2.1. Jean IV de Monchy, dernier gouverneur des ville et château d’Étaples

3Jean de Monchy (fig. 1), quatrième du nom, est le deuxième enfant et le deuxième fils, survivant d’Antoine de Monchy, seigneur de Montcavrel, et d’Anne de Balzac, dame de Montaigu-la-Brisette4. Sa date de naissance n’est pas connue avec certitude : certains historiens le font naitre en 15715, mais la Gazette de France, qui informe de son décès en octobre 1638, indique qu’il est mort à l’âge de 62 ans6, ce qui ferait remonter sa naissance à l’année 1576. À la mort de son père, en 15867, il hérite des seigneuries familiales : il devient seigneur de Montcavrel et autres lieux. Le 29 novembre 1596, par contrat, il épouse Marguerite de Bourbon-Vendôme, dame de Rubempré, fille d’André de Bourbon-Vendôme, seigneur de Rubempré, et d’Anne de Roncherolles8. Le couple donnera naissance à neuf enfants9, dont Anne de Monchy, qui deviendra l’épouse d’Henri-Marc Gouffier de Bonnivet, et sur lesquels nous reviendrons ci-dessous.

Fig. 1. Portrait en buste de Jean IV de Monchy, seigneur de Montcavrel, vers 1633

4De 1593 à 1638, Jean de Monchy assume trois charges de gouverneur, sur lesquelles, malheureusement, pèse un certain nombre d’approximations :

• En octobre 1593, il remplace Claude Oudart Roussel de Bédouâtre, qui avait trahi la Ligue, comme gouverneur et capitaine du château d’Hardelot, forteresse du Boulonnais dont il fait sa résidence10. Il perd ce gouvernement en 1611, peut-être remplacé par Henri-Marc Gouffier de Bonnivet, son futur beau-fils, ou en 1613, remplacé par le seigneur de Bois-Ratel11.

• Le 26 janvier 1613, il devient gouverneur d’Ardres, charge plus importante, à la suite de Joachim de Bellengreville12. Dans ses mémoires, le maréchal François de Bassompierre indique que « Montcavrel remit Ardres au roy par recompense » à la fin du mois d’octobre 163613 : le roi donne ce gouvernement à François de Jussac d’Ambleville, sieur de Saint-Preuil. Il y a, toutefois, une réelle incertitude14 sur l’occupation de la charge entre 1613 et 163615.

• La date de la prise de son gouvernement d’Étaples16 n’est pas non plus connue avec certitude : Joseph-Hector de Rosny et Louis-Eugène de La Gorgue-Rosny la placent en 161217, Gustave Souquet et Pierre Baudelicque en 161318 et Albéric de Calonne et Roger Rodière en 161519. Nous verrons un peu plus loin que les premiers textes connus le mentionnant dans cette charge datent de cette dernière année. Jean IV de Monchy succède à Louis de Belloy, seigneur de Beaumerie20. Sa mort, qui intervient entre le 24 et le 30 octobre 1638, met fin au gouvernement particulier d’Étaples qui est alors confié à Antoine II d’Aumont de Rochebaron21.

5On prête à Jean IV de Monchy, parfois à tort22, une participation aux évènements, souvent tumultueux, qui ont marqué l’histoire régionale et nationale du dernier tiers du XVI^e siècle au premier tiers du XVII^e siècle. Les cinq exemples suivants montrent le seigneur de Montcavrel comme un homme opiniâtre dans ses opinions et ses actions.

6Durant la seconde guerre de la Ligue (1584-1595), qui confronte Ligueurs catholiques et autorité royale, soupçonnée de favoriser le protestantisme, et qui impacte fortement le Boulonnais23, il rejoint le parti catholique, celui de la Sainte-Union. Aussi, refuse-t-il, en juillet 1588, de se présenter à l’assemblée des trois états du Boulonnais, organisée par le parti adverse, celui des royalistes, à Boulogne, en vue de la nomination, contestée par les Ligueurs, des députés de la province aux États généraux du royaume : ceux-ci doivent se tenir à Blois à partir du mois d’octobre 158824. Il parvient également à dissuader les habitants d’Alette, village dont il est le seigneur, de s’y faire représenter25. Une lettre, que le roi Henri III lui a personnellement adressée, lui permet l’annulation de la première assemblée et l’organisation de nouvelles élections au mois d’août 1588, à Étaples, ville alors aux mains des Ligueurs26. De nouveaux députés sont élus, qui siègeront aux États généraux, et parmi lesquels se trouve, pour la Noblesse, Louis de Monchy, seigneur d’Inxent27. On retrouve ensuite Jean de Monchy comme capitaine d’une compagnie « de cincquante hommes d’armes » qu’il met, dans cette guerre fratricide, au service « de Messieurs les Princes Catholicques »28.

7De 1610 à 1617, et plus particulièrement durant l’année 1615, Jean de Monchy est l’un des acteurs des troubles liés à la régence de Marie de Médicis, comme nous le verrons par ailleurs.

8En 1612, à la tête d’une coalition des trois états du Boulonnais, il s’oppose au paiement d’une dette contractée en 1595 auprès de Claude-André Dormy, évêque de Boulogne : le prélat avait fait l’avance d’une somme de 3 900 livres destinée à l’entretien de l’armée que le duc de Bouillon, Henri de La Tour d’Auvergne, conduisait pour le service du roi Henri IV en Picardie29. Dix-sept ans plus tard, cette somme n’avait toujours pas été restituée et les héritiers de l’évêque en exigeaient le remboursement, ainsi que le paiement des intérêts que celle-ci avait générés. Bien que les états et la ville de Boulogne s’étaient portés autrefois garants du paiement, Jean de Monchy estimait désormais que l’acquittement de la dette contrevenait aux privilèges des Boulonnais que le roi Louis XIII avait confirmés par lettres patentes en janvier de l’année précédente : le 20 décembre 1612, un arrêt du Conseil statua en faveur de Jean de Monchy et des Boulonnais en faisant porter le paiement par le domaine royal.

9En 1614, le 12 août, des élections sont organisées en la sénéchaussée du Boulonnais en vue de la tenue des États généraux convoqués par Marie de Médicis et qui doivent se tenir à Paris, dès la fin du mois d’octobre : Jean de Monchy et Charles de Belloy, seigneur de Landrethun, sont élus députés de la noblesse du Boulonnais30 et siègent lors des séances de l’assemblée (fig. 2). Mais, en 1616, cette députation va causer un nouveau trouble dans le Boulonnais31. En effet, le 21 octobre, le maïeur, Renaud Destailleurs, et les échevins de Boulogne, les maïeurs d’Étaples, Desvres et Ambleteuse, le lieutenant au bailliage de Marquise et le grand bailli du bourg de Samer s’opposent à la taxe qui est imposée au tiers-état boulonnais pour financer le voyage à Paris des seigneurs Jean de Monchy et Charles de Belloy. Les représentants du tiers-état avaient déjà payé les frais de voyage de leur propre représentant, Pierre Willecot, avocat du roi en la sénéchaussée du Boulonnais, et refusaient, par conséquent, de payer deux fois.

