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Les sources du Sacré

 | 
Caroline Muller
, 
Nicolas Guyard

Le religieux et l’anthropologie historique

Les reliques à l’époque moderne : objets, pratiques et dévotions

Nicolas Guyard

Texte intégral

  • 1 Voir notamment Philippe Boutry, Pierre Antoine Fabre et Dominique Julia, Rendre ses vœux : les iden (...)
  • 2 Sur les processions voir par exemple Philippe Martin, Les chemins du sacré : paroisses, processions (...)
  • 3 Voir notamment Isabelle Poutrin, Le voile et la plume : autobiographie et sainteté féminine dans l’ (...)
  • 4 Olivier Christin, Les yeux pour le croire : les Dix commandements en images, xve-xviiie siècle, Par (...)
  • 5 Xavier Bisaro, Une Nation de Fidèles. L’Église et la liturgie parisienne au xviiie siècle, Turnhout (...)
  • 6 Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces deux bilans ont été rédigés par deux historiens médiéviste (...)
  • 7 Sur l’affrontement théologique, voir Stéphane Boiron, La Controverse née de la querelle des relique (...)

1 Les études consacrées aux reliques à l’époque moderne se multiplient depuis une dizaine d’années. Cet essor remarquable traduit une inflexion historiographique, entamée au début des années 1990 par les grandes enquêtes collectives du Centre d’Anthropologie Religieuse Européenne (CARE) sur certaines pratiques religieuses de l’époque moderne, comme les pèlerinages1. Cette réévaluation générale du catholicisme moderne occidental a été poursuivi par une génération d’historiens et d’historiennes autour de la question des pratiques collectives2 et individuelles3, de la sensibilité et de la perception4, des rites et des savoirs religieux5. Les reliques sont sans doute un des derniers points à bénéficier de ce renouvellement. Les derniers bilans historiographiques consacrés aux corps saints témoignent de la prédominance quantitative et qualitative des études médiévales sur la question6. Cette relative absence s’explique par le poids de la rupture des réformes protestantes, qui auraient contribué à désacraliser et à discréditer les reliques au sein du monde catholique. Chronologiquement, c’est donc leur charge polémique qui a été étudiée par les historiens, à travers la thématique de l’affrontement, depuis les arguments théologiques jusqu’aux différents iconoclasmes du xvie siècle7.

  • 8 Ces deux expressions de Marc Venard sont citées dans Bruno Restif, La révolution des paroisses : cu (...)
  • 9 Pour un bilan historiographique et épistémologique sur ce problème du désenchantement, je renvoie à (...)
  • 10 La question des reliques et de la gestion du sacré n’est pas abordé dans Bruno Restif, La révolutio (...)

2Ces études expliquent largement la perception de la place des reliques dans le processus de la réforme catholique. Jusqu’au début des années 2000, elle a été pensée comme représentative d’une transformation structurelle et mentale profonde des comportements catholiques. Certains auteurs ont insisté sur cette progressive transition d’une religion médiévale magique vers une foi marquée par le sceau de la raison8. Une telle vision du catholicisme moderne, prolongement de la question wébérienne du désenchantement du monde9, ne laisse que peu de place aux reliques, considérées comme un emblème d’un monde médiéval en voie de disparition10.

  • 11 Philippe Boutry, Pierre Antoine Fabre et Dominique Julia (éd..), Reliques modernes : cultes et usag (...)
  • 12 Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle (dir.), Reliques romaines. Invention et circulation des (...)
  • 13 Dans ma thèse, j’ai pu constater que dans les villes de Lyon, Metz, Rouen et Toulouse, le nombre de (...)
  • 14 Voir notamment Ulrike Strasser, « Bones of contention : cloistered nuns, decorated relics, and the (...)
  • 15 Voir par exemple Pascal Julien, D’ors et de prières : art et dévotions à Saint-Sernin de Toulouse, (...)

3 Il a fallu deux grandes enquêtes du CARE dans les années 2000 pour que la place des corps saints soit définitivement réévaluée. La première a posé un cadre global, interrogeant l’ampleur du phénomène et des pratiques dans le monde catholique moderne, que ce soit autour de querelles théologiques, d’affrontements confessionnels souvent violents, de constructions identitaires ou des activités missionnaires11. Cette enquête a permis de faire émerger une chronologie, encadrée par deux moments de conflits polémiques et de destructions : l’émergence des réformes protestantes et la Révolution française. La longue période qui s’étend entre ces deux moments doit être appréhendée comme un temps de reconstruction sacrale, se concluant schématiquement par une recharge polémique, notamment autour des critiques des Lumières au xviiie siècle. La seconde enquête interroge précisément ces xviie et xviiie siècles autour d’une diffusion très spécifique et jusque-là relativement méconnue : les reliques des martyrs des catacombes de Rome. La (re)découverte du réseau catacombaire romain par des ouvriers travaillant sur la Via Salaria en 1578 marque le début d’une intense diffusion de reliques depuis Rome, dans l’ensemble de la catholicité, jusqu’au milieu du xixe siècle12. L’importance quantitative de cette diffusion fait des xviie et xviiie siècles un âge d’or des reliques, temps fort des circulations des corps saints13. Au-delà de ce constat, cette enquête a surtout insisté sur l’aspect social de la circulation des reliques, bien au-delà de l’aspect dévotionnel. La plupart des enquêtes locales ont en effet montré que les reliques des catacombes de Rome ne connaissaient que très rarement une postérité dévotionnelle dans leur sanctuaire d’arrivée. Pourtant, elles étaient très recherchées, au cœur de processus d’échanges souvent complexes qui multiplient les acteurs et la production d’archives. Cette importance du versant social de l’objet, constatable dans la bibliographie récente consacrées aux reliques à l’époque moderne, pose la question de la place dévotionnelle des corps saints dans le système spirituel catholique post-tridentin14. Si certaines études ont montré la créativité de certaines structures ecclésiastiques en matière de valorisation de cultes reliquaires spécifiques15, il reste encore largement à évaluer le rôle et la place des reliques dans le catholicisme moderne, notamment en comparaison avec les dévotions mariales et au Saint-Sacrement.

  • 16 Sur ce terme d’insignation, voir Ole Riis et Linda Woodhead, A sociology of religious emotion, Oxfo (...)
  • 17 Sur la normalisation de cette production archivistique ecclésiastique à partir de la fin du xvie si (...)
  • 18 Sur cette notion de biographie d’objet, voir l’article fondateur d’Igor Kopytoff, « The Cultural Bi (...)

4Je propose donc dans cet article de réfléchir à ce lien entre l’objet dévotionnel et l’objet social à travers la problématique de la consécration. Les reliques ne sont pas des objets par essence sacrés. Leur sacralité provient de processus d’insignation de significations sacrales, issus de dispositifs à la fois matériels et sociaux16. Le processus de consécration permet donc à la fois une singularisation de restes humains à travers un parcours biographique jalonné, pour l’époque moderne, d’une documentation archivistique17, encadrant la question de l’authenticité et des circulations18. L’étude de ce processus spécifique permet ainsi de préciser la place des reliques dans le catholicisme moderne, soulignant toute une série d’interactions entre laïcs et clercs, entre profane et sacré, entre valeur sociale et valeur dévotionnelle. Je suivrai ce parcours biographique des reliques, depuis leur production jusqu’à leur arrivée dans un sanctuaire, m’appuyant principalement sur des exemples français des xviie et xviiie siècles, issus de mon travail de thèse.

