » est l’une des « frontières » que l’on ne peut transgresser et il établit l’axe de l’action de l’Église autour de l’anthropologie chrétienne : une certaine vision de l’homme qui doit dicter aussi bien la politique financière et économique que la politique sociale ou l’approche des questions fondamentales que sont tous les aspects de la défense de la vie. La doctrine sociale de l’Église catholique était plus que jamais mise en valeur et placée au cœur du débat politique, dans la fidélité aux orientations données par Jean-Paul II. Selon cette lecture, les catholiques engagés à droite devaient peser sur les valeurs de solidarité et de justice, ceux engagés à gauche devaient veiller sur la bioéthique. Le quotidien de la Conférence épiscopale, Avvenire, a ainsi publié le 23 janvier, une liste de personnalités catholiques candidates pour des partis différents voire opposés mais « déterminées à peser » sur la politique du pays. Pour le cardinal Bagnasco, les deux questions, sociale et bioéthique, étaient fondamentalement liées à travers l’unique question de la place de l’homme, de la personne humaine dans la construction sociale. Il ne s’agissait pas d’un retour de l’intransigeantisme catholique du xixe siècle déployé face à la modernité et à l’unité italienne, car l’Église n’avait plus les moyens d’une mobilisation de masse, mais de la recherche un peu désespérée de solutions pour sauver ce qui restait d’une certaine idée de la chrétienté face à une société sécularisée. Dans l’esprit de Benoît XVI, l’Église pouvait constituer une contre-culture intransigeante face à certaines évolutions. Il a parlé en 2009 des catholiques comme une « minorité créative » qui peuvent agir efficacement pour orienter l’avenir : « Sono le minoranze creative che determinano il futuro »97.

  • 98 Gianni Valente, « Dall’Action Française agli atei devoti », Andrea Riccardi (a cura di), Le Chiese (...)
  • 99 Jean-Dominique Durand, « L’aventure fascinante de l’Église en Italie », Art. cit.
  • 100 Milano, Mondadori.
  • 101 Agostino Giovagnoli, La repubblica degli italiani, op. cit., p. 272.

41Cette position s’est trouvée confortée par le soutien de personnalités de droite, agnostiques, que l’on a appelé les « athées dévots », ou encore les « teocon », néologisme formé à partir de l’anglais neoconservative. Dans une perspective qui n’était pas sans rappeler le « politique d’abord » de Charles Maurras en France98, ils recherchaient des convergences avec l’Église, dans un rapport d’instrumentalisation de la foi, pour affirmer l’identité chrétienne de l’Italie et de l’Europe99. Marcello Pera, philosophe, socialiste passé à Forza Italia, président du Sénat de 2001 à 2006, et le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, se sont entendus pour publier en 2004 un ouvrage à deux voix, Senza radici. Europa, relativismi, cristianesimo, Islam, voué à dénoncer le relativisme ambiant et à souligner le rôle de l’Église dans les sociétés sécularisées100. Cette rencontre improbable illustre l’alignement d’une partie du catholicisme italien et le durcissement des positions. Comme l’a bien vu Agostino Giovagnoli, l’émergence des questions bioéthiques a fait naître un « bipolarisme éthique » qui aurait pris la place du bipolarisme politique101.

42Si la gauche s’est affaiblie du fait de la chute du gouvernement Prodi en cours de législature, la droite a réussi à constituer sous la direction de Silvio Berlusconi une nouvelle coalition qui apparaissait comme une force politique mais qui était surtout un parti personnel forgé par et pour cette personnalité charismatique, à la tête d’une grande fortune, contrôlant le pouvoir télévisuel mais imprévisible et traînant derrière lui un parfum permanent de scandale. Silvio Berlusconi finit par être condamné en 2013 à l’inéligibilité pour fraude fiscale. De 2001 à 2011, libéral, vulgaire et démagogue, il s’est trouvé au cœur du système politique bipolaire avec ses gouvernements caractérisés surtout par leur immobilisme et la légitimité donnée à la Ligue et au discours de haine envers les migrants. Il n’était décemment plus possible pour l’Église de continuer à le soutenir. Le 26 septembre 2011, le cardinal Bagnasco prononça devant le Conseil permanent de la CEI, un véritable réquisitoire contre lui, sans jamais le nommer.

Mario Monti : une solution catholique modérée ?

  • 102 Forum delle Persone e delle Associazioni di ispirazione cattolica nel Mondo del Lavoro.
  • 103 Il s’agit des ACLI (Associazioni cristiane Lavoratori Italiani), de la CISL (Confederazione Italian (...)
  • 104 « pour un engagement fécond des catholiques voué à la rénovation morale et civile de la politique n (...)
  • 105 La Repubblica, 17 octobre 2011 : « valeurs fondatrices et non négociables ».

43En même temps, une mobilisation du monde catholique était organisée, voulue par la Conférence épiscopale. En juillet 2011, sept organisations catholiques constituées en Forum des Personnes et des Associations d’inspiration catholique dans le Monde du Travail102 publièrent un Manifesto per la Buona politica e per il Bene comune. Ces organisations sont en Italie de véritables institutions et comprennent des centaines de milliers d’adhérents dans le vaste monde du travail103. Les promoteurs du Forum se plaçaient sous l’égide explicite du Pape et des évêques, « per un impegno fecondo dei cattolici rivolto al rinnovamento morale e civile della politica nazionale104 ». Le cardinal Bagnasco voulait fixer une ligne commune aux associations catholiques qui se réunirent à Todi (Ombrie) en octobre 2011, en rappelant sans cesse les « valori fondativi e non negoziabili »105, répétés inlassablement depuis le discours de Jean-Paul II à Palerme en 1995.

44On entendait mobiliser les énergies au service du bien commun, dans une perspective européiste, en s’appuyant sur la doctrine sociale de l’Église, en souhaitant renouveler les classes dirigeantes. Une première grande réunion se tint dans le couvent franciscain de Montesanto près de Todi, le 17 octobre 2011. Il fallait tourner la page des compromis avec le berlusconisme et trouver des solutions, exigées par l’Union Européenne, face à une situation économique très préoccupante avec la montée en flèche de l’indice du service de la dette.

  • 106 Guillaume Delacroix, Le mystère Mario Monti. Portrait de l’Italie post-berlusconi, Paris, Plon, 201 (...)
  • 107 Agostino Giovagnoli, La Repubblica degli italiani, op. cit., p. 299.

45Un gouvernement nouveau fut formé par un économiste, universitaire, ancien Commissaire européen au Marché intérieur (1995) puis à la Concurrence (2000), Mario Monti106. Catholique, sobre et sérieux, il était soutenu par le Vatican, personnellement par le pape Benoît XVI, et la Conférence épiscopale. On lui était reconnaissant pour sa volonté de redonner sa noblesse à l’engagement politique pour sa rigueur morale. L’expression « montée en politique » qu’il utilisa pour annoncer sa candidature au poste de Premier ministre, fut saluée par L’Osservatore Romano du 27 décembre 2012 comme un appel à retrouver le sens de la politique comme attention au bien commun. Il forma en novembre 2011 un gouvernement « de responsabilité nationale » avec des personnalités catholiques de relief qui avaient participé à la rencontre de Todi comme Lorenzo Ornaghi, recteur de l’Université catholique de Milan, ministre de la Culture, d’autres professeurs de la même université comme Dino Piero Gardia, ministre des Relations avec le Parlement ou Renato Balduzzi, ancien président du MEIC (Movimento Ecclesiale di Impegno Culturale) qui regroupe les diplômés universitaires à la Santé. Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio, devint ministre de la Coopération internationale et de l’Intégration107.

  • 108 Alberto Melloni, Tutto e niente, op. cit., p. 110.