Fig. 2. Séances des États généraux de 1614 : l’estampe montre, au premier plan, en bas à droite (et vignette), les députés de la noblesse, parmi lesquels figurait Jean IV de Monchy, lors de la séance du 23 février 1615 – en bas, emplacement de Jean IV de Monchy parmi les députés de la noblesse de Picardie, lors de la séance du 27 octobre 1614

10De 1623 à 1627, Jean de Monchy s’illustre dans un dernier conflit d’autorité, entre Antoine I^er d’Aumont32, gouverneur de Boulogne et du Boulonnais, et la noblesse du pays33. À peine nommé à la tête de la province, le 12 avril 1622, le nouveau gouverneur souhaite étendre à la noblesse boulonnaise le droit fixé pour les entrées du bois dans Boulogne : mais celle-ci s’en prétend exempte et laisse peser aux seuls bourgeois cette taxe destinée à procurer le combustible nécessaire aux corps de garde du château et de la ville de Boulogne. Ce conflit, à la tête duquel se trouvent notamment les frères Jean et Georges de Monchy, atteint son paroxysme en 1627 : le 15 mars de cette année, une commission est dépêchée dans le but de prendre connaissance des raisons du différend opposant Antoine d’Aumont à la noblesse. Mais il faut attendre le mois d’octobre pour qu’il s’apaise : le 16 de ce mois, Charles de Lorraine, duc d’Elbeuf, gouverneur de la Picardie, arrive à Boulogne ; le 23, il convoque le gouverneur, Antoine d’Aumont, le sénéchal de Boulogne, Antoine de Patras, les frères de Monchy, ainsi que plusieurs autres nobles ; l’objectif est de pacifier les relations entre les deux partis, ce que le duc parvient à faire. Cette concorde tient encore les semaines suivantes, car, le 21 novembre, tous célèbrent en l’église Notre-Dame de Boulogne l’échec du siège de Saint-Martin-de-Ré par les Anglais34. Toutefois, la querelle ne prend réellement fin qu’en 1656, le roi Louis XIV approuvant la conduite de l’ancien gouverneur Antoine d’Aumont, décédé en 1635.

11Des dissensions entre Jean de Monchy et la population locale sont également connues. Le 12 janvier 1629, les maïeur et échevins de Boulogne, soucieux de leurs franchises et privilèges, et de ceux de leurs voisins étaplois, adressent un mémoire aux députés du pays boulonnais dans lequel ils contestent l’octroi d’une charge, celle du droit d’hôtage35 : alors que celle-ci revenait traditionnellement aux bourgeois d’Étaples, Jean de Monchy décide de l’attribuer « à ung nommé Védremme, dict Carrabin »36 ; or, en confiant cette charge, de sa pleine autorité, à l’un de ses protégés, le seigneur de Montcavrel mettait en péril les finances de la ville d’Étaples qui trouvait dans cette ressource le moyen de subvenir aux charges publiques37.

12En dépit de ses relations tumultueuses avec l’autorité royale, Jean de Monchy est fait chevalier dans l’ordre du Saint-Esprit (fig. 1), lors de la septième promotion de cet ordre, sous le règne de Louis XIII, le 14 mai 163338. À sa mort, 5 ans plus tard, Jean de Monchy avait la pleine confiance de Richelieu39. Son décès, qui intervient entre le 24 et le 30 octobre 1638, met fin au gouvernement particulier d’Étaples40 qui est confié à Antoine II d’Aumont de Rochebaron41 (fig. 3), désormais gouverneur de Boulogne et du Boulonnais, du Mont-Hulin, de Desvres, d’Hardelot et d’Étaples. Toutefois, le château restera sous le commandement d’un officier, souvent désigné, de manière abusive, « gouverneur » : de 1639 à 1669, date du décès d’Antoine II d’Aumont, se sont ainsi succédé Antoine Le Roy, écuyer, seigneur du Quesnel († 1647)42, Antoine de Guizelin, écuyer, seigneur de Fromessent († ca. 1666)43, et Bernard d’Audegau44, seigneur d’Hubersent († ap. 1673)45.

Fig. 3. Portrait en buste d’Antoine II, duc d’Aumont de Rochebaron, non daté

2.2. Henri-Marc Gouffier, commandant du château d’Étaples ?

13Henri-Marc Alphonse Vincent Gouffier nait à Venise, le 14 juin 158646. Il est le deuxième enfant et le deuxième fils survivant d’Henri Gouffier, seigneur de Crèvecœur et de Bonnivet, et de Jeanne de Bocholt, dame de Thiennes et de Calonne-sur-la-Lys47. Après la mort de son père, en 1589, et après celle de son frère aîné, François Alexandre, en 1595, il devient seigneur et marquis de Crèvecœur, baron d’Engoudsent48, seigneur de Bonnivet et autres lieux. Le 23 avril 1615, il épouse, par contrat, Anne de Monchy, cinquième enfant et première fille de Jean IV de Monchy, et devient ainsi le beau-fils du seigneur de Montcavrel : le couple donne naissance à six enfants49.

14La vie d’Henri-Marc Gouffier n’aura été que tumulte : il apparaît comme un homme sans courage, sans loyauté et dénué de tout sens moral. En 1605, à l’âge de 19 ans, et avec les lettres de recommandations écrites par Henri IV, il offre ses services à la République de Venise et renouvelle cette demande en 160650. En 1611, il commande le château d’Hardelot51 : il sera remplacé, le 15 décembre 1632, par Florent (ou Flour) de Poucques, seigneur de Vélinghem52. De 1614 à 1616, il est l’un des principaux protagonistes dans les troubles de la Régence, et plus particulièrement dans ceux qui secouent Étaples en 1615, comme nous le verrons ci-dessous : toutefois, il ne semble pas être désigné officiellement dans la conduite de cette place forte. Le 1^er septembre 1622, il échange le marquisat de Bonnivet à Aymé de Rochechouart, seigneur de Tonnay-Charente, contre la châtellenie de Fougerolles, près de Remiremont, et d'autres domaines en Bourgogne : ainsi passe dans les mains d’une autre famille le château renaissant construit par son arrière-grand-père Guillaume II Gouffier à partir de 151353. En 1623, avec plusieurs autres gentilshommes, en Picardie, il accueille le nouveau gouverneur de la province, François de Bonne, duc de Lesdiguières, connétable de France, qu’il est chargé de mener jusqu’à Amiens54. Le 5 novembre 1626, lui et son épouse vendent la terre de Fougerolles, en Franche-Comté, à Paul-Bernard de Fontaine, seigneur de Gomery55. En 1630, il offre à nouveau ses services à la République de Venise, disposant d’un régiment de 3 000 hommes56. En 1635, alors que les Impériaux ravagent la Picardie, il passe à l’ennemi57. C’est là l’un de ses derniers faits d’armes.

15La fin d’Henri-Marc Gouffier et de sa femme, Anne de Monchy, est tragique : le couple décède avec neuf autres personnes dans l’incendie du château de Bernieulles, village situé au nord de Montreuil, dans la nuit du 22 au 23 mars 164558.

2.3. Charles de Saulbruicq, lieutenant du Roi au château d’Étaples

16Nous ne possédons que trop peu d’informations sur Charles de Saulbruicq59, écuyer, seigneur de Clenleu et lieutenant du Roi au château d’Étaples60. Ses dates de naissance et de décès nous sont inconnues, mais il est peut-être ce « monsieur de Sobruy » qui décède le 15 juin 1653 à Recques-sur-Course, près de Montcavrel61 : il est inhumé le lendemain dans l’église Saint-Léger.