Production et sacralisation des reliques à l’époque moderne

  • 19 Il existe une étude anthropologique pour le catholicisme contemporain sur cette question de la prod (...)
  • 20 Sur le contexte canonique autour des reliques à l’époque médiévale, voir Nicole Herrmann-Mascard, L (...)
  • 21 Voir son édition dans Giuseppe Alberigo (éd.), Les conciles œcuméniques. Vol. II-2, les décrets de (...)
  • 22 Voir par exemple Nicole Lemaitre, « Des corps à voir et à toucher : les reliques des paroisses du R (...)
  • 23 Le format de l’authentique romain imprimé est souvent repris et imité dans le cadre d’autres circul (...)

5La production des reliques est une expression qui désigne ici le processus qui transforme des restes ou artefacts humains en objets sacrés19. Tout au long de la période médiévale, ce processus de production des reliques relève de plus en plus de l’engagement d’une autorité ecclésiastique, qu’elle soit pontificale ou épiscopale20. Cet engagement se traduit principalement par une production documentaire, d’abord manuscrite, puis progressivement imprimée à partir des années 1630, qui accompagne les corps saints, certifiant de leur sacralité. Cette définition canonique et administrative prend progressivement le pas sur une définition largement empirique et locale. Les critiques des réformateurs au xvie siècle jouent sans nul doute un rôle d’accélérateur, entériné par le décret tridentin intitulé « décret sur l’invocation, la vénération et les reliques des saints et sur les saintes images », qui formalise cette association entre authenticité et norme documentaire21. L’engagement de cette autorité ecclésiastique se traduit également, à partir de la fin du xve siècle, par des pratiques de contrôle, en particulier lors des visites pastorales22. Si ce cadre canonique de plus en plus normalisé participe à la production de sacré, il est complété par une autre forme de consécration, qui confère une signification sacrale aux reliques23.

  • 24 Voir à ce sujet Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle, « Introduction » dans Stéphane Baciocch (...)
  • 25 Roma Sotterranea, opera postuma di Antonio Bosio, ... compiuta, disposta et accresciuta dal P. Giov (...)

6Cette production de sens est chronologiquement liée au contexte local de production, visant à établir une première représentation de la sainteté en présence des reliques. Dans le cas de la diffusion des reliques des martyrs des catacombes de Rome, la signification originelle est donc une construction romaine, qui renvoie à la fois à une dimension historique et sainte à travers le thème du martyre24. Cet ensemble signifiant s’inscrit dans la dynamique plus générale de diffusion de l’image de Rome, notamment autour de l’œuvre d’Antonio Bosio, publiée au milieu du xviie siècle25. La diffusion de ces reliques participe ainsi à la promotion plus générale d’un catholicisme à la fois romain et universel, qui fait des premiers temps du christianisme la matrice originelle et originale de la sainteté.

  • 26 D’autres lieux à l’époque moderne sont d’intenses producteurs de reliques, notamment Cologne autour (...)
  • 27 Sur les miracles liés aux tentatives de destructions protestantes, voir Nicolas Balzamo, Les miracl (...)

7Au-delà de cet exemple romain, dont l’importance quantitative de la diffusion par les autorités pontificales témoigne d’une forme d’évidence signifiante, d’autres lieux productions de reliques aux xviie et xviiie siècles permettent d’appréhender ce processus de consécration initial. Le cas des reliques des martyrs des catacombes de Lyon illustre à une autre échelle la fabrique du sacré26. Cette mise en signification débute dans le premier tiers du XVIIe siècle au moment de la reconstruction de l’église Saint-Irénée qui abrite le principal puit d’où sont extraites ces reliques. La dimension confessionnelle est d’emblée présente dans ce contexte de fabrication du sens, comme le souligne Nicolas Nivon dans un ouvrage publié en 171327 :

  • 28 Nicolas Nivon, Voyage du Saint Calvaire sur la Montagne des Martyrs de Lyon à Saint-Irénée, Lyon, J (...)

Un frater chirurgien calviniste demeurant à S. Irénée, descendit un jour dans l’église basse, ayant trouvé le puit des martyrs ouvert, où l’on prend de la terre par dévotion, voulant faire le même, mais par dérision, ayant la tête panchée dans ledit puit, il ne put s’en retirer quelque effort qu’il fit, comme s’il y avait été cloué ; Mr. Boutelier, pour lors Vicaire à S. Irénée, étant descendu à ladite église basse & voyant ce malheureux immobile, l’exhorta à se convertir, en changeant de religion, ce qu’ayant promis, ledit sieur Vicaire revêtu d’un surplis & de l’étole la mit entre ses mains, faisant quelques prières sur ce prophanateur, qui fut délivré28.

  • 29 Olivier Christin, Une révolution symbolique, op. cit., p. 134-138 ; Denis Crouzet, « Sur le désench (...)

8Ce rappel de miracles dans la lignée de l’iconoclasme protestant permet de mobiliser le thème du double martyre, qui réactualise la sainteté lyonnaise antique dans le cadre des guerres de religion29. Les reliques des martyrs lyonnais témoignent du renouvellement des violences à leur égard :

  • 30 Nicolas Nivon, Voyage du Saint Calvaire sur la Montagne des Martyrs de Lyon à Saint-Irénée, op. cit (...)

Je ferai remarquer qu’après l’horrible désolation que les Calvinistes firent à l’église de S. Irénée, Mrs du chapitre firent ordonner à Mr. Le procureur du Roy de venir faire son verbal, ce qui fut executé dans lequel il est expressement marqué, comme je l’ai lu, que les hérétiques avaient par une malice diabolique pris des ossements de bêtes dans les fossés de la ville, qu’ils avaient mêlé avec ceux des martyrs de l’église basse, après en avoir rompu le pavé et foulé aux pieds ces précieuses reliques […] cela étant, lorsqu’on fit ladite ouverture j’étois toujours présent, & m’apercevant de quelques ossemens prophanes, mêlés avec les ossements tirés de l’église basse, je les en retirai ; cela fait clairement connaitre que c’est la véritablement les ossements des saints martyrs, qui furent enterrés par S. Zacharie, lorsqu’il mit dans le puits tout ce qu’il en pu contenir30.

  • 31 Voir la notice succincte consacrée à ce personnage dans Nicolas Petit, Prosopographie génovéfaine : (...)

9Ce chanoine Nivon joue un rôle prépondérant dans le première tiers du xviiie siècle dans le processus de sacralisation des corps saints des martyrs des catacombes de Lyon31. Son ouvrage clôt un cycle de consécration qui fait de la colline de Fourvière un lieu sacré dans l’histoire de Lyon. Il assure la réputation de ces reliques à la fois par la mise par écrit de ce récit et des miracles, mais également par une distribution de ces corps saints comme autant de preuves de l’efficience de la dévotion. Des parcelles sont ainsi transmises aux Carmélites de Lyon vers 1715. Cette efficacité des reliques relève d’ailleurs autant de la qualité des objets transmis que de la réputation des donataires, comme le souligne Nicolas Nivon lors de son envoi :

  • 32 Jacques-Jules Grisard, Documents pour servir à l’histoire du couvent des carmélites de Notre-Dame d (...)

C’est avec beaucoup de plaisir que j’ay tiré ces précieux depost du lieu où ils avoient esté mis apres la persécution des huguenots, pour les remettre entre vos mains, Madame, persuadé comme je le suis qu’elles ne peuvent estre mises, ces precieuses reliques, en melieures que les vostres, ni a personne pour qui j’aye plus de respect et de consideration, esperant aussi d’avoir quelque part au Saint Usage que vous en feré32.

  • 33 Sur ce point, je me permets de renvoyer à Nicolas Guyard, « Sanctifier le cloître. Les dons de reli (...)