46Un deuxième Forum se réunit les 21-22 octobre 2012 toujours à Todi. Il s’agissait de conforter le gouvernement Monti en vue des élections à venir en 2013. En fait, ce deuxième Forum dit Todi 2 ne put que constater la division des catholiques face à une politique budgétaire jugée par certains trop sévère avec une réforme des retraites et la soumission de l’Église à l’impôt foncier et avec une politique familiale considérée comme insuffisante. En décembre, un nouveau parti, destiné à soutenir Mario Monti, Scelta Civica fut fondé avec le soutien de nombreuses personnalités catholiques dont Luca Cordero di Montezemolo, grand industriel et ancien président de la Confindustria, le patronat italien, de 2004 à 2008. La tentative de réunir un Todi 3, prévu pour le 10 janvier 2013, se fracassa sur la réalité de l’incapacité à s’unir. La rencontre fut annulée au dernier moment. Les élections générales du 26 février 2013 furent un échec pour Mario Monti qui ne réunit que 10,5 % des suffrages. L’espoir en une nouvelle classe dirigeante postdémocrate chrétienne, d’inspiration catholique a pu émerger un temps108et perdurer avec les gouvernements suivants d’Enrico Letta (2013-2014), de Matteo Renzi (2014-2016) et Paolo Gentiloni (2016-2018). En fit partie notamment, comme vice-ministre des Affaires Étrangères, Mario Giro, qui porte les projets de paix au sein de la communauté de Sant’Egidio et joue un rôle majeur dans les négociations de paix en particulier en Afrique. En 2014, Renzi, formé dans le scoutisme et ancien militant du PPI, remporta les élections européennes avec 40 % des voix. Il jouit d’une aura exceptionnelle en Italie et dans toute l’Europe mais son parcours s’acheva dans l’échec net du référendum constitutionnel du 4 décembre 2016, qu’il avait voulu pour mettre fin au bicamérisme égalitaire entre le Sénat et la Chambre des Députés qui, depuis 1948, tendait à rendre toute réforme difficile et à alimenter l’instabilité gouvernementale. Le Sénat aurait été transformé en « Sénat des Régions ». Cette réforme utile destinée à renforcer la gouvernabilité du pays fut victime comme cela arrive souvent avec les référendums, d’une coalition de mécontentements. Le Non l’a emporté nettement avec 59 % des suffrages, entraînant la démission de Renzi. Pour les partisans du Non, il ne s’agissait pas de répondre à une question mais d’en profiter pour affaiblir un peu plus les partis au pouvoir. La coalition de centre-gauche se maintint au pouvoir de 2011 à 2018 avec quatre chefs de gouvernements successifs mais avec une réelle continuité politique. Néanmoins, le monde catholique restait inexorablement divisé et, pour une part, tenté par de nouvelles solutions politiques.

La tentation populiste

La montée des extrêmes

  • 109 Piergiorgio Corbetta e Elisabetta Gualmini, Il partito di Grillo, Bologna, Il Mulino, 2013 ; Robert (...)

47L’émergence d’un nouveau mouvement politique, 5 Stelle (M5S), animé par un acteur comique populiste et provocateur, Beppe Grillo, sonna comme un avertissement en 2012 lors des élections municipales : pour la première fois, il remporta une commune importante, la ville de Parme. En 2013, il obtint 25,5 % des voix, faisant jeu égal avec le Parti démocrate (25,4 %). Mais il semblait devoir rester pour longtemps cantonné dans les marges. En fait, il a progressé comme un ouragan. En 2016, il remporta les élections municipales à Rome et à Turin. C’est un parti « pigliatutti », démagogue, qui rassemble un électorat varié109.

48La défaite cuisante du Parti démocrate lors de ces élections montrait la volonté des électeurs de renvoyer une classe politique jugée dépassée. Elle fut confirmée quelques mois plus tard par l’échec du référendum proposant une réforme de la constitution. Les deux consultations de 2016 annonçaient la déroute des partis de gouvernement en mars 2018. Les élections se sont faites sur la base d’un nouveau mode de scrutin, complexe, uninominal à un tour pour 37 % des sièges à la Chambre et au Sénat, 63 % étant attribués à la proportionnelle. Un tel système favorisait l’émiettement au sein même des deux grandes coalitions : cinq partis composaient la coalition de centre-gauche, quatre celle de droite. La campagne électorale a vu monter les tensions avec l’affirmation de courants de droite au-delà de Forza Italia, avec la Lega dirigée par Matteo Salvini mais aussi une résurgence de mouvements néo-fascistes extrémistes comme Casa Pound qui se veut « le fascisme du 3ème millénaire » et Fratelli d’Italia fondés en 2003 et 2012. Ces deux mouvements jouissaient d’un renouveau de la nostalgie du fascisme qui s’exprimait ouvertement. La question migratoire a été leur argument majeur, en jouant sur toutes les peurs possibles. Hors coalition, se tenait le M5S dirigé par Luigi Di Maio. Le 4 mars, ce dernier s’est affirmé comme le premier parti d’Italie avec plus de 32 % des voix. Il avait un peu modéré son programme antieuropéen en renonçant à la sortie de l’euro. La coalition de droite a recueilli 37 % mais surtout au profit de la Lega qui a devancé Forza Italia. Quant au centre-gauche, il s’est effondré à 22,85 %.

  • 110 Jean-Dominique Durand, « Religion et sécularisation », Marc Lazar (dir.), L’Italie contemporaine de (...)
  • 111 Alberto Melloni, Tutto e niente, op. cit., p. 67.

49À ces rapprochements qui ne sont pas sans rappeler les problèmes rencontrés jadis par don Luigi Sturzo au sein du parti populaire, s’ajoutaient les effets d’une crise identitaire catholique et italienne face à la mondialisation, à la sécularisation de la société, à l’affaiblissement des traditions chrétiennes, à la transformation des structures familiales, à la formidable évolution des connaissances scientifiques, notamment sur le plan de la médecine et de la biologie, aux phénomènes migratoires. L’Italie est devenue très rapidement un pays d’accueil après avoir été longtemps une terre d’émigrants, avec ce que cela implique dans le paysage religieux, comme en témoignent à Rome depuis 1995 la Grande Mosquée et depuis 2009, l’église Sainte-Catherine d’Alexandrie construite par le patriarcat de Moscou110. A pu se développer dans le catholicisme italien une insécurité culturelle, ce qu’Alberto Melloni nomme une culture de « l’assiégé »111.

  • 112 Carlo Ruzza, « Interculturalismo, società civile e la sfida populista all’Unione Europea », Sociolo (...)

50Le lit du populisme se fait dans la peur et dans le pessimisme : peur de l’avenir, peur du monde, peur de l’autre et de toutes les altérités, exploitées par les démagogues qui récusent la diversité culturelle112. Il se fait aussi dans le jeu des coalitions politiques incompréhensible pour les citoyens et dans les difficultés économiques. Déjà présent dès la fin du XXe siècle et dans les premières années du XXIe avec les Berlusconi, Bossi, Grillo, il a pris une dimension nouvelle avec le renforcement de la Ligue sous la conduite de Matteo Salvini.

La fermeté du pape François

51Le pape François a identifié ce populisme qu’il qualifie de « malsain » lorsqu’il s’appuie sur :

  • 113 Pape François, Encyclique Fratelli Tutti. Sur la fraternité et l’amitié sociale, 3 octobre 2020, n. (...)

L’habileté d’un individu à captiver afin d’instrumentaliser politiquement la culture du peuple, grâce à quelque symbole idéologique, au service de son projet personnel et de son maintien au pouvoir. Parfois, on cherche à gagner en popularité en exacerbant les penchants les plus bas et égoïstes de certains secteurs de la population. Cela peut s’aggraver en devenant, sous des formes grossières ou plus subtiles, un asservissement des institutions et des lois113.

