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Le Concile Vatican II et le monde des religieux

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Christian Sorrel

L’événement conciliaire. Préparations et réalisations

La contribution des religieux canadiens à Vatican II

Portrait d’un groupe bigarré

Gilles Routhier

Volltext

1Si l’on dispose d’une photographie des évêques canadiens à Vatican II, on n’en a aucune rassemblant les religieux canadiens qui y participèrent. Il n’est du reste pas simple de recomposer ce groupe dont les membres sont non seulement répartis entre divers ordres religieux, mais appartiennent à divers rites, en plus d’être dispersés sur le vaste territoire canadien. De plus, leur participation au Concile s’échelonne de la phase préparatoire à la clôture. Ont-ils même été tous ensemble à Rome au même moment ? La chose est fort improbable. Ces hommes – car aucune religieuse canadienne n’a été appelée à titre d’auditrice – ne se distinguaient pas seulement par leur habit, mais également par leur orientation théologique, leur formation, leur expérience et leur appartenance générationnelle. À titre d’exemple, lors de la formation des commissions préparatoires, le 5 juin 1960, quatre Canadiens sont appelés à être consulteurs. Marcel Bélanger et Joseph Rousseau, tous les deux oblats de Marie-Immaculée, Grégory Baum et Marcel Dubois. Cette première fournée illustre la diversité des courants qui traversent alors la théologie canadienne et témoigne de la diversité des mouvements qui travaillent le catholicisme à la veille du Concile.

  • 1 Gregory Baum, That They May Be One. A Study of Papal Doctrine (Leo XIII-Pius XII), London, 1958 (tr (...)

2Ainsi, Grégory Baum, né à Berlin en 1923 d’une famille mixte (une mère juive et un père protestant) et arrivé au Canada en 1940 en provenance d’Angleterre, avait suivi d’abord une formation en mathématique et en physique (au Canada et aux États-Unis), avant de se joindre à l’ordre des Augustins et d’obtenir un doctorat en théologie (Fribourg) en 1956, après avoir soutenu une thèse sur l’unité chrétienne d’après la doctrine des papes de Léon XIII à Pie XII1. À l’opposé, on retrouve Marcel Bélanger, né au Québec en 1908 et dont une bonne partie de la formation se passe dans son environnement catholique et dans le cercle des Oblats de Marie-Immaculée qu’il joint à l’âge de vingt ans. Envoyé à l’Angelicum en 1932 pour y achever ses études, il resta tout le reste de sa vie marqué par ce catholicisme romain qu’il côtoya et forgé par la théologie thomiste comme on la lui avait alors enseignée. Son champ de prédilection n’était pas, comme le premier, les rapports entre juifs et catholiques, mais les questions mariales et les études thomistes. En effet, il avait été secrétaire de la section théologique de la Société thomiste de l’Université d’Ottawa et fondateur, au début des années 1950, de la Société canadienne d’études mariales. Du reste, la plupart de ses articles sont consacrés à la mariologie et au thomisme.

  • 2 Il a fréquenté le Centre de documentation et d’information liturgique de l’abbaye du Mont-César en  (...)

3Grégory Baum avait trente-sept ans lorsqu’il fut nommé consulteur au secrétariat pour l’unité des chrétiens, alors que Marcel Bélanger en avait cinquante lorsqu’il fut assigné à la commission théologique, sans doute largement en raison de son adhésion à la mariologie des privilèges. Pour ajouter à cette diversité, s’il en est besoin, Marcel Dubois, rédemptoriste, troisième religieux canadien à être nommé à une commission préparatoire, avait fréquenté le mouvement liturgique. Formé à Louvain et à Rome en droit canonique et en liturgie (1954-1956), il avait été par la suite membre et censeur de l’Académie pontificale de liturgie (1956). Il réalise un heureux mélange d’adhésion au mouvement liturgique2 et à la pensée romaine de l’époque.

  • 3 En 1960, il est aussi nommé membre de la commission pontificale pour la révision du Code de droit c (...)

4Enfin, Joseph Rousseau, lui aussi oblat de Marie-Immaculée, est durablement marqué par son parcours romain. En 1915, il est envoyé à Rome où il prononce ses vœux perpétuels en 1917, après avoir obtenu son doctorat en philosophie à l’Université grégorienne et avant d’entreprendre, toujours à la Grégorienne, un doctorat en théologie qu’il obtiendra en 1921. Ordonné prêtre à Rome le 18 décembre 1920, sa première obédience l’envoie au scolasticat de Rome, où il remplira la fonction de répétiteur ou d’aide aux scolastiques, tout en s’inscrivant à la faculté de droit canonique de l’Université Grégorienne. Il rentre à Ottawa en 1927, Romain accompli, après ces douze années d’expérience dans la Ville éternelle. Il restera fidèle à cette orientation romaine acquise au cours de cette période. Après quelques années passées au Canada, il est de retour à Rome comme procureur général de sa congrégation auprès du Saint-Siège. Il s’installe alors à Rome pour un quart de siècle. C’est au cours de cette période que le Père Rousseau est nommé membre d’une commission pontificale de la Congrégation des religieux qui s’intéresse à l’enseignement dispensé dans les maisons de formation. Le 26 janvier 1946, il est nommé consulteur de la Congrégation des séminaires et universités et, le 15 juillet 1947, consulteur de la Congrégation des religieux. C’est à ce titre qu’il prend une part active au congrès général sur les états de perfection tenu à Rome en 1950. À la suite de ce congrès, il est invité à réaliser quelque chose du même ordre au Canada. Le préfet de la Congrégation des religieux, le cardinal Valerio Valeri, nomme donc le Père Rousseau secrétaire général du congrès canadien des religieux. Revenu au Canada en 1960, il est aussitôt rappelé à Rome, puisque, le 2 juillet 1960, Jean XXIII le nomme secrétaire de la commission pontificale des religieux pour la préparation du Concile3. Il restera à Rome jusqu’en 1967. Philosophe, théologien et juriste, en plus d’être latiniste, il était sans doute Romain plus que Canadien, et autant la voix de la Congrégation des religieux à la commission que l’expression de la voix des évêques ou des religieux du monde entier. Né en 1893, il avait 67 ans lorsqu’il fut nommé à la commission préparatoire sur les religieux.

