L’impact de la construction des murailles dans les rapports entre espace urbain et périphérie : le nord-est de la Catalogne, seconde moitié du XIVe siècle1
Résumés
Cette étude analyse les répercussions, sur les rapports entre les centres urbains et leurs alentours, du renforcement et de l’extension des périmètres de murailles des villes et bourgs de Catalogne dans la seconde moitié du XIVe siècle. En cette période marquée par les incursions de troupes mercenaires qui caractérisent la guerre de Cent Ans, l’administration des rois d’Aragon engage en effet la fortification des faubourgs jusqu’alors sans défense. Mais ce processus génère difficultés et conflits. Un autre foyer de tensions naît dans les communautés plus petites concernant leur contribution aux systèmes de défense des noyaux principaux et les nouvelles démarcations qui voient le jour. Nous prendrons, pour illustrer l’ensemble, différents exemples de la zone nord-orientale de la Catalogne.
This essay aims to analyze the effects on the relationship between urban centers and their surrounding areas of the reinforcement and enlargement of town walls in Catalonia during the second half of the 14th century. In a period shaped by the incursions of mercenary companies within the context of the Hundred Years War, royal administration promoted the building of walls around suburbs until then unprotected, a process full of difficulties and conflicts. Another source of tension emerged with regard to the contribution by smaller communities to the defensive systems of the main localities and the districts formed linked to it. With this purpose several examples from north-eastern Catalonia will be examined
Entrées d’index
Mots-clés : murailles, réseau urbain, Catalogne, Couronne d’Aragon, XIVe siècle
Keywords : Town walls, urban network, Catalonia, Crown of Aragon, 14th century
Texte intégral
Introduction
1Le 26 décembre 1365, un notaire de Caldes de Malavella, petite ville située à 20 km au sud de Gérone, enregistre l’entrée en Catalogne de troupes de mercenaires venues du royaume de France pour aider le roi d’Aragon dans le conflit qui l’oppose au roi de Castille. Il souligne l’importance des solides murailles qui protègent l’agglomération et la stratégie de défense organisée avec le concours d’un groupe d’arbalétriers. Fier de sa communauté, le notaire compare son succès à d’autres bourgades proches sérieusement endommagées dont il pointe la faiblesse et la mauvaise gouvernance2. L’ardeur de ce témoin n’est pas un exemple isolé de patriotisme local. Il s’inscrit dans une époque où les épisodes de guerre secouent une bonne partie de l’Europe occidentale et où le danger imminent des chevauchées et autres expéditions de pillage sont devenus monnaie courante pour les populations3.
2On sait l’impact des conjonctures militaires dans l’évolution de nombreux territoires de la seconde moitié du xive siècle. C’est vrai pour l’ensemble de la Couronne d’Aragon et pour la principauté de Catalogne en particulier, où les guerres qui impliquent la monarchie, couplées à la constante menace des compagnies de mercenaires, imposent des interventions sur les murailles urbaines à partir de 1360. Cet important phénomène de renforcement des anciens systèmes de défense des villes et bourgs et la création de nouvelles enceintes afin d’absorber la croissance de nombre d’entre eux, ont un impact direct sur les relations entre les noyaux urbains et leurs zones d’influence.
3Cet article se penche sur l’étude de différents cas du nord-est de la Catalogne, une région particulièrement touchée par les incursions de troupes de mercenaires et par les dispositifs de défense mis en place par la monarchie pour les contrer. Mais avant d’évoquer les fortifications et les tensions qu’elles ont pu générer, il faut revenir sur quelques aspects d’ordre général concernant le réseau urbain et la structure juridictionnelle des territoires qui nous intéressent.
Pressions militaires et impératifs nouveaux dans un système urbain déjà consolidé
4De récentes études ont souligné le degré d’urbanisation de la région autour de la ville de Gérone, qui correspond à celle de son évêché. Il en va de même pour les zones situées à l’est du Llobregat et, qui sont connues comme la Vieille Catalogne par opposition aux territoires restés sous domination musulmane jusqu’au xiie siècle. Elle se compose d’un véritable réseau de bourgs interdépendants de la ville principale et d’innombrables masos (unités primaires de production et de consommation familiale) dispersés sur l’ensemble des paroisses rurales4. On relève, sur une aire d’environ 4 700 km2, une trentaine de noyaux urbains devenus des points d’échanges commerciaux, généralement à l’initiative des seigneurs juridictionnels. Le modèle est ensuite reproduit par des bourgades plus petites, essentiellement formées aux xie et xiie siècles autour des églises paroissiales, que l’on appelle celleres5.
5Ces centres urbains sont en majorité protégés de murailles avant le xive siècle. À Gérone, comme à Barcelone et dans d’autres villes anciennes, les enceintes datent de la fin de l’époque romaine ou des temps carolingiens. Elles sont toutes consolidées entre les xe et le xiie siècles6, mais cette particularité n’est pas spécifique aux grandes agglomérations. Nous savons par exemple que Castelló d’Empúries, la principale agglomération après la capitale de l’évêché géronais, est la combinaison d’un village fortifié (castrum) et d’une autre installation dominant deux collines, dont les murailles datent du xie siècle. Plus tard, à une date que l’on estime antérieure à la décennie 1280, un unique périmètre se forme et perdure jusqu’à l’époque moderne7. Pour Besalú, on peut également dater l’enceinte primitive, qui ceinture le secteur urbain formé en contrebas de la colline du château comtal, du xie siècle8. De même, pour des petites villes comme Figueres ou Torroella de Montgrí, où les premiers noyaux formés autour de l’église paroissiale sont protégés de murs vers le milieu du xiiie siècle. Une seconde enceinte est ensuite édifiée lorsque la présence de l’administration royale devient habituelle dans une zone qui est traditionnellement dominée par les comtes d’Empúries9. Le bourg côtier de Roses connaît quant à lui une croissance démographique importante au xiie siècle et voit le périmètre originel qui protégeait le monastère s’accroître dans le premier quart du siècle suivant. Nous savons également, qu’en 1241, l’évêque obtient du roi Jacques Ier l’autorisation d’ériger des murs de défense à Báscara, l’un des principaux bourgs des domaines de la Mitra. Cette opération est mal accueillie par le vicomte Jofre III de Rocabertí, seigneur du château voisin de Vilademuls, avec lequel l’évêque arrive finalement à un accord économique. De même, dans des bourgs comme la Bisbal d’Empordà ou de bourgades plus petites comme Sant Sadurní de l’Heura, Cruïlles ou Olot, on sait qu’il existait, avant 1200, des infrastructures similaires pour protéger les terrains urbanisés hors les murs. D’après les sources, ces espaces forment des villae novae ou des barris (termes à peu près équivalents à celui de faubourg)10. Dans certaines celleres on relève aussi l’existence de petites enceintes datant de la seconde moitié du xiiie siècle11.