10Le premier moment de la diffusion des reliques des martyrs des catacombes de Lyon vient signifier cette fois-ci un double engagement autour de ces marqueurs de la sainteté lyonnaise, que ce soit de la part de l’autorité qui émet, c’est-à-dire l’archevêque de Lyon, mais aussi de l’autorité qui reçoit, ici le Carmel de Lyon, également rattaché à cette même famille des Neuville de Villeroy33. Nicolas Nivon dépasse ensuite l’horizon lyonnais afin de prouver l’intensité sacrale de ces reliques, qui peuvent s’acclimater dans les terres catholiques les plus lointaines :

  • 34 N. Nivon, Voyage du Saint Calvaire…, op. cit., p. 89.

Monseigneur de Chevriere, évêque de Quebek passant à Lyon, monta à S. Irénée par dévotion ; sa grandeur demanda de la terre du puit des martyrs, j’eus l’honneur d’en retirer une assez grande quantité en sa présence, qu’il emporta en son diocèse, d’où étant de retour quelques années après il voulut en avoir derechef, disant qu’elle avait fait des guérisons miraculeuses envers son nouveau peuple chrétien34.

11La restitution de ce témoignage de Saint-Vallier, évêque de Québec, joue encore ici le rôle d’argument d’autorité. Ce triptyque alliant récit historique de la sainteté, effectivité miraculeuse et évidence de la diffusion permettent au Chanoine Nivon de donner une signification religieuse, temporelle et spatiale à ces reliques, explicitée au moment des échanges. La construction de ce sens religieux permet aux donataires de situer ces corps saints dans une histoire chrétienne locale et de jauger leur efficacité sacrale.

  • 35 J.-J. Grisard, Documents pour servir à l’histoire…, op. cit., p. 159-163.

12Or, c’est précisément cette articulation entre le contexte de production sacral et la réception de ce sens qui détermine une des premières hiérarchies à l’intérieur de ce monde sacré. Au xviie siècle, la prolifération des centres de productions de reliques de martyrs n’est pas sans une hiérarchisation de ce type de dévotion. Ces différents régimes de sacralités peuvent notamment se constater dans les dispositifs internes des reliquaires. Une châsse décrite dans l’inventaire de 1782 du trésor des Carmélites de Lyon témoigne de ces dynamiques. Probablement réalisée vers la fin du premier tiers du xviiie siècle, elle est faite de bois doré, prenant la forme d’un clocher. Elle contient en 1782 quarante-sept reliques différentes. La plupart proviennent des catacombes de Rome, dont les arrivées s’étalent entre 1669 et 170435. Il s’agit surtout de petites parcelles, réparties dans le reliquaire suivant une première logique cultuelle. Les reliques donnant lieu à un office particulier sont placées au sommet sous le clocher. Il s’agit des ossements des saints Clément, Honorat, Valentin et Victor, que les Carmélites lyonnaises ont choisi de particulièrement célébrer par un office semi-double chaque 20 décembre. En-dessous se trouvent les autres particules des martyrs des catacombes de Rome. Enfin, l’inventaire mentionne quatre flacons en cristal, situés à la base des quatre angles des reliquaires, contenant pour trois d’entre eux de la poussière des reliques des saints martyrs de Lyon, provenant de la crypte de l’église Saint-Irénée. Il s’agit des corps saints transmis par Nicolas Nivon en 1715. La constitution même du reliquaire témoigne de cette perception de la hiérarchie du sacré. Même à Lyon, les reliques des martyrs des catacombes de Lyon ne jouissent pas de la même valeur sacrale que celle des catacombes de Rome. Si cette hiérarchie a avant tout une fonction dévotionnelle, visible ici au niveau rituel et liturgique, son origine est autant liée à la figure présente matérielle qu’à la valeur sociale de l’échange. Ainsi, le système de dévotion interne aux corps saints ne peut se comprendre sans une étude approfondie d’un versant social qui participe à figer la valeur du sacré.

Geste social et consécration locale

  • 36 Je renvoie ici au vocabulaire forgé par l’équipe sur les corps saints des catacombes de Rome : Stép (...)
  • 37 Voir notamment Arjun Appadurai, « Introduction : commodities and the politics of value » dans Arjun (...)
  • 38 Sur ce terme, voir Gloria Origgi, La réputation. Qui dit quoi de qui, Paris, PUF, 2015.
  • 39 Stéphane Boiron, « Définition et statut juridique des reliques dans le droit canonique classique » (...)
  • 40 Il existe néanmoins toujours une économie souterraine (Underground Economy) des reliques à l’époque (...)

13Cet aspect social des échanges de reliques (transaction), inséparable de l’aspect dévotionnel (translation)36, implique en effet une autre facette de la consécration qui passe cette fois-ci par l’engagement d’un capital social, participant à la construction de la valeur du sacré. Cette approche s’inscrit dans le paradigme de marchandisation (commodization), utilisé par les historiens des échanges depuis les années 1980 dans une réactualisation de la pensée de Karl Marx37. Cette insertion des reliques dans le monde des échanges permet, toujours dans le contexte des xviie et xviiie siècles, de définir une valeur économique inhérente à ces objets sacrés. Cette valeur n’est pas interne à l’objet mais est le résultat de jugements produits sur lui par des sujets, résumé par le terme de réputation38. Cette valeur économique est par définition subjective et fluctuante. Relevant du monde des choses sacrées, les corps saints ne peuvent être, au moins en droit, vendus. Cette inaliénabilité est inscrite dans le droit canon médiéval et confirmée par les décrets tridentins39. La valeur économique des reliques ne peut donc être financière. Elle est fondée sur des éléments symboliques et sociaux, dont participe la construction initiale de sens40. Les modalités même des échanges participent également à la transformation de la valeur des corps saints, faisant intervenir la qualité sociale les acteurs de la chaîne de transmission ainsi que les mises en scène de l’échange.

  • 41 Voir notamment Louis Châtellier, L’Europe des dévots, Paris, Flammarion, 1987.
  • 42 Voir notamment Aliocha Maldavsky, « De l’encomendero au marchand : charité et évangélisation dans l (...)
  • 43 La recherche du salut et l’affirmation du statut social se retrouvent dans les quatre grandes valeu (...)
  • 44 Sur le don à l’époque moderne, voir notamment Lucien Faggion et Laure Verdon, Le don et le contre-d (...)

14Dans ce cadre canonique, le don apparaît comme la seule modalité possible d’échange. Ce geste s’inscrit dans une économie du sacré qui caractérise la société dévote de la période étudiée41. Les travaux les plus récents insistent sur le lien entre affirmation du statut social et recherche du salut dans le contexte de la réforme catholique42. Le don de reliques apparaît ainsi comme une pratique complexe, mettant en scène des acteurs très divers dans des dynamiques variées et parfois complémentaires43. Car la circulation de reliques correspond autant à des besoins spirituels que sociaux44.

  • 45 On retrouve ici le processus de Keeping-While Giving développé par l’anthropologue Annette B. Weine (...)

15Dans le cas précis des corps saints, le geste du don contient en lui-même une ambiguïté. Le processus théoriquement infini de fragmentation des reliques permet de préserver l’inaliénabilité de l’objet en cédant non pas la totalité mais seulement une parcelle45. Cette modalité spécifique d’échange concerne la plupart du temps les corps à haute valeur sacrale et identitaire, dont les communautés ne veulent pas se séparer. Là se trouve une première indication sur les reliques. Certaines sont échangées, d’autres sont placées en dehors de cette sphère d’échange. La présence ou non de circulation peut ainsi témoigner d’une consécration très importante, ou au contraire, d’une anonymisation des restes saints.

  • 46 Sur cette typologie, voir Alain Testart, Critique du don : études sur la circulation non marchande, (...)
  • 47 Marcel Mauss, Essai sur le Don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques, Paris, P (...)
  • 48 Voir notamment Peter Brown, Le Culte des saints : son essor et sa fonction dans la chrétienté latin (...)