17Il est le fils de Pierre de Saulbruicq, écuyer, et d’Antoinette Lorgnet, dame de La Motte de Recques, et le frère de Louis de Saulbruicq62. Les parents de Charles décèdent avant 160663, car sa sœur, Claude de Saulbruicq, est désignée comme « orpheline » dans son contrat de mariage passé au cours de cette année : le 12 décembre, à l’église de Courset, elle épouse Louis II Testart de La Neuville, écuyer, seigneur de La Folie. Charles est présent à la signature du contrat de mariage fait et passé au château de Nampont-Saint-Martin le 11 décembre64. Par ce mariage, les de Saulbruicq font alliance avec les de Monchy : en effet, Louis II Testart de La Neuville était parent de Jean et Georges de Monchy.

18Charles est l’époux d’Anne d’Oixancourt. Du couple sont issus au moins trois filles – Marguerite, née avant 1613, Anne, née le 20 avril 161465, et Marie, née le 10 septembre 162666 – et un garçon, dont le prénom n’est pas connu, né en 161567. Hormis Marguerite, les trois autres enfants sont nés à Étaples.

19L’une des plus anciennes mentions de la présence, à Étaples, de Charles de Saulbruicq date de l’année 1613 : dans l’acte de baptême de Jeanne Blondel, qui a pour marraine Marguerite de Saulbruicq, fille de Charles, il est cité comme « lieutenant au château d’Étaples » dès le mois de février68. Probablement son arrivée suit-elle de près la prise de fonction de Jean de Monchy, dont il est l’un des familiers. Placé sous les ordres de ce gouverneur, il le supplée régulièrement quand ce dernier ne séjourne pas à Étaples : ainsi, en mai 1615, il signe le contrat de réparation d’une brèche au château69 ; et, en octobre 1621, c’est à lui que s’adresse, pour conseil, le trésorier de la ville, alors que Jean de Monchy est parti à la chasse dans son domaine de Montcavrel70.

20Nous ne savons pas jusqu’à quelle date Charles de Saulbruicq est resté en fonction : en 1623, il est cité comme « lieutenant pour le Roy », dans l’acte de baptême de Marguerite Le Caron, qui a pour marraine Marguerite de Saulbruicq, sa fille71, et, en 1628, comme « lieutenant pour le service du Roy (…) et capitaine d’une compagnie de gens de pieds au régiment du seigneur et marquis de Montcavrel », dans un acte notarié72. La mort de Jean de Monchy en 1638 met peut-être fin à sa fonction de lieutenant pour le Roi au château d’Étaples et son devenir après cette date reste flou : en août 1643, un « sieur de Sobruy », cité comme « volontaire » au régiment de Villequier, contribue, en Artois, à la défaite de la garnison de Saint-Omer73. Le gouvernement particulier d’Étaples étant confié à Antoine II d’Aumont de Rochebaron, marquis de Villequier, Charles de Saulbruicq a peut-être rejoint le régiment boulonnais après 1638.

3.1. La régence de Marie de Médicis (1610-1617)

22Après la mort d’Henri IV, le 14 mai 1610, Marie de Médicis, couronnée reine le jour précédent, doit exercer la régence du royaume, son fils Louis XIII, âgé de 8 ans seulement, étant trop jeune pour gouverner (fig. 4). Très vite, la souveraine se rapproche de l’Espagne de Philippe III en prévoyant un double mariage, celui de son fils avec l’infante Anne, d’une part, et celui de sa fille Élisabeth avec l’infant Philippe, futur Philippe IV. Mais, alors que ce rapprochement avec la très catholique Espagne inquiète les protestants, elle mécontente la noblesse du royaume de France, en appelant auprès d’elle, dans la conduite de son pouvoir, deux de ses familiers, d’origine italienne, comme elle : Leonora Galigaï, sa confidente et dame d’atour, depuis 1601, et son mari Concino Concini, marquis d’Ancre depuis 1610, élevé à la dignité de maréchal de France en 1613 (fig. 5). Sous l’influence de la reine, le couple de favoris s’enrichit et voit son pouvoir s’accroitre au détriment de celui des princes de sang.

Fig. 4. Portraits en pied de Marie de Médicis et Louis XIII en 1614 : cette gravure pourrait commémorer la majorité de Louis XIII, proclamée le 20 octobre 1614

Fig. 5. Portraits de Léonora Dori (à gauche), dite Galigaï, et de Concino Concini (à droite), maréchal d’Ancre, vers 1614

23Désignant le maréchal et son épouse comme responsables des maux du royaume, la noblesse catholique et huguenote ne tarde pas à se révolter et place à sa tête, en 1613, Henri II de Bourbon, prince de Condé, second dans l’ordre de succession (fig. 6). Alors que les premiers faits d’armes se font sentir, et afin que la France ne plonge dans la guerre civile, la régente consent à négocier avec les grands seigneurs, les Malcontents, en concluant, le 15 mai 1614, le traité de Sainte-Menehould : celui-ci accorde de nouvelles largesses à la noblesse, suspend l’alliance matrimoniale espagnole et prévoit la convocation des États généraux. Cette assemblée, la dernière avant celle de 1789, se tient à Paris, à partir du 27 octobre 1614 (fig. 2), quelques semaines après la fin officielle de la régence : en effet, le 2 octobre 1614, Louis XIII a été déclaré majeur lors d’un lit de justice. S’achevant le 23 février 1615, les États généraux sont un échec pour la noblesse : le pouvoir royal se raffermit (Marie de Médicis gardant dans les faits le pouvoir), les promesses de réforme s’envolent rapidement et les mariages espagnols, un temps suspendus, sont finalement célébrés dans le dernier trimestre de l’année 1615.

Fig. 6. Portrait en buste d’Henri II de Bourbon, prince de Condé, non daté

24Aussi, une nouvelle rébellion des grands du royaume prend corps en 1616, toujours menée par le prince de Condé. La paix de Loudun, signée le 3 mai 1616, met fin – momentanément – au conflit : Henri II de Bourbon est alors placé à la tête du conseil d’État, devient gouverneur de la Guyenne et reçoit diverses pensions, tandis que Concino Concini perd ses charges de lieutenant-général de Picardie et gouverneur d’Amiens. Mais le traité n’a pas éteint les exigences du prince de Condé, pourtant très isolé au sein du conseil. Elles deviennent si contraignantes que Marie de Médicis le fait arrêter en plein conseil, le 1^er septembre, puis le fait conduire à la Bastille : il y séjourne, ainsi qu’au donjon de Vincennes, de 1616 à 1619, année de sa remise en liberté. L’année 1617 voit la fin de la régence et celle, brutale, des deux favoris de la reine : le 24 avril, excédé par la conduite de sa mère, Louis XIII organise un coup de majesté74 qui établit définitivement son pouvoir : il fait assassiner Concino Concini par Nicolas de L'Hospital, baron de Vitry et capitaine des gardes ; il fait arrêter Léonora Galigaï, qui sera exécutée en place de grève le 8 juillet ; enfin, il fait exiler sa mère au château de Blois.