6Concernant les rapports des villes et des bourgs catalans avec leurs périphéries, les centres urbains ne possèdent pas un territoire propre avec des droits juridictionnels, contrairement aux contados de la péninsule italienne ou aux alfoces castillans12. En effet, même si les principales villes de la partie occidentale comme Lérida ou Tortosa contrôlent de grandes aires de rayonnement alentour, en Catalogne et dans le royaume de Valence (l’Aragon se rapproche davantage de la Castille dans ce domaine) les gouvernements municipaux ne disposent pas, scricto sensu, d’un communal13. En résumé, les zones situées à faible distance des murailles sont soumises à la juridiction royale ou au contrôle direct d’un autre seigneur, et donc sont rattachées au bailliage ou au district de l’officier royal ou de l’agent seigneurial correspondant. Cependant, compte-tenu des larges parts dans le domaine foncier (parcelles, exploitations agropastorales, voire petites seigneuries territoriales) détenues dans ces zones par les familles les plus riches des villes et les institutions ecclésiastiques, on voit les autorités locales développer de nouvelles mesures à partir du xiiie siècle. Elles visent à réguler les conflits ou à perfectionner le système fiscal municipal, mais restent toutefois sous la supervision d’instances supérieures14.
7Si l’on s’en tient à la ville de Gérone, la paroisse la plus importante s’étend sur un périmètre d’environ 3 ou 4 km au-delà de l’enceinte antérieure au xiie siècle15. Par ailleurs, la délimitation royale de 1190, qui garantit l’exemption des mals usos (mauvais usages sur lesquels se fondait la servitude paysanne) aux habitants résidant à l’intérieur de la petite zone définie par des bornes placées à seulement 2 km du centre de la ville16. Tandis que les secteurs situés au nord et à l’est de la périphérie se déploient en collines couvertes de vignes et autres cultures en terrasses, petits bois et nombreuses carrières, les autres terres composent la plaine, appelée Pla de Girona. Celle-ci est traversée par trois fleuves – le Ter, l’Onyar et le Güell –, qui arrosent les champs de céréales et les potagers, également irriguées par un canal artificiel. C’est précisément dans cet espace compris entre l’Onyar et l’extrémité du canal dérivé du Ter, où se trouve alors le plus grand ensemble de moulins, qui devient l’un des principaux cadres de l’expansion urbaine au cours du xiiie siècle17.
8Au-delà de ce territoire situé aux environs immédiats de la ville, des communautés émergent autour des églises paroissiales et y côtoient les domos (résidences fortifiées) et les petits châteaux. Tous font partie du bailliage et ne sont pas gouvernés par les autorités municipales mais par des officiers royaux, même si quelques seigneurs territoriaux disposent de certains droits juridictionnels. Dans le même temps, une autre situation complexe naît de la volonté de riches tenanciers de masos ou d’habitants de ces paroisses d’acquérir le statut légal de citoyens de Gérone et, en leur qualité de contribuables de cette ville, d’obtenir en échange des franchises et autres avantages fiscaux ou économiques18.
9Telle était la situation dans les environs de la ville de Gérone. Cela étant, on constate que la plupart des caractéristiques relevées étaient partagées, à différents degrés, par d’autres agglomérations assez importantes de la démarcation, telles Castelló d’Empúries et Peralada – toutes deux du ressort des seigneurs, les comtes d’Empúries pour la première, et les vicomtes de Rocabertí pour la seconde –, Torroella de Montgrí – répond du domaine royal –, Sant Feliu de Guíxols et Amer – formées autour des deux monastères bénédictins – ou encore l’enclave de la Bisbal d’Empordà.
10Malgré cette relative fragmentation juridictionnelle, la Couronne impose son pouvoir en matière militaire. Cela est très net concernant le droit d’ériger des forteresses. Ce processus est lié au renforcement de l’autorité monarchique qui s’opère au xiie siècle, que ce soit dans la Couronne d’Aragon ou dans les territoires voisins. Les rois affirmant leur contrôle sur les enceintes fortifiées comme étant un droit exclusif (regalia), dès lors, la monarchie pouvait légitimement s’opposer à la construction de nouvelles enclaves érigées sans son accord. Mais sur le terrain, l’application de ce principe fondé sur l’usatge « Rochas » génère parfois des situations complexes dans les territoires des seigneurs les plus puissants. Dans le diocèse de Gérone, cela concerne essentiellement les terres des comtes d’Empúries, des vicomtes de Rocabertí et de ceux de Cabrera19.
11De fait, de tels privilèges coexistent avec le droit féodal et certains usages relatifs à la préservation des châteaux et des systèmes de défense. Le plus important renvoie directement au statut juridique du castell termenat, c’est-à-dire le château avec un district et des droits juridictionnels spécifiques. Entre autres obligations d’ordre militaire, le titulaire peut exiger des habitants de ce district la contribution à la construction, à la réparation ou au renforcement de quelques structures fortifiées, surtout celles qui sont placées sur la partie extérieure des forteresses20.
12Dans les centres urbains, les contributions humaines et financières à l’entretien des murailles, ou à d’autres infrastructures publiques comme les ponts et les chemins, constituent une obligation implicite pour justifier du droit d’appartenance à la communauté21. Si les sources conservées restent vagues à ce sujet, on sait qu’il existait de longue date des dispositifs militaires pour assurer la défense du territoire dans la plupart des agglomérations et même dans des communautés rurales. Nous renvoyons ici à ce que la documentation appelle centaines, dizaines ou autres pour désigner les formes d’organisation des collectifs d’habitants qui, en cas de menace, se mobilisent, soit de manière autonome, soit sur l’ordre d’un seigneur22.
13En pareilles circonstances, une autre pratique majeure du droit coutumier prévaut avant la période qui nous intéresse, le droit de recolleta. Il s’agit d’une obligation par laquelle, en temps de guerre ou d’invasion, tous les habitants d’un même territoire doivent se réfugier, munis de leurs biens et de leurs vivres à l’intérieur des forteresses les plus proches23. Cependant, face aux pressions nouvelles, cette pratique fait l’objet de discussions sans précédent. Au fond, la question n’est pas tant de protéger la population que les ressources d’une zone en particulier pour pouvoir résister en cas de siège. En même temps, on note la volonté des habitants des principales agglomérations de transférer aux paroisses voisines le poids économique de l’entretien des murailles et des dispositifs de défense.
