Les relais pour la diffusion des résultats

2L’originalité et l’importance des thèmes abordés (informalité, pauvreté et inégalités, etc.) et la réplication des dispositifs d’enquêtes permettant de suivre en temps réel l’évolution de phénomènes d’intérêt général (pauvreté, chômage, sous-emploi) ont évidemment pesé d’un poids déterminant sur les impacts obtenus. La stratégie de diffusion s’est faite en association étroite avec les institutions partenaires (en l’occurrence principalement les INS), garantissant la pérennité des actions.

3Au-delà des points communs, il a fallu ajuster les modalités d’interventions aux contextes locaux (conditions socioéconomiques en vigueur, rôle des médias, nature du régime politique). À Madagascar, la stratégie a consisté à attirer l’attention des médias pour qu’ils jouent leur véritable rôle de relais de l’information auprès de la société civile, ces derniers interpellant en retour les politiques. L’INS local, initialement en retrait, a fini par s’approprier pleinement la politique de diffusion initiée à notre instigation. Au Vietnam, où l’information est sous contrôle politique étroit, la diffusion est soumise à un processus de validation à la fois long et hiérarchique. Le choix a été ici plutôt de mobiliser des interlocuteurs stratégiques (personnalités reconnues ou bailleurs de fonds) qui ont servi de relais à la diffusion des résultats auprès de décideurs ou d’une audience plus large. Au Pérou, les médias jouent un rôle beaucoup plus conséquent et l’INS est une institution mieux connue qui jouit d’une relative notoriété. La diffusion des travaux s’est ainsi inscrite dans le cadre de la politique officielle de communication de l’INS avec les médias.

Le rôle des partenaires

4L’enquête 1-2-3 n’a pas été labellisée1. Les chercheurs de l’IRD ont formé leurs partenaires à cette méthode, dans le cadre de collaborations de longue durée. Ces derniers ont à leur tour formé des statisticiens qui ont diffusé la méthode. La diffusion et l’appropriation de la méthodologie par les différents partenaires nationaux ont conduit au fait qu’aujourd’hui cette méthodologie peut être déclinée localement sous d’autres appellations2. On pourrait ainsi penser que la labellisation aurait pu freiner l’appropriation de la méthode par les cadres ou institutions nationales.

La contribution à des projets régionaux ou internationaux pour favoriser la circulation des savoirs

5Dial a apporté sa contribution, en partageant les leçons tirées des premières enquêtes 1-2-3, dans la phase d’élaboration des normes et standards internationaux pour l’analyse de l’économie informelle (définition et mesure de l’informel). Les chercheurs ont participé aux réunions préparatoires à la 15^e conférence des statisticiens du travail (1993), ainsi qu’aux réflexions du Groupe de Delhi, mandaté par les Nations unies pour affiner et rendre opérationnels les concepts. Ils ont participé à la rédaction du manuel de référence sur les méthodes de mesure de l’informel (ILO, 2013). Dial a également participé à différents projets internationaux dans le champ de la mesure de l’économie informelle et des concepts liés ou de la formation associée : mise à jour des statistiques de l’emploi informel à travers le monde selon le genre pour le compte du BIT (ILO/Wiego, 2013), grâce notamment à son expertise sur l’utilisation d’enquêtes emplois ; participation au projet Recap (renforcer les capacités pour la production et l’analyse des indicateurs du travail décent) mené par le BIT en 2012 dans le cadre d’un appel d’offre de l’Union européenne ; sur le front analytique, le projet de recherche international d’analyse du secteur informel en Afrique (Unlocking Potential: Tackling economic and social constraints of informal Entrepreneurship in Sub–Saharan Africa ; 2009-2011), financé par la Banque mondiale, a été entièrement basé sur l’exploitation des phases 2 et 3 des enquêtes 1-2-3, tandis que l’exploitation de la phase 1 a donné lieu à un ouvrage de synthèse sur les marchés du travail urbains en Afrique (De Vreyer et Roubaud, 2013) ; enfin, différents volets du projet Nopoor (financé par la Commission européenne dans le cadre du 7^e PCRD) qui porte sur une vingtaine de pays, se sont basés sur les enquêtes 1-2-3 pour mener aussi bien des travaux méthodologiques qu’analytiques suivant une approche comparative ; coordination et participation au programme international Integrating the Informal Economy into the National Accounts (Iena), impliquant sept pays pilotes.

6Dans le même registre, le programme Parstat (Analyse comparative du marché du travail, de l’évolution de la pauvreté en Afrique, 2001-2004) a joué un rôle-clé à l’échelle africaine et internationale. Ce programme d’appui régional à la statistique avait pour ambition, à travers la réalisation des enquêtes 1-2-3, d’améliorer les statistiques sur l’emploi et le secteur informel dans les États membres de l’Uemoa les résultats attendus devant alimenter un instrument de pilotage des économies de la région. Cette opération, commanditée par la commission de l’Uemoa, avec un financement de l’Union européenne, a été confiée à Afristat, qui avec l’appui technique de IRD-Dial, avait pour mission de coordonner les activités réalisées dans chaque pays par l’Institut national de la statistique.