3.2. Les tumultes dans le Poitou (mai 1614) et la sédition de Poitiers (juin 1614)

25En 1613 et 1614, Henri-Marc Gouffier œuvre principalement dans le Poitou75. Au milieu de l’année 1613, ne prenant alors parti pour aucun des deux camps, il se contente de lever sa propre bande de soldats indisciplinés et de remplir d’armes le château de Bonnivet, comme en témoigne le pasteur Samuel Loumeau dans une lettre adressée à Philippe Duplessis-Mornay, parent de Gouffier, le 29 juillet :

« A quel desseing aussi M. de Bonnivet a il faict mettre en son chasteau, depuis peu des armes pour deux mille hommes qui sont veneus de Paris, voire tout a découvert, et depuis encores trois cent piques de Biscaye »76.

26Ce n’est qu’à partir du 6 mai 1614 que le marquis prend le parti de Condé, qui cherche à déstabiliser cette partie du royaume, et s’élance avec sa bande sur les villages et châteaux voisins. Puis, le 16 mai, il tente d’assiéger Lusignan, mais il est repoussé par les troupes de la ville de Poitiers venues prêter secours. Il se contente alors de rançonner les châteaux alentour, puis il essaye d’entrer dans Poitiers par le faubourg de La Cueille. Mais la signature du traité de paix de Sainte-Menehould, le 15 mai, brise ses intentions et il disperse son armée, non sans chercher à braver une dernière fois les ordres du pouvoir royal77.

27Un mois plus tard, lors du « grand tumulte » de Poitiers, tentative de prise de la ville, du 22 au 27 juin, par Henri II de Bourbon, il vient augmenter avec ses hommes les troupes du prince de Condé, mais cette tentative est un échec78. En 1618, dans son Histoire des choses les plus mémorables, l’écrivain Pierre Boitel décrit avec force détails les atrocités que Bonnivet et ses troupes auraient commises lors de leurs équipées sauvages dans le Poitou79. Le marquis est alors considéré comme un extrémiste de la lutte des princes contre le pouvoir royal.

3.3. Les troubles à Étaples (août 1615)

28En 1615, l’action d’Henri-Marc Gouffier se déplace dans le nord du royaume. Au mois d’avril, il est à Amiens et loge dans l’hôtel de l’Écu de Bretagne, hôtel dans lequel il manque d’être brûlé vif, dans la nuit du 5 au 6, par les soldats italiens de la citadelle aux ordres du maréchal d’Ancre80. Puis, au milieu de l’année, il se trouve à Étaples, ville dans laquelle son beau-père, Jean IV de Monchy, siège ordinairement en tant que gouverneur. C’est avec la ville de Montreuil, et plus exactement avec les officiers qui y commandent, qu’il entre en confrontation au cours de cette année. Charles des Essars, seigneur de Meigneux, est le gouverneur de la citadelle de Montreuil depuis 1594, mais n’y faisant pas résidence – il demeure fidèle à la reine et se trouve souvent à Paris –, il en confie le commandement à son lieutenant, Hannibal de La Rue, seigneur de Bernapré81.

29Dès l’été 1615, ce lieutenant prépare une attaque contre la ville voisine, Étaples82 : ce dernier sait qu’Henri-Marc Gouffier y séjourne depuis le mois de juillet au moins83, son beau-père, absent, lui ayant momentanément cédé la gestion du gouvernement84. Agissant peut-être à l’insu de son maître, mais tenant son parti, c’est-à-dire celui de la reine, le seigneur de Bernapré souhaitait en découdre avec un fidèle du duc de Longueville. En effet, au mois de janvier 1615, Henri-Marc Gouffier se trouvait à Londres à la cour de Jacques I^er : le duc de Longueville, Henri II d’Orléans, gouverneur de Picardie et partisan du prince de Condé, voulant offrir ses services au roi d’Angleterre, en avait fait son messager85.

30Averti du plan que mène le lieutenant montreuillois, le marquis de Bonnivet met Étaples en état de siège : il fortifie ville et château et fait grande provision d’armes et de vivres86. Le 6 août, il ordonne aux femmes et aux enfants de quitter la ville, ne souhaitant garder avec lui que les hommes en âge de combattre. Dans la nuit du 7 au 8 août, onze hommes de main du marquis de Bonnivet, parmi lesquels se trouvent les capitaines René du Bus87, seigneur de Wailly, Lecointe, Courbos et Denis, et le caporal Dumesnil, sont chargés d’amener de Wailly-Beaucamp au château d’Étaples des mousquets et autres munitions88. Le 8, informé de cette livraison d’armes, le seigneur de Bernapré, accompagné d’une quinzaine de soldats de la garnison de Montreuil, attaque le convoi entre Saint-Josse et la Canche (fig. 7) : plusieurs soldats sont tués de part et d’autre, tandis que les hommes de main du marquis, grièvement blessés, sont faits prisonniers et amenés à la citadelle de Montreuil89.

Fig. 7. Localisation de l’attaque menée le 8 août 1615 par les troupes de la citadelle de Montreuil contre les hommes de main du marquis de Bonnivet : en rouge, Wailly et Étaples, en bleu, Montreuil, et en vert, lieu de la confrontation, entre Saint-Josse et la Canche

31Si l’on en croit les lettres écrites au cours de ce mois par Antonio Foscarini, ambassadeur en Angleterre, au Doge et au Sénat de la République de Venise, ainsi que celles écrites ultérieurement par Henri-Marc Gouffier lui-même, Étaples a bien subi, avant le 20 août, une attaque des troupes fidèles au maréchal d’Ancre, sur ordre de ce dernier, et parmi lesquelles se trouvent des soldats de la garnison de Montreuil : prenant possession de la ville, mais vraisemblablement pas du château, ils chassent la marquise de Bonnivet, Anne de Monchy, et ses enfants. Le château d’Hardelot, possession de Bonnivet également, subit – on le verra – un sort moins enviable que celui d’Étaples.

3.4. La fuite et la retraite à Londres (août – novembre 1615)

32En réalité, dès le 11 août 1615, le marquis de Bonnivet n’est plus à Étaples (il y sera resté 10 ou 12 jours, selon ses propres dires)90, mais se trouve à la cour d’Angleterre, où il tient informé Jacques I^er des évènements qui se déroulent au royaume de France91. Le 13 août, il rejoint le roi à Salisbury92, dans le Wiltshire, et rentre à Londres le 19 août. Entre cette date et le 28 août, il retourne auprès du roi et croise, en chemin, le lieutenant qu’il avait laissé au château d’Hardelot. Celui-ci lui apprend la perte de ce château, de la ville d’Étaples et du bannissement de son épouse et de ses enfants : troublé par ces événements, il en informe Jacques I^er et essaye d’obtenir l’aide du roi qui lui promet, de manière évasive, l’envoi de troupes93.