  • 114 Ilvo Diamanti e Marc Lazar, Popolocrazia, op. cit., p. 116-117.

52Cette analyse que propose le Pape dans l’encyclique Fratelli Tutti renvoie l’observateur notamment au cas de Matteo Salvini. Devenu secrétaire de la Ligue du Nord en décembre 2013, il a su lui donner une dimension nationale en la dénommant simplement la Lega et en abandonnant le rêve sécessionniste de la Padanie. Il l’inséra dans la politique nationale en radicalisant son orientation antipartis, antieuropéenne, souverainiste, antimigrants, identitaire et en développant son pouvoir personnel en interne114. Il aborda les élections législatives du 4 mars 2018, en position de force au sein de la coalition de droite réunissant notamment Forza Italia et 5 Stelle. Il obtint 17,4 % des voix tandis que Forza Italia s’effondrait. Il devint alors vice-président du Conseil et ministre de l’Intérieur dans le gouvernement présidé par un professeur de droit, novice en politique, mais profondément catholique, Giuseppe Conte. Lors des élections européennes en mai 2019, la Ligue parvint à 28 % des voix avec le slogan « Prima gli italiani », fondé sur la rhétorique « Nous contre eux ». Fort d’une telle progression, Salvini provoqua une crise ministérielle pour exiger la dissolution du Parlement dans l’optique de devenir lui-même Premier ministre. Une nouvelle coalition fut en fait constituée, toujours sous la présidence de Giuseppe Conte que Salvini avait sous-estimée, avec 5 Stelle et le Parti démocrate, une coalition hybride, qui n’est pas sans rappeler la permanence du transformisme qui caractérise la vie politique italienne depuis la réalisation de l’Unité. Ce changement de gouvernement, était lié à la crainte d’un nouveau succès de la Ligue si de nouvelles élections étaient organisées mais aussi à la volonté de Luigi Di Maio à la tête des 5 Stelle, de modérer les options antieuropéistes et antimigrants les plus agressives et de promouvoir une politique sociale avec la mise en place d’un revenu minimum garanti, le Reddito di cittadinanza, fer de lance de son programme social.

  • 115 Paolo di Motoli, « I cattolici a modo mio fedeli alla Lega », Il Manifesto, 20 avril 2011.

53Avec les élections de 2019, la Ligue s’est implantée fortement dans des régions longtemps tenues par la Démocratie chrétienne et connues pour la puissance historique des organisations catholiques et une pratique élevée, notamment en Lombardie et en Vénétie. Dans cette région dominée, comme on l’a vu, par Luca Zaia, les attaques de la Ligue se sont multipliées contre les prêtres dits « rouges », pour dénoncer leur accueil de migrants musulmans et pour leur avoir cédé des espaces de prière115.

54Matteo Salvini avait martelé durant ses campagnes électorales sa volonté de défendre la civilisation chrétienne, et comme ministre de l’Intérieur, il avait multiplié les mesures contre les migrants, jusqu’à fermer les ports aux navires portant secours aux réfugiés en Méditerranée. Il s’opposait frontalement au pape. Ce dernier, le 8 juillet 2013, avait en vain tenté à Lampedusa, de « réveiller les consciences » et dénoncé « la mondialisation de l’indifférence ». Si les associations et les petites communautés catholiques locales étaient en première ligne pour accueillir et réconforter les migrants, les politiques restèrent prudents, et bien peu se rendirent sur cette île sicilienne, la plus méridionale et la plus proche de l’Afrique, « Porte de l’Europe », qui représente l’espoir d’une vie meilleure pour les Africains du Nord comme de l’Afrique subsaharienne. De ce fait, il prenait ses distances avec la notion de valeurs non négociables en déclarant à la revue des jésuites italiens, La Civiltà Cattolica :

  • 116 Entretien avec le père Antonio Spadaro, directeur de la revue, dans La Civiltà Cattolica, 19 septem (...)

Non possiamo insistere solo sulle questioni legate al aborto, matrimonio omosessuale e uso dei metodi contracettivi. Questo non è possibile. Io non ho parlato molto di queste cose, e questo mi è stato rimproverato. [...] Dobbiamo trovare un nuovo equilibrio, altrimenti anche l’edificio morale della Chiesa rischia di cadere come un castello di carte, di perdere la freschezza e il profumo del Vangelo. La proposta evangelica deve essere più semplice, profonda, irradiante. È da questa proposta che poi vengono le conseguenze morali116.

55Pour lui il s’agit avant tout de se faire prophètes, d’aller vers les autres, vers les périphéries et dépasser les frontières.

  • 117 Francesco Giubilei, I riferimenti culturali della Lega di Salvini, Cesena, Historica Edizioni, 2018 (...)

56À l’inverse, Salvini s’opposa toujours plus au pape, non seulement sur la question de l’accueil des étrangers mais aussi sur le terrain spirituel, s’affirmant comme un guide religieux, vrai et seul défenseur de la civilisation chrétienne117. Bien que fréquentant rarement les églises, et ayant une vie privée peu conforme à la morale catholique, il convoquait Dieu dans le débat politique. Il n’hésitait jamais à multiplier les gestes ostensibles de piété et à utiliser les symboles de la religion. Le 18 mai 2019, lors d’un meeting à Milan, sur la place du Duomo, en présence de la Française Marine Le Pen et du Hollandais Geert Wilders, il fit huer le pape par la foule de ses partisans, tout en brandissant un chapelet et en confiant l’issue de sa campagne électorale au Cœur immaculé de la Vierge.

57Il y a là un vrai problème pour l’Église catholique qu’Andrea Riccardi a bien identifié :

  • 118 Andrea Riccardi, « Il nazional-cattolicesimo, un pericolo per la Chiesa », Corriere della Sera, 10 (...)

Qualcosa di profondo sta avvenendo nella Chiesa : una parte dei cattolici italiani non accoglie il messaggio sociale di papa Francesco, mentre cerca rassicurazioni e si mostra sensibile a un cattolicesimo che dia identità118.

  • 119 Russell Ronald Reno, Return to the Strong Gods. Nationalism, Populism and the Future of the West, W (...)
  • 120 Famiglia Cristiana, 19 mai 2019 : « le chapelet brandi par Salvini et les sifflets de la foule cont (...)
  • 121 Il Giornale, 19 mai 2019 : « Dieu est pour tous. Invoquer Dieu pour soi-même est toujours très dang (...)

58Pour le Pape, les priorités sont les droits de l’homme et le climat et elles ne sont pas partagées par tous les électeurs catholiques, certains se laissant récupérer par le discours populiste, xénophobe, ethnonationaliste119. Mais l’institution ecclésiale résiste bien. La presse catholique critique fortement cette récupération de la foi par un homme qui ne respecte pas les injonctions de l’Évangile. Pour l’hebdomadaire populaire Famiglia Cristiana, qui avait déjà publié le 26 juillet 2018, une couverture de choc avec le titre Vade retro Salvini : « Il rosario brandito da Salvini e i fischi della folla a papa Francesco, ecco il sovranismo feticista »120. Le 19 mai 2019, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, avait répondu à Salvini sur un mode ironique : « Dio è di tutti. Invocare Dio per se stessi è sempre molto pericoloso »121.

59Dans son discours prononcé devant le Sénat le 20 août 2019, par lequel il présenta la démission de son gouvernement, qui était un véritable réquisitoire contre Salvini en même temps qu’une belle leçon de droit constitutionnel, Giuseppe Conte mit en garde aussi contre toute récupération religieuse :

  • 122 Il Messaggero, 20 août 2019 : « Celui qui a des responsabilités devrait éviter, pendant les meeting (...)