5Ces quatre photos à elles seules indiquent à souhait que nous n’avons pas affaire à un groupe homogène. Il est même à parier que Gregory Baum n’avait jamais eu contact avec Joseph Rousseau et que les deux seuls qui se connaissaient étaient Joseph Rousseau et Marcel Bélanger. Je n’ai du reste pas encore évoqué les religieux-évêques, ce qui ajouterait à cette diversité. Ce rapide parcours biographique permet également d’identifier les marqueurs qui distinguent les membres de ce groupe de religieux canadiens : l’ordre religieux auquel ils appartiennent, leur groupe générationnel, leur formation (discipline et lieu de formation), leur orientation intellectuelle, leur statut au Concile, leur sphère d’activité, et finalement le moment où ils entrent dans le processus conciliaire. C’est à partir de ces marqueurs que nous tenterons de reconstruire la photographie de famille et de faire apparaître le portrait bigarré des religieux canadiens à Vatican II.

Les familles religieuses

  • 4 Mgr Bonhomme (1889-1973, émérite depuis 1947), évêque titulaire de Tulana et vicaire apostolique du (...)
  • 5 Mgr Chimichella a été nommé en 1964 et sa participation au Concile est insignifiante. Je laisse de (...)
  • 6 Germain Lalande, intervention du 12 novembre 1964 dans Jean-Marie Tillard, Yves Congar (dir.), L’Ad (...)

6Parmi les évêques (ou vicaires apostoliques) canadiens participant au Concile, onze sont membres des Oblats de Marie-Immaculée. À leur nombre, il faut ajouter Léo Deschatelets (1899-1974), supérieur général, et Mgr Bonhomme, vicaire apostolique émérite4. Au plan numérique, ce groupe domine tous les autres. Malgré ce fait, si l’on considère que neuf sont vicaires apostoliques et un autre auxiliaire (bien que coadjuteur cum futura successione), cela ne laisse à ce groupe qu’un seul évêque résidentiel. Toutefois, ce sera sans doute le groupe le plus compact et le plus cohérent, peut-être le moins actif cependant, de tous les évêques religieux canadiens à Vatican II. En effet, ils résident tous à la maison généralice à Rome, se rencontrent quotidiennement, etc. Aucun d’entre eux cependant ne fut membre d’une commission conciliaire. On dénombre ensuite deux basiliens (Flahiff), dont l’un (Savaryn) appartient à l’Église ukrainienne (ruthène), deux rédemptoristes (Lussier et Hermaniuk), dont l’un appartient également à l’Église ukrainienne, un dominicain (Lemieux) et un servite de Marie (Chimichella5). À ce groupe, il faut ajouter un abbé nullius, Jérôme Weber, et Germain Lalande, supérieur général des Religieux de Sainte-Croix dont l’intervention sur la vie religieuse eut un véritable écho6. Ce dernier groupe est très hétéroclite et ses membres n’ont pratiquement rien en commun et il n’y a pas de véritables interactions entre eux au cours du Concile.

  • 7 Ses liens avec le Père Rousseau, qu’il assiste dans l’organisation du premier congrès religieux can (...)

7Le paysage est à peu près le même lorsque l’on considère la composition des commissions préparatoires. La congrégation des Oblats de Marie-Immaculée domine encore l’ensemble. On retrouve Marcel Bélanger à la commission théologique, Joseph Rousseau à la commission des religieux, à laquelle s’adjoint son confrère André Guay, le 31 janvier 19617. Outre ces trois oblats canadiens, on retrouve à la commission sur la liturgie un rédemptoriste et un basilien de Toronto, le Père V. Kennedy, et un Franciscain (G. Brisebois) à la commission pour la discipline des sacrements. À cela, il faut ajouter Baum au secrétariat pour l’unité des chrétiens. Hormis la participation du Père Rousseau à la commission sur les religieux et du Père Baum, leur rôle demeure insignifiant. En revanche, on ne compte que deux prêtres canadiens non religieux parmi les experts au cours de la phase préparatoire.

  • 8 Le 3 décembre 1962, le cardinal Bea nomme Baum consulteur au secrétariat pour l’unité des chrétiens
  • 9 À nouveau, je n’inclue pas dans ce groupe les membres des sociétés de vie apostolique. Cela conduit (...)

8À la veille de l’ouverture du Concile, le 28 septembre 1962, on ne retrouve que deux Canadiens dans la liste des 201 experts invités au Concile publiée par L’Osservatore Romano : les Pères Bélanger et Rousseau, tous deux oblats de Marie-Immaculée. Il faudra attendre que le secrétariat pour l’unité des chrétiens soit promu au rang de commission conciliaire pour que G. Baum soit nommé peritus au Concile8. On peut légitimement se demander à quoi est liée cette domination des oblats au cours de cette première période. La situation évoluera de manière significative par la suite. Non seulement Marcel Bélanger se distancera de plus en plus des travaux conciliaires, même s’il garde son statut de peritus jusqu’à la fin du Concile, mais les periti proposés par les évêques joueront un rôle plus important, surtout à partir de la troisième session. Parmi ceux-ci, on retrouve deux figures dominicaines importantes, Bernard Lambert et Jean-Marie Tillard9. L’Index peritorum des Acta Synodalia conduit à dresser le tableau suivant des periti canadiens. L’évolution la plus marquée se produit à la troisième session : I, II, III, IV – Gregory Baum, osa ; I, II, III, IV – Marcel Bélanger, omi ; I, II, III, IV – Joseph Rousseau, omi ; II, III, IV – André Guay, omi ; III, IV – Jacques Gervais, omi ; III, IV – Michaël Hryhyshyn, cssr ; III, IV – Bernard Lambert, op ; III, IV – Bernard Lonergan, sj ; III, IV – Jean-Marie Tillard, op.

La génération et la formation

  • 10 Le Père André Guay (1905-1981) représente une exception. Il obtiendra une licence en théologie et u (...)