16Si les modalités du don induisent un spectre de valeurs, ces dernières sont également reliées aux motivations du geste, pouvant relever d’une libéralité laïque ou d’une sociabilité ecclésiastique46. Dans les deux cas, le don de reliques relève d’une pratique sociale de distinction. Cette dynamique et fonction du don ont été largement décrites par les anthropologues. Marcel Mauss montre en particulier que le don peut hiérarchiser par l’impossibilité du contre-don, mais également affirme une supériorité du donateur par sa simple réalisation47. À l’époque moderne, les dons de reliques confirment la plupart du temps une hiérarchie sociale préexistante, soulignant la capacité des donateurs à se procurer des reliques, à avoir accès au sacré, surtout lorsqu’ils appartiennent au monde laïc. Cet aspect aristocratique du don des reliques est constaté depuis le haut Moyen Âge, s’apparentant à une forme d’évergétisme48. Le don d’une parcelle du corps de saint Hildevert par la duchesse de Longueville au Carmel de Rouen en 1659 s’inscrit dans cette logique, associé à un patronage politique et religieux. La relique est en effet donnée par l’épouse du gouverneur de Normandie, prélevée dans la collégiale Saint-Hildevert de Gournay dont le duc de Longueville est le patron. Le procès-verbal de prélèvement précise l’importance sacrale d’un corps saint aux vertus thérapeutiques et miraculeuses reconnues :

  • 49 A. D. S. M., 64H13, Couvent des Carmélites de Rouen. Authentique des reliques de saint Hildevert, 1 (...)

Pour satisfaire à la piété de Ladite altesse laquelle après avoir remarqué le concours des personnes qui viennent de toutes parts réclamer ce même saint et ayant vénéré les dites reliques a désiré quelque particules pour continuer ces dévotions envers ce saint et en implorer le secours dans ses besoins nous lui en avons donné les fragments qui en suivent savoir une dent, quatre petits morceaux du crâne de la largeur du pouce ou environ, et une particule d’une côte49.

17Ce don rappelle ainsi les droits et les prérogatives des Longueville, membres de la haute aristocratie, en matière de sacré, tout en augmentant le trésor d’un couvent de Rouen, siège du pouvoir du donateur. Le don signifie ici la position politique et sociale du donateur, qui œuvre à la restauration d’une relation apaisée avec ses gouvernés après les épisodes agités de la Fronde.

  • 50 Sur cette chronologie, voir au sujet des reliques romaines Stéphane Baciocchi, Anne Bonzon et Domin (...)
  • 51 Nicolas Guyard, Reliques et espace urbain…, op. cit., p. 350.
  • 52 Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle, « Introduction », art cit., p. 60.
  • 53 Olivier Zeller (dir.), Histoire de l’Europe urbaine. 3. La ville moderne xvie-xviiie siècle, Paris, (...)

18L’intensification des échanges des reliques dans le royaume de France à partir des années 1660 entame largement cette dynamique de distinction50. Jusqu’à cette date, les aristocrates constituent près d’un quart des donateurs51. Cette importance s’explique largement par l’accès privilégié de ces populations nobles au principal centre de production de reliques du xviie siècle qu’est Rome, en parallèle de la pratique du Grand Tour52. Les années 1650 marquent un premier tournant dans la signification du don de reliques. En effet, à partir de cette date, dans une forme de mimétisme, les élites, notamment urbaines, commencent à s’approprier les réseaux romains d’obtention des corps saints, avant de les redistribuer à des institutions religieuses de leur région d’origine, parfois en lien avec une présence familiale. Cette reproduction du geste du don de reliques se constate au xviie siècle dans bien d’autres domaines, à travers un processus d’aristocratisation de la bourgeoisie53. Cette banalisation des circulations affecte ainsi la valeur distinctive du don de reliques à partir du début du xviiie siècle.

  • 54 Sur ce corps saint, voir La vie du tres-illustre martyr Sainct Gabin. Neveu de l’Empereur Diocletia (...)
  • 55 Sur ce personnage voir Pierre Antoine Fabre et Jean-Marc Ticchi, « Marcantonio Boldetti ou l’apolog (...)

19Cette transformation du geste social permet de faire émerger une nouvelle hiérarchie au sein du sacré. L’engagement de la qualité sociale d’un donateur demeure un critère de sacralisation et de singularisation d’un corps saint, notamment dans une visée mémorielle. Le corps de saint Gabin, présent dans une chapelle de l’église du Collège de la Trinité de Lyon, tenue par les Jésuites, est mentionné dans les Almanachs Spirituels lyonnais du xviiie siècle. Il doit cette visibilité non pas à son effectivité miraculeuse ou cultuelle, mais à la figure de son donateur, Charles d’Halincourt, qui fit don du corps en 1608, alors qu’il entrait en ville pour la première fois en tant que gouverneur royal54. La banalisation progressive de cette forme de valorisation sociale se traduit par un retour à la matérialité de l’objet. Cette hiérarchisation interne est autant soulignée par les donateurs que par les donataires. Le don de corps entiers ou de parties remarquables comme les têtes ou les bras demeurent encore l’apanage d’une élite aristocratique catholique. Cette spécificité physique de l’objet échangé est mise en avant au moment de l’échange, permettant une distinction au sein du groupe plus large des donateurs. Isaac Franquesnay, cordelier originaire de la région rouennaise, en fait l’amer constat à Rome en 1705. Malgré sa proximité avec le custode Boldetti, très actif dans la diffusion des corps saints des catacombes romaines55, il ne peut obtenir des crânes entiers qu’il comptait ramener en France, comme il le raconte dans une lettre à un des bénéficiaires rouennais, Pierre Savesne, curé de Saint-Vivien :

  • 56 A. D. S. M., G 7849.

Tous ce que je pus donc faire fut d’aller promptement trouver Mr. Boldetti secrétaire et custode des reliques de Mgr le cardinal vicaire, et de lui porter le mémorial que j’avais présenté au pape pour supplier la sainteté d’avoir pour agréable que Mgr le cardinal vicaire me donnât encore un vase où le sang des saints martyrs eut esté recueilli, au lieu d’une tête d’un saint martyr que le pape m’avait accordée que le dit se custode mon ami intime m’avait assuré ne me pouvoir donner, parce qu’il n’y en avait pour lors aucune séparée hors du corps, et qu’il ne voulait point faire une telle séparation, vu qu’il y avait quelques princesses qui avaient demandé quelques corps saints entiers56.

20Un simple moine franciscain, au début du xviiie siècle, n’est pas prioritaire face aux demandes des princesses, et doit donc se contenter de parties moins insignes à ses yeux.

21Dans la biographie des reliques, le moment de la circulation constitue donc un temps fondamental dans la fixation d’une valeur à l’objet, et par conséquence son insertion dans la hiérarchie plus générale du sacré. L’échange fait intervenir les deux instances sociales du don, qui déterminent et fixent une valeur, suivant la signification religieuse de la relique issue de son contexte de production, sa réception dans un autre territoire, la matérialité ainsi que la qualité sociale des intervenants. Ces différents critères participent, tout au long de la période moderne, à la singularisation, source d’une nouvelle consécration.

L’autre circulation : mise en image et culte des reliques

  • 57 Voir par exemple Albrecht Burkardt, « Les fêtes de translation des saints des Catacombes en Bavière (...)
  • 58 Pour une approche globale, voir notamment Françoise Le Hénand, « Les translations de reliques en Fr (...)