Chi ha compiti di responsabilità dovrebbe évitare, durante i comizi, di accostare agli slogan politici i simboli religiosi. [...] Questi comportamenti non hanno nulla a che vedere con il principio di libertà di coscienza religiosa, piuttosto sono episodi di inconscienza religiosa, che rischiano di offendere il sentimento dei credenti e nello stesso tempo, di oscurare il principio di laicità, tratto fondamentale dello Stato moderno122.

  • 123 « Il m’a enseigné l’humilité, un homme de prière et de souffrance. Un homme humble qui était proche (...)

60La fin du premier gouvernement de Giuseppe Conte et la formation du gouvernement Conte 2 ont changé la donne du point de vue politique mais aussi du point de vue religieux. Le premier ministre, originaire des Pouilles, est un catholique méridional qui a vécu à San Giovanni Rotondo où son père était secrétaire communal et où vivait Padre Pio. Il porte toujours sur lui une image de saint Padre Pio mais il reste discret dans l’expression de sa foi. Participant le 19 septembre 2018 à une émission de grande écoute de la télévision Rai Uno, Porta a Porta, il confia à l’animateur au sujet de cette grande figure du catholicisme italien : « Mi ha insegnato l’umiltà, un uomo di preghiera e di sofferenza. Un uomo umile che stava vicino alle persone ed era molto disponibile »123. L’Église paraît renouer avec l’affrontement ouvert avec la Ligue comme Jean-Paul II le fit déjà dans les années d’émergence de Liga Nord. Il s’agissait de s’opposer à la désunion de l’Italie. En mars 1994, il lança même une « Grande prière pour l’Italie ». L’on pourrait multiplier les exemples d’interventions d’évêques contre les tentations populistes comme les critiques de Mgr Paolo Giulietti lorsqu’il était évêque de Lucques contre la politique sécuritaire de Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur, ou l’engagement social du cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne, ainsi que de prêtres ou de laïcs engagés dans l’accueil des migrants : de la communauté de Sant’Egidio aux Focolari, du Centro Astalli des jésuites à la Caritas et à Pax Christi, les initiatives pour accueillir toutes les marginalités (réfugiés, personnes âgées, drogués, personnes en situation de handicap,…) sont innombrables et engagent des milliers de volontaires qui ne se retrouvent pas dans le discours populiste. En revanche, ils se sentent soutenus par le pape François. Dans l’ensemble, les évêques en fonction sont fidèles à la ligne tracée par le pape. Dans le contexte de l’épidémie de la covid 19, des débats ont eu lieu sur la question du maintien ou non des messes mais le pape a soutenu les mesures gouvernementales et les églises sont restées ouvertes.

61Des courants identitaires existent comme l’association Family Day, présidée par Massimo Gandolfini. Celle-ci a réussi à organiser de grandes manifestations notamment contre les réformes sociétales comme celle du 12 mai 2007, déjà évoquée. Par la suite, avec le rapprochement vers les partis de droite, d’autres manifestations en 2015, 2016, 2019, ont eu un moindre succès.

  • 124 Matteo Zuppi, Odierai il tuo prossimo come te stesso. Perché abbiamo dimenticato la fraternità. Rif (...)

62Matteo Zuppi, archevêque de Bologne, dans son livre sur la haine destructrice de la société, la haine contre les migrants, mais aussi la haine qui se répand dans certaines parties de l’Église124, illustre l’un des défis majeurs auxquels l’Église est confrontée en Italie : dialoguer avec les peurs des catholiques.

  • 125 « Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne. Vous (...)
  • 126 Renato Mannheimer, La Lega Lombarda, Milano, Feltrinelli, 1991 ou Ilvo Diamanti, Bianco, Rosso, Ver (...)

63Ne manquent pas non plus les initiatives de catholiques pour poursuivre la rénovation de la vie politique malgré l’échec de Mario Monti et de son parti Scelta Civica. En témoigne la création en 2015 de l’association Democrazia Sociale (DemoS) qui s’est réorganisée en parti en 2018. Le journal Il Messaggero l’a qualifié de « parti des catholiques populaires et européistes ». Il entend refonder la valeur de la communauté contre l’individualisme et le repli sur soi. On y retrouve Mario Giro et son « coordinateur », Paolo Ciani, est issu de Sant’Egidio. À l’inverse, le clérico-fascisme se réactive avec le parti Fratelli d’Italia, créé en 2012, héritier du Mouvement social italien, il ne cache son lien avec le fascisme mussolinien. Il a pris comme nom le titre de l’hymne national italien. Sa présidente Giorgia Meloni entend défendre Dieu, la famille, la patrie contre l’islamisation. Lors d’une manifestation à Rome organisée par la Ligue et Matteo Salvini pour protester contre son éviction du gouvernement, le 19 octobre 1989, elle s’est écriée : « Sono Giorgia, sono una donna, sono una madre, sono italiana, sono cristiana. Non me lo toglierete ! »125. Par ailleurs, il apparaît difficile de mesurer le degré d’accroche des catholiques aux divers populismes. On ne dispose pratiquement pas d’études récentes, les publications de science politique ignorent étrangement la dimension religieuse du populisme. L’on trouve des analyses des adhérents et des sympathisants, selon les régions, en fonction des origines sociales ou partisanes, mais jamais en fonction des croyances et appartenances religieuses126.

  • 127 Andrea Riccardi, Vescovi d’Italia. Storie e profili del Novecento, Cinisello Balsamo, San Paolo, 20 (...)
  • 128 Enzo Pace, La nation italienne en crise, op. cit., p. 180.
  • 129 Jean-Dominique Durand, L’Église catholique dans la crise de l’Italie, op. cit.
  • 130 Jean-Dominique Durand, « Nell’orizzonte europeo », Marco Impagliazzo (a cura di), La nazione cattol (...)

64En conclusion, on observe en Italie un rapport unique en Europe entre la vie politique, l’Église catholique et le Saint-Siège. Andrea Riccardi a relevé l’empreinte de l’Église sur la nation, une empreinte qui ne se dément pas127. Enzo Pace affirme que « la présence du catholicisme politique dans l’histoire de l’Italie est réelle et constitue un patrimoine de valeurs pour la démocratie »128. Entre 1944 et 1948, le ralliement de l’Église avec le pape Pie XII à l’idéal démocratique et sa mobilisation contre des solutions autoritaires à l’issue de vingt ans de dictature et d’une guerre désastreuse, a permis l’affirmation d’un régime démocratique et l’insertion du pays dans une Europe de paix129. La structure ecclésiale est solide, soutenue par un réseau serré de paroisses et de diocèses, par la papauté, par Rome cœur de la catholicité et par un nouveau concordat en 1984130. Si la religion catholique n’est plus religion d’État, elle n’en occupe pas moins une place majeure dans le pays, reconnue par le fait que constitutionnellement, les relations entre l’Église et l’État doivent être régies par un concordat (article 7 de la Constitution de la République italienne).

  • 131 Adrien Candiard, La Croix. L’Hebdo, 19-20 décembre 2020, p. 10-16.

65L’Église dispose d’un laïcat puissant avec une Action catholique toujours active et de nouveaux mouvements comme les Focolari, Communion et Libération, Sant’Egidio ainsi que d’une présence sociale très forte et diffuse dans un pays où les institutions publiques sont faibles et souvent inefficaces. Si l’Église connaît un reflux des vocations et de la pratique, cette dernière reste relativement forte, drainée par une piété populaire qui s’exprime à travers d’innombrables sanctuaires. S’il peut y avoir là une certaine superficialité, la capacité d’intervention de l’Église reste puissante. Il ne faut pas sous-estimer les débats et les conflits intra-ecclésiaux mais ils ne débouchent pas sur des oppositions irréductibles comme souvent en France. Un observateur complètement extérieur comme le dominicain Adrien Candiard oppose les clivages franco-français à l’Italie où le climat serait selon lui, plus apaisant131.