33Début septembre, il est de nouveau à Londres et, autour du 4, tente d’influer auprès de la République de Venise et de son ambassadeur à Londres, Antonio Foscarini, mais celui-ci écoute poliment et ne s’engage pas94. Bonnivet repart presque immédiatement auprès du roi d’Angleterre, qui l’a fait demander, et il se trouve encore auprès de lui aux alentours du 11 septembre95. Il est de retour à Londres peu après cette date96. Au même moment, à Étaples, Jean IV de Monchy, dont l’ambassadeur vénitien ne doute pas des sympathies envers le prince de Condé97, récupère la pleine possession de son château, dont la garnison lui est restée fidèle, et, le 18 septembre, la ville et le château peuvent être déclarés libres de tout siège98. Entre la mi-septembre et le début du mois de novembre, le marquis de Bonnivet multiplie encore et encore les déplacements auprès du roi d’Angleterre qui tempère ses ardeurs99.

34Le 29 octobre, il écrit une lettre100 au roi de France afin de lui témoigner de sa fidélité, mais également de justifier sa présence à Londres (fig. 8) : alors qu’il n’a eu de cesse de chercher les auteurs du meurtre de son père, le roi Henri IV, ceux qui en sont les instigateurs l’ont poursuivi pour l’assassiner ; aussi, pour la sûreté de sa vie, il a préféré s’exiler en Angleterre, à la cour du roi Jacques I^er ; comme ils ne pouvaient l’atteindre, ses ennemis se seraient venger sur le château d’Hardelot, dont il est le gouverneur, et sur la ville d’Étaples.

Fig. 8. Pages de titre des versions imprimées des lettres du marquis de Bonnivet au roi de France (à gauche) et au prince de Condé et au roi d’Angleterre (à droite)

35Mais s’il est parti en Angleterre, sur ordre du prince de Condé, c’est pour tenter de persuader Jacques I^er de fournir hommes et argent à la cause des Malcontents : les nombreux allers et retours faits auprès du souverain témoignent de l’empressement du marquis à pousser le roi d’Angleterre à prendre le parti des princes français contre celui de la reine101. Mais, loin de céder aux suppliques de Bonnivet, le roi lui conseille de faire la paix avec le roi de France et ordonne à sir Thomas Edmond, son ambassadeur à la cour de France, de travailler dans ce sens102.

36Une deuxième lettre103, écrite un peu plus tôt que la précédente, le 19 octobre, est adressée au prince de Condé, à qui il demande assistance. Elle traduit bien le désarroi dans lequel se trouve le marquis de Bonnivet, se sentant peu épaulé par ceux qu’il a soutenus (fig. 8) :

« Je suis demeuré longuement pensif, sans pouvoir me résoudre, notamment après avoir apprins qu’il n’y avoit plus d’asseurance ny aucun lieu de retraicte pour ma personne dans tout le Boulonnois & pais de Conquise, en quoy je recognois assez le peu de souvenance & la froide assistance que j’ay receue de ceux que j’ay par cy devant cordiallement & si fidellement servy (…) ».

37Il regrette amèrement qu’on ne l’ait défendu alors qu’il était jeté hors de ses places et sait pertinemment que, dans chaque port de France, on guette son retour.

38Une troisième lettre104 écrite au roi d’Angleterre précise « le misérable estat dans lequel il se trouve réduit pour avoir prins les armes contre son Roy ». Il a été déclaré criminel de lèse-majesté au premier chef105 par le parlement de Rennes et dépossédé de ses qualités et honneurs et de ses biens : ainsi, son château de Bonnivet a été pris par ses ennemis.

39En novembre 1615, les ambassades actives du marquis de Bonnivet se soldent par un échec : le roi d’Angleterre reste neutre dans le conflit qui secoue le royaume de France. Aussi, bien que se sachant condamné et pourchassé, il quitte précipitamment le royaume d’Angleterre à la fin du mois de novembre, ce qui laisse les ambassadeurs vénitiens Gregorio Barbarigo et Antonio Foscarini circonspects106. À la vérité, il semble que l’ambassadeur de France à la cour d’Angleterre, Gaspard Dauvet, sieur des Marets, ait laissé entendre au marquis que, face à son manque de compétences, les princes songeaient à lui retirer les négociations à la cour107. Se sentant désavoué, Bonnivet tente alors le retour en France.

3.5. De la citadelle de Calais (novembre 1615) à la citadelle d’Amiens (décembre 1615)

40À peine débarqué dans le port de Calais, le marquis de Bonnivet est arrêté par le gouverneur de la ville, Antoine de La Grange d'Arquien, et il est enfermé dans la citadelle108 (fig. 9). Il semble, cependant, qu’il ait bénéficié d’un régime de semi-liberté : au cours de sa détention, il réussit à s’entourer et à comploter afin de faire assassiner le gouverneur et d’ouvrir la ville au parti des princes109. Averti, le maréchal d’Ancre fait envoyer depuis Amiens, ville dans laquelle il était arrivé le 6 août110, 300 hommes de pied et deux bâtardes à Calais, pour aider à sécuriser la ville et le port, et prie le gouverneur d’assurer bonne surveillance du marquis111. Mais, avant la mi-décembre, le maréchal d’Ancre, tout étonné, reçoit une lettre de Bonnivet, dans laquelle ce dernier écrit qu’il souhaite faire part d’informations de première importance à propos du roi de France. Le maréchal dépêche une escorte, menée par Louis II Lefèvre de Caumartin, sieur de Boissy, et composée de deux cents chevaux, afin d’aller quérir le marquis à Calais et de l’amener à Amiens pour qu’il s’explique112.

Fig. 9. Vue du port et de la ville de Calais au XVII^e siècle : à droite (cercle rouge), la citadelle dans laquelle le marquis de Bonnivet est enfermé jusqu’en décembre 1615

41Avant la fin du mois de décembre, Bonnivet est à Amiens, où il demeure prisonnier dans la citadelle, restant aux mains du maréchal d’Ancre, gouverneur de la forteresse depuis 1612 (fig. 10). Il bénéficie, comme à Calais, d’une semi-liberté : le maréchal d’Ancre l’emmène à la chasse avec lui. Mais le marquis de Bonnivet ne se doute pas du danger qui le guette, car le maréchal projette de l’assassiner à plusieurs reprises lors de leurs chevauchées communes. En juin 1617, lors d’une grande enquête menée après la mort de Concino Concini, l’un de ses officiers à la citadelle d’Amiens, Apolo Dongnon, témoignera de ce fait, le maréchal d’Ancre lui ayant répété par trois fois : « S'il faict un pas donne luy un coup de pistolet dans la teste ! »113. Privé de sa liberté, le marquis a cherché à s’évader, jouant de ruse. Se déclarant très malade, il songe à jouer le mort afin que, emporté à l’extérieur de la citadelle, il puisse s’enfuir : mais son plan est découvert par le maréchal qui raille le faux malade114.

Fig. 10. Vue de la ville d’Amiens au XVII^e siècle : à gauche (cercle rouge), la citadelle dans laquelle le marquis de Bonnivet est enfermé jusqu’en mars 1616

3.6. De l’embastillement (mars 1616) à l’affaire de Rochefort (septembre 1616)

42Calais et Amiens n’étaient que des étapes intermédiaires de la captivité du marquis : à la fin du mois de mars 1616, le maréchal d’Ancre le fait mettre à la Bastille115. L’embastillement dure deux mois jusqu’à la signature, le 3 mai 1616, de la paix de Loudun qui met fin au conflit entre Marie de Médicis et Henri II de Bourbon-Condé. Un article de l’édit de pacification, l’article 11, lui est consacré :

« Les sieurs marquis de Bonnivet et de Friaise seront délivrez et mis en liberté, et seront toutes informations et procédures à l'encontre d'eux, commencées à cause et ensuitte des présens troubles, nulles et de nul effect et valeur »116.