9Le passage observé à la troisième session des oblats aux dominicains ne signifie pas seulement un changement de congrégation, mais également un changement de génération. Comme on l’a vu, les experts oblats ont tous été formés à Rome au cours du premier tiers du XXe siècle, période marquée par la crise moderniste et dominée par la scolastique des manuels10. À ce premier groupe de religieux oblats canadiens, il faut ajouter Jacques Gervais (1914-2011), nommé peritus à la troisième session, après avoir été membre de l’équipe de théologiens constituée par la Conférence épiscopale canadienne. Celui-ci étudia à Rome (1933-1936), d’abord à l’Angélique, et, plus tard, à la Grégorienne. À la question de savoir comment il vécut son expérience conciliaire, son biographe, Pierre Hurtubise, répond : « Il ne s’est jamais exprimé sur le sujet, mais un certain nombre d’indices permettent de penser que l’ancien Romain qu’il était, formé dans le moule de la néo-scolastique, fut quelque peu déconcerté par le virage considérable qu’annonçait Vatican II. »

  • 11 F. Pouliot, « Nécrologie », FBL, p. 4.
  • 12 « Le P. Bernard Lambert nous parle du problème œcuménique », La Croix, 17 juillet 1962.
  • 13 Déjà, en 1954, il écrit trois articles se rapportant à la question œcuménique dans La Revue dominic (...)
  • 14 « Je n’aurais pu le faire sans avoir eu davantage de contacts directs avec les chefs d’Église, des (...)

10À première vue, Bernard Lambert (1921-2004), qui fit ses études supérieures à Rome, a un parcours semblable à celui de ses confrères oblats. De son séjour romain de quatre années dont il revient en 1950 après avoir obtenu le lectorat et une licence en théologie à l’Angelicum, il n’évoque que deux souvenirs : d’abord, que « ses maîtres lui conseillent de poursuivre ses études en ecclésiologie11 » et ses temps de vacances passés à « connaître la Grande-Bretagne et ses traditions religieuses ou pour fréquenter les milieux œcuméniques en France ou en Belgique12 ». En effet, au cours des années 1950, alors que l’Église catholique regardait toujours d’un mauvais œil le mouvement œcuménique, Bernard Lambert, à l’instar de ses collègues dominicains de France, part à la rencontre et à la découverte de ses frères chrétiens, ce qui le met rapidement sur les chemins du monde. De retour au Canada, tout en poursuivant son enseignement à Ottawa, il consacre ses étés à réaliser plusieurs voyages d’études aux États-Unis entre 195413 et 1960, en particulier à New York, où il fréquente le Union Theological Seminary, un consortium de collèges protestants et de tradition réformée, l’Université jésuite Fordham et l’Université Columbia, de tradition anglicane. Ainsi, c’est à travers ses contacts et sa fréquentation des autres – et pas simplement par des études livresques – qu’il approfondit sa compréhension du protestantisme et de la Réforme, préparant ainsi de loin son ouvrage sur la question œcuménique14.

  • 15 La Croix, 17 juillet 1962.
  • 16 Lors de son décès, le premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, reconnaissait en lui le « père i (...)

11En 1959, l’année même où Jean XXIII annonce son intention de réunir un Concile œcuménique, Lambert quitte le couvent d’études des dominicains d’Ottawa pour venir habiter à la Maison Montmorency, en banlieue de Québec. Il y vient avec l’intention de mettre en chantier son ouvrage sur l’unité des chrétiens qu’il préparait de longue main. Pour lui, « l’annonce du Concile œcuménique par le Saint-Père et la liaison entre Renouveau et Unité étaient l’occasion de mettre au point le résultat de plusieurs années de recherche15 ». De plus, ce transfert le plonge dans un maelstrom qui va profondément l’influencer. Compagnon du Père Georges-Henri Lévesque, Bernard Lambert allait vivre les années effervescentes de la Révolution tranquille et du Concile en compagnie d’un des maîtres à penser de la Révolution tranquille16. Bernard Lambert en parlera en ces termes :

  • 17 « Père George-Henri Lévesque à la maison Montmorency » (Fonds Bernard Lambert, Archives dominicaine (...)

Et c’est ainsi que l’on vit rapidement cette maison devenir un foyer pour toute idée nouvelle qui accepterait de fréquenter les rives anciennes de notre Saint-Laurent que l’on découvrait de la terrasse de la Maison Montmorency. Congrès de partis politiques, rencontres de formation religieuse, réunions du Conseil de la vie française, syndicalistes, journées de sessions de célébration littéraire, rencontres de groupes d’affaires du Québec et même de l’étranger, colloques sur des thèmes axés sur les différents aspects de la Révolution tranquille, sessions de pastorale, journées pédagogiques, groupes d’étude et ateliers de gestion administrative. […] Rencontrant un jour le Père Lévesque, plusieurs années après qu’il eut quitté la Maison Montmorency […], je lui dis : “Ne pensez-vous pas, Père Lévesque, que durant quinze ou vingt ans, tout ou presque tout ce qui s’est agité de neuf au Québec, au plan profane ou religieux, politique ou ecclésial, catholique ou œcuménique, ancien ou nouveau, a fait un jour ou l’autre escale à la Maison Montmorency. C’est incroyable le nombre et la qualité des idées qui se sont exprimées en ce lieu. On cherche des mots pour le dire : vent du large, vision d’avenir, intuitions créatrices, effervescence des grands desseins, laboratoire des avenues nouvelles, carrefour de l’ancien et du nouveau, alliance du respect du passé et pourtant sentiment pressant qu’il fallait avancer17” ?

12Une fois arrivé à Québec, il poursuit ses recherches qui engagent de nouvelles rencontres et de nouveaux contacts. C’est ainsi qu’en 1960, il explore de nouveaux horizons : stage au Conseil œcuménique des Églises à Genève et à l’Institut œcuménique de Bossey, voyage d’étude dans les Balkans (en Yougoslavie) et en Grèce (notamment au Mont Athos), séjour au Moyen-Orient (au Liban, en Israël, en particulier à Jérusalem), au Patriarcat œcuménique de Constantinople et dans l’est de la Turquie, pour y rencontrer les Églises orthodoxes, y visiter les séminaires et les monastères et y mener des rencontres avec les chefs d’Églises. En 1962, c’est en Allemagne (Heidelberg) qu’il séjourne pour conduire des recherches sur les Églises luthériennes. Ainsi, il n’y a pas seulement un écart générationnel, mais également une grande différence de parcours. Le parcours de Bernard Lambert se rapproche davantage de celui de Grégory Baum, déjà évoqué, ou de celui de Jean-Marie Tillard. Il se caractérise, d’une part, par le dépassement de l’horizon romain qui absorbait, pour ainsi dire, celui de leurs aînés oblats. D’autre part, il est marqué par la rencontre avec les non-catholiques et le contact avec la « nouvelle théologie ».