14Dans les décennies centrales du xive siècle, les éléments les plus vulnérables du système montrent leurs faiblesses face à l’enchaînement des hostilités. L’épisode majeur, est connu sous le nom de la « guerre des deux Pierre », qui oppose les couronnes d’Aragon et de Castille (1356-1366). Toutefois, il ne faut pas négliger la constante menace des compagnies de mercenaires impliquées dans la guerre de Cent Ans, notamment après la paix de Brétigny, en 136024. Ces troupes, entre autres dirigées par des commandants militaires comme Bertrand du Guesclin, l’infant Jacques IV de Majorque et Bernard d’Armagnac, envahissent différentes zones de la Catalogne et du royaume d’Aragon (1361, 1365-1366, 1368-1369, 1374-1375, 1384-1385, 1389-1390 et 1396), sans compter quelques tentatives isolées25. La monarchie réagit en développant une politique très stricte afin de mieux protéger ses domaines. Une des actions les plus immédiates consiste à nommer des capitaines ou chevaliers chargés d’organiser la défense des principales enclaves et leurs territoires. Les décisions qui leur reviennent ont une incidence sur le plan territorial car il s’agissait de déterminer en premier lieu quelles étaient les agglomérations stratégiques méritant le plus de protection26.
15D’autre part, à partir de 1361, le roi multiplie ordres et pressions sur les autorités locales pour renforcer les murailles existantes et en faire édifier de nouvelles27. En concertation avec ces capitaines, la plupart des mesures sont mises en place par des agents locaux liés à la cour royale ; ce consensus se retrouve aussi dans d’autres régions de la Couronne d’Aragon28. Le poids économique de l’ensemble est assumé par les gouvernements urbains, comme dans la majorité des territoires voisins29. Ainsi, qu’il s’agisse des fonds nécessaires à la réparation, à la construction de nouvelles enceintes, au coût des matériaux, aux salaires de bâtisseurs spécialisés ou simples manœuvriers ou, de l’acquisition de machines de guerre, les dépenses reviennent aux autorités municipales, augmentant par la même la charge fiscale qui pèse sur les communautés. Dans le cas de la Catalogne, on sait que la majorité des corporations recourent à l’émission de rentes viagères ou perpétuelles (violaris et censals morts) dont les intérêts étaient payés par la collecte d’impôts indirects. Par conséquent, la construction de murailles dans de nombreuses agglomérations constitue, après les demandes fiscales de la monarchie, l’une des principales causes de l’augmentation de l’endettement et du développement parallèle des bases économiques des administrations municipales30.
16En résumé, les pressions militaires et la fortification des centres urbains n’ont pas seulement engagé l’organisation de ressources financières, elles ont aussi une incidence sur les dynamiques juridictionnelles et même géographiques. C’est précisément sur les conflits engendrés dans la Catalogne nord-est, dans la période qui va de 1360 à 1400, que cette étude est centrée.
Les difficultés liées à la fortification des faubourgs
17Un premier foyer de tensions découle du renforcement des enceintes préexistantes ou de la volonté d’élargir leur périmètre pour entourer les quartiers qui s’étaient constitués à l’extérieur. Il se trouve que l’extension du périmètre fortifié, ainsi que la construction de tours et de portes, supposent parfois la démolition de certains immeubles, augmentant ainsi encore les dépenses engagées. Le phénomène des destructions dites préventives abonde dans les sources de nombreux territoires européens au cours des décennies centrales du xive siècle31.
18En ce qui concerne la ville de Gérone, tout cela commence en 1361, lorsque l’on décide de renforcer le périmètre hérité des époques romaines et carolingiennes par la construction de barbacanes et le creusement d’un fossé32. Pour s’assurer de l’efficacité du nouveau système géronais, le roi ordonne à son bailli de procéder à la destruction de toute structure ayant été ajoutée sur les hauteurs des anciens murs. Il s’avère que la plupart des propriétaires de ces maisons sont des membres du clergé de la cathédrale33. Durant cette phase, les registres conservés montrent que la trésorerie municipale est en mesure d’assumer les dépenses occasionnées.
19Les travaux, ainsi que le plan global du chantier, se complexifient toutefois entre les derniers mois de 1361 et 1366, lorsque la monarchie réalise que le périmètre existant est trop étroit pour protéger tous les habitants de la ville et des environs, et qu’il n’y a aucune source d’eau dans l’enceinte ancienne. Les efforts sont dès lors axés sur la protection d’un important secteur urbain, dénommé el Areny, qui s’était développé à l’extérieur de la cité épiscopale sur les rives de l’Onyar. L’importance de ce quartier tient à la présence des résidences des familles les plus puissantes de la ville, ainsi que des principaux points d’activités économiques tels que commerces, ateliers d’artisans et tavernes. C’est là, à l’extrême sud de la ville, où se trouvent le convent carmélite et le départ du chemin menant à Sant Feliu de Guíxols, que les maîtres d’œuvre doivent gérer les démolitions les plus sensibles. Contrairement aux périodes précédentes, les indemnisations ne se font plus immédiatement. Les sources textuelles attestent en effet d’importants litiges, pouvant aller jusqu’au procès, au sujet des sommes fixées par les différents experts. En dernier ressort, les tenanciers – artisans pour la plupart – obtiennent les sommes dues par le biais de différents dispositifs financiers : la majorité acquiert des rentes émises par le gouvernement municipal ou obtient une reconnaissance de dettes signée devant notaire, tandis que d’autres sont autorisés à percevoir une partie des impôts collectés par la trésorerie locale34.