7Par ailleurs, en Amérique latine, la collaboration avec la Communauté andine des nations avec l’appui de la coopération française, puis européenne, une fois posées les bases conceptuelles et méthodologiques, a permis d’avoir un impact sur les pays de la sous-région (Pérou, Bolivie, Colombie, Équateur, Venezuela). Ce partenariat avec un organisme régional avait pour but de favoriser les échanges d’expériences Sud-Sud, notamment entre les INS des pays concernés, l’Inei du Pérou jouant un rôle-pivot, mais aussi d’harmoniser les concepts, définitions, classifications et indicateurs du marché du travail tenant compte de l’emploi informel. L’ensemble des travaux ont été ainsi inscrits dans le cadre du programme statistique communautaire 2000-2004 avec l’organisation par le secrétariat de statistique de la CAN, avec l’appui de la coopération française, de huit rencontres d’experts gouvernementaux en statistiques du secteur informel (de juin 2000 à Caracas à janvier 2004 à Lima), et de la publication d’un ouvrage de synthèse (Herrera et al., 2004). Plus récemment, dans la continuité de la coopération Sud-Sud, l’Inei (en association avec les chercheurs de l’IRD) a contribué à l’animation d’un atelier en Argentine sur l’informel et la comptabilité nationale (dans le cadre du projet Socieux+, 8-12 mai 2017).

8Des collaborations se poursuivent entre les chercheurs de l’IRD et l’AFD, le centre de développement de l’OCDE, le BIT, Paris21, mobilisant les enquêtes de type 1-2-3 pour l’analyse de la pauvreté, de la protection sociale, de l’adéquation de la formation à l’emploi ou plus largement pour favoriser la « statistical litteracy » (capacité à mobiliser des données statistiques pour étudier des phénomènes et éclairer des décisions). Ces différents objectifs prennent tout leur sens dans le cadre des ODD ainsi que dans le contexte de la « révolution des données » (data revolution).

La circulation des connaissances à travers des produits spécifiques pour la communication

9Différents outils/produits de communication ont permis la circulation des connaissances.

10Un film documentaire a été réalisé sur l’informel au Vietnam : Saigon informel : les travailleurs de la zone grise (26 mn, réalisation : Axel Demenet, Vincent Doubrere, Jean-Yves Ricci ; conseil scientifique : François Roubaud). Ce film coproduit par l’IRD en 2016, met en valeur et s’appuie sur les résultats de recherche de ce programme de l’IRD au Vietnam. Il a été coréalisé par un chercheur qui a effectué sa thèse dans ce cadre. Le film décrit les conditions de travail des travailleurs du secteur informel en croisant expériences des acteurs et interviews de scientifiques. Il vise à sensibiliser le grand public et les autorités à un thème souvent ignoré et qui concerne l’ensemble des pays en développement. Ce film a fait l’objet de plusieurs projection-débat en France (notamment dans le cadre du Festival international Jean Rouch en 2016), au Vietnam mais également à Madagascar et en Côte d’Ivoire. Ce documentaire est également un support pédagogique, mobilisé lors de formations, au Nord comme au Sud. Il a notamment été projeté à l’Institut français de Madagascar (IFM) le 12 décembre 2017 lors du cycle de conférences IFM/IRD « Les sciences en image ».

11Les interventions lors d’une conférence sur le secteur informel à l’AFD sont disponibles sur internet : Mireille Razafindrakoto et Jean-Pierre Cling, « Quelle politique pour le secteur informel ? », in ID4D (Ideas4Development.org), 30 octobre 2013.

12Différentes émissions de radio et de télévision ont également servi de courroie de transmission de la méthodologie et des résultats. La dernière en date est la participation de François Roubaud et Mireille Razafindrakoto à l’émission « Sept milliards de voisins » sur RFI, le 22 janvier 2019. La thématique de l’émission était : L’emploi informel dans les pays en développement.

13Il en est de même des nombreux articles de vulgarisation. À titre d’exemples :

• Roubaud F., « Fiscaliser le secteur informel : est-ce souhaitable, est-ce possible ? », mai 1997, Onudi-Challenge, Madagascar, juin 1997, 4 p.

• Roubaud F., « Le travail urbain en Afrique sub-saharienne : l’informalisation de l’économie, le chômage et l’emploi », Dialogue, 4, Dial, décembre 1995 : 5-8.
• Marchés Tropicaux : article sur le Cameroun « Économie et informel : une interview de François Roubaud » (Virginie Gomez : 76-79), 12 janvier 2001.
• De nombreuses fiches d’actualité scientifique de l’IRD dont : Emploi et marché du travail : les premières données statistiques disponibles pour sept capitales africaines, fiche n° 218, janvier 2005.
• Roubaud F., « L’économie informelle est-elle un frein au développement et à la croissance économique ? », Regards croisés sur l’économie, 14, numéro spécial, 2014, Lumières sur les économies souterraines : 109-121.