13La même remarque vaut aussi pour les évêques. Marie-Joseph Lemieux (dominicain, évêque d’Ottawa), par exemple, a étudié à Oxford et a été missionnaire au Japon ; Maxim Hermaniuk a étudié à Louvain et connaît l’Orient chrétien ; Albert Sanschagrin a été missionnaire au Chili, engagé dans l’action catholique ouvrière, etc. Ce sont ces évêques qui sont les plus créatifs et les plus ouverts. Ce deuxième parcours m’incline à conclure que la formation, plus que l’appartenance à une famille religieuse, est déterminante. Cela se vérifie même chez les Oblats. Celui qui sort du lot, c’est finalement Sanschagrin qui se démarque par rapport à ses confrères.

Les statuts au Concile et les champs d’activité

14Au Concile, on peut distinguer quatre statuts : Père conciliaire, expert officiel, peritus privatus, minutante, participant au para-Concile à titre de théologien, de secrétaire de l’épiscopat ou chargé de communication.

Les Pères conciliaires

15Le statut le plus important est celui de Père conciliaire. Ce statut est accordé aux évêques, résidentiels ou titulaires, et aux supérieurs d’ordres religieux. On dénombre dix-sept évêques ou vicaires apostoliques canadiens qui participèrent au Concile. Un examen plus fin révèle que neuf étaient vicaires apostoliques dans les régions du nord du pays (Lacroix, Routhier, Dumouchel, Scheffer, Piché, Belleau, Leguerrier, O’Grady et Coubert), deux étaient évêques auxiliaires (Sanschagrin et Chimicella), dont l’un coadjuteur, un éparque (Savaryn) et un dernier, Maxim Hermaniuk, archéparque. À ce nombre il faut ajouter trois évêques résidentiels (Lemieux, Lussier et Jordan).

  • 18 The Second Vatican Council Diaries of Met. Maxim Hermaniuk, cssr (1960-1965), Leuven, Peeters, 2012
  • 19 À la première session, il intervint sur le message au monde et les schémas De Sacra liturgia, De Fo (...)

16À ce premier statut doit s’en ajouter un autre : celui de membre (ou non) d’une commission ou d’un organe conciliaire. Dans ce groupe, seul se démarque réellement Maxim Hermaniuk, membre de la commission théologique préparatoire et ensuite membre du secrétariat pour l’unité des chrétiens. Son rôle et son influence à Vatican II sont significatifs et de plusieurs ordres. Son journal témoigne de son engagement actif à travers des activités officielles (commissions ou interventions) aussi bien qu’à travers sa correspondance, ses rencontres (avec des membres du Concile, des experts ou des observateurs) ou réunions (Conférence épiscopale canadienne, groupes des évêques ukrainiens18). Il fut le véritable leader du groupe d’évêques ukrainiens participant au Concile. Il travailla à construire la cohérence de ce groupe, et c’est lui qui rédigea les textes publiés par ce groupe. Il plaida aussi pour la libération du métropolite Slipyi et pour la création d’un patriarcat ukrainien. Il se distingua surtout par son plaidoyer en faveur de la collégialité épiscopale (depuis la phase préparatoire) et sa proposition d’établir un synode permanent (synodos endemousa) autour du pape, sur le modèle de ce que l’on retrouve dans les Églises orientales. Ses interventions orales, toujours vigoureuses, ont été fort nombreuses19.

  • 20 Gilles Routhier, « Les vota des évêques des diocèses du Québec », dans Gilles Routhier (dir.), L’Ég (...)

17Le rôle de Marie-Joseph Lemieux, sans être très important, mérite d’être signalé. Celui-ci rédigea des vota qui se distinguent de l’ensemble de ceux de ses confrères, généralement convenus et pas toujours construits20. Il y abordait la question du renouveau liturgique, de la théologie du laïcat et des missions. La perspective ecclésiologique qui structure ces vota est renouvelée. Déjà lors de la rédaction de ses vota, il consulte quelques membres de son clergé et, en septembre 1962, il élargit cette consultation aux laïcs et aux prêtres de son diocèse. Au mois de juin 1960, il est nommé consulteur à la commission préparatoire sur les évêques et le gouvernement des diocèses et, en 1962, élu membre de la même commission. Son rôle dans cette commission n’est toutefois pas important. Il n’intervient pas in aula, se contentant de souscrire à deux interventions lors du débat sur le schéma XIII en 1964 et 1965.

18Léo Deschâtelets, supérieur général des Oblats, est nommé par Jean XXIII, en octobre 1962, à la commission conciliaire sur les missions. Son rôle y demeure négligeable. En plus d’une intervention écrite sur le chapitre IV du De Ecclesia le 31 octobre 1963, il fit une intervention in aula sur le De Episcopis le 7 novembre 1963. De plus, à la veille de l’ouverture de la troisième session, il signa la Nota riservata élaborée par le cardinal Larraona, adressée à Paul VI et à laquelle se sont associés principalement les membres du Coetus Internationalis Patrum. Cette Nota s’opposait au chapitre III de Lumen Gentium sur la collégialité. De même, au début de l’année 1965, avec cent dix autres Pères, il signa une pétition initiée par Mgr Marcel Lefebvre, au nom du même Coetus, afin d’obtenir des modifications au schéma De Divina Revelatione qui allait être soumis à la discussion au cours de la quatrième session. Cela indique une relative proximité – au moins sur certaines questions – avec ce courant de pensée.

  • 21 Raymond Martel, « Un évêque à Vatican II, Mgr Albert Sanschagrin », mémoire de maitrise, Université (...)
  • 22 XXVe congrégation générale (23 novembre 1962) lors du débat sur le De Instrumentis communicationis (...)
  • 23 CXXXIIIe congrégation générale (22 septembre 1965), AS IV/2, p. 36-39.
  • 24 Gilles Routhier, « Les vota des évêques… ».
  • 25 Ainsi Dumouchel, Lacroix, Piché, O’Grady et Routhier ont souscrit à l’intervention de Mgr Hyacinthe (...)
  • 26 Remarques écrites sur le De Ecclesia in mundo (10 novembre 1964, AS III/7, p. 349-351).