20Si les sources disponibles – essentiellement notariales – ne sont pas toujours aussi claires que dans le dossier de Gérone, on relève pourtant des cas d’expropriation similaires ou encore des traces de paiements d’indemnités dans d’autres agglomérations plus petites de la démarcation. Nous savons par exemple qu’en 1374, à la Bisbal, un capitaine nommé par l’évêque doit procéder à la démolition de maisons situées à l’extérieur du périmètre des murailles. Mais il semble que, à la suite des plaintes de certains voisins, il reçoit de nouvelles instructions de l’autorité épiscopale lui demandant d’attendre, et ce tant que la menace des compagnies de mercenaires n’affecte pas les environs les plus proches35. Même cas de figure en 1390 avec Jaume Pallarès, capitaine de la petite ville côtière de Palamós, chargé par le roi Jean Ier de démolir les logements situés à proximité des infrastructures défensives et susceptibles de compromettre leur solidité36. Ailleurs, les démolitions ont en revanche lieu. À Sant Feliu de Guíxols, il faut réunir des fonds d’indemnisation en 1374. À Palafrugell, autour de 1390, on enregistre des procédures similaires lorsque les représentants de l’universitas du lieu obtiennent la possession de deux maisons gênant les murailles37. En novembre 1373, à Santa Pau, à la suite des rumeurs qui annoncent l’entrée de compagnies de mercenaires, le seigneur banal juge nécessaire de fortifier le bourg formé autour de son château à partir de 1300. Pour cela, il acquiert le droit de propriété d’une maison qui jouxte l’un des portails pour la démolir ou, plus probablement, la convertir en petite tour38.
21Dans tous les cas et à la différence de Gérone, ces agglomérations n’ont pas été confrontées au profond dilemme qui naît à partir de 1368 ; à savoir quels faubourgs doivent être absorbés par les nouvelles murailles. La difficulté majeure consiste à définir les modalités de financement de ces nouvelles structures, étant donné qu’il n’existe pas de législation ou de jurisprudence en la matière. Il fallait par exemple déterminer si la communauté urbaine était responsable de l’ensemble de l’enceinte ou, à l’inverse, s’il incombait aux riverains d’un secteur donné d’assumer seuls le coût des pans de murs qui les protégeaient39. Ces questions font partie d’un débat plus vaste également alimenté par le problème lié à la contribution des groupes ecclésiastiques, mais aussi des minorités ethnico-religieuses, dans le cas qui nous concerne, celle des juifs40.
22D’après la structure urbaine de Gérone présentée plus haut, les plans de fortification concernent trois faubourgs vers 1370. Au nord, les quartiers constitués autour de l’importante collégiale de Sant Feliu et du monastère bénédictin de Sant Pere, sont séparés par le Galligants. Les abords de ce fleuve reçoivent la plupart des tanneries de la ville, ce qui explique la composition socioprofessionnelle du voisinage. Bien que le noyau formé autour du monastère bénéficie de particularités fiscales dérivées de la juridiction ecclésiastique d’origine, cette occupation extra muros est pleinement intégrée dans la seconde moitié du xive siècle41.
23Après les travaux effectués en 1362, le burg constitué autour de l’église de Sant Feliu devient la priorité, mais seulement pour fortifier les murs extérieurs du temple se trouvant à quelques mètres des anciennes murailles de la ville et de l’une des portes les mieux défendues42. L’expansion de l’enceinte nord à travers le burg de Sant Pere de Galligants, qui commence autour de 1378, est facilitée par l’abbé du monastère qui accepte de recourir au trésor de son institution pour anticiper des rentrées de fonds43. Dans le même temps, les habitants du quartier n’ont pas d’autre choix que de s’organiser. Plusieurs facteurs favorisent une certaine cohésion chez les riverains. Ainsi, outre le fait qu’ils soient tenanciers d’immeubles du monastère bénédictin qui avait donné naissance au noyau urbain, beaucoup sont des tanneurs ou artisans du cuir et partagent donc des liens professionnels et souvent familiaux44. C’est à eux que revient le coût de la majeure partie des travaux correspondant à la portion de murailles qui entoure leurs maisons et ateliers, qu’ils assument par la répartition d’une taille et la création de syndicats pour l’émission de la dette45.
24Au-delà de l’Onyar, à l’ouest, un autre faubourg, celui du Mercadal, est quant à lui traversé par un canal d’irrigation46. Le roi ordonne de ceinturer le secteur du Mercadal en 1368. Cependant, en dehors de quelques avancées réalisées dans les années 1374-1375, le projet ne se concrétise qu’à partir de la décennie 1380. La fortification de ce faubourg engendre beaucoup de difficultés. Nous n’en citerons que deux parmi les plus importantes : l’éloignement des deux principaux édifices de la zone, le convent franciscain et celui de Santa Clara, et l’existence de terrains potagers qu’il était question d’absorber à l’intérieur de l’enceinte. Le projet initial, impulsé par la monarchie en 1368, devait se limiter à l’ouverture d’un périmètre de fossés et à l’installation d’une palissade. Une décennie et demie plus tard, alors qu’une guerre ouverte oppose le roi au comte d’Empúries dans le diocèse de Gérone, l’ouvrage se matérialise enfin47. Comme quelques années seulement avaient suffi à d’autres parties de la ville pour se trouver bien protégées, le projet devient plus ambitieux et on décide de construire un véritable mur de pierre48. Mais, à la différence des burgs de Sant Feliu et de Sant Pere de Galligants, il semble que l’organisation des riverains ait été beaucoup plus limitée. Le roi doit d’ailleurs redoubler de pression face à une majorité du conseil municipal réticente à donner son approbation49. Il obtiendra gain de cause : autour de l’an 1400, le faubourg du Mercadal est enfin doté d’un système de murailles à part entière50.
25Les différentes voies suivies par les faubourgs de Gérone dans la construction de leurs enceintes défensives démontrent l’importance des fonctions économiques des différents quartiers de la ville, ainsi que des rapports existants entre leurs habitants. En effet, c’est de ces facteurs dont dépendent les capacités économiques et de négociation avec le reste de la ville pour des chantiers d’une telle envergure.
Les conséquences de la construction de murailles urbaines dans la définition des territoires
26En parallèle des controverses nées des faubourgs, une autre source de frictions apparaît, qui va s’avérer plus intense et plus espacées dans le temps. Elle concerne le degré de contribution des communautés rurales aux systèmes défensifs de la capitale de la région et aussi des petites villes et bourgs appartenant aux bailliages ou aux districts mineurs auxquels elles sont rattachées. Les discussions dans ce domaine renvoient à des aspects strictement économiques, comme la répartition des sommes à apporter, ainsi qu’à des questions législatives ou politiques lorsqu’il s’agit de communautés placées sous juridiction ecclésiastique ou ayant signé des pactes d’association avec d’autres bourgs51.