22Enfin, au bout de la chaîne de la circulation, l’arrivée d’une relique dans un sanctuaire et son développement cultuel ou non participent au processus de consécration des corps saints. La dynamique de réception implique une étude à la fois sur le très court terme et sur le temps moyen, permettant d’entrevoir une acclimatation plus ou moins poussée. La réception se concrétise par une nouvelle forme d’insignation de la relique, transformant son sens originel en l’adaptant au contexte local. Cette dynamique est particulièrement importante dans le cadre de la diffusion des reliques des martyrs des catacombes de Rome57. Dans les faits, ces cérémonies de translations, si elles marquent les contemporains par leur éclat, demeurent relativement rares dans la France des xviie et xviiie siècles58. Différents éléments peuvent être mis en avant par la structure ecclésiastique donataire, au gré des réalités locales et des débats plus généraux, permettant de préciser et d’adapter le sens des reliques.

  • 59 La vie du tres-illustre martyr Sainct Gabin., op. cit., p. 39.
  • 60 Histoire de l’établissement et du progrès du premier monastère des religieuses Annonciades célestes (...)
  • 61 Voir sur ce point Dominique Julia et Stéphane Baciocchi, « Le moment Mabillon. Expérience archéolog (...)

23La production d’un récit hagiographique constitue un premier lieu d’acclimatation. Dans le cas des martyrs romains, souvent inconnus, l’hagiographie insiste sur sa proximité avec une figure sainte plus connu. Les Jésuites de Lyon présentent saint Gabin comme le neveu de l’empereur romain Dioclétien, l’associant à sainte Suzanne dont il serait le père. La présentation de la vie de saint Gabin devient celle du père de sainte Suzanne, en lien avec son lieu d’inhumation dans le complexe catacombaire romain59. Les Annonciades Bleues-Célestes qui reçoivent en 1628 le corps de saint Anastase l’associent à Anastase Ier, pape autour de 400, sans que cette fusion hagiographique ne soit justifiée sur le plan archivistique ou historique60. Il s’agit simplement de souligner l’importance de la figure sainte reçue en reliques. De telles associations disparaissent assez rapidement au cours du xviie siècle, en lien avec les premiers travaux sur l’archéologie romaine et la critique historique, dans le sillage de Mabillon61. Cette prudence peut avoir des conséquences rituelles. Lorsque Marie-Thérèse Carrel donne la tête de saint Vincent, tirée des catacombes de Rome, au Carmel de Rouen en1729, les Carmélites font des recherches dans le martyrologe :

  • 62 A. D. S. M., 64H13.

Je remarque qu’il n’est parlé dans le martyrologe romain que de trois St Vincent martyr : le 24 juillet sur le chemin Vitale proche Rome ; le 25 août que l’on croit être le nôtre, avec trois autres martyrs, battus de plombeaux ; et le 3e sur le chemin d’Espagne, le 1er septembre62.

24Cette prudence ne permet pas de créer un office particulier. Face à cette absence d’un véritable contenu hagiographique, certains auteurs insistent à partir de la fin du xviie siècle sur la localisation de la tombe du martyr dans les catacombes de Rome. C’est le cas du capucin Pierre de Poitiers qui donne trois corps de martyrs romains à trois couvents de Poitiers en 1680. Il insiste sur la proximité de leur tombe avec celles de saint Pierre et de saint Paul, signifiant implicitement leur importance dans les premiers temps du christianisme :

  • 63 Archives Départementales de la Vienne, 2H2/8.

Le lieu ou furent trouvés touces ces saints corps estoit a cent pas de celuy ou ont reposé les Corps des Apostres St Pierre et St Paul pendant deux cent cinquante deux ans, il y a une belle chapelle dans le mesme endroit ou estoient ces saints corps et une chese de marbre blanc teinte du sang de St Estienne Pape qui fut martirisé dans le mesme endroit en faisant l’office63.

25Cette proximité souterraine est complétée par la geste hagiographique de ces apôtres à la surface, là encore permettant une association et donc une consécration accrue :

  • 64 Ibid.

La muraille du jardin ou est l’ouverture pour entrer dans lendroit ou ils estoient est sur la via Appia qui veut dire le chemin Appia. A deux cent pas il y a une chapelle qui est l’endroit ou Notre Seigneur parut à St Pierre et à St Paul qui s’en alloient de Rome à l’instance des Chrestiens qui les obligerent de s’en aller pour eviter la mort et les avoient fait sortir de prison apres qu’ils eurent baptisé St Martinien qui les avoit engarde. St Pierre connut bien qu’il falloit retourner pour y souffrir le martir. Ils cheminerent cent pas et disparut et laissa ses divins pieds imprimés sur une pierre qui se conserve à St Sébastien que j’ay veue plusieurs fois et la chapelle ou Notre Seigneur disparut s’apelle quo vadis dans le mesme chemin via Appia64.

26Cette insertion dans une topographie sacrée romaine permet d’élever ces reliques romaines à un statut davantage universel, intégrées dans la matrice de la vie des premiers apôtres.

  • 65 La vie du tres-illustre martyr Sainct Gabin., op. cit., p. A2.
  • 66 Relation de la Translation du corps de St. Vincent, martyr, faict le 11. juillet 1762, de l’Eglise (...)

27Cette production de sens est souvent complétée par des opérations symboliques d’intégration dans la communauté d’accueil. Saint Gabin reçoit par exemple en 1608 le « droit de bourgeoisie spirituelle » lors de la cérémonie de translation65. Le corps de saint Vincent est lui intronisé comme membre de la confrérie des Pénitents Gris de Toulouse lors de sa translation en 1762 lors d’une cérémonie autour du seuil de la chapelle confraternelle66. Les translations permettent donc de renouveler l’engagement d’une autorité ecclésiastique autour d’un corps saint et de refonder sa signification dans le contexte local. Ce prolongement de la consécration initiale, qui ne concerne aux xviie et xviiie siècles qu’une minorité de reliques, peut trouver un second écho sur un temps moyen, à travers d’autres formes de valorisation plus pérennes.

28La première est une inscription des nouvelles reliques dans le temps liturgique, entraînant une valorisation rituelle ponctuelle et régulière. Cela peut être une réplication des cérémonies du lieu de production du corps saint. Lorsque Marie de Beauvillier envoie des reliques de martyrs de Montmartre à l’Abbaye royale Saint-Pierre de Lyon en 1614, elle insère dans l’authentique les détails des rituels existants :

  • 67 Archives Départementales du Rhône, 27H31.

Nous faisons tous les ans fête double le quinzième jour de mars, auquel jour notre saint père le Pape Paul cinquième a donné indulgence plénière, à tous fidèles qui confessés et communiés qui visiteront notre église et y feront prières pour l’union des princes chrétiens et extirpation des hérésies et l’exaltation de l’église67.

  • 68 Supplément au Bréviaire françois : imprimé par ordre de Msgr. l’archevesque de Paris, à Paris, Chez (...)

29Il ne reste plus aux bénédictines lyonnaises qu’à reproduire cette célébration au jour indiqué. Dans la plupart des cas, les célébrations correspondent à des offices de faible importance dans l’année religieuse, comme le fête simple, dont un supplément au bréviaire français publié en 1767 précise que ce type d’office est particulièrement approprié pour les reliques des catacombes68. Cette forme de consécration liturgique est donc à relativiser au sein du calendrier religieux.

  • 69 Relation de la translation du corps de St. Vincent, op. cit., p. 18.
  • 70 La vie du tres-illustre martyr Sainct Gabin., op. cit., p. 39.