19La participation des autres religieux canadiens Pères conciliaires est relativement négligeable. On doit réserver une place à part à Mgr Sanschagrin qui, bien qu’il ne fût pas membre d’une commission, fit un travail exceptionnel d’animation pour mettre son diocèse en état de Concile et informer ses diocésains des travaux conciliaires21 et fit une intervention in aula22, ainsi qu’à A. Jordan qui fit également une intervention substantielle sur la famille23. Quant aux vicaires apostoliques, ils n’avaient en pratique pas le moyen de participer très activement au Concile. Du reste, ce sont eux qui, proportionnellement, ont le moins répondu à la consultation romaine au cours de la phase antépréparatoire24. La plupart se sont contentés de souscrire à des interventions, souvent faites par d’autres évêques oblats25. Un seul a parlé en son propre nom, Mgr Henri Routhier, vicaire apostolique de Grouard26, lequel fut par ailleurs proche du Coetus. Quant à la participation du vicaire apostolique émérite du Batusoland, Mgr Bonhomme, elle demeure marginale, à la lumière de son journal.

Les experts

  • 27 Jeune dominicain, celui-ci n’exerça pas une influence déterminante. Il ne fut membre d’aucune commi (...)

20Le deuxième statut est celui d’expert. Là encore, il faut distinguer entre le nombre et le poids ou l’influence. Il nous faut nous limiter ici à trois figures : Grégory Baum, Joseph Rousseau et Bernard Lambert. Ces trois figures se démarquent, car les contributions des autres demeurent finalement assez marginales (Guay, Lonergan, Bélanger, Gervais, Hryshysin, même Tillard27).

  • 28 Malgré son caractère encore embryonnaire, le texte rédigé par Baum proposait déjà les trois piliers (...)

21De G. Baum, retenons surtout la contribution à la rédaction du premier schéma sur les relations entre l’Église catholique et les juifs. Malgré l’évolution du texte au long du Concile, la structure du schéma qu’il rédigea est pratiquement la même que celle que l’on retrouve dans la déclaration finale28. En plus d’être peritus, Baum servit aussi comme membre de l’équipe de théologiens de l’épiscopat canadien à partir de la première intersession. Très actif, il déploya son activité dans plusieurs directions : il participa à quelques reprises aux ateliers avec les observateurs, donna des conférences, entretint des contacts avec la presse, etc. Il ne faut donc pas négliger son activité de communicateur et d’animateur et une activité éditoriale débordante, notamment dans Commonweal, où il livra ses impressions, et dans The Ecumenist, dont il fut le fondateur en octobre 1962. Il publia aussi plusieurs ouvrages sur les questions œcuméniques.

  • 29 Animadversiones ad Schema propositum. De statibus Evangelicae perfectionis adquirendae. Riccardo Bu (...)
  • 30 Antonino Indelicato, Difendere la dottrina o annunciare l’Evangelo. Il dibattito nella commissione (...)
  • 31 Carnets conciliaires de l’évêque de Namur A.-M. Charue, Louvain-la-Neuve, Faculté de théologie, 200 (...)

22De J. Rousseau, on retiendra sa participation à la commission sur les religieux, à titre de secrétaire. Au cours de la phase préparatoire, on retient ses observations écrites sur le schéma préparatoire29 et sa participation à la commission mixte De rationibus inter episcopos et religiosos praesertim quoad apostolatus opera exercenda30. En 1962, il est nommé secrétaire de la commission conciliaire. Philosophe, théologien et juriste, en plus d’être latiniste, il avait les qualités nécessaires pour participer à la rédaction de Perfectae Caritatis. C’était sans doute un homme qui préférait les choses sûres aux aventures. Certes, ce n’est pas lui qui avança les idées les plus novatrices, mais sa capacité de blocage a fait de lui un homme clé dans la rédaction de ce texte et celle du chapitre VI de Lumen Gentium sur la vie religieuse31.

  • 32 Gilles Routhier, « Le rôle joué par les periti canadiens à Vatican II », Cristianesimo nella storia(...)
  • 33 AAQ, 21 CM, vol. 11A.
  • 34 Giovanni Turbanti, Un Concilio per il mondo moderno. La redazione della costituzione pastorale “Gau (...)
  • 35 On trouve ce document dans plusieurs fonds d’archives des Pères conciliaires. Voir « L’Église dans (...)

23Enfin, Bernard Lambert a joué un rôle important non seulement comme peritus du cardinal Roy, mais également dans la rédaction de Gaudium et Spes32. Dès septembre 1963, il rédige des commentaires sur le schéma XVII : De Activa Praesentia Ecclesiae in mundo aedificando33, élaboré à Malines sous l’autorité du cardinal Suenens. Ce sera le début d’une longue et fructueuse collaboration avec l’archevêque de Québec, membre de la commission doctrinale34. Ses réflexions élaborées avec un groupe de professeurs de l’Université Laval devaient connaître une large diffusion parmi les Pères conciliaires. De fait, sa version la plus développée fut distribuée par le Centrum Coordinationis Communicationum de Concilio35. Ce travail influença probablement la rédaction du schéma au cours de la troisième intersession.

  • 36 Voir « Lettre de Bernard Lambert, op, sur des modifications à apporter au schéma sur l’Église dans (...)
  • 37 À cette époque, Congar relevait dans son journal les confidences du Père Lambert sur le difficile t (...)
  • 38 Lambert a fait plusieurs plans du chapitre : après une première hypothèse (1er novembre 1965, F-Hau (...)
  • 39 Naturellement, sa contribution à Vatican II comme peritus ne s’arrêtera pas là. Il s’intéressa en p (...)