43Sa libération est demandée dès le 5 mai117 : elle est effective dans les jours qui suivent118.

44Les péripéties du marquis de Bonnivet ne s’arrêtent pas à la sortie du cachot. Dans les mois qui suivent, c’est à La Rochelle qu’il commet désormais ses méfaits. Par deux fois, les 3 et 7 août 1616, il abjure le catholicisme devant les pasteurs et au temple de cette ville, principal foyer du protestantisme au royaume de France, et publie la déclaration de sa conversion119 (fig. 11). À partir du mois de septembre, et plusieurs mois durant, il participe activement à « l’affaire de Rochefort », opération militaire qui confronte les troupes papistes, c’est-à-dire catholiques, de Jean-Louis de Nogaret, duc d’Épernon et gouverneur de Guyenne, aux ordres de la reine, et celles des autorités, huguenotes, de La Rochelle120. Alors que le 1^er septembre, le prince de Condé est arrêté et enfermé à la Bastille, les autorités rochelaises s’emparent du château de Rochefort et y installe une garnison : après l’arrestation du prince, la prise de cette forteresse leur semblait nécessaire pour la sécurité de leur cité. Le mois suivant, le duc d’Épernon tente de se saisir de La Rochelle : les autorités de la ville font appel à ceux qui les soutiennent et le marquis de Bonnivet accourt pour les défendre121.

Fig. 11. Page de titre de la version imprimée de la déclaration faite par Henri-Marc Gouffier devant le consistoire de La Rochelle, le 7 août 1616

45Une dernière mention, pour cette année 1616, montre un marquis décidément impétueux. Le 7 octobre 1616, le secrétaire vénitien en Angleterre, Giovanni Battista Lionello, écrit au Doge et au Sénat :

« On raconte que le marquis de Bonnivet, récemment devenu huguenot, possède environ 600 chevaux en Picardie où il fait quelques dégâts »122.

4.1. D’une source à l’autre…

47Dans son Histoire et description du château d’Étaples, publiée en 1855, Gustave Souquet indique :

« En 1614, le château d’Étaples fut détruit, ainsi que la plupart des châteaux forts du Boulonnais, par les ordres de M.-P. de Campaigno, après sa victoire sur les troupes des princes qui s’étaient ligués pour empêcher le mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche. Ces ordres furent donnés afin d’empêcher les révoltés de se réfugier et de se défendre dans ces châteaux (…) »126.

48Il précise, par la suite : « En 1641, le château était démantelé (…) »127, sous-entendu depuis 1614. Cette ellipse explique peut-être la confusion entre les deux dates, d’une publication à l’autre de l’historien étaplois128 : cependant, nous verrons ci-dessous que le démantèlement du château d’Étaples aurait pu être une réalité en l’année 1641 dans le cadre de la politique de razement des places fortes de France entreprise par Richelieu à partir de 1626.

49Pour l’année 1614, Gustave Souquet cite, comme source de son propos, un manuscrit de l’historien boulonnais François Abot de Bazinghen, qui n’est pas précisé et que, par conséquent, nous n’avons pas pu consulter. Mais nous savons que cet auteur a réalisé une copie129 d’un manuscrit intitulé Mémoires sur la ville et le comté de Boulogne, rédigé en 1658 par Charles Regnard, seigneur de Limoges, avocat au parlement, bailli de Souverain-Moulin (Pernes-lès-Boulogne) et de Wimille130. Or, il existe au moins deux autres copies du manuscrit original de Regnard, l’une conservée à la bibliothèque de l’Arsenal, à Paris, l’autre à la bibliothèque de Boulogne131. Au chapitre qu’il consacre à Étaples, Charles Regnard écrit :

« En 1613 ou 1614, Messieurs les Princes ayant formé quelque parti pour empescher le mariage du Roy Louis XIII avec Madame Anne d’Autriche, Bertrand de Patras les dissipa et, de peur que Messieurs les Princes ne s’emparassent d’Estappes, d’Hardelot et de quelques autres lieux qui estoyent forts, il fit abatre les murailles de tous ces lieux-là »132.

50De toute évidence, et à travers Abot de Bazinghen, Gustave Souquet a paraphrasé Charles Regnard.

4.2. Bertrand Patras de Campaigno : un sénéchal démolisseur ?

51Le propos de Gustave Souquet est donc tiré d’une source secondaire, elle-même issue d’une source primaire, écrite un peu plus de 50 ans après les faits décrits. On notera déjà l’erreur commise par l’érudit étaplois qui attribue cette campagne de démantèlement à Michel Patras de Campaigno, quand Charles Regnard cite Bertrand Patras de Campaigno, son frère (fig. 12). Si tous deux ont été sénéchaux du Boulonnais, le premier le devient en 1596 et le second en 1597, année du décès de Michel Patras de Campaigno : Bertrand occupera cette charge jusqu’en 1617, année de son propre décès133.

Fig. 12. Portrait en buste de Bertrand Patras de Campaigno, XVII^e siècle

52Bertrand Patras de Campaigno est-il le responsable de cette campagne de démantèlement ? Dans les manuscrits demeurés inédits134 et dans les ouvrages historiques, plus ou moins récents135, traitant de Boulogne et de l’ancienne province, on ne lit pas que le sénéchal, fidèle du duc d’Épernon, et donc de la reine, se soit livré à de tels actes dans tout le Boulonnais, que ce soit en 1613 ou 1614. Nous l’avons vu, les événements frappant Étaples et Hardelot ont pris place en 1615 et le Boulonnais semble relativement calme avant et après cette date. Le seul acte de défense de Bertrand de Patras de Campaigno, aussi gouverneur de Boulogne, se trouve dans sa volonté de faire restaurer en mars 1617, quelques mois avant sa mort, une portion du rempart de la ville, près de la porte des Degrés136.

53Il nous faut donc revenir aux données issues des lettres écrites, au cours de l’année 1615, par le marquis de Bonnivet, d’une part, et par Antonio Foscarini, ambassadeur de la République de Venise à la cour d’Angleterre, d’autre part, pour approcher la vérité : l’on s’apercevra, en réalité, que les deux forteresses du marquis ont connu un destin différent.

4.3. Le démantèlement du château d’Hardelot à l’été 1615

54S’il est une place forte qui a été partiellement démantelée au cours de l’été 1615, c’est bien celle d’Hardelot (fig. 13). À cet égard, Foscarini et Bonnivet sont parfaitement clairs. Le premier mentionne, dans une lettre datée du 11 septembre 1615, « la démolition du château d’Hardelot »137. Le second rapporte, dans sa lettre du 29 octobre 1615, adressée au roi de France, que ses ennemis « ont fait démanteler une place nommée le Hardelot »138, et dans sa lettre envoyée au roi d’Angleterre que « le fort d’Ardelot a esté démantelé »139.

55Pour ce château, il semble bien que l’on puisse désigner le sénéchal du Boulonnais comme responsable de son démantèlement.