30D’autre éléments peuvent être ajoutés, participant à la réputation sacrale des reliques, comme les expositions ou encore les indulgences plénières octroyées le jour de la fête du saint. Ce dernier élément permet de thésauriser le trésor reliquaire, tout en rappelant la place du culte des saints dans la hiérarchie globale des dévotions catholiques. Ces indulgences peuvent être octroyées au moment même de la cérémonie de translation, comme pour le corps de saint Vincent en 1762 à Toulouse69, soit quelques années après l’arrivée du corps saint, comme pour le corps de saint Gabin, en 1624, plus seize ans après le don70. Dans ce dernier cas, l’indulgence doit se comprendre une tentative de relance du culte par une sacralisation accrue d’un objet déjà sacré.

  • 71 Ernestine Lecouturier, Françoise-Madeleine Chaugy et la tradition salésienne au xviie siècle, Caen, (...)

31Enfin, une seconde forme de circulation entre la relique et les fidèles peut être mise en place à travers la mise en place d’un complexe cultuel faisant intervenir des représentations du saint ou de la sainte présent en relique. Ce dernier aspect souligne l’effectivité d’une consécration médiatrice entre un objet sacré et son public. La mise en image peut être produite soit par l’ajout d’autres images, que ce soit au sein des chapelles ou sur les autels contenant des reliques en particuliers, soit par le reliquaire en lui-même. Ce dernier cas s’observe par exemple dans la chapelle de la Visitation de Marseille à la fin du xviie siècle. En 1662, ces moniales ont reçu une parcelle du corps de saint François de Sales, envoyée par Françoise-Madeleine Chaugy pour célébrer la canonisation de ce saint71. La même année, les Visitandines marseillaises réalisent un buste-reliquaire jugé particulièrement ressemblant. La relique connaît alors un processus d’individualisation accentué par la mise en image, qui permet d’instaurer une relation de proximité à travers une forme d’incarnation. La mitre épiscopale, pourtant un des attributs traditionnels du saint évêque de Genève, disparaît, laissant apparaître entièrement son visage. Cette ressemblance est soulignée dans les Annales de la Visitation de 1662 :

  • 72 Gérard Picaud et Jean Foisselon, Faste et exubérance pour les saints de la Visitation, Paris, Somog (...)

Une de nos sœurs qui savait peindre et dorer parfaitement fit le buste de notre Saint Fondateur. Elle y réussit si bien, qu’il fut admiré par les connaisseurs. Il est vrai que nous n’en avons jamais eu de si parfait et qui ressemblât mieux à notre Saint Patriarche72.

32La mise en image permet une nouvelle forme de circulation de la relique, depuis sa matérialité abstraite jusqu’à la dévotion des Visitandines pour celui qu’elles considèrent comme le saint fondateur. L’image signifie, dans ses dimensions esthétiques et relationnelles, l’évidence d’une sacralité et d’une dévotion associée. Elle inscrit le corps saint dans la réalité du contexte du trésor ecclésial. Elle contribue à singulariser encore davantage la relique au sein d’un ensemble reliquaire, ce qui correspond peut-être au stade le plus abouti de la consécration, à l’issue de processus matériels, culturels et sociaux.

33Cette approche de la sacralisation des reliques dans le catholicisme post-tridentin permet ainsi de faire émerger les dynamiques sociales et religieuses, concentrées au sein de l’échange entre transaction et translation. Elle permet d’appréhender les corps saints comme un objet global, restituant pleinement leur place dans la société d’Ancien Régime, affirmant une identité confessionnelle, structurant des hiérarchies sociales mais aussi dévotionnelles. À une époque où une sphère profane se distingue progressivement d’une sphère sacrée, les reliques apparaissent comme des objets en voie de cléricalisation, mais qui demeurent encore au centre d’enjeux spirituels, sociaux et identitaires pour l’ensemble des sociétés catholiques, que ce soit à l’échelle d’une communauté locale ou à celle du royaume de France.

Notes

1 Voir notamment Philippe Boutry, Pierre Antoine Fabre et Dominique Julia, Rendre ses vœux : les identités pèlerines dans l’Europe moderne (xvie-xviiie siècle), Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2000.

2 Sur les processions voir par exemple Philippe Martin, Les chemins du sacré : paroisses, processions, pèlerinages en Lorraine du xvie au xixe siècle, Metz, Éditions Serpenoise, 1995 ; Gaël Rideau, Dévotion privée, processions, opinion publique en France au xviiie siècle : un parcours entre histoire du fait religieux et histoire du politique, Mémoire d’HDR, Université Paris Ouest la Défense, Nanterre, 2014. Sur les confréries modernes, voir Marie-Hélène Froeschlé-Chopard, Dieu pour tous et Dieu pour soi, Paris, L’Harmattan, 2006 ; Stefano Simiz, Confréries urbaines et dévotion en Champagne : 1450-1830, Villeneuved’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2002.

3 Voir notamment Isabelle Poutrin, Le voile et la plume : autobiographie et sainteté féminine dans l’Espagne moderne, Madrid, Casa de Velázquez, 1995. Cette approche centrée sur l’individu a ensuite évolué vers une histoire matérielle autour des livres et autres objets de piété : Philippe Martin, Une religion des livres : 1640-1850, Paris, Cerf, 2003 ; Fabienne Henryot, Livres et lecteurs dans les couvents mendiants : Lorraine, xvie-xviiie siècles, Genève, Droz, 2013 ; Albrecht Burkardt, L’économie des dévotions : commerce, croyance et objets de piété à l’époque moderne, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2016.

4 Olivier Christin, Les yeux pour le croire : les Dix commandements en images, xve-xviiie siècle, Paris, Éditions du Seuil, 2003.

5 Xavier Bisaro, Une Nation de Fidèles. L’Église et la liturgie parisienne au xviiie siècle, Turnhout, Brepols, 2006 ; Philippe Martin, Le théâtre divin : une histoire de la messe (xvie-xxe siècles), Paris, CNRS Éditions, 2009.

6 Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces deux bilans ont été rédigés par deux historiens médiévistes : Philippe George, « Les reliques des saints. Publications récentes et perspectives nouvelles », Revue belge de philologie et d’histoire, 2002, vol. 80, n° 2, p. 563-591 ; Philippe Cordez, « Les reliques, un champ de recherches. Problèmes anciens et nouvelles perspectives », Bulletin d’information de la Mission Historique Française en Allemagne, 2007, n° 43, p. 102-116.

7 Sur l’affrontement théologique, voir Stéphane Boiron, La Controverse née de la querelle des reliques à l’époque du concile de Trente (1500-1640), Paris, Presses universitaires de France, 1989 ; Nicolas Balzamo, « La querelle des reliques au temps de la Renaissance et de la Réforme », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 2015, vol. 1, LXXVII, p. 103-131 ; Olivier Christin, Une révolution symbolique : l’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, Paris, Les Éditions de Minuit, 1991 ; Nicolas Balzamo, Les miracles dans la France du xvie siècle : métamorphoses du surnaturel, Paris, Les Belles Lettres, 2014.

8 Ces deux expressions de Marc Venard sont citées dans Bruno Restif, La révolution des paroisses : culture paroissiale et réforme catholique en Haute-Bretagne aux xvie et xviie siècles, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006.

9 Pour un bilan historiographique et épistémologique sur ce problème du désenchantement, je renvoie à l’introduction de Nicolas Balzamo, Les miracles dans la France du xvie siècle, op. cit.

10 La question des reliques et de la gestion du sacré n’est pas abordé dans Bruno Restif, La révolution des paroisses, op. cit. Plus récemment, Estelle Martinazzo, dans son étude sur le diocèse de Toulouse, y consacre quelques pages tout à fait convaincantes, montrant l’enjeu du sacré dans l’action pastorale et épiscopale. Estelle Martinazzo, Toulouse au Grand siècle : le rayonnement de la Réforme catholique, 1590-1710, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.

