Petits barrages, grands effets
p. 128-129
Résumé
De la simple citerne au grand barrage, stocker l’eau est indispensable en zone aride : la création de petits barrages s’y est progressivement généralisée au cours des dernières décennies.
Texte intégral
1Dans les années 1980, une forte sécheresse frappe le Sahel. Les scientifiques s’intéressent alors au potentiel agronomique des bas-fonds, zones humides que les populations africaines avaient dû fuir à cause de l’onchocercose. Comme cette maladie est désormais sous contrôle depuis l’élimination du parasite qui en était responsable, des possibilités de mises en valeur nouvelles s’offrent aux populations. Les chercheurs expérimentent alors de nouvelles infrastructures de petite et moyenne taille pour gérer les eaux pluviales : digues filtrantes au Burkina Faso, barrages semi-souterrains au Mali, petits barrages en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Ces recherches essaiment au sein des ONG qui, à leur tour, installent de petites retenues d’eau.
2L’engouement est tel qu’en 1996, des recherches sont engagées sur ces petites retenues au Sahel (Burkina Faso et nord de la Côte d’Ivoire), en Amérique latine (Mexique et Brésil), au Maghreb (Maroc et Tunisie) et au Proche-Orient (Liban), dans un projet pluridisciplinaire « Petits Barrages ». Hydrologues, agronomes et halieutes améliorent les techniques, tandis que géographes, écologues, sociologues et économistes commencent à en jauger les effets. Car depuis les années 1980, ce sont des centaines de milliers de petits barrages qui ont été construits.
••• L’aménagement hydraulique pour la mise en valeur des bas-fonds est au cœur des recherches •••
3Alors que leurs performances économiques sont régulièrement dénoncées comme sous-optimales, les recherches soulignent la valeur de ces petits barrages et démontrent qu’ils constituent un levier efficace d’atténuation des effets des changements globaux. Nombreux et dispersés, ils assurent des services variés (usages domestiques, irrigation, abreuvement du bétail, pêche, recharge des nappes phréatiques, etc.) au plus près des populations rurales. Ce sont de bons pièges à sédiments, qui peuvent ainsi prolonger significativement la durée de vie des grands ouvrages situés plus en aval. Ils constituent aussi des zones humides qui contribuent au maintien de la biodiversité aquatique et terrestre. Les petits barrages participent aujourd’hui à l’aménagement du territoire des régions intertropicales les plus vulnérables.
« Les recherches conduites en Tunisie sur les retenues collinaires ont accompagné un ambitieux projet d’aménagement du territoire porté par le ministère de l’Agriculture. Elles ont permis la création d’un observatoire qui sert de référence pour les projets actuels de gestion conservatoire des eaux et des sols. Les échanges entre scientifiques de Méditerranée, d’Afrique subsaharienne et d’Amérique latine ont aussi mis en exergue le rôle fondamental de ces infrastructures pour le développement durable des zones arides. »
Professeure Akiça Bahri, Institut national agronomique de Tunisie, ex-directrice de l’IWMI pour l’Afrique de l’Ouest et ex-coordinatrice de la Facilité africaine à l’eau à la Banque africaine de développement
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