Fig. 13. Le château d’Hardelot et son territoire (dunes et forêt) au milieu du XVI^e siècle

56Dans Le château d’Hardelot, ouvrage publié en 1905, l’abbé Benoît-Joseph Thobois cite un extrait légèrement différent du mémoire de Regnard qui insiste davantage sur la destruction d’ouvrages avancés et aménagés autour de la place forte :

« Cette forteresse [Hardelot] a esté desmolie en quelques bastions par l’ordre du S^r de Campaigno, lors lieutenant du S^r d’Espernon, cy-devant gouverneur dudit païs de Boullenois, lorsque l’on a eu crainte d’une nouvelle ligue des princes au tems du feu roy Louis-le-Juste, d’heureuse mémoire »140.

57Mais l’abbé Thobois mentionne également un extrait de compte de la ville de Boulogne, réalisé par le trésorier Charles Vaillant pour l’année de comptabilité 1615-1616, et qui témoigne d’une attaque du château livrée au cours de l’année 1615, attaque qui a vraisemblablement un lien avec les faits décrits ci-dessus :

« [a été payé] 8 livres 18 sols à Christophle Guillain, soldat appoincté de la compagnie du sieur de Campagno [Campaigno] qu’il a payées à Salvin Boubon, demeurant au Choquel, pour la dellivrance d’une gonne de bierre au prix de 8 livres et le surplus pour pain aussy fourny aux habitants de la ville [de Boulogne] qui s’estoient transportez avec armes pour le service de Sa Majesté au-devant du château de Hardelot »141.

4.4. Le sort du château d’Étaples à l’été 1615

58Le château d’Étaples a-t-il subi le même sort que celui d’Hardelot au cours de l’été 1615 ? À la lecture des mêmes lettres et de plusieurs autres documents que nous allons citer, il semblerait que non.

59Avant le mois d’août, Bonnivet cherche avant tout à fortifier la forteresse. Celle-ci est déjà dotée depuis le milieu du XVI^e siècle de deux ouvrages avancés142 : l’un est un ouvrage à cornes faisant face à la ville, l’autre, un ouvrage tenaillé le défendant du côté de la campagne (fig. 14). Mais, au cours des décennies qui ont suivi, le château a subi des dégradations qu’il faut désormais réparer. Trois actes notariés143 mentionnant des travaux, conduits au printemps et à l’été 1615, pourraient correspondre à cette campagne de renforcement : au mois de mai, c’est une brèche dans la courtine qui est provisoirement colmatée à l’aide d’une palissade haute d’un peu moins de 5 m ; cet aménagement est accompagné de la construction d’une guérite ; quelques semaines plus tard, au mois de juillet, un bâtiment en cours de construction, dans l’enceinte même, doit être couvert de tuiles, le tout sous une dizaine de jours, tandis qu’un autre, plus ancien, et qui présente une toiture en mauvais état, doit être recouvert lui aussi ; ce nouveau bâtiment, dont toutes les structures en bois sont en cours d’installation (charpentes, planchers, cadres des fenêtres), ressemble à s’y méprendre au logis du gouverneur : il possède une chapelle à l’une de ses extrémités. En ce mois de juillet 1615, le château présente le visage d’une place forte que l’on met en état de marche, afin de parer à toute attaque, plutôt que celui d’une forteresse détruite à la suite d’un coup de main vengeur.

Fig. 14. Le château d’Étaples en 1611 : vers la ville, le château est protégé par un ouvrage à cornes dont la représentation est, ici, particulièrement déformée

60Un nouvel acte notarié144 traduit, semble-t-il, la situation confuse que connaît Étaples au cours du mois d’août. Il nous apprend la présence, à Étaples, à la moitié de ce mois, de Barthélémy de Montlezun145, seigneur de Busca, fidèle du duc d’Épernon, et donc de la reine, jusqu’en 1619 au moins146. Le 16 août 1615, ce « premier capitaine du régiment de Picardie tenant garnison pour le service du Roy en la-dite ville de Boullogne »147, loge, avec sa troupe148, dans l’auberge de Paquette Flahaut, veuve de Jean Fiérard. À l’aide du serrurier Pierre Lefebvre, il fait ouvrir, en son absence, la chambre, fermée à clé, du seigneur de Bois-Ratel, « naguères comandant au chasteau de Hardelot »149. Or, la chambre contient un véritable armement, et pour lequel l’aubergiste s’empresse de dire qu’elle n’avait aucune connaissance. On y trouve : un sac de poudre à canon pesant dix livres, dix-sept mousquets, dont l’un sans charpentine, et douze fourchettes150, deux canons de mousquets, dont l’un est crevé et dont l’autre présente un affût rompu, treize bandoulières garnies151, quatre autres non garnies et une, plus vieille, pour porter une carabine, quatorze piques, dont deux ne présentent pas de fer, deux hallebardes, dont l’une est assez vieille, et une couleuvrine vide. Le seigneur de Busca confisque ces armes « pour le service du Roy », promet de les rendre, si besoin est, et décharge l’hôtesse de cette prise. Cet acte semble témoigner d’un antagonisme entre deux camps, l’un représenté par un serviteur du roi, le seigneur de Busca, et l’autre par le seigneur de Bois-Ratel, dont on pourrait présumer qu’il est un partisan des princes et le soutien du marquis de Bonnivet. À la mi-août, la ville était-elle entre les mains des Royalistes qui avaient pour mission de débusquer les hommes du marquis ? Le sieur de Bois-Ratel destinait-il tout son attirail au château d’Étaples ? Si tel est le cas, il est alors fort possible que, peut-être en fuite, il n’ait pas eu le temps de livrer son attirail, quelque peu dépareillé et usagé.

61Les soldats du gouverneur de Monchy, beau-père du marquis de Bonnivet, ont-ils repris possession de la ville peu de temps après ? C’est ce que laisserait entendre, à nouveau, l’acte notarié déjà cité. En effet, dans un complément ajouté à la suite du premier propos, on apprend que, le 27 août 1615, Paquette Flahaut a remis officiellement les armes confisquées au « sieur Monnet, enseigne du seigneur de Moncavrel, gouverneur des ville et citadelle d’Arde [Ardres], et commandant pour ledict seigneur en ceste ville d’Estappes », l’enseigne en faisant également décharge à l’hôtesse. Ce « sieur Monnet » est probablement Marc-Antoine Monet, seigneur d’Hydrequent (Rinxent), que l’on trouve encore enseigne de la compagnie du seigneur de Montcavrel en 1626 et qui décède l’année suivante152. À la fin du mois d’août, il apparaît donc certain que la situation s’était normalisée : ville et château d’Étaples étaient sous les ordres du représentant du gouverneur de Monchy, le commandant Monet.

62Antonio Foscarini témoigne lui aussi du dualisme des partis en présence à Étaples au mois d’août 1615. Il signale, autour du 20 août, que des troupes ont pénétré à Étaples sur ordre du maréchal d'Ancre et ont pris possession de la ville qu’elles fortifient153. Mais, il indique, à la date du 27 août, que le château résiste encore aux assauts des troupes ennemies, car :

« il s’y trouve un capitaine qui l’a autrefois défendu contre les Espagnols, et qui possède un nombre suffisant d'hommes pour l'urgence. On pense qu'il peut tenir le coup pendant quelques jours, surtout s'il n'est pas attaqué par une force plus puissante »154.