11 Philippe Boutry, Pierre Antoine Fabre et Dominique Julia (éd..), Reliques modernes : cultes et usages chrétiens des corps saints des Réformes aux révolutions, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2009, 2 vol.

12 Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle (dir.), Reliques romaines. Invention et circulation des corps saints des catacombes à l’époque moderne, Rome, Éditions de l’École Française de Rome, 2016. Pour le xixe siècle, voir Philippe Boutry, « Les saints des Catacombes. Itinéraires français d’une piété ultramontaine (1800-1881) », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen-Âge, Temps modernes, 1979, vol. 91, n° 2, p. 875-930.

13 Dans ma thèse, j’ai pu constater que dans les villes de Lyon, Metz, Rouen et Toulouse, le nombre de reliques dans les sanctuaires est en moyenne multiplié par quatre, entre 1600 et 1789. Voir Nicolas Guyard, Reliques et espace urbain. Lyon, Metz, Rouen et Toulouse, des Réformes à la Restauration, thèse, Université Lyon 2, 2017, notamment p. 84-106.

14 Voir notamment Ulrike Strasser, « Bones of contention : cloistered nuns, decorated relics, and the contest over women’s place in the public sphere of counter-reformation Munich », Archive for Reformation History, 1999, n° 90, p. 255-288 ; A. Katie Harris, « Gift, Sale, and Theft : Juan de Ribera and the Sacred Economy of Relics in the Early Modern Mediterranean », Journal of Early Modern History, 2014, vol. 18, n° 3, p. 193-226.

15 Voir par exemple Pascal Julien, D’ors et de prières : art et dévotions à Saint-Sernin de Toulouse, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2004 ; Regina Urbanek, Die goldene Kammer von St. Ursula in Köln : zu Gestalt und Ausstattung vom Mittelalter bis zum Barock, Worms, Wernersche Verlagsgesellschaft, 2010 ; Cécile Vincent-Cassy, Les saintes vierges et martyres dans l’Espagne du xviie siècle : culte et image, Madrid, Casa de Velázquez, 2011.

16 Sur ce terme d’insignation, voir Ole Riis et Linda Woodhead, A sociology of religious emotion, Oxford, Oxford University Press, 2010. Sur les différents processus et dispositifs de sacralisation, voir notamment Jean-Pierre Albert et Agnieszka Kedzierska-Manzon, « Des objets-signes aux objets-sujets », Archives de sciences sociales des religions, 2016, n° 174, p. 13-25.

17 Sur la normalisation de cette production archivistique ecclésiastique à partir de la fin du xvie siècle, voir Nicolas Guyard, « Un essai de normalisation. Diffusion et réception des reliques des catacombes. L’exemple de Lyon au xviie siècle », HMC, 2016, n° 38, p. 67-85.

18 Sur cette notion de biographie d’objet, voir l’article fondateur d’Igor Kopytoff, « The Cultural Biographiy of Things : Commoditization as Process » dans Arjun Appadurai (éd.), The Social Life of Things. Commodities in Cultural Perspective, Londres-New York, Cambridge University Press, 1986, p. 64-94.

19 Il existe une étude anthropologique pour le catholicisme contemporain sur cette question de la production de reliques. Voir Francesca Sbardella, « Secrets de clôture : reliques et production de puissance sacrale (France et Italie contemporaines) », Revue de l’histoire des religions, 2011, vol. 228, n° 2, p. 289-305.

20 Sur le contexte canonique autour des reliques à l’époque médiévale, voir Nicole Herrmann-Mascard, Les Reliques des saints : formation coutumière d’un droit, Paris, Klincksieck, 1975.

21 Voir son édition dans Giuseppe Alberigo (éd.), Les conciles œcuméniques. Vol. II-2, les décrets de Trente à Vatican II, Paris, Cerf, 1994, p. 1573-1577.

22 Voir par exemple Nicole Lemaitre, « Des corps à voir et à toucher : les reliques des paroisses du Rouergue (1524-1525) » dans Le corps à la Renaissance, Paris, 1990, p. 162-172. Sur cette question de l’autorisation autour de la sainteté à l’époque moderne, voir Jacques Le Brun, « La sainteté à l’époque classique et le problème de l’autorisation », dans Jürgen Beyer (éd.), Confessional Sanctity (c. 1500-c. 1800), Mayence, Philipp von Zabern, 2003, p. 149-162.

23 Le format de l’authentique romain imprimé est souvent repris et imité dans le cadre d’autres circulations de corps saints. Les Antonins de Saint-Antoine-en-Viennois, produisent par exemple des authentiques manuscrits très similaire au xviie siècle. Voir par exemple Archives Départementales de la Seine-Maritime (désormais A. D. S. M.), 55H20.

24 Voir à ce sujet Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle, « Introduction » dans Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle (dir.), Reliques romaines. Invention et circulation des corps saints des catacombes à l’époque moderne, Rome, École française de Rome, 2016, p. 1-100.

25 Roma Sotterranea, opera postuma di Antonio Bosio, ... compiuta, disposta et accresciuta dal P. Giovanni Severani da S. Severino, Roma, L. Grignani, 1650. Sur la diffusion de cette image, voir Gérard Labrot, L’Image de Rome : une arme pour la Contre-Réforme, Seyssel, Champ Vallon, 1987.

26 D’autres lieux à l’époque moderne sont d’intenses producteurs de reliques, notamment Cologne autour des reliques des compagnes de sainte Ursule, ou l’abbaye Saint-Maurice d’Agaune autour des reliques des martyrs thébains. Voir notamment Laurence Moulinier, « Élisabeth, Ursule et les Onze mille Vierges : un cas d’invention de reliques à Cologne au xiie siècle », Médiévales, 1992, vol. 11, n° 22, p. 173-186 ; Nicole Brocard, Françoise Vannotti et Anne Wagner, Autour de Saint Maurice : actes du colloque « Politique, société et construction identitaire : autour de Saint Maurice », 29 septembre - 2 octobre 2009, Besançon (France), Saint-Maurice (Suisse), Saint-Maurice - Besançon, Fondation des archives historiques de l’abbaye de Saint-Maurice - Laboratoire des sciences historiques de l’université de Franche-Comté, 2011.

27 Sur les miracles liés aux tentatives de destructions protestantes, voir Nicolas Balzamo, Les miracles dans la France du xvie siècle, op. cit., p. 145.

28 Nicolas Nivon, Voyage du Saint Calvaire sur la Montagne des Martyrs de Lyon à Saint-Irénée, Lyon, Jacquenod, 1731., p. 93-94.

29 Olivier Christin, Une révolution symbolique, op. cit., p. 134-138 ; Denis Crouzet, « Sur le désenchantement des corps saints au temps des troubles de Religion » dans Philippe Boutry, Pierre Antoine Fabre et Dominique Julia (dir.), Reliques modernes. Cultes et usages chrétiens des corps saints des Réformes aux révolutions. Volume 2, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2009, p. 439-443.

30 Nicolas Nivon, Voyage du Saint Calvaire sur la Montagne des Martyrs de Lyon à Saint-Irénée, op. cit., p. 87-88.

31 Voir la notice succincte consacrée à ce personnage dans Nicolas Petit, Prosopographie génovéfaine : répertoire biographiques des chanoines réguliers de Saint-Augustin de la Congrégation de France, 1624-1789, Paris, École nationale des Chartes, 2008, p. 288.

32 Jacques-Jules Grisard, Documents pour servir à l’histoire du couvent des carmélites de Notre-Dame de la Compassion de Lyon, Lyon, Impr. de Pitrat aîné, 1887, p. 159-163.

33 Sur ce point, je me permets de renvoyer à Nicolas Guyard, « Sanctifier le cloître. Les dons de reliques aux carmélites de Lyon et Rouen à l’époque moderne », Archives des sciences sociales des religions, 2017, n° 177, p. 293-312.