24À partir de la quatrième session, Lambert sera membre de la sous-commission du chapitre 4, De Humana Navitate, présidée par Mgr Garrone. C’est à ce moment que le Père Lambert eut l’opportunité de fournir une contribution plus directe à l’élaboration du schéma. Le 14 octobre, lors d’une réunion de la commission centrale mixte, Lambert fit une courte intervention sur le chapitre traitant de l’activité de l’homme dans l’univers36. Or, au cours de cette période, la sous-commission responsable de la rédaction de ce chapitre, qui travaillait sous la direction du Père Smulders, se montra insatisfaite de son travail à la suite de son intervention à la commission mixte du 22 octobre 1965. Il s’avère que cette désapprobation résulte des observations du Père Lambert qui démontra que Smulders, sans l’approbation de la sous-commission, avait modifié de façon importante la cohérence du chapitre, en changeant l’ordre des paragraphes, en en fusionnant quelques-uns et en en réduisant substantiellement leur contenu. Son travail n’étant pas jugé favorablement par la commission mixte, Haubtmann demanda alors au Père Lambert de fournir une contribution plus directe au travail de cette sous-commission en remplaçant le Père Smulders comme rédacteur du chapitre, tâche qui n’était évidemment pas simple dans les circonstances37. À partir de cette date et jusqu’à la fin, Lambert travailla par la suite intensément à la nouvelle rédaction du chapitre. Il introduit des nouveautés significatives dans la structure du chapitre, car, à son avis, il fallait donner au chapitre une structure plus logique afin de le faire correspondre à l’intention générale du schéma38. L’accueil du chapitre fut en général favorable et les réactions négatives furent peu nombreuses. De plus, la polémique soulevée autour des questions sur le mariage, l’athéisme et la guerre occupant toute l’attention, on demanda très peu d’amendements au chapitre préparé par Lambert, si bien que le texte auquel il avait travaillé fut confirmé dans la version définitive de la constitution Gaudium et Spes39.

Minutanti, periti privati, secrétaires et communicateurs

  • 40 Il s’agit d’Edward Sheridan, sj (Jesuit Seminary, Willowdale, Ontario), Gregory Baum, osa (St. Mich (...)
  • 41 Pierre Hurtubise, Chroniques conciliaires. Vatican II tel que je l’ai expliqué aux lecteurs et lect (...)

25Il faut probablement ajouter un troisième cercle, qui est celui des minutanti, des experts en communication, membres des secrétariats, etc. Ici, les religieux canadiens sont nombreux. On retrouve d’abord, parmi les minutanti de la commission doctrinale, le Père Léo Laberge, omi. On retrouve ensuite un groupe de théologiens, periti privati de la Conférence des évêques du Canada. Créée au cours de la première intersession, cette équipe mise au service de tous les évêques du Canada compte, parmi ses vingt-quatre membres, dix religieux40. Finalement, on ne doit pas négliger tous ceux qui étaient engagés dans les communications dont le rôle a été considérable pour rendre le Concile proche de la population canadienne. Là aussi les religieux figurent en bonne place : François Régis, op, Émile Legault, csc, Pierre Hurtubise, omi, pour le journal Le Droit d’Ottawa41, Bernard Lambert, op, pour l’Action catholique de Québec et Jean-Marie Tillard pour Le Devoir de Montréal. Le tableau suivant donne un bon aperçu de la présence des religieux dans les médias au cours du Concile : 53 articles pour Heurtubise (8, 14, 19 et 12 pour chaque session), 61 pour Lambert (0, 17, 18 et 26), 18 pour Legault (2, 8, 2 et 6), 53 pour Tillard (0, 8, 17 et 28).

  • 42 Gilles Routhier, « Le réseau dominicain, vecteur de la réception de Vatican II au Canada », dans Gi (...)

26La présence multiforme des religieux canadiens au Concile est quantitativement importante. Elle est manifestement plurielle quant aux orientations idéologiques. On ne peut donc pas parler de manière générale des religieux canadiens à Vatican II. Malgré leur poids numérique important, leur influence, hormis quelques exceptions, n’est pas de première importance. Parmi les divers facteurs qui orientent les prises de position de chacun, l’itinéraire de formation et l’appartenance générationnelle semblent les plus déterminantes. Plus on a été romanisé, plus cela marque l’orientation des personnes. On peut conclure que Vatican II, s’il a d’abord accueilli parmi ses experts des figures proches des milieux romains, met graduellement en piste une génération montante issue de la périphérie. Si quelques évêques religieux ont eu une influence (Maxim Hermaniuk en est un exemple), ce sont davantage les travailleurs de l’ombre qui ont été les plus influents : ceux qui conseillaient les évêques, préparaient des interventions, tenaient la plume en commission. Surtout, il ne faut pas négliger ceux qui étaient actifs dans le domaine des communications. Ce sont eux qui ont favorisé la réception de Vatican II au Canada. J’ai montré que les dominicains avaient été un vecteur important au Québec42. D’autres études resteraient à faire pour examiner le rôle non négligeable joué par d’autres congrégations.

Anmerkungen

1 Gregory Baum, That They May Be One. A Study of Papal Doctrine (Leo XIII-Pius XII), London, 1958 (trad. franç., 1961).

2 Il a fréquenté le Centre de documentation et d’information liturgique de l’abbaye du Mont-César en 1954, participé à la semaine d’études de juillet 1954 et aux cours du mardi soir de l’abbaye, étudié en pastorale liturgique à l’Institut catholique de Paris (avril à septembre 1955), étudié en archéologie à l’Institut biblique de Jérusalem (mai à septembre 1956), etc. Par la suite, il enseigna la liturgie à l’Université d’Ottawa (Sedes sapientiae, 1957-1960), à l’Université Laval (1960-1963) et au grand séminaire de Montréal (1960-1964). Il fut membre de la commission de pastorale liturgique mise sur pied par l’Assemblée des évêques du Québec en 1957, membre de la section française de l’Office de droit canonique, de pastorale et de liturgie de la Conférence catholique canadienne (1959), membre de la commission nationale de liturgie (1965-1968) et de la commission de liturgie du diocèse de Montréal (1959-1978). Il a été directeur et rédacteur de la Documentation liturgique de 1957 à 1978.

3 En 1960, il est aussi nommé membre de la commission pontificale pour la révision du Code de droit canonique.

4 Mgr Bonhomme (1889-1973, émérite depuis 1947), évêque titulaire de Tulana et vicaire apostolique du Basutoland.

5 Mgr Chimichella a été nommé en 1964 et sa participation au Concile est insignifiante. Je laisse de côté les membres des sociétés de vie apostolique (Sulpiciens et Eudistes).

6 Germain Lalande, intervention du 12 novembre 1964 dans Jean-Marie Tillard, Yves Congar (dir.), L’Adaptation et la rénovation de la vie religieuse, Paris, Cerf, 1967. On retiendra également ses propositions d’amendements au n° 19 du décret sur l’apostolat des laïcs traitant de la relation entre prêtres et laïcs dans l’apostolat.

