Introduction de la première partie
p. 22
Texte intégral
1Depuis une dizaine d’années, le débat international se focalise sur la crise des modèles de développement agricole, tant du point de vue de la sécurité alimentaire que des enjeux environnementaux. La question se pose de savoir quel type d’agriculture peut assurer aujourd’hui la transition sociale et économique vers un développement agricole durable, débat d’une acuité particulièrement vive pour les pays du Sud confrontés à une intégration au marché qui reste fortement soumise aux rapports inégaux de l’échange. Tandis que les politiques publiques continuent de miser sur le développement d’une agriculture moderne, de type entrepreneurial et fortement capitalisée, d’autres voies se font entendre – y compris du côté des organisations internationales comme la FAO – autour de la nécessité de réhabiliter le potentiel des agricultures familiales des Suds, leurs savoir-faire, leurs formes d’organisation, leurs capacités à s’adapter, innover et se saisir de « niches productives ».
2L’essor de la quinoa en Bolivie fait largement écho à ce débat et traduit, de fait, cette capacité d’adaptation et d’innovation des agricultures familiales. L’innovation agricole, cependant, ne relève pas uniquement d’un processus technique et cultural s’ajustant à certaines conditions climatiques et agro-écologiques. Elle s’incarne dans des territoires, s’inscrit dans un tissu social et culturel, traduit des stratégies d’acteurs en même temps qu’elle transforme des pratiques et des manières de faire. Et surtout, elle ne prend sens qu’au regard de l’histoire longue des sociétés locales, de leur mode d’organisation sociale et d’usage des ressources.
3Sur l’Altiplano sud, l’innovation agricole et l’expansion de la culture de la quinoa vouée à l’exportation interpellent d’autant plus qu’elles se développent dans une des régions les plus à la marge des axes de développement en Amérique latine. Les caractéristiques du milieu naturel et des systèmes productifs tout autant que les spécificités du peuplement de la région, de ses dynamiques démographiques et de son organisation sociale soumettent, depuis longtemps, ces territoires ruraux périphériques de la Bolivie à de fortes contraintes et à des processus séculaires de marginalisation socio-économique.
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