  • 132 Marco Impagliazzo, « Lepanto versus Assisi : cristianesimo e islam », Andrea Riccardi, Il cristiane (...)

66Le défi se trouve aujourd’hui dans le iatus creusé entre le magistère pontifical relayé par les organisations catholiques qui défendent la valeur d’une société ouverte et accueillante, et une population déboussolée par la mondialisation, qui a peur de se voir dépossédée de ses propres traditions par l’immigration. Il s’agit de faire vivre l’Esprit d’Assise dans toutes ses dimensions132.

Notes

1 Conseil Européen, Discours prononcé par le président Donald Tusk au sommet 2018 du PPE à Helsinki, 8 novembre 2018.

2 Yann Raison du Cleuziou, Une contre-révolution catholique. Aux origines de la Manif pour tous, Paris, Seuil, 2019 ; Céline Béraud et Philippe Portier, Métamorphoses catholiques. Acteurs, enjeux et mobilisations depuis le mariage pour tous, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2015 ; Erwan Le Morhedec, Identitaire. Le mauvais génie du christianisme, Paris, Cerf, 2017.

3 Benoît Pellistrandi, Le labyrinthe catalan, Paris, Desclée de Brouwer, 2019.

4 Jan Erk, « Alles voor Vlaanderen, Vlaanderen voor kristus. Le nationalisme flamand et la démocratie chrétienne », Politique et Sociétés, 2003, 22/1, p. 79-98.

5 Voir les réflexions de Tzvetan Todorov, L’homme dépaysé, Paris, Seuil, 1996.

6 Agostino Giovagnoli, Storia e globalizzazione, Roma-Bari, Laterza, 2003 ; Wouter Beke, « L’identité démocrate chrétienne. Étapes d’un processus d’émancipation en relation avec le conservatisme », Pascal Delwit (dir.), Démocraties chrétiennes et conservatismes en Europe. Une nouvelle convergence ?, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2003, p. 25-37.

7 Francesco Sportelli, La Conferenza Episcopale Italiana (1952-1972), Galatina, Congedo, 1994 ; Luigi Bianco, La Conferenza Episcopale Italiana. Profilo storico e giuridico, Roma, Pontificia Universitas Gregoriana, 2005.

8 Marco Tarchi, Italia populista. Dal qualunquismo a Beppe Grillo, Bologna, Il Mulino, 2015, p. 8.

9 Ilvo Diamanti e Marc Lazar, Popolocrazia. La metamorfosi delle nostre democrazie, Bari-Roma, Laterza, 2018, p. 125.

10 Sur le populisme, dans une bibliographie très abondante : Guy Hermet, Les populismes dans le monde. Une histoire sociologique (xixe-xxe siècles), Paris, Fayard, 2001 ; Jean-Pierre Rioux (dir.), Les populismes, Paris, Perrin, 2007 ; Pierre-André Taguieff, Le nouveau national-populisme, Paris, CNRS, 2012 ; Dominique Reynié, Les nouveaux populismes, Paris, Fayard, 2013.

11 Marco Impagliazzo (a cura di), La nazione cattolica. Chiesa e società in italia dal 1958 a oggi, Milano, Guerini e Associati, 2004 ; Renato Moro, Il mito dell’Italia cattolica. Nazione, religione e cattolicesimo negli anni del fascismo, Roma, Studium, 2020.

12 Jean-Marie Mayeur, « Catholicisme intransigeant, catholicisme social, démocratie chrétienne », Annales. Économies, sociétés, civilisations, mars-avril 1972, p. 483-499 ; Émile Poulat, « Pour une nouvelle compréhension de la démocratie chrétienne », Revue d’Histoire Ecclésiastique, 1975, p. 5-38.

13 Francesco Traniello e Giorgio Campanini (a cura di), Dizionario storico del movimento cattolico in Italia (1860-1980), Torino, Marietti, 1981-1984, 3 tomes (5 volumes).

14 Jean-Dominique Durand, L’Europe de la Démocratie chrétienne, Bruxelles, Complexe, 1995 : voir la 2e partie, « Une culture démocrate-chrétienne », p. 91-171 ; Agostino Giovagnoli,
La cultura democristiana. Tra Chiesa cattolica e identità italiana (1918-1948), Bari-Roma, Laterza, 1991.

15 Gabriele De Rosa, Storia del movimento cattolico in Italia. II, Il partito popolare italiano, Bari, Laterza, 1966, p. 26. La bibliographie consacrée à Luigi Sturzo est abondante. L’on peut se contenter d’évoquer Gabriele De Rosa, Luigi Sturzo, Torino, UTET, 1977 et Francesco Malgeri, Luigi Sturzo, Milano, Edizioni Paoline, 1993.

16 « restauration morale de l’esprit italien ».

17 Renato Moro, Il mito dell’’Italia cattolica. Nazione, religione e cattolicesimo negli anni del fascismo, Roma, Studium, 2020, p. 71 ; voir aussi parmi les ouvrages les plus récents : Giovanni Coco, Il labirinto romano. Il filo delle relazioni Chiesa-Stato tra Pio XI, Pacelli e Mussolini (1929-1939), Città del Vatican, Archivio Segreto Vaticano, 2019, 2 volumes.

18 Alberto Melloni, Tutto e niente. I cristiani d’Italia alla prova della storia, Roma-Bari, Laterza, 2013, p. 62 ; Giovanni Coco, Il labirinto romano, op. cit. ; Renato Moro, Il mito dell’Italia cattolica, op. cit.

19 Alberto Guasco, Cattolici e fascisti. La Santa Sede e la politica italiana all’albo del regime (1919-1925), Bologna, Il Mulino, 2013, p. 277-278.

20 Jean-Dominique Durand, « L’interprétation du fascisme par Luigi Sturzo », Isabelle Chareire et Daniel Moulinet (dir.), Théologie et politique. Cent ans après la loi de 1905, Lyon, Profac, 2007, p. 151-170.

21 Emilio Gentile, Le religioni della politica. Fra democrazia e totalitarismo, Roma-Bari, Laterza, 2001, p. 147.

22 Jean-Dominique Durand, « Don Luigi Sturzo et l’Action Française : une opposition démocrate chrétienne », Michel Leymarie et Jacques Prévotat (dir.), L’Action Française. Culture, société, politique, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2008, p. 359-370.

23 Agostino Giovagnoli, Il Partito italiano. La Democrazia cristiana dal 1942 al 1994, Roma-Bari, Laterza, 1996, p. 7.

24 Jean-Dominique Durand, L’Église catholique dans la crise de l’Italie (1943-1948), Rome, École Française de Rome, 1991.

25 Enzo Pace, La nation italienne en crise. Perspectives européennes, Paris, Bayard, 1998, p. 85.

26 Sandro Setta, L’Uomo qualunque (1944-1948), Bari, Laterza, 1975. Dans le contexte du retour du populisme et d’un certain qualunquismo, cet ouvrage a été réédité en 2005 ; Maurizio Cocco, Qualunquismo. Una storia politica e culturale dell’Uomo qualunque, Milano, Mondadori, 2018.

27 Angelo Michele Imbriani, Vento del Sud. Moderati, reazionari, qualunquisti (1943-1948), Bologna, Il Mulino, 1996.

28 Andrea Riccardi, Il Partito romano nel secondo dopoguerra (1945-1954), Brescia, Morcelliana, 1983, p. 98-99.

29 Archives du Ministère des Affaires Étrangères (AMAE), dépêche de Jacques Maritain du 13 novembre 1946, Série Z (1944-1949), Italie, n. 237.