7 Ses liens avec le Père Rousseau, qu’il assiste dans l’organisation du premier congrès religieux canadien en 1960, sont très étroits. Ce congrès fonde la Conférence religieuse canadienne et le Père Guay devient le secrétaire exécutif de cet important organisme. De 1960 à 1966, il est appelé à demeurer à Rome à titre de procureur général auprès du Saint-Siège pour les Oblats et une quinzaine d’autres congrégations religieuses. On le nomme en même temps consulteur de la Congrégation des religieux et, par la suite, du Secrétariat pour les non-chrétiens, membre de la commission des instituts séculiers et secrétaire-adjoint de l’Union des supérieurs généraux.

8 Le 3 décembre 1962, le cardinal Bea nomme Baum consulteur au secrétariat pour l’unité des chrétiens.

9 À nouveau, je n’inclue pas dans ce groupe les membres des sociétés de vie apostolique. Cela conduit à exclure A. Naud qui joua un rôle important comme peritus du cardinal Léger.

10 Le Père André Guay (1905-1981) représente une exception. Il obtiendra une licence en théologie et une autre en philosophie (1929), avant de se former en droit canonique (doctorat, 1940). Il est le seul du groupe à ne pas avoir une formation romaine après la formation au scolasticat des Oblats.

11 F. Pouliot, « Nécrologie », FBL, p. 4.

12 « Le P. Bernard Lambert nous parle du problème œcuménique », La Croix, 17 juillet 1962.

13 Déjà, en 1954, il écrit trois articles se rapportant à la question œcuménique dans La Revue dominicaine : « À propos de la controverse autour du film M. Luther », « Church Unity and World Unity », « L’unité de l’Église importe à l’unité du monde ». On pourrait éventuellement situer sous cette rubrique son article « Lecture de la Bible et les laïques » publié la même année dans la même revue.

14 « Je n’aurais pu le faire sans avoir eu davantage de contacts directs avec les chefs d’Église, des théologiens et des pasteurs des autres communions chrétiennes » (La Croix, 17 juillet 1962). Voir Le Problème œcuménique, Paris, le Centurion, 1962.

15 La Croix, 17 juillet 1962.

16 Lors de son décès, le premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, reconnaissait en lui le « père intellectuel d’un grand nombre d’acteurs de la Révolution tranquille ». « Il a formé, ajoutait-il, plusieurs personnes qui ont contribué à faire entrer le Québec dans la modernité. » Il n’est pas surprenant que plusieurs titres d’ouvrages consacrés au Père Lévesque l’associent à la Révolution tranquille. Voir les films de Pierre Valcour, « Les origines de la Révolution tranquille. L’Université au pouvoir », SRC, 1974 et J. Roy, « Les réformateurs », Télé-Québec, 2003 et le livre de R. Parisé, Georges-Henri Lévesque, père de la Révolution tranquille, Montréal, Stanké, 1976.

17 « Père George-Henri Lévesque à la maison Montmorency » (Fonds Bernard Lambert, Archives dominicaines, désormais FBL).

18 The Second Vatican Council Diaries of Met. Maxim Hermaniuk, cssr (1960-1965), Leuven, Peeters, 2012.

19 À la première session, il intervint sur le message au monde et les schémas De Sacra liturgia, De Fontibus revelationis, De Ecclesiae unitate et De Ecclesia ; à la deuxième, sur le De Ecclesia, le De Episcopis et le De Oecumenismo ; à la troisième sur le De Ecclesia in mundo huius temporis, le De apostolatu laicorum, le De activitate missionali Ecclesiae ; à la quatrième sur le De libertate religiosa et à nouveau sur le De Ecclesia in mundo huius temporis et le De activitate missionali Ecclesiae.

20 Gilles Routhier, « Les vota des évêques des diocèses du Québec », dans Gilles Routhier (dir.), L’Église canadienne et Vatican II, Montréal, Fides, 1997, p. 25-60.

21 Raymond Martel, « Un évêque à Vatican II, Mgr Albert Sanschagrin », mémoire de maitrise, Université Laval, 1999 et « Les nombreuses rencontres d’évêques par Mgr Albert Sanschagrin, omi, à Vatican II », dans Gilles Routhier (dir.), Évêques du Québec (1962- 1965). Entre Révolution tranquille et aggiornamento conciliaire, Québec, Université Laval, 2002, p. 12-18.

22 XXVe congrégation générale (23 novembre 1962) lors du débat sur le De Instrumentis communicationis sociali, AS II/3, p. 427-429.

23 CXXXIIIe congrégation générale (22 septembre 1965), AS IV/2, p. 36-39.

24 Gilles Routhier, « Les vota des évêques… ».

25 Ainsi Dumouchel, Lacroix, Piché, O’Grady et Routhier ont souscrit à l’intervention de Mgr Hyacinthe Thiandoum sur le De ministerio et vita (26 octobre 1965, AS, IV/5, p. 502-504), Leguerrier a souscrit à l’intervention de Mgr Guerry sur le De apostolatu laicorum (13 octobre 1964, AS, III/4). Jean-Louis Coudert, Jules Leguerrier, Joseph Bonhomme, Paul Piché, Lionel Scheffer et Marc Lacroix ont souscrit à l’intervention de Mgr Joseph van Melckebeke, évêque de Nimsciianus, sur le De activitate missionali (9 novembre 1964, AS, III/6, p. 635-641). Anthony Jordan, Lionel Scheffer, Fergus O’Grady et Paul Piché ont souscrit à l’intervention de Mgr Joseph Ritter sur le De matrimonii sacramento (20 novembre 1964, AS III/8, p. 629-631) ; souscriptions à l’intervention de Mgr Gérald-Marie Coderre sur le De Ecclesia in mundo huius temporis (28 octobre 1964, AS III/5, p. 728-730) : Ls-Ph. Lussier, Jean-Louis Coudert, M-Joseph Lemieux, Henri Routhier, Albert Sanschagrin, Lionel Scheffer. John O’Grady, Marc Lacroix, Lionel Scheffer, Jules Leguerrier, Paul Dumouchel, Joseph Bonhomme, Albert Sanschagrin, Henri Routhier ont souscrit à l’intervention du cardinal Léger sur le De libertate religiosa (23 septembre 1964, AS III/2, p. 359-360).