63On ne sait à quel capitaine fait référence l’ambassadeur de la république vénitienne155, mais, quinze jours plus tard, vers le 11 septembre, le gouverneur de Monchy, resté neutre en dépit des sympathies portées aux princes156, reprenait officiellement possession de son château157, et, autour du 17 septembre, la place pouvait être considérée comme « libre de tout siège »158.

64Ces récits n’offrent pas l’image d’un château partiellement détruit lors d’un siège ou d’une attaque brutale – il n’y en a pas eu – encore moins d’une forteresse démantelée. L’assertion de Gustave Souquet ne tient donc pas pour l’année 1614, pas plus qu’elle n’aurait pu tenir pour l’année 1615.

4.5. Le devenir du château d’Étaples après 1615

65Si les années 1614 et 1615 ne sont pas celles du démantèlement du château d’Étaples, l’année 1641 correspond-elle à la conduite de cet acte ? Pas plus que dans les années 1610, il ne semble que cela soit le cas dans le deuxième tiers du XVII^e siècle. Au contraire, de nombreux autres textes, plus récents que ceux cités précédemment, confirment que les moyens de défense du château sont demeurés intacts jusqu’au XVIII^e siècle au moins, en dehors des habituelles dégradations liées à l’usure du temps (fig. 15).

Fig. 15. Plan du château d’Étaples en 1716 : le plan montre les deux ouvrages avancés défendant le château d’Étaples, l’ouvrage à cornes, à l’ouest, et l’ouvrage tenaillé, au nord-est

66Ces dégradations ont fait l’objet de réparations presque continuelles au XVII^e siècle. C’est le cas, par exemple, en 1622, année durant laquelle le gouverneur de Monchy entreprend d’importants travaux au château : un traité, signé le 27 septembre, nous apprend qu’il a demandé au maître briquetier François Lhoste, originaire de Samer, la fourniture de 300 000 briques, au prix de 4 livres du mille, qu’il devra livrer « vers la briqueterie d’Estaples, au lieu du chercage159 des petits bateaux »160. C’est encore le cas lors des années 1641 (autre année supposée du démantèlement), 1642, 1667 et 1668 comme en témoignent les comptes des argentiers de la ville d’Étaples qui font état de plusieurs « ouvrages et reparations faictes au chasteau de ceste dicte ville » réalisés par des charpentiers, des couvreurs, des maçons, des menuisiers, des serruriers161…

67En 1638, la mort de Jean IV de Monchy aurait pu signer la disparition définitive du château. En effet, lorsqu’il apprend le décès du seigneur de Montcavrel, Richelieu suggère à Louis XIII, qui approuve cette décision, de joindre le gouvernement d’Étaples à celui de Boulogne ; mais, concernant le château, le cardinal propose aussi « que la place [soit] razée ou conservée », ce à quoi le roi lui répond : « On ne sauroit mieux faire, avec la condition du razement en temps de paix, sans réconpance »162. Cette dernière décision fait écho à l’entreprise de destruction des fortifications des places fortes du royaume de France menée par le cardinal à partir de 1626163. Effectivement, le 31 juillet de cette année, une déclaration royale (fig. 16) stipule que :

« de toutes les places fortes, soit villes ou chasteaux qui sont au milieu de nostre royaume et des provinces d’iceluy non scituées en lieu de conséquence, soit pour frontière ou autre considération importante, les fortifications en soient razées et démolies, mesmes les anciennes murailles abattues, selon qu’il sera jugé nécessaire pour le bien et repos de nos subjets et la seureté de cet Estat, en sorte que nosdits subjets ne puissent désormais appréhender que lesdites places soient pour leur donner aucune incommodité et que nous soyons deschargez de la despense que nous sommes contrains de faire pour les garnisons »164.

Fig. 16. Page de titre de la déclaration royale pour Le razement et démolition de toutes sortes de fortifications, promulguée le 31 juillet 1626

68Des années 1620 aux années 1640, plusieurs places fortes ont bien fait l’objet d’une destruction à la suite de cette déclaration165. Mais le château d’Étaples échappe à la destruction et, au contraire, en 1658, Charles Regnard peut dire de cette forteresse :

« Il n’y a rien à present de considerable dans Estappes si ce n’est le chasteau qui est encorre assez beau, mais non pas si fort que celuy de Boullogne. Le mur de ce chasteau est fort beau et bien flanqué. Il y a une porte voutée comme la Porte des Dunes qui est à Boullogne »166.

69Le propos de Regnard, décrivant un château en bon état, prouve à nouveau qu’il n’y a pas eu de démantèlement au cours des décennies passées. En 1641, le château n’est pas démantelé : au contraire, nous l’avons vu, il est réparé.

70Dans les deux premières décennies du XVIII^e siècle, la forteresse fait l’objet de plusieurs rapports qui insistent tous sur son état dégradé et son quasi-abandon, sur le coût de son entretien et sur la nécessité de la raser, si le pouvoir central y consent167.

71Le 8 septembre 1702, l’intendant de Picardie, Jérôme II Bignon, écrit :

« Les fortifications n’ont jamais esté rasées, mais abandonnées depuis longtems. Le revestement et celuy des dehors subsistent : ils sont de grosses maçonneries, les paremens de grais, le dedans œuvre de moilon blanc. On a enlevé les grais des endroits que l’injure du tems avoit démoly. (…) Dans quelque mauvais état que soit ce reduit, il ne seroit pas impossible que l'ennemy ne pût s’y poster sans crainte d'estre insulté par un coup de main, quelque peu de tems qu’il ait pour s’y mettre en deffense (…) S’il m’est permis de donner mon avis sur pareille matière, je ne hezitrois pas à dire qu’on doit razer entièrement ce reste de fortification. On trouvera des entrepreneurs qui s’en chargeront pour le proffit des matériaux : peut-estre rendront-ils quelques chose (…) ».

72Le 10 décembre 1705, le directeur des fortifications de Picardie et d'Artois du côté de la mer, Charles de Robelin, nous apprend qu’on a commencé à démolir le parement des murs à l’époque de Louis Marie Victor, duc d’Aumont, gouverneur de Boulogne et autres places du Boulonnais, de 1689 à 1704. Le 15 août 1717, le même précise que :

« le château a été ordonné d’être rasé en 1703, ce qui fut sursy sur la représentation à la Cour de la conséquence de ce poste que l’on avoit commencé à dépouiller la chemise de gresserie qui étoit au profit de l’entrepreneur de la démolition, dont la plus grande partie est restée dans le fossé. La Cour ayant ordonné le remboursement des avances de cet entrepreneur, a chargé en même tems le Magistrat de la ville de conserver cette gresserie ».

73Effectivement, cette même année, le conseil du roi approuve le remboursement de 2 400 livres à cet entrepreneur168.

74L’ordre de razement de l’année 1703 doit donc être considéré comme la première tentative (avortée) de démolition du château d’Étaples, non sous le coup d’un acte de démantèlement, mais sous celui d’un constat, vite renié, de dépréciation de la vieille forteresse du fait de son coût d’entretien.