Années 2000 : hisser Hà Nội au rang de métropole
Texte intégral
1Dès les années 1970, le système collectiviste a montré ses faiblesses, notamment en raison de la baisse de la production agricole et industrielle, ceci dans un contexte international défavorable (embargo des États-Unis), limitant les importations de biens de consommation uniquement des pays du bloc de l’Est. Avec la chute du mur de Berlin et l’arrêt de l’aide de l’URSS, le Vietnam s’est vu obligé d’engager des réformes économiques pour relancer la croissance de la production, donner une part de l’initiative au secteur privé et rendre l’usufruit de la terre aux paysans. Depuis la fin des années 1980, le Parti communiste vietnamien a lancé une série de réformes socio-économiques connues sous le nom de Đổi mới. En réintroduisant les mécanismes du marché dans l’économie domestique et en relâchant le contrôle de l’État sur les activités des individus, ces réformes ont transformé presque tous les aspects de la société vietnamienne, notamment l’accès au logement.
2Suite à l’échec de la politique publique de logement collectif et de la gestion non marchande de l’usage du sol urbain, de nouvelles réformes foncières, administratives et territoriales sont entreprises. La loi foncière de 1993 garantit l’usage du sol et des transactions de ses droits, dynamisant l’autoconstruction dans les villes et les villages de la périphérie et, par là-même, l’étalement urbain. Par ailleurs, les réformes intitulées « l’État et le peuple construisent ensemble » valorisent l’autoconstruction par les habitants et la constitution de lotissements par le secteur public et parapublic. Aussi, un marché foncier se constitue à partir des terres publiques et des transactions illégales de terres agricoles. Ces dernières se multiplient du fait de la crise du logement et de la « compréhension » des autorités locales qui ne pouvaient socialement empêcher le « peuple » de se loger (Pandolfi, 2001).
3Dix ans plus tard, les grands projets de réformes territoriales, foncières et économiques entrepris par l’État et la province de Hà Nội visent à donner au Vietnam une capitale à la hauteur de ses ambitions. D’une part, cette dernière s’est élargie en 2008, absorbant sa voisine pour tripler sa superficie et multiplier par deux sa population ; d’autre part, un schéma directeur a été ratifié en 2011 pour la construction de la capitale à l’horizon 2030 pour accélérer le processus de métropolisation. Des réformes foncières permettent dorénavant de libérer plus rapidement les terres agricoles vouées à la construction de grands projets et donner aux provinces une plus grande liberté de gestion de leur marché foncier. Celles-ci mettent en place des plans d’aménagement dont elles négocient la réalisation avec des promoteurs privés aux intérêts de retour sur investissement rapide. Enfin, des réformes sont entreprises pour améliorer et rendre plus facile l’investissement étranger au Vietnam, les IDE (investissements directs étrangers) sont le principal acteur financier dans la construction de biens immobiliers.
4Cependant, cette urbanisation « par le haut » accélère les inégalités socio-spatiales entre le centre-ville tertiarisé et mondialisé et des périphéries où la fragmentation sociale s’accélère : les villages pluri-actifs côtoient des zones résidentielles de haut et moyen standing où les couches moyennes nées avec le Đổi mới vont élire domicile. Par ailleurs, elle se heurte au dynamisme économique et aux revendications des villageois des périphéries urbaines sans pouvoir foncier. La densification du bâti dans les villages les plus dynamiques atteint des taux très élevés, et sans possibilité pour accéder au foncier productif non agricole, et les stratégies pour étendre l’espace de production villageois sont limitées. Les grands promoteurs urbains sont considérés comme étant les seuls capables de construire la métropole de demain et l’autoconstruction est dorénavant bannie. Se pose ainsi le problème de la reconversion des villageois ayant perdu leurs terres agricoles et la recherche de revenus supplémentaires pour les artisans pluri-actifs.
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