26 Remarques écrites sur le De Ecclesia in mundo (10 novembre 1964, AS III/7, p. 349-351).

27 Jeune dominicain, celui-ci n’exerça pas une influence déterminante. Il ne fut membre d’aucune commission. Il rédigea cependant quelques interventions pour des évêques canadiens et contribua surtout dans les ateliers que ceux-ci organisaient à Rome pour étudier les différents schémas sur lesquels ils étaient appelés à se prononcer. De plus, il rédigeait des textes sur le Concile pour le quotidien montréalais Le Devoir.

28 Malgré son caractère encore embryonnaire, le texte rédigé par Baum proposait déjà les trois piliers qui allaient définir la structure interne de la section de religione judaica dans la déclaration définitive : le lien profond entre l’Église et le peuple d’Israël, le rejet du préjugé selon lequel le peuple juif est un peuple rejeté de Dieu et, enfin, l’espérance de la réconciliation finale entre juifs et chrétiens qui s’accompagne de la condamnation de toute forme d’antisémitisme. Mauro Velati, Dialogo e rinnovamento. Verbali e testi del segretario per l’unità dei cristiani nella preparazione del Concilio Vatican II (1960-1962), Bologna, Il Mulino, 2011.

29 Animadversiones ad Schema propositum. De statibus Evangelicae perfectionis adquirendae. Riccardo Burigana, « Progetto dogmatico del Vaticano II : la commissione teologica preparatoria (1960- 1962) », dans Giuseppe Alberigo, Alberto Melloni (dir.), Verso il Concilio Vaticano II (1960-1962), Genova, Marietti, 1993, p. 175.

30 Antonino Indelicato, Difendere la dottrina o annunciare l’Evangelo. Il dibattito nella commissione centrale preparatoria del Vaticano II, Genova, Marietti, 1992, p. 277.

31 Carnets conciliaires de l’évêque de Namur A.-M. Charue, Louvain-la-Neuve, Faculté de théologie, 2000.

32 Gilles Routhier, « Le rôle joué par les periti canadiens à Vatican II », Cristianesimo nella storia, 43/1, 2013, p. 201-235.

33 AAQ, 21 CM, vol. 11A.

34 Giovanni Turbanti, Un Concilio per il mondo moderno. La redazione della costituzione pastorale “Gaudium et Spes” del Vaticano II, Bologna, Il Mulino, 2000 et « La contribution canadienne à l’élaboration de Gaudium et Spes », dans Gilles Routhier (dir.), Vatican II au Canada. Enracinement et réception, Montréal, Fides, 2001, p. 378-426.

35 On trouve ce document dans plusieurs fonds d’archives des Pères conciliaires. Voir « L’Église dans le monde actuel. Rapport du comité de consultation, composé de clercs et de laïcs, présidé par Son Exc. Mgr Maurice Roy, archevêque de Québec. Bernard Lambert, op, secrétaire, expert du Concile », octobre 1964. Ce texte de 17 pages a été distribué à des centaines d’exemplaires et publié, sous forme abrégée (5 pages), par le Centrum Coordinationis Communicationum de Concilio (document 48).

36 Voir « Lettre de Bernard Lambert, op, sur des modifications à apporter au schéma sur l’Église dans le monde de ce temps » (AAQ 21 CM, vol. 11).

37 À cette époque, Congar relevait dans son journal les confidences du Père Lambert sur le difficile travail en sous-commission : « Le Père Bernard Lambert, qui travaille avec Haubtmann à la révision rédactionnelle du schéma XIII (surtout pour le ch. III de la 1ère partie, dont Smulders avait donné une rédaction insatisfaisante, dans un ordre non satisfaisant), a fait la même constatation attristée que moi. On s’est fatigué à préparer des interventions pour des évêques ; ceux-ci ont accepté de les donner. Finalement, ils ne l’ont pas fait ; de sorte qu’on n’a pas de base, en commission, pour introduire telle idée. On ne peut l’introduire que si au moins un Père le demande. On passe donc par un Père, on met du temps à lui faire un texte... Et il n’en fait rien » (Mon Journal…, t. 2, p. 460).

38 Lambert a fait plusieurs plans du chapitre : après une première hypothèse (1er novembre 1965, F-Haubtmann 1972) plus proche de la rédaction discutée dans l’aula, qui recelait quelques éléments d’incohérence logique, il avait donné un plan plus articulé de 9 paragraphes (4 novembre, F-Haubtmann 1982).

39 Naturellement, sa contribution à Vatican II comme peritus ne s’arrêtera pas là. Il s’intéressa en particulier aux questions ecclésiologiques, travailla plus spécialement la question du rapport entre l’Église locale et l’Église universelle, préparant sur ce sujet un projet d’intervention que n’a pas cru opportun de faire l’archevêque de Québec. De même, au cours de la même session, il rédigea une réflexion intitulée « Qu’est-ce qu’un laïc ? » Enfin, à la troisième session, il analysa les schémas soumis aux Pères, soumettant à Mgr Roy ses observations sur le schéma De Missionibus (date incertaine) et, le 22 juin 1964, il lui fit suivre ses remarques sur l’unité de l’Église.

40 Il s’agit d’Edward Sheridan, sj (Jesuit Seminary, Willowdale, Ontario), Gregory Baum, osa (St. Michaels College, Toronto), J. T. Forestell, csb (St. Basil’s University, Toronto), Jacques Gervais, omi (Séminaire Universitaire, Ottawa), Michael Hrynchyshyn, cssr, Jules Paquin, sj (scolasticat jésuite de l’Immaculée Conception, Montréal), Gaston Fontaine, cric (Montréal), Cantius Matura, ofm (Studium de théologie, Montréal), Marcel Bélanger, omi (Université d’Ottawa), Roger Guindon, omi (Centre Sedes Sapientiae, Ottawa).

41 Pierre Hurtubise, Chroniques conciliaires. Vatican II tel que je l’ai expliqué aux lecteurs et lectrices du journal Le Droit 1962-1965, Leuven, Peters, 2014.

42 Gilles Routhier, « Le réseau dominicain, vecteur de la réception de Vatican II au Canada », dans Gilles Routhier (dir.), L’Église…, p. 385-408.

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