30 Jean-Dominique Durand, L’Église catholique dans la crise de l’Italie, op. cit., p. 625-629.

31 Francesco Malgeri, La sinistra cristiana (1937-1945), Brescia, Morcelliana, 1982 ; Carlo Felice Casula, Cattolici comunisti e sinistra cristiana (1938-1945), Bologna, Il Mulino, 1976.

32 Antonio Parisella, Gerardo Bruni e i cristiano-sociali, Roma, Edizioni del Lavoro, 1984.

33 AMAE, Série Z (1944-1949), Italie, n. 237, dépêche de Jacques Maritain, « Création d’un parti chrétien-national en Italie », 10 octobre 1946.

34 Jean-Dominique Durand, L’Église catholique dans la crise de l’Italie, op. cit.

35 Giancarlo Zizola, Il microfono di Dio. Pio XII, Padre Lombardi e i cattolici italiani, Milano, Mondadori, 1990 ; Jean-Dominique Durand, « Riccardo Lombardi, “Il microfono di Dio”, visto da un ambasciatore di Francia », Massimo Naro (a cura di), Amicitiae causa. Scritti in onore del vescovo Alfredo M. Garsia, San Cataldo, Centro Studi sulla Cooperazione Arcangelo Cammarata, 1999, p. 271-288.

36 Jean-Dominique Durand, « Il cattolicesimo italiano dopo la guerra. Un tempo di novità ? », Daniela Saresella e Giorgio Vecchio (a cura di), Mazzolari e il cattolicesimo prima del Concilio Vaticani II, Brescia, Morcelliana, 2012, p. 21-33.

37 AMAE, Série Z (1944-1949), Italie, n. 237, dépêche de Jacques Maritain, « A.S. du Vatican et de l’orientation de la Démocratie-Chrétienne vers la Droite », 16 janvier 1947.

38 « Le parti qui interprète la tendance la plus large et commune de notre pays » : Luigi Sturzo, « Il partito di centro », L’Italia, 12 décembre 1946 ; Luigi Sturzo, « Il travaglio di partiti », Il Popolo, 22 décembre 1946.

39 Giuseppe Rossini (a cura di), De Gasperi e l’età del centrismo (1947-1953), Roma, Edizioni Cinque Lune, 1984 ; Francesco Malgeri, La stagione del centrismo. Politica e società nell’Italia del secondo dopoguerra (1945-1960), Soveria Mannelli, Rubbettino, 2002.

40 Andrea Riccardi, Pio XII e Alcide de Gasperi, Roma-Bari, Laterza, 2003 ; Augusto D’Angelo, De Gasperi, le Destre e l’ « operazione Sturzo », Roma, Studium, 2020.

41 Pietro Di Loreto, La difficile transizione. Dalla fine del centrismo al centro-sinistra (1953-1960), Bologna, Il Mulino, 1993.

42 Pietro Scoppola, La repubblica dei partiti. Evoluzione e crisi di un sistema politico (1945-1996), Bologna, Il Mulino, 1997.

43 Sur l’évolution politique de l’Italie, parmi de nombreuses études : Pietro Scoppola, La repubblica dei partiti. Profilo storico della democrazia in Italia (1945-1990), Bologna, Il Mulino, 1991 ; Aurelio Lepre, Storia della Prima repubblica. L’Italia dal 1943 al 1998, Bologna, Il Mulino, 1999.

44 Selon l’expression de Giorgio Galli, Il bipartitismo imperfetto. Comunisti e democristiani in Italia, Bologna, Il Mulino, 1966.

45 Tiziana Maiolo, Tangentopoli, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2011.

46 Roberto Cartocci, Fra Lega e Chiesa. L’Italia in cerca di integrazione, Bologna, Il Mulino, 1994, p. 204.

47 Renzo Guolo, Chi impegna la Croce. Lega e Chiesa, Roma-Bari, Laterza, 2011.

48 Augusto Cavadi, Il Dio dei Leghisti. Si può essere cattolici e votare Lega ?, Torino, San Paolo, 2012.

49 Paolo Bertezzolo, Padroni a chiesa nostra. Vent’anni di strategia religiosa della Lega Nord, Bologna, EMI, 2011.

50 Antonio Gollini e Marco Valerio Lo Prete, Italia poca gente. Il Paese ai tempi del malessere demografico, Roma, Lluis University Press, 2019 ; Associazione Italiana per gli Studi di popolazione, Rapporto sulla popolazione. Sessualità e riproduzione nell’italia contemporanea, Bologna, Il Mulino, 2013.

51 Sur les transformations de l’Italie : Guido Crainz, Il Paese reale. Dall’assassinio di Moro all’Italia di oggi, Roma, Donzelli, 2012.

52 Giannino Piana, « I nuovi temi della morale », Elio Guerriero (a cura di), La Chiesa in Italia dall’unità ai nostri giorni, Cinisello Balsamo, San Paolo, 1996, p. 744-779.

53 Luca Ricolfi, « Il processo di secolarizzazione nell’Italia del dopoguerra : un profilo empirico », Rassegna Italiana di Sociologia, XXIX, 1988, p. 37-87.

54 Discours d’ouverture des travaux de la Settimana nazionale di aggiornamento pastorale, 22 septembre 1958 : Giovanni Battista Montini, Discorsi e scritti milanesi (1954-1963), Brescia, Istituto Paolo VI, 1997, p. 2319-2334 : « Est répandue parmi nous l’idée que l’Italie est encore un pays catholique, parce que, heureusement, la grande majorité de ses habitants reçoit encore le baptême ; mais on ne réfléchit pas assez à tous ceux qui ne vivent pas conformément à la dignité et à l’engagement moral que le baptême porte en lui. De nombreux curés, surtout en ville, se résignent à exercer leur ministère envers ceux qui fréquentent l’église, et souvent ce ministère satisfait leur zèle pastoral. Et les autres ? Combien sont-ils ? Nous manquons encore d’un bon système, efficace et sûr de statistique religieuse. Nos études de sociologie religieuse et pastorale sont encore rudimentaires. Pourtant nous devons reconnaître qu’une très grande part de nos fidèles sont infidèles ; que le nombre de ceux qui sont éloignés dépasse celui de ceux qui sont proches et que notre rayonnement pastoral, en de nombreux endroits, se rétrécit peu à peu ».

55 Franco Garelli, « La condizione del clero in Italia oggi », Centro di Orientamento Pastorale, 6 septembre 2019.

56 Giorgio Gracco, Per una storia dei santuari cristiani d’Italia : approcci regionali, Bologna, Il Mulino, 2002 ; Roberto P. Violi, Religiosità e identità collettive. I santuari del Sud tra fascismo, guerra e democrazia, Roma, Studium, 1996.

57 Roberto Cartocci considère que le Sud est la véritable Italie blanche, catholique : Geografia dell’Italia cattolica, Bologna, Il Mulino, 2011.

58 Padre Pio fut canonisé par Jean-Paul II en 2002 : Yves Chiron, Padre Pio le stigmatisé, Paris, Perrin, 2004.

59 Franco Garelli, La religione dello scenario, Bologna, Il Mulino, 1987 ; Franco Garelli, Chiesa e religione in Italia, Bologna, Il Mulino, 1991 ; Franco Garelli, Forza della religione e debolezza della fede, Bologna, Il Mulino, 1996.

60 Luca Diotallevi, Religione, Chiesa e modernizzazione : il caso italiano, Roma, Borla, 1999, p. 185.

61 Voir le numéro spécial de Vingtième Siècle. Revue d’histoire, « Italie : la présence du passé », dirigé par Marc Lazar, numéro 100, octobre-décembre 2008. En particulier les articles de Daniele Menozzi, « Les métamorphoses du religieux dans l’Italie républicaine », p. 155-165 et de Jean-Dominique Durand, « L’aventure fascinante de l’Église en Italie », p. 167-172.