34 N. Nivon, Voyage du Saint Calvaire…, op. cit., p. 89.

35 J.-J. Grisard, Documents pour servir à l’histoire…, op. cit., p. 159-163.

36 Je renvoie ici au vocabulaire forgé par l’équipe sur les corps saints des catacombes de Rome : Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle, « Introduction », art cit.

37 Voir notamment Arjun Appadurai, « Introduction : commodities and the politics of value » dans Arjun Appadurai (dir.), The Social Life of Things…, op. cit, p. 3-63 ; Patrick J. Geary, « Sacred Commodities : the circulation of medieval relics », Id., p. 169-192. Ce paradigme est également repris dans deux travaux récents : A. Katie Harris, « Gift, Sale, and Theft », art cit. et Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle « Introduction », art cit., p. 28.

38 Sur ce terme, voir Gloria Origgi, La réputation. Qui dit quoi de qui, Paris, PUF, 2015.

39 Stéphane Boiron, « Définition et statut juridique des reliques dans le droit canonique classique » dans Reliques et sainteté dans l’espace médiéval, Saint-Denis, Pecia, 2006, p. 16-28.

40 Il existe néanmoins toujours une économie souterraine (Underground Economy) des reliques à l’époque moderne. Voir A. Katie Harris, « Gift, Sale, and Theft », art cit., p. 213.

41 Voir notamment Louis Châtellier, L’Europe des dévots, Paris, Flammarion, 1987.

42 Voir notamment Aliocha Maldavsky, « De l’encomendero au marchand : charité et évangélisation dans le Pérou colonial, xvie-xviie siècles », Cahiers des Amériques latines, 2012, n° 67, p. 75-87.

43 La recherche du salut et l’affirmation du statut social se retrouvent dans les quatre grandes valeurs décrites par Natalie Zemon Davis pour la société du xvie siècle. Voir Natalie Zemon Davis, Essai sur le don dans la France du xvie siècle, Paris, Le Seuil, 2003.

44 Sur le don à l’époque moderne, voir notamment Lucien Faggion et Laure Verdon, Le don et le contre-don : usages et ambiguïtés d’un paradigme anthropologique aux époques médiévale et moderne, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2010.

45 On retrouve ici le processus de Keeping-While Giving développé par l’anthropologue Annette B. Weiner au sujet des biens inaliénables : Annette B. Weiner, Inalienable Possessions : The Paradox of Keeping-While-Giving, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1992.

46 Sur cette typologie, voir Alain Testart, Critique du don : études sur la circulation non marchande, Paris, Éditions Syllepse, 2007.

47 Marcel Mauss, Essai sur le Don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques, Paris, Presses Universitaires de France, 1991, p. 219 et 235.

48 Voir notamment Peter Brown, Le Culte des saints : son essor et sa fonction dans la chrétienté latine, Paris, Éditions du Cerf, 1984 ; Edina Bozóky, La politique des reliques de Constantin à Saint Louis : protection collective et légitimation du pouvoir, Paris, Beauchesne, 2007.

49 A. D. S. M., 64H13, Couvent des Carmélites de Rouen. Authentique des reliques de saint Hildevert, 1659.

50 Sur cette chronologie, voir au sujet des reliques romaines Stéphane Baciocchi, Anne Bonzon et Dominique Julia, « De Rome au Royaume de France : patronages, inscriptions spatiales et médiations sociales (xvie-xviiie s.). Introduction au dossier “France” » dans Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle (dir.), Reliques romaines…, op.cit., p. 413-458.

51 Nicolas Guyard, Reliques et espace urbain…, op. cit., p. 350.

52 Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle, « Introduction », art cit., p. 60.

53 Olivier Zeller (dir.), Histoire de l’Europe urbaine. 3. La ville moderne xvie-xviiie siècle, Paris, Éd. du Seuil, 2012, p. 193-207.

54 Sur ce corps saint, voir La vie du tres-illustre martyr Sainct Gabin. Neveu de l’Empereur Diocletian, soubs lequel il souffrit la mort, avec son frere S. Caie Pape et sa faille Saincte Susanne, le 19 février de l’année 296. Le corps duquel repose maintenant en l’Eglise du College de Lyon de la Compagnie de Jesus. Par le P. Henry Albi de la mesme Compagnie, A Lyon, Par Jean Jullieron, M.D.XX.V.

55 Sur ce personnage voir Pierre Antoine Fabre et Jean-Marc Ticchi, « Marcantonio Boldetti ou l’apologétique souterraine » dans Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle (dir.), Reliques Romaines…, op.cit., p. 131-146.

56 A. D. S. M., G 7849.

57 Voir par exemple Albrecht Burkardt, « Les fêtes de translation des saints des Catacombes en Bavière (xviie-xviiie siècles) » dans Bernard Dompnier (dir.), Les Cérémonies extraordinaires du catholicisme baroque, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2009, p. 79-98.

58 Pour une approche globale, voir notamment Françoise Le Hénand, « Les translations de reliques en France au xviie siècle » dans Philippe Boutry, Pierre Antoine Fabre et Dominique Julia (dir.), Reliques modernes…, op.cit., , vol. 1, p. 313-369. Pour un exemple en particulier, voir Anne Bonzon, « La relique des faubourgs : les Augustins déchaussés de Rouen et le corps de sainte Colombe » dans Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle (dir.), Reliques romaines…, op.cit., p. 501-517.

59 La vie du tres-illustre martyr Sainct Gabin., op. cit., p. 39.

60 Histoire de l’établissement et du progrès du premier monastère des religieuses Annonciades célestes de la ville de Lyon, fondé par Madame Gabrielle de Gadagne, comtesse de Chevrière […]. Divisé en deux parties et composé par la R. M. Marie-Hiéronyme Chausse, à Lyon, chez la Veuve de Cl. Chavance et M. Chavance fils, ruë Merciere, 1699, p. 28.

61 Voir sur ce point Dominique Julia et Stéphane Baciocchi, « Le moment Mabillon. Expérience archéologique, vérité historique et dévotion collective » dans Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle (dir.), Reliques romaines…, op.cit., p. 535-574.

62 A. D. S. M., 64H13.

63 Archives Départementales de la Vienne, 2H2/8.

64 Ibid.

65 La vie du tres-illustre martyr Sainct Gabin., op. cit., p. A2.

66 Relation de la Translation du corps de St. Vincent, martyr, faict le 11. juillet 1762, de l’Eglise des R. R P. P. Carmes Déchaussés, dans la Dévote Chapelle de M.M. les PENITENS-GRIS de Toulouse, à Toulouse, De l’imprimerie de Sébastien Henault, rue Tripières, près les Changes, 1762. Sur ces rites de passage, voir Arnold Van Gennep, Les rites de passage : étude systématique des rites de la porte et du seuil, de l’hospitalité, de l’adoption, de la grossesse et de l’accouchement, de la naissance, de l’enfance, Paris, Picard, 2011.

67 Archives Départementales du Rhône, 27H31.

68 Supplément au Bréviaire françois : imprimé par ordre de Msgr. l’archevesque de Paris, à Paris, Chez Libraires Associés, MDCCLXVII., p. 27.

69 Relation de la translation du corps de St. Vincent, op. cit., p. 18.

70 La vie du tres-illustre martyr Sainct Gabin., op. cit., p. 39.

71 Ernestine Lecouturier, Françoise-Madeleine Chaugy et la tradition salésienne au xviie siècle, Caen, Université de Caen, 1993, p. 748.

72 Gérard Picaud et Jean Foisselon, Faste et exubérance pour les saints de la Visitation, Paris, Somogy, 2008, p. 65.

© LARHRA, 2018

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