27Conformément au plan général impulsé par la Couronne, on décide de privilégier certains lieux fortifiés au détriment d’autres. De fait, personne ne remettait en cause le rôle prépondérant de la ville de Gérone dans la Catalogne du nord-est, laquelle était, d’après certaines sources « ab antiquo caput et frontaria episcopatus Gerundensis et refugium ac tutela locorum ipsius episcopatus et est de se civitas insignis, honorabilis et antiqua »52. Mais, les représentants d’agglomérations plus petites demandent également à être entendus en recourant parfois à d’habiles arguments53.
28La majorité des agglomérations du bailliage de Gérone sont contraintes de collaborer aux vastes travaux de fortification de la ville54. Ce phénomène se reproduit dans d’autres régions de la Catalogne55. Sans entrer dans le détail de la séquence, à partir de l’an 1362, qui coïncide avec les étapes successives de renforcement et d’extension de l’enceinte de la capitale de l’évêché, toutes les paroisses du bailliage royal et, plus tard, celles d’une grande partie de la viguerie devront satisfaire aux demandes réparties d’après le nombre de feux (fogatges), voire se constituer ensemble en corporation pour l’émission de rentes56. Bien que cette contribution aux travaux doive s’appliquer de manière générale, des sources distinguent quelques points de l’enceinte où les communautés voisines de la capitale géronaise ont joué un rôle prépondérant. C’est notamment le cas de la tour Santa Maria qui défendait l’angle sud-est du périmètre construit approximativement entre 1362 et 137557.
29Il est clair que les travaux des murailles de la ville de Gérone n’entraînent pas seulement des efforts financiers de la part de ses habitants, mais aussi de la presque totalité des paroisses du bailliage et de celles situées dans le rayon le plus proche de la viguerie et ne disposant pas d’enclave fortifiée. Cela étant, les discussions ne sont pas toujours centrées sur les sommes exigées ou les délais de paiement, les objections peuvent toucher au fait même de contribuer à certaines murailles, que ce soit celles de la capitale du diocèse ou de petites villes et bourgs ayant la main sur un territoire. Dans ce cas, nombre des principes généraux du droit de recolleta ou des obligations inhérentes aux castells termenats sont remis en question et l’on voit apparaître les tensions que suscite la construction d’enceintes défensives dans des noyaux pouvant entrer en compétition à l’intérieur d’une zone géographique réduite.
30Pour poursuivre avec la capitale géronaise, nous évoquons la longue dispute dont fait l’objet la Pera, une paroisse située à l’extrémité orientale du bailliage de Gérone. Les représentants de ce lieu entretiennent un double contentieux sur plusieurs décennies, en s’opposant, d’une part au château voisin de Púbol et, d’autre part, aux édiles de la capitale de l’évêché. À l’origine du premier conflit il y a des disputes territoriales datant du xiiie siècle, voire plus ancienne, qui se ravivent en 1368 lorsque le sous-trésorier royal, Jaspert de Campllong, nouveau titulaire de la juridiction de Púbol, tente de rallier les habitants de la Pera, lieu qu’il ne tarde pas d’ailleurs à incorporer à ses domaines, pour qu’ils contribuent à sa forteresse58.
31Parallèlement, les habitants de la Pera se heurtent aux intérêts contraires des autorités municipales géronaises. Si, en 1390, ils se sont déjà montrés réticents à se réfugier dans la capitale du diocèse et à contribuer à ses travaux, la reine doit ratifier cette obligation afin qu’ils ne puissent plus s’y soustraire, en 1396. Malgré les efforts déployés pour réintégrer le domaine royal en 1400, la tension augmente peu de temps après. Devant les indices d’un renforcement des infrastructures défensives dans le noyau qui nous intéresse, les messagers géronais portent l’affaire devant la cour du roi dont ils obtiennent une sentence favorable. Ce n’est toutefois là qu’une trêve et, le litige est rouvert lorsque la Pera revient effectivement à la juridiction royale et que ses représentants tentent de se détacher du bailliage de Gérone. Pour se libérer de la contribution liée aux murailles et pour s’intégrer à la procuration de Torroella de Montgrí59. En ce qui concerne la paroisse de Corçà, qui reste sous la tutelle de l’évêque de Gérone jusqu’au xve siècle, on relève un processus similaire : la tentative d’abandon de la recolleta ou groupe de communautés assujetties au financement des murailles de la capitale géronaise est perçue comme une grave menace. Cela étant, il semble que le conflit n’ait pas atteint la gravité du litige de la Pera60.
32On observe des conflits parallèles dans d’autres espaces du diocèse. À Torroella de Montgrí, les disputes qui opposent celle-ci à d’autres bourgades, au sujet des contributions économiques et humaines aux murailles, sont fréquentes, notamment avec Gualta – aux mains de différents seigneurs – et de l’enclave épiscopale d’Ullà61. De même, Figueres est longtemps confrontée à une paroisse de son bailliage, Cistella, laquelle est soumise au contrôle d’un petit noble, Galceran de Vilarig. En 1379, un escadron formé par des hommes de Figueres y attaque et détruit les emblèmes de la seigneurie. Trois décennies plus tard, soit à la réintégration de cette paroisse au domaine royal, le monarque exempte ses habitants de l’obligation de se réfugier à Figueres, tout en prévoyant qu’ils doivent y envoyer dix hommes armés en cas de besoin et contribuer à l’entretien des murailles selon une quantité fixe par famille. Finalement, les représentants de Figueres obtiennent une disposition encore plus favorable après avoir présenté un recours auprès de la cour royale62. Dans le cas de Palamós, qui se heurte périodiquement et pour les mêmes raisons aux paroisses de Vila-romà et de Vall-llobrega, la justice royale n’hésite pas à favoriser l’agglomération principale63.
33À la même période, des tensions éclatent dans les domaines de la Mitra, notamment entre Rupià et deux bourgades, Parlavà et Ultramort, considérées subsidiaires du premier lieu. Ici, la question est de décider si la participation des habitants des communautés plus petites consiste en une simple obligation ou si les personnes affectées doivent percevoir un salaire en échange. À la fin de l’année 1389, les deux parties s’accordent pour soumettre l’affaire à un arbitrage. Mais l’entrée de troupes de mercenaires oblige, comme le veut la réglementation, au transfert à Rupià de nombreux habitants des environs, et la charge liée à l’aménagement des dispositifs pour renforcer les murailles se répartit en fonction des quantités de céréales rentrées par les paysans dans le noyau fortifié. Quelques mois plus tard, tant Parlavà qu’Ultramort, doivent payer différentes sommes pour la défense de Rupià, qui consiste en l’occurrence en l’achat de quelques bombardes64.