62 Enzo Pace, « I movimenti religiosi nella società contemporanea », Quaderni di Sociologia, 1992, 2, p. 39-54 ; Enzo Pace, La nation italienne en crise, op. cit., p. 146-189 ; François Isambert, « La sécularisation interne du christianisme », Revue Française de Sociologie, 1976, n° 17, p. 573-589.

63 Guido Verucci, « Il dissenso cattolico in Italia », Studi Storici, janvier-mars 2002, p. 215-233 ; Daniela Saresella, « Il “dissenso” cattolico », Marco Impagliazzo (a cura di), La nazione cattolica, op. cit., p. 265-289.

64 Il est notamment l’auteur en 1967 de la fameuse Lettera a una professoressa.

65 Lorenzo Bedeschi, Obbedientissimo in Cristo… Lettere di don Primo Mazzolari al suo vescovo (1917-1959), Milano, Mondadori, 1972 ; Giorgio Campanini, Don Primo Mazzolari tra religione e politica, Bologna, Dehoniane, 1990 ; Arturo Chiodi (a cura di), Mazzolari. Nella storia della Chiesa e della società italiana del Novecento, Milano, Paoline, 2003.

66 Jean-Dominique Durand, « Catholiques et violence terroriste en Italie durant les années de plomb », Marc Lazar et Marie-Anne Matard-Bonucci (dir.), L’Italie des années de plomb. Le terrorisme entre histoire et mémoire, Paris, Autrement, 2010, p. 81-97.

67 Jean-Dominique Durand, « Jacques Maritain et l’Italie », Bernard Hubert (dir.), Jacques Maritain en Europe. La réception de sa pensée, Paris, Beauchesne, 1996, p. 13-85.

68 Mario Toso, Zbigniew Formella, Attilio Danese (a cura di), Emmanuel Mounier. Persona e umanesimo relazionale. Mounier e oltre nel Centenario della nascita, (1905-2005), Roma, LAS, 2005.

69 Andrea Riccardi, « Il caso religioso italiano », Marco Impagliazzo (a cura di), La nazione cattolica, op. cit., p. 21-38.

70 Liliana Ferrari, Una storia dell’Azione cattolica, Genova, Marietti, 1989, p. 246.

71 Ernesto Preziosi, Breve profilo storico dell’azione cattolica italiana, Roma, AVE, 1984, p. 63 ; Ernesto Preziosi, Il tempo ritrovato. I cattolici in Italia negli ultimi cent’anni, Bologna, EDB, 1987.

72 Site de l’Azione Cattolica Italiana.

73 Enzo Pace (a cura di), Le religioni nell’Italia che cambia. Mappe e bussole, Roma, Carocci, 2013 ; Franco Garelli, L’italia cattolica nell’Italia del pluralismo, Bologna, Il Mulino, 2006.

74 Maurizio Gentilini, Chiara Lubich. La via dell’unità. Tra storia e profezia, Roma, Città Nuova, 2019.

75 Salvatore Abruzzese, Comunione e Liberazione : identité catholique et disqualification du monde, Paris, Cerf, 1989 ; Massimo Camisasca, Comunione e Liberazione, Cinisello Balsamo, San Paolo, 2001-2005.

76 Andrea Riccardi, Sant’Egidio, Rome et le monde. Paris, Beauchesne, 1996.

77 La Repubblica, 17 octobre 2011 : « Les chrétiens sont devenus dans la société civile une masse critique, capable de vision et de réseaux vertueux pour contribuer au bien commun ».

78 Vincenzo Paglia, Essere cattolici. Dialoghi con Saverio Gaeta, Milano, Morcelliana, 2005.

79 Agostino Giovagnoli, La Repubblica degli italiani (1946-2016), Bari-Roma, Laterza, 2016, p. 172-197.

80 Enzo Pace, L’unità dei cattolici in Italia. Origini e decadenza di un mito collettivo, Milano, Guerini e Associati, 1995.

81 Ibid, p. 178-179.

82 Giovanni Cavera, « La diaspora démocrate chrétienne et les prodromes de la transformation de la représentation italienne au sein du Parti populaire européen », Pascal Delwit (dir.), Démocraties chrétiennes et conservatismes en Europe. Une nouvelle convergence ?, op. cit., p. 133-145.

83 Jean-Dominique Durand, « Italie : La Démocratie chrétienne entre décomposition et recomposition », Études, mars 1997, p. 305-315 ; Luigi Ceccarini, « La pluralité politique des catholiques », Confluences méditerranéennes, 2009/1, p. 103-116.

84 Sur cette évolution et cette vie politicienne intense marquée par le jeu des alliances et des ruptures difficiles à suivre des partis : Piero Ignazi, Il potere dei partiti. La politica in Italia dagli anni Sessanta a oggi, Bari-Roma, Laterza, 2002, p. 193-223.

85 Ibid, p. 224.

86 Emanuela Poli, Forza Italia : strutture, leadership e radicamento territoriale, Bologna, Il Mulino, 2001.

87 Jean-Paul II, Discours à l’Église italienne à l’occasion du IIIème Congrès ecclésial, Palerme, 23 novembre 1995, http://www.vatican.va/: « L’Église ne doit pas et n’entend pas s’impliquer dans le choix d’une formation politique, comme du reste elle n’exprime pas de préférences pour telle ou telle solution institutionnelle ou constitutionnelle, qui soit respectueuse de la démocratie authentique. Mais cela n’a rien à voir avec une “diaspora” culturelle des catholiques […] ou avec leur adhésion à des forces politiques et sociales qui s’opposent, ou ne sont pas assez attentives, aux principes de la doctrine sociale de l’Église sur la personne et sur le respect de la vie humaine, sur la famille, sur la liberté de l’école, la solidarité, la promotion de la justice et de la paix. Il est donc plus que jamais nécessaire de s’éduquer aux principes et aux méthodes d’un discernement non seulement personnel, mais aussi communautaire, qui permette aux frères de foi, bien que situés dans des formations politiques différentes, de dialoguer, en s’aidant mutuellement pour travailler en cohérence avec les valeurs communes professées ».

88 Sur la politique du cardinal Camillo Ruini : Guido Formigoni, Alla prova della democrazia. Chiesa, cattolici e modernità nell’Italia del ‘900, Trento, Il Margine, 2008, p. 243-259.

89 Camillo Ruini, Per un progetto culturale orientato in senso cristiano, Milano, Piemme, 1996 ; Giuseppe Angelini, Gianni Ambrosio e Antonio Marganti, Il Progetto culturale della Chiesa italiana e l’idea di cultura, Milano, Glossa, 2000.

90 Simona Colarizi e Marco Gervasoni, La tela di Penelope. Storia delle seconda Repubblica, Bari-Roma, Laterza, 2012, p. 135-137.

91 Andrea Tornielli, Carlo Maria Martini. Il profeta del dialogo, Milano, Piemme, 2012.

92 Carlo Felice Casula, Da credenti nella sinistra. Storia dei cristiano Sociali (1993-2017), Bologna, Il Mulino, 2017.

93 Agostino Giovagnoli, La Repubblica degli italiani, op. cit., p. 244-245.

94 Avvenire, 13 mai 2007.

95 « Nota dottrinale circa alcune questioni riguardanti l’impegno e il comportamento dei cattolici nella vita pubblica », 24 novembre 2011.

96 Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum Caritatis, 22 février 2007 ; Joseph Ratzinger-Benoît XVI, Libérer la liberté. Foi et politique, Paris, Parole et Silence, 2018.

