La céramique Qallaline, trésor du patrimoine culturel tunisien

1 Nos remerciements vont à Azza Maaoui, Mohamed Messaoudi, Monia Rassaa et Abderrazak Khechine pour leurs précieux encouragements dans la rédaction de cet article. Mon entière gratitude va à Mohamed Messaoudi, à qui revient le résumé de cet article et qui s’évertue, à travers ses recherches et sa production artistique - Atelier Driba, Ad 93-, à faire revivre cet art. Signalons enfin l’apport d’une récente thèse de doctorat brillamment soutenue à la Sorbonne par Clara-Ilham Alvarez Dopico (2010).

2 Cette typologie de décor se retrouve dans la poterie vernissée traditionnelle de Nabeul et de Djerba dite « motli ».

3 Le procédé se découpait en trois phases : une première pendant laquelle le biscuit était recouvert d’une couche de glaçure opaque ; une deuxième consistant en la pose du décor polychrome résultant de l’utilisation d’oxydes métalliques colorants ; et la dernière, consacrée à la cuisson.

4 Des motifs empruntés aux répertoires berbères (poteries modelées et tissage traditionnel) et Romains (mosaïque).

5 Répertoire d’influence mésopotamienne et introduit par les artisans de l’Égypte fatimide.

6 Ornement que l’on a retrouvé à Djerba sur les voûtes de mosquées datées des XI^e et XV^e siècles et qui, selon Adnan Louhichi (op.cit., fig. 75-103, 100-115), pourrait avoir été introduit par les Ibadites – mouvement issu du kharijisme berbère – ou importé d’Espagne et d’Italie.

7 Fouilles entreprises par Abdelaziz Daoulatli, ayant livré des vestiges locaux et d’importation espagnole et ialienne (Daoulatli, 1994, 102-105, 108-109 et 110-115).

8 Oxyde de cobalt que la Tunisie et la Mésopotamie étaient les seules à avoir utilisé au Haut Moyen Age et plus spécifiquement au IX^e siècle sous les Abassides, puis au XII^e siècle comme attesté par les bacini de Pise. Déjà employé dans l’Antiquité, c’est la technique de la glaçure qui réintroduira le bleu de cobalt dans la céramique tunisienne hafside. Il était utilisé seul ou avec du vert et du brun sur fond blanc. Les potiers de Qallaline le réutiliseront de façon abondante et nuancée au XVII^e siècle pour à nouveau disparaître au XIX^e siècle.

9 Les oiseaux et les bateaux étaient également très appréciés et sans doute empruntés à l’art romain.

10 Selon Adnan Louhichi (2011, 207), des vestiges archéologiques avancent son apparition en Tunisie à la période hafside, soit au XIII^e siècle pour être délaissée au XVI^e siècle et reprise par les artisans de Qallaline au XVII^e siècle.

11 « Zliz » est le terme donné au carreau vernissé et que l’on traduira par « azulejos » - tiré de « azul » signifiant « bleu » en espagnol –, en référence au bleu de cobalt de la céramique hafside.

12 Européens convertis à l’islam.

13 Voir la céramique de la Mosquée du Barbier à Kairouan et son décor de tulipe et fleurs d’acanthe (Liviconi, 1994, 118) et les carreaux d’influence Ottomane, Persane, Catalane et Vénitienne de la Mosquée du Barbier à Kairouan et de la Mosquée Bab Alioua, de la Medersa Slimaniya à Tunis (Degeorge, Porter, 1994, 118-120, 125-126).

14 Iconographie renvoyant au thème du péché originel rapporté par la Bible et le Coran (Louhichi, 2011, 165).

15 Un répertoire que l’on retrouve dans les décors de stuc ou de marbre sculpté du monde islamique.

16 Le bâtiment le plus ancien ayant reçu un revêtement dit de Qallaline mais en vérité importé d’Iznik, est la mosquée ottomane de Sidi Mahrez datée de 1675. Dotée d’une céramique de style tunisien, ottoman, catalano-vénitien, andalou et italien, son décor est remarquable (De George, Porter, op.cit., 84).

17 Plus de 1000 modèles de carreaux de Qallaline sont répertoriés à ce jour.

18 Bien que n’ayant pas été un art dynastique, l’art de la céramique islamique a connu la gloire, notamment à travers la céramique de parement ou « faïence » (D. Sourdel, J. Sourdel, 1983, 282).

19 Dont le Palais de justice, le ministère des Finances et le ministère de l’Agriculture.

20 Sur le Traité du Bardo de 1881 établissant le protectorat français et les activités de poterie dans la ville de Nabeul, voir Alain et Dalila Liviconi (op.cit., 10).

21 Ville côtière réputée pour son argile ayant permis la production de la poterie depuis l’époque romaine, Nabeul dont est originaire la famille d’artisans potiers Kharraz – nom qui aurait signifié carreau en Espagnol – demeure principale productrice en Tunisie.

22 Trois générations de Chemla se sont succédées à la périlleuse tâche de la production de la céramique d’inspiration Qallaline. Un fidèle hommage vient de leur être rendu par Mohamed Messaoudi et l’atelier Ad 93. Sur la base d’une collection privée de carreaux de céramique à décors prophylactiques signée Chemla, le designer-artiste a en effet produit des pièces uniques de plats en poterie vernissée faite main.

23 On retiendra l’alcôve latérale de la salle du Pacha ou « bit el basha » du XVIII^e siècle et sa marqueterie de marbre, de même on notera les arcs outrepassés à claveaux alternés de la cour sur laquelle ouvre cette pièce, ainsi que le décor d’influences européennes de « bit el uzir », ou la salle du Ministre, datée de la fin du XIX^e siècle (Bilas, 2010, 68-77).

24 Dont l’ouvrage de Jean Soustiel et Charles Kiefer (1985) demeure la référence scientifique.

25 Rappelons que dans la préface de l’ouvrage de Nozha Sekik et Adnan Louhichi (2007), le ministre de la Culture, Monsieur Azeddine Beschaouch, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, précise que le livre rend «hommage à la persévérance, non moins qu’au savoir-faire. Il constitue une belle mise en exergue du rôle de la femme dans la société rurale encore traditionnelle, gardienne de la mémoire, productrice manuelle, de-ci de-là créatrice».