34En définitive, suivant la nécessité de défendre la région, la configuration territoriale et l’équilibre existant entre leurs communautés, s’opèrent de constantes négociations requérant l’intervention régulière de la monarchie ou d’autres pouvoirs. En fait, si, au xiiie siècle, les habitants de plusieurs centres urbains de la démarcation géronaise et d’autres lieux de la Catalogne se disputent la prééminence de leur marché hebdomadaire sur celui de leurs voisins, à la fin du xive siècle, les autorités locales ou les seigneurs luttent pour imposer la centralité de leur noyau fortifié respectif et pour asseoir leur contrôle sur les ressources destinées aux systèmes de défense65.
Conclusion
35Les processus de construction et de renforcement des murailles urbaines de la seconde moitié du xive siècle ouvrent un nouveau chapitre dans les dynamiques économiques, sociales et même identitaires qui alimentent les rapports toujours conflictuels entre les centres urbains et leurs zones d’influence66. La peur du pillage, qui se manifeste un peu partout en Occident pendant la guerre de Cent Ans, engendre des situations à peu près inédites qui exigent de repenser les structures existantes.
36Les exemples donnés pour le nord-est catalan illustrent bien les changements qu’impliquent les conjonctures de guerre, les risques d’invasion ou les perpétuelles menaces. En premier lieu, bien que nombre de bourgs, à l’instar des grandes villes, soient déjà protégés de murs avant le xive siècle, les nouveaux systèmes de défense nécessaires dans le dernier tiers du siècle sont très coûteux. De même, les officiers royaux ont la responsabilité de tracer la ligne des nouvelles démarcations entre les bourgs principaux et d’autres noyaux, ainsi que des limites entre leurs faubourgs et la campagne. Enfin, les caisses communautaires ou, surtout, les ressources des habitants subissent les effets de ces décisions.
37Dans le même temps, si la fortification des noyaux urbains n’altère complètement ni le paysage politique du territoire ni la mosaïque juridictionnelle, elle alimente en revanche des conflits à différents niveaux : entre les voisins des divers quartiers des agglomérations les plus urbanisées, entre les représentants des villes et des bourgs, et entre les habitants de leurs circonscriptions. Au sein de ce processus, on voit également se renforcer des liens, en même temps qu’émergent certaines identités collectives, soit des faubourgs soit des communautés locales.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Cette contribution s’inscrit dans le cadre du projet « La desigualdad económica en las ciudades catalanas y mallorquinas durante la baja Edad Media a través de las fuentes del impuesto sobre la riqueza (PGC-2018-100979-B-C22) » dirigé par Pere Verdés Pijuan, et du groupe de recherche reconnu par le Gouvernement de la Catalogne « Renda feudal i fiscalitat a la Catalunya baixmedieval » (2017 SGR 1068) dirigé par Pere Orti Gost. D’autre part, de nombreuses données sont issues d’un travail que j’ai pu mener grâce à la bourse de recherche Francesc Eiximenis en Sciences Sociales et Humaines 2017, accordée par la Diputació de Gérone.
2 Archives Historiques de Gérone, Notariaux, Caldes de Malavella, vol. 71, fol. 102r°, 26 décembre 1365. Je remercie Lluís Sales Favà de m’avoir communiqué ce document si pertinent.
3 Rogers 1993.
4 Farías 2009.
5 Mallorquí 2011, p. 162-167.
6 Pour Gérone : Canal Roquet et al. 2010, p. 46-49, 66-67 ; Pour Barcelone : Banks 1992.
7 Puig 1996, p. 53-75.
8 La grande extension de cette enceinte se produit après 1361 en direction du pré situé en face du monastère bénédictin de Sant Pere (Sagrera 2010, p. 8-13).
9 Farías 2009, p. 232 ; Puig 2013 ; Soldevila, 2003.
10 Puig 2016, p. 350-357, 370-376 ; Marquès 1984, docs. 166 (30 septembre 1241) et 170 (10 mai 1242) ; Mallorquí 2011, p. 162-167 ; Dans le cas d’Olot, on peut situer la construction d’une muraille à partir de 1221. L’infrastructure initiale est élargie dans la décennie 1360 selon le contexte que nous analysons ici (Puigvert 1996, p. 28-29).
11 Selon une sentence arbitrale de 1269, à la cellera de Vilobí d’Onyar, les habitants du lieu qui étaient des paysans dépendants du monastère de Sant Pere Casserres ne devaient contribuer qu’à l’entretien et à la reconstruction des murs et des tourelles en pisé, et non aux travaux impliquant l’usage de la pierre (Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 1682, fol. 160v°-162r°, 19 juin 1376, Barcelone).
12 Menjot 2007.
13 Pour les deux villes mentionnées : Sabaté 2016, p. 163-164.
14 Orti 2001.
15 Mallorquí 2004.
16 Juliol 2001, p. 19-21, doc. 2 (octobre 1194).
17 Canal Roquet et al. 2010, p. 72-73, 86-87, 100-101, 114-115, 120-121 ; Reixach 2019a, p. 21-87.
18 Les ciutadans forans constituaient une catégorie plus ou moins équivalente à celle de la bourgeoisie foraine du Nord de la France ou de Flandre (Boone 1996).
19 Ferrer Mallol 2001, p. 138-139 ; Ferran 2006, p. 154-157.
20 En 1378, un litige de ce type survient au sujet des travaux du château de Lloret (Mallorquí 2011, p. 283-288 ; Benito 2012).
21 Verdés 2009-2010, p. 175-185.
22 To Figueras 2010, p. 314-317.
23 Ferrer Mallol 2001, p. 151-152.
24 Pour une synthèse actualisée de ce conflit péninsulaire important, voir Mario Lafuente Gómez (Lafuente 2012).
25 Il n’existe pas d’étude globale qui reprenne tous ces épisodes, mais on peut toutefois consulter les références suivantes : Ferrer Mallol 2001 ; Sánchez 2001 ; Sánchez 2008.
26 Sabaté 1997, p. 220-225 ; Sánchez 2008, p. 47-50.
27 Verdés 2003. Dans ce sens, des auteurs comme Jacobo Vidal Franquet ont constaté une chronologie essentiellement liée à la guerre à propos de ces phases d’intervention architectonique et urbanistique (Vidal 2008, p. 131-137). Dans d’autres territoires voisins comme le royaume de France, la monarchie entreprend également un plan général pour renforcer les systèmes de défense des agglomérations (Wolfe 2009, p. 62-67).