97 Intervista concessa dal Santo Padre ai giornalisti durante il volo verso la Repubblica Ceca, 26 septembre 2009, http://www.vatican.va/: « Ce sont les minorités créatives qui déterminent l’avenir ».

98 Gianni Valente, « Dall’Action Française agli atei devoti », Andrea Riccardi (a cura di), Le Chiese e gli altri. Culture, religioni, ideologie e Chiese cristiane nel Novecento, Milano, Guerini e Associati, 2008, p. 411-428.

99 Jean-Dominique Durand, « L’aventure fascinante de l’Église en Italie », Art. cit.

100 Milano, Mondadori.

101 Agostino Giovagnoli, La repubblica degli italiani, op. cit., p. 272.

102 Forum delle Persone e delle Associazioni di ispirazione cattolica nel Mondo del Lavoro.

103 Il s’agit des ACLI (Associazioni cristiane Lavoratori Italiani), de la CISL (Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori), de la Compagnia delle Opere (association d’entreprises liées à Communion et Libération), de la COLDIRETTI (Confederazione Nazionale Coltivatori Diretti), CONFCOOPERATIVE (Confederazione Cooperative Italiane), CONFARTIGIANATO (organisation des micro et petites entreprises artisanales), du MCL (Movimento Cristiano Lavoratori).

104 « pour un engagement fécond des catholiques voué à la rénovation morale et civile de la politique nationale ».

105 La Repubblica, 17 octobre 2011 : « valeurs fondatrices et non négociables ».

106 Guillaume Delacroix, Le mystère Mario Monti. Portrait de l’Italie post-berlusconi, Paris, Plon, 2012.

107 Agostino Giovagnoli, La Repubblica degli italiani, op. cit., p. 299.

108 Alberto Melloni, Tutto e niente, op. cit., p. 110.

109 Piergiorgio Corbetta e Elisabetta Gualmini, Il partito di Grillo, Bologna, Il Mulino, 2013 ; Roberto Biorcio e Paolo Natale, Politica a 5 stelle. Idee, storia e strategie del movimento di Grillo, Milano, Feltrinelli, 2013.

110 Jean-Dominique Durand, « Religion et sécularisation », Marc Lazar (dir.), L’Italie contemporaine de 1945 à nos jours, Paris, Fayard, 2009, p. 345-369 ; Franco Garelli, « La religione in Italia », Silvano Burgalassi, Carlo Prandi, Stefano Martelli (a cura di), Immagini della religiosità in Italia, Milano, Franco Angeli, 1993, p. 185-198.

111 Alberto Melloni, Tutto e niente, op. cit., p. 67.

112 Carlo Ruzza, « Interculturalismo, società civile e la sfida populista all’Unione Europea », Sociologia, 2020, 1, p. 31-41.

113 Pape François, Encyclique Fratelli Tutti. Sur la fraternité et l’amitié sociale, 3 octobre 2020, n. 159.

114 Ilvo Diamanti e Marc Lazar, Popolocrazia, op. cit., p. 116-117.

115 Paolo di Motoli, « I cattolici a modo mio fedeli alla Lega », Il Manifesto, 20 avril 2011.

116 Entretien avec le père Antonio Spadaro, directeur de la revue, dans La Civiltà Cattolica, 19 septembre 2013, quaderno 3918, p. 449-477, L’Osservatore Romano, 21 septembre 2013 : « Nous ne pouvons pas insister seulement sur les questions liées à l’avortement, le mariage homosexuel et l’utilisation des méthodes de contraception. Cela n’est pas possible. Je n’ai pas beaucoup parlé de ces choses, et cela m’a été reproché. […] Nous devons trouver un nouvel équilibre, autrement même l’édifice moral de l’Église risque de tomber comme un château de cartes, de perdre la fraîcheur et le parfum de l’Évangile. La proposition évangélique doit être plus simple, profonde, rayonnante. C’est de cette proposition que viennent ensuite les conséquences morales ».

117 Francesco Giubilei, I riferimenti culturali della Lega di Salvini, Cesena, Historica Edizioni, 2018 ; Gianluca Passarelli e Dario Tuorto, La Lega di Salvini. Estrema destra di governo, Bologna, Il Mulino, 2018 ; Giampaolo Pansa, Il dittatore, Milano, Rizzoli, 2019. En français, Richard Heuzé, Matteo Salvini, l’homme qui fait peur à l’Europe, Paris, Plon, 2019.

118 Andrea Riccardi, « Il nazional-cattolicesimo, un pericolo per la Chiesa », Corriere della Sera, 10 décembre 2019 : « Quelque chose de profond survient dans l’Église : une partie des catholiques italiens n’accueille pas le message social du pape François mais cherche à être rassurée et se montre sensible à un catholicisme qui donne identité ».

119 Russell Ronald Reno, Return to the Strong Gods. Nationalism, Populism and the Future of the West, Washington, Regnery Publishing, 2019.

120 Famiglia Cristiana, 19 mai 2019 : « le chapelet brandi par Salvini et les sifflets de la foule contre le pape François, voilà le souverainisme fétichiste ».

121 Il Giornale, 19 mai 2019 : « Dieu est pour tous. Invoquer Dieu pour soi-même est toujours très dangereux ».

122 Il Messaggero, 20 août 2019 : « Celui qui a des responsabilités devrait éviter, pendant les meetings, d’accrocher aux slogans politiques, les symboles religieux. […] Ces comportements n’ont rien à voir avec le principe de liberté de conscience religieuse, ils sont plutôt des marques d’inconscience religieuse, qui risquent d’offenser les sentiments des croyants et en même temps, de masquer le principe de laïcité, trait fondamental de l’État moderne ».

123 « Il m’a enseigné l’humilité, un homme de prière et de souffrance. Un homme humble qui était proche des personnes et était très disponible » : www.rai.it.

124 Matteo Zuppi, Odierai il tuo prossimo come te stesso. Perché abbiamo dimenticato la fraternità. Riflessioni sulle paure del tempo presente, Casale Monferrato, Piemme, 2019.

125 « Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne. Vous ne me l’enlèverez pas » : La Croix, 23 septembre 2020.

126 Renato Mannheimer, La Lega Lombarda, Milano, Feltrinelli, 1991 ou Ilvo Diamanti, Bianco, Rosso, Verde... e azzurro. Mappi e colori dell’Italia politica, Bologna, Il Mulino, 2003. Presque caricatural de ce point de vue qui entend ignorer le facteur religieux, est l’étude de Giovanni Orsina, Il berlusconismo nella storia d’Italia, Roma, Marsilio, 2013, traduction française Le berlusconisme dans l’histoire de l’Italie, Paris, Les Belles Lettres, 2018, en particulier le chapitre 4, « L’électorat berlusconien », p. 191-228.

127 Andrea Riccardi, Vescovi d’Italia. Storie e profili del Novecento, Cinisello Balsamo, San Paolo, 2000, p. 5 ; Andrea Riccardi, Le politiche della Chiesa, Cinisello Balsamo, San Paolo, 1997, p. 62.

128 Enzo Pace, La nation italienne en crise, op. cit., p. 180.

129 Jean-Dominique Durand, L’Église catholique dans la crise de l’Italie, op. cit.

130 Jean-Dominique Durand, « Nell’orizzonte europeo », Marco Impagliazzo (a cura di), La nazione cattolica, op. cit., p. 519-534.

131 Adrien Candiard, La Croix. L’Hebdo, 19-20 décembre 2020, p. 10-16.

132 Marco Impagliazzo, « Lepanto versus Assisi : cristianesimo e islam », Andrea Riccardi, Il cristianesimo al tempo di papa Francesco, Bari-Roma, Laterza, 2018, p. 123-150.

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