28 Particulièrement sur ce protocole pour la ville de Gérone (Reixach 2015, I, p. 230-249, 508-514). Dans des villes d’Aragon comme celle de Saragosse, il semble que les élites urbaines aient agi de manière plus autonome (Lafuente 2010, p. 583-595).
29 Tout comme dans le royaume de France (Rigaudière 1993).
30 Orti et Verdés 2016.
31 Rigaudière 1993, p. 430-433.
32 Pour en savoir plus sur le processus de construction des murailles de Gérone : Reixach 2019b, I, p. 193-213. Dès la fin de l’an 1360, on exige la démolition de tout édifice se trouvant à moins de 40 mètres des murs existants (Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, I.3.3.1.1., lligall n. 1, sans pagination, 4 novembre 1360). Il semble toutefois que ce principe soit finalement appliqué de manière moins rigoureuse.
33 Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, I.1.2.1., lligall 6, quadern 4, fol. 42r°-v°, 25 octobre 1361.
34 Reixach 2015, vol. I, p. 243; Reixach 2018, p. 114, 217. Les mêmes procédés ont été identifiés dans d’autres villes comme Barcelone ou Valence (Roustit 1954, p. 22, 148 ; García Marsilla 2002, p. 254-255, 258).
35 Archives Diocésaines de Gérone, Lletres, U-62, fol. 129r°, 18 septembre 1374 ; Marqués 1994, p. 7, 147.
36 Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 2014, fol. 31v°-32r° (2e numération), 1389/11/20, Montsó ; Archives Historiques de Gérone, Notariaux, Palamós, vol. 11, sans pagination, 25 mai 1420. Nous avons connaissance d’une instruction similaire donnée à un homologue de Pallarès à Sant Sadurní de l’Heura. L’instruction qui émane cette fois du seigneur du lieu, l’évêque, est destinée au capitaine Bernat de Vilar (Archives Diocésaines de Gérone, Lletres, U-69, fol. 126v°, 15 décembre 1376).
37 Sur Sant Feliu, voir Orti 2009, p. 141. Pour Palafrugell, voir Archives Historiques de Gérone, Notariaux, Palafrugell, vol. 5, sans pagination, 20 septembre 1390 et 29 novembre 1390. D’après une référence bibliographique qui devrait être vérifiée avec des sources primaires, les autorités agissent de manière beaucoup plus radicale à Castelló d’Empúries en détruisant une centaine de maisons situées à l’extérieur des murailles de l’agglomération (Pella Forgas, p. 531-532).
38 Arxiu Comarcal de la Garrotxa, Notariaux, Santa Pau, vol. 75, fol. 195v°-196r°, 22 novembre 1373.
39 À ce sujet pour Gérone, voir : Sabaté 1997, p. 151-156.
40 Morelló 2011, p. 185-187.
41 Guilleré 1993, I, p. 99, 161-162.
42 L’église est un lieu d’autant plus important qu’elle abrite les tombeaux des deux martyres et saints patrons de la ville, saint Félix et saint Narcisse, ce que l’administration royale ne manquera pas d’invoquer (Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 1249, fol. 32v°-33r°, 14 avril 1375, Lérida). Concernant les tronçons nécessaires pour clore ce faubourg, voir Canal Roquet et al. 2010, p. 130. Sur l’ensemble du processus de fortification de la ville, voir Reixach 2019b, vol. I, 193-213.
43 Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 1262, fol. 102v°-103r°, 7 juin 1378. Il trouvera compensation dans la rente perpétuelle que lui cède le gouvernement municipal (Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Manual d’acords, an 1390, fol. 25r°, 30 mai 1390). Les travaux commencés vers le milieu de l’an 1378 n’étaient toujours pas terminés en 1390.
44 Reixach 2019a, p. 102-112.
45 Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Manual d’acords, an 1389, fol. 69r°-v°, 26 mai 1389 ; fol. 70r°-71v°, 5 juillet 1389 ; Ibid. an 1390, fol. 29r°-30r°, 3 juin 1390. Il s’agit en réalité d’un processus hautement complexe qui oblige à réunir des prêts d’autres particuliers de la capitale géronaise (Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Manual d’acords, an 1389, fol. 36r°-v°, 16 mai 1389).
46 Canal Roquet et al. 2010, p. 128-129.
47 Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 1080, fol. 102r°-103r°, 2 novembre 1368 ; Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Manual d’acords, an 1386, fol. 4r°-v°, 1er septembre 1386 ; fol. 13r°, 8 septembre 1386.
48 Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Urbanisme i obres, reg. 11673, fol. 16r°-v°, 8 juillet 1385 ; fol. 17v°, 27 février 1386 ; Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Manual d’acords, an 1390, fol. 60r°, 22 avril 1390.
49 Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 944, fol. 133r°-134v°, 2 mars 1385, Gérone ; Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Manual d’acords, an 1385, fol. 36v°-37v°, 29 mars 1385 ; Ibid. an 1386, fol. 50v, 17 juin 1386 ; fol. 52v°-53v°, 18 juin 1386 ; fol. 57v°-59v°, 17 juillet 1386 ; Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Manual d’acords, an 1390, fol. 60r°, 22 avril 1390. De fait, la situation inverse s’était produite en 1368, ce qui démontre la complexité du projet. Les habitants des faubourgs, dont l’enceinte n’était pas encore à l’ordre du jour, se plaignaient alors des dépenses élevées liées à l’ouvrage des murailles encerclant le cœur de ville (Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, I.3.3.2.4, RG 43104, fol. 267r°-272v°, 1er décembre 1368 ; Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 1240, fol. 62r°-v°, 10 mars 1374).
50 Arnall, 2000, vol. II, doc. 414 (29 juillet 1396) ; Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Manual d’acords, an 1397, fol. 24r°, 19 mars 1397 ; Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, I.3.3.1.1., llig. 13, reg. 2, sans pagination, 6 avril 1401.
51 Concernant ces pactes appelés carreratges ou veïnatges, voir : Ferrer Mallol 1999 et Verdés 2000.
52 Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 907, fol. 213r°-214r°, 22 octobre 1362, Gérone.
53 Le cas d’Amer est particulièrement intéressant car deux concessions royales – celles de 1376 et 1386 – autorisent la construction de murailles à la suite de réclamations des représentants de ce bourg. Ces derniers invoquent, d’une part, la distance les séparant de la capitale géronaise (argument avancé pour ne pas participer aux frais d’entretien du système défensif de celle-ci) et d’autre part, l’utilité d’une nouvelle enclave fortifiée dans une zone à forte concentration de troupeaux et cernée de seigneurs juridictionnels menaçants (Marquès Casanovas 1990).
54 À l’instar d’autres domaines, c’est la monarchie qui dans la majorité des cas prend l’initiative des pressions exercées sur les plus réticents (Juliol 2001, p. 107-108, doc. 46, du 28 avril 1369).
55 Morelló 2011, p. 181-185, 188-191.
56 En octobre 1362, les sources attestent même de signes de rébellion de la part des hommes des paroisses des alentours de la ville – les homes forans – refusant d’honorer leur mise à contribution (Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, I.1.2.1, lligall n. 6, fol. 32r°-41v°, 6 octobre 1362 ; Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 907, fol. 213r°-214v°, 22 octobre 1362, Gérone). Le jugement des édiles géronais finira toutefois par s’imposer (Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 908, fol. 86v°-88r°, 23 janvier 1363, Montsó ; Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Urbanisme i obres, reg. 11668. Juliol, 2001, p. 124-139, doc. 56, 24 janvier 1390 ; doc. 58, 17 juin 1390 ; doc. 59, 4 juillet 1390 ; doc. 60, 4 juillet 1390 ; Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Urbanisme i obres, reg. 11675).
57 Archives Historiques de Gérone, Notariaux, Girona-05, vol. 413, sans pagination, 29 mars 1386.
58 Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 997, fol. 102r°-105r°, 11 septembre 1368, Barcelone ; reg. 917, fol. 143r°-144r°, 6 juillet 1369, Valence ; reg. 2329, fol. 79r°-v°, 23 novembre 1396 ; reg. 2329, fol. 115v°-116r°, 4 janvier 1397, Barcelone.
59 C. Pergamins, vol. I, doc. 546, 11 septembre 1368 ; Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 917, fol. 143r°-144r°, 6 juillet 1369, Valence ; reg. 2329, fol. 115v°-116r°, 4 janvier 1397, Barcelone ; Juliol 2001, p. 134-135, 157-159, docs. 57 (27 mai 1390, Gérone), 72 (16 août 1398), 73 (16 août 1398) ; Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 2717, fol. 11r°, 5 septembre 1398, Saragosse ; Archives Historiques de Gérone, Notariaux, Corçà, vol. 17, fol. 77r°-78r° (15 novembre 1396), fol. 81r-82r (27 novembre 1396) ; Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 2121, fol. 96v°-97r°, 6 décembre 1398, Saragosse ; reg. 2210, fol. 101r°-102r°, 28 avril 1399, Saragosse ; reg. 2129, fol. 125r°-126r°, 8 novembre 1400, Barcelone ; Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, I.3.3.1.1., llig. 13b, sans pagination, 28 novembre 1400 ; Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Manual d’acords, an 1401, fol. 1r°-2r°, 8 janvier 1401 ; fol. 19r°-20r°, 23 février 1402 ; Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, I.1.2.1., llig 9, reg. 2, fol. 38r°, 6 mai 1430 ; Juliol 2001, p. 232-235, doc. 99 (18 septembre 1431).
60 Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Manual d’acords, an 1397, fol. 7v°-10v°, 21 février 1397 ; Archives de la Couronne d’Aragon, Chancellerie Royale, reg. 917, fol. 169r°-163v°, 1er août 1369 ; fol. 163v°-164r°, 1er janvier 1368 ; fol.164r°-v°, 1er août 1368, Valence) ; Archives Historiques de Gérone, Notariaux Corçà, vol. 7, fol. 68v°, 25 juin 1386.
61 Archives Historiques de Gérone, Notariaux, Torroella de Montgrí, vol. 581, sans pagination, 29 janvier 1367 ; Soldevila 2003, p. 97 ; Archives Historiques de Gérone, la Bisbal d’Empordà, vol. 1775, fol. 55r°-56v°, 7 juin 1377.
62 Cobos 2004, p. 64-70, docs. 43 (31 octobre 1379), 44 (31 octobre 1379) ; Ibid., p. 114-115, doc. 68 (20 février 1405) ; Ibid., p. 119-120, doc. 71 (16 mars 1413).
63 Archives Diocésaines de Gérone, Lletres, U-62, fol. 165v°-166v°, 16 août 1374 ; Ibid. 67, fol. 7r°-10r° (13 octobre 1374) et fol. 34v°-35r° (30 mars 1375) ; Ibid. 68, fol. 17r°, 31 décembre 1375 ; Archives Historiques de Gérone, Notariaux, Palamós, vol. 6, sans pagination, 29 août 1408 ; Costa 1981, p. 150 ; Camós et Marquès 1987, docs 70 (24 février 1478). Un cas similaire concerne la petite ville de Sant Feliu de Guíxols et le Val d’Aro, sa zone d’influence immédiate. Les habitants de la vallée, qui reviennent au domaine royal en 1374, obtiennent le privilège de ne plus contribuer aux murailles de Sant Feliu (Orti 2020, p. 46). De même à Olot, des conflits opposent les habitants du centre urbain aux paysans de la paroisse (Puigvert 1996 p. 29).
64 Archives Historiques de Gérone, Notariaux, Rupià, vol. 580, sans pagination, 9 novembre 1389, 16 novembre 1389, 29 décembre 1389, 20 janvier 1390 ; Archives Historiques de Gérone, Notariaux, Rupià, vol. 556, sans pagination, 1er mars 1390 ; vol. 26, sans pagination, 26 février 1391. Rappelons que ces engins militaires en fer et en bronze sont justement documentés pour la première fois autour de 1390 dans le nord-est de la Catalogne. Concernant la ville de Gérone, les sources s’y réfèrent concrètement dans le second semestre de l’année 1389 (Archives Municipales de Gérone, Fons Ajuntament de Girona, Manual d’acords, an 1390, fol. 90r°, 9 septembre 1390 ; Ibid. an 1390 (ancien n°22), fol. 25bis, 23 décembre 1390). Cela coïncide avec la chronologie 1380-1420 établie pour l’ensemble de l’Occident européen (De Vries 2002, p. 286-292).
65 Sur la question des marchés, voir : Farías 2009, p. 399-402.
66 Sur l’importance de ces relations centre-périphérie, voir : Bouffier et al. 2015.
Auteur
Chercheur post-doctorant Juan de la Cierva, université de Lérida
reixachsala.albert